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DOSSIER x
COMMUNES ET
ENVIRONNEMENT
10€ tarif de soutien – 5€ tarif étudiant, chômeur, faibles revenus - 7€ tarif normal
DANS CE NUMÉRO
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SOMMAIRE OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013
BRÈVES ................................................................................................................................................................................................. 26
VU SUR INTERNET.......................................................................................................................................................................... 29
SCIENCE ET TECHNOLOGIE
PHYSIQUE La recherche et la découverte du boson de Higgs, une aventure humaine exemplaire Gilles Cohen-Tannoudji ....... 30
MATÉRIAUX Métaux et terres rares : l'autre problème de la transition énergétique Bruno Chaudret ............................................... 32
MÉDECINE La procréation médicale assistée : retour d’expérience Dr Michel Limousin ................................................................... 34
INFORMATIQUE L’ordinateur quantique : un domaine de recherche en pleine expansion Manuel Houzet ................................... 36
LIVRES.................................................................................................................................................................................................... 56
POLITIQUE Du côté du PCF et des progressistes................................................................................................................................... 58
HISTOIRE Le cadre de vie, l’environnement, l’écologie et les communistes Luc Foulquier ............................................................ 59
ÉDITORIAL 3
JEAN-FRANÇOIS
BOLZINGER, MEMBRE
DU CONSEIL NATIONAL
DU PCF
POUR UNE ÉCOLOGIE
DU TRAVAIL
Des cadres supérieurs du nucléaire
L
a transition écologique ne peut
être que politique. Il s’agit de pro- déplorent la disparition des disputes
duire et consommer autrement, professionnelles sur la sécurité des cen-
donc d’inscrire l’écologie dans son rap- trales, remplacées par de procédures
port au travail, avec une autre organisa- normatives et comptables. Or la révolu-
tion et d’autres stratégies économiques, tion écologique a besoin de réflexion,
d’en finir avec le management financier, d’innovation et d’investissements. Elle
le Wall Street Management, fondé sur la appelle une conception de l’entreprise
performance financière. différente de la société d’actionnaires.
En ce sens, elle porte son essence révo- Elle induit une entreprise qui soit com-
lutionnaire. La promotion d’un mana- munauté de travail, créative et qui redé-
gement de rupture, de long terme, exige finisse ses liens avec la société. Rendre
donc de définanciariser l’entreprise et le contraignantes les préconisations des
travail. accords de RSE (Responsabilité Sociale
Ce Wall Street management procède par de l’Entreprise) pour qu’elles soient
objectifs quantitatifs de court terme, effectives au niveau des collectifs de tra-
incompatible avec le développement vail permettrait d’aller dans ce sens.
social et durable : il tue le travail et tue
au travail. Il génère la démobilisation, la Cette révolution écologique passe par
non-qualité et provoque des accidents une nouvelle conception de l’industrie
tels celui d’AZF. et impose de faire le choix du progrès
social, scientifique et environnemental.
Mais le partage des rôles qui prévaut est La production marchande incontrôlée
aujourd’hui mortifère : le social aux syn- et le productivisme doivent laisser place
dicats, l’économie aux employeurs, à une production satisfaisant les besoins
l’écologie aux associations extérieures de tous. Une révolution écologique
ou aux départements marketing des démocratique, qui intègre les choix éco-
entreprises ! logiques dans les procès de travail.
Nous avons besoin d’un management
qui prenne en compte le rôle contributif JEAN-FRANÇOIS BOLZINGER
des salariés, conjugue social, économie CO-DIRECTEUR DE PROGRESSISTES
et environnement. Sans reconnaissance
et paiement des qualifications, on ne
peut qu’obtenir une société du low cost,
ignorante des ambitions écologiques.
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Progressistes • Tél. 01 40 40 11 59 • Directeurs de la publication : Jean-François Bolzinger, Jean-Pierre Kahane • Rédacteur en chef : Amar Bellal • Secrétariat
de rédaction : Anne Rivière • Responsable des rubriques : Ivan Lavallée • Comité de rédaction : Jean-Noël Aqua, Aurélie Biancarelli-Lopes, Jean-Claude Cauvin, Marie-
Françoise Courel, Sébastien Elka, Marion Fontaine, Luc Foulquier, Malou Jacob, Michel Limousin, George Matti, Simone Mazauric, Bastien Maraicher, Pierre Serra, Bastien
Tersan • Conception graphique et maquette : Frédo Coyère et Sébastien Thomassey
DOSSIER 5
n COMMUNES ET ENVIRONNEMENT
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DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT
“
ronnementale. Pour revenir à la ques- senter un bilan en matière de biodi-
tion, pour les élus d’une façon générale
cela se traduit par des politiques
publiques plus ou moins élaborées
et par des actes de gestion qui peu-
parisienne, c’est le résultat d’une lutte
“
La réintroduction du tramway en région
“
d’une commune les possibilités sont
pic noir est restreintes et ce d’autant plus lorsque
Nous avons contribué à la création du Syndicat régulièrement
Interdépartemental de l’Assainissement en région Parisienne le budget du ministère de l’écologie
observé dans le
est une nouvelle fois fortement raboté.
“
(SIAAP) – le plus important d’Europe – aujourd’hui dirigé par un
élu communiste, Maurice Ouzoulias, afin d’agir pour un retour de
la qualité du milieu aquatique (Seine et Marne). Pari réussi, car
la Seine accueille à nouveau des espèces aquatiques qui avaient
parc de La
Courneuve.
Il fait partie des
140 espèces
d'oiseaux
Pour toutes ces raisons il est urgent
de sortir des politiques d’austérité,
de penser un autre partage des
richesses, de donner un autre rôle à
totalement disparu. répertoriés l’euro. Une autre politique de crédit
du site.
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DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT
“ “
ne-s de comprendre et d’en maîtri-
Jusqu’en 2008 la Durant les mêmes années quatre-vingt
ser les enjeux. Un choix démocra-
Seine-Saint-Denis a organisé
la plus grande manifestation
citoyenne, associative et de
services publics à l’initiative
tique demande des citoyens docu-
mentés et associés à toutes les phases
du projet, de l’idée à sa réalisation.
Pour réussir la démarche doit être
“
les maires communistes de la région
parisienne se sont engagés dans un audacieux
programme de géothermie pour alimenter les
réseaux de chaleur de leur commune sans
d’une collectivité d’Île-de- conçue comme un élément à part aucune aide financière !
entière du projet. Sans cela le camp
France : la Biennale de
de la peur, de l’opposition politi-
l’environnement… cienne (surtout à la veille d’élections) ticien où les opposants jouent sur
brutalement interrompue risque de l’emporter ou pour le moins les peurs et l’irrationnel. Finalement
suite à l’arrivée d’un
“
président socialiste, alors
que le Val de Marne poursuit
et développe son Festival
de « polluer » la véritable perception
des objectifs poursuivis. Quant aux
formes, elles sont multiples : confé-
rences d’information par le promo-
teur du projet, ateliers de concerta-
on se rend compte que répondre à
toutes les questions et associer la
population sont un gain de temps et
un atout pour la réussite, car cela
demande d’aller au-delà du projet
citoyen de l’OH ! tion, publications électroniques et lui-même et de bâtir avec tous les
papier, compte rendu régulier de réponses à un enjeu de société. Que
doit pouvoir intégrer plus fortement l’avancée du projet etc.… faisons-nous de nos déchets ména-
des critères environnementaux. Les Pour ce qui concerne les commu- gers alors que la loi interdit de les
taux seraient d’autant plus bas que nistes notre ambition est de co-éla- verser dorénavant en décharge et
seraient importantes les dimensions borer les projets. Cela demande un que les capacités d’incinération en
environnementales. Enfin pour contri- haut niveau de responsabilisation Ile de France sont suffisantes ? Nous
buer au débat sur la décroissance la de toutes les parties engagées. C’est voulons faire le choix que les déchets
réduction des dépenses d’armement ce que nous faisons au Blanc Mesnil soient considérés comme des pro-
pourrait utilement être reportée sur (93) pour la réalisation d’un écopôle duits utiles au développement humain
l’écologie. qui regroupe une usine d’assainis- Réseau de durable en contribuant utilement à
sement du SIAAP et une usine de chaleur en zone la lutte contre le réchauffement cli-
Progressistes : Une réponse à un problème méthanisation du SYTOM. Cette der- urbaine (shéma matique par le captage du méthane.
écologique légitime peut créer d’autres nière est au cœur d’un conflit poli- de principe).
types de nuisances qu’on accepte diffici- Progressistes : La France connaît une grave
lement : par exemple la présence d’usine crise industrielle avec des fermetures
de méthanisation pour traiter les déchets d’usines qui se multiplient. Comment mener
plutôt que de les enfouir. Comment alors des luttes pour maintenir ces outils de pro-
organiser une consultation démocratique duction tout en veillant à tenir un discours
sur des sujets aussi sensibles, sans tom- d’avenir sur leur nécessaire évolution ? N’y
ber dans l’instrumentalisation des peurs a-t-il pas un risque d’apparaître comme
et n’intéresser que les « anti », avec à la de simples défenseurs du statu quo ?
clé le blocage de tous ces projets ?
HB : Les communistes aspirent à l’éla-
HB : La démocratie n’est pas un but boration d’un nouveau mode de pro-
mais un moyen d’avancer ensemble duction et de consommation qui sorte
pour le bien de tous et de la planète. la société du productivisme capita-
Tout projet requiert de l’information liste. La planification écologique et
afin de permettre à nos concitoyen- démocratique est la méthode pour
dépasser le système productif actuel
afin d’en bâtir un nouveau qui res-
GÉOTHERMIE, ÉNERGIE VERTE ET COMMUNISME pecte la planète et préserve les res-
Dès le choc pétrolier de 1973 les collectivités ont dû réflé- titude qu’à long terme ils étaient dans le vrai a soutenu
“
chir sur l’approvisionnement en énergie. Les maires des cette vision et poussé la réalisation à son aboutissement.
villes du Val-de-Marne Chevilly La Rue, L’Haÿ-les-Roses, Aujourd’hui les villes concernées disposent là du moyen À l’échelle d’une
Villejuif, soutenues par la majorité communiste du conseil de chauffage le moins cher et le plus écologique dont on commune les possibilités
général ont su dès 1983 parier sur la géothermie quand, puisse disposer en Île de France qui alimente 45 000 per-
après un enthousiasme d’annonce, d’autres renonçaient sonnes dans 19 200 logements HLM, et ce grâce à un sont restreintes et ce d’autant
devant les difficultés dues au financement difficile (taux organisme de service public intercommunal. Le danger plus lorsque le budget du
d’intérêt à deux chiffres) et au pari technologique (forages étant que cette énergie non émettrice de GES, étant envi-
à 1 800-2 000 m) car la technologie n’était pas vraiment
mature et rencontrait de nombreux problèmes tels la cor-
rosion des tuyaux. Il fallut batailler ferme pour obtenir une
TVA réduite et la désindexation des prix de la ressource
sur celui du pétrole. La vision écologique à long terme
ron 25 % moins chère que le gaz et quasi inépuisable,
excite les appétits privés, GDF-suez ou Véolia veillent au
grain. Seule une gestion publique peut garantir que les
bénéficiaires en seront les utilisateurs et que ces « gains
de productivité » comme il est de bon ton de dire n’iront
ministère de l’écologie est
une nouvelle fois fortement
raboté. Pour toutes ces
raisons il est urgent de sortir
“
des maires concernés, aucune émission de CO2 et la cer- pas aux dividendes de quelques-uns.
des politiques d’austérité.
“
de l‘humanité. Si chaque source d’éner- Tout projet requiert de l’information afin de
gie présente des avantages il est urgent
permettre à nos concitoyen-ne-s de comprendre
d’engager un processus de réduction
progressive mais continue des éner-
gies carbonées (gaz, pétrole, char-
bon : celles qui produisent les gaz à
effet de serre). Un autre mix énergé-
“
et d’en maîtriser les enjeux. Sans cela le camp
de la peur, de l’opposition politicienne (surtout à
la veille d’élections) risque de l’emporter ou
pour le moins de « polluer » la véritable
Votre revue est également
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tique est à l’ordre du jour. Pour ce qui perception des objectifs poursuivis.
nous concerne nous préconisons un
sur www.progressistes.pcf.fr
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DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT
“
Rieubon, des marins pêcheurs CGT ration politique visant l’entreprise
Le gouvernement craint que l’étang de
qui barrent le Golfe de Fos, des syn- publique.
dicats de la zone et même des curés Berre ne devienne un deuxième « Larzac ». Dans ce contexte, les communistes
qui sonnent le tocsin ! Sous la pression du mouvement emmené par se retrouvent isolés et sur la défen-
Les années 1970 voient le dévelop-
pement des préoccupations environ-
nementales et la multiplication des
contestations, par exemple contre
l’implantation militaire sur le plateau
“
les communistes, il décide donc la création
d'un SPPPI (Secrétariat permanent pour la
prévention des pollutions industrielles), auquel
est confiée l'information préventive sur le
sive. Sans doute y a-t-il des actions
entamées par le syndicat CGT-EDF
et par le MLNE (le Mouvement natio-
nal de lutte pour l’environnement,
créé en 1981) : pétition, manifesta-
du Larzac. Le gouvernement craint
risque industriel. tion relayée par une proposition de
11
“
fonction en rente politique, encore sève de tout cela. Ce sont pourtant
Ce sont pourtant les augmentée quand il accède à la pré- les idées que les communistes avan-
idées que les communistes sidence d’AIRFOBEP, ce qui fait de çaient qui l’ont emporté, mais ce sont
lui l’acteur local incontournable sur leurs opposants qui en tirent profit
avançaient qui l’ont emporté,
mais c’est leurs opposants
qui en tirent profit pour se
présenter en sauveur de
“ l’environnement industriel.
Toutes les études techniques et socio-
économiques confirment entre-temps
la faisabilité et la rentabilité des tra-
pour se présenter en sauveur de l’en-
vironnement régional.
Dans la période qui vient, les com-
munistes et progressistes de la région
l’environnement régional. vaux envisagés. Un vrai projet d’amé- sauront-ils redonner vie à un projet
nagement régional apparaît. L’obstacle qui fasse converger les multiples luttes
est celui du financement, dans un environnementales sur la pollution
loi du député puis du sénateur com- temps où chacun agite la « rigueur » et la santé, sur les risques industriels,
muniste local. Reste que c’est la cam- ou le « sérieux » budgétaire… De nou- sur l'aménagement équilibré du ter-
pagne adverse qui marque. Les mani- velles études sont alors comman- ritoire ? Seule cette convergence,
festations pour « fermer la centrale » dées, ce qui fait s’enliser la situation. autour de l’idée d’une maîtrise des
sont emmenées par le Parti socialiste Cet enlisement est accentué par l’af- rapports entre la société locale et son
et aboutissent à rassembler, dans une fadissement ou la disparition des environnement, est susceptible de
Union sacrée bien ambiguë, tout l’arc mouvements de luttes, aussi bien en relancer un mouvement d’ensemble
politique contre les communistes, raison de la désillusion générale que d’une population qui, il y a plus de
notamment ceux de Martigues. Le de l’affaiblissement des communistes. 40 ans, a réussi à innover. n
tout débouche sur un référendum Ces luttes avaient pourtant connu
local visant la centrale et l’escalade un bel essor, et les communistes *JEAN-CLAUDE CHEINET est membre de
continue. Des menaces de plasticage avaient su leur donner une visée géné- la commission écologie du PCF. Il est l'an-
sont proférées et on va même jusqu’à rale de transformation du cadre de cien président du CYPRES (Centre d'infor-
détériorer une sculpture devant l’en- vie et de travail. La réduction de cette mation pour la prévention des risques
trée de la centrale, et ce en présence ambition à la préservation écologique majeurs), militant pour la sûreté indus-
du député PS. Cependant le lende- de l’étang, et aussi à la consolidation trielle.
main de cet épisode, l’explosion à électorale de certains élus, tarit la
proximité d’une raffinerie, entraînant
la mort de 9 personnes, contribue à
ramener sur terre quelques-uns.
L’instrumentalisation politique ne
s’arrête pas là. Un député de droite
CAMILLE VALLIN : FIGURE DE LA LUTTE POUR
s’empare entre-temps à son tour du LA PROTECTION DU RHÔNE
sujet et, reprenant une idée de la pro- Au début des années 1970 émergent les préoccupations réunissant tous les maires, de toutes opinions, de Lyon
position de loi communiste, il lance écologiques, même si cela concerne surtout des asso- à Montélimar et il encourage les maires des communes
la création de l’EPAREB, établisse- ciations et des personnalités. L’ONU lance une première en amont et en aval à se réunir eux aussi. La pollution
conférence mondiale à Stockholm en 1972. À l’ordre du du Rhône étant une réalité sur l’ensemble de son par-
ment public administratif chargé de jour : développement et écologie, avenir de l’homme et cours, l’action doit se mener à ses yeux de la source à la
l’aménagement des rives de l’étang. de la planète. Mais cette conférence ne mobilise que très mer, notamment pour contraindre les communes et les
Il faut attendre l’arrivée de la gauche peu les gouvernements. C’est malgré tout dans cette entreprises à traiter et épurer leurs rejets d’eaux usées.
plurielle, à la fin des années 1990, période que se créent les premiers ministères de l’envi-
ronnement. C’est le cas en France en 1971, tandis qu’aux Mais pour Camille Vallin la bataille pour la protection du
pour que soit créée une nouvelle struc- élections présidentielles de 1974 il y a pour la première Rhône mérite d’être élargie à tous les fleuves. Il s’adresse
ture : le GIPREB. fois un candidat écologiste : René Dumont. aux maires communistes concernés, sans grand succès.
Il décide alors d’alerter la direction nationale du PCF.
Le Parti communiste est souvent accusé d’avoir pris tar- Cependant c’est seulement au début des années 1980
D'UNE PHASE TECHNIQUE À UNE divement en compte les problèmes environnementaux. qu’il est entendu et, qu’à l’initiative de Mireille Bertrand
RENTE POLITIQUE (DES ANNÉES Mais s’il y a eu des hésitations, elles ont été le fait de et Andrée Lefrère, un groupe de travail est constitué afin
2000 À NOS JOURS) tous les partis. En réalité, dès cette période le PCF com- que le parti se saisisse pleinement de ces questions et
Le nouveau GIP (groupement d’in- mence à mettre l’accent sur l’écologie. En 1976, lors qu’en même temps il impulse la création d’une associa-
d’une élection partielle à Tours, il présente même un spé- tion écologiste nationale plaçant « l’homme » au centre
térêt public) mène une concertation cialiste en la matière, le professeur Vincent Labeyrie, bio- de la lutte pour l’avenir de la planète. C’est ainsi que
qui débouche sur un consensus autour logiste et précurseur de l’écologie politique. Dans le même Camille Vallin et le professeur René Nozeran président à
de la réalisation de travaux de déri- temps des élus locaux, confrontés aux problèmes de pol- la création du Mouvement national de lutte pour l’envi-
vation des eaux du canal usinier vers lution commencent à s’organiser et à organiser la popu- ronnement (MNLE) qui affiche clairement les choses à
lation. Très vite ils démontrent que la protection de l’en- son congrès constitutif en 1981 : « L’homme maître ou
le Rhône, avec la possibilité de récu- vironnement ne peut trouver de réponse qu’en se prolongeant esclave de son environnement ».
pérer au passage une bonne partie au plan national. Ainsi, par sa ténacité, Camille Vallin a réussi à mobiliser
de la production électrique. Dans le le Parti, mais aussi et surtout des militants associatifs,
même temps, les manifestations contre C’est ce que comprend Camille Vallin, maire communiste des élus, des syndicalistes, des scientifiques sur ces ques-
de Givors entre 1953 et 1993. Après avoir agi pour pro- tions écologiques qui ont pris l’importance que l’on sait
la centrale s'estompent et ce d'au- téger sa ville des inondations, il décide de s’attaquer au aujourd’hui.
tant plus vite que c’est le maire PS de problème global posé par les différentes formes de pol- GUY LÉGER, président d’honneur du MNLE
Berre, ancien fer de lance de la contes- lution du Rhône. Il constitue à cet effet une association Ancien adjoint au maire de Pantin
tation, qui devient le président du
GIPREB. Il transforme très vite cette
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DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT
PAR ALAIN ROUAULT *,, même modèle (élimination des déchets tion des lobbies rendent plus difficile
via la décharge, incinération), diver- l'implantation d’équipements pour-
L
a collecte et l’élimination des sifié ces dernières décennies avec le tant indispensables.
déchets ménagers sont, par la recyclage (centre de tri) et le traite-
loi, dévolues aux communes, ment de l'organique (compostage – FACE À CES DÉFIS, LES TENANTS
il revient aux élus locaux de mettre en méthanisation). DU LIBÉRALISME PRÉCONISENT DE
place les structures adaptées. Les lois LAISSER FAIRE LE PRIVÉ
“
“
« Grenelle » incitent au recyclage et au Les déchets ménagers ont longtemps
traitement de proximité. Aussi les Est-il préférable que le papier que nous été abordés sous l'angle de la contrainte,
déchets occupent-ils une place impor- recyclons serve au maintien de papeteries en « ce dont on doit se débarrasser ».
tante dans les projets de territoire. France ou en Europe plutôt que d'être livré au Aujourd’hui, les choses doivent être
Les communes, suivant leurs condi- revues sous l'angle de l'opportunité
« marché » et partir en Chine ?
tions locales, ont confié tout ou par- en privilégiant la valorisation au détri-
tie de leurs compétences à des struc- ment de l’élimination du déchet et
tures intercommunales comme des Mais les défis demeurent : dégager une opportunité pour le déve-
syndicats de collecte, ou aux commu- • financiers, le traitement coûte de loppement local puisqu'il s'agit d'une
nautés d'agglomération. La cohérence plus en plus cher ; ressource locale « fatale » non délo-
globale du schéma de gestion des • démocratiques, la taille, la techni- calisable.
déchets est à la charge du Conseil cité, et le montant des investissements Les déchets sont des produits en fin
Général (à l’exception du Conseil conduisent souvent à laisser aux opé- de vie dont le détenteur n'a plus l'uti-
Régional d’Ile de France). rateurs privés une part importante lité. Mais le produit a-t-il encore une
Il en résulte une grande diversité de de nos prérogatives ; valeur d'usage ? Derrière cela c’est la
structures et de moyens de traite- • environnementaux, les nouvelles question du réemploi avec la créa-
ments, qui ont longtemps suivi un sensibilités des populations et l'ac- tion de ressourceries qui, en s'ap-
puyant sur l'économie sociale et soli-
daire, permettent de développer de
PÔLE MULTIFILIÈRES À CLERMONT FERRAND : l'emploi et de fournir des produits
MIEUX VALORISER NOS DÉCHETS utiles aux publics en difficulté. C'est
aussi la possibilité de relancer le sec-
Dans le Puy de Dôme, sur la base du Plan Départemental La création d’un réseau de chaleur est une opportunité à teur de la réparation.
d’élimination des déchets, un projet multifilières va démar- saisir car seulement 25 % du potentiel énergétique de
rer d’ici la fin de l’année - première installation de ce type l’Unité sera utilisé lors de sa mise en fonctionnement.
Les matières premières qui compo-
en France, qui va permettre une valorisation de 70 % des Le traitement des déchets est une réponse concrète aux sent les produits sont pour beaucoup
déchets contre 40 % actuellement. nouveaux défis que pose la question de la transition éner- récupérables. Pour cela la collecte
Pour cela, les onze syndicats de collecte se sont regrou- gétique. Tout en traitant de manière novatrice les déchets sélective et le tri sont autant d'oppor-
pés dans un syndicat interdépartemental : le VALTOM. des 650 000 habitants, le VALTOM contribue à la réduc-
Comme dans beaucoup de collectivités, la politique de tion des émissions des gaz à effets de serre. tunités pour l'emploi local. De plus
prévention est dynamique : utilisation de près de 40 000 Évidemment, ce projet fera l’objet d’un contrôle perma- ces matières premières récupérées
composteurs individuels par les familles, développement nent. Pour cela, le VALTOM a mis en place une déléga- peuvent être remises sur le marché
du compostage en pied d’immeuble, collecte de tri au tion de service public (DSP), et c’est VERNEA, filiale de ou au service de projets de dévelop-
porte à porte pour 90 % des foyers. De 2002 à 2011, la SITA France qui a remporté le marché avec un cahier des
part de valorisation matière et de valorisation biologique charges très strict. Le VALTOM se dote ainsi de moyens pement local. Les métaux, les plas-
a progressé d’environ 10 %. pour assurer un contrôle rigoureux de cette DSP. tiques, les papiers, le verre vont être
Enfin, c’est dans le traitement des déchets « résiduels » Quant à l’impact financier il est évalué à 10 €/ hab. / an à l'origine de nouveaux produits. Où
que VALTOM apporte des éléments de réponse intéres- en moyenne sur le territoire. Pour beaucoup d’habitants,
et comment seront ils fabriqués sont
sants, avec un objectif de valorisation à 70 %. cette solution départementale est une opportunité face
L’unité de traitements multifilières comprend : une plate- au coût élevé des installations spécifiques et de plus cela autant de questions pour les élus
forme de traitement préalable de Tri, permettant une sta- va permettre d’optimiser les transports. locaux.
bilisation biologique des déchets « humides » résiduels, Ainsi à partir de ce plan départemental cohérent et auda-
une Unité de Valorisation Energétique, qui produira de l’élec- cieux, de la volonté forte des élus des onze syndicats de
tricité, un Méthaniseur, et une plate-forme de compostage. collecte des déchets du Puy de Dôme et d’une partie de Une ressource énergétique: Les déchets,
La valorisation énergétique s’annonce intéressante et évo- la Haute Loire, et malgré de nombreux retards et oppo- c'est aussi une source d'énergie récu-
lutive. Avec 150 000 tonnes incinérées, seront produits sitions, l’élimination des déchets dans le Puy de Dôme pérable par incinération en produi-
120 000 MWh, soit 70 000 habitants éclairés. De plus, va se conjuguer avec le développement durable. sant de l'électricité et de la chaleur
une plateforme dédiée permettra de produire 32 000
tonnes/an de mâchefers. Quant à la valorisation biolo- JEAN-CLAUDE JACOB est Conseiller pour le chauffage urbain ou des indus-
gique, c’est 11 000 MWh d’énergie produite. municipal de Riom. tries fortement consommatrices.
À l'heure du débat sur la transition
13
14
DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT
PAR AMAR BELLAL*, Premièrement, un ensemble de comme Paris aurait ainsi un bilan
mesures conduisent à une baisse de moins lourd dans le cas d’une
Les PCET, visant à limiter la crise cli- « Les trois 20 » la consommation électrique tou- approche de type cadastral que si
matique, s’inscrivent dans le cadre d’ici 2020 : 20 % chant le volet énergie du plan, mais elle avait opté pour une approche
des objectifs du Grenelle de l’envi- de GES en moins, avec un impact assez faible sur le plus globale incluant toutes les indus-
ronnement et des différentes confé- 20 % d’énergie réchauffement climatique du fait du tries, les surfaces agricoles et les sys-
rences internationales sur le climat renouvelable, « mix » électrique français très peu tèmes de production d’électricité
20 % d’économie
ainsi que des objectifs des trois « 20 d’énergie. carboné (hydraulique et nucléaire à extérieurs à la ville et néanmoins
» que s’est fixé l’Union européenne plus de 95 %). Deuxièmement, des nécessaires à la consommation de
d’ici à 2020 : 20 % de GES en moins, mesures favorisent la voiture élec- ses deux millions d’habitants.
20 % d’énergie renouvelable, 20 % trique en remplacement des voitures L’approche globale est bien évidem-
d’économie d’énergie. Pourquoi des à essence et au gazole, ce qui modi- ment beaucoup plus complète et
plans territoriaux ? La raison invo- fie peu la consommation d’énergie interroge plus profondément le mode
quée est la nécessité de lancer une mais réduit les dégagements de GES. de développement de nos sociétés.
dynamique qui ne soit pas simple- Troisièmement, les deux postes s’ajou- En effet, les délocalisations indus-
ment impulsée d’en haut et de rap- tent, comme, par exemple, des trielles entraînent également une
procher les lieux de décision de leurs mesures incitant à faire des travaux délocalisation de la pollution. La fer-
applications concrètes pour une plus d’isolation dans un appartement meture d’une aciérie améliorera gran-
grande efficacité. Cet objectif se chauffé au gaz. dement le bilan carbone d’un terri-
heurte aux capacités de financement toire et sa délocalisation en Inde ou
limitées des collectivités et aux nom- APPROCHE GLOBALE, APPROCHE au Brésil ne changera rien au climat,
breux leviers qui doivent être du res- CADASTRALE. sans parler de tous les dégâts sociaux
sort des politiques nationales et L’approche « cadastrale » consiste, que cela engendre.
même européennes (financement, dans le jargon de l'Ademe (Agence
réglementation, services publics, for- de l’environnement et de la maîtrise MESURES PRÉVENTIVES,
mation…). Il est néanmoins utile de l’énergie), à recenser les postes CURATIVES.
d’examiner la logique de ces PCET les plus émetteurs de GES et d’éner- Les PCET ne sont pas uniquement
et de s’y impliquer car cela reste une gie sur un territoire donné de la col- des plans de type « préventif » visant
expérience possible de co-élabora- lectivité, dans tous les secteurs d’im- à limiter l’impact sur le climat. Un
tion démocratique avec les citoyens portance : bâtiment, transport, exemple de mesure préventive consiste
sur un territoire donné. industrie, service, agriculture… Cette à installer des chauffe-eau solaires,
logique strictement territoriale ne sans conséquence bénéfique directe
PCET : « C » COMME CLIMAT ET comptabilise que le bilan direct. et visible à l’échelle du territoire en
« E » COMME ÉNERGIE L’approche « globale » consiste à question. L’impact sera en effet glo-
Tout d’abord, les PCET compren- ajouter au bilan directement impu- bal, partagé par l’ensemble de la pla-
nent deux grands aspects : le climat table au territoire celui provenant nète et très largement étalé dans le
et l’énergie qui ne recouvrent pas de l’extérieur par le biais de ses impor- temps. Mais les PCET comportent
tout à fait les mêmes enjeux et sont, tations. Ainsi, tous les produits impor- également des mesures de type «
de fait, souvent confondus. Le « C » tés seront pris en compte dans le curatif » qui entrent dans une logique
de climat renvoie à la nécessité de bilan énergétique et climatique : de réparation des dégâts liés au
limiter les émissions de gaz à effet transport et fabrication. Une ville réchauffement climatique sur le ter-
de serre (CO2, méthane, ozone…), ritoire. Une analyse peut ainsi être
“
ce qui suppose prioritairement de faite de la vulnérabilité du territoire
limiter les énergies carbonées (char- L’approche « globale » consiste à ajouter en question afin de prévoir des
bon, gaz, pétrole). Le « É » de Éner- au bilan directement imputable au territoire mesures pour anticiper le manque
gie consiste à diminuer la consom-
mation énergétique indépendamment
de l’impact en GES de celle-ci. La
nuance est très importante et va
influer sur l’approche générale des
évidemment beaucoup plus complète et
interroge plus profondément le mode de
“
celui provenant de l’extérieur par le biais de
ses importations… L’approche globale est bien
d’eau, la baisse des rendements agri-
coles, le changement des types d’ar-
chitecture, les problèmes sanitaires
liés aux canicules, les maladies nou-
velles… Cela pose le problème de
mesures à prendre. Trois exemples développement de nos sociétés. l’inégalité face aux moyens dont on
illustrent cette démarche. dispose : ceux qui auront les moyens
15
Tiré du rapport du GIEC 2013 /Cartes des moyennes pour la période 1986-2005 et 2081-2100 pour le changement de la température en surface.
16
DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT
17
SE
“
“
À noter que la progression de la fré- VELÔ-TOULOUSE,
quentation du réseau de transports est un système 40 % des tués dans la Communauté urbaine le sont en deux
en commun se fait sur la base de tous de location roues. Nous avons travaillé durant ce mandat avec la Fédération
les modes : métro, tram bus et le TAD automatique Française des Motards sur des campagnes de prévention.
similaire au
(Transport à la demande).
Vélo'v lyonnais
Ce débat se complète par la politique ou au Vélib'
du stationnement en centre-ville où parisien. Fédération Française des Motards toutes les parties prenaient des enga-
nous avons continué et élargi dans sur des campagnes de prévention, gements. Cette charte a été conclue
le centre, et là où c'est nécessaire, la et dans le cadre de la semaine de la et votée en séance du Conseil
mise en place du stationnement ONCOPOLE : site mobilité, l'effort a porté essentielle- Municipal en juin 2012 et signée
payant avec un tarif préférentiel pour de 220 hectares ment sur la prévention. Tous les ans solennellement en septembre 2012
les résidents, pour les services à la situé au cœur de nous coorganisons avec la police, la par les représentants des partici-
personne et pour le maintien à domi- Toulouse dédié à gendarmerie, les fédérations et asso- pants. Depuis, nous nous revoyons
la lutte contre le
cile. Là aussi, le débat est ouvert, des ciations de motards, le « Printemps tous les 3-4 mois pour faire le bilan
cancer.
habitants de certaines rues font des des Motards » événement festif qui de la mise en œuvre et pour modi-
pétitions pour nous le demander, a réuni cette année plus de 2500 per- fier ou compléter certains aspects.
d'autres le refusent, et à ce jour, tout SICOVAL : sonnes pour faire la fête sur un fond Lors de la première réunion, nous
le centre-ville est couvert ce qui per- Communauté d'éducation à la prévention. étions une trentaine, rapidement ce
d'agglomération
met de limiter les flux de voitures qui chiffre a doublé et même aujourd'hui
du Sud-Est
asphyxiaient le centre-ville et nous Toulousain qui UN ATELIER SUR LES pour les réunions de mise au point,
avons inauguré le 15 juillet la pié- regroupait LIVRAISONS EN VILLE nous sommes encore une cinquan-
tonnisation de la place du Capitole 66 933 hab. avec J'ai pu aussi animer un atelier sur les taine. Je dois dire que toutes les par-
et de quelques rues autour, chose 36 communes. livraisons en centre-ville. Il existait ties ont joué le jeu. Aujourd'hui la
impensable il y a 10 ans. une charte de livraisons qui n'était plus grosse difficulté rencontrée par
• Les zones limitées à 30 km/h : Nous respectée par personne et j'ai pro- les transporteurs est l'obtention de
LE TRANSPORT
progressons dans leur déploiement posé de lancer une réflexion avec véhicules de livraisons électriques
À LA DEMANDE
en fonction de la demande des habi- (TAD) est un tous les intéressés sur ce sujet: trans- et l'installation chez eux de bornes
tants, contrairement à d'autres villes service de porteurs individuels, avec leurs syn- de recharges avec une fourniture
qui avaient fait de grandes annonces minibus flexible dicats, la chambre de commerce, d'énergie suffisante. Devant les délais
et ont organisé des référendums pouvant l'Etat et les services de la ville. Nous de fabrication, nous sommes obli-
généraux qu'elles ont perdus. nécessiter une avons fait faire un bilan des pratiques gés d'accorder des dérogations pour
• La prévention, axe très important réservation par un bureau d'études, bilan par- les véhicules thermiques. Que fait
préalable (selon
Nous avons diminué sensiblement tagé par les intéressés et à partir de notre industrie ? n
le trajet), adapté
le nombre d'accidents. 40 % des tués à la desserte des là nous avons lancé des ateliers pour
dans la Communauté urbaine le sont zones rurales ou travailler sur les différents aspects *BERNARD MARQUIE est Maire Adjoint
en deux roues motorisés. Nous avons de moyenne que revêt la livraison en ville et nous PCF et délégué à la Communauté urbaine
travaillé durant ce mandat avec la densité. avons coécrit une charte dans laquelle ToulousevMétropole.
18
DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT
L
es mots de l’écologie politique sertion dans les marchés publics quand
Pierre-Alain Millet,
sont désormais omniprésents en visite dans le les agglomérations se vident de leur
dans le quotidien à travers quartier « les industrie ? Plus généralement, le dis-
l’énergie, les déchets, la consomma- grandes terres », cours du « geste qui sauve la planète »,
tion, les déplacements… Mais les surface agricoles est un contresens qui ne peut ras-
questions et les réponses semblent à quelques pas sembler de vraies majorités. Les citoyens
être en dehors des contradictions du quartier des savent bien que les enjeux planétaires
minguettes.
sociales, et développent à la fois un relèvent de choix de société, et notam-
« capitalisme vert » et la dénoncia- ment de la place des multinationales!
tion de techniques pour elles-mêmes, Ainsi de la gestion des déchets et de
masquant les intérêts privés qui les la propreté urbaine. Vénissieux a fait
utilisent, ou au mieux les confondant. moyens sont divers, mais ils mar- l’expérience d’une action de commu-
Il est essentiel aux communistes de quent le lien politique entre la ville et nication massive sur le tri sélectif des
comprendre les enjeux de classe des ses habitants. déchets, porte à porte géant, diffu-
questions écologiques et ils ont un Nous avons appris l’importance de sion de 10 000 sacs de tri… avec un
partir des questions concrètes sans résultat très positif. Mais il a fallu dis-
jamais masquer les contradictions et cuter des améliorations nécessaires
“ Vénissieux : 107 actions locales, réseau la diversité des points de vue et des du service public, du bailleur jusqu’aux
de chaleur et réduction des consommations, priorités, et donc de construire une services de collecte, et des objectifs
critique des discours diffusés par les affichés de réduction des déchets
jardins collectifs et évolution des pratiques de politiques publiques, notamment ménagers, jusqu’où ? Les écologistes
jardinage, plan de déplacements et
“
développement des modes doux, charte des
antennes relais, bio dans la cuisine centrale,
défense de l’industrie et actions pour la qualité
issus du Grenelle. Le concours «familles
à énergie positive » par exemple est
conçu pour des maisons individuelles
maîtrisant leur chauffage. Comment
demandent «toujours moins», comme
si la consommation était malsaine,
oubliant que les déchets sont aussi
une ressource, pour le recyclage et la
de l’air. s’en servir en habitat collectif avec valorisation énergétique! Nous défen-
réseau de chaleur ? Le passeport sco- dons une politique de co-responsa-
laire écocitoyen réalisé avec l’éduca- bilité du citoyen, du service public,
riche terrain d’expérience dans leurs tion nationale par le Grand Lyon tient jusqu’au commerce et la grande dis-
pratiques municipales. C’est en 2008 un discours sur la consommation sur- tribution, pour poser les questions
que le maire communiste André Gérin, réaliste pour des enfants en majorité
fait du « défi écologique » un moteur en situation de pauvreté… Ce qui
du projet de mandat de Vénissieux. domine la société, ce sont les inéga-
La ville met en place un conseil citoyen lités. Comment justifier que les « béné-
du développement humain durable, ficiaires » du tarif social de l’électri-
une centaine d’habitants rédigent 107 cité payent les taxes des énergies
actions locales devenues un agenda renouvelables pour financer les pro-
21, réalisées ou engagées aujourd’hui; priétaires qui ont bénéficié de crédits
appropriation citoyenne des enjeux d’impôts ? Comment justifier que la
du réseau de chaleur et de la réduc- réduction des pollutions automobiles
tion des consommations, jardins col-
lectifs et évolution des pratiques de
“
“
jardinage, plan de déplacements et
développement des modes doux, Ce qui domine la société, ce sont les inégalités. Comment
charte des antennes relais, bio dans justifier que les « bénéficiaires » du tarif social de l’électricité
la cuisine centrale, défense de l’in- payent les taxes des énergies renouvelables pour financer les
dustrie et actions pour la qualité de propriétaires qui ont bénéficié de crédits d’impôts ?
l’air… Les thèmes, les échelles, les
19
“
nisseur ! Faut-il contraindre les habi-
20
DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT
A
vec la bataille contre l'installa- nombre des problématiques environ- dizaines de zones humides ont été
tion d'un aéroport à Notre Dame nementales. supprimées dans lesquels vivaient des
des Landes, l'idée de « grands Les fameux «grands projets» sont sou- espèces protégées. Il était donc pos-
projets inutiles » a fait surface et s'est Les zones vent des projets d'aménagement du sible de mettre en échec ce projet auto-
popularisée dans l'opinion publique, humides abritent territoire d’ampleur (aéroport, ligne routier, ou, à tout le moins, demander
nombre de personnes croyant défen- des écosystèmes TGV, autoroute…). Sont-ils inutiles? des modifications de tracé. J’ai tra-
dre des problématiques environne- complexes qu'il Derrière cette inutilité affirmée par les vaillé, avec mon laboratoire de l’époque,
mentales avec ce concept. Grattons convient de « défenseurs de l’environnement » se à proposer des mesures compensa-
préserver.
un peu le vernis de « l'écologiquement cachent plusieurs raisons au refus, cer- toires c’est-à-dire des recréations de
correct » pour regarder sa compatibi- taines avouables, d’autres moins… zones humides pour compenser celles
lité avec le développement durable. Certains refusent les projets par inté- qui étaient détruites. La grande majo-
rêt individuel de propriétaires (on ne rité des espèces que nous surveillions
Dans un premier temps, avant les pro- veut pas avoir de nuisances à côté de sont revenues sur ces nouvelles zones
blématiques environnementales elles- chez soi). Ce qui doit être entendu et humides, de nouvelles se sont instal-
mêmes, il faut bien voir qu'un des peut être résolu. D’autres parce qu’il lées. Foin de scientisme, je ne dis pas
arguments majeurs pour décréter l'inu- y a des impacts environnementaux que tout fonctionne à merveille dans
tilité des grands projets est un argu- négatifs. Mais là encore cela peut être tous les cas, mais cette expérience,
ment économique. On nous assène résolu. D’autres parce qu’ils jugent parmi d’autres, montre qu’il est pos-
que l'heure n'est plus aux grands pro- que le projet en lui-même est inutile. sible de travailler à des mesures com-
jets dispendieux à l'heure de politiques Prenons ces arguments un par un pour pensatoires de qualité qui réduisent
d'austérité sans précédent. Autrement essayer de mettre en place une démarche ou annulent les impacts environne-
dit, c'est une manière de valider l'aus- progressiste soucieuse de l’environ- mentaux. On doit travailler à leur appli-
térité et de renoncer à des projets de nement face à des projets d’aména- cation, avec les compétences des
développement humain! Drôle d'ar- gement du territoire: bureaux d’études en environnement
gument quand il est porté par des gens 1) Vérifier l’utilité sociale, l’intérêt col- et des chercheurs en écologie de la res-
qui se veulent de gauche… Je conteste lectif d’un projet, en faisant abstrac- tauration.
cette idée simpliste, me battant pour tion, dans un premier temps des impacts En conclusion, si les grands projets
une alternative à l'austérité, pour le environnementaux. Tel projet corres- sont réellement inutiles… Point besoin
développement humain, l'humain pond-il exclusivement à l’intérêt finan- de les défendre. S’ils sont utiles (et à
d'abord! cier des grands groupes du BTP ou à c’est sans doute le cas de la plupart
une réelle amélioration du quotidien d’entre eux), rien n'empêche qu’ils
“
des gens? Mais une fois cela fait… soient conçus dans une logique de
Au lieu d'avoir une vision dogmatique
de l'écologie où Homme et Nature sont
incompatibles et opposés, on doit, au contraire,
considérer qu'il ne peut y avoir de respect des
“ 2) Se battre pour le bien-être humain.
Par exemple, exiger des protections
contre les nuisances environnemen-
tales. L’expérience des militants est
développement durable. Il faut sim-
plement créer les rapports de force
pour que les citoyens et les écosys-
tèmes soient respectés dans les pro-
écosystèmes quand l'homme est maltraité. truffée d’exemples où il est possible jets (réduction des nuisances, mesure
d’obtenir une réduction des nuisances de restauration d’écosystèmes). Il n'y
J'y ajoute que, du point de vue du scien- pour le plus grand nombre (murs anti a rien de fondamentalement et irré-
tifique que je suis, l'Homme fait par- bruits, chaussées couvertes, interdic- médiablement incompatible entre
tie de la « Nature », est une des com- tion des vols de nuits…). Cela répond projet de développement humain et
posantes des écosystèmes(1). C'est la à la défense des intérêts individuels et respect de l'environnement. n
définition des biologistes, des éco- est très rassembleur.
logues dont je fais partie. Cela implique Et indissociablement, *ALAIN PAGANO est Maître de confé-
que, au lieu d'avoir une vision dog- 3) Travailler à la minimisation des rences en écologie et membre du conseil
matique de l'écologie où Homme et impacts environnementaux au sens national du PCF.
Nature sont incompatibles et oppo- large. La loi y oblige à travers des mesures
1 : Pour un développement plus long voir un
sés, on doit, au contraire, considérer compensatoires, et la science le per-
article sur ce sujet ici :
qu'il ne peut y avoir de respect des met avec l’écologie de la restauration. http://www.gabrielperi.fr/L-Homme-n-est-pas-
écosystèmes quand l'homme est mal- Qu’il me soit permis de développer ici contre-Nature
21
22
DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT
L E
e Conseil général de l’Allier à majorité communiste s’est n province, le tram-train peut
engagé depuis 2008 dans une démarche de développement jouer un rôle majeur là où ont
et de restructuration de l’agriculture locale, qui se fonde, été abandonnées les lignes de
notamment, sur une politique encou- chemin de fer régionales comme dans
rageant l’approvisionnement de la res- Un exemple de les Landes ou en Gironde. C’est le cas
tauration collective en produits locaux. Tram-train : celui du « petit train » qui faisait le tour du
de l’agglomération
La charte « Produits d’Allier », créée par nantaise. bassin d’Arcachon de Facture-Biganos
le Département, compte désormais de à Lège et remontait sur Lacanau. Un
nombreux signataires. Le président Jean- tram-train, qui peut rouler à la fois
Paul DUFREGNE et les vice-présidents en site propre et sur les rails de RFF
veulent aujourd’hui aller plus loin, afin de faciliter et multiplier permettrait des économies substan-
l’introduction de produits locaux dans les menus proposés en res- tielles en carburant, et en gaz à effet
tauration collective et ainsi soutenir activement les producteurs de serre. Cela faciliterait la vie des très
locaux. Pour cela, le Conseil général de l’Allier va adhérer à l’asso- nombreux résidents qui travaillent
ciation nationale Agrilocal, une initiative originale lancée par le sur l’agglomération bordelaise. Plus
département de la Drôme, qui s’inscrit dans la droite lignée de cette généralement, un tram-train fret per-
politique. 23 collèges du département, les communes de Beaulon met d’acheminer les marchandises
et Prémilhat, le restaurant inter-administratif de Moulins Yzeure, au cœur des villes en utilisant les voies
ainsi que l’Institut de formations interprofessionnelles (IFI 03), du tram-train passagers à des heures
l’entreprise Saveur et Tradition Bocage et un foyer de jeunes tra- creuses.
vailleurs ont signé la Charte Produits d’Allier. Cet outil, créé par le
Conseil général de la Drôme, a été développé avec l’aide du Conseil La loi SRU (art. 97) rend obligatoire
général du Puy-de-Dôme en octobre 2012. Aujourd’hui, 15 Départements une étude d’impact pour les implan-
ont manifesté leur intérêt pour cette idée originale. tations de grandes surfaces commer-
Une association nationale est sur le point de voir le jour, avec pour ciales sur les flux de voitures particu-
objectif d’assurer la promotion des circuits agricoles de proximité, lières et les véhicules de livraison, la
le développement de l’agriculture et le renforcement de l’écono- qualité de la desserte en transports,
mie locale, notamment via la restauration collective. la capacité d’accueil pour le charge-
Cette décision constitue un véritable espoir et exemple d’organi- ment et le déchargement des mar-
sation vertueuse à l’échelle d’un territoire, bénéficiant à l’ensem- chandises.
ble des partenaires.n
Des dispositions réglementaires et
des actions simples doivent être consi-
dérées, comme la réglementation des
LE VÉGÉTAL TÉGÉVAL DU VAL DE MARNE gabarits, conditionner les livraisons
de nuit, dimensionner et gérer cor-
Un jeune cèdre du Liban a été symboliquement planté le
2 octobre au parc Saint Martin de Limeil-Brévannes pour de téléphérique urbain. La réalisation, en cours, de cette rectement les espaces de livraison.
fêter le lancement des travaux de la Tégéval anagramme coulée verte végétale, est due à l’initiative du maire com- Chauffeur-livreur, un vrai métier: une
de végétal, coulée verte destinée aux piétons, joggeurs, muniste de Villeneuve-Saint-Georges, Sylvie Altmann qui des conditions est de considérer le
cyclistes, rollers, poussettes et encore fauteuils roulants, en préside aujourd’hui le syndicat Mixte d’Etudes et de métier de chauffeur livreur comme
qui reliera Créteil à Santeny sur les emprises des délais- Réalisation (SMER), et est financée à 40 % par le Conseil
sés du TGV, réalisation à l’initiative du Conseil Général général du Val de Marne et à 60 % par le Conseil Régional une profession à part entière, néces-
du Val de Marne, destinée aussi à assurer la liaison avec d’Île de France. sitant la redéfinition du métier dans
la coulée verte de Seine-et-Marne. Les travaux concernant la passerelle au-dessus de la N406 les conventions collectives, et de met-
Au programme : 20 km de cheminement arboré qui tra- devaient commencer en septembre 2013, or l’État (qui
versera tous les espaces verts du périmètre depuis la base doit donner son autorisation puisqu’il s’agit d’une natio-
tre en place massivement des forma-
de loisirs de Créteil, le parc départemental, la Plage bleue nale) a demandé une étude complémentaire liée à l’in- tions de chauffeur-livreur correspon-
jusqu’à la forêt Notre-Dame. Destiné aux loisirs, le che- frastructure de la passerelle. Cela a retardé le commen- dantes, en commençant par une
min devrait aussi s’inscrire dans le parcours quotidien cement des travaux dont on peut tout de même espérer formation continue pour tous ceux
jusqu’aux transports en commun avec plusieurs stations. qu’ils démarrent en 2014 et se terminent dans quinze ans,
Le projet est conçu en liaison aussi avec le projet Téléval certaines parties étant bien sûr accessibles avant. déjà en fonction.n
23
N
on, ce n’est pas ce que vous croyez ni même la Politique
Agricole Commune, mais bien la Pompe à Chaleur. Les PACs
aquathermiques sont susceptibles de délivrer des puis-
sances thermiques bien plus importantes (environ 4 fois plus) que
les systèmes classiques pour le chauffage urbain. La production
d’énergie est démultipliée, ainsi avec 100 kWh d’électricité consom-
mée, on fournit 400 kWh de chaleur. Ce type de PAC produit fort
peu de gaz à effet de serre ou de gaz toxique. Leurs avantages sont
variés, de l’indépendance énergétique au faible coût d’exploita-
tion. Leur utilisation va du local individuel, pavillon avec jardin, à
l’immeuble en ville. Mais les installations ne sont pas les mêmes
SE CHAUFFER GRÂCE À NOS EAUX USÉES car il y a deux grands types de PACs aquathermiques. Celle qui va
pomper la chaleur dans la nappe profonde. Le plus souvent, elle
U
tiliser les calories des eaux usées pour alimenter un sys-
pompe de l’eau dans la nappe phréatique, la relève, prélève des
tème de chauffage, couplé à une pompe à chaleur, (cf. calories grâce à la pompe à chaleur proprement dite et rejette l’eau
texte : Nom de code P-A-C, ci-contre) est un procédé qui ainsi refroidie dans la nappe, sans lui avoir fait subir aucun traite-
a de l’avenir. La technique est désormais mise en œuvre pour chauf- ment ni ajouts de quelque adjuvant que ce soit. L’autre type est
fer 15 000 m2 d’une compostière de boues d’eaux usées dans le l’aquathermie horizontale, on devrait sans doute là parler de géo-
quartier nord de Toulouse, Ginestous. Cette innovation a été tes- thermie plutôt. Mais là il faut disposer d’une surface assez impor-
tée depuis 2 ans à Cagnes sur mer. Cette technique permettra d’éco- tante de terrain dénué d’arbres et de construction. Pour ce qui est
nomiser environ 65 000 kW/h sur une année soit environ 34 tonnes de l’habitat collectif, l’utilisation de PACs aquathermiques passe
d’équivalent pétrole (TEP) et aura évité le rejet de 34 tonnes en sans doute par la chaleur contenue dans les eaux usées (cf. texte
moins de rejets de CO2 dans l’atmosphère. Plus généralement, l’uti- ci-contre : Se chauffer grâce à nos eaux usées).n
lisation de la chaleur des unités d’évacuation des eaux usées et des
effluents des agglomérations sont des sources potentielles de cha-
leur qu’il va falloir utiliser dans les années à venir, ainsi que la métha-
nisation des dits effluents, technique qui est au point depuis des ACHÈRES, LA FUTURE PLATE-FORME
décennies, mais malheureusement peu mise en œuvre. À ces gise- PORTUAIRE, PORTE D'ENTRÉE DE PARIS
ments de calories sous nos pieds, il convient d’ajouter aussi les
L
sources d’eau chaude qu’on peut trouver en profondeur ou plus a future plate-forme multimodale (route-eau-fer) d'Achères,
prosaïquement dans les régions volcaniques. La ville de Gennevilliers très bien située à la confluence de la Seine et de l'Oise, devrait
dans la banlieue parisienne a mis en place un réseau de chaleur permettre un triplement du transport fluvial de marchandises
économe en consommation d’énergie qui est basé sur la cogéné- importées du Havre et la création de 3 000 emplois dans les entrepôts
ration. Une expérimentation aussi est en cours sur une technique nou- associés. 13 % de l'approvisionnement de l'Ile de France est déjà
velle, la pyrogazéification, qui serait susceptible de fournir du chauf- réalisé par voie d'eau. Ce sera une plate-forme de près de 400 ha,
fage pour les villes d’Evry et de Courcouronnes.n pour répondre aux objectifs du Grenelle de l'environnement, qui
fixe à 25 % l'augmentation
à réaliser des modes de trans-
ports autres que la route.
DES JARDINS SUR LES TOITS Une consultation publique
I
l y a bien des ruches sur le toit de l’Opéra Garnier à Paris, il va est actuellement en cours.
y avoir des jardins sur les toits de quelques immeubles où les Avec la montée en puissance
abeilles pourront butiner. En effet, le 4 avril 2013 a été inau- des trafics sur l'Axe Seine
guré à Paris, la plus grande terrasse végétalisée sur un toit à Paris, et l'ouverture du canal Seine-
7 000 m2, au sommet du centre Beaugrenelle dans le 15e arrondis- Nord en 2017, Ports de Paris,
sement. Il s’agit là, non seulement d’une première à Paris – alors établissement public por-
qu’un million de m2 de toiture est végétalisé en France –, mais sur- teur du projet, prévoit le
tout d’une tentative d’obtenir une régulation climatique, isolation doublement de la capacité
contre le froid en hiver, et climatisation en été, tout en promou- fluviale, en incluant les outils
vant la biodiversité. Un autre avantage non négligeable de cette logistiques nécessaires. Ce sera une porte d'accès vers le dense
technique, c’est l’isolation sonore qu’elle confère, aussi bien aux réseau des canaux du Nord.
bruits venant de l’extérieur qu’à ceux générés par l’activité du cen- Doit-on cependant ne considérer que les fonctions d'approvision-
tre commercial. À noter aussi sa capacité à retenir l’eau de pluie, nement urbain du bassin francilien avec ses onze millions et demi
jusqu’à 90 %, ce qui évite l’engorgement et qui double en moyenne d'habitants ?
la durée de vie et de l’étanchéité des toitures. Pour attirer les oiseaux La question du rôle des terminaux intérieurs franciliens doit être
de différentes espèces, mésanges, rouges-queues et autres pinsons, posée en coopération avec les différentes parties prenantes, acteurs
les « piafs » de Paris : des nichoirs seront déposés sur la terrasse. économiques et institutionnels, pour éviter les concurrences inef-
Toutefois la démarche est loin d’être évidente, les études ne sont ficaces et optimiser les opérations d'aménagement et les filières
pas toujours fiables ou adaptées selon le Centre scientifique et tech- d'écologie industrielle à organiser : recyclage des voitures, des
nique du bâtiment (CSTB).n déchets, etc.n
24
DOSSIER COMMUNES ET ENVIRONNEMENT
C
omment réduire les nuisances Différentes réponses ont été appor- Les fameux groupement de livraisons, standar-
et aider le développement éco- tées dans le monde à ce type de pro- « derniers disation des conteneurs, et gestion
nomique, comment préserver blème. Outre l’électrification des kilomètres » de des horaires de livraison (10-12h) et
l’équilibre économique des différents véhicules de collecte, de transport livraison... un d’enlèvement (17h). En termes de
espaces : centre-ville, zones d’activité et de livraison, repenser l’espace et problème difficile gestion de l’espace, la ville de
à résoudre.
et périphérie. Pour une ville comme le temps joue un rôle non négligea- La Rochelle a instauré un Centre de
Bordeaux, 51 % des marchandises ache- ble. Réseaux à aspiration pour la col- Distribution Urbain (CDU) qui sert
minées dans la ville le sont par les lecte des déchets dans 400 villes, sys- de relais pour la distribution des mar-
ménages qui émettent ainsi 11 % des tème à aspiration aussi pour les chandises en centre-ville à l’aide de
émissions de CO2. Les livraisons sont transports de fonds des points de véhicules électriques, ce qui permet
faites avec de petits véhicules dans un collecte aux banques, groupement de rationaliser le nombre de véhi-
espace très diversifié de magasins. de stockage pour les magasins avec cules de livraison en circulation.n
M
ai 2009: la gratuité des transports très concret en termes d'évaluation moné- de nouveaux critères possibles de gestion
est mise en place à l'échelle de taire. Moins de trajets en voiture : usure de l'argent public. Une enquête montre
l'agglomération, soit 105 000 moins rapide des chaussées, moins de un report modal de 35 %, soit plus de 5 000
habitants. Un signe fort de politique de places de stationnement à construire, moins voyages en voiture ou moto évités par jour.
déplacement avec un réseau perfor - de CO2. Plus de déplacements : plus de Le matériel est respecté et plus de monde
mant complété par les modes doux : prêt gens au cinéma, dans les commerces, pas en bus, c'est plus de sécurité. C'est du pou-
de vélos gratuit, et projet de deux réseaux de centre-ville réservé à quelques-uns, pas voir d'achat, 600 à 700 euros par an pour
de transport en site propre, dont le futur de communes inaccessibles. On désen- une famille de 4 personnes et l'économie
tramway d'Aubagne, gratuit aussi. clave les cités. Chacun va où il veut, libre. de la deuxième voiture pour de nombreux
Le financement : gratuité totale pour les Nous trouvons normal et bénéfique que foyers, soit 5 200 euros. Elle évite le contrôle,
utilisateurs du réseau, sans carte. Comment? rues et écoles soient d'accès gratuit. Pourquoi qui pointe la hiérarchie des positions
Avec le « versement transport » des entre- pas les transports ? C'est une novation du sociales. Elle n'est pas une gratuité d'ac-
prises. Au-dessus de 10 000 habitants, les service public, non pas en régie, mais avec compagnement pour les plus pauvres, elle
collectivités perçoivent une contribution un délégataire, « Transdev », que nous obli- est la gratuité de l'émancipation. Des villes
des entreprises de plus de 9 salariés, fonc- geons à faire de la gratuité. Nous introdui- européennes y réfléchissent.
tion de la masse salariale : 0,6 % pour les sons de la maîtrise publique dans une délé- Étendre partout cette expérience ? C'est
collectivités de moins de 100 000 habitants, gation de service public. Une rupture avec une avancée locale sur un champ limité,
1,05 % jusqu'à 400 000, 1,8 % au-delà. Si le les politiques libérales et la marchandisa- un petit pas vers l' « émancipation ». n
réseau compte des transports en site pro- tion comme horizon indépassable.
pre, comme le tramway ou le métro, le taux Inspiré d'un article de La Revue du projet,
de 1,8 % s'applique. Ainsi pour notre agglo- DES RÉSULTATS TRÈS POSITIFS n°29, septembre 2013, dossier « Commu-
mération : 8,6 millions d'euros. Des sala- En un an, 100 % de progression de fréquen- nisme municipal », Transports en commun:
riés bien transportés, à l'heure, des zones tation, 174 % aujourd'hui, ce qui permet Liberté, égalité, gratuité - auteur : Daniel
d'activité bien desservies avec moins de une baisse du coût de l'investissement Fontaine, maire (PCF) d'Aubagne, vice-
véhicules, c'est bénéfique pour tous. public : de 3,93 € à 2,04 €par voyage. Avec président du conseil général des Bouches-
La valeur d'usage se substitue à la valeur le même investissement, on transporte du-Rhône.
marchande et se traduit par un bénéfice deux fois plus de passagers, ce qui illustre
25
L’
avantage comparativement au tram- Eberswalde, Salzburg, Innsbrück... et dans
way, c'est qu'il n'y a pas de chan- le monde, plus de 10 000 trolleybus sont
tier lourd lié à la nécessaire pose de en circulation, et près de 348 villes exploi-
rails, et la voie peut être utilisée par les tent des trolleybus.
autres usagers de la route, et ce, tout en Néanmoins, comme toutes solutions tech-
conservant les avantages de la mobilité niques, il y a aussi des inconvénients: l'usage
électrique. Donc beaucoup plus facile à de caténaire fait que le trolley est moins flexi-
mettre en place, pas de rejets polluants et ble concernant la gestion du trafic: difficile
plus silencieux que les bus à moteurs ther- de dévier les bus pour un itinéraire bis en cas
miques. Certaines villes ont gardé leur trol- de congestion sur une partie du trajet ou de
Borne de recharge
ley et les ont même modernisés : Lyon est travaux sur la voirie, à moins de disposer de
une ville emblématique dans ce domaine, trolley avec moteur thermique en parallèle. gie: carburant diesel et électricité. Le princi-
avec pas moins de 7 lignes mais citons éga- Il serait utile d'ailleurs, en se servant du retour pal avantage de cette technologie est la réduc-
lement des projets d'extension et de créa- d'expérience des nombreuses villes citées tion de la consommation de carburant car
tion de lignes nouvelles avec la ville de avec ce type de transport, de lancer des études on peut récupérer l’énergie du freinage et la
Valenciennes (30 km), Nancy (12 km), incluant la faisabilité technique notamment réutiliser, comme pour les voitures hybrides.
Lorient (11 km) et Saint-Etienne (11 km)… pour la gestion de l'exploitation, l'aspect éco- En plein développement dans le réseau de
et l’Europe n'est pas en reste : Genè v e nomique et le gain environnemental. la RATP notamment mais aussi à Dijon et à
(6 lignes), Lausanne, Zürich, Rome, Berlin, Bordeaux.
Gênes, Parme, Milan, Athènes, Solingen, ÉVOLUTION TECHNOLOGIQUE Ce type de transport va dans le sens de la
Néanmoins, le trolley connaît aussi sa pro- relocalisation de la production que nous
pre évolution technologique: il est sur le point appelons de nos vœux dans le programme
de se passer de caténaire, grâce au procédé du Front de gauche, puisque le combustible
de recharge rapide. Le principe : le bus se utilisé, l'électricité, est produit en France, ce
recharge en 15 secondes sur des bornes fixées qui allège donc la facture pétrolière et le défi-
aux arrêts de bus, ce qui ne perturbe pas a cit commercial de notre pays (60 milliards
priori le temps de trajet. À Genève, un bus d'importations de pétrole et gaz). D’autre
de ce type en démonstration a été lancé (pro- part, cela permet de consacrer ces milliards
jet «Tosa») et les données sont récoltées afin à la création d'emplois en France plutôt que
d’ajuster le dispositif et valider l'expérience. d'alimenter les caisses des rentiers du pétrole
Autre mode de transport : le bus hybride. et du gaz. Bon pour l'emploi, la balance com-
Le Trolley Lyonnais Ces bus disposent de deux sources d'éner- merciale et l'environnement. n
C
ertains habitants, regroupés pour des et que sa gestion peut nécessiter un accom- teuse du projet : temps et horaires d'ouver-
initiatives « citoyennes », souhaitent pagnement, des actions de responsabilisa- ture, affichage des réunions ou événements,
investir des espaces publics, de dif- tions, ou une assistance des services muni- définition de règles de fonctionnement et
férentes façons: jardins dans des écoles, dans cipaux. L'idée est de préserver tout à la fois respect de principes écologiques et de la
des centres sociaux, friches provisoires ou l'intérêt général et l'investissement de citoyens conformité des usages du lieu et enfin garan-
réalisations de projets inspirés de l'écologie désireux de participer à la vie de leur ville. tir la sécurité et même l’assurabilité des lieux.
urbaine et du développement durable. Il est d'usage d'y voir un outil de démocra- Ces jardins fleurissent dans de nombreuses
La commune doit alors harmoniser les inter- tie participative. communes et peuvent être le lieu d'échanges
ventions, dans l'espace et dans le temps, Une charte peut définir les modalités d'usage et de rencontres. n
puisque le jardin reste une propriété publique du jardin, souvent avec une association por-
26
BRÈVES
» ACCORD ENTRE GDF ET mente au fil des heures et qui ne pourra tion et de sûreté nucléaire), www.irsn.fr
27
28
BRÈVES
n
M
ou les coûts et des moyens inadaptés", [...] "le adame Fioraso, j’allais écrire Madame Pécresse, improbable minis-
doublement, voire le triplement des territoires à tre de la recherche, appréciera sans aucun doute l’anglicisation du
surveiller", [...] « la médiocrité des travaux titre. La dépendance, plus ou moins voulue de la recherche fran-
réalisés par des entreprises sous-traitantes ». çaise au monde anglo-saxon et plus précisément US, la rend vulnérable aux
aléas de la politique intérieure des USA ainsi qu’à leurs possibles pressions.
» RAPPORT DU GIEC : L’interruption, durant dix jours du paiement des fonctionnaires US et consé-
2 000 PAGES SUR LE CLIMAT quemment la fermeture des administrations et services non indispensables
Le 27 septembre le GIEC a rendu public son a révélé la stricte dépendance de la science et de la technologie françaises
dernier rapport, la partie scientifique, plus de au bon vouloir de l’administration US. Comme le note le professeur Eric
2 000 pages de synthèse, critique Raoult dans Le Point (12/10/2013) : « De ce fait, le répertoire des publications
extrêmement dense de plus de 9 000 scientifiques médicales (PuBMed) n'a plus été mis à jour. (…) De même, le
publications parues depuis 2007. Physique du
réservoir de toutes les séquences génétiques des microbes, des animaux et de
climat, compréhension de son fonctionnement
et influence des actions de l'homme, passé, l'homme disponibles sur un site de l'État américain (GenBank) s'est retrouvé
actuel et projections pour le futur. De lui aussi bloqué. »
nombreux graphiques scientifiques, chiffres, On pourrait dire la même chose pour ce qui est de la base de données des
références, calculs et raisonnements grandes molécules organiques, de l’Internet dont les serveurs racines sont
scientifiques : cela s'adresse tout de même à géographiquement situés aux USA. En aucun cas l’administration US n’en-
un public averti. Faisant appel à l'expertise du tend laisser gérer ces bases de données et serveurs par un organisme inter-
plus haut niveau mondial, ouverte à la critique
de tous les scientifiques qui le souhaitent, il national qui ne serait pas strictement sous son contrôle et aussi celui de
permet d'aboutir à un « état de la science » Google qui est sous autorité US et donc de la CIA et la NSA. Ils utilisent ces
dans le domaine. Les auteurs ont avec bases de données pour piller les informations de la recherche mondiale, ou
prudence indiqué les « degrés de confiance » du moins occidentale, et peuvent ainsi saisir toutes nos données person-
que l'on peut accorder aux résultats exposés et nelles, comme l’a confirmé Edward Snowden (informaticien américain,
leurs incertitudes. Progressistes reviendra plus ancien employé de CIA et de la NSA), qui a dénoncé les détails de plusieurs
longuement sur les conclusions de ce rapport
dans les prochains numéro.
programmes de surveillance américains et britanniques.
IVAN LAVALLÉE
n
Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2013
REVUE PROGRESSISTE N°2-5_progressistes 25/10/13 15:26 Page29
VU SUR INTERNET 29
Tous ces documentaires et films sont disponibles en VOD (payant), en DVD, et pour certains
en libre accès (sous réserve de films libres de droit) par une simple recherche internet.
30
SCIENCE ET TECHNOLOGIE
n PHYSIQUE
31
serait-il pas possible dans les lité ? Le CERN a été créé au len-
nombreux autres domaines où demain de la seconde guerre,
le progrès des connaissances, pour mener, dans le prolonge-
non soumis aux exigences de ment de l’aventure nucléaire,
l’utilité immédiate, est plus que des recherches dans le domaine
jamais nécessaire ? de la recherche fondamentale
Il faut bien voir en effet que l’ex- en physique des particules, avec
traordinaire aventure humaine comme tâches celles de révé-
qu’ont représenté la recherche ler les secrets de la nature, de
et la découverte du boson BEH rassembler par-delà les fron-
intervient dans un contexte qui tières, d’innover et de former
du Big Bang) qui leur confère Le Large Hadron Collider (LHC) n’est pas sans analogie avec de nouvelles générations de tra-
une dimension temporelle, au construit dans le tunnel circulaire celui du début du XXe siècle : vailleurs scientifiques.
sein de ce que l’on appelle un (26,659 km de circonférence) l’apogée actuelle du modèle La démocratie comme matrice ?
grand récit de l’univers. La repré- est le plus grand dispositif standard fait penser à celle de Sans un fonctionnement scru-
sentation que nous offre ce grand expérimental jamais construit la physique classique d’alors ;
pour valider des théories puleusement démocratique, il
récit est celle d’un univers qui physiques. le prodigieux essor des techno- serait impossible de faire col-
n’est pas seulement en expan- logies de l’information rendu laborer efficacement des mil-
sion, mais aussi en devenir, en possible par la révolution quan- liers de scientifiques venant du
évolution, depuis une phase pri- principe, intelligible, même si tique et relativiste fait penser à monde entier.
mordiale, de haute énergie (parce cette intelligibilité est toujours celui des techniques de la révo- La durabilité comme logique ?
que proche du big bang) où partielle, provisoire et révisa- lution industrielle des XVIIIe et Le premier accélérateur du CERN
toutes les particules sont indif- ble. Mais ce qui ressort de cette XIX e siècles, mais, en même datant des années cinquante
férenciées et sans masse, où conception de l’univers c’est temps, la crise systémique dans est toujours en fonctionnement;
toutes les interactions sont uni- que la matière, au sens philo- laquelle est plongée l’écono- il sert d’injecteur au complexe
fiées, jusqu’à l’état dans lequel sophique du terme, a bel et bien mie mondiale, la perspective de machines qui lui ont suc-
il se laisse aujourd’hui obser- une histoire, qu’elle ne peut pas d’épuisement des ressources cédé.
ver, en passant par une série de être conçue comme une subs- énergétiques et les inquiétantes La coopération comme démar-
transitions de phases, au cours tance immuable. prémisses du changement glo- che ? Les expériences qui ont
desquelles les particules se dif- bal du climat font craindre la abouti à la découverte du boson
férencient (certaines d’entre ENJEUX survenue, à l’échelle mondiale, étaient trop complexes pour
elles acquérant de la masse), les ANTHROPOLOGIQUES de convulsions comparables à être menées par un seul pays,
interactions se séparent, les Si, comme nous venons de l’ex- celles qui ont marqué la pre- voire par un seul continent. C’est
symétries se brisent, de nou- pliquer, ce grand récit de l’uni- mière moitié du XXe siècle. la coopération internationale
velles structures émergent, de vers confère à la découverte du Qu’une organisation interna- mondiale qui a été la condition
nouveaux états de la matière boson BEH une signification tionale comme le CERN, fon- du succès.
apparaissent. La transition, objet ontologique, il en souligne aussi dée au lendemain des drames L’appropriation populaire comme
des recherches qui ont abouti la portée anthropologique. Toutes de deux guerres mondiales, avec dynamique ? Le CERN (à qui
à la découverte du boson serait les civilisations, toutes les reli- comme seule finalité, ce pro- l’on doit le WEB gratuit et des
intervenue à la plus haute éner- gions se sont appuyées, sans grès des connaissances hu - logiciels libres comme LINUX)
gie, c’est-à-dire dans le passé le avoir à attendre une révolution maines, ait réussi à relever les a mis en place un nouveau para-
plus lointain, qu’il est possible scientifique sur un grand récit redoutables défis de la recherche digme pour les publications par
d’explorer expérimentalement, fondateur. En tant que fondé du boson BEH, n’est-ce pas un les éditeurs de revue à comité
celle dans laquelle les bosons sur les avancées scientifiques facteur d’espoir dans la capa- de lecture. Au lieu que ces édi-
intermédiaires et les consti- consignées dans le modèle stan- cité des civilisations humaines teurs soient financés par les
tuants de la matière seraient dard, ce récit a une portée essen- de refuser la fatalité et de sur- abonnements des universités
devenus massifs. tiellement épistémologique, monter les crises aussi graves du monde entier qui sont par-
Ainsi, la révolution scientifique mais cela ne l’empêche pas soient-elles ? fois étranglées par le prix des
débouche-t-elle sur une authen- d’avoir aussi une portée axio- Pour reprendre une expression abonnements fixés par les édi-
tique révolution philosophique, logique, c’est-à-dire relative aux utilisée par Louise Gaxie et Alain teurs, c’est le CERN qui négo-
celle qui consacre le triomphe valeurs: le progrès des connais- Obadia dans leur beau livre Nous cie avec les éditeurs le coût de
du matérialisme (implicitement sances humaines n’est-il pas avons le choix, on s’aperçoit que la publication des articles du
sous-jacent aux sciences de la une valeur universelle ? le fonctionnement et la straté- LHC dans des revues à comité
nature, en particulier à la phy- Compte tenu des nuages qui gie du CERN font la preuve qu’il
de lecture.n
sique) selon lequel la matière assombrissent actuellement est possible de refuser « TINA »
désigne l’ensemble de la réa- notre horizon, pensons-nous (There Is No Alternative). Il me
*GILLES COHEN-TANNOUDJI est
lité objective, existant indépen- que nous puissions faire l’éco- semble en effet que le « mani-
physicien. Il est chercheur émérite au
damment de et antérieurement nomie d’un progrès soutenu feste » en cinq points développé
laboratoire des recherches sur les
à la connaissance que l’on peut des connaissances, dans tous dans ce livre, pourrait figurer
sciences de la matière (LARSIM).
en avoir et selon lequel aussi les domaines ? Pourquoi ce qui dans les statuts du CERN. Site : www.gicotan.fr
cette réalité est, en droit et en a été possible avec le CERN ne Le progrès humain comme fina- Livre: Le boson et le chapeau mexicain
32
SCIENCE ET TECHNOLOGIE
n MATÉRIAUX
33
34
SCIENCE ET TECHNOLOGIE
n MÉDECINE
PAR LE DR MICHEL LIMOUSIN*,, pour tous – ce qui est une autre puissant pour sélectionner le férencient pas en ceci du risque
question – se sont largement spermatozoïde), la MIV (matu- des autres femmes, enceintes
Paradoxalement la controverse appuyées sur ce point. Qu’en ration in vitro), les dons d’ovo- de façon naturelle, mais du même
sur le « mariage pour tous » a est-il aujourd’hui ? A-t-on un cytes, la conservation de tissus âge. On peut dire que le risque
mis en avant dans le débat public bilan de l’expérience de la PMA ovariens et les dons d’embryon de malformation est corrélé à
la question de la PMA au travers à ce jour ? Quels sont les pro- congelé. La gestation pour autrui l’âge de la femme ; l’impact de
des problèmes de l’adoption et blèmes concrets qui se posent ? (non autorisée en France) a la PMA n’est pas vraiment connu
plus largement de la filiation. La naissance d’Amandine en presque toujours recours à une car de toute façon, il est faible.
Une aspiration de certains pour 1982 a marqué le début en France PMA. De nouvelles techniques Les complications périnatales
des voies artificielles de procréa- de la PMA. Depuis, ce sont plus se sont développées dans les sont assez bien identifiées car
tion qui puissent contourner la de 50 000 enfants qui naissent suites de la FIV: production d’ovo- immédiates et plus faciles à être
nature s’est manifestée. La ques- ainsi dans notre pays. 5 % des cytes par stimulations hormo- enregistrées. Le taux de préma-
tion alors n’est plus seulement naissances en incluant les sti- nales, manipulation des gamètes turité est multiplié par cinq, le
celle d’une aide à la résolution mulations ovariennes sans fécon- in vitro, nouveaux milieux de taux d’hypotrophies par trois.
d’une infertilité pathologique dation in vitro sont concernées. culture, maturation in vitro. À La mortalité néonatale est mul-
d’un couple hétérosexuel mais Trois millions d’enfants sont nés ce jour, nous n’avons pas d’études tipliée par six. Ces risques sont
celle d’une infertilité liée à l’orien- de par le monde depuis l’appa- solides qui permettent d’éva- liés au fait que ce sont souvent
tation homosexuelle des indivi- rition de la PMA, et 200 000 par luer l’impact sur le développe- des grossesses multiples; on note
dus. Les débats suscités de façon FIV. D’autres techniques ont vu ment à long terme des enfants. une part de responsabilité ini-
surprenante ont été empreints le jour comme l’ICSI (intra-cyto- Seuls trois centres de références tiale des pathologies vasculaires
d’une grande foi dans les possi- plasmic sperm injection : injec- existent en France et la littéra- de la mère. Ces données vien-
bilités de la technique médicale tion d’un seul spermatozoïde ture internationale ne permet nent du FIVNAT 2005. On a iden-
et se sont centrés sur l’aspect dans l’ovule soit 60 % des FIV pas non plus de conclure. Le pro- tifié un risque particulier de mal-
éthique. La dispute a porté sur aujourd’hui), l’IMSI (intra-cyto- blème est vraiment le suivi des formations cardiaques et
les aspects politiques; les mobi- plasmic magnified sperm injec- enfants. d’anomalie de fermeture du tube
lisations d’opposants au mariage tion: utilisation d’un microscope neural. Une étude est en cours
CONSCIENCE DES RISQUES en région parisienne pour mieux
Globalement en France l’im- évaluer la situation. Les risques
pression est que cela se passe de maladies chromosomiques
dans de bonnes conditions ; il y sont très faibles. Les risques de
a un peu plus de complications cancers type rétinoblastome
périnatales que pour les gros- semblent maintenant écartés.
sesses spontanées. Les risques
identifiés sont faibles mais mal UN BILAN ENCORE À PRÉCISER
connus. Ces risques sont poly- La question des risques reste
morphes. Ils tiennent d’abord à posée. La littérature médicale
ce que l’âge de la femme enceinte est des plus discrètes sur un des
est plus important que la aspects le plus sévèrement cri-
moyenne car elle a d’abord tiquable de l’histoire de la PMA:
« essayé » d’avoir un enfant natu- après avoir fait les premières ten-
rellement ; ces risques ne se dif- tatives sur des cycles spontanés
35
36
SCIENCE ET TECHNOLOGIE
n INFORMATIQUE
PAR MANUEL HOUZET* fiable et la moins coûteuse en En effet, le courant électronique le temps mis par les ordinateurs
temps et en énergie. Cette infor- qui s’écoule à travers un tran- classiques pour résoudre le pro-
L’
industrie des ordinateurs mation est codée en langage sistor classique implique un blème devient dramatiquement
actuels s’est développée binaire, c’est-à-dire en séquence grand nombre d’électrons, dont grand si le nombre de villes à
en utilisant deux décou- de 0 et de 1 aussi appelée bit(3). les propriétés moyennes peu- parcourir ou la taille du nom-
vertes majeures : le transistor Les transistors permettent de vent être décrites semi-classi- bre augmentent(6). En particu-
en silicium (John Bardeen, Walter réaliser des portes logiques effec- quement comme celles d’un lier, l’impossibilité de factoriser
Brattain et William Shockley, tuant des opérations : la valeur fluide(4). Lorsque leur taille dimi- les très grands nombres est uti-
1947) et la théorie de l’informa- des bits en sortie d’une porte nue, le comportement quan- lisée en cryptographie pour
tion (Claude Shannon, 1948)(1). est entièrement déterminée par tique de chaque électron entraîne garantir la sécurité des infor-
La première découverte a per- leur valeur en entrée. Ces opé- des déviations significatives par mations échangées sur un réseau
mis de concevoir des transis- rations forment la base du cal- rapport au comportement clas- de télécommunication. Pour
tors de tailles de plus en plus cul informatique que la théo- sique moyen. La taille des atomes envisager une alternative à l’in-
réduites. En assemblant un nom- rie de Shannon a permis induit donc une limitation fon- formatique classique, une piste
bre croissant de transistors sur d’optimiser. damentale à la miniaturisa- qui semble prometteuse consiste
une surface de plus en plus tion… Les technologies actuelles à utiliser les états dits enchevê-
petite, les microprocesseurs DE PLUS EN PLUS PETIT se rapprochent inéluctablement trés, propres à la mécanique
sont devenus de plus en plus La miniaturisation se poursui- du régime où la physique quan- quantique. Considérons un sys-
vant, on assiste depuis plusieurs tique ne garantira plus un fonc- tème quantique à 2 niveaux pou-
années à l’apparition d’appli- tionnement fiable des circuits vant se trouver dans l’état 0, cor-
cations toujours plus perfor- électroniques ! Loin de n’être respondant à l’occupation de
La loi de Moore rend mantes. Une loi empirique for- qu’une nuisance, les effets quan- l’un des états, ou dans l’état 1,
compte du doublement mulée par G. Moore en 1965 tiques pourraient au contraire correspondant à l’autre état. En
de la densité de continue de rendre compte du s’avérer très utiles. outre, à la différence des sys-
transistors dans les doublement de la densité de tèmes classiques, le système
microprocesseurs tous transistors dans les micropro- LE TEMPS DE CALCUL quantique peut se trouver dans
les 18 mois. Il existe cesseurs tous les 18 mois. Il Une autre limitation de nos ordi- n’importe quelle superposition
existe pourtant une limitation nateurs classiques est qu’ils ne de ces deux états. Le bit quan-
pourtant une limitation fondamentale à la miniaturisa- sont pas adaptés pour résoudre tique, ou qubit, ainsi réalisé per-
fondamentale à la tion : l’échelle quantique ! En certains problèmes dans un met de coder infiniment plus
miniaturisation : effet, les dimensions des tran- temps raisonnable. Ainsi un d’information que le bit clas-
l’échelle quantique. sistors des ordinateurs ou smart- voyageur voulant visiter Paris, sique. Soient deux qubits a et b
phones commencent à s’appro- Londres, Madrid et Rome dans placés dans une superposition
cher de quelques nanomètres, un ordre quelconque, mais en des états 0a et 1b d’une part, et
alors que les atomes dont ils parcourant une distance mini- des états 1a et 0b d’autre part.
puissants. Dans les années 1990, sont constitués sont de l’ordre male, devra examiner toutes les Les états 0a1b et 1a0b sont enche-
la miniaturisation a fait passer d’une fraction de nanomètre. possibilités pour trouver le choix vêtrés : si on mesure le qubit a
l’industrie informatique des Lorsque le canal d’un transis- optimal. Ou encore, pour fac- dans un état particulier (0 ou 1),
microtechnologies aux nano- tor n’est plus défini par un nom- toriser un nombre entier en pro- alors on sait que le qubit b se
technologies – les tailles typiques bre suffisant d’atomes, les per- duit de facteurs premiers(5), nous trouve automatiquement dans
passant du micron au nanomè- formances de ce dernier se apprenons à l’école que l’on l’autre état (1 ou 0). Pour autant,
tre(2). La seconde découverte a dégradent. La mécanique quan- peut examiner s’il est divisible aucune des deux possibilités
indiqué comment transmettre tique qui détermine les proprié- par les nombres premiers connus n’était prédéterminée dans l’état
l’information de la façon la plus tés des électrons en est la cause. (2, 3, 5, 7…). Dans ces exemples, quantique initial.
37
DES PARADOXES DE LA
MÉCANIQUE QUANTIQUE
Cet enchevêtrement a fasciné
les « inventeurs » de la méca-
nique quantique dès les années
1920. Il a donné lieu à la formu-
lation de nombreux paradoxes
qui ne peuvent pas être expli-
qués en physique classique.
Ainsi, Albert Einstein, Boris
Podolsky et Nathan Rosen (EPR)
ont discuté en 1935 comment
le résultat de la mesure de deux
qubits a et b séparés spatiale-
ment pourrait signifier qu’une
information a été échangée ins-
tantanément, en violation du
principe de causalité de la théo-
rie de la relativité (limitant la
vitesse maximale de propaga-
tion d’une information par celle
de la lumière)(7). Un autre para-
Le super calculateur de la Nasa
doxe célèbre est celui du chat tique aboutit à des conséquences nombre de qubits massivement situé à Columbia (USA)
de Schrödinger enfermé dans défiant notre imagination. Alain enchevêtrés pourrait permet-
une boîte où se trouve un qubit Aspect a réussi à réaliser l’ex- tre de résoudre des problèmes ficile. De ce point de vue, il est
(microscopique) capable, selon périence EPR avec des photons dont la solution n’est pas acces- important que les financements
son état, de déclencher l’ouver- (grains de lumière) se compor- sible en temps raisonnable sur attribués à ce type de recherche
ture d’une fiole empoisonnée tant comme des qubits (1980- un ordinateur séquentiel clas- préservent l’esprit de curiosité
82). Le domaine de l’optique sique. En 1994, Peter Shor a pro- comme moteur des progrès
quantique auquel la France a posé un algorithme quantique futurs. n
apporté des contributions impor- efficace pour le problème de
Au-delà de tantes (prix Nobel de Claude factorisation. Il a été testé expé- *MANUEL HOUZET est chercheur
l’exploration des Cohen-Tannoudji en 1997 et rimentalement avec un nom- en physique (manuel.houzet@cea.fr)
principes de base de Serge Haroche en 2012) a long- bre modeste mais croissant de
la physique, le calcul temps été en pointe pour la réa- qubits. On a ainsi factorisé 21 (1) Ces découvertes ont été faites au
sein du même laboratoire de recherche
quantique (…) lisation de qubits avec des atomes = 3 x 7 en 2012 ! L’ordinateur fondamentale (Bell labs) hébergé par
pourrait permettre de piégés entre deux miroirs. quantique de D-Wave évoqué une entreprise privée du secteur des
Depuis, de nombreux systèmes précédemment a, lui, été conçu télécommunications (AT&T) aux Etats-
résoudre des Unis, au sein duquel les chercheurs
ont été proposés pour réaliser pour résoudre le problème du
problèmes dont la des qubits plus facilement mani- voyageur. Les chercheurs ont
(parmi lesquels 7 prix Nobel) dispo-
saient d’une très grande autonomie
solution n’est pas pulables. Des atomes artificiels en fait testé ses performances thématique et financière, et qui a dis-
accessible en temps réalisés avec des circuits supra- et n’ont pas observé de gain de paru au début des années 2000.
conducteurs ont permis d’ob- temps par rapport aux ordina- (2) Cf. Les nanosciences : enjeux
raisonnable sur un scientifiques et sociétaux, A. Lopes et
ordinateur séquentiel tenir des résultats similaires et teurs traditionnels. Cependant, J.-N. Aqua, numéro 1 de Progressistes
des portes quantiques mani- les compétences acquises par (préciser ?).
classique pulant de tels qubits ont été D-Wave sont déjà impression- (3) « Bit » est l’acronyme de binary
digit (chiffre binaire en anglais).
construites. De nombreux para- nantes et ont convaincu Google
(4) En toute rigueur, la mécanique
doxes de la mécanique quan- et la NASA de s’associer à la quantique est aussi nécessaire pour
(macroscopique). La physique tique ont alors pu être testés en conception d’un prototype de dériver les propriétés de ce fluide, dont
quantique prévoit que le chat laboratoire. deuxième génération. La réali- le comportement est plutôt qualifié de
semi-classique.
se trouve dans une superposi- sation d’un ordinateur quan- (5) Les nombres premiers sont des
tion quantique entre les états DES PROBLÈMES DE CALCUL tique autrement plus perfor- nombres entiers uniquement divisibles
"mort" et "vivant". C’est seule- QUI DEVIENDRONT mant pourrait rester une chimère. par 1 et par eux mêmes.
ment lorsqu’on ouvre la boîte ACCESSIBLES Il est cependant indéniable que (6) En pratique, aucun ordinateur clas-
sique ne peut résoudre le problème du
qu’on projette classiquement Au-delà de l’exploration des ce domaine de recherche a beau- voyageur avec quelques centaines de
le chat dans l’état "mort" ou principes de base de la phy- coup fait progresser notre com- milliers de villes ou factoriser des nom-
"vivant" ! À l’origine, ces para- sique, l’intérêt du calcul quan- préhension de la mécanique bres écrits avec quelques centaines de
doxes étaient conçus comme tique et d’un éventuel ordina- quantique. Prédire quelles seront chiffres.
(7) Un tel effet caractérise en fait la
des expériences de pensée mon- teur quantique repose sur le fait les véritables applications qui non-localité des lois de la mécanique
trant que la mécanique quan- que la manipulation d’un grand en résulteront est une tâche dif- quantique.
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TRAVAIL ENTREPRISE & INDUSTRIE
n PRÉCARITÉ
M
édias et sociologues niques ou organisationnelles heurte. Les publics ne sont pas
montrent un vif inté- que certains préparent? L'effectif homogènes dans leurs âges,
rêt pour le métier de global approche 150 000 per- leurs cultures, leur adaptabilité
caissière dans la grande distri- sonnes, avec de forts taux de aux nouveautés et les distribu-
bution, qui concentre des ques- turnover, qui suscite des teurs sont prudents.
tions sociales très sensibles. embauches en continu pouvant
Cela concerne des emplois à faire illusion. Une dominante UN NOUVEAU RAPPORT
dominante féminine, dits peu féminine et une forte présence AU CLIENT
qualifiés, aux salaires très bas, étudiante qui se complètent Ainsi, le mouvement social de
à temps partiel souvent subi pour les répartitions d'horaires. 2008 a fortement frappé l'opi-
(37 % des emplois), aux horaires Une caisse automatique coûte nion, échaudé par une forte
mal commodes impactant la de 15 000 à 20 000 € avec un expansion de l'automatisation
vie familiale. S'y ajoute la mono- retour sur investissement en dans les banques, les cinémas,
tonie et pénibilité particulières, la Poste (42 000 emplois perdus
Caisse automatique aujourd’hui
soumis à des calculs de rende- de 2002 à 2007), et déjà à l'époque
couramment utilisée dans les
ment, d'intensité et stress ainsi Une caisse dans la grande distribution. supermarchés.
qu'un regard social souvent Aussi l'introduction des caisses
automatique coûte de
dévalorisant. Un mouvement automatiques n'a-t-elle été que fessionnelle », plus ou moins
social très courageux en 2008,
15 000 à 20 000 € très progressive sur dix ans, pré- bien accepté, nécessitant plus
impensable pour certains, a for- avec un retour sur sentée invariablement par les de diplomatie et d'interactions
tement pointé le phénomène investissement en trois cadres de la profession comme patientes que le contrôle de
du « travailleur pauvre », dont ans. Il y en a environ un complément de moyens sou- caisse normal. On les forme
le salaire trop bas ne lui permet 4 000 à 5 000 en ple pour assurer la fluidité aux pour jongler avec des logiques
pas de vivre. Pour les princi- France. Elles ont été heures de pointe, avec mise à contradictoires : fonction d'ac-
paux employeurs concernés, la disposition très rapide de qua- cueil et guide pour résoudre les
solution fut le « travailler plus
testées prudemment, il tre ou cinq caisses contrôlées problèmes : mauvaise pesée,
pour gagner plus », c’est-à-dire n'y a pas eu par une seule caissière, derrière non-respect des consignes des
passer des 28 ou 30 heures subies d'introduction massive un écran. Ce sont souvent les écrans de machines, blocage
au soi-disant temps complet susceptible de meilleures caissières qui tien- sur un paiement de carte bleue,
« choisi », avec cinq heures de déclencher une nent ces îlots de caisses, réser- ne sont pas rares et chaque client
complément à passer en rayon, contestation ou la vées aux paniers plus qu'aux se vit seul et n'a cure de la flui-
ou en bijouterie ou à toute autre caddies. Leur travail change : dité recherchée pour la file d'at-
tache. Cela représente environ
colère. de séquentiel et peu mobile, il tente. L'obsession des respon-
200 €pour compléter des salaires devient une tâche intense de sables du magasin est pour ainsi
de 800 €et un accès à la « poly- surveillance et de détection/réso- dire que le client en ressorte le
valence » salvatrice pour aug- trois ans et il y en a environ lution de problèmes en 4 lieux plus vite possible en ayant payé.
menter l'intérêt du métier, avoir 4 000 à 5 000 en France. Elles simultanément. La caissière Éviter les queues ou les réduire
moins de manipulations et de ont été testées prudemment, il peut bouger, aider un client, afin d'éviter que le client renonce
poids à porter et plus de contact n'y a pas eu d'introduction mas- vérifier une tentative de cha- aux achats. Le client est roi et
avec le client. Avec l'apparition sive susceptible de déclencher pardage, une pesée d'articles, est aussi « imprévisible » dans
des caisses automatiques en une contestation ou la colère et cherche à éviter la constitu- ses flux, surtout depuis les années
libre-service et des « douchettes » de clients, qui n'aiment pas tion de queue aussi derrière ces 1980, où est apparue tout à coup
(des scanners code-barres pour attendre, mais n'aiment pas non caisses-là en facilitant leur usage. la nécessité d'adapter le temps
clients), ces emplois sont-ils plus la croissance du chômage. Le rapport avec le client devient de travail et la présence des cais-
menacés ? La grande distribu- D'autre part la disparition de un rapport de formation « pro- sières à ses caprices. Ainsi au
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40
TRAVAIL ENTREPRISE & INDUSTRIE
n TRAVAIL
Refonder la finalité et la
« gouvernance » de l’entreprise
Alors que la finalité d’une entreprise est de produire des biens et des services corres-
pondant aux besoins des citoyens, aujourd’hui, le statut juridique de l’entreprise ne
reconnaît que les actionnaires et les propriétaires. La loi peut changer.
PAR DANIEL BACHET*, de propriété, délégué par les comme préalable d’assigner à
actionnaires au chef d’entre- l’entreprise une finalité insti-
B
aisse permanente des prise qui ne doit rendre compte tutionnelle qui n’est plus le pro-
coûts et de la masse sala- qu’à eux seuls, ses mandants. fit puis en tirer toutes les leçons
riale, licenciements, délo- Or les actionnaires ne sont pro- en matière d’organisation des
calisations abusives, pollutions priétaires que des actions émises pouvoirs et de nouvelle effica-
et atteintes à l’environnement… par les sociétés commerciales cité économique et sociale. Le
Tous les actes des entreprises qui servent de support juridique pouvoir dans l’entreprise ne
sont guidés par une logique aux entreprises, pas de l’entre- peut plus provenir de la seule
purement financière et le tra- prise en soi. Quand il s’agit de propriété des titres de capital
vail n’est pas valorisé autant payer les « pots cassés », les émis par les sociétés commer-
qu’il pourrait l’être car réduit actionnaires sont très heureux ciales servant de support juri-
lui aussi à un simple coût. de n’être que propriétaires des dique aux entreprises. Autrement
On peut considérer de manière
logique, opératoire et progres-
siste que l’entreprise devrait C’est dans l’entreprise que le travail est une source de
s’inscrire dans une dynamique
de développement où les savoirs,
valeur et de développement. Pour la société (au sens
savoir-faire et compétences compte tenu de ses finalités juridique) et compte tenu de ses finalités actuelles,
prennent tout leur sens et devien- actuelles, les travailleurs ne sont les travailleurs ne sont que des tiers et des coûts
nent véritablement sources de que des tiers et des coûts réduits réduits au maximum pour augmenter le profit.
valeur. Pour s’inscrire dans cette au maximum pour augmenter
option, il faut tout d’abord sor- le profit.
tir de la confusion entre les deux Le fait de ne plus confondre les actions qui leur accordent une dit, changer de logique écono-
entités distinctes que sont l’en- deux entités ouvrirait la pers- limitation de leur responsabi- mique et sociale suppose de
treprise (structure productive) pective d’une nouvelle logique lité et donc l’immunité. laisser les droits de propriété
et la société (entité juridique). économique beaucoup plus L’idéologie actionnariale, c’est sur les actions à leur place : la
Qu’elle soit une multinationale favorable au travail et à l’em- le pouvoir sans la responsabi- rémunération du capital n’est
ou une PME, l’entreprise est la ploi. lité, l’appropriation des gains pas la finalité de l’entreprise.
structure productive qui pro- découlant de risques que l’on C’est l’ensemble des coûts géné-
duit des biens et/ou des ser- SORTIR DE L’IDÉOLOGIE fait peser sur d’autres, le droit rés par les décisions qui doit
vices dans le monde physique. ACTIONNARIALE : LA de créer des dommages sans être pris en compte, seule
Elle n’est pourtant pas RÉMUNÉRATION DU CAPITAL l’obligation de dédommager. Il manière de décharger la collec-
aujourd’hui reconnue par le NE DOIT PLUS ÊTRE LA faut donc construire un système tivité du rôle qui lui est imposé
droit. Seule la société dispose FINALITÉ DE L’ENTREPRISE démocratique dans lequel le aujourd’hui et auquel elle a du
d’une personnalité morale qui Pour sortir de cette confusion, rôle politique de l’entreprise mal à faire face.
la fait exister juridiquement. il faut donc trouver une réponse fait l’objet d’une prise de
Cette confusion conduit à des à la question de l’organisation conscience se traduisant par la Il faut donc conduire juridi-
conséquences désastreuses sur des pouvoirs en vue d’alimen- mise en place de modes nou- quement les dirigeants des
la représentation et la gestion ter démocratiquement les pro- veaux d’expression des intérêts grands groupes cotés en bourse
du travail et surtout sur l’em- cessus de décision. L’idéologie affectés par l’activité entrepre- à prendre en compte l’ensem-
ploi. C’est dans l’entreprise que actionnariale a réussi à faire neuriale. ble des intérêts qui vont être
le travail est une source de valeur passer l’exercice d’un pouvoir Refonder l’entreprise pour affectés par leur décision et
et de développement. Pour la - le gouvernement d’entreprise construire une véritable démo- non les seuls intérêts des action-
société (au sens juridique) et - pour le simple usage d’un droit cratie économique implique naires. L’objectif est de pro-
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duire des biens et/ou des ser- tion (SA, Sarl, Scoop…) créée LES SALARIÉS DOIVENT pleins pouvoirs alors que la
vices en vue de dégager un dans la perspective de produire AVOIR DES REPRÉSENTANTS hausse de la richesse de l’en-
revenu pour l’entreprise : la des biens et des services. Elle DANS LES CONSEILS treprise provient en grande par-
valeur ajoutée. Il s’agit de la est à la source des revenus des D’ADMINISTRATION tie du travail des salariés et que
contrepartie économique de ayants droit et une contribu- DES ENTREPRISES ce sont eux qui assument le
la richesse créée. C’est la fonc- tion au PIB (Brodier, 2013). L’axe structurant de la nouvelle véritable risque (perte de capi-
tion première et « l’objet social » La VAD est le revenu créé par l’en- organisation pourrait être conçu tal pour les actionnaires, perte
même de l’entreprise qui donne treprise, considérée en tant qu’or- sur la base de la double légiti- de leur travail pour les salariés).
du sens à l’action du dirigeant. ganisation ayant concrètement mité des dirigeants (P.-D.G., Les représentants élus des sala-
Ce dernier doit agir en respec- pour fonction de produire des directeurs généraux) qui rece- riés devraient donc disposer de
tant un certain nombre de biens et des services grâce aux vraient leur pouvoir de gestion droits de vote au sein du Conseil
contraintes (équilibre finan- ressources réunies et « mises en et de décision du Conseil d’ad- d’administration. Dans ce
cier, économique et écologique, système » par l’institution : per- ministration c’est-à-dire des conseil, la présence significa-
intérêts collectifs des parties sonnel, équipement, consom- actionnaires et des propriétaires tive de représentants de sala-
prenantes, conditions de tra- mation de fonctionnement. mais aussi des salariés (Comité riés permettrait de mieux défi-
vail, etc.). L’article 1832 du Code d’entreprise et collectivité de nir l’intérêt général en évaluant
Civil indique que la « société travail). Dans cette nouvelle la justesse des décisions prises
est instituée par deux ou plu- Il n’y aucune raison configuration, il faudra com- par les directions.
sieurs personnes qui convien- mencer par interdire les stock-
justifiant que l’apport
nent par un contrat d’affecter options et autres rémunéra- Le choix du gouvernement
à une entreprise commune des de départ des tions axées sur la création de actuel de ne retenir qu’un ou
biens ou leur industrie en vue actionnaires et des « valeur actionnariale », et taxer deux représentants des sala-
de partager le bénéfice ou de propriétaires leur très fortement les revenus finan- riés dans les Conseils d’admi-
profiter de l’économie qui octroie les pleins ciers des entreprises, la « vraie » nistration est une évolution
pourra en résulter ». Il faut pouvoirs alors que la valeur étant la valeur ajoutée. bien peu audacieuse (le rap-
changer cette formulation et Le pilotage de la société et de port remis au gouvernement
hausse de la richesse
souligner que l’objectif de la l’entreprise ne pourra alors s’ef- par Louis Gallois préconisait
société n’est pas de maximiser
de l’entreprise provient fectuer que sur la base de d’en introduire quatre).n
le profit et de partager le béné- en grande partie du comptes de gestion orientée
fice qui en résulte (ce qui n’in- travail des salariés valeur ajoutée dont la confron- *DANIEL BACHET est Professeur de
téresse que les détenteurs de tation permettra ensuite aux sociologie à l’Université d’Evry.
capitaux) mais de maximiser différentes instances institu-
la valeur ajoutée en vue de la Il est par conséquent plus que tionnelles reconfigurées de Bibliographie Bachet Daniel, Les fon-
dements de l’entreprise, Construire une
partager de manière juste entre jamais indispensable d’assi- prendre des décisions plus alternative à la domination financière,
les différentes parties prenantes gner cette finalité à l’entreprise conformes au développement Paris, Les éditions de l’Atelier, 2007.
(personnel, banques, État, et de construire juridiquement de l’entreprise, seule entité qui Brodier Paul-Louis, La VAD, La Valeur
actionnaires, société). c’est-à-dire politiquement, de implique l’ensemble des acteurs Ajoutée Directe, Une approche de la
gestion fondée sur la distinction entre
Paul-Louis Brodier a mis en évi- nouvelles règles qui tiennent (actionnaires, propriétaires, société et entreprise, Montpellier,
dence une grandeur écono- compte de celle-ci si l’on sou- dirigeants, salariés, élus des AddiVal, 2001. Brodier Paul-Louis,
mique ayant une importance haite rééquilibrer les pouvoirs salariés). Les représentants des Un autre modèle économique : la
majeure pour l’entreprise qu’il concernant les décisions de salariés au Conseil d’adminis- logique de la valeur ajoutée
Site Vadway :
a nommé Valeur Ajoutée Directe production et de répartition tration seraient alors en mesure http://www.vadway.com/Pages/Autre.p
des ventes ou VAD. Il s’agit sim- des richesses. de faire connaître l’intérêt social hp Robé Jean-Philippe, L’entreprise et
plement de la différence entre La mise en avant de l’entité de l’entreprise qui se mesure le droit, Paris, PUF, Que sais-je ?
1999.
le Chiffre d’affaires et la entreprise comme intérêt supé- d’abord par la valeur ajoutée.
Consommation directe des rieur aux intérêts des parties en Le pouvoir des apporteurs de
ventes. présence permettrait aux sala- capitaux est un des facteurs
VAD des ventes = Chiffre d’af- riés de disposer de points d’ap- parmi beaucoup d’autres per-
faires – Consommation directe pui pour s’assurer une meil- mettant le fonctionnement de
des ventes. leure représentativité dans les l’entreprise. Il n’y a aucune rai-
La Valeur Ajoutée Directe est le lieux où se joue le pouvoir son justifiant que l’apport de
Votre revue est également
véritable revenu de l’entreprise (Conseil d’administration en départ des actionnaires et des
téléchargeable gratuitement
considérée en tant qu’institu- particulier). propriétaires leur octroie les sur www.progressistes.pcf.fr
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TRAVAIL ENTREPRISE & INDUSTRIE
n ENTREPRISE
PAR DANIEL PAUL*, la plate-forme industrialo-por- Mais cela ne suffit plus à ces les navires, les armements dis-
tuaire du Havre. Poumon local groupes. Maximiser la rentabi- posent, par Autorisation
Quelques chiffres pour illustrer et régional, par le nombre et la lité et les profits passe par des d’Occupation Temporaire (AOT),
le poids du complexe indus- nature des emplois, par les qua- escales de plus en plus rapides de postes à quai sur lesquels ils
trialo-portuaire du Havre dans lifications et les salaires, le Port pour des navires de plus en plus installent leurs matériels de
l’économie nationale et dans du Havre est aussi un atout natio- grands, avec des tarifs de plus manutention, portiques, grues,
l’emploi local. nal, avec la large diffusion des en plus bas… Tout ce qui peut etc… Cette libéralisation s’est
• Le Havre, second port de marchandises transitant par « gripper » les résultats doit donc heurtée à de grandes luttes
France, après Marseille, en ton- Le Havre et son poids dans le être modifié. C’est le sens des sociales des personnels, soute-
nage total de marchandises, est commerce extérieur et les ren- réformes portuaires exigées par nues par les communistes
le 1er pour le nombre de conte- trées fiscales de notre pays. Les la Commission Européenne du Havre et leurs élus, du Conseil
neurs manutentionnés, avec atouts du Havre au vent du libé- depuis plus de 20 ans. En Municipal jusqu’au Parlement.
2,3 millions d’EVP(1) en 2012. ralisme : à court terme, 75 % à Nous avons toujours estimé que
• Près de 32 000 emplois sont 80 % des échanges mondiaux les enjeux portuaires et la pré-
recensés par l’INSEE, se décom- se feront par voie maritime. Les Les grands ports belges servation de l’avenir justifient
posant en : ports prennent dès lors encore et hollandais font que les ports restent sous maî-
• 14 400 emplois dans le « clus- plus d’importance. Mais ils sont trise publique, ce qui signifiait,
passer 40 % de leurs
ter » maritime. Ce sont surtout peu nombreux, ceux qui sont et signifie toujours, qu’ils ne
des emplois tertiaires, dont 1800 capables d’accueillir les plus
trafics conteneurs par soient pas dessaisis des moyens
dans le secteur public, y com- gros porte-conteneurs, les super- le rail, quand le leur permettant la poursuite de
pris l’autorité portuaire, tankers… Le Havre est de ceux- pourcentage Havrais leurs activités, face à des arme-
• 17 400 dans le « cluster » non là. Son tirant d’eau lui a tou- est tombé à 5 %, ments dont les intérêts sont de
maritime. Il s’agit d’emplois jours permis de recevoir les plus symbolisant l’échec plus en plus internationalisés.
industriels (automobile, raffi- gros navires. Dans les années Et nous avons toujours défendu
d’une politique de fret
nage, pétrochimie…), mais aussi 60, le percement de l’écluse l’idée que les objectifs de « per-
de services aux industries et du François 1er avait permis aux
ferroviaire, tant au formance industrielle » étaient
transport terrestre qui concerne navires d’accoster auprès des niveau des tout à fait compatibles avec les
près de 3000 emplois. entreprises installées sur la Zone investissements que statuts du port et des différents
• Si la zone industrialo-portuaire Industrialo-portuaire. Depuis des réponses aux personnels. Ces luttes(2) ont per-
pèse 22 % de l’emploi de la région les années 70, les supertankers enjeux. mis d’éviter les aspects les plus
havraise, la richesse dégagée viennent à Antifer. « Port 2000 », négatifs et de maintenir la vigi-
représente 42 % de la valeur c’est un accès simultané à 8 lance face aux volontés de relan-
ajoutée dans l’ensemble consi- porte-conteneurs de la dernière cer de nouvelles phases de libé-
déré. Évaluée à 3,7 milliards génération, du type du dernier- quelques années, la manuten- ralisation. Vigilance justifiée car,
d’euros, elle correspond à 1/8e né de CMA-CGM, le « Jules tion, les dockers, les conduc- pour gagner en rapidité, cer-
de la richesse créée en Haute- Verne », avec ses 396 m de long, teurs d’engins, l’outillage et les tains revendiquent l’allégement
Normandie. Soit 125 000 euros ses 54 m de large, ses 16 m de personnels de maintenance sont du contrôle des marchandises
par salarié !!! tirant d’eau et ses 16 000 « boîtes ». passés aux mains du privé liées importées, ce que dénoncent
• le montant des droits et taxes Cette accessibilité est un atout aux compagnies maritimes. Le les personnels des douanes
acquittés à l’administration des dans la concurrence à laquelle Port garde la gestion des ponts, confrontés aux réductions de
douanes du Havre atteint 3,25 se livrent les ports européens de l’écluse, une réparation navale moyens humains et matériels
milliards d’euros. pour attirer les plus grands arme- (très réduite), le secteur croi- pour un bon exercice de leurs
Ces chiffres illustrent les enjeux ments, ceux qui dominent le sière… Il reste aussi proprié- missions. Il faut regretter que
économiques et sociaux liés à commerce maritime mondial. taire des quais. Pour accueillir le ministre des transports n’ait
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TRAVAIL ENTREPRISE & INDUSTRIE
n ENTREPRISE
PAR YVES DIMICOLI *, Une raison essentielle des dif- En France, à la différence de qu’ils sont en situation d’oligo-
ficultés de PME, qui représen- l’Allemagne, les PME à forte pole et deviennent de plus en
Alors qu’en 2012, 61 294 entre- tent, en France, 56 % de la valeur croissance, notamment celles plus sélectifs avec la stagnation
prises ont fait faillite en France, ajoutée marchande et 66 % de que l’on nomme « les gazelles » de l’économie. Le recours forcé
dont 57 284 PME1 ,cela repart l’emploi marchand, tient à la (entreprises jeunes à forte crois- de nombre d’entreprises à l’af-
en 2013, avec la récession et le faiblesse de la demande inté- sance), disparaissent prématu- facturage6 accentue la main-
rationnement du crédit ban- rieure avec le chômage, la pré- rément, absorbées par de grands mise des grands groupes ban-
caire. Ce sont des PME de plus carité des contrats de travail, groupes. caires.
de 50 salariés qui font faillite. les bas salaires qui minent la Les grands groupes sélection- De 1990 à 2005, les PME ont
Selon la 17e édition du baromè- demande salariale, tandis que nent les PME les plus dyna- cherché à se désendetter en
tre de KPMG2 et de la CGPME3 les politiques d’austérité bud- miques, qui ont 19 % de chances France. Mais cela n’a pas débou-
(mars 2013), le pessimisme des gétaire dépriment la demande de connaître une restructura- ché sur une reprise de leurs
dirigeants de PME atteint un publique. tion après absorption, contre investissements matériels. Au
record depuis la création de D’autres raisons expriment, plus 3 % si l’entreprise reste indé- contraire, la part de la valeur
cette enquête (mars 2009). Plus profondément, leur inefficacité pendante. ajoutée qui leur est consacrée
d’un tiers d’entre eux estiment relative par rapport aux PME Tous les efforts des pouvoirs marque une baisse régulière sur
que la situation économique d’outre-Rhin. publics, en amont de ces inté- la période.
française a des impacts néga- grations, comme, par exemple, Les PME françaises ont utilisé
tifs importants sur les condi- LA FAUTE AUX GROUPES la multiplication de fonds de une part croissante de leurs
tions d’accès au crédit. L’Allemagne a bâti son efficience capital-risque et de capital inves- bénéfices pour alimenter leur
Pourtant F. Hollande se félicite industrielle, non sur de bas coûts tissement, ou l’aide au déve- trésorerie, dans le but « de se
de la baisse du coût du travail salariaux, mais grâce à des rela- loppement de l’épargne en prémunir contre les chocs néga-
que vont permettre les 20 mil- tions entre grands groupes, PME actions, sans parler des aides tifs dans un contexte où les
liards d’euros du crédit d’im- et banques permettant des rap- directes à la rentabilité (crédits concours bancaires sont diffi-
pôt compétitivité. Il encense ports bien meilleurs qu’en d’impôt, exonérations de coti- ciles à obtenir ». C’est ainsi, que
l’accord national interprofes- France. sations sociales...) constituent
sionnel (ANI) qui permettra aux En France, il n’existe quasiment ainsi, un subventionnement
employeurs de supprimer plus pas de relations à long terme indirect à la croissance préda- Les grandes sociétés,
facilement des emplois, de bais- construites entre grandes socié- trice et l’écrémage des grands
canalisent une grande
ser les salaires, de disposer de tés et PME, sauf lorsque celles- groupes.
main-d’œuvre plus précaire. Il ci sont satellisées par un groupe Les grands donneurs d’ordre part des 60 milliards
loue la création de la Banque ou, dans le sillage d’une grande pillent aussi les PME par le ral- d'euros d'aides
publique d’investissement (BPI) société, partie prenante d’un longement des délais de paie- publiques annuelles
qui, n’interviendra qu’en sou- pôle de compétitivité. Aussi, dès ment dont la France est cham- distribuées aux
tien de « fonds privés », pour des que des difficultés conjonctu- pionne. Ils sont à l’origine d’un entreprises.
PME « performantes » sur des relles se font jour, ce sont les crédit à court terme implicite,
marchés « en croissance ». Elle PME indépendantes et leurs le crédit inter-entreprise, qui a
devra « corriger les imperfec- salariés qui, les premiers, sup- pu être évalué à plus de 600 mil-
tions du marché » bancaire et portent la charge des ajuste- liards d’euros au 31 décembre les liquidités détenues repré-
surtout pas changer les critères ments. 2011, soit environ 30 % du PIB sentaient 13 % du bilan en 2010
du crédit aux entreprises. Les grandes sociétés, qui réali- français, contre 14 % en pour les PME de l’industrie
sent de plus en plus leur chif- Allemagne. manufacturière et le commerce,
Loin de permettre aux PME et fre d’affaires hors de France, Cette pratique induit un risque et plus de 16 % pour la construc-
ETI 4 français de constituer canalisent une grande part des d’impayé qui oblige les entre- tion.
quelque chose d’équivalent au 60 milliards d’euros d’aides prises exposées à recourir à des C’est dire l’importance d’un
« Mittelstand5 » allemand, cette publiques annuelles distribuées assureurs-crédit dont les ser- changement profond des rela-
politique va les affaiblir. aux entreprises. vices coûtent d’autant plus cher tions entre groupes et PME avec
45
la transformation des actuels pour les PME entre novem- déjà si prononcé du secteur PME
pôles de compétitivité en pôles bre 2012 et février 2013, contre en France.
de coopération et la création, 0,6 % pour les grandes entre- Autant de fuites en avant avec
le long des filières industrielles prises. Les PME appartenant à lesquelles il faudrait rompre,
et de services, de pôles publics un groupe (+0,6 %) paraissent notamment par la création d’un
d’impulsion, acteurs d’une nou- favorisées par rapport aux autres pôle financier public regrou-
velle politique industrielle visant PME (+0,1 %). pant la CDC, la banque pos-
la sécurisation de l’emploi et Sans réforme du système ban- tale, la BPI, les banques mutua-
de la formation, le redressement caire et des critères du crédit listes et des banques
productif et la protection de aux entreprises, sans réorien- nationalisées. Il distribuerait
l’environnement. tation du système européen de un nouveau crédit, pour les
banque centrale et de la poli- investissements matériels et de
LA FAUTE AUX BANQUES Économie et politique, tique monétaire de la BCE, ce recherche des entreprises, dont
Cela exprimerait, aussi, la dif- revue marxiste d'économie rationnement perdurerait, accen- le taux d’intérêt serait d’autant
ficulté des rapports banques- (http://www.economie- tuant les tendances dépressives plus abaissé, jusqu’à zéro, voire
PME en France. Les premières politique.org) de la zone euro, avec la mise en en dessous (non-rembourse-
détiennent un très fort pouvoir œuvre des règles prudentielles ment d’une partie du crédit)
de marché sur les secondes liste, domine le marché ban- de Bâle III. Elles prétendent inci- qu’ils programmeraient plus
« dans la mesure où elles ne réper- caire. Les banques des Länder ter les banques à adopter des d’emplois et formations cor-
cutent que de façon différée et détiennent 20 % de ce marché. comportements plus sains et rectement rémunérés et de pro-
partielle les baisses de taux sur Ce pays a développé le concept moins risqués que ceux qui ont grès écologiques.n
les crédits de court terme de plus de « banque maison » (haus- conduit à l’explosion de la crise
faibles montants ». bank) : les entreprises allemandes financière de 2007-2008 en accen- *YVES DIMICOLI est responsable de
Un rationnement du crédit entretiennent avec leur banque, tuant leurs besoins de fonds pro- la commission économique nationale
frappe ainsi les PME françaises souvent unique, des relations pres relativement aux crédits du PCF
restées indépendantes, tandis suivies de partenariat à long accordés et, donc, leurs exi-
que les plus performantes, une terme. Ce type de relations fait gences de rentabilité financière. (1) Ce texte est intégralement en ligne
F. Hollande cherche à encoura- sur www.progressistes.pcf.fr avec
toutes les références afférentes.
ger les PME et les entreprises
Ce pays (l’Allemagne) a développé le concept de de taille intermédiaire (ETI) les (2) KPMG, qui tire son nom de quatre
plus performantes à aller cher- cabinets d’audits comptables qui ont
« banque maison » (hausbank) : les entreprises fusionné en 1986, est un réseau
cher des fonds sur le marché
entretiennent avec leur banque, souvent unique, financier et à développer
mondial de prestations de services
d'audit et de conseil aux entreprises,
des relations suivies de partenariat à long terme. l’épargne en actions. Pourtant, c’est le quatrième cabinet en terme
Ce type de relations fait que les faillites sont moins le lancement, en mai 2005, du d’audit.
nombreuses. marché Alternext débouche sur
(3) La Confédération Générale des
des résultats plus que mitigés. Petites et Moyennes Entreprises est
Surtout, dans l’industrie manu- une organisation patronale qui
fois absorbées par des groupes, que les faillites sont moins nom- facturière, on constate que la regroupe les dirigeants de PME qui ne
accèdent aux financements breuses en Allemagne et les part des capitaux propres dans sont pas membres du MEDEF.
mutualisés internes et aux pré- banques sont moins rentables le bilan des PME françaises a (4) Entreprises de taille intermédiaire,
lèvements de ces derniers. financièrement qu’en France. gagné plus de 6 points depuis qui comptent de 250 à 4999 sala-
Ce serait là une raison essen- Le rationnement du crédit aux 2000, à 41,5 % en 2010, soit le riés.
tielle pour laquelle les PME, en PME a pris de l’ampleur en troisième plus haut niveau en
(5) Le Mittelstand renvoie, en
France, tendent à freiner leurs Europe du sud avec les plans Europe, après celui des PME Allemagne, à la notion d’entreprises
investissements et accumulent d’austérité et malgré les 1 000 belges (50,5 %) et polonaises familiales indépendantes, de taille
de la trésorerie. Cela engendre milliards d’euros de prêts à trois (48,5 %). Mais cela n’a en aucune moyenne. Elles constituent un réel
un vieillissement relatif de leurs ans accordés par la BCE aux tissu économique intermédiaire sous
façon détendu le crédit, le taux
les grands groupes, créant une cer-
capacités productives qui, mar- banques à 1 % de taux d’inté- d’endettement bancaire des taine élasticité à l’économie alle-
chant de pair avec une insuffi- rêt seulement. Effectuée sans PME françaises demeurant l’un mande.
sance des qualifications des aucun changement des critères des plus faibles en Europe, ni
salariés et de l’effort de R&D, (6) Technique visant à confier à un
du crédit, cette création moné- amélioré l’efficacité productive
tiers, le plus souvent une banque, le
contribue à une perte d’effica- taire n’a fait qu’encourager la des PME et ETI. soin de recouvrer les créances à rece-
cité du capital des PME parti- spéculation, au lieu de lever le Les ETI les plus rentables ten- voir. En termes plus simples, il s’agit
culièrement sensible en France. frein du crédit. dent à se tourner vers des « finan- de vendre à une banque le rembour-
sement d’une de ses dettes, celle-ci,
En Allemagne, par contre, le En France, les encours de cré- cements alternatifs » désinter-
contre le paiement de la dette en une
secteur public bancaire, avec dit mobilisés par les entreprises médiés encore plus sélectifs, ce fois à la société créditrice sera donc
les secteurs coopératif et mutua- résidentes n’ont crû que de 0,1 % qui va accentuer le dualisme dotée de titres de créances à recevoir.
46
ENVIRONNEMENT & SOCIÉTÉ
n EPISTÉMOLOGIE
L’attitude scientifique,
douter ou relativiser ?
La démarche scientifique est guidée par la volonté de comprendre, se nourrissant de la
confrontation au réel, incluant le doute. Alors que les positions relativistes de Bruno Latour ou
Isabelle Stengers qui considèrent que « le contenu de n'importe quelle science est social
de part en part » gagnent du terrain, c’est un rappel salutaire.
PAR HUBERT KRIVINE*, l’astrologie répondre à des le poids d’une connaissance inté- encore à flirter avec ce courant
angoisses, ça ne les rend pas grée s’alourdit du poids de toutes relativiste, mais son œuvre a eu
vraies pour autant. Les « bonnes les autres(2). Les journalistes peu- un grand écho national et inter-
U
ne horloge arrêtée raisons » fondées sur l’avantage vent sans état d’âme titrer sur la national. Un commentaire de
indique certainement (ou l’inconvénient) qu’il y aurait mémoire de l’eau ou la vitesse Jacques Bouveresse sur le phi-
l’heure exacte – et même à croire (ou à ne pas croire) sont des neutrinos supérieure à celle losophe allemand Spengler (1880-
deux fois par jour - mais on ne en fait de bien mauvaises rai- de la lumière, la communauté 1936) semble écrit pour lui :
sait pas quand. De la même façon, sons. Il en va de même quand scientifique, effrayée par la chaîne « Spengler - dont certains de nos
le doute systématique permet on juge une information seule- des conséquences, est plus réser- philosophes des sciences « post-
certes de se prémunir des erreurs ment à l’aune de sa source. vée. Conservatisme de la science ? modernes », qui connaissent
ou des escroqueries, mais il ignore Qu’une information vienne de Peut-être, mais c’est aussi l’exi- aujourd’hui un succès compa-
également le vrai au passage. la CIA la rend certes douteuse, gence qu’à affirmation excep- rable au sien, ne semblent tou-
Quelles que soient les satisfac- mais ne la disqualifie pas à coup tionnelle il faut des preuves excep- jours pas avoir remarqué à quel
tions intellectuelles et souvent sûr : après tout, ces Messieurs, tionnelles. N’oublions pas que point il les avait devancés - s’est
mondaines qu’il peut procurer, quand ça les arrange, peuvent cette même communauté aura contenté de sauter immédiate-
le doute systématique est donc aussi avoir intérêt à dire des accepté la mécanique quantique ment à la conclusion qu’il n’y
aussi opérant que notre horloge choses qui se trouvent être vraies :
arrêtée. hélas, le goulag a bien existé.
Historiquement pourtant, le Lemaitre, prêtre de son état, pré- Dans les attributs d'une proposition jugée
doute a fait œuvre salutaire : c’est sident de l’Académie pontificale, « scientifique », il en faut ajouter un, peu souvent
le « doute scientifique » apparu a élaboré une théorie de « l’œuf évoqué : son imbrication dans le reste des
comme mise en question des primitif » qui fut initialement
vérités révélées. Sous sa forme saluée par le Pape comme prou-
connaissances. Cette imbrication lui procure en
plus moderne, c’est la notion vant le Fiat Lux de la Bible. Et quelque sorte un poids effectif supérieur à la force de
popularisée par Popper que toute pourtant, cette théorie actuel- ses seuls succès locaux.
vérité pour être scientifique doit lement appelée « Big Bang » est
être réfutable. Une vérité scien- universellement reconnue.
tifique « indiscutable » est donc avec son cortège de résultats stu- avait pas de réalité, que la nature
un oxymore. Mais quid des « bonnes raisons » péfiants (chat de Schrödinger était une simple fonction de la
Croire une affirmation seule- si on se refuse de les fonder sur mort et vivant à la fois, un élec- forme culturelle variable dans
ment quand on a de bonnes rai- leur vertu opératoire de court tron passant simultanément par laquelle elle s’exprime, autre-
sons de la croire vraie peut sem- terme ? deux trous à la fois, etc.). ment dit, que c’est la nature qui
bler une banalité, un La réfutabilité, la reproductibi- Cette version de la validité des est une fonction de la représen-
comportement que tout le monde lité, l’universalisme, la parcimo- connaissances scientifiques est tation que nous en construisons,
tient. Mais le « seulement » rend nie, la capacité à prévoir, la consis- radicalement mise en question et non pas, comme on pouvait
ce comportement souvent dif- tance, etc. sont les attributs par les tenants (ou les héritiers) le croire et l’espérer jusqu’à pré-
ficile à maintenir. Les exemples habituels d’une proposition jugée du « programme fort »(3), pour sent, l’inverse. Et il est parvenu
abondent. « scientifique ». Il faut ajouter qui « le contenu de n’importe à la conclusion que les questions
Croire à un paradis au ciel, comme un autre au moins aussi impor- quelle science est social de part épistémologiques étaient, en fin
l’annonce la Bible ou en URSS tant et curieusement moins sou- en part ». de compte, uniquement des
comme le proclamait la propa- vent évoqué : son imbrication À des variantes près, Bruno Latour, questions de style, les systèmes
gande de Staline, sont des dans le reste des connaissances. dans son livre La Science en action physiques se distinguant les uns
croyances fondées sur le bien- Cette imbrication lui procure en (La Découverte, 2005), s’était fait des autres et s’opposant les uns
fait qu’on en espère(1). La reli- quelque sorte un poids effectif le chantre de ces conceptions. aux autres comme les tragédies,
gion peut éventuellement cal- supérieur à la force de ses seuls Nous ne sommes pas certains les symphonies et les tableaux,
mer la peur de la mort et succès locaux. En d’autres termes, que Latour continue aujourd’hui en termes d’écoles, de traditions,
47
Le cas Galilée :
audace, curiosité et tion cynique d’une recherche
mue par le désir de pouvoir se
lunettes ne tombent
rapprocher du coup d’un désir
pas du ciel ; ce sont d’enrichissement personnel,
clairement les d’où le rôle de la prime au mérite
productions d’une et la tendance à faire du facteur
société à un certain h(5) le critère de la valeur d’un
moment. Mais ceci ne chercheur et du classement de
Shanghai, celui d’une univer-
fait pas des montagnes
sité. Dans cette période d’aus-
de la Lune une térité, c’est un choix plus éco-
construction sociale. nomique que celui d’une
formation de masse et d’expé-
À gauche, dessin de la Lune par Galilée publié en 1610, et à droite riences coûteuses dont les résul-
une photo de la Lune. L’histoire de l’ « hypothèse ato- tats ne sont jamais garantis. Il
mique » est analogue, même si ne s’agit pas de stopper la
de manières et de conventions Comme souvent, chez ces rela- la lunette qui a permis de « voir » recherche, mais de la ramener
(c’est à peu près textuellement tivistes on passe d’une trivialité les atomes est autre chose qu’un à ce qu’elle vaut : un argument
ce qui est affirmé dans Le Déclin vraie : « si le concept est reconnu », tube muni d’une lentille conver- de plus dans la rhétorique de la
de l’Occident). » c’est bien qu’il y ait « un nom- gente à un bout et divergente à compétition. Le malheur vou-
Synthétiquement, ce courant de bre suffisant d’autres scienti- l’autre – pour ne pas mention- drait que cette philosophie
pensée considère naïf de faire fiques » pour le faire, à une tri- ner la « lunette » qui a permis de déviante devienne auto-réalisa-
intervenir la Nature - c’est-à-dire vialité fausse : cette « voir » le boson de Higgs. C’est trice. Alors, on ne formera plus
l’expérience - comme arbitre des reconnaissance ne devrait rien à la construction de cette « longue- des chercheurs, mais des gagnants
controverses scientifiques ; ou, à « son caractère rationnel ». vue » qu’on a assisté, pas à celle ou des « communicateurs », visant
plus subtilement, ne la consi- Latour, comme Stengers ne pren- des atomes ! L’Amérique existait à se faire une place sur un mar-
dère que comme un argument nent aucun risque et couvrent avant Christophe Colomb, ché des connaissances. Confondre
rhétorique supplémentaire. La tout le champ du possible en comme les microbes avant l’intérêt de la science avec son
notion de « vérité » scientifique affirmant que c’est le meilleur Pasteur ! intéressement, c’est à terme la
serait une imposture. À la limite, réseau qui gagne, mais ils n’ont stériliser. n
ce sont les scientifiques qui fabri- rien dit. En revanche, lorsqu’ils Les théories relativistes sont peu
queraient les objets qu’ils croient racontent que la nature, c’est- connues, et en tout cas sans *HUBERT KRIVINE est physicien.
« découvrir ». Qu’est-ce qui décide à-dire l’expérience et l’imbrica- influence, chez les profession- Il a été chercheur au Laboratoire
de physique théorique et modèles
alors de la clôture d’une contro- tion dont nous avons parlé ne nels de la science, qui de façon
statistiques de l’Université Paris-Sud
verse ? jouent qu’un rôle rhétorique générale - et à tort - se désinté- (LPTMS).
d’appoint, ils disent quelque ressent de la sociologie des
Ce serait le rapport de forces chose et ce quelque chose est sciences(4). Nous leur avons donné Livre : La Terre, des mythes au savoir
entre les différents réseaux faux. de l’importance dans la mesure
(1) Vieille affaire déjà considérée par
hommes (et machines) prota- où elles en ont pour certains
les Anciens : en latin, Argumentum ad
gonistes du débat. Galilée avait osé affirmer, contre journalistes « savants » et déci- consequentiam, l'argument par la
Les chercheurs, nous affirme Aristote et le Saint-Siège, que les deurs politiques, voire pour cer- conséquence.
Bruno Latour : montagnes de la Lune et les satel- tains enseignants. Sciences Po, (2) La sociologue nord-américaine
Susan Haack donne une image très
« n’utilisent pas la nature comme lites de Jupiter n’étaient pas des par exemple, censé former nos parlante de cet enchevêtrement des
un juge extérieur et, comme il artefacts de sa lunette. Il a fina- futures « élites », avait choisi un connaissances : quelques fois on peut
n’y a aucune raison d’imaginer lement gagné parce que mon- sociologue comme directeur changer dans une grille de mots croi-
que nous sommes plus intelli- tagnes et satellites étaient bien scientifique : Bruno Latour. Ces sés un mot au prix de petites modifica-
tions locales, mais généralement tout
gents qu’eux, nous n’avons pas, là, tout simplement. théories ne sont pas directement est à refaire.
nous non plus, à l’utiliser. » Tout simplement ? Mais les satel- responsables des politiques scien- (3) Attaché aux noms de David Bloor
Typique encore est l’affirmation lites de Jupiter et les montagnes tifiques actuelles mais en consti- et Barry Barnes dans les années 70.
d’Isabelle Stengers (Les concepts tuent d’excellents compagnons (4) Weinberg, qui ne s'en désintéres-
de la Lune étaient là depuis des
sait pas, livre néanmoins - à propos de
scientifiques, Gallimard, 1991) : milliards d’années et personne de route. En effet, si le succès la philosophie en général - cette obser-
« Un concept n’est pas doué de ne les avait vus. Pour ce faire, il d’une théorie scientifique sur vation amère : « les intuitions de philo-
pouvoir en vertu de son carac- fallait de l’audace, une certaine ses concurrentes est dû à la consti- sophes se sont révélées profitables aux
physiciens, mais généralement de
tère rationnel, il est reconnu curiosité et surtout disposer de tution d’un lobbying assurant la
façon négative - en les protégeant des
comme articulant une démarche la lunette des Hollandais. Audace, meilleure publicité, voire la meil- idées préconçues d'autres philo-
rationnelle parce que ceux qui curiosité et lunettes ne tombent leure propagande, mieux vaut sophes. »
le proposaient ont réussi à vain- pas du ciel ; ce sont clairement alors développer dans les uni- (5) Ou h-index en anglais. Un scienti-
fique avec un indice de h a publié h
cre le scepticisme d’un nombre les productions d’une société à versités le budget « com », assu- articles qui ont été cités au moins h
suffisant d’autres scientifiques, un certain moment. Mais ceci rer le meilleur réseau, dévelop- fois. Un seul nombre, donc, caractérise
eux-mêmes reconnus comme ne fait pas des montagnes de la per la visibilité, la concurrence un chercheur, et les machines peuvent
« compétents » [...]» Lune une construction sociale. et l’ « excellence ». Cette concep- se charger du classement !
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ENVIRONNEMENT & SOCIÉTÉ
n SCIENCES ET PSEUDO-SCIENCES
PAR VINCENT LAGET*, Pourtant, par un étrange retour Janvier à Naples, ou encore du critique vers ce qui est Science.
des choses, les pseudosciences « Suaire » de Turin. Alors que la Plus encore, il est possible éga-
Nous vivons dans une société et autres pseudo-médecines cohérence et le respect des lement de profiter du support
de haute technologie. Il est constituent un formidable connaissances antérieures sont motivant que procurent les pseu-
devenu « naturel », y compris moyen de (re)découvrir la toujours recherchés en Science, dosciences. Henri Broch a sys-
pour nos aînés, de surfer sur Science et la méthode scienti- à l’inverse dans le monde « para », tématisé tout cela en renouve-
Internet. Il est devenu tout autant fique… plus l’explication du phéno- lant une démarche appelée
« naturel » de bénéficier, à la mène est nébuleuse, incohé- Zététique. Elle repose sur deux
commande d’un simple inter- DE BRIC ET DE BROCH… rente et mystérieuse, plus elle catégories de recommanda-
rupteur, des bienfaits d’un chauf- Dans les années 70-80, un scien- est considérée comme Vérité… tions, les « facettes » et les « effets ».
fage ou d’une climatisation, tifique, le Professeur Henri Broch, Enfin, restent les méthodes ; Les facettes sont des principes
d’éclairage et d’autres serviteurs s’intéresse aux phénomènes Henri Broch identifie des lignes généraux à respecter pour toute
électriques et électroniques. Les « paranormaux » et leur applique démarche critique ou qui se
images des sondes spatiales la démarche scientifique. Il va veut respectueuse de la métho-
envoyées sur Mars ou sur Saturne chercher à vérifier l’existence dologie scientifique. Les effets
ne relèvent quasiment plus de de ces phénomènes. Après des Les productions sont des erreurs ou biais de rai-
l’exploit technique et ne nous années de recherches, la conclu- « paranormales » sonnements à rechercher dans
émerveillent plus. Pourtant, sion tombe : leur existence n’est présentent des tout discours pour en évaluer
sous leur apparente banalité, pas démontrée, ce qui ne veut similitudes qui les sa qualité. Vous en trouverez
les objets du quotidien cachent pas dire paradoxalement, qu’étu- caractérisent. quelques exemples dans l’en-
des prouesses technologiques dier ce domaine, soit dénué cadré qui suit ce texte.
Généralement, elles
majeures. Ils traduisent une d’intérêt… Reste maintenant à pratiquer…
connaissance profonde du transgressent des
monde réel, rendue possible LES HOMMES, connaissances QUELQUES EFFETS
par la démarche scientifique. DOCUMENTS ET MÉTHODES scientifiques les plus DE LA ZÉTÉTIQUE
Ils sont la preuve de la supério- DU « PARANORMAL » solidement établies.
rité du discours scientifique sur Tout d’abord, l’étude du domaine L’effet Puits
toutes les autres, et en particu- « paranormal » renseigne sur Vous avez besoin que les autres
lier sur les discours religieux les comportements des de démarcations claires, qui personnes vous aiment et vous
concernant le Monde, pour com- « tenants », ces personnes qui vont de la naïveté à la simple admirent mais vous êtes tout de
prendre le réel. considèrent pour vrais ces phé- incompétence, en passant par même apte à être critique envers
Dans le même temps, les cultes nomènes hors réalité. Henri la fraude ou la possibilité de vous-même. Bien que vous ayez
de déraison ne se sont jamais Broch note, que ces personnes fraude. Par exemple, des confu- quelques faiblesses de caractère,
aussi bien portés : les sites de ont des comportements de sions entre les notions de cor- vous êtes généralement capable
voyance par Internet sont flo- croyant : rien ne peut les faire rélation et de causalité : consta- de les compenser. Vous possédez
rissants, l’astrologie a pignon changer d’avis sur ce qu’ils tien- ter la présence d’un briquet de considérables capacités non
sur rue dans les médias1 et l’ho- nent pour vrai, ce qui les met dans la poche d’un malade employées que vous n’avez pas
méopathie est remboursée par de facto hors Science. atteint d’un cancer du poumon utilisées à votre avantage.
la Sécurité Sociale. Tout ceci est Ensuite, il constate que les pro- (corrélation) ne signifie pas que Quelques-unes de vos aspira-
d’autant plus incompréhensi- ductions « paranormales » pré- le briquet cause de manière tions ont tendance à être assez
ble que l’homéopathie n’a jamais sentent des similitudes qui les « paranormale » le cancer du irréalistes. Discipliné et faisant
fait la preuve de son efficacité caractérisent. Généralement, poumon (causalité)… preuve de self-control extérieu-
et que ses principes violent les elles transgressent des connais- rement, vous avez tendance à
lois de la physique les plus soli- sances scientifiques les plus D’OÙ LA ZÉTÉTIQUE… être soucieux et incertain inté-
dement établies ; même chose solidement établies, comme L’utilité paradoxale des pseu- rieurement. Quelquefois vous
pour la voyance et l’astrologie, dans le cas de l’homéopathie dosciences apparaît mainte- avez même de sérieux doutes
où la réussite des prédictions déjà citée plus haut, ou encore nant clairement : en montrant quant à savoir si vous avez pris
ne se distingue pas d’un effet dans celui de divers « miracles », ce qui n’est pas Science, elles la bonne décision. Vous préférez
du hasard2. comme celui du « sang » de Saint contribuent à guider la démarche un petit peu de changement et
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ENVIRONNEMENT & SOCIÉTÉ
n ÉNERGIE
PAR JEAN-NOËL DUMONT, activité à vie longue (MAVL) et dans des combustibles et leur site des études en laboratoires
ET BERNARD FELIX*, ceux de haute activité (HA) [2] irradiation dans des réacteurs à souterrains.
une telle solution ne peut être neutrons rapides. Si elle permet En 2005, échéance fixée par la
UN PROCESSUS DE LONGUE envisagée. Dès les années 70, le de réduire la radio toxicité des loi de 1991, trois formations géo-
HALEINE stockage profond (au moins 200 déchets, elle implique un essor logiques avaient été explorées
Les premiers travaux sur la ges- mètres) en formation géologique dans des départements qui
tion à très long terme des déchets continentale a fait l’objet d’un s'étaient portés candidats : la
radioactifs remontent aux années consensus international qui a Le parlement adoptait Vienne, le Gard et à la charnière
soixante, avec notamment le été promu par l’agence interna- en 1991 à l'unanimité de la Meuse et de la Haute-Marne
développement du procédé de tionale de l’énergie atomique, la "loi Bataille", qui où un laboratoire souterrain
vitrification. Dans la décennie l’AIEA, organisme spécialisé des (laboratoire de Bure) a été mis
définit trois axes de
70, l'engagement du gouverne- Nations Unies. en service en 99 pour étudier in
ment dans la réalisation d'un Jusqu’en 1990, la recherche de
recherche pour la situ le comportement des roches
parc électronucléaire s'est accom- sites potentiels d’implantation, gestion des déchets argileuses. Sur la base du dos-
pagné du développement du selon les seuls critères géolo- HA–MAVL sier présenté par l’Andra, la
retraitement à usage civil. Celui- giques, s’est appuyée sur le pou- Commission Nationale d’Éva-
ci permet d’extraire la majeure voir exécutif, ce qui a été vécu luation (CNE), composée d’ex-
partie de la matière fissile pré- localement comme une agres- de l’industrie nucléaire et ne perts, et l’Autorité de Sûreté
sente dans le combustible en sion et a mené à un blocage. Le supprime pas la nécessité d'un Nucléaire (ASN) ont conclu à la
sortie de réacteur, donc de réduire besoin de légiférer s’est imposé stockage profond. faisabilité d’un stockage géolo-
la toxicité des déchets, sinon leur et le parlement adoptait en 1991 • Le conditionnement et l’en- gique réversible en Meuse/Haute-
volume. Le plutonium récupéré à l'unanimité la « loi Bataille », treposage en surface ou à faible Marne. La loi de programme du
est utilisé pour fabriquer le com- qui définit trois axes de recherche profondeur. Ces ouvrages per- 28 juin 2006 a confirmé ces choix:
bustible MOX. Les résidus du pour la gestion des déchets mettent une mise en attente des
retraitement sont calcinés et HA–MAVL : déchets et donc de reporter la
intégrés dans les blocs de verre. • La transmutation qui consiste décision sur leur gestion finale.
La très grande majorité des à transformer les noyaux à vie Cependant dès que leur main-
déchets produits par les activi- longue en noyaux à période plus tenance cesse, le confinement
tés nucléaires est solidifiée et courte par réactions nucléaires. des déchets et la sûreté se dégra-
conditionnée en ligne dans des Séduisante sur le papier, cette dent.
colis à conteneurs en acier ou solution passe par une sépara- • Le stockage, réversible ou irré-
en béton. À plus de 96 % ils sont tion des différents radioéléments versible, dans des formations
de très faible, de faible ou de dans le processus de retraite- géologiques profondes. Confiée
moyenne activité à vie courte, ment, par leur incorporation à l'Andra, cette recherche néces-
c’est-à-dire que leur période de
demi-vie, au terme de laquelle
la radioactivité est divisée par EXTRAITS DE LA DÉCLARATION DU PCF
deux, est inférieure à 31 ans. Ces SUR LE PROJET CIGEO
déchets sont expédiés vers les
Pour le PCF, le débat public sur le projet CIGEO constitue un moment
stockages en surface de l’Andra important du projet (…) Si l’on veut que toute la filière nucléaire civile
[1], dont les ouvrages après fer- soit portée et assumée par nos concitoyens, il faut qu’ils se sentent
meture seront surveillés pen- écoutés et respectés (…) Pour nous la transparence est une exigence.
Elle nécessite une information accessible à tous. C’est une condition Colis de déchets vitrifiés issus
dant au moins 300 ans, le temps du retraitement des combustibles
incontournable à l’acceptation par les populations de la réalisation de
d’une décroissance vers la usés des centrales nucléaires
tout grand projet essentiel… (http://www.pcf.fr/43909)
radioactivité du milieu naturel. Le 1er septembre 2013 dans les usines d’Areva - La
Pour les déchets de moyenne Hague.
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ENVIRONNEMENT & SOCIÉTÉ
n Point de vue de JOËL GUIDEZ, Conseiller scientifique à l’ambassade de France à Berlin du 01/11/2009 au 31/08/2011
En 2000 l'Allemagne s’engageait dans un vaste projet énergétique, avec une production électrique basée sur un
développement des énergies renouvelables accompagnant une sortie du nucléaire. Douze ans plus tard un premier
bilan est faisable. Il doit pour le moins engager la France, à la plus grande prudence vis-à-vis de ce « modèle», et
ce d’autant plus que les deux pays ont de grandes différences structurelles dans le domaine énergétique.
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lement plus du double (plus de 30 c/KWh pour environ 14 en France). TENTATIVE DE PROSPECTIVE SUR LE SCÉNARIO2022/2050.
Il suffit d'extrapoler cette évolution jusqu’en 2030, pour voir qu’on En 2022, date prévue d’arrêt du dernier réacteur nucléaire, la situa-
atteint des prix intolérables tion devrait être la suivante :
• Le parc de réacteurs thermiques lancés en remplacement devrait,
UNE PRODUCTION DE CO2 QUI REPART À LA HAUSSE… malgré les retards actuels, être peu ou prou opérationnel et assurer
Une électricité chère entraîne automatiquement une baisse de la la couverture nécessaire.
consommation. En 2012 la consommation d'électricité allemande • Le coût du courant électrique aura encore notablement augmenté
était inférieure à celle de 2004. Mais dans le même temps, la consom- (entre 40 et 50 c€KWh). Ce coût élevé devrait réussir à maintenir
mation totale d’énergie par habitant continue d'augmenter. En fait une diminution de la consommation.
les tarifs électriques élevés maintiennent les gens dans une utilisa- • Si grâce à un effort financier considérable, on maintient la pro-
tion renforcée des énergies fossiles. gression des renouvelables à +1 % minimum par an, le soleil et l’éo-
C'est en particulier le cas pour le chauffage des maisons où la voie, lien produiraient alors environ 23 % de la production électrique.
pourtant particulièrement intéressante d'un chauffage électrique Ceci correspondrait à une puissance installée considérable (envi-
avec pompe à chaleur qui permet une économie d'énergie, n'est ron 2 fois la puissance des 58 réacteurs français). Aucune solution
pas exploitée. De même le peu d'engouement pour les voitures élec- n’existe aujourd’hui pour le réseau vis-à-vis des fluctuations de pro-
triques : avec une électricité produite en Allemagne à plus de 60 % duction correspondantes.
en 2012 par des énergies fossiles, autant mettre le gaz ou le fuel direc- • L’énergie fossile produira l’essentiel du reste, avec les conséquences
tement dans les voitures. négatives correspondantes sur le quota CO2 et sur la balance com-
La conséquence de cette politique est globalement une remontée merciale.
de la production de CO2(1).
DES SITUATIONS ÉNERGÉTIQUES DIFFÉRENTES
DES EMPLOIS PROMIS QUI NE SONT PAS TOUJOURS AU ENTRE LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE
RENDEZ-VOUS. Histoire, ressources naturelles, situation géopolitique, économie du
Si dans l’éolien, une avance technique qui existe encore préserve pays… autant d'éléments qui ont structuré des productions électriques
provisoirement cette industrie, il n'en est pas de même dans le bien différentes en France et en Allemagne : Alors que l'Allemagne fait
largement appel aux énergies fossiles pour sa production électrique,
solaire. La concurrence très forte des produits chinois a conduit en
les productions nucléaire et hydraulique, peu émettrices de CO2, sont
2011 et 2012, à des faillites retentissantes de l’ensemble de l’indus-
depuis longtemps très largement majoritaires en France(2).
trie solaire allemande (Solon, Solar millenium puis QCell...), ou à
Si l’Allemagne continue dans sa transition énergétique, elle va arri-
des rachats comme Sunways racheté par l’entreprise chinoise LDK
ver à disposer d’une électricité durablement rare et chère et donc
avec une offre bradée à 25 % de la valeur boursière. L’Allemagne se
réservée à des usages nobles et limités. Les solutions électriques
retrouve en 2012, à payer des surcoûts énormes pour financer des
auront alors peu d’intérêt pour le transport et pour le chauffage des
capteurs chinois. Le bilan final des emplois créés par cette bulle pro-
maisons qui s’effectuera toujours par des énergies fossiles. Leur
tectionniste, n’est pas au niveau des espérances initiales.
consommation résiduelle entraînera une production de CO2 et un
Dans le même temps, les pertes d’emplois dus à l’abandon du
déficit de la balance commerciale. Les investissements restant à
nucléaire sont nombreuses chez les 4 grandes compagnies : Eon,
faire sont colossaux et ne sont accessibles qu'à un pays qui accu-
RWE, RMBW, et Vattenfall. Elles sont d’ailleurs en procès avec l’état
mule mois après mois les excédents commerciaux.
allemand. Il faut rappeler ici qu’un réacteur nucléaire en démantè-
On est dans une situation complètement différente en France
lement utilise environ dix fois moins de personnel qu’un réacteur
aujourd’hui où l’utilisation d’une énergie électrique décarbonée
en fonctionnement, et que par contre, au lieu de créer de la richesse, bon marché, ouvrirait la voie à des chauffages électriques toujours
il en consomme. améliorés, à des voitures électriques et à l’abandon progressif de
l’utilisation des énergies fossiles. La production de cette électricité
LE RÔLE DE L’EUROPE décarbonée, non délocalisable, serait génératrice d’emplois en
L’Europe n’a pas actuellement de politique industrielle et vit sur un France. Les investissements nécessaires à cette option, conduisent
schéma libéral de mise en concurrence y compris mondiale. Dans à une baisse plus importante de l’utilisation des énergies fossiles et
ce contexte l’Allemagne essaye de jouer ses cartes de manière prag- de la production de CO2. Le coût de ces investissements pourrait
matique : grandement être supporté par la baisse des importations d’éner-
• ne pas trop se faire pénaliser quant aux rejets CO2 : elle a fait échouer gies fossiles (69 milliards en 2012)
en 2013 le plan de la commission sur la revalorisation du coût de la Suivre l’exemple allemand de tentative de remplacement du nucléaire
tonne de CO2 par des énergies renouvelables serait donc une grave erreur, dont nous
• essayer de faire payer par l’Europe, au moins en partie, le déve- n’avons pas les moyens. Par contre collaborer avec nos amis allemands,
loppement des réseaux électriques dont elle a besoin et les proto- pour un développement des recherches permettant de diminuer encore
types de centrales solaires. le coût des énergies renouvelables, de développer des filières perfor-
• éviter la concurrence sur le marché du courant électrique par le mantes, de trouver des solutions de stockage, etc.... serait parfaitement
biais de taxes payées par l’utilisateur a posteriori. Sans ces taxes, le cohérent avec la volonté de substituer peu à peu aux énergies fossiles
consommateur, dans un monde concurrentiel réel, irait acheter le une électricité décarbonée produite sur notre sol.n
courant français à moitié prix.
(1) En 2012, la production de CO2 par tête d’habitant – une des plus fortes
• mettre une taxe sociale sur les produits pour faire contribuer un d’Europe – est en Allemagne environ double de celle d'en France.
peu les produits importés comme les panneaux solaires asiatiques. (2) l'Allemagne est le premier producteur mondial de lignite. Son charbon natio-
• développer des accords avec les pays frontaliers (Autriche, Suisse, nal, complété par des importations de gaz russe et de charbon, a produit en
2011, 58,2 % de l’électricité. En France, nucléaire et hydraulique, peu émetteur de
Norvège) possédant des capacités hydrauliques importantes pour
CO2, ont produit respectivement sur les 10 dernières années environ 78 % et 12
le stockage d’énergie et de lissage des fluctuations des EnR. % de l’électricité.
54
ÉVÉNEMENT
n UNIVERSITÉ D’ÉTÉ 2013 DU PCF
I
l y a bien longtemps que les viduel et individualiste à la terre,
sciences de la nature n’avaient la « sobriété heureuse » ? Ou
trouvé pareille résonance doit-on chercher une organisa-
dans un cénacle communiste ! tion de société qui remette les
Face aux montagnes majestueuses sciences et techniques au ser-
des Karellis, cinq ateliers offraient vice du progrès social ? Ou autre-
aux communistes d’osciller entre ment dit, peut-on encore être
poèmes de l’astrophysique et progressiste ? Pour les scienti-
vertiges du nano-monde. Sans fiques présents, la réponse est
jamais perdre de vue – on ne se claire : oui ! Ainsi pour Gilles
refait pas ! – les enjeux politiques. Cohen-Tannoudji, physicien au
Car comme l’a rappelé l’écologue CEA, la découverte récente du
Luc Foulquier parlant de la revue boson de Higgs est certes une
Progressistes1, les enjeux scienti- découverte scientifique de pre- Le soleil avec ses taches et ses protubérances
fiques et techniques sont au cœur mier plan, mais c’est aussi la
des questions qui traversent nos démonstration qu’un modèle
sociétés et, en particulier, la gauche. diamétralement opposé aux
Si le progrès technique ne sem- canons du capitalisme comme
ble plus mécaniquement porteur celui du CERN (cf. encart) peut Près de 300
de progrès humain, que faire ? exister, réaliser de grandes choses participants auront
Faut-il considérer qu’avec la et ouvrir les portes d’un nou- profité de la vision
finance au pouvoir la technique veau monde ! CERN qui a éga- du soleil à travers
la lunette solaire
est devenue tellement toxique lement donné au monde les
mis à disposition
que la seule réponse sensée est navigateurs Internet ou le sys- par l'équipe de
tème informatique libre Linux. Progressistes.
Et la veille, c’était Catherine
LE CERN Cézarsky2, académicienne cha-
Le Centre d’Etude des Rayonne- leureuse et accessible, qui avait
ments Nucléaires, à Genève, est souligné ce que le savoir humain
depuis sa fondation après-guerre sur l’histoire de l’univers doit au d’écoulements rougeoyants, comme dans les ténèbres, nous
le lieu d’une coopération scienti-
partage, à la mise en commun. quelques taches sombres. Il reste sommes aveugles. n
fique internationale exemplaire,
un lieu dévoué au savoir et au Au désir désintéressé de décou- toujours un peu d’ombre, et c’est
progrès humain démocratique, vrir, de comprendre, d’allumer heureux. Car il ne faut jamais *SÉBASTIEN ELKA, comité de
fraternel, durable, et néanmoins… toujours plus d’étoiles lointaines. l’oublier : dans la lumière totale rédaction de Progressistes
efficace. De par ses statuts, le Sur la terrasse, entre 2 verres,
CERN ne dépose jamais de brevet, 1/ Revue lancée par le Conseil National du PCF pour éclairer les enjeux techniques,
l'équipe de la revue Progressistes politiques et environnementaux de la science, des technologies et du travail.
toutes ses découvertes devant être
braque une lunette sur le disque 2/ Astrophysicienne de renom, membre de l’Académie des Sciences et sans doute
ouvertes à l’humanité.
solaire. Sur le disque d’or ourlé l’une des femmes de science les plus diplômées et décorées au monde.
L
e 22 juillet dernier, l'as- tulés se sont aussitôt multipliés, le moindre intérêt dans quelque
semblée nationale adop- en fonction des établissements branche professionnelle que ce La réforme de
tait une nouvelle loi-cadre et des régions. Les diplômes, dès soit, qui ont simplement voca- l'enseignement
pour l'enseignement supérieur, lors, servent de support à la tion à faire du chômage et de la
supérieur est une
la « loi Fioraso ». Les commen- concurrence territoriale la plus recherche d'emploi l'alpha et
tateurs s'en sont brièvement sauvage. Chaque nuance dans l'oméga des parcours profession-
réforme de l'emploi qui
emparés avant l'été, au nom de le contenu des certifications peut nels. Par conséquent, depuis, ne dit pas son nom… Il
la défense de la francophonie et être utilisée pour opposer deux seuls 20 % des diplômés s'ins- est temps de se battre
de la littérature française. C'est candidats et pour tirer leurs condi- tallent dans l'emploi à l'issue de pour le cadrage, non
précisément le traitement lapi- tions d'embauche vers le bas. Le leurs études. La « compétitivité » seulement national,
daire et sélectif auquel la réforme chômage des jeunes diplômés a des universités est le creuset du mais professionnel des
de l'enseignement supérieur est ainsi gagné trois points durant chômage de masse et du déman-
réduite depuis le début des années cette période. C'est la vitalité et tèlement des métiers… Et la for-
diplômes ; pour
2000. Les étudiants qui travail- la qualité du monde du travail mation dispensée n'en est que adosser des conditions
lent sur les bancs de l'université qui s'en ressentent, quand les plus lacunaire et inadéquate. Les minimales d'emploi et
française sont pourtant les sala- mécanismes de formation ini- nouveaux pouvoirs dont dispo- de salaire à chaque
riés, les ingénieurs et les cadres tiale sont à ce point soumis à l'ar- sent les établissements privés certification.
de demain ; ceux dont l'entre- bitraire, au caprice et aux pres- avec la loi Fioraso, notamment
prise est délocalisée par caprice, sions locales… Et la loi Fioraso ceux d'évaluer les diplômes,
ceux qui nourrissent le progrès ne décolle pas de ces logiques. accentuent la pression sur les entrepreneuriaux dans les
professionnel du pays, ceux qui Elle permet aux établissements filières et sur les métiers. Il faut diplômes, ces mesures font peu
s'effondrent sous la pression du d'habiliter leurs programmes au contraire mettre les certifica- de cas de la qualité des forma-
«Wall Street Management ». Les dans le cadre de « schémas régio- tions à la base du progrès social tions. Elles substituent les per-
maîtres d'œuvre de cette offen- naux » quand, auparavant, cette et professionnel, dans le cadre sonnels vacataires aux titulaires,
sive législative le savent bien, qui responsabilité était du ressort de de formations sérieuses. elles ont un impact considéra-
imposent leurs mesures tam- l'État… Il est temps de se battre L'université n'a pas besoin de ble sur les équipements et elles
bour battant au nom de « l'em- pour le cadrage, non seulement ces modules dé-professionnali- ferment la porte du diplôme à
ployabilité » de la « compétiti- national, mais professionnel des sants: elle est par contre orphe- des milliers d'étudiants ; en un
vité » du marché du travail… La diplômes; pour adosser des condi- line d'une véritable filière tech- mot, elles interdisent les forma-
réforme de l'enseignement supé- tions minimales d'emploi et de nologique, pour permettre aux tions de qualité dont le pays a
rieur est une réforme de l'em- salaire à chaque certification. salariés de demain d'apporter besoin. La loi Fioraso, qui crée
ploi qui ne dit pas son nom, et Il s'agit, ensuite, de continuer la une contribution nouvelle au des communautés d'universités
elle porte un projet scientifique, « professionnalisation » au nom monde du travail. Il s'agit, enfin, unilatéralement responsables
industriel et social pour la France. de laquelle le gouvernement de réaffirmer les dogmes bud- de l'exécution de leur budget,
La loi Fioraso elle-même repose Sarkozy avait invité les chefs d'en- gétaires qui paralysent l'ensei- aggrave encore la situation. Il
sur les lignes de force qui ont treprise à prendre leurs aises dans gnement supérieur. L'autonomie faut, au contraire, donner les
animé les politiques précédentes. les instances dirigeantes de l'uni- des universités met les établis- moyens aux établissements de
Il s'agit, d'abord, de tourner défi- versité. Ils y ont organisé les sements en faillite les uns après délivrer des diplômes de qualité.
nitivement la page des diplômes fameux modules d'employabi- les autres, au point que certains La fin de l'autonomie budgétaire
nationaux au profit de certifica- lité, qui, loin de valoriser et de d'entre eux, en l'absence de est nécessaire et doit être le pre-
tions régionales. La politique transmettre les métiers, les ont moyens, sont forcés de recourir mier pas vers le réinvestissement
éducative du quinquennat Sarkozy remisés au placard. Auto-mar- au hasard pour sélectionner les massif dans nos institutions d'en-
avait déjà mis tous les cadres de keting ou rédaction de CV, autant étudiants. Conçues pour renfor- seignement supérieur et de
régulation au placard : les inti- de compétences qui n'ont pas cer l'influence des « mécènes » recherche. n
CRÉDITS PHOTOS : P7 en bas : Black Woodpecker Dryocopus martius with young, Finland. - 8 July 2003, 11:23 -auteur Alastair Rae , from London, United Kingdom • P7 en haut :Paris Tramway ligne 1, 6 novembre 2012, auteur :
Eole99 • P8 : Représentation d'un réseau de chauffage urbain, 25 May 2012, auteur : POWER SOLUTIONS FRANCE • P9 en haut :The River Seine from the right bank at Saint-Martin de Boscherville, Normandy, 4 August 2012, auteur :
Nortmannus • P9 en bas : Lignes à haute tension (Sagy, Val d'Oise) Photo JH Mora, juin 2005 • P10 Étang de Berre by SPOT Satellite, 2003, auteur : Cnes - Spot Image • P13 Balot de bouteille de plastique après tris des déchets ,
2006, auteur : Antoine Taveneaux • P17 en haut : La ligne T1 du tramway de Toulouse entre Zénith et Cartoucherie., 26 March 2012, auteur : Antoine Blondin • P20 Ouaouaron au Sentier d'interprétation de la Réserve naturelle des
Marais-du-Nord,2008, Gilbert Bochenek • P21 :Barrage de Monteynard (Isère, France), 13 October 2007, David Monniaux • P22 La coulée verte du sud de Paris.April 2007, auteur : Subichan • P22 Local foods, 1980, auteur : Rotget
• P22 Déchargement d'un camion de livraison Biocoop pour approvisionnement du magasin Biocoop du boulevard Grenelle à Paris. Auteur : User:Oliver H • P22 : Une rame du Tram-Train de Nantes à quai en gare de Vertou, 26 August
2011, auteur : Tgv79 • P25 : Trolleybus Renault Cristalis du réseau TCL de Lyon - Ligne C3 à Laurent Bonnevay Astroballe, 22 April 2010, auteur : Occitandu34 • P 23 : Égoûts de Paris et équipement d'entretien. Auteur : rama • P25 :
Bus TOSA a l'arrêt aéroport pendant le salon UITP .29 May 2013, auteur : Hoff1980 • P25 :TOSA Aufladestation an der Haltsetlle Flughafen in Genf. Der Stromabnehmer ist in Kontakt mit der Stromschiene, der Bus lädt sich auf.29 May
2013. auteur : Hoff1980 • P31 LHC tunnel, CERN, 10 October 2005, auteur : Max Braun on Flickr • P32 en bas : An assortment of nuggets of native platinum from California (top-left) and Sierra Leone (top-right and bottom), 23 February
2005, auteur : Aram Dulyan • P32 en haut : The open pit at Sunrise Dam Gold Mine, Australia. 12 October 2010, auteur : Calistemon • P33 : Pure indium bars, roughly one pound each.24 April 2009, auteur : Nerdtalker • P37 :The
Columbia Supercomputer at its largest capacity at NASA's Advanced Supercomputing Facility located at NASA Ames Research Center, Moffett Field, California. Auteur : Trower, NASA • P39 : le code-barre de 47, héros de la série de jeu
vidéo Hitman, 2007, auteur : Richard Gilbert • P 23 : Created map myself.9 October 2007, Godefroy
56
LIVRES
57
« Nous avons le choix : Penser le souhai- seront particulièrement intéressés par les
table pour ouvrir d’autres possibles ». paragraphes qui traitent des questions du
Associez une jeune juriste en droit public travail, du rôle de l’expertise, du respect
et un militant aguerri du PCF, membre du des écosystèmes, de la planification et de
Conseil Économique Social et la politique industrielle, des sciences et
Environnemental, et vous obtenez un des technologies au service de l’humain
ouvrage remarquable qui montre tout l’in- ou encore de la conception de produits
térêt de faire de la politique. financiers responsables socialement et
Ne croyez pas Margaret Thatcher qui reven- écologiquement.
diquait cette affreuse formule « TINA = Ils pourront réfléchir sur les débats rela-
There Is No Alternative ». Pour l’instant, tifs à « l’économie verte », au concept de
c’est le peuple qui paie avec le slogan per- croissance-décroissance ou à la définition La structure de l’ouvrage va au-delà. Elle
manent de la nécessité de faire baisser le d’indicateurs de richesses. Avec quelques part du progrès humain comme finalité
coût du travail. principes forts d’humanisation, de trans- et de la démocratie à tous les niveaux
Le capitalisme ne dispose plus de l’argu- formation écologique des modèles pro- comme matrice. Elle s’appuie sur une
ment de l’efficacité de son système. Ça ne ductifs… on peut s’attaquer à de grands logique de durabilité et sur une concep-
fonctionne pas. Mais peut-on changer ? chantiers, comme ceux de l’énergie, de tion d’un mode de développement éman-
Richelieu disait que « la politique est l’art l’agriculture, des services publics. cipateur. Elle fait la promotion des coo-
de rendre possible ce qui est nécessaire ». pérations et d’une mondialité solidaire.
Ce livre montre qu’il y a des possibles. Tout montre que l’hymne à la gloire de la La dynamique de ce processus ne pou-
Des propositions novatrices, cohérentes concurrence comme modèle de société, qui vant se transformer en véritable projet
et globales constituent une grille de lec- va avec l’austérité, nous envoie dans le mur. qu’avec l’appropriation populaire et l’en-
ture de la construction d’un véritable pro- Au contraire, en Europe comme dans le gagement citoyen.
jet de société. Il est temps de mettre fin à monde, il faut développer en grands les Cette mise en question profonde du sys-
cette contre-révolution qui, depuis les coopérations, les débats, les échanges. Il tème capitaliste est à la hauteur des besoins
années soixante-dix, n’en finit pas de s’at- faut une autre mondialisation qui parte pour orienter la société vers le progrès
taquer aux droits sociaux, ne voit comme de l’intérêt des peuples, qui impose des humain durable.
avenir que le taux de profit au détriment normes sociales et environnementales, Cet espoir, ces propositions sont réalistes.
des hommes et de la nature, nous enfonce qui prenne soin du patrimoine commun Le texte se termine par cette phrase d’Edgard
dans des choix binaires en masquant la de l’humanité. Morin « tout commence par une déviance,
complexité du réel et en nous privant de qui se transforme en tendance, qui devient
vrais débats contradictoires et pluralistes. C’est déjà tout un programme de luttes et une force historique ». L.F.
Les lectrices et lecteurs de notre revue d’objectifs à atteindre.
58
POLITIQUE
Progressistes OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE
JUIN-JUILLET-AOÛT 2013 2013
REVUE PROGRESSISTE N°2-5_progressistes 25/10/13 15:26 Page59
HISTOIRE 59
PAR LUC FOULQUIER, de vie des gens. J’ai donc cher- échéance sans briser la nécessaire « La liberté de l’homme consiste
ché dans les archives les textes unité de la science, ni sacrifier les essentiellement à connaître les
C
adre de vie, environne- anciens, les coupures de presse, disciplines jugées aujourd’hui lois du développement de la nature
ment, écologie : notons les travaux de congrès du PCF, non rentables, dans les sciences et de la société et à s’en servir habi-
que ces mots ne recou- les livres. La réalité n’est pas celle de la nature comme dans celles lement dans son activité pra-
vrent pas la même chose et que qu’on prétend exposer ou que de la société ». Cela reste d’actua- tique ».
leur définition bouge avec le l’on veut imposer. Par exemple, lité ! On voit bien que la dénoncia-
temps. on oublie le travail effectué par Mais « le développement de la tion de l’exploitation de l’homme
Pour beaucoup l’affaire serait les mairies dirigées par les com- science nécessite les débats et les par l’homme, tend à minimiser
entendue : le PCF ne s’est jamais munistes pour les espaces natu- recherches. Le Parti Communiste ou à mettre au second plan l’ex-
occupé de ces questions ; il aurait rels, l’eau, l’urbanisme, l’éner- Français ne saurait contrarier ces ploitation de la nature et ses
pris le train en marche et, de plus, gie, les transports… débats ni apporter une vérité a conséquences. Mais le débat est
il ne pouvait faire mieux car, par priori, encore moins trancher de bien lancé. Le PCF se met au tra-
définition, c’est un parti produc- Il faut bien commencer à un façon autoritaire des discussions vail sur l’environnement et sur
tiviste. Certes, le PCF a eu des moment donné. Je pense que la non achevées entre spécialistes ». son programme. Dès 1968-1969,
retards quant à la prise en compte réunion du comité central Quand on constate aujourd’hui sous l’impulsion de René Le Guen
d’une conception globale de l’ex- d’Argenteuil des 11 au 13 mars comment certains affirment sans et de Roland Leroy, une commis-
ploitation des hommes entre eux 1966, marque une étape déci- argument, suivent des dogmes sion travaille sur les questions
et des hommes sur la nature par sive dans la réflexion du PCF. La ou des croyances plutôt que des scientifiques et techniques du
le système capitaliste. résolution adoptée affirme que réflexions fondées sur des apports moment dont celle touchant à
Le soutien au « système sovié- le siècle où nous vivons est « aussi scientifiques pour, en fin de l’écologie.
tique » l’a souvent empêché de celui de la mathématique, de la compte, dire non au débat, cette
regarder la réalité en face ; c’est- physique, de la chimie, de la bio- phrase méritait d’être citée.
à-dire la manière dont son fonc- logie, le siècle de l’énergie nucléaire, Waldeck Rochet dans son dis-
tionnement conduisait, « au de la télévision et de la cyberné- cours de clôture revient sur Marx
nom » de la nécessité de pro- tique, un grand siècle de création « qui, dans ses thèses sur Feuerbach,
duire et de rattraper le capita- artistique et littéraire ». relatives au côté actif de la pen-
lisme, à des désastres écologiques. « L’accumulation d’armements sée humaine a avancé la grande
Mais cela cache une autre réa- nucléaires fait peser sa menace idée selon laquelle la pensée
lité. Il y a la volonté dans la bataille sur le monde. La faim, l’inculture humaine permet à l’homme de René LE GUEN (1921-1993), un
idéologique d’éliminer Marx et et l’oppression demeurent la réa- promouvoir la nature et la société, des principaux initiateurs de la
le Marxisme du champ des dis- lité quotidienne pour des cen- non pas en les contemplant mais commission écologie du PCF en
1968. Il animera également
cussions concernant l’écologie. taines de millions d’êtres en agissant sur elles et en les trans- pendant de nombreuses années
De ce point de vue les choses humains »(2). formant ». la revue « Avancées » dont
bougent, des textes sont publiés Cette résolution propose l’éla- Le problème est, en effet, com- « Progressistes » s'inspire.
et surtout on relit Engels et Marx. boration par les partis et orga- ment agir et dans quel sens trans-
On pourra revenir sur leurs tra- nisations démocratiques d’un former ?
(1) John Bellamy Foster – « Marx éco-
vaux mais le dernier livre de J. B. programme commun qui per- « De nos jours, les hommes voient logiste » - Edition Amsterdam. Paris
Foster « Marx écologiste » remet mette de mettre en valeur les res- grandir leur capacité d’agir, aussi 2011
historiquement les choses à leur sources dont dispose la France. bien sur les phénomènes de la
place(1). La démocratie « contribuera » à nature en vue de soumettre celle- (2) Débat sur les problèmes idéolo-
giques et culturels. Comité central du
Il y a surtout la volonté de cacher la solution des problèmes de la ci à leurs besoins, que sur le déve- PCF – Argenteuil 11.12.13 mars 1966
les réflexions, les positions poli- construction, de l’urbanisme, de loppement de la société, en créant – in «Cahiers du Communisme » - n°
tiques et les initiatives des com- la santé, de l’équipement cultu- de nouveaux rapports sociaux 5/6 mai juin 1966.
munistes pour protéger et amé- rel et sportif. « Elle rendra possi- qui répondent au développement
liorer l’environnement et le cadre ble des actions concrètes et à longue des forces productives modernes».
• Photo de notre
Vue d'artiste de la sonde Voyager1.
planète (au centre
du cercle) réalisée
en 1990 par la • Septembre 2013 : La sonde américaine Voyager1, lancée en
sonde à près de 1977, est sortie du système solaire, devenant ainsi le premier
6,4 milliards de objet envoyé par l'homme à atteindre l'espace intersidéral.
kilomètres de la
Terre ... La photo
la plus lointaine
de notre monde.
PROGRESSISTES, ABONNEZ-VOUS !
www.progressistes.pcf.fr