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Luc André

AR RONDEL MASSON

Inégalités patrimoniales
et choix individuels
Des goûts et des richesses ...
Préface de Roger GUESNERIE

ffi ECONOMICA
Inégalités patrimoniales
et choix individuels
Des goûts et des richesses ...
luc André
ARRONDEL MASSON
avec la participation de Daniel VERGER

Inégalités patrimoniales
et choix individuels
Des goûts et des richesses ...

Préface de Roger GUESNERIE

ffi ECONOMICA
49, rue Héricart, 75015 Paris
© Ed. ECONOMICA, 2007
Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation et d'exécution
réservés pour tous les pays.
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS ................................................................................................................................... VII
PRÉFACE ...................................................................................................................................................... IX
INTRODUCTION GÉNÉRALE .................................................................................................................... 1
Chapitre 1 L'épargnant face au risque et au temps ............................................................... 21

PREMIÈRE PARTIE: MÉTHODOLOGIE ......................................................................................... 33


Chapitre 2 De la théorie ..................................................................................................... 35
Chapitre 3 ... à une enquête qualitative originale ................................................................ 69

DEUXIÈME PARTIE: MESURE$ ....................................................................................................... 83


A. RISQUE ET INCERTAIN ....................................................................................................................... 85
Chapitre 4 Les préférences individuelles à l'égard du risque ................................................ 87
Chapitre 5 Le score des préférences à l'égard du risque ....................................................... 99
Chapitre 6 Qui prend des risques ? .................................................................................... 115
B. TEMPS ET HORIZON .......................................................................................................................... 131
Chapitre 7 Les préférences individuelles pour le présent.. ................................................. 133
Chapitre 8 Le scoring des attitudes à l'égard du temps ...................................................... 147
Chapitre 9 Qui est prévoyant ? Qui est altruiste ?.............................................................. 175
C. FORMATION ET TRANSMISSION DES PRÉFÉRENCES ............................................................ 189

Chapitre 10 De l'influence des valeurs familiales et autres traits culturels ........................... 191

TROISIÈME PARTIE: CHOIX PATRIMONIAUX ....................................................................... 209


Chapitre 11 Préférences individuelles et disparités du patrimoine ....................................... 211
Chapitre 12 Préférences face au risque et à l'avenir: vers une typologie des épargnants ...... 239

CONCLUSIONS GÉNÉRALES ................................................................................................................ 265


ANNEXES ................................................................................................................................................... 275
BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................................... 361
TABLEAUX ET GRAPHIQUES .............................................................................................................. 371
INDEX .......................................................................................................................................................... 375
TABLE DES MATIÈRES .......................................................................................................................... 379
REMERCIEMENTS

C et ouvrage est le fruit d'une recherche, qui, entre la phase de conception du


questionnaire et celle d'écriture des résultats, en passant par celle de la réalisation
d'une enquête spécifique et celle de l'exploitation des données recueillies, a duré une dizaine
d'années. L'itinéraire de ce marathon scientifique a bien entendu croisé le chemin de
nombreuses personnes à qui nous sommes redevables.

Certaines parties de cet ouvrage sont très largement reprises d'un numéro spécial (n° 374-
375) d'Économie et Statistique paru en 2005 sous le titre "Préférences de l'épargnant et
accumulation patrimoniale" que nous avons écrit avec notre ami Daniel Verger de l'Insee et
pour lequel nous avons reçu le Prix Risques-Les Echos en 2006. Qu'il reçoive ici le
témoignage de notre amitié et notre reconnaissance pour avoir initié avec nous cette recherche
sur les préférences de l'épargnant à un moment ou peu de gens de son entourage, beaucoup
plus "cigales prudentes" que lui (cf chapitre 12), n'étaient véritablement partants pour cette
expérience risquée et de longue haleine. Ses collègues de l'Insee, Stéfan Lollivier, qui a
notamment préfacé Économie et Statistique, et Michel Glaude, qui a vivement encouragé ce
travail, faisaient aussi partie de ces personnes "entreprenantes". Nous sommes également
reconnaissants à Pierre Morin de l'Insee, éditeur de la revue Économie et Statistique pour nous
avoir permis d'y publier notre recherche, ainsi que Christian Bach pour ses très innombrables
lectures des manuscrits successifs.

Le questionnaire initial de l'enquête méthodologique "Patrimoine 1998" a tout d'abord


bénéficié de l'attention de nombreux chercheurs: Olivier Galland, Michel Glaude, Christian
Gouriéroux, Nicolas Herpin, Y annick Leme!, Stéfan Lollivier et Bernard Salanié ont critiqué
et apporté de nombreuses suggestions sur ses versions successives. Nous avons également été
très sensibles à la motivation des enquêteurs de l'Insee lors de nos formations à une enquête
inhabituelle.

Les chapitres théoriques 2 et 3 ont bénéficié des remarques et conseils de François


Bourguignon, Hector Calvo-Pardo, Michèle Cohen, Stéfan Lollivier, Jean-Marc Talion lors de
séminaires à Paris-Jourdan ou à la Maison des Sciences Economiques (Paris I).
VIII Inégalités patrimoniales et choix individuels

Nous tenons à remercier Jean-Marc Robin pour les conseils précieux apportés sur les
aspects empiriques du livre concernant la mesure des scores de préférence (chapitre 4 à 9). La
présentation des chapitres concernant le lien entre épargne et préférences (chapitre 11 et 12)
lors de séminaires à Paris-Jourdan, Tilburg et Mannheim a bénéficié des commentaires de
Axel Borsch-Supan, Gabrielle Demange, Pierre-Cyrille Hautcoeur, et tout particulièrement
ceux de Mario Padula et Thomas Piketty.

Nous avons aussi particulièrement apprécié la collaboration avec Frédéric Chassagne et


Véronique Noiville de TNS-Sofres pour la réalisation de l'enquête TNS-Sofres-Delta 2002.

Les encouragements continus de Stéphane Hamayon (Harvest) en diffusant avec un grand


talent notre recherche dans les milieux professionnels nous ont aussi été très profitables. Nous
sommes aussi reconnaissants à Daniele Fano de nous avoir permis de défendre notre méthode
sur le site internet de Pioneer lnvestments.

Un grand merci à Roger Guesnerie, notre ami et collègue, qui a accepté de prendre sur
son temps au Collège de France pour rédiger la brillante préface de cet ouvrage.

Enfin, de chaleureux remerciements à Marie-Hélène Lebreton qui a aidé à la mise en


forme du manuscrit.

Cette recherche (réalisation des enquêtes, études ... ) a été soutenue financièrement par la
Fédération Française des Sociétés d'Assurance, la Fédération Jourdan, l'Insee, l'Institut
Europlace de Finance et AXA lnvestment Managers (AXA lM), le Ministère de la recherche
(ACI "Terrains, techniques, théories") et l'Observatoire Européen de l'Épargne à qui nous
exprimons notre gratitude.
PRÉFACE

T enter un résumé rapide de "Inégalités patrimoniales et choix individuels, des goûts et


des richesses", résumé qui se contenterait de répliquer brièvement ce que les auteurs
font avec plus de loisir et fort bien dans leur introduction, n'aurait pas grand sens. Je voudrais
plutôt souligner dans cette préface l'actualité de l'ouvrage. L'actualité du sujet va de soi:
l'allongement de l'âge de la vie rend plus aigue la question de la gestion de l'épargne et
accentue la sensibilité aux inégalités patrimoniales. Cette actualité sociopolitique traverse
l'ouvrage et en constitue un des fils conducteurs. J'insisterai plutôt ici sur ce qui est peut être
moins évident, son actualité méthodologique. L'ouvrage de Luc Arrondel et André Masson
me paraît en effet très caractéristique d'un moment de la science économique.

Le savoir économique est aujourd'hui confronté à des défis nouveaux. Il a tiré sa force du
choix délibéré d'une modélisation parcimonieuse, choix qu'il lui faut aujourd'hui dépasser
sans le renier. Aucun sujet n'est plus révélateur de cette tension que celui des choix inter-
temporels de consommation. Comment imaginer une modélisation plus parcimonieuse que
celle sous-jacente à la théorie de base du cycle de vie? Dans sa version la plus stylisée, le
consommateur choisit ses plans de consommation et d'épargne en se référant à une fonction
d'utilité séparable entre périodes, voire iso-élastique à chaque période, fonction dont il
maximise 1'espérance mathématique. Deux paramètres, voire même un seul - 1'élasticité de
l'utilité marginale- si l'on va jusqu'au bout de la logique de parcimonie, suffisent à« caler»
le modèle. Bien entendu, de la chair peut être mise sur ce squelette et le schéma de base peut
être enrichi : abandon de la formulation iso-élastique, prise en compte des motifs altruistes de
legs, prise en compte de la taille de la famille et de ses variations tout au long du cycle de vie,
etc. Cet enrichissement va sans altération majeure : ainsi, aversion au risque et désir de lissage
inter-temporel restent nécessairement liés. À modèle simple, message important : en
particulier, l'épargne et les comportements d'accumulation, par nature tournés vers l'avenir,
ne peuvent être analysés de façon myope. Les relations mises en évidence entre profil de
consommation et rémunération de 1'épargne sont spectaculairement simples. C'est donc le
plus légitimement du monde que ce modèle de cycle de vie est devenu la référence théorique
incontournable des chercheurs spécialisés dans le domaine des choix d'épargne et
d'accumulation du patrimoine.
x Inégalités patrimoniales et choix individuels

Pourtant les capacités prédictives du modèle de base, même amélioré, ne sont pas
satisfaisantes. La variété réelle des comportements d'épargne et d'accumulation ne peut être
reproduite en jouant sur le petit nombre de déterminants que suggère la théorie la plus
parcimonieuse. Il faut donc perdre en parcimonie pour gagner en réalisme.

La première piste est évidente et ne remet pas en cause la formulation des comportements.
Il faut d'abord introduire dans le schéma d'analyse, l'imperfection des marchés financiers qui
en est initialement absente, en particulier parce que celle-ci limite les possibilités
d'endettement des agents. Que faire d'autre? Revenir sur la séparabilité des préférences, par
exemple en substituant de la récursivité, et/ou revenir sur 1'hypothèse d'utilité espérée?
Aversion au risque et désir de lissage intertemporel seront ainsi désenchevêtrées. Faut-il
mettre en exergue 1'incohérence temporelle, associée au phénomène d'escompte
hyperbolique? Faut-il tenir compte des limitations de la capacité cognitive et/ou de la
capacité de calcul des agents économiques?

À vrai dire les pistes ne manquent pas : en multipliant les paramètres jugés pertinents
pour l'explication, la théorie améliorera mécaniquement sa capacité prédictive, mais elle le
fera au risque d'un affadissement de sa force de conviction et de l'épuisement de sa capacité à
discriminer.

Tel est le dilemme auquel est souvent confrontée aujourd'hui la science économique:
multiplier les angles d'attaque pour mieux rendre compte de la diversité, au risque de diluer
1'explication dans un maquis de paramètres ...

Cette tension est au cœur du travail de Arrondel et Masson, présenté dans cet ouvrage. Le
constat dont ils partent est bien celui fait plus haut, de la variété des comportements
d'accumulation de patrimoine. Ils mettent ensuite en évidence la richesse des schémas
théoriques que l'on peut solliciter pour retrouver cette variété, les vertus des uns et des autres,
mais aussi leurs limites. Le dilemme qui vient d'être évoqué brièvement est donc longuement
explicité. Vient ensuite l'exposé de la solution que les auteurs proposent à ce dilemme et la
discussion des manières de le dépasser.

La démarche, sans récuser la théorie, se veut empirique. Mais dans le large territoire des
méthodes empiriques, les auteurs choisissent le mode de l'enquête. Cette enquête qualitative
se veut et est originale. Elle vise à multiplier auprès d'un échantillon d'individus des
questions concrètes, à en inférer des scores, et à décrire chaque individu de façon synthétique
par deux paramètres principaux, 1' un appréhendant l'attitude à 1'égard du risque, 1' autre la
préférence pour le présent, entre l'impatience de court terme et l'altruisme. Si l'inspiration et
l'arrière-plan conceptuels sont clairs, la déclinaison se veut éclectique : Arrondel et Masson
Préface XI

ne prétendent mesurer ni l'aversion absolue ou relative au risque, ni le taux d'escompte


psychologique, bien définis dans la théorie standard, ni moins encore tel ou tel paramètre de
telle ou telle version de 1'utilité non espérée. L'analyse est donc a priori agnostique mais les
caractéristiques qu'elle met finalement en exergue, dans deux dimensions soulignées par la
théorie standard, sont appréhendées au travers d'une démarche qualitative. Les auteurs
justifient leur démarche comme voie moyenne et pragmatique, là où les puristes pourraient
voir un usage trop métaphorique du savoir abstrait. Mieux vaut, en tout état de cause, juger
l'arbre à ses fruits. La typologie des épargnants qui découle des études conduites ici retient
évidemment l'attention et non seulement à cause de l'habileté sémantique. La classification
combine les dimensions d'attitude vis-à-vis du risque et du temps. Les Bons pères de famille
ont un horizon long et sont peu tolérants au risque. Ils s'opposent aux Têtes brûlées, et se
distinguent des Cigales prudentes et des Entreprenants. Les auteurs montrent que la
classification contribue à une compréhension améliorée des inégalités de fortune et des
comportements patrimoniaux. Elle ne fait donc pas seulement écho à la théorie mais
l'interpelle en retour. La question revient en conclusion où par ailleurs, les auteurs procèdent
à un réexamen critique de leurs hypothèses et balaient tout un éventail de pistes pour
prolonger l'évaluation de l'approche et en multiplier les applications.

Voici une démarche, qui, sans s'y cantonner est en prise sur le savoir théorique existant.
La discussion conceptuelle est claire et approfondie. L'analyse empirique fondée sur des
matériaux originaux est toujours soigneuse ; les résultats sont sur la table et donc dans le
débat intellectuel. Il importe à tous les spécialistes, je n'en suis pas, de les discuter au fond, et
aux praticiens de tester plus avant leur pertinence opérationnelle.

Reste que cet ouvrage savant se lit agréablement, sans doute parce que le style est souvent
vif, parce que le texte alterne avec bonheur entre la politique économique, la théorie et le
travail empirique. Il est le fruit des travaux de deux des meilleurs, sans doute devrais-je dire
des deux meilleurs, spécialistes français du sujet. On en peut qu'en recommander chaudement
la lecture d'abord aux spécialistes, ensuite au public plus large de tous ceux qui s'intéressent
au débat économique actuel et qui ne jugent pas incongru de lire les bons auteurs pour former
leur jugement...

Roger Guesnerie

Professeur au Collège de France

Directeur d'études à l'EHESS


XII Inégalités patrimoniales et choix individuels

Album d'images épargne de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de Nantes, 1967


INTRODUCTION GÉNÉRALE
"Que faisiez-vous au temps chaud?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour, à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez? J'en suis fort aise.
Eh bien, dansez maintenant."

Jean de La Fontaine, La Cigale et la Fourmi

L a France vieillit. La réforme des retraites est au centre du débat politique et les
Français s'inquiètent pour leurs vieux jours. La rançon de l'allongement de
l'espérance de vie est claire : les actifs d'aujourd'hui risquent fort d'être moins bien traités que
leurs prédécesseurs par les régimes de pensions publiques fonctionnant en répartition. Les
réformes envisagées, sauf pour les plus modestes, impliquent toujours des sacrifices : soit que
l'on cotise davantage, soit que l'on travaille plus longtemps, soit que l'on doive se contenter de
pensions annuelles plus faibles ... ou encore les trois éventualités à la fois. Et il ne serait
même pas sûr que ces réformes suffisent à éloigner les menaces qui pèsent sur l'équilibre à
terme des dépenses de santé et de vieillesse.

D'aucuns voient dans le recours accru à l'épargne des ménages la solution d'avenir de ces
problèmes. Mais les Français "épargneraient mal". Ils investiraient trop peu dans des
placements risqués comme les actions, par exemple, censées pourtant bénéficier d'un
rendement plus assuré sur le long terme. Et ils bouderaient les produits spécifiques d'épargne
pour la retraite bien qu'ils soient fiscalement avantagés, à l'instar du Perp.

La France ne préparerait pas mieux l'avenir de sa jeunesse, ce qui alimente les débats sur
l'absence d'équité générationnelle. Après la situation euphorique de l'après-guerre, les
nouvelles générations, comme laissées sur le quai, semblent regarder passer le tapis roulant
d'une croissance, même réduite, sur lequel se trouvent leurs aînées ; elles pourraient, pour la
première fois depuis longtemps, connaître un sort moins enviable que leurs parents, et ce
d'autant qu'elles verront leur trajectoire grevée par le poids des remboursements des ardoises
laissées par les générations antérieures - dette publique, dette implicite des droits à la retraite,
etc. Subissant sur les trente dernières années des difficultés d'insertion multiples-
dévalorisation des diplômes, stagnation du salaire d'embauche, difficulté d'accès à l'emploi
2 Inégalités patrimoniales et choix individuels

(chômage, emploi précaire) - elles paraissent vivre les phases cruciales de l'existence au
ralenti, tout leur arrivant avec retard: l'indépendance vis-à-vis de la famille, l'entrée sur le
marché du travail, la carrière professionnelle, la mise en couple, les enfants... Au plan
patrimonial, ces retards concernent notamment l'accession à une propriété du logement,
devenue en outre de plus en plus onéreuse 1, et la réception de l'héritage, qui arrive souvent
trop tard (à près de 50 ans en moyenne aujourd'hui), lorsque le bénéficiaire a déjà dû
s'installer par ses propres moyens. Comme certains l'affirment un peu rapidement, la lutte des
âges aurait-elle pris le pas sur la lutte des classes ?

Ces évolutions ont abouti à une concentration accrue de la richesse entre les mains des
ménages d'âge mûr ou élevé. Ainsi, en 2004, les 50-60 ans disposent d'un patrimoine médian
(à mi-parcours de la hiérarchie des fortunes) d'une valeur supérieure de 55% à la médiane
globale (100 000 euros environ), niveau dont se rapprochent encore les plus de 70 ans alors
que les trentenaires n'en sont qu'au tiers 2• Le patrimoine financier médian révèle des écarts
comparables : si les moins de 30 ans détiennent quelques avoirs financiers, représentant 40 %
de la médiane globale, les 50 à 60 ans sont 70 % au dessus, et les plus de 70 ans ont encore un
patrimoine médian de 45% supérieur. Ces déséquilibres selon l'âge expliquent les mesures
prises pour "fluidifier les retours patrimoniaux" via la famille, en accordant notamment des
avantages fiscaux à la donation aux enfants ou petits-enfants. Elles ont effectivement connu
un certain succès (voir l'engouement récent pour les donations Sarkozy), permettant
d'accélérer la vitesse de transmission du patrimoine familial : aides financières et donations
représentent désormais un montant annuel supérieur à celui des héritages ; et bien que l'âge
moyen au décès, comme celui des héritiers, ait augmenté de 5 ans entre 1984 à 2000, l'âge
moyen des donataires (bénéficiaires d'une donation déclarée) a, lui, reculé au cours de la
même période, de 39 à 37 ans. Si l'on veut persévérer dans cette voie, il semble cependant que
le plus efficace serait aujourd'hui d'avantager les transferts entre vifs de manière indirecte, en
taxant plus lourdement les héritages ... mesure impopulaire s'il en est.

Mais au-delà, et à cause de ces évolutions, la période actuelle doit surtout relever deux
défis majeurs qui constituent l'arrière-plan de ce livre.

Le premier pourrait s'intituler le retour des inégalités patrimoniales, non tant que ces
dernières auraient augmenté mais qu'elles entraînent des conséquences plus dramatiques
aujourd'hui qu'hier. Pendant les Trente Glorieuses, les disparités de patrimoine engendraient
surtout des différences de consommation: au riche la Jaguar, au pauvre la Deux-chevaux.

1
Entre 1996 et 2002, le pourcentage de ménages "accédants récents" (ayant acheté leur habitation actuelle depuis
moins de quatre ans) a baissé 5% (de 29 à 24 %) dans la classe d'âge 30-34 ans mais augmenté de 6% (de 49 à
55 %) entre 35 et 54 ans.
2
Le patrimoine médian n'est que de 100 000 euros mais le patrimoine moyen atteint, lui, plus de 200 000 euros
(voir ci-après).
Introduction générale 3

Mais dans la période actuelle, un patrimoine important représente bien plus qu'une simple
réserve de consommation différée. Pour un jeune confronté à des difficultés d'insertion
multiples, professionnelles, familiales ou financières, il peut s'avérer un avantage déterminant,
en lui mettant le pied à l'étrier. Sur les vieux jours, face à l'allongement de l'espérance de vie
et aux inquiétudes que suscite l'avenir de la protection sociale, il pourrait tout aussi bien :
procurer une sécurité unique contre les aléas de la fin de l'existence ; assurer le droit au repos
ou au loisir, permettant d'arrêter l'activité à sa convenance ; garantir le libre choix d'un travail
d'appoint épanouissant pendant la retraite ; permettre d'embaucher des gens à son service en
cas de dépendance, maladie ou invalidité ... A contrario, l'absence de patrimoine redeviendrait
synonyme d'insécurité, de travail contraint et prolongé, de fin de vie démunie ou de santé
précaire si les dépenses de soins étaient remises en cause au-delà d'un certain âge. Assiste-t-
on vraiment au "retour des rentiers" dans une France balzacienne?

Le second défi, qui vient renforcer le premier, concerne le développement d'une gestion
financière à long terme que rendraient nécessaire l'allongement de l'espérance de vie et le
risque de dépendance mais aussi un désengagement tendanciel de l'État-providence et des
autres intermédiaires concernés (entreprises, corporations, organismes sociaux), confrontés à
une série de difficultés : vieillissement démographique, mondialisation économique,
mutations technologiques, délocalisations et transformations rapides du marché du travail, qui
fragilisent les trajectoires professionnelles et font de l'emploi à vie une solution moins adaptée
que jadis.

Dans un monde plus complexe où il est fait davantage appel à la responsabilité


individuelle, cette gestion financière devrait répondre à des besoins accrus de couverture de
risques qui sont de plus en plus supportés directement par les individus ou ménages eux-
mêmes ; elle aurait pour tâche de sécuriser et valoriser les patrimoines sur des horizons très
longs, en assurant notamment des revenus réguliers tout au long de l'existence et une
protection adéquate sur les vieux jours. Des objectifs aussi ambitieux soulèvent à la fois des
problèmes d'offre et de demande, et d'ajustement de l'une à l'autre. Faut-il en priorité proposer
des produits mieux adaptés aux besoins nouveaux des Français et personnaliser davantage
l'offre patrimoniale selon le profil des épargnants ? Ou doit-on plutôt s'insurger contre le
manque de prévoyance de certains, qui n'épargneraient pas assez pour leur retraite, ou la
frilosité d'autres, qui chercheraient une protection illusoire en refusant tout placement risqué
même s'il est plus rentable ?

Les enjeux soulevés par ces deux défis sont nombreux. À quoi attribuer des inégalités de
patrimoine de nouveau prégnantes : aux goûts des individus ou au fonctionnement même des
marchés? Peut-on "profiler" l'épargnant selon ses préférences, des têtes brûlées aux bons
pères de famille, afin de mieux le conseiller dans sa gestion patrimoniale? Le Français est-il à
4 Inégalités patrimoniales et choix individuels

ce point désarmé pour préparer sa retraite qu'il faille au nom d'un paternalisme nouveau,
"l'éduquer" financièrement et le former à l'épargne, ou le contraindre davantage dans ses
choix patrimoniaux ?

Autant de questions auxquelles ce livre tente d'apporter des réponses ... Pour y parvenir,
notre point de départ sera celui de l'économie formalisée, avec laquelle nous entretiendrons
cependant un rapport critique, loin du soutien inconditionnel des zélotes de cette discipline.

1. PERPLEXITÉ DE L'ÉCONOMISTE EN QUÊTE DE COMPORTEMENTS


RATIONNELS ET HOMOGÈNES

Pour l'économiste "orthodoxe", en effet, les comportements de l'épargnant, ses modes


d'accumulation et de gestion d'actifs patrimoniaux, sont une source intarissable de perplexités.
L'homme de la rue ou le lecteur de la presse économique n'auraient sans doute pas les mêmes
réactions. L'étonnement récurrent de l'économiste vient de ce que son jugement est fondé sur
des idées préconçues tout à fait particulières- des a priori méthodologiques en langage noble.
Prétendant à une connaissance objective de l'humain, à un savoir qui vise à une certaine
universalité et dépasse l'anecdotique, il prête à l'individu une forme spécifique de rationalité,
telle qu'elle est déployée dans les modèles théoriques qu'il élabore. L'hypothèse que chaque
agent procède ainsi à des décisions d'épargne et des choix de portefeuille optimaux du point
de vue de ses besoins ou de son intérêt a d'abord une vertu opératoire : elle permet de prédire
ses comportements. Par souci de parcimonie, les modèles sont en outre amenés à poser que
tous les individus suivent peu ou prou la même logique de choix patrimoniaux ; tout au plus
introduisent-ils différents régimes-types d'accumulation, en nombre limité- selon que
l'individu voit ou non ses choix limités par les contraintes de crédit, par exemple.

En France, autant ou davantage qu'ailleurs, les comportements des épargnants sont


toutefois loin de correspondre aux prédictions des modèles patrimoniaux, et présentent en sus
une grande hétérogénéité, difficilement contrôlable, d'un ménage à l'autre. Que ce hiatus
déconcerte l'économiste apparaît clairement dans les termes qu'il utilise, "biais", "anomalies"
et autres "erreurs", pour qualifier les écarts entre ce qui est prédit et observé. Nous
emploierons quant à nous le terme plus neutre d'énigmes (puzzles).

Deux voies s'offrent à nous pour résoudre ces énigmes et rendre compte de la diversité
des comportements d'épargne. La première renvoie aux limites de l'information des agents et
aux imperfections des marchés (du capital, de l'assurance, du travail. .. ), analysées souvent en
termes de coûts- de détention ou de transaction des actifs, d'information ... -et de contraintes
de liquidité ou d'emprunt, qui jouent notamment un rôle important lors de l'acquisition du
logement principal.
Introduction générale 5

La seconde, ayant trait aux préférences individuelles (entendues au sens large), est celle
qui va nous occuper tout au long de ce livre dans le but de mieux comprendre les
comportements patrimoniaux hétérogènes des ménages français. Elle tourne autour de deux
questions fondamentales :

- Peut-on maintenir l'hypothèse de croyances et de choix rationnels pour la plupart des


individus et la plupart du temps ? Sinon, quelle dose "d'irrationalité" introduire, et sous quelle
forme: vision de l'avenir insuffisante, manque de self-control, croyances erronées?

- Peut-on d'autre part évaluer, quantitativement, le degré d'hétérogénéité des préférences


individuelles au sein de la population française ? Et si oui, mesurer dans quelle proportion la
diversité des comportements financiers des ménages français tient à cette hétérogénéité des
préférences?

2. LES COMPORTEMENTS DES ÉPARGNANTS : UNE SOURCE D'ÉNIGMES,


UNE DIVERSITÉ PARADOXALE

Commençons par répertorier les énigmes mises en lumière par la littérature économique
en nous restreignant aux plus significatives d'entre elles, lorsque l'on adopte une vue
statistique d'ensemble des comportements des épargnants. Il est commode d'en distinguer
deux sortes, selon le modèle théorique de référence mis en question : celles qui concernent Je
montant global du patrimoine, et celles qui touchent à sa composition et aux demandes
d'actifs.

2.1. Trop d'épargne pour les uns, trop peu pour les autres

La théorie dite standard campe un épargnant pleinement rationnel et prévoyant, censé


planifier au mieux ses besoins de consommation sur Je long terme, jusqu'à la fin de sa vie,
mais qui peut être aussi "altruiste", i.e. soucieux du bien-être de ses enfants. Le patrimoine
accumulé sert un triple objectif : la précaution contre les chocs imprévus ; l'épargne de cycle
de vie en vue de pallier les variations systématiques des ressources et des besoins au cours de
l'existence, telle l'épargne pour la retraite face à la baisse prévisible du revenu sur les vieux
jours ; et enfin, la transmission aux enfants adultes qui, pour être pleinement efficace, doit
s'effectuer autant que possible quand ces derniers, encore jeunes, en ont Je plus besoin, soit
sous forme d'aides ou de donations.

Les énigmes auxquelles ce modèle du cycle de vie étendu aux transmissions ne semblent
pas pouvoir répondre sont nombreuses. Mentionnons celles qui ont Je plus d'impact sur le
profil d'accumulation selon l'âge et les inégalités de patrimoine.

( 1) En France, comme dans la plupart des pays développés, près d'un quart des ménages
n'épargnent pas assez pour leurs vieux jours, se retrouvant à la veille de la retraite - compte
6 Inégalités patrimoniales et choix individuels

tenu de la couverture publique ou privée - avec un patrimoine nettement insuffisant que ne


peuvent expliquer les vicissitudes de l'existence ; de fait, la consommation paraît enregistrer
pour ces ménages une chute sensible au passage à l'inactivité.

(2) À l'inverse, nombre de ménages français semblent "épargner trop", possédant à âge
élevé des patrimoines toujours plus considérables, bien supérieurs à ce que l'on observe dans
d'autres pays développés en dépit d'un système de protection sociale jugé plutôt généreux à
l'échelle internationale. Or beaucoup de ces patrimoines ne semblent pas pouvoir se justifier
seulement par un motif de transmission familiale. Faut-il alors évoquer une inquiétude
particulière de nos compatriotes face aux interrogations que suscite l'avenir des retraites et de
l'assurance-maladie? La réponse paraît un peu courte.

(3) La concentration des patrimoines se révèle beaucoup plus forte que celle que l'on
obtiendrait dans une population d'épargnants adeptes d'une théorie du cycle de vie élargie,
incluant un motif de transmission familiale limité. Pour faire court, la répartition des fortunes
françaises (et plus encore anglaises ou américaines) se rapproche des propriétés d'un
hologramme ou fractal, qui présente la même structure à différentes échelles. Ces propriétés
sont typiques d'une distribution de Pareto : la part de la fortune globale détenue par les 10 %
les plus riches, par exemple, reste à peu près la même que celle observée sur la population
globale lorsque l'on considère des sous-populations de plus en plus fortunées. Cette part est
proche de la moitié: les 10% supérieurs possèdent environ 50% du patrimoine total, les 1 %
du haut la moitié de ce que possèdent ces 10 %, soit un quart du patrimoine total, et les 0,1 %
des plus grosses fortunes détiennent encore près de 12,5 % de ce patrimoine, et ainsi de suite.
Autrement dit, plus on monte dans la hiérarchie des fortunes, plus il est difficile de gagner des
places. Une conséquence importante de cette concentration élevée concerne le patrimoine
moyen, objet de toutes les attentions : ce dernier se situe à peu près au trois-quarts de la
distribution (seuls un quart des ménages possèdent davantage) et vaut de l'ordre du double,
voire du triple du patrimoine médian (situé à mi-parcours de la hiérarchie des fortunes).

On pourrait penser obtenir des écarts plus raisonnables, et surtout plus facilement
interprétables, en éliminant le centile supérieur de la distribution (correspondant plus ou
moins aux ménages qui paient l'impôt sur la fortune), par ailleurs mal saisi par les enquêtes
effectuées auprès des ménages. Tel n'est pas le cas. L'analyse des disparités de richesse
semble encore se dérober à toute tentative d'explication simple. Les écarts de patrimoine
proviennent peu des différences d'âge, qui reflètent pourtant autant de différences de durée
d'accumulation, et la dispersion des patrimoines au sein de chaque classe d'âge reste
comparable à celle obtenue sur l'ensemble de la population. Pire, le niveau de revenu explique
peu les différences observées à âge donné: les plus riches ne correspondent pas aux plus
Introduction générale 7

hautes rémunérations, et les inégalités de patrimoine à âge et niveau de ressources données


restent très élevées, contrairement à ce que prédit la théorie.

2.2. Des portefeuilles d'actifs peu diversifiés et très divers

Dans sa version de base, la théorie des choix de portefeuille envisage des agents qui
constituent une sorte d'idéalisation de la pratique de traders et autres professionnels de la
bourse. Ces agents sont supposés disposer de toute l'information disponible (concernant ne
serait-ce que la liste des actifs offerts) et procéder instantanément et de manière efficace aux
réaffectations du patrimoine qu'exigent les variations aléatoires des prix d'actifs en exploitant
au mieux les opportunités de placement qui se présentent. Dans un tel cadre, et sous
l'hypothèse de marchés des capitaux parfaits (sans coûts de transaction ou de détention
d'actifs, etc.), on comprend que les portefeuilles des agents soient complètement diversifiés et
que la seule source d'hétérogénéité concerne la part du patrimoine risquée, fonction des
préférences de chacun à l'égard du risque. Autant dire que l'on se trouve dans un monde fort
éloigné de celui dans lequel nous vivons. La question pendante, examinée plus loin, consiste
alors à déterminer si le fait de prendre en compte les coûts de détention et de transaction,
l'information limitée ou son traitement inefficace par les agents, suffirait à générer des
prédictions plus réalistes.

De fait, sans même que l'on ait à considérer la taille des investissements ou les réactions
aux avantages fiscaux accordés à certains produits, les énigmes relatives à la composition du
patrimoine s'avèrent déjà impressionnantes au niveau de la simple diffusion au sein de la
population de quelques grandes catégories de placements et de la diversité des combinaisons
d'actifs détenues qui leur correspondent - et cela à tout âge.

(1) La détention d'actions par les ménages français n'est que de l'ordre de 15 à 20 %, et sa
détention directe ou "indirecte", i.e. par l'intermédiaire de fonds communs de placement,
Sicav, PEA ... , ne dépasse guère le quart de la population ; en outre, la part du portefeuille
consacrée à ces actifs demeure souvent limitée. Comment expliquer une demande aussi
modeste alors que l'on observe un différentiel important, à long terme, entre les taux de
rendement des actions et celui des bons, obligations et quasi-liquidités- paradoxe dit de
"l'énigme de la prime de risque" 1 ?

(2) La désaffection des ménages pour la rente viagère, qui s'observe tout aussi bien aux
âges mûrs et élevés et qu'atteste encore récemment le succès mitigé du Perp, pose un

1
Si l'on observe les rendements comparés des actions, des obligations et de l'or au cours du XX" siècle, un
investisseur à la veille de la guerre de 1914 qui aurait placé 1 000 francs en achetant des actions aurait vu son
capital multiplié par 31 (en valeur réelle) à la veille de l'an 2000, alors qu'il n'aurait récupéré que 400 francs de
sa mise initiale s'il avait acheté des obligations. Un placement en or aurait, lui, tout juste de permis de récupérer
son capital.
8 Inégalités patrimoniales et choix individuels

problème plus redoutable encore. On connaît certes les défauts de ce type de produit, liés
notamment à ce que l'économiste appelle les "asymétries d'information" (l'assuré possède sur
ses probabilités de survie des informations privées dont ne dispose pas l'assureur potentiel), à
l'absence de protection contre l'inflation, ou encore à son caractère illiquide et irréversible.
Mais ces carences des marchés de l'assurance ne devraient pas empêcher l'épargnant, au seuil
de sa retraite, de convertir en rentes une part significative du patrimoine accumulé en vue de
s'assurer une consommation suffisante jusqu'à la fin de ses jours.

(3) La faible diffusion de la rente viagère apparaît le symptôme d'un phénomène plus
général. Les ménages préféreraient des placements sous-optimaux parce qu'ils sont sensibles à
deux types de considérations :

- Le même produit remplit de multiples fonctions, pouvant ainsi servir aussi bien pour la
précaution à long terme, la retraite et la transmission : c'est notamment le cas des assurances
vie avec contre garantie décès ou des assurances décès vie entière (qui combinent un produit
d'épargne avec une assurance temporaire décès)'.

- Le produit se présente sous la forme d'une épargne contractuelle sur une durée longue
mais potentiellement limitée : ses rendements ne sont pas forcément supérieurs à ceux de
placements libres, mais il permet à son détenteur de s'auto-discipliner, de se forcer à épargner,
tout en évitant de se lier les mains à vie. Les assurances vie ne conservent ainsi leurs
avantages, fiscaux ou autres, qu'à la condition d'être détenues au moins 8 ans. L'épargne-
logement relève d'une logique similaire, avec des pénalités en cas de sortie prématurée (avant
2 ou 4 ans)- c'est aussi un actif "multifonction", qui ne conduit pas forcément à un projet
immobilier.

(4) Au total, les portefeuilles des ménages français apparaissent à la fois très divers et peu
diversifiés, comme le montre clairement une ventilation sommaire du patrimoine en huit
catégories: comptes chèques ; livrets d'épargne et assimilés ; immobilier résidentiel
(logement et résidences secondaires) ; assurance vie (et épargne retraite) ; épargne logement;
valeurs mobilières ; actifs de rapport (immobilier et foncier) ; biens professionnels. Le
nombre moyen d'actifs détenus par ménage ne dépasse guère la moitié, même s'il a
sensiblement augmenté au cours du temps. On pourrait penser que ce faible niveau de
diversification se traduit par la prédominance de quelques combinaisons-type, centrées autour
de l'acquisition du logement principal. Tel n'est pas le cas : il existe, aujourd'hui comme hier,

1
Les ménages français sont ici sur la même ligne que les professeurs d'université américains qui participent au
programme de pensions privées TIAA-CREF : en cas de décès prématuré après la retraite, le programme
prévoit qu'une part de l'épargne accumulée aille aux enfants. La solution optimale serait pourtant une rente
viagère pure combinée à la constitution parallèle d'un patrimoine transmissible.
Introduction générale 9

un grand nombre de combinaisons différentes adoptées chacune par une fraction significative
de la population.

Peut-on malgré tout déceler un certain ordre dans cette diversité ? Si, pour chaque niveau
de diversification, on range les combinaisons détenues par ordre de fréquence
décroissante - des plus diffusées à celles qui le sont le moins -, on repère à chaque fois,
comme dans certains jeux d'intelligence, une même "suite logique" d'acquisition, quasiment
jamais démentie : tout se passe comme si le ménage acquérait d'abord un livret d'épargne
avant de devenir propriétaire de son logement; après, il placerait en assurance-vie, puis en
épargne logement et en valeurs mobilières ; enfin, il investirait en immobilier de rapport et en
biens professionnels, mais guère plus de 1 % des ménages parviendraient à réaliser la
séquence complète. Bien sûr, le "comme si" est de rigueur: la suite n'est pas totalement
logique (l'épargne logement devrait venir avant l'habitation principale !), tant il est vrai qu'une
photo prise à un instant donné ne renseigne pas directement sur les chroniques d'acquisition
d'actifs au cours du cycle de vie.

3. PRENDRE EN COMPTE LES IMPERFECTIONS DES MARCHÉS ET LES


LIMITES DE L'INFORMATION

Comment rendre compte de ces résultats, concernant notamment la composition du


patrimoine ? Les explications traditionnelles tournent autour des imperfections des marchés et
de l'information limitée des agents

Les coûts (fixes) de transaction et les coûts de détention ou de gestion, l'existence d'effets
de seuils et d'indivisibilités, seraient ainsi responsables de l'effet primordial de la taille du
patrimoine sur son niveau de diversification. Dans l'exemple précédent d'une ventilation en
huit catégories, les portefeuilles à un ou deux actifs (liquidités et quasi-liquidités) sont
l'apanage des montants de fortune les plus bas, et les portefeuilles complets des montants les
plus élevés. Reste qu'aux échelons intermédiaires, le pouvoir explicatif de la taille du
patrimoine sur le nombre d'actifs et surtout la combinaison détenue est plus modeste.

L'existence de contraintes de liquidité - le fait de s'être fait refuser un crédit, ou


d'anticiper un tel refus, aujourd'hui mais aussi demain; l'impossibilité d'emprunter en cas de
besoin sur ses ressources ou ses rentes futures-, ainsi que les rigidités de l'offre de travail
renforcent l'épargne de précaution mais diminuent, celeris paribus, la probabilité d'existence
ou la part du patrimoine risqué, puisqu'elles permettent d'autant moins, en cas de malchance
financière, de se retourner après coup en empruntant ou en travaillant davantage.
L'impossibilité, au-delà de l'assurance chômage, de se garantir contre les aléas du revenu du
travail engendre des effets similaires : plus ce revenu est risqué, et moins le patrimoine le
sera.
10 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Évidemment, ces coûts, indivisibilités ou contraintes jouent un rôle particulièrement


important dans le processus d'acquisition du logement ou de l'immobilier -constitution de
l'apport personnel, remboursement de l'endettement, coûts de transaction, etc. ; or ce
processus rejaillit lui-même sur la demande d'actifs financiers, en faveur de placements plus
liquides mais aussi plus sûrs, en raison du risque attaché à la valeur du logement, à la fois bien
durable et bien d'investissement.

La méconnaissance des actifs ou de leurs caractéristiques, une compétence insuffisante


pour leur gestion, et les coûts d'information sont l'autre source d'incomplétude ou de diversité
des portefeuilles traditionnellement invoquée. Une série d'indices attestent l'importance de ces
facteurs.

À montant de patrimoine donné, le niveau de diversification et la probabilité de détenir


des placements risqués augmentent jusqu'aux âges mûrs, au fur et à mesure que s'acquiert
l'information financière requise. Ces mêmes variables augmentent avec le niveau d'éducation :
la diversification du portefeuille et la part du patrimoine risqué sont beaucoup plus élevées
chez les diplômés de l'université et des grandes écoles. Ce rôle de l'éducation se double d'un
effet d'habitus plus large. La détention de valeurs mobilières est sensiblement plus élevée,
toutes choses égales d'ailleurs, chez les cadres supérieurs que chez les autres salariés. Et la
possession de valeurs mobilières ou d'assurances vie notamment semble "s'hériter": elle
augmente fortement avec la présence de ces mêmes actifs dans le patrimoine des parents.

La gestion du portefeuille de titres par les ménages détenteurs apparaît par ailleurs sous-
optimale, comportant de nombreux "biais"- biais en faveur des actions de son entreprise; en
faveur des valeurs nationales (home bias) ; engouement excessif, surtout en France, pour les
nouvelles privatisées (BNP-Paribas, Suez, EDF, France Telecom, Air France ... ) ou les projets
parapublics (Eurotunnel) - qui entraînent globalement une diversification insuffisante. Une
majorité de portefeuilles de titres sont quasiment inertes mais, à l'inverse, certains font l'objet
de trop de réaffectations, qui engendrent des coûts de transaction prohibitifs.

Il nous faudrait encore évoquer l'impact des évolutions historiques et des effets de
génération. La détention du logement a connu ainsi des évolutions contrastées entre les âges :
sur les vingt dernières années, le pourcentage des propriétaires a continué à augmenter au sein
des 50-70 ans, atteignant les 70 % aujourd'hui, alors qu'il a décru avant 40 ans, concernant
moins d'un ménage sur deux parmi les trentenaires. Du fait de l'augmentation du prix de
l'immobilier dans les grandes villes, ces derniers peinent à accéder à une propriété toujours
plus onéreuse, sans bénéficier de l'apport de l'inflation ou de la croissance des salaires qui
Introduction générale 11

allégeraient le poids des remboursements 1• De même, la hausse qu'a connue le prix des actions
est en partie responsable d'une concentration des valeurs mobilières particulièrement
frappante selon l'âge: en 2004, les plus de 65 ans en possèdent autant que les moins de 65 ans
(soit 120 milliards d'euros chacun).

Est-ce que mis bout à bout, l'ensemble de ces éléments - imperfections des marchés,
information limitée, évolutions - pourraient résoudre les énigmes évoquées, relatives tant aux
"anomalies" qu'à l'hétérogénéité des comportements des épargnants ? À l'évidence, ils ne
permettent de parcourir qu'une part du chemin. Les coûts introduits et les chocs historiques ne
peuvent totalement expliquer l'insuffisance d'épargne de certains ménages à la veille de la
retraite, ni la trop faible demande de certains actifs (actions, rentes viagères), ni, à l'inverse, la
popularité de placements sous-optimaux. Et ils ne permettent pas de rendre compte, à eux
seuls, de la concentration des patrimoines, encore très élevée à âge et revenu donnés, ni de la
diversité des portefeuilles détenus.

4. INTRODUIRE L'HÉTÉROGÉNÉITÉ DES PRÉFÉRENCES INDIVIDUELLES ...


RATIONNELLES OU NON

Pour combler le vide laissé par les autres explications, l'idée qui guide le projet de ce livre
est d'apprécier jusqu'à quel point les énigmes soulevées pourraient être imputées aux agents
eux-mêmes, à leur processus de décision et à leurs préférences hétérogènes.

Le point de départ consiste alors à revenir à la théorie "standard" de l'épargnant, élargie


aux transmissions familiales. En schématisant beaucoup, celle-ci distingue, pour un agent
planificateur cohérent dont la logique de choix est pleinement rationnelle et purement
prospective, trois types de préférences :

- les préférences à l'égard du risque qui fixent la part d'aléa ou d'incertain (non
probabilisable) que l'agent est prêt à assumer: elles conditionnent surtout l'épargne de
précaution et la part des actifs risqués dans le patrimoine~

- la préférence pour le présent sur le cycle de vie qui détermine son horizon décisionnel,
ce en quoi il se sent responsable, concerné par ce qu'il lui arrivera demain: elle conditionne
surtout le profil de consommation selon l'âge et l'épargne pour la retraite, ainsi que la
demande de placements à long terme ;

- le degré d'altruisme (économique) à l'égard de ses enfants, soit dans quelle mesure
1'agent est prêt à renoncer à sa propre consommation pour augmenter le bien-être de sa

1
La situation de leurs parents, approximativement trentenaires entre 1955 et 1975, fut aux mêmes âges beaucoup
plus enviable: cette période enregistra une politique vigoureuse en faveur de la propriété du logement, une
croissance forte, et une inflation soutenue, conduisant à des taux d'emprunt réels significativement négatifs.
12 Inégalités patrimoniales et choix individuels

progéniture : il conditionne la taille et l'échéancier des transferts - aides, donations ou


héritages - effectués à sa descendance mais aussi la détention de certains produits comme
l'assurance décès.

Comment modifier ce cadre de référence, quelle diversité peut-on attribuer aux


préférences individuelles, rationnelles ou non, afin de relever les défis posés par les
comportements patrimoniaux des Français ?

4.1. Des croyances et préférences imparfaitement rationnelles ...

L'approche dite comportementale est devenue un véritable programme de recherche qui


tente de revenir sur les postulats de la théorie standard en décelant des biais systématiques
dans la rationalité des agents. Une présentation très sommaire suffit pour suggérer la nature
des enjeux que soulève cette approche.

Le premier manque concernerait les rapports de cette rationalité au temps. Les épargnants
éprouveraient des difficultés à suivre des stratégies cohérentes sur leur cycle de vie, soit qu'ils
s'avèrent incapables de planifier à long terme - par "imprévoyance" -, soit qu'ils ne puissent
s'en tenir aux règles qu'ils se sont fixées eux-mêmes au départ- par manque de volonté ou
"impatience". Ces deux insuffisances, cognitive et volitive si l'on veut, ne doivent pas être
confondues: l'épargne contractuelle aurait le plus de succès auprès d'agents impatients mais
prévoyants et donc désireux de s'auto-discipliner en bloquant leurs avoirs ou en se forçant à
des versements réguliers.

Les attitudes et comportements des épargnants à l'égard de l'incertain pâtiraient de


différents biais, tels les biais cognitifs dans la perception des risques, par exemple. Mais leurs
préférences s'éloigneraient surtout de celles du modèle standard sur deux points importants.
Ils manifesteraient ainsi une "aversion à la perte" (loss aversion) particulière, qui les inciterait
à ne pas placer leur argent dans des actifs qui comportent un risque important d'investissement
à fonds perdus: c'est bien le cas de la rente viagère si l'on disparaît prématurément 1•

Les épargnants montreraient d'autre part une "préférence pour la flexibilité", optant pour
des stratégies sous-optimales mais partiellement réversibles, qui gardent suffisamment ouvert
l'éventail des possibles et permettent au besoin de se retourner: ce qui expliquerait le succès
de l'épargne contractuelle sur une durée limitée, évitant de se lier les mains à vie. Le peu
d'attrait de la rente viagère pure se justifierait pour des raisons similaires, par le risque de se
retrouver contraint par la liquidité en cas de coup dur ; et on comprend de même l'attirance

1
Autrement dit, ce qui est accepté pour une assurance incendie (payer une prime qui sera "perdue" si le sinistre
n'intervient pas) ne le serait plus dans le cas d'un placement à long terme.
Introduction générale 13

exercée par des produits multifonctions, dont la vocation privilégiée ne sera déterminée
qu'après-coup, en fonction du déroulement que connaîtra l'existence.

Mais répétons ici que les limites attribuées ainsi à la rationalité des agents à l'égard du
risque et l'excès de prudence dont ils feraient preuve (vis-à-vis des valeurs mobilières, par
exemple) sont des jugements établis à l'aune de la modélisation économique: il n'est pas
surprenant que l'épargnant appréhende les aléas de l'existence- pour lui le plus souvent
imprévisibles et aux conséquences fortement irréversibles - de manière subjective, soit
autrement qu'à travers une distribution de probabilités 1•••

Enfin, les rapports avec la descendance ne seraient pas régis par un comportement de
transmission efficace, servant au mieux les intérêts de l'enfant: en dépit des risques à couvrir
sur les vieux jours (santé, dépendance), celui-ci conduirait en effet à des transferts entre vifs
(aides et donations) plus importants que ceux observés dans la France actuelle. En outre,
même dans le cas d'une transmission anticipée du patrimoine aux enfants, les parents
préfèrent encore "décider sans décider", reprendre d'une main ce qu'ils accordent de l'autre en
conservant une marge de manœuvre : évitant la donation irrévocable, ils opteront souvent
(près de 2/3 des cas déclarés) pour une donation en nue-propriété avec réserve d'usufruit,
conservant l'usage et les revenus du bien "transmis" pour eux-mêmes.

Les épargnants feraient seulement preuve de ce qu'on pourrait appeler un "altruisme


tempéré" qui, en cherchant à préserver la paix au sein de la famille, conduit souvent à des
choix sous-optimaux entre générations. Il favorise ainsi le refus de la rente viagère ou de la
vente en viager du logement - qui contribueraient pourtant à assurer le financement régulier
de la consommation des vieux jours sans avoir à dépendre du soutien difficile des enfants - au
motif que ces opérations pourraient être interprétées comme une volonté de spolier les enfants
de tout héritage, le refus délibéré de leur laisser quelque chose. La faible diffusion de
l'assurance temporaire décès, qui prévoit le versement d'un capital à sa famille seulement dans
le cas d'un décès prématuré, avant une date fixée, tiendrait de même à cet altruisme tempéré
mais aussi à l'aversion à la perte des épargnants : en cas de survie après l'échéance fatidique,
les primes versées sont en effet "perdues".

4.2 . ... jusqu'à quel point?


On pourrait ainsi multiplier les exemples de biais, anomalies ou erreurs que décèlent les
économistes dans les comportements des épargnants. La question clef que posent ces

1
Le cas extrême est celui des rapports existentiaux de chacun à sa propre mort, à la fois immanente. inéluctable,
proprement incertaine, et endogène (i. e. en partie sous son contrôle, conscient ou non) ; ce que semble oublier
l'approche comportementale qui confond trop souvent la rationalité individuelle avec le point de vue objectif de
l'assureur ou du gestionnaire de fonds, qui doit certes raisonner en termes de probabilités de survie.
14 Inégalités patrimoniales et choix individuels

développements de l'approche comportementale estjusqu'où aller dans cette remise en cause


de la rationalité standard. C'est là que les opinions divergent au sein de la profession comme
le montre le florilège de citations contradictoires suivantes, sur les dix dernières années :

- "L'approche comportementale est séduisante parce qu'elle paraît prometteuse. Mais je ne pense
pas qu'elle le soit, car on ne peut rien faire de plus qu'étudier ces paradoxes occasionnels" (Merton
Miller, Prix Nobel 1990) ;

- "Personne ne peut croire sérieusement que tous les individus ont des croyances rationnelles et
font des choix rationnels à tout moment" (Daniel Kahneman, Prix Nobel 2002) ;

- "Ces biais cognitifs sont parfois importants, mais au lieu de s'intéresser aux faiblesses les plus
significatives des modèles de choix rationnels pour expliquer les comportements du monde réel, on a
peut-être trop mis l'accent sur des situations expérimentales" (Gary Becker, Prix Nobel 1992) ;

-"Notre objectif est que, dans vingt à trente ans, l'expression 'sciences économiques
behavioristes' devienne superflue parce que les sciences économiques seront, par définition,
comportementalistes dans leur démarche" (Richard Thaler, pionner de l'approche comportementale).

Hors le champ académique, cette question soulève deux autres enjeux importants.

Le premier est d'ordre sociopolitique. Si les comportements réels des épargnants


s'éloignent par trop de ce que dicterait une rationalité (standard) pleine et entière en
information complète, il importe, pour leur bien, soit de leur fournir une éducation ou une
aide financière, soit de les contraindre en limitant leur choix.

La voie par l'éducation, d'inspiration plutôt libérale, est celle suivie par les tenants du
"paternalisme libertaire". La planification pour la retraite s'avérerait une tâche complexe que
beaucoup d'individus n'accompliraient qu'imparfaitement, regrettant après coup, mais trop
tard, de n'avoir pas assez épargné pour leurs vieux jours. Il s'agirait en conséquence
d'améliorer l'information financière des épargnants en leur proposant des séminaires de
formation à l'épargne, des plans simples pour la retraite à participation automatique (mais non
obligatoire), une assistance professionnelle, etc. Mais certains voudraient aller plus loin en
inculquant les valeurs et comportements désirés, en modelant les préférences et en
promouvant une discipline à l'épargne- au besoin dès la plus tendre enfance- afin que les
individus se conforment davantage aux hypothèses des modèles; dans ce cas, l'expression de
paternalisme libertaire ne serait plus un oxymore mais une contradiction 1 •••

La voie par la contrainte, d'inspiration plutôt étatiste, suppose des agents suffisamment
peu rationnels pour qu'une restriction de liberté leur soit bénéfique (comme dans le cas de

1
Incidemment, les remèdes proposés devraient réduire les inégalités de patrimoine, dont une part importante est
attribuée par ces libéraux à un défaut de rationalité que présenteraient nombre de ménages "sous-épargnants".
Introduction générale 15

l'alcoolique, du drogué ou du fumeur, que des mesures d'interdiction sont censées aider). Les
systèmes de retraite publics obligatoires joueraient ainsi un rôle tutélaire vis-à-vis des agents
trop "impatients" ou "imprévoyants" pour se préoccuper eux-mêmes de leurs vieux jours.
L'État peut aussi exercer une fonction plus incitative, en accordant des subventions d'impôt
aux produits d'épargne qu'il entend favoriser.

Le second enjeu, d'ordre méthodologique, renvoie au dilemme bien connu entre


parcimonie et réalisme des modèles. La théorie standard a l'avantage de ne retenir que des
préférences très simples mais s'avère souvent démentie par l'observation. Poussée à l'extrême,
l'approche comportementale pourrait dégénérer en une simple description des comportements,
s'attachant trop à l'anecdotique et créant de multiples paramètres de préférence ad hoc, sans
réel pouvoir explicatif. Soyons clairs. Notre point de vue rejoint ici, dans une large mesure,
les jugements exprimés dans les citations précédentes par Merton Miller et Gary Becker.

Reprenons, à titre d'illustration, la théorie standard des choix de portefeuilles. En


information complète et sur des marchés parfaits et complets, elle conduit à des portefeuilles
totalement diversifiés. La prise en compte d'une information limitée et des coûts de
transaction ou de détention engendre des prédictions nettement plus réalistes. Mais, en
première approximation, le portefeuille détenu par un ménage donné ne dépend encore de ses
choix qu'à travers un seul paramètre de préférence: son degré d'aversion à l'égard du risque.
Or il serait déjà fastidieux d'énumérer la liste, jamais close, des paramètres de préférence
parfois très subtils, qui ont été introduits, un moment ou un autre, par les modèles
comportementaux (non-standard) pour cerner au plus près les pratiques de placement ou
d'investissement des ménages.

On voit le problème au plan opérationnel. Comment contrôler une telle prolifération de


paramètres et comment les mesurer tour à tour pour chaque épargnant, tout en cherchant à
déterminer dans quelle mesure l'inégalité des patrimoines et la diversité des portefeuilles
détenus sont imputables à l'hétérogénéité des préférences individuelles ? C'est carrément
mission impossible. Comme dans le cas du principe d'indétermination d'Heisenberg, où l'on
ne peut en même temps mesurer avec précision la position et la vitesse de l'électron, il est vain
de vouloir à la fois obtenir une description fine des comportements patrimoniaux et apprécier
le pouvoir explicatif de préférences hétérogènes sur les disparités de fortune, en taille ou en
composition. Or, pour nous, le second objectif reste prioritaire.

4.3. Comment mesurer l'hétérogénéité des préférences individuelles?

Ces contraintes expliquent les choix méthodologiques adoptés dans ce livre : tenter de
relier les avoirs de chaque enquêté à un petit nombre de paramètres caractérisant ses
préférences à l'égard du risque, du temps, et de sa descendance, en limitant autant que faire se
16 Inégalités patrimoniales et choix individuels

peut les emprunts inévitables à l'approche comportementale. En d'autres termes, nous


cherchons à identifier à l'aide d'un minimum de variables ses degrés de "prudence" (ou à
l'inverse de tolérance au risque), de "prévoyance" (ou à l'inverse de préférence pour le
présent), et d'altruisme (intergénérationnel)- en s'inspirant de la théorie standard- mais aussi
le degré de "non-rationalité" ou d'incohérence de ses choix à court terme - que nous
appellerons, faute de mieux, son degré "d'impatience".

Nous venons de voir que la réalisation d'un tel objectif suppose de ne pas être trop
ambitieux dans notre mesure de ces quatre types de préférences. Quant à elle, l'économie
expérimentale vise haut : plaçant le sujet dans une situation artificielle - la plus proche
possible de celle voulue par la théorie-, elle lui propose des questions abstraites -des choix
de loteries par exemple - en escomptant ainsi, comme dans une expérience de physique,
estimer la valeur exacte de tel ou tel paramètre de préférence ; ou encore, elle cherche à tester
la validité de ses modèles et à déceler, corrélativement, les anomalies ou incohérences
éventuelles des choix effectués par les individus.

Notre démarche prend le contre-pied de cette pratique. Son propos est plus modeste: il
consiste, pour chaque type de préférence, à ébaucher par petites touches successives un profil
psychologique de l'enquêté à partir d'une série de questions simples et concrètes, en faisant
varier le contexte, la nature des choix proposés (de court ou long terme, réversibles ou non, à
faible ou gros enjeu ... ), le domaine de la vie concerné (consommation, loisir, travail,
famille ... ), et en interrogeant le sujet aussi bien sur ses opinions, ses intentions ou ses
pratiques que sur ses réactions à des scénarios hypothétiques (en matière de retraite par
exemple). Ce faisant, nous obtenons une vision synthétique des préférences à l'égard du risque
ou du temps sans chercher à identifier précisément les différents paramètres mis en évidence
par la théorie- standard ou non- ni donc à apprécier le degré exact de rationalité de chaque
préférence 1• Par ailleurs, nous ne visons que des mesures relatives, qui permettent des énoncés
tels que "Pierre est plus prudent que Paul sur tel ou tel plan (et qu'il l'est un peu plus ou
beaucoup plus)", mais pas davantage.

Combien de paramètres sont nécessaires pour caractériser de manière satisfaisante chaque


profil psychologique ? Les réponses apportées par les enquêtés permettent-elles ainsi de
dégager un seul profil, suffisamment cohérent, en matière de risque, ou faut-il distinguer
plusieurs "sous-profils" différents, selon le domaine de la vie concerné ou la taille des risques
encourus, par exemple ? Ici, les données et les analyses statistiques devront trancher. Nous
aurons la chance qu'elles le fassent à chaque fois en faveur d'un indicateur unique : nous

1
En matière de risque ou d'incertain, notre indicateur représente en fait un condensé de différentes préférences
distinguées par les modèles d'utilité espérée ou non espérée: il énonce que, de manière générale, Pierre a une
moindre tolérance au risque que Paul, mais aussi une plus forte aversion à la perte, par exemple. De même,
notre indicateur de préférence pour le présent peut incorporer une dose minimale de pure myopie.
Introduction générale 17

pourrons donc énoncer que "Pierre est plus prudent que Paul", et de même plus ou moins
prévoyant, altruiste ou impatient, sans autre précision.

4.4. Qui est qui? D'où viennent les préférences et varient-elles au cours du temps?
On pourra alors savoir "qui est quoi" en termes de préférences. L'âge, le sexe, le diplôme,
l'origine sociale, le niveau du revenu, le fait d'être marié, ou d'avoir des enfants, ont-ils ainsi
une influence ? Nous laisserons le lecteur découvrir nos résultats au fil de ce livre: toutes
choses égales d'ailleurs, les hommes prennent davantage de risques que les femmes ; on
devient plus prudent, plus prévoyant, et plus altruiste avec l'âge; un diplôme élevé augmente
la tolérance au risque, la prévoyance et l'altruisme, etc.

Une conclusion importante mérite cependant d'être soulignée : si les caractéristiques


observables des individus ou des ménages ont globalement un effet significatif sur leurs
préférences, cet effet demeure limité. Elle justifie a posteriori notre travail : ce dernier aurait
moins d'intérêt dans le cas où l'on pourrait inférer des goûts et préférences de chacun à partir
d'informations qu'il est aisé de recueillir dans les enquêtes habituelles. Mais elle soulève
d'autres questions : d'où viennent des préférences individuelles aussi insaisissables ? et
comment évoluent-elles au cours du temps ? Questions difficiles si l'on se rappelle que les
préférences en question découlent de constructions abstraites, sinon artificielles, de la théorie
économique dans le cadre de l'individualisme méthodologique.

Nous verrons que l'origine sociale comme l'éducation religieuse expliquent assez peu ces
préférences. En revanche, on observe pour chacune d'elles une corrélation forte et
significative entre les mesures obtenues pour le père (ou la mère) et pour l'enfant adulte:
ainsi, avoir une mère prévoyante augmente sensiblement la probabilité d'être soi-même plus
prévoyant que la moyenne. Si de telles corrélations n'impliquent pas forcément une causalité
directe, elles révèlent cependant que les préférences ne tombent pas du ciel mais résultent
pour une part d'une transmission culturelle au sein de la famille - transmission hautement
sélective qui plus est, puisqu'elle semble peu transiter par l'origine sociale ou la religion.

Cette propriété semble augurer d'une certaine stabilité des préférences au cours du
temps- en dépit de variations systématiques selon l'âge (cf supra). Seules des mesures
répétées de ces préférences à différentes dates pour les même individus -des données de
panel, donc - permettraient de vérifier cette intuition, qui validerait d'une autre manière notre
travail (des préférences fortement instables seraient de peu d'utilité). Malheureusement, nous
ne disposerons de données de panel qu'après la publication de ce livre ...
18 Inégalités patrimoniales et choix individuels

4.5. En quoi les inégalités de patrimoine sont-elles dues aux préférences individuelles ?
L'objectif central de l'ouvrage est toutefois d'apprécier dans quelle mesure la diversité de
ces paramètres personnels pourrait rendre compte des disparités de fortune ou de
l'hétérogénéité des portefeuilles. S'agissant des inégalités de patrimoine, les réponses
apportées constituent un véritable enjeu social, voire idéologique, en ce qu'elles conditionnent
le type de politiques à mettre en œuvre. Soit l'exemple des individus non-épargnants qui se
retrouvent démunis à la veille de la retraite : si leur état s'explique d'abord par leurs
préférences (ce sont des vierges folles ou des cigales ... ), ils sont pauvres "de leur faute" et la
réponse consiste à développer la responsabilité individuelle, l'éducation financière des
épargnants, etc. ; si les préférences jouent au contraire un rôle mineur, il faut plutôt
s'interroger sur la capacité des marchés à couvrir les risques les plus durs de l'existence et sur
les insuffisances ou les pannes de la protection sociale.

Nos résultats décrivent une situation intermédiaire entre ces deux extrêmes. Comme
prédit, le montant de patrimoine augmente significativement avec le degré de prudence
(épargne de précaution), le degré de prévoyance (épargne de cycle de vie, notamment pour la
retraite), le degré d'altruisme familial (épargne pour la transmission). Ensemble, les
paramètres de préférence expliquent ainsi 10 à 17 % des inégalités de patrimoine (brut, net ou
financier), soit moins que l'âge, la catégorie sociale (CSP), le revenu ou l'héritage mais
davantage que le diplôme, l'origine sociale, le statut matrimonial, etc.

4.6. Une typologie des épargnants selon leurs préférences permet-elle d'éclairer leurs
choix patrimoniaux ?

Peut-on tirer de notre étude des enseignements plus "opérationnels", proposer un


"produit" simple qui améliorerait la connaissance des comportements patrimoniaux des
ménages, permettrait de repérer des gisements de clientèle susceptibles d'être davantage
intéressés par certains placements ou investissements, ou conduirait à une meilleure
adaptation de l'offre à la demande potentielle?

L'apport sans doute le plus original du livre est d'établir une typologie sommaire des
épargnants, en quatre ou cinq grandes catégories, qui est directement déduite de la théorie
économique et peut être soumise à des tests statistiques. En cela, elle se différencie des
classifications d'investisseurs ("profiling") proposées couramment par les institutions
financières, qui sont purement descriptives (les "hédonistes", les "autonomes", les
"corporatistes" ... ). Obtenue en croisant leurs préférences à l'égard du risque et du temps, notre
typologie oppose ainsi les plus prudents et prévoyants, appelés "Bons pères de famille", aux
"Têtes brûlées", les plus tolérantes à l'égard du risque et les plus insouciantes. Aussi simple
soit-elle, cette typologie s'avère tout à fait performante: les différentes catégories
d'épargnants ont des choix de portefeuille bien spécifiques et en outre conformes aux
Introduction générale 19

prédictions des modèles que l'on peut élaborer. En outre, cette typologie pourrait être affinée
en incorporant les autres préférences (altruisme, impatience) de l'épargnant, les tests
empiriques permettant de sélectionner la meilleure segmentation en quelques types.

De quoi satisfaire à la fois l'économiste et le gestionnaire d'actifs ou le risk manager, le


monde académique et le marketing financier ?
Chapitre 1

L'épargnant
face au risque et au temps

L es enquêtes traditionnelles sur le patrimoine permettent de mesurer l'effet des


caractéristiques observables des ménages, sociodémographiques et économiques, sur
le montant et la composition de leurs fortunes. Mais elles ne renseignent en rien sur
l'influence propre aux paramètres individuels de préférence, alors que la théorie
microéconomique de l'épargnant reconnaît, depuis longtemps, une position centrale aux
préférences à l'égard du risque et du temps. Par exemple, le modèle de cycle de vie le plus
élémentaire- à la base de la théorie "standard" (définie ci-après)- fait intervenir deux
paramètres indépendants, et deux seuls :

-l'aversion (relative) pour le risque, censée gouverner les choix de portefeuille dans le
cadre de la maximisation de l'utilité espérée ;

-le taux de dépréciation du futur, qui fixe le niveau de l'accumulation patrimoniale.

En complément à l'enquête Patrimoine 1998, qui porte sur quelque 10 000 ménages,
1'Insee et le Delta ont conjointement réalisé une opération pilote visant précisément à réunir,
lors d'une seconde interview menée auprès d'un sous-échantillon (1135 observations),
l'information pertinente pour la réalisation d'un tel objectif. Le questionnaire afférent,
d'orientation qualitative et subjective, comprend plus de 80 questions, qui couvrent un large
éventail des domaines de l'existence: consommation, loisir, santé, placements, travail,
retraite, famille, etc. Dans chaque domaine interviennent des questions de différente nature :
comportements, opinions ou intentions, réactions à des loteries ou à des scénarios fictifs.
Chaque question a été affectée à une préférence au moins : attitude face au risque, préférence
pour le présent, impatience à court terme, altruisme (familial ou non) à plus long terme 1•

1
Le questionnaire est reproduit in extenso à l'annexe A, en indiquant en outre l'affectation de chaque question à
telle ou telle préférence.
22 Inégalités patrimoniales et choix individuels

L'objectif est de synthétiser les réponses apportées par l'enquêté, pour chaque préférence,
dans un score individuel, moyenne supposée représentative de l'ensemble de ses réactions
aux questions pertinentes. Pour compléter ces portraits, on demande également à chaque
enquêté de se positionner lui-même sur des échelles graduées de 0 à 10, selon la perception
qu'il a de son attitude à l'égard du risque (entre "prudent" et "aventureux"), de sa préférence
pour le présent (entre "vit au jour le jour" et "préoccupé par l'avenir"), ou de son impatience
(entre "impatient" et "posé").

L'entreprise présente un double intérêt: il existe peu de tentatives réussies d'évaluation,


sur enquête représentative, des préférences individuelles à l'égard du risque et du
temps - mais seulement des mesures de type expérimental, souvent mal adaptées ; et surtout,
on dispose par ailleurs, pour chaque ménage réinterrogé, de renseignements détaillés, obtenus
dans l'enquête principale, sur son itinéraire biographique et professionnel ainsi que sur ses
avoirs financiers et réels.

On tentera donc, dans une première étape, de dresser le profil des individus selon leur
attitude à 1'égard du risque et leur façon d'appréhender le futur. Dans une seconde étape, on
pourra alors évaluer les effets de ces scores sur les comportements patrimoniaux des
ménages, i. e. le montant de la richesse totale ou financière en 1998 et la composition du
patrimoine: l'objectif est de déterminer si les paramètres de préférence mesurés ont des effets
sur l'accumulation patrimoniale et les demandes d'actifs conformes aux prédictions des
modèles d'épargne et s'ils constituent des facteurs explicatifs importants des inégalités de
fortune.

Cette enquête Insee a été complétée par une autre plus récente. Effectuée par courrier
postal sur des ménages membres du panel de la Sofres âgés entre 35 et 55 ans, l'enquête
Delta-TNS (Taylor-Nelson-Sofres) 2002 a conduit à 2500 questionnaires exploitables, qui
renseignent à la fois sur leurs avoirs patrimoniaux et leur trajectoire sociodémographique et
sur leurs préférences, mesurées de la même manière que précédemment à l'aide d'une batterie
de questions similaires. L'originalité de cette enquête résidait dans le fait qu'on a cherché à
poser le même questionnaire soit aux parents des enquêtés initiaux, soit à (l'un de) leurs
enfants adultes, la tranche d'âge 35-55 ans ayant été choisie pour obtenir le plus possible de
binômes potentiels. Nous en avons obtenu 450 environ'.

Notre ouvrage est essentiellement consacré aux enseignements de l'enquête


méthodologique Delta-Insee, intitulée "Comportements face au risque et à l'avenir". Mais il
traite aussi, de manière complémentaire, au chapitre 10 notamment, des résultats de l'enquête
Delta-TNS, dénommée "Mode de vie, épargne: comportements personnels et familiaux". Un

1
Voir l'annexeE pour plus de détails et le libellé des questions.
L'épargnant face au risque et au temps 23

point important est que les propriétés des scores de préférence et leurs effets sur les
comportements patrimoniaux apparaissent largement concordants entre les deux enquêtes.

1. COMPRENDRE LES FACTEURS DE L'ACCUMULATION PATRIMONIALE

Pourquoi rapprocher les comportements patrimoniaux observés des préférences de l'agent,


telles que l'on aura pu les estimer indépendamment? Une première raison paraît s'imposer: la
compréhension des facteurs de l'accumulation patrimoniale et des origines de l'inégalité des
richesses se heurte d'emblée au pouvoir explicatif limité des caractéristiques des ménages
habituellement observées. Le revenu, le métier, le diplôme, l'âge, la composition familiale, la
profession des ascendants, etc. ne rendent compte, conjointement, que de la moitié de la
dispersion des patrimoines (cf Lollivier et Verger, 1996).

1.1. Expliquer les disparités résiduelles des comportements patrimoniaux

Le constat n'a rien de surprenant et l'écart n'est certainement pas dû qu'à la chance, au
seul jeu du hasard. Dans les années 20, l'économiste libéral Franck Knight (1921) prétendait
déjà que la fortune résultait d'un "mélange complexe d'héritage, de chance et d'effort,
probablement dans cet ordre d'importance" 1•

Au-delà de la hiérarchie qu'elle postule, la citation a au moins le mérite de rappeler que le


patrimoine, en tant que variable de stock, est beaucoup plus difficile à prédire que le salaire et
ne dépend pas seulement des caractéristiques et de la situation présente du ménage. Produit et
vestige du passé, ce stock dépend de l'effort d'accumulation antérieur de son propriétaire, mais
aussi, à travers l'héritage, de celui des générations précédentes (de leur comportement
d'épargne, de leurs pratiques de mariage ou de fécondité ... ) ; garant de l'avenir, il doit encore
s'analyser comme une réserve de satisfactions différées.

Franck Knight a raison sur un autre point : le patrimoine est bien ce "mélange complexe"
qui ne dépend pas seulement d'une multitude de facteurs hétérogènes mais également de leur
échéancier et de leur interaction. Un héritage précoce, reçu à un moment où s'offrent des
opportunités d'investissement favorables, peut ouvrir des perspectives d'accumulation
nouvelles ; attendu trop longtemps, il risque de décourager tout effort personnel d'épargne ; en
matière d'accumulation, là aussi, "le succès, c'est le talent multiplié par les circonstances".
L'extrême imbrication des phénomènes patrimoniaux fait que le montant de la fortune ne
pourrait s'expliquer qu'à condition de faire la part entre ce qui a été hérité et ce qui a été
épargné en propre, ou encore entre ce qui résulte des préférences et des choix libres du

1
Franck Knight entendait "héritage" dans un sens large, dépassant de loin les transmissions patrimoniales stricto
sensu.
24 Inégalités patrimoniales et choix individuels

ménage et ce qui est dû aux contraintes et aux aléas qu'il a rencontrés sur les marchés ou dans
sa vie ... (cf Arrondel et Masson, 2004).

Les évolutions historiques ont également laissé une empreinte profonde sur les
trajectoires patrimoniales: événements ponctuels (guerres) ou aisément repérables (la
politique favorable à l'accession à la propriété après 1955, le ralentissement de la croissance
après 1975, etc.); changements plus subtils (affectant les transferts entre vifs) ou mouvements
plus continus, à l'image de la modification des systèmes de prix ou de fiscalité, ou encore des
évolutions des goûts et des valeurs. De plus en plus d'études attestent l'importance de tels
effets de génération sur le patrimoine (Masson, 1986), et plus largement sur la structure
sociale (Chauvel, 1998).

Dans leurs analyses plus récentes, les économistes mettent encore l'accent sur une autre
source, micro-économique cette fois, de la dispersion résiduelle des fortunes : l'hétérogénéité
individuelle des préférences à l'égard du risque et du présent- paramètres pour lesquels on ne
disposait, jusqu'ici, d'aucune mesure directe en France.

Bien sûr, il est vain d'espérer que la variabilité de ces facteurs de goût rende compte, à
elle seule, de la part inexpliquée des inégalités patrimoniales. Plus modestement, l'objectif est
de comprendre pourquoi deux ménages aux caractéristiques similaires se retrouvent au même
âge, à la veille de la retraite par exemple, avec des niveaux de richesse complètement
différents.

Soyons plus précis : pour des valeurs "représentatives" ou raisonnables des variables
pertinentes- paramètres de préférence, profil âge-gains, couverture retraite ... -, l'hypothèse
du cycle de vie prévoit, typiquement, que le ratio du patrimoine au revenu permanent devrait
se situer en fin d'activité dans un intervalle compris entre 2 et 6. Une valeur observée
supérieure à 6 peut être imputée, par exemple, à l'existence de motifs de transmission. Mais,
hors les erreurs de mesure, comment interpréter le fait que plus de 20% des ménages salariés
possèdent, entre 55 et 64 ans, moins du double du montant de leur revenu permanent - alors
que ce revenu n'est en moyenne que modérément inférieur à celui des autres ménages de la
classe d'âge (cf Masson et Arrondel, 1989; Lollivier et Verger, 1999)? Jusqu'à maintenant,
on ne savait pas si ce déficit d'accumulation devait être attribué à une très forte préférence
pour le présent, ou à une incapacité à planifier sur le long terme, ou encore à d'autres facteurs.

1.2. Contrôler l'hétérogénéité individuelle inobservée

Disposer de mesures indépendantes des préférences individuelles permettrait aussi de


mener des tests plus probants des effets prédits, toutes choses égales d'ailleurs, par les
modèles de comportement de l'épargnant.
L'épargnant face au risque et au temps 25

Considérons, à titre de simple illustration, les modèles de gestion multirisques (dans le


cadre de l'utilité espérée). D'après ces modèles, un ménage "tempérant" (propriété portant sur
la dérivée quatrième de l'utilité instantanée ... ) qui subit un risque plus important sur ses
revenus futurs (ou de fortes contraintes de liquidité) va diminuer, celeris paribus, ses
investissements dans les actifs risqués. Arrondel et Masson ( 1996) soulignent que le test de
cet effet de tempérance suppose que l'on puisse contrôler l'hétérogénéité individuelle relative
à des caractéristiques rarement observées dans les enquêtes :

-le degré d'incertitude du revenu futur, tel que le perçoit le ménage (mais aussi son
exposition au risque de santé, etc.) ;

-le degré de prégnance des contraintes de liquidité (actuelles et anticipées)

-le degré de flexibilité de l'offre de travail globale du ménage (possibilité d'heures


supplémentaires, de temps partieL d'un métier d'appoint, de repousser 1'âge de la retraite ... ) ;

- son niveau d'information financière et ses croyances ;

-mais aussi ses préférences à l'égard du risque, degré d'aversion relative et encore
prudence et tempérance.

Jusqu'ici on a dû se contenter d'approcher indirectement ces différents facteurs par des


variables observables utilisées comme "proxy" ; en particulier. on ne disposait d'aucun
indicateur fiable de l'aversion ou, plus généralement, des attitudes à l'égard du risque. Des
mesures directes de ces paramètres de préférence- ainsi que du degré d'incertitude du revenu
futur- permettraient de mieux contrôler les estimations de l'effet de tempérance (cf Arrondel
et Calvo-Pardo, 2002).

1.3. Classer les épargnants selon leurs préférences face au risque et au temps

D'un point de vue plus descriptif, la connaissance des préférences individuelles permettra
de dresser les portraits-robots des sujets qui prennent le plus de risques ou de ceux qui voient
le plus loin : les femmes sont-elles, par exemple, plus prudentes ou plus prévoyantes que les
hommes?

Plus intéressante encore que ces classements séparés des agents selon leurs préférences à
l'égard du risque et du temps, une autre question concerne la corrélation entre ces paramètres,
thème qui n'a jusqu'ici guère été abordé dans la littérature économique : en l'occurrence, les
individus prudents sont-ils en majorité plus prévoyants que les autres?

L'application la plus féconde tient cependant à la possibilité de dresser une typologie des
épargnants selon un critère qui croise les deux types de préférences (chapitre 12). Dans cette
optique, les résultats empiriques de ce livre confirment déjà des prédictions - peu
soulignées - propres aux modèles de cycle de vie (Masson, 2002) : les comportements
26 Inégalités patrimoniales et choix individuels

patrimoniaux dépendent spécifiquement de l'interaction entre les attitudes à l'égard du risque


et du temps. Bref, savoir que l'agent a une forte tolérance au risque, par exemple, informe
peu ; savoir qu'il est peu prévoyant, manifestant une forte préférence pour le présent, n'est
guère plus informatif; mais savoir qu'il est les deux à la fois, tolérant au risque et peu
prévoyant, renseigne bien davantage sur ses décisions d'épargne et d'investissement - c'est
dans notre typologie une "tête brûlée".

2. UNE APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE ORIGINALE

La première partie de l'ouvrage tente de justifier l'approche que nous avons adoptée,
décrite ensuite dans ses grandes lignes.

Le chapitre 2 est le plus théorique de notre étude. Il étudie la manière dont la théorie
microéconomique de l'épargnant traite, dans ses différents développements, de l'influence des
préférences individuelles à l'égard du risque et du temps sur les comportements
d'accumulation et de placement au cours du cycle de vie. La parcimonie des modèles
standard, qui reposent sur la maximisation de l'espérance d'une fonction d'utilité
temporellement additive, actualisée à taux exponentiel constant, se paie au prix fort : si deux
paramètres de préférence- l'aversion relative pour le risque et un taux unique de dépréciation
du futur - suffisent à caractériser les comportements prédits, ces derniers ne s'accordent pas,
loin s'en faut, aux faits observés. À l'inverse, les modèles "non-standard" les plus réalistes
s'avèrent peu opérationnels, en raison du nombre prohibitif de paramètres requis pour aboutir
à une description acceptable du comportement des épargnants.

Prenant acte de ce double écueil, nous proposons dans le chapitre 3 une voie moyenne.
Pour caractériser les choix des individus en environnement incertain, elle retient toujours un
seul paramètre de préférence ; mais ce dernier est censé représenter l'attitude générale de
l'agent à l'égard du risque, variable composite qui tient compte aussi bien de "l'aversion à la
perte", mise en avant par les modèles non conventionnels à la Kahneman-Tversky, que de la
simple aversion à l'égard du risque de la théorie standard. Cette simplification est possible
parce que l'on se contente de mesures purement qualitatives et ordinales: en d'autres termes,
il s'agit seulement de classer, au sein de la population, les individus selon leur attitude vis-à-
vis du risque- plutôt que de proposer une mesure cardinale de leur aversion au risque par
exemple.

Nous avons procédé de même pour ce qui est des priorités que les enquêtés accordent au
présent à différentes échéances Les données nous ont amenés à privilégier encore une
préférence temporelle pure, qui détermine l'horizon de vie de l'agent (conjointement avec ses
probabilités de survie). Mais ce taux de dépréciation du futur doit être "encadré" de plusieurs
autres préférences portant sur des échelles de temps plus courte ou plus longue : une
L'épargnant face au risque et au temps 27

impatience à plus court terme, qui traduit souvent une rationalité limitée par un déficit
d'imagination ou de volonté (et donc source d'incohérence temporelle) ; les degrés d'altruisme
intergénérationnel familial (pour ses enfants) et non familial (pour les générations futures,
l'avenir de la planète, etc.) qui conduisent à prolonger l'horizon décisionnel au-delà de sa
propre existence.

Instruits par les avatars qu'ont connus les mesures précédentes des préférences
individuelles, tant économétriques qu'expérimentales, nous avons par ailleurs adopté une
procédure d'estimation nouvelle des cinq paramètres de préférence retenus (l'un relatif au
risque ou à l'incertain, les autres à la priorité accordée au présent à plus ou moins long terme).

Les échecs des tentatives antérieures s'expliquent déjà par des questions trop artificielles
ou trop ciblées (choix entre des loteries) et des erreurs d'identification des paramètres (effets
de contexte, absence de contrôle des facteurs non pertinents), qui engendrent une forte
instabilité des estimations, surtout dans le cas du taux de dépréciation du futur. Pour les éviter,
nous avons approché chaque préférence par un grand nombre de questions hétérogènes,
concernant aussi bien les choix de la vie courante que les opinions ou les projets de l'individu,
et cela dans de multiples domaines de l'existence (autres que le patrimoine proprement dit) :
les réponses de chaque enquêté - codées de manière appropriée - sont ensuite résumées par
un indicateur synthétique ou score de préférence purement qualitatif et ordinal, sorte de
"moyenne" représentative de ses réponses. Si le choix de chaque question, ou presque, peut
être critiqué (questions trop naïves ou anecdotiques, entachées de valeurs morales implicites,
trop hypothétiques, etc.), l'hypothèse que l'on cherchera à justifier est bien que les effets de
contexte, les interprétations possibles autres que celle proposée, les erreurs d'identification ...
se "compensent" à l'échelle de ces mesures globales - du moins tant que l'on se contente de
mesures ordinales des préférences.

3. LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE L'ÉTUDE

Cette analyse clôt la première partie de ce livre. Les autres sont consacrées pour l'essentiel
aux traitements statistiques.

La deuxième partie aborde ainsi la mesure des préférences individuelles, à l'égard du


risque- chapitre 4 à 6- et à l'égard de l'avenir- chapitre 7 à 9. Le chapitre 10, consacré à
l'enquête Delta-TNS-Sofres, s'intéresse plus précisément à la validation de la méthode sur
d'autres données que celles de l'Insee, et aux facteurs culturels agissant sur la formation des
préférences.

Les deux derniers (chapitres Il et 12) constituent une première étude des effets des
scores de préférence sur l'accumulation et la composition du patrimoine.
28 Inégalités patrimoniales et choix individuels

3.1. Élaboration des scores individuels : qui aime le risque ? qui voit loin ?
Les parties 2A (chapitres 4 à 6), consacrée au score de risque, et 2B (chapitres 7 à 9),
concernant les préférences à 1'égard du temps, sont construites, autant que faire se peut, de la
même manière :

-rappel plus littéraire, et sous un angle plus opératoire, des enjeux et problèmes
théoriques développés dans la première partie- ce qui permet une lecture indépendante:
chapitres 4 et 7 ;

- exposé des difficultés empiriques spécifiques soulevées par notre approche et la nature,
concrète ou directe, des questions posées lors de l'enquête méthodologique Delta-Insee: fin
du chapitre 4 pour le risque, début du chapitre 8 pour le temps ;

-élaboration des mesures des paramètres de préférence: score global de risque dans un
cas (chapitre 5), score relatif à l'impatience de court terme, à la préférence pure pour le
présent, et aux degrés d'altruisme, familial et non familial, dans l'autre (chapitre 8)- c'est la
partie la plus technique au plan statistique, qui va de l'affectation a priori des questions posées
à une ou plusieurs préférences, en passant par le codage des questions, puis la construction
progressive de scores en sommant pour chaque individu les "notes" ainsi obtenues aux
différentes questions, jusqu'à des tests de cohérence interne et diverses tentatives de validation
de ces indicateurs synthétiques des préférences ;

- déterminants observables des scores, envisagés comme variable dépendante dans les
régressions : il s'agit de dresser les portraits-robots de ceux qui prennent le plus de risques ou
se révèlent les plus prudents (chapitre 6), de ceux qui sont le plus (ou le moins) prévoyant,
impatient, ou altruiste- et de même pour les phénomènes d'anticipation (savoring, dread) ou
pour ceux qui sont le plus enclins à se pré-engager (chapitre 9).

Qu'il s'agisse du risque ou du temps, les scores apparaissent mieux expliqués - et de


manière plus cohérente- que les échelles auto-déclarées ; mais ces dernières obtiennent elles-
mêmes de meilleurs résultats que les questions individuelles (y compris le petit jeu de loteries
du questionnaire recto-verso, cf annexe A). Pour tous les indicateurs de risque (score,
échelles, jeu de loteries), l'homme apparaît plus aventureux que la femme, et l'aîné plus
prudent que le jeune ; en revanche, hommes et femmes ne se distinguent pas en fonction des
indicateurs de préférence temporelle ou d'altruisme (score, échelle, ou questions prises
isolément), et cela même lorsque l'on restreint l'échantillon aux individus en couple avec
enfants ...

Les données de l'enquête TNS-Sofres-Delta 2002 utilisées dans la partie 2C (chapitre 10


et annexes E et F), ont permis, outre de valider notre méthodologie empirique, de compléter
cette étude des déterminants des préférences. En interrogeant les individus sur leur éducation
L'épargnant face au risque et au temps 29

religieuse, leurs opinions politiques, leur sentiment d'appartenance sociale, on a pu mettre en


évidence une forte contribution de ces variables culturelles pour expliquer les attitudes vis-à-
vis du risque et du temps. Plus encore, en disposant des scores simultanément pour la
génération des parents et celle de leurs enfants, nous avons pu juger du poids de 1' "héritage"
dans la formation des préférences: la corrélation entre les scores des enfants et celui de leurs
parents est significative, oscillant entre 0,12 pour l'altruisme familial à 0,23 pour les attitudes
vis-à-vis du risque en passant par 0,15 pour la préférence temporelle.

3.2. Les scores en tant que facteurs explicatifs des comportements patrimoniaux
La troisième partie du livre (chapitres Il et 12) inclut les indicateurs de préférence
mesurés parmi les variables explicatives des comportements patrimoniaux. Les scores ont,
toutes choses égales par ailleurs, un effet significatif sur le montant et la composition du
patrimoine, et dans le sens attendu - i. e. conforme aux prédictions théoriques.

Pour s'en tenir au seul montant global (chapitre 11), les ménages plus prudents
accumulent davantage, probablement en raison d'une épargne de précaution plus élevée ~ de
même, les ménages plus prévoyants sont plus fortunés que les autres, du fait d'un horizon plus
long (épargne retraite), et les altruistes au plan familial possèdent plus que les égoïstes, signe
de l'existence de motifs de transmission de la richesse. Enfin, l'indicateur d'impatience à court
terme, qui est censé résumer, pour une large part, l'impact de phénomènes perturbateurs ou
épidermiques venant "polluer" la mesure de la préférence pour le présent, n'exerce
effectivement aucune influence décelable sur l'accumulation patrimoniale au niveau global :
son action serait plutôt sensible sur des sous-populations spécifiques, enclines au
surendettement ou au défaut de paiement par exemple.

Les effets des trois scores significatifs sont loin d'être négligeables, notamment en ce qui
concerne la préférence temporelle: entre individus "extrêmes" (entre le plus "myope" et le
plus prévoyant de l'échantillon, par exemple), les écarts de patrimoine estimés peuvent être
quantitativement importants- de l'ordre de 1 à 10 -, quand bien même le gain de variance
expliquée reste finalement modeste du fait de l'extrême concentration du patrimoine.

Certes, ces corrélations ne préjugent pas du sens de la causalité et n'auraient qu'une portée
limitée si elles signifiaient, par exemple, qu'une richesse plus importante engendre un taux de
préférence temporelle plus bas (cf Becker et Mulligan, 1997) 1• Le recours à des instruments
dont la qualité a été statistiquement validée montre cependant que, dans les régressions de

1 Becker et Mulligan (1997) proposent un modèle à préférence temporelle endogène: un peu comme il le ferait
en matière de santé, l'agent, conscient de son défaut de perception du futur, peut investir dans un capital qui
allonge d'autant son horizon décisionnel. Mais ces "investissements" (efforts d'apprentissage, d'éducation,
d'information ... ) ont un coût, en temps ou en argent, que les plus riches supporteront plus facilement.
30 Inégalités patrimoniales et choix individuels

patrimoine, les scores (à l'exception de celui d'impatience) peuvent être considérés comme
exogènes : leurs effets sur le patrimoine sont donc robustes 1•

Enfin, une autre conclusion, d'importance, est que les scores se révèlent beaucoup plus
performants que les échelles auto-déclarées lorsqu'il s'agit de rendre compte des inégalités de
fortune ou de la diversité des choix de portefeuilles. Les corrélations entre scores et échelles
ont certes le bon signe, mais les échelles ont un pouvoir explicatif des comportements
patrimoniaux sensiblement plus faible et pas toujours cohérent. Tout semble se passer comme
si, livrés à leur spontanéité et sans référence précise sur le comportement des autres ou de
l'individu moyen, les répondants privilégiaient certains contextes particuliers, pas forcément
représentatifs des déterminants de leurs choix ou pratiques d'accumulation. Mais le même
constat vaut, en plus marqué encore, pour les questions prises individuellement: à une ou
deux exceptions près- telle la question (VII.QlO) sur les projets à dix ans, vingt ans, trente
ans ou plus-, celles-ci ont un pouvoir explicatif des comportements patrimoniaux
négligeable, ou du moins bien inférieur à celui des échelles, et a fortiori à celui des scores.

La leçon de l'expérience s'impose d'elle-même. La procédure exposée dans les six


chapitres précédents (4 à 6 pour le risque, 7 à 9 pour le temps), aussi ardue que soit
l'entreprise de construction et de validation des scores, s'avère payante. Se contenter du
dernier module du questionnaire méthodologique, sur les échelles de préférence auto-
déclarées, ou fonder l'analyse sur quelques questions jugées a priori les plus pertinentes ou les
plus conformes à la théorie, risque de mener à une impasse ou à des déboires importants.
L'approche éclectique que nous avons suivie, qui conduit à balayer avec l'enquêté tout un
spectre de situations variées et plus concrètes ... sans que l'on sache toujours, a priori, ce que
chaque question posée permet de mesurer, s'en trouve d'autant confortée.

3.3. Vers une typologie des épargnants prédictive de leurs comportements

Un autre apport de notre travail concerne l'effet croisé des deux paramètres sur les
comportements patrimoniaux. Dans le chapitre 12 de cet ouvrage, nous avons ainsi élaboré
une partition de la population en différentes catégories de ménages définies, en termes relatifs,
par une attitude à l'égard du risque et une préférence pour le présent plus ou moins fortes, et
caractérisées chacune par un régime spécifique de décisions d'épargne et d'investissement : les
"Bons pères de famille", prévoyants et prudents; à l'opposé, les "Têtes brûlées" ou ménages
aventureux et insouciants, etc.

1
Ce résultat positif des tests d'exogénéité n'a rien de surprenant : du fait de la multiplicité des domaines abordés
et de la variété des questions posées, les scores peuvent eux-mêmes s'interpréter comme une collection de
variables instrumentales.
L'épargnant face au risque et au temps 31

À partir du croisement des deux paramètres, les modèles standard (i. e. maximisation de
l'utilité additive espérée actualisée à taux constant) introduisent, plus précisément, à une
typologie des épargnants en quatre régimes spécifiques d'accumulation patrimoniale :

-Les bons pères de famille, peu tolérantes au risque (aversion relative supérieure à 1) et à
horizon long (taux de dépréciation du futur faible, inférieur au taux d'intérêt) : modèle de
cycle de vie "représentatif", axé sur l'épargne pour la retraite et la précaution de long terme.

- Les cigales prudentes, peu tolérantes au risque et à horizon court (taux de dépréciation
du futur faible élevé, largement supérieur au taux d'intérêt) : modèle de "buffer-stock" ou
d'encaisses de précaution à moyen terme contre les chutes inopinées du revenu, autour d'une
valeur cible - 6 mois de revenu par exemple.

- Les entreprenants, tolérantes au risque et à horizon long : modèle d'entrepreneur,


patrimoine éventuellement toujours croissant avec l'âge.

- Les têtes brûlées, tolérantes au risque et à horizon court: peuvent se retrouver


durablement avec un patrimoine très faible, voire emprunteuses nettes (dans d'autres
contextes, seraient sujettes à "l'addiction rationnelle").

4. MODES DE LECTURE POSSIBLES DE L'OUVRAGE

Indiquons pour finir les modes de lecture possibles de ce livre. Un survol rapide, effectué
à partir de l'introduction générale, du chapitre 1, des résumés placés en tête de chaque partie
(et des sous-parties 2A à 2C), et enfin de la conclusion générale, permet déjà d'obtenir, à peu
de frais, une vue d'ensemble de l'ouvrage.

La première partie (chapitres 2 et 3 ), cherchant à justifier l'approche méthodologique que


nous avons adoptée, peut se lire de manière autonome. Elle donne aussi un aperçu global de
notre étude, puisqu'un résumé des résultats empiriques obtenus dans les autres chapitres figure
en conclusion. Mais l'étude des développements théoriques des modèles de cycle de vie, et
l'analyse des échecs qu'ont connus les mesures précédentes des préférences individuelles
seront utiles pour le lecteur désireux de comprendre en détail les choix méthodologiques que
nous avons effectués, la formulation de certaines questions, ainsi que la procédure
d'affectation à telle(s) ou telle(s) préférence(s) des questions polysémiques.

Dans la deuxième partie, le chapitre 4 pour le risque et le chapitre 7 pour le temps, plus
littéraires, ont été rédigés de manière à pouvoir être lus indépendamment des chapitres
précédents- une fois admis les principes de l'approche adoptée. Construites selon un plan
d'exposition similaire, les sous-parties 2A (chapitres 4 à 6) et 2B (chapitres 7 à 9) facilitent
d'autant les comparaisons relatives aux difficultés rencontrées (théoriques ou empiriques) et
aux conclusions obtenues (statistiques ou économétriques) lors de l'élaboration des scores,
32 Inégalités patrimoniales et choix individuels

indicateurs des préférences face à l'incertain et face à l'avenir, respectivement; mais elles
peuvent également se lire- à peu de choses près- indépendamment l'une de l'autre.

La sous-partie 2C (chapitre 10) traite des apports d'une nouvelle enquête (TNS-Sofres-
Delta 2002). À condition de connaître la méthode de construction des scores développée dans
les sous-parties précédentes, cette étude qui souligne le rôle de la culture dans la formation
des préférences peut être lue indépendamment.

Enfin, la connaissance des développements statistiques précédents n'est pas indispensable


pour la compréhension de la dernière partie de l'ouvrage (chapitres 11 et 12), du moins si l'on
accepte notre méthode de mesure des préférences par les scores. Une connaissance
approximative des grandes lignes des chapitres 2 et 3 est suffisante pour suivre le chapitre ll
qui mesure les effets de ces indicateurs de préférence sur les montants des patrimoines brut,
net, et financier des ménages, et dresse en conclusion le bilan de notre opération pilote. Quant
au chapitre 12, qui propose en guise d'ouverture une première typologie performante des
épargnants, sa lecture en est rendue à dessein presque autonome puisqu'il comporte un résumé
succinct de tous les épisodes antérieurs.

Un dernier mot. L'annexe A qui reproduit le contenu du questionnaire et indique les


décisions d'affectation de chaque question à telle ou telle préférence, possède un statut
particulier. L'expérience montre qu'une connaissance préalable de la première partie,
théorique, du texte évite certains malentendus à sa lecture ; a contrario, la bonne intelligibilité
de la deuxième partie consacrée à la mesure des préférences face au risque et au temps
suppose de pouvoir s'y reporter à l'occasion.
PREMIÈRE PARTIE

MÉTHODOLOGIE
"Mieux vaut être la prévoyante fourmi que la
misérable cigale de la fable"
Album d'images épargne de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de Nantes, /967

"L'avenir appartient à ceux qui épargnent tôt !"


Publicité du Crédit Mutuel, 2005

L a théorie standard de l'épargnant- qui suppose une actualisation "exponentielle" des


utilités futures jusqu'au terme de l'existence et se réfère, en avenir risqué, au critère
de l'espérance de l'utilité- ne retient que deux paramètres de préférence pour expliquer les
comportements patrimoniaux: l'aversion (relative) à l'égard du risque et le taux de
dépréciation du futur. L'inadéquation manifeste des prédictions de cette théorie avec
l'observation a conduit à l'élaboration de modèles non standard plus réalistes (utilité non
espérée, actualisation "hyperbolique", etc.). Le problème est que ces modèles doivent
multiplier les paramètres de préférence indépendants pour pouvoir s'accorder aux données de
laboratoire ou d'enquêtes : cette prolifération aboutit, au plan empirique, à une impasse.

C'est pourquoi nous avons adopté une voie moyenne qui privilégie encore deux
paramètres de préférence "pivots", l'un par rapport au risque, l'autre par rapport au temps,
mais dont les définitions s'éloignent du cadre standard. Le paramètre pour le risque,
caractérisera l'attitude générale à l'égard du risque plutôt que "l'aversion" proprement dite ; de
même, la préférence de long terme pour le présent se verra bordée de deux autres types de
paramètres, mesurant l'un l'impatience sur le court terme, l'autre l'altruisme pour sa
descendance.

Corrélativement, l'approche empirique adoptée s'avère à la fois qualitative et éclectique.


Avertis des déboires qu'ont connus les expériences (anglo-saxonnes) existantes, nous
proposons des mesures purement ordinales des préférences, baptisées "scores", qui
synthétisent les réponses de l'enquêté à une multitude de questions (le plus souvent concrètes),
de toute nature- comportements, opinions, projets ... -et couvrant un large éventail de
domaines - consommation, santé, travail, gestion financière, famille, retraite ...
34 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Album d'images épargne de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de Nantes, 1967


Chapitre 2

De la théorie ...

L orsque l'on cherche à expliquer la diversité des comportements patrimoniaux des


ménages par l'hétérogénéité de leurs préférences, une question préalable s'impose :

En matière de préférences, les enseignements de la théorie de l'épargnant se résument-ils


vraiment à faire dépendre ses choix d'accumulation et de placements financiers de deux
paramètres, le degré d'aversion pour le risque et le taux de dépréciation du futur ?

Selon un cheminement dialectique, nous répondrons successivement :

- dans une première section, par l'affirmative: c'est effectivement ce que propose la
théorie "standard" (i. e. maximisation de l'utilité additive espérée, actualisée à taux constant),
définie plus précisément ci-après ;

- puis, dans les trois suivantes, par la négative : l'inadéquation aux faits des prédictions
des modèles standard conduit à proposer des extensions (utilité non espérée, incohérence
temporelle des choix) certes plus réalistes mais qui engendrent une profusion incontrôlable de
paramètres de préférence ... qu'il faudrait estimer indépendamment les uns des autres !

Ce chapitre constitue ainsi essentiellement une analyse critique des développements


théoriques des modèles de cycle de vie et de la littérature afférente, concernant l'identification
et la mesure des préférences individuelles concernées.

1. LA THÉORIE STANDARD DE L'ÉPARGNANT SUR LE CYCLE DE VIE


Comment la théorie microéconomique standard, représentée par l'hypothèse de cycle de
vie, traite-t-elle de l'influence des préférences propres de l'épargnant sur ses comportements
d'accumulation et de placement au cours de l'existence? Nous qualifierons de "standard" les
formalisations, reposant sur des préférences homothétiques, qui retiennent comme critères à
maximiser: en situation de certitude, une somme actualisée, sur la durée de l'existence, des
36 Inégalités patrimoniales et choix individuels

utilités (cardinales) instantanées- critère DU (discounted utility) ; en avenir incertain,


l'espérance de l'utilité- critère EU (expected utility).

Les propriétés que ces modèles de cycle de vie confèrent à la fonction d'utilité
intertemporelle, U;, que l'agent i, supposé rationnel, est censé maximiser, permettent en
substance de se ramener à deux paramètres individuels, a priori indépendants : le degré
d'aversion (relative) à l'égard du risque, soit encore l'inverse de l'élasticité intertemporelle de
substitution ; et la préférence temporelle pour le présent, qui réduit d'autant l'horizon
décisionnel de l'épargnant.

Introduisons tout d'abord ces propriétés de la fonction d'utilité qui découlent des
caractères distinctifs prêtés au comportement de l'épargnant du cycle de vie ; elles sont
justifiées plus amplement dans le complément 1, notamment dans une perspective historique'.

1.1. Les caractéristiques de base attribuées au comportement d'épargne

Le postulat préalable, presque métaphysique, des modèles de cycle de vie veut que les
décisions de consommation et d'épargne soient relativement séparables des arbitrages
familiaux ou professionnels, voire, dans une moindre mesure, des décisions d'offre de travail
ou d'investissement en capital humain. Dans cette optique, la tradition, depuis Bohm-Bawerk
et Fisher, fait l'hypothèse simplificatrice supplémentaire d'un bien unique consommé au cours
du temps, si bien que les objets de choix peuvent être limités aux volumes agrégés de
consommation (en termes réels) à chaque période t, Ct: la structure des dépenses de
consommation n'intervient pas directement dans la fonction d'utilité. La théorie standard
suppose en outre qu'il en va de même pour le montant ou la composition de la richesse - les
actifs patrimoniaux ne sont pas source directe, présente, de satisfaction.

Les choix intertemporels de l'agent se confondent alors avec son comportement


d'épargne : ils se limitent à l'allocation des ressources, sur l'horizon considéré, entre les
"biens" que représentent les consommations globales aux différentes périodes- Ct étant
affecté du "prix" escompté 11(1 +rt', avec r le taux d'intérêt réef.

L'apport de l'hypothèse du cycle de vie, initiée par Modigliani et Brumberg (1954), est
d'avoir introduit une figure intermédiaire entre les deux héros opposés par les modèles post-
keynésiens : le consommateur-travailleur, agent passif souvent contraint par la liquidité, qui
épargne peu et surtout sous forme d'encaisses de transaction ou de précaution et de biens
durables ; et le capitaliste-investisseur, qui accumule pour différents motifs- entreprise,

1
Selon les circonstances, on adoptera librement la formalisation jugée la plus commode, en temps t discret ou
continu, la consommation de la période/date tétant respectivement notée Ct ou C(t).
2
Fisher (1930) aurait, le premier, tracé et exploité formellement le diagramme d'indifférence correspondant sur
deux périodes, entre la consommation actuelle et la consommation future.
De la théorie ... 37

pouvoir, rendement, prestige ou transmission ... -, mais dont les biens seront pour une large
part transmis à la génération suivante. Cette figure est celle de "l'épargnant du cycle de vie"
qui accumule de manière significative mais seulement pour lui-même, i.e. pour sa
consommation future : la fonction du patrimoine est de faire coïncider ex-post les échéanciers
divergents de ses recettes et de ses besoins (plus réguliers) au cours de l'existence. L'épargne
accumulée sert à pallier les variations systématiques du revenu avec l'âge (sa baisse au
moment de la retraite) aussi bien que ses fluctuations accidentelles à plus court terme, afin
d'obtenir le lissage intertemporel désiré de la consommation (Modigliani, 1986).

Plus précisément, le comportement d'épargne d'un agent i censé vivre Tannées se voit
attribuer cinq propriétés distinctives qui vont permettre de déterminer la forme de la fonction
d'utilité U, (indice i souvent omis). Ce dernier est supposé:

- (i) autonome, dans la mesure où il ne dépend que des caractéristiques propres de 1'agent,
et non des préférences ou des choix d'autrui (y compris de ses enfants : "égoïsme") ;

- (ii) établi en référence à un horizon décisionnel dont le terme se confond avec celui de
l'existence de 1'agent, soit T, mais ne va pas au-delà ;

-(iii) purement prospectif, i.e. fonction des seules données présentes et anticipées, non de
l'histoire ou des habitudes de l'agent:

- (iv) temporellement cohérent, i. e. correspondant à un système de préférences stable: si


tout se passe comme prévu, la consommation planifiée au départ par l'agent pour la période t,
soit E 1( C1), sera bien celle qu'il réalisera à cette date, soit E 1( C1) =Er( C1) = C1 ;

-(v) conduire, dans les cas simples, à une relation de proportionnalité entre
consommation et ressources globales, ce qui requiert en fait des préférences homothétiques.

Pour un économiste peu féru du lien social, la discussion rapide de (i) à (v) menée dans le
complément 1 pourrait donner l'impression que ces cinq propriétés sont naturelles et peu
contraignantes. Impression doublement fausse : on va voir qu'elles suffisent en fait à
caractériser très précisément la fonction intertemporelle d'utilité, mais aussi, dans un second
temps, qu'elles engendrent des prédictions clairement démenties par l'observation.

1.2. Modèle DU (discounted utility): un seul paramètre de préférence à l'égard du temps


Plaçons-nous tout d'abord dans un monde certain avec des marchés des capitaux parfaits.
Les propriétés (i) et (ii) assurent alors que le consommateur maximise une fonction d'utilité de
la forme:

U[C(O) ... C(t) ... C(T)]; (1)

qui dépend seulement de ses flux de consommations globales jusqu'en fin de vie T.
38 Inégalités patrimoniales et choix individuels

La cohérence temporelle (iv) et le comportement prospectif (iii) imposent alors à cette


fonction U une forme "récursive", analogue à la relation (B) du complément 1 lorsqu'il y a
indépendance par rapport aux consommations passées :

(2)

l'écriture par emboîtements successifs des fonctions d'utilité ut' ut+l ... garantit que le futur,
pris globalement, est toujours (faiblement) séparable par rapport au passé ou au présent.

Les propriétés (i) à (iv) attribuées au comportement d'épargne sont équivalentes à la


classe des fonctions d'utilité vérifiant (2). On va désormais requérir "un peu plus" : la
séparabilité temporelle forte des préférences, à savoir des fonctions d'agrégation temporelle Ft
additives 1•

En temps continu, plus commode, la fonction d'utilité U' à la date s prend alors la forme
suivante:

T
Us [C(s) ... C(7)] = ~-s a(t) u[t, C(t)] dt; a(O) = 1; a(t) ~ 0; da(t) /dt s O. (3)

Le paramètre a(t)- ou plutôt a(t)/a(s)- est censé représenter le facteur d'actualisation


temporelle : typiquement, la préférence accordée au présent conduit à retenir une pondération
associée au flux d'utilité instantanée u(t,.) décroissante selon t.

Plutôt que le facteur a (t), on considère alors le taux de dépréciation du futur, b (t), qui en
est la dérivée logarithmique :

(4)

soit finalement :

a (t) = exp (-b t) si b (t) = b constant. (4')

Les relations (4) ou (4') caractérisent une actualisation exponentielle, où b peut varier
avec l'âge à venir t; mais la cohérence temporelle des choix impose que b ne dépende pas de
(t-s), soit de la distance au présent.

Dans un modèle à deux périodes, avec une fonction d'utilité U( C 1, C2) additive et à
"goûts" constants: u(t, C) = u(C), a vaut ll(l+D) et le taux d'actualisation subjectif b
s'interprète simplement en fonction du taux marginal (intertemporel) de substitution (TMS)

1
En fait, imposer l'additivité des fonctions F, limite sensiblement la classe des fonctions d'utilité satisfaisant aux
propriétés (i) à (v)- voir la fin du complément 1.
De la théorie ... 39

lorsque les consommations présente C 1 et future C 2 sont égales. Il se différencie ainsi du taux
d'actualisation objectif, soit le taux d'intérêt réel r, qui caractérise le taux marginal de
substitution à l'optimum- du moins dès que l'utilité marginale u' (C) est décroissante en C:

(5)

Sous l'hypothèse de goûts constants, la littérature identifie le système de préférences (3)-


(4') avec le modèle DU (Discounted Utility), introduit par Samuelson dès 1937. Le survey
récent de Frederick et al. (2002), où le lecteur trouvera toutes les références voulues, présente
un examen critique détaillé, théorique et surtout empirique, de ce modèle, en s'appuyant tant
sur des études expérimentales que sur l'économétrie des données d'enquête. Le reproche
essentiel porte sur la possibilité de rendre compte des choix intertemporels à l'aide d'un critère
unidimensionnel -la somme actualisée des utilités instantanées u(t,.) -et surtout d'un seul
taux d'actualisation positif, b, propre à l'individu mais indépendant de toute autre
considération (type de choix, montant de la consommation C, distance au présent, etc.).

Ce caractère idiosyncratique du paramètre b permet en revanche de caractériser


complètement l'horizon décisionnel de l'épargnant: pour une même durée de vie, plus b est
élevé, et plus cet horizon est court (cf complément 1).

1.3. Préférences isoélastiques: l'utilité instantanée dépend d'un seul paramètre

L'hypothèse (v) d'homothétie des préférences fait que la parcimonie affichée par la théorie
microéconomique standard de l'épargnant va encore plus loin, jusqu'à représenter les
fonctions d'utilité instantanées, u(t,.), par un seul paramètre. Un théorème important implique
en effet que, sous certaines conditions de régularité, des préférences additives (3) et
homothétiques sont à goûts constants et isoélastiques (Deaton et Muellbauer, 1980, p. 146):

s T C(t)l-r
U [C(s) ... C(1)] = J,=s a(t) t=Y dt, (6)

avec donc:

cl-r
u(t,C) = u(C) = _y; où: y> 0, y= 1: u(C) =log C. (6')
1

Le paramètre y représente le degré de concavité de la fonction d'utilité u, ou de manière


équivalente, au signe près, l'élasticité de l'utilité marginale supposée décroissante (u' =c-r).

En situation de certitude, deux paramètres D; et Y; suffisent ainsi à caractériser les


préférences de l'épargnant i et à dicter son comportement. En particulier, y est égal à l'inverse
de l'élasticité intertemporelle de substitution, notée a, et la résolution du programme de
40 Inégalités patrimoniales et choix individuels

maximisation sous la seule contrainte de budget vital (A) du complément 1 montre que le taux
de croissance instantané de la consommation, g(t), vérifie la relation :

g (t) = dC(t)/dt = a (r _ ()). a = 1/ y > 0, (7)


C(t) '

où a mesure le degré de sensibilité aux variations des deux taux d'actualisation, "objectif" (r)
et "subjectif" ( è)) : une augmentation du taux d'intérêt r incite à surseoir à la consommation
présente pour bénéficier des rendements plus élevés de l'épargne; de deux individus, celui qui
aura le taux de dépréciation du futur (j le plus élevé consommera davantage dans l'instant,
toutes choses égales par ailleurs.

L'égalité entre y, qui traduit la décroissance de l'utilité marginale, et lia, qui mesure le
degré d'aversion aux fluctuations temporelles de la consommation, constitue sans doute la
caractéristique la plus contestable de ces modèles de choix en univers certain. Elle découle
directement de l'additivité (3) de la fonction U: si l'on veut distinguer le désir de lisser sa
consommation (1/a) du degré de saturation des besoins (y), il faut donc se résoudre à
introduire des non-séparabilités temporelles dans les préférences.

1.4. Modèle EU (expected utility): un seul paramètre de préférence à l'égard du risque


Supposons maintenant un futur incertain ou au moins risqué (la distribution des
probabilités étant connue de l'agent). La théorie standard suppose de manière générale- selon
le modèle EU dont l'axiomatique a été développée par von Neumann et Morgenstern
(1947)- que l'agent maximise l'espérance de son utilité intertemporelle U: comme cette
dernière est supposée de forme (3) additive, la fonction objectif est donc doublement linéaire,
vis-à-vis des probabilités et des satisfactions retirées des consommations de chaque période t.

Gardons tout d'abord l'hypothèse d'un revenu d'activité certain: le risque porte seulement
sur le rendement des actifs. Le paramètre y s'interprète alors également comme le degré p
d'aversion relative pour le risque (y= p = -Cu"lu'). Sous certaines conditions, Merton (1971)
a montré que les choix intertemporels de portefeuille sont indépendants des choix de
consommation et se ramènent à une succession de choix statiques - répondant au critère
moyenne-variance -entre deux placements, l'un sûr, l'autre risqué (portefeuille du marché).
Dans le cas le plus simple où les ressources de l'agent se limitent à son patrimoine financier,
les choix de portefeuille entre un actif sûr, de taux de rendement égal au taux d'intérêt r, et un
actif (composite) risqué, de taux de rendement d'espérance m >ret d'écart types, conduiront
ainsi à une part du portefeuille risqué w dans le patrimoine égale à :

w = (rn- r) / i y; (8)
De la théorie ... 41

avec les égalités suivantes :

y = p =lia. (8')

Cette part w peut être supérieure à l'unité si l'emprunt sur l'actif sûr n'est pas limité.

Le point clef est cependant que tous les comportements ou attitudes à l'égard du risque
vont ne dépendre que du seul paramètre y dès que l'on maintient l'hypothèse standard CS.), soit
des préférences additives et isoélastiques, actualisées à taux constant sur la duré de vie T
(modèle DU), et la maximisation de l'utilité espérée (modèle EU). En résumé:

Standard = IDU * T *Homothétie* EU] CS.)

Considérons à présent un revenu futur du travail incertain. Le montant de !'épargne de


précaution générée par cet aléa va dépendre du degré de prudence (soit de la dérivée
troisième u"' : cf Kimball, 1990). Mais ce paramètre n'est fonction que de y si u est
isoélastique: le coefficient de prudence relative, soit JC = -Cu'"!u", vaut ainsi (y+ 1). Aussi,
l'équation d'Euler, généralisation de l'équation (7), s'écrit-elle en première approximation et en
temps discret :

(9)

avec les égalités suivantes :

(9')

et flCt+l = ct+l -ct' x indiquant le caractère aléatoire de la variable x à 1'instant t. Là aussi,


dans le membre de droite de (9), le même paramètre y contrôle à la fois (la résistance à) la
substitution intertemporelle - 1er terme - et le motif de précaution qui conduit à différer la
consommation en augmentant le taux de croissance de la consommation - 2"d terme.

Il en va pareillement de la gestion simultanée de plusieurs risques (supposés


indépendants) : confronté à un risque exogène et inassurable ("background risk") sur son
revenu d'activité, l'individu réduira d'autant plus sa demande d'actifs risqués - ou augmentera
sa demande d'assurance -qu'il est tempérant (propriété impliquant la dérivée quatrième de u),
mais cette préférence ne dépend encore que de y (Kimball, 1993 ; Gollier et Pratt, 1996).

Il n'en reste pas moins que cette gestion multirisques complique beaucoup l'estimation du
paramètre y: le fait de prendre peu de risques dans ses choix de portefeuille peut correspondre
aussi bien à une forte aversion pour le risque y qu'à la volonté de contrebalancer un aléa
42 Inégalités patrimoniales et choix individuels

(exogène) élevé sur son revenu. Dans le second cas, tout se passe comme si les choix de
portefeuille dépendaient d'une aversion pour le risque induite, Y, d'autant supérieure à y que
l'agent est tempérant et que le degré anticipé d'exposition au risque sur le revenu est élevé.
Mais cette dernière conclusion, elle-même, ne tient plus et le problème se complique encore si
l'exposition au risque sur le revenu est pour partie endogène (i. e. évitable), résultant de choix
professionnels préalables ou actuels ... 1

L'incertitude de la durée de vie, quant à elle, ne crée pas de problème théorique


particulier- on remplace T par f dans l'équation de définition du cadre standard (S.)- tant
que l'épargnant maximise l'espérance de l'utilité en fonction de ses probabilités (subjectives)
de survie, s(t) : tout se passe comme si ses choix étaient déterminés par le paramètre y et un
taux de dépréciation du futur, D(t), augmenté du quotient de mortalité, q(t) =- ds(t)ldt 1 s(t), à
l'âge t considéré. La difficulté sera cependant, au plan empirique, de démêler dans l'horizon
décisionnel de l'agent ce qui revient respectivement à la préférence pure pour le présent (b) et
aux probabilités de survie anticipées ...

En outre, le profil d'accumulation dépendra beaucoup de l'existence ou non d'un marché


parfait de l'assurance vie. En cas d'absence de rentes viagères, l'épargne de précaution générée
par une durée de vie aléatoire peut conduire à des legs accidentels considérables, qui
diminuent d'autant le rythme de consommation du patrimoine sur les vieux jours2 .

On doit ainsi reconnaître la formidable parcimonie de la théorie du cycle de vie standard,


capable de résumer par un seul paramètre les dimensions temporelles des choix de
l'épargnant, et encore par un seul paramètre l'éventail de ses attitudes à l'égard des risques de
l'existence- fût-ce au détriment, dans un cas comme dans l'autre, d'un réalisme minimal...

Toutefois, dès que l'on revient sur l'hypothèse standard (S} et que l'on abandonne les
critères de décision DU et EU pour obtenir des prédictions plus conformes aux données
d'enquêtes ou expérimentales, les choses se compliquent rapidement : tout gain en réalisme
semble se payer très cher en terme de complexité des modèles et de paramètres de préférence
supplémentaires à estimer indépendamment pour chaque agent.

1
Les résultats précédents supposent en outre des risques indépendants ; ils doivent être adaptés dans le cas d'une
corrélation (positive ou négative) entre risques professionnels et financiers (cf Arrondel et Calvo-Pardo, 2002).
2
Les legs accidentels apparaissent la réponse optimale en cas d'absence de rentes viagères ... ou si l'agent
répugne à en acquérir parce que ce produit souffre de nombreuses imperfections bien connues (sélection
adverse, aléa moral, non indexation sur l'inflation, etc.), ou encore parce que sa détention risque d'être perçue
comme un acte délibéré visant à spolier les enfants de leur héritage.
De la théorie ... 43

2. VERS UN COMPORTEMENT PLUS RÉALISTE À L'ÉGARD DU RISQUE


Parmi les prédictions les plus contre-intuitives du modèle EU, la plus critiquée a été le fait
qu'un même paramètre, y= 1/a, caractérisant aussi bien l'utilité marginale décroissante de la
richesse que le désir de lissage intertemporel de la consommation, représente encore
l'aversion relative pour le risque p-i. e. le désir de lissage de la consommation entre les
différents états de la nature. L'identité est particulière gênante lorsque l'on considère "l'énigme
de la prime de risque" (equit_v premium pu::.zle) : l'écart élevé entre les taux de rendement à
long terme des actions et des obligations- ou, de manière équivalente, la demande limitée
d'actifs risqués malgré un différentiel aussi important - conduit à des valeurs trop élevées de
l'aversion relative pour le risque et par ricochet à des valeurs trop faibles de l'élasticité
intertemporelle de substitution a.

2.1. Le critère d'utilité espérée maintenu pour les paris statiques


En situation de "risque" (lorsque les probabilités des événements aléatoires sont connues),
la déviation minimale de la théorie standard qui permet- contre (8')- de "déconnecter"
l'élasticité de substitution a de l'aversion pour le risque p, tout en préservant les propriétés
canoniques (i) à (v), s'obtient à l'aide de préférences récursives d'une forme particulière,
proposée par Kreps et Porteus ( 1978 et 1979).

Dans le cas général, ces préférences s'écrivent en temps discret (Epstein et Zin, 1989) :

(10)

avec:

F(C,Z) (c 1-laIl + a z 1-la)


Il 1/(1 _
y a
_!_)
; a= _1_. ( 10')
1+b'

où a est le facteur d'actualisation temporelle (à b constant), F l'agrégateur intertemporel qui a


pour arguments le consommation courante C1 et une fonctionnelle 1-l représentant l'équivalent
à la certitude de l'utilité aléatoire future iJI+I. La récursivité forte (10), transposée de la
relation (2) en situation d'incertitude, garantit un comportement prospectif et temporellement
cohérent ; la forme F isoélastique ( 10') conduit à des préférences homothétiques, a
correspondant toujours à l'élasticité intertemporelle de substitution.

Reste à préciser la fonctionnelle 1-l qui gouverne les comportements à l'égard du risque.
Kreps et Porteus adoptent la formulation la plus simple, soit l'espérance conditionnelle de
l'utilité (/-l =E 1) pour une utilité marginale décroissante de la forme c-r. Autrement dit, ils
conservent le critère de l'utilité espérée EU pour les choix statiques, a-temporels, tout en
déconnectant y, associée à /-l. de a, associée à F.
44 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Sous ces hypothèses, les relations (8) et (9) concernant les choix de portefeuille et
d'épargne de précaution sont conservées, mais les égalités (8') et (9') sont remplacées par :

y = p ;o! lia ; et : n = y + ya ;o! y + 1. (11)

En particulier, dans le membre de droite de l'équation d'Euler (9), le premier terme qui
renvoie aux choix en univers certain ne dépend que de a, mais le second qui représente
l'épargne de précaution dépend à la fois de a et de y (ou p) 1•

Au total, les choix d'épargne dépendent maintenant, outre du taux de dépréciation du


futur, Ô;, de deux autres paramètres individuels de préférence indépendants : a;, l'élasticité
intertemporelle de substitution ; y;, l'élasticité de l'utilité marginale décroissante et le degré
d'aversion relative pour le risque.

Le complément 2 indique l'interprétation que l'on peut donner à la différence entre Y; et


lia;.

2.2. "Anomalies" : transformation des probabilités et aversion à la perte

Le critère de maximisation de l'espérance de l'utilité apparaît cependant contredit par


l'expérience même dans le cas de choix statiques. Outre les données expérimentales 2 , nombre
de comportements observés, en particulier dans le domaine patrimonial ou financier,
s'inscrivent en faux contre les prédictions du modèle EU - cf. Starmer (2000) et références ;
Cohen et Talion (2000).

Contrairement à l'observation courante, le modèle EU prédit ainsi une demande


d'assurance seulement partielle si la prime à payer n'est pas actuarielle (du fait de coûts de
chargement). Il implique à tort une aversion limitée aux assurances "probabilistes" -lorsqu'il
existe une probabilité donnée que le sinistre, s'il a lieu, ne soit pas remboursë. Il ne rend pas
compte de l'énigme de la prime de risque (cf. ci-dessus). Il attribue à un agent déjà
risquophobe pour des paris sur de petits montants des degrés d'aversion pour le risque trop
élevés pour des enjeux importants (Starmer, p. 363-6). Pour remédier à ces "anomalies", les
modèles (statiques) non EU vont introduire des paramètres de préférence supplémentaires.

1
A titre d'exemple, on peut prendre, sur deux périodes, a= 1 et y= 0 (neutralité à l'égard du risque),
correspondant aux préférences : log C 1 + a log C2 ; bien que neutre au risque, l'individu pourra souhaiter
s'assurer afin de lisser sa consommation dans le temps (cf Weil, 2002).
2
S'appuyant sur des choix entre loteries composées, le paradoxe d'Allais, par exemple, remet directement en
cause l'axiome d'indépendance.
3
Si q est la probabilité de non remboursement, l'individu qui maximise l'espérance de son utilité ne réduira la
prime qu'il est prêt à payer que d'un pourcentage de l'ordre de q, alors que les données d'enquête américaines
montrent que les individus exigent en pratique des réductions de prime beaucoup plus importantes.
De la théorie ... 45

Récapitulons. Les choix intertemporels en univers certain requièrent déjà deux


paramètres : D, taux de dépréciation du futur, et a, élasticité de substitution. L'abandon du
critère d'espérance d'utilité pour les choix dynamiques risqués en introduit un troisième,
indépendant, y (Kreps et Porteus). Le rejet de ce même critère pour les choix statiques risqués
oblige maintenant à séparer, au moins, y (concavité de u) de l'aversion relative pour le risque
p. Vu sous cet angle, le problème est de savoir combien de paramètres de préférence ajouter
pour engendrer suffisamment de flexibilité dans les choix en incertain, le but étant de rendre
compte des anomalies précédentes et de la diversité des comportements individuels: en plus
de y, un seul (par exemple p), ou plusieurs ?

Sans entrer dans les détails, on peut montrer que les anomalies relatives aux données
expérimentales et à la demande d'assurance, notamment, contredisent la dépendance linéaire
en probabilités du modèle EU - cf la relation (A) du complément 2 - impliquant que les
"agents seraient approximativement neutres au risque pour de petits risques" (Starmer, p.
364). Le remède consiste alors à revenir sur l'axiome d'indépendance en introduisant une
fonction cp de transformation non linéaire des probabilités objectives :

({J (p) : [0, 1] - [0, 1]; cp (0) = 0; cp (1) = 1; cp croissante. (12)

Ces modèles à pondération des probabilités conservent les deux premiers axiomes du
modèle EU (préordre total et continuité, cf complément 2), mais la fonction objectif n'est
plus, pour une loi discrète {p1, x), Lp 1 1
u(x), mais maintenant de la forme
Li w u(x), avec des poids w qui dépendent de la fonction cp et des probabilités p
1 1 1

Le "cp-modèle" qui explique le plus d'anomalies (et vérifie la propriété souhaitable de


"monotonie"') est dit d'utilité dépendante du rang (cf par exemple Quiggin, 1982). La
fonction u étant représentée par y, il reste à déterminer le nombre minimal de paramètres
susceptibles de caractériser la fonction de transformation cp associée, qui indique aussi le
degré de "pessimisme" ou "d'optimisme" de l'agent (partout pessimiste si cp (p) < pf

Résumant une série d'études empiriques, Starmer (2000) indique que la fonction cp. non
linéaire, doit être plus précisément "en forme de S inversé" pour rendre compte d'une plus
grande sensibilité aux probabilités faibles ou élevées qu'aux probabilités moyennes ; mais

1
La propriété de monotonie signifie que la "loterie" L sera toujours préférée à L'si L domine stochastiquement L'
à l'ordre 1 : si les conséquences x 1... x, sont ordonnées par ordre croissant, on aura pour tout} compris entre 1 et

n: L:=Jpk L:-Jp'k.
C!:
2
Cohen et Talion (p. 647 et 653) rappellent que les modèles à utilité dépendante du rang peuvent générer une
aversion ("faible") pour le risque avec une utilité convexe- chez un individu suffisamment "pessimiste"- ou, à
l'inverse, un goût pour le risque avec une utilité marginale décroissante -chez un individu très "optimiste" :
aversion probabiliste pour le risque et attitude relative aux gains et aux pertes (i.e. y) sont en effet
déconnectées.
46 Inégalités patrimoniales et choix individuels

surtout, "la flexibilité permise par une spécification à deux paramètres permet de mieux
expliquer les différences de comportements entre individus" (p. 360).

L'histoire ne s'arrête cependant pas là... Les modèles considérés jusqu'ici sont dits
"conventionnels" parce qu'ils admettent encore, comme le critère EU, un préordre total et
continu sur les décisions ou actes (cf. complément 2). Or ils ne parviennent toujours pas à
rendre compte de certains faits significatifs, aussi bien réels qu'expérimentaux (l'utilité
dépendante du rang n'explique ainsi qu'une part de l'énigme de la prime de risque).

L'approche non conventionnelle la plus féconde est celle des modèles à la Kahneman-
Tversky (1979)- prospect theory- qui permettent de répondre à plusieurs de ces anomalies
réfractaires. Les individus se déterminent en fonction d'un niveau de référence - la richesse
initiale par exemple- par rapport auquel ils évaluent différemment les gains et des pertes en
terme d'une fonction d'utilité: celle-ci présente dans les deux cas une "sensibilité
décroissante" mais décroît plus rapidement pour les pertes qu'elle n'augmente pour les gains
de même montant. Appelé aversion à la perte ("loss aversion"), ce phénomène semble jouer
un rôle crucial dans l'explication de certains comportements patrimoniaux hétérodoxes 1•

Pour obtenir des prédictions plus réalistes, les modèles à la Kahneman-Tversky


incorporent en outre une fonction cp de transformation des probabilités. Il faut donc deux
paramètres pour caractériser la fonction d'utilité "dépendante du signe"- l'un pour l'aversion à
la perte et l'autre, y par exemple, pour la sensibilité décroissante- et un troisième pour
spécifier cp. Mais ce n'est encore pas suffisant : des raisons tant théoriques qu'empiriques
conduisent, soit à introduire une "procédure d'édition" préalable2 , soit à adopter une fonction
cp à deux paramètres, comme c'est le cas dans les modèles à "utilité dépendante à la fois du
rang et du signe" (combinant transformation des probabilités et aversion à la perte?.

1
L'aversion à la perte des ménages contribuerait notamment à expliquer le rejet de produits comme la rente
viagère ou l'assurance temporaire décès, dont l'acquisition comporte un risque d'investissement à fonds perdus
(si l'on décède trop tôt ou trop tard, resp.), et cela en faveur de placements "sous-optimaux" à fonctions
multiples: assurance décès vie entière; épargne qui sert à la fois pour la retraite et la transmission ...
2
La "procédure d'édition" comprend, pour Kahneman et Tversky (1979), un certain nombre d'opérations
heuristiques: détermination subjective (selon le contexte) du niveau de référence par rapport auquel les
résultats seront codés en terme de gains ou de pertes; élimination d'entrée des loteries dominées (propriété de
monotonie), etc.
3
Plusieurs explications (partielles) de l'énigme de la prime de risque peuvent donc être proposées au niveau des
seules préférences : l'aversion pour le risque plus élevée induite par un "background risk" dans le cadre EU ; les
préférences à la Kreps et Porteus (p > lia) ; les modèles d'utilité dépendante du rang; l'aversion à la perte si les
agents sont suffisamment myopes (cJ. Starmer, p. 365), etc.
De la théorie ... 47

2.3. Trop de paramètres de préférence pour caractériser les choix risqués de


l'épargnant?
Quatre paramètres seraient donc nécessaires pour expliquer les attitudes à !'~gard du
risque. C'est un minimum : les "théories du regret", par exemple, rendent compt~ d'autres
anomalies systématiques, expérimentales ou observées. En outre, nous avons ignoré les
comportements dans l'incertain non probabilisable. Le modèle EU généralisé, reposant sur
des probabilités subjectives "additives" à la Savage rend mal compte de tels comportements,
dont le plus connu est sans doute "l'aversion à l'ambiguïté" révélée par le paradoxe
d'Ellsberg 1• Les modèles de décision dans l'incertain qui remédient le mieux à ces
insuffisances montrent "qu'un décideur peut à la fois avoir du goût pour le risque, du
pessimisme, et de l'aversion pour l'ambiguïté" (Cohen et Talion, 2000, p. 663).

Si la théorie standard du cycle de vie n'a besoin, avec le modèle EU, que de deux
paramètres de préférence individuels- y et 0- pour caractériser les choix de l'épargnant face
à un futur incertain, les modèles non EU les plus pertinents en utilisent donc au moins six:

deux en certain: 0 (dépréciation du futur) et a(substitution intertemporelle) ;

quatre supplémentaires en incertain - y compris y (concavité de l'utilité).

Une gageure pour une analyse empirique qui voudrait incorporer toutes les conséquences
des développements précédents 2 •.•

3. VERS UN COMPORTEMENT PLUS RÉALISTE À L'ÉGARD DU TEMPS

Concentrons nous maintenant sur la dimension temporelle des choix et sur les critiques,
tant théoriques qu'empiriques, adressées à un modèle DU qui résume l'effet des préférences
individuelles par un seul paramètre 0- cf. Masson ( 1995 et 2000) et Frederick, Loewenstein
et O'Donoghue (2002), noté désormais FLO. La plupart de ces critiques s'appliquent déjà dans
un monde certain. Contrairement aux approches non standard du risque, elles remettent en
cause les propriétés de base (i) à (v) attribuées au comportement de l'épargnant, notamment
les caractères prospectif (iii) et temporellement cohérent (iv) des choix d'épargne.

Obtenu tant sur données expérimentales que dans les enquêtes auprès des ménages, un
premier constat, empirique, concerne 1'extrême variété des estimations du taux de dépréciation
du futur (parfois à l'intérieur d'une même étude ... ) ainsi que leur forte sensibilité à de

1
Le "prix" que la majorité des individus est prête à payer pour un tirage d'une boule d'une couleur donnée dans
une ume est toujours plus faible lorsque les proportions de boules de chaque couleur sont inconnues que dans le
cas où il y a équirépartition ; or aucun ensemble de probabilités subjectives ne peut rendre compte de tels choix.
2
Et encore, ce compte suppose des préférences homothétiques : autrement, même dans le cadre EU, il faudrait
distinguer entre l'aversion pour le risque, la prudence, la tempérance ... au lieu de considérer un seul paramètre
y.
48 Inégalités patrimoniales et choix individuels

multiples dimensions du choix considéré - sans commune mesure avec les variations
mesurées dans le cas de l'aversion pour le risque. Selon FLO, les mesures s'étagent de moins
6% (!)à plusieurs centaines de pour cent, et l'éventail ne se réduit pas dans les études les plus
récentes, les valeurs élevées demeurant la majorité. En outre, les données (expérimentales)
aboutissent à des taux d'actualisation plus élevés pour les gains que pour les pertes, pour les
petits que pour les gros montants, ou lorsque l'on diffère une récompense plutôt qu'on la
rapproche, etc. Ces taux varient encore selon la nature des options communes "non
pertinentes" offertes, et peuvent même être négatifs, en faveur de séquences de gains
croissantes (où l'on "garde le meilleur pour la fin") ou de profils de pertes décroissants.

Comment expliquer une telle dispersion des estimations ? Une première cause vient de ce
que ces mesures intègrent de multiples "facteurs polluants" (conjounding factors) qui n'ont
rien à voir avec la préférence pure à l'égard du présent. C'est notamment le cas des études
relatives aux comportements observés sur le terrain. Les mesures trop élevées fondées sur les
arbitrages entre le prix d'achat et les coûts à terme de biens durables ne tiennent pas compte
du manque d'information des agents, de leur confiance mitigée dans les gains futurs procurés
par des appareils plus chers à l'achat, des coûts cachés- commodité, esthétique ... -, etc.
(FLO, p. 384-6). Même l'étude de Viscusi et Moore ( 1989), qui considère l'arbitrage entre des
métiers à risque mieux rémunérés mais diminuant l'espérance de vie, et les estimations
d'équations d'Euler sur données de Panel (Lawrence, 1991) surestiment, elles aussi, la
préférence pour le présent, notamment parce qu'elles ignorent l'existence de contraintes de
liquidité et n'intègrent pas (ou qu'en partie) les effets de l'incertitude de la durée de vie 1•

Les "expériences naturelles" où des individus se voient offrir le choix entre un paiement
unique en capital ou une rente viagère (indemnisation, produit d'assurance vie ... ) sont
entachées de biais comparables : plutôt que de refléter une forte préférence pour le présent, le
rejet fréquent de la rente peut s'expliquer aussi bien par sa non-indexation sur l'inflation,
l'existence de contraintes de liquidité ou à l'emprunt, les opportunités d'investissement
manquées, l'aversion à la perte (i. e. le risque d'investir à fonds perdus en cas de mort
prématurée), l'effet d'assurance procuré par la retraite publique, la présence d'un motif de
transmission ou d'autres raisons familiales, etc.

Outre ces facteurs polluants, une seconde raison expliquerait les valeurs trop élevées et
l'instabilité des mesures: elle tiendrait à la nature des choix proposés qui, surtout dans les
études expérimentales, portent sur le court terme. L'hypothèse serait qu'un seul taux

1
Ces études, qui obtiennent des taux d'actualisation plus raisonnables (entre 1 et 14 %) et décroissants selon le
niveau d'éducation, souffrent encore d'une formalisation théorique rigide, imposant la séparabilité entre loisir et
consommation, un taux (J constant selon l'âge, et surtout une aversion relative (constante) pour le risque y
identique pour tous les individus (cf. Masson, 1995).
De la théorie ... 49

d'actualisation ( b) pourrait bien rendre compte de la dimension temporelle des décisions à


l'échelle du cycle de vie ; à plus court terme, d'autres facteurs individuels, de préférence ou
autre, devraient être introduits pour corriger maintes "anomalies" du modèle DU.

3.1. Actualisation hyperbolique : futur proche et futur éloigné

Commençons par analyser ces biais de mesure sur le court terme. Les données
expérimentales suggèrent effectivement que le taux de dépréciation du futur ne conduirait pas
à une actualisation exponentielle de type (4), mais serait au contraire décroissant selon la
distance au présent, étant beaucoup plus élevé pour le futur proche que pour le futur éloigné.
Cette propriété génère des inversions de préférences, soit intuitivement : aujourd'hui, je
préfère recevoir 1 maintenant plutôt que 2 demain ... mais aussi recevoir 2 dans un an et un
jour à 1 dans un an ; or, dans un an, je ne serai plus d'accord avec ce second choix, préférant
recevoir 1 tout de suite. Ce conflit entre les préférences du moi présent et celles du moi futur
engendre une incohérence temporelle des choix.

Une formalisation simple en temps discret de cette attitude à l'égard du temps est
l'actualisation (quasi-) hyperbolique. À côté du taux de dépréciation du futur de long terme, b,
est introduit un nouveau taux de préférence temporelle, {3 (cf Laibson, 1997) :

T-t
ut (Ct,Ct+i"""' CT) = ut( Ct) + (1- fJ) ~ (1 +br* ut+k(Ct+k), avec : 0 s {3 s 1. (13)

Le taux de dépréciation du futur entre la période présente t et la période suivante t+ 1 est


( 1-{J)b; entre deux périodes futures adjacentes (t+ 1 et t+2 par exemple), il reste égal à b. Dès
que {3 est strictement supérieur à zéro, il y a incohérence temporelle des choix ; {3 = 1
correspond à la myopie complète.

La littérature économique propose deux interprétations, non exclusives, de ce paramètre


{3. La première invoque un déficit d'imagination ou de clairvoyance : le présent accapare trop
l'esprit (le mot anglais est "salience"), et l'individu présente une tendance à la
"procrastination" - mafiana effect -, soit à remettre sans cesse au lendemain les tâches ou
résolutions désagréables (cf Akerlof, 1991). L'autre interprétation fait intervenir un déficit de
volonté, un manque de maîtrise de soi qui pousse le sujet à succomber à ses passions contre
son propre intérêt, à l'image d'Ulysse en route pour Ithaque qui se retrouve attaché au mât,
hurlant pour rejoindre les sirènes sans plus se soucier de son avenir.

Qu'elle soit d'origine cognitive ou volitive, l'incohérence temporelle limite d'autant la


souveraineté de l'agent. Alors qu'une rationalité pleine et entière conduirait à des choix
optimaux, l'individu incohérent peut faire mieux si ses options sont réduites ou ses choix
contraints. S'il est suffisamment "sophistiqué" (FLO, p. 367-8) pour anticiper ses
50 Inégalités patrimoniales et choix individuels

incohérences temporelles, il peut trouver par lui-même une solution à travers une stratégie de
pré-engagement qui fait souvent appel à des tiers (Ulysse se fait attacher au mât). Sinon,
l'intervention publique et même la fonction tutélaire de l'État sont justifiées.

3.2. Utilité du loisir, allocation du temps, habitudes, phénomènes d'anticipation, etc.


Le modèle DU modifié ( 13) revient finalement à distinguer deux taux d'actualisation, [3
sur le court terme, et D sur le long terme 1• À supposer que l'on puisse contrôler les sources de
biais les plus évidentes (incertitude du futur, contraintes de liquidité ... ), on considère
maintenant les autres attitudes à l'égard du temps dont les études menées en laboratoire et les
données d'enquêtes ont montré qu'elles pouvaient largement affecter les mesures des taux
d'actualisation ; la situation rêvée serait qu'elles polluent surtout le degré d'incohérence
temporelle [3 mais peu le taux Dde préférence pour le présent...

La plupart de ces attitudes à l'égard du temps proviennent, au plan théorique, du fait que
l'utilité instantanée U1 dans les relations (3) ou (13) dépend d'autres arguments que de la
consommation courante C(t) ou C1 : temps de loisir ; goûts ou besoins du moment ; état de
santé; habitudes (ut dépend de CI-l), phénomènes d'anticipations (ut dépend de cr+!) ...

Une première série de ces facteurs perturbateurs (confounding), souvent ignorée, renvoie
au temps-ressource rare: en particulier, l'utilité instantanée, u(C, l), ne dépend pas seulement
de la consommation mais aussi du (temps consacré au) loisir, l(t), dont l'utilité relative
conditionne les décisions d'offre de travail et les efforts de formation.

Sur le court terme, les effets de ces facteurs vont souvent être confondus avec ceux du
paramètre [3, qui concerne, lui, le temps-horizon. L'agent peut ainsi préférer un aujourd'hui à
deux demain uniquement parce qu'il déteste attendre, "son temps étant compté" : toutes
choses égales d'ailleurs, son "coût d'opportunité" augmentera avec sa propension au loisir, le
taux de salaire, le temps consacré aux enfants ou encore à la gestion du patrimoine
(notamment professionnel), etc.

Sans plus de précision, notons [3' le paramètre qui mesure à quel point l'individu est ainsi
pressé. Les comportements d'une personne pressée ressemblent beaucoup à ceux d'un sujet
impulsif ou impatient (i. e. à [3 élevé), à la différence essentielle, toutefois, qu'ils sont a priori
temporellement cohérents. Plus généralement, [3 est susceptible d'engendrer des
comportements "pathologiques"- addiction ou surconsommation de produits nocifs, refus
d'acquérir une information même sans coût ("ignorance stratégique")- totalement étrangers à

1
En faveur de cette interprétation court terme/long terme, FLO (p. 361-2) montrent que la décroissance
"statistique" des taux d'actualisation avec l'éloignement au présent qu'ils obtiennent en reportant sur un même
graphique les estimations des différentes études disparaît dès que l'on se limite à celles qui envisagent des
horizons de choix supérieurs à un an.
De la théorie ... 51

un sujet "pressé" : ce dernier hésitera plutôt à détenir des actifs rentables si leur gestion
requiert trop de temps (FLO, p. 367) 1•

La préférence pure pour le présent o devra donc être séparée des comportements de court
terme qui renvoient aussi bien au taux d'actualisation fJ (incohérence temporelle) qu'au
paramètre {J' (coût du temps)- phénomènes divers dont nous essayerons de rendre compte à
l'aide d'une seule préférence, qualifiée "d'impatience à court terme" (voir ci-après).

L'analyse des effets de revenus du travail endogènes ne peut malheureusement pas se


limiter à ce cadre statique : elle doit envisager l'allocation des biens et du temps sur le cycle
de vie, et incorporer aussi le fait que certaines consommations sont elles-mêmes
chronophages. Les choix de l'agent sur le long terme vont alors dépendre de nouveaux
facteurs ou préférences qui peuvent biaiser l'estimation du taux de dépréciation du futur o.
Une formalisation théorique simplifiée peut suivre Ghez et Becker (1975) : l'utilité
instantanée à la période t ne dépend plus directement de cl mais de la "demande finale"
D 1 =F (C1, 11, K 1) , elle-même "produite" à partir de la consommation globale C1, du "loisir"
11 - réinterprété comme le temps de la période t consacré à cette production domestique (plutôt
qu'au travail ou à la formation) -, mais aussi de K1, représentant un vecteur de stocks de
capitaux : santé, éducation, information, capacités diverses, etc. Les contraintes à la
maximisation comprennent celles de budget et de temps, voire de disponibilité intellectuelle 2,
ainsi que les équations de variation des stocks. Hors tout effet de préférence temporelle, les
activités les plus consommatrices de temps vont alors être repoussées -ou avancées - à des
périodes de moindre taux de salaire (ou de plus de temps libre), les choix dépendant encore de
multiples paramètres individuels comme le degré de substitution (ou de complémentarité)
entre consommation et loisir.

On voit les biais que peuvent engendrer ces facteurs lorsque l'on cherche à mesurer o
directement en comparant un "plaisir" aujourd'hui à un autre- accru- demain (cf. [chapitre
7]). Tel individu qui privilégie fortement le présent, peut néanmoins décider, s'il est
aujourd'hui très occupé, de remettre à des jours plus tranquilles (à la retraite par exemple) des
vacances rêvées- quitte même à épargner dans l'intervalle pour les financer; tel autre,
prévoyant, avancera au contraire ces mêmes vacances parce qu'il craint de ne plus avoir la
santé nécessaire pour les apprécier pleinement dans dix ans ou d'être pris par les petits-
enfants ...

1
Notons qu'impatience ne rime pas forcément avec imprévoyance. Un fort taux {3' peut aller de pair avec un
faible taux b: le sujet est prévoyant à long terme mais pressé à court terme. Une configuration analogue entre f3
et b est également possible et conduit souvent au pré-engagement, comme dans le cas archétype d'Ulysse.
2
Contraintes liées aux limites cognitives du cerveau (cf Herbert Simon : "mind as a scarce resource").
52 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Le survey de FLO montre cependant que les critiques les plus virulentes adressées au
modèle DU, sous la forme (13) avec f3 = 0 et u = u,
1
ont porté sur les propriétés de constance
des goûts et d'additivité des préférences (ou "indépendance des besoins"). Or l'observation la
plus banale semble contredire ces hypothèses d'invariance qui pourraient introduire des biais
importants dans la mesure des taux d'actualisation temporelle (cf complément 3).

L'évolution des goûts et des besoins au cours du cycle de vie peut être prise en compte, a
priori, en faisant dépendre l'utilité de la période, U1 =u(C
1
, Z1), de variables Z1 propres au
ménage - taille ou composition démographique, le fait que la femme travaille ou non, le fait
que le mari soit au chômage ou non, le niveau d'éducation, l'état de santé ... -qui renseignent
sur ses besoins courants.

Reconnaître que le bien-être dérivé de la consommation C1, à la période t, n'est pas


indépendant des consommations des autres périodes, passées ou à venir, remet davantage en
cause les présupposés des modèles du cycle de vie : la dépendance par rapport au passé
correspond à la formation d'habitudes ; celle vis-à-vis de l'avenir traduit des phénomènes
d'anticipation, tels le plaisir retiré de l'attente d'un événement agréable (savoring) ou, au
contraire, l'appréhension d'une expérience pénible à venir (dread). Le complément 3 indique
comment peuvent être formalisés ces différents effets.

Trois nouveaux paramètres de préférence, a priori indépendants, doivent alors être


introduits: a, le degré de persistance des habitudes; b, la propension au "savoring" ; b', la
propension au "dread", dont les effets porteraient surtout (heureusement) sur le court terme.

Le complément 3 analyse les biais d'évaluation de 0 ou f3 que peuvent engendrer ces


différents facteurs s'ils ne sont pas contrôlés : on voudrait ainsi éviter, par exemple, que le
taux de dépréciation du futur estimé mesure seulement la diminution des capacités de
jouissance avec l'âge.

3.3. Extension de l'horizon (motif de transmission altruiste)

Dans le modèle DU, l'horizon sur lequel s'effectue la somme actualisée des utilités
instantanées a pour terme celui de l'existence de l'agent, T. Cette propriété (ii) des modèles de
cycle de vie exclut, de manière irréaliste, tout motif de transmission de nature tant soit peu
"altruiste" (cf Arrondel et Masson, 2003 et références).

La littérature économique offre deux grandes voies de modélisation des préférences


altruistes au plan intergénérationnel. La première, qualifiée d'altruisme paternaliste ou "joie
de donner", suppose que les parents retirent satisfaction du legs ou du don lui-même, sans
considération réelle de l'impact du transfert sur le bien-être de leurs enfants. Par exemple, le
legs BT (après impôt?) intervient comme une consommation de laT+ lème période:
De la théorie ... 53

(14)

où le paramètre de préférence O(n) représente la force du motif de transmission, supposée en


général croissante avec le nombre d'enfants n, et la fonction v peut avoir une élasticité plus
faible que u pour rendre compte du fait que le legs est un bien de luxe.

La seconde voie, sans doute préférable tant au plan théorique qu'empirique, est celle de
l'altruisme dynastique à la Becker (1991): les parents retirent satisfaction du bien-être de
leurs enfants, qui lui-même dépendrait du bien-être des petits-enfants, etc. Sous forme
ramassée, intergénérationnelle, les préférences s'écrivent:

U = V(C) + O(n) Uenf• (15)

où c désigne la consommation propre sur le cycle de vie et uenjle niveau d'utilité (atteignable)
d'un enfant. Le degré d'altruisme parental O(n) est le facteur d'escompte de l'utilité procuré
par le bien-être d'un enfant par rapport à la consommation : il joue un rôle analogue au facteur
a(t) d'actualisation sur le cycle de vie dans la relation (3). Sur le même mode que le taux de
dépréciation du futur D, on peut donc définir un taux d'escompte de l'utilité des enfants, T;.

Ce parallélisme pourrait donner à penser que les taux D et ~ sont très fortement corrélés,
comme le suggérait déjà Aristote dans l'Éthique à Nicomaque: "l'amitié" (l'amour) du père
pour ses enfants, assimilés à des "parties de lui-même", y est conçue comme le prolongement
de l'amour de soi (philautie). Or tel n'est pas forcément le cas. Accorder une importance
démesurée à ses projets ou à son parcours de vie, à son "destin" (D nul), peut tout aussi bien
correspondre à une forme pathologique d'égoïsme, comme dans le cas d'une avarice extrême
(Parfit, 1984). Sans aller plus loin, on retiendra seulement que Det~ sont à considérer a priori
comme des paramètres de préférence indépendants.

3.4. Les "anomalies" des choix temporels : de nouveaux paramètres de préférence ...
Récapitulons. Les anomalies les plus systématiques du modèle DU, décelées d'abord sur
les données expérimentales mais aussi dans le monde réel, obligent à introduire, à côté des
deux paramètres de base D et y (sans compter l'élasticité de substitution a), tout une série
d'autres paramètres de préférence :

fJ (actualisation hyperbolique) ; {J' (individu "pressé") ;


a (habitudes) ; b ("savoring") ; b' ("dread") ;

0 (degré d'altruisme) ;

1
À rebours, a(t) s'interpréterait comme le degré "d'auto-altruisme" du "moi présent" (à la date 0) pour son
"descendant" qu'est le "moi à la date t" :cf Masson (2000, p. 214-6).
54 Inégalités patrimoniales et choix individuels

soit, au bas mot, six nouveaux paramètres de préférence indépendants.

La discussion précédente montre en outre qu'il s'agit clairement d'une borne inférieure
(voir le cas des activités consommatrices de temps). De plus, les critiques les plus récentes du
modèle DU ont tendance à ne pas se satisfaire des modèles alternatifs proposés jusqu'ici :
elles poussent typiquement à l'introduction de paramètres de préférence supplémentaires,
comme le montrent les deux exemples représentatifs suivants.

Peu satisfaits par le caractère unidimensionnel du taux de dépréciation du futur ô,


FLO (p. 390-3) proposent de le diviser en trois composantes psychologiques: "impulsivité"
(conduisant à des comportements spontanés, non réfléchis) ; "compulsivité" ("la tendance à
faire des plans et à les mener à bien") ; "inhibition" (le contrôle de ses émotions et de ses
appétits). Les auteurs se proposent de mesurer indépendamment ces trois composantes ...

Certains économistes vont plus loin. Lusardi (1999 et 2002) et Ameriks et al. (2003) lient
le niveau de la richesse à une "propension à planifier financièrement" mal définie plutôt qu'au
taux de dépréciation du futur stricto sensu. Selon Lusardi, les ménages américains actifs qui
"pensent peu ou pas du tout à la retraite" détiendraient significativement moins de patrimoine.
D'après Ameriks et al., contrairement à leurs mesures (très approximatives ... ) des préférences
standard, le fait de "passer beaucoup de temps à élaborer un plan financier" aurait un effet
positif marqué sur les montants de patrimoine globaux et financiers 1•

4. LE RÉALISME AU PRIX D'UNE PROFUSION DE PARAMÈTRES DE GOÛTS ?

Si on résume, les critiques conjuguées adressées aux modèles DU et EU et la détection


d'un nombre croissant d'anomalies de ces modèles ont eu deux conséquences.

Tout d'abord, elles ont abouti à un véritable jeu de massacre des hypothèses (i) à (v) qui
dictent les choix de l'épargnant dans la théorie standard, i.e. des préférences autonomes,
relatives à l'horizon de vie de l'agent, prospectives, temporellement cohérentes et
homothétiques. La moins critiquée, jusqu'ici, a sans doute été la première, imposant des
préférences indépendantes de celles d'autrui : les économistes ont été sans doute moins
sensibles que les sociologues aux théories de la consommation "ostentatoire", à la Veblen
(1899) ou à la Duesenberry (1949), bien que Abel (1990), par exemple, étudie déjà l'effet
d'une interdépendance des préférences sur l'énigme de la prime de risque.

La seconde conséquence a trait à la multiplication des paramètres de préférence


individuels qu'il apparaît nécessaire d'introduire pour rendre compte de manière tant soit peu

1
Pour résoudre le problème évident d'endogénéité (une fortune élevée conduirait à penser davantage à la retraite
plutôt que l'inverse), Ameriks et al. (2003) utilisent comme variable instrumentale une question relative à la
propension à planifier ses vacances.
De la théorie ... 55

réaliste des comportements observés in vitro et in vivo. L'analyse précédente chiffre, au


minimum, à une dizaine le nombre requis de paramètres supplémentaires, outre les deux de
base, y et D...

Or ce double mouvement ne semble pas prêt de s'arrêter. L'engouement pour l'économie


sociologique ou psychosociologique et le développement des données, avec des questions
directes sur les préférences individuelles, risquent de disqualifier encore plus la théorie
standard et d'accélérer le recours à de nouveaux paramètres. Les modèles de choix en
incertain non probabilisable expliquent les comportements financiers par les degrés d'aversion
à l'ambiguïté ou à l'incertitude. Le rejet croissant de l'homothétie des préférences, signifie
qu'un individu plus averse au risque qu'un autre dans ses choix de portefeuille pourrait être
moins prudent dans son épargne de précaution 1• L'absence de réponse à des questions a priori
élémentaires- par exemple, "pourquoi tant de ménages épargnent si peu?" (titre de Lusardi,
2002) - pousse même à "inventer" de nouvelles préférences, telle la "propension à planifier",
concept vague pour lequel on ne dispose pas de théorie.

On peut alors se demander si la microéconomie de l'épargnant, dans ses tentatives


d'explication de la diversité des comportements d'accumulation, ne se dirige pas vers une
impasse. La solution semble passer par un retour à davantage de rigueur pour éviter, surtout
dans le cas de la préférence temporelle, tant les risques de confusion dans l'identification des
paramètres de préférence que les "pollutions" des mesures par d'autres facteurs. Elle suppose
aussi une plus grande parcimonie, pour retrouver une démarche opérationnelle qui concilie
des exigences théoriques et empiriques nouvelles avec l'estimation d'un nombre restreint de
paramètres de préférence pas trop éloignés de ceux de la théorie standard.

4.1. Risques de confusion

Arrêtons-nous déjà aux paramètres de la théorie standard: D, taux de dépréciation du


futur; a= lly, élasticité intertemporelle de substitution ; y, aversion relative pour le risque.
Considérons le taux marginal de substitution (TMS) entre deux périodes. En environnement
certain, sous l'hypothèse de marchés parfaits caractérisés par le taux d'intérêt r, on sait d'après
les relations (5) que le taux d'équilibre, TMS;* pour l'agent i, est égal à (1 +r), alors que le taux
entre deux consommations égales, TMS;(C,C), vaut (l+C>;). En même temps, a; mesure la
courbure des courbes d'indifférence (maximale pour a__, 0, nulle pour a__, +oo), et l'élasticité
du taux marginal de substitution par rapport au ratio des consommations vaut 11 a;.

Ces relations entre les paramètres indépendants r, a; et C>;, sont source potentielle de
confusion. Soit la maxime célèbre de La Fontaine: "Un tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux

1
Les préférences homothétiques auraient notamment l'inconvénient d'engendrer des choix de portefeuille
statiques (du fait d'une tolérance au risque linéaire) :cf Gollier et Zeckhauser (2002).
56 Inégalités patrimoniales et choix individuels

tu l'auras", qui semble caractériser ce que l'on entend par une préférence pour le présent, D;. Le
diction peut tout aussi bien s'interpréter comme un arbitrage financier au taux r : un
aujourd'hui, judicieusement placé, rapportera plus que deux demain. La réponse de La
Fontaine: "L'un est sûr, l'autre pas" renvoie, elle, aux choix risqués et donc à Y;= llo;: le
futur est déprécié simplement parce qu'il est incertain. La théorie sépare bien le taux du
marché r des paramètres individuels de préférence, l'un (o; ou y;) concernant le désir de
lissage de la consommation ou l'attitude à l'égard du risque, et l'autre (b;) caractérisant
l'attitude à l'égard de l'avenir. Mais les mesures empiriques auront du mal à respecter ces
lignes de partage : la relation (7), qui fait dépendre le taux de croissance de la consommation
g des trois paramètres à la fois : g; = o; (r-b;), résume bien la difficulté.

L'étape suivante, non standard, qui distinguerait 1/o;, l'aversion aux fluctuations
temporelles de la consommation, de y;, l'aversion aux fluctuations de la consommation entre
les états de la nature, pose d'autres problèmes. Barsky et al. ( 1997) proposent de mesurer
indépendamment, sur données expérimentales, Y; par des choix de loteries ou assimilés, et o; à
partir de la relation (7), en comparant les choix effectués, pour différentes valeurs du taux
d'intérêt r, entre différents profils de consommations (croissants ou décroissants) de même
montant actualisé. Mais les tentatives de mesures expérimentales de o; se sont soldées par un
véritable fiasco. En effet, si les choix de profils de consommation, gi et g2 pour deux taux
d'intérêt ri et r2 permettent bien d'obtenir, pour chaque individu (indice i omis), une estimation
de a par la formule :

(16)

cette mesure n'est pas stable: les choix observés pour ri et r3 conduiront à des valeurs âi 3 qui
ont peu à voir avec âi 2 ••• Comment alors mesurer les différences individuelles Y;- (1/o;)?

4.2. Risques de "pollution" : le cas d'une préférence pure pour le présent


Lorsque l'on s'éloigne davantage du monde idéal de la théorie standard, ces problèmes
d'identification deviennent rapidement inextricables du fait de la multiplication des facteurs à
considérer : faute de pouvoir isoler le paramètre de préférence recherché, on mesure les effets
d'un mélange hétéroclite et variable de ces facteurs et du paramètre incriminé. Ce risque de
pollution, particulièrement important dans le cas du taux de dépréciation du futur b,
expliquerait les mesures trop disparates de ce taux obtenues dans les études précédentes (cf.
FLO; Masson, 2000). On peut ainsi dresser une liste indicative des facteurs à contrôler si l'on
veut évaluer une préférence pure pour le présent, qui concernerait seulement les poids relatifs
attribués aux satisfactions des différentes périodes du cycle de vie, indépendamment de tout
effet de l'incertain ou de court terme. Dans la comparaison entre "un aujourd'hui contre deux
plus tard", sont susceptibles d'intervenir les facteurs suivants, autres que b:
De la théorie ... 57

1er: le taux d'intérêt r (arbitrage financier) ; 2e: l'utilité marginale décroissante (y), dès que
les consommations présentes et futures diffèrent ; 3e: l'élasticité intertemporelle de
substitution a; 4e: l'incertitude des revenus futurs et donc les préférences à l'égard du
risque (p, TC••• ); Y: les probabilités de survie, s(t); 6e: l'impulsivité ({J); 7e: le fait d'être
"pressé" ({3') ; ge: les changements de préférence, comme la baisse des besoins de
consommation à âge élevé (Z1) ; ge: les habitudes (a) ; lOe: le plaisir de l'attente (b) et de
même ... 11 e : les phénomènes d'appréhension (b') ; ue : les contraintes de liquidité, qui
empêchent d'emprunter aujourd'hui sur ses espérance de gains futurs 1•

La plupart de ces facteurs introduisent un biais en faveur du présent (surtout si l'agent


prévoit d'augmenter sa consommation) et vont donc conduire à surestimer D s'ils ne sont pas
contrôlés. Les seuls facteurs induisant un biais systématique en faveur du futur relèvent de
phénomènes d'anticipation ( 1oe et 11 e). Les phénomènes d'habitudes (9e) ont un effet ambigu,
pouvant aussi bien surestimer que sous-estimer D(cf. complément 3).

4.3. Une tâche impossible ?

Pour paraphraser une phrase célèbre, la préférence pure pour le présent, soit l'actualisation
des utilités futures en tant que telles, serait alors "ce qui reste lorsque l'on a modélisé
autrement tout ce qui pouvait l'être". On sait que certains auteurs comme Ramsey (1928) ou
Tobin ( 1985) pensent alors qu'il ne reste rien - si ce n'est, éventuellement, les effets d'une
attitude irrationnelle, assimilable à un défaut d'imagination ou de volonté. FLO prétendent
aussi qu'un contrôle adéquat des facteurs de biais devrait conduire à des choix intertemporels
révélant des "taux de préférence beaucoup plus bas, à vrai dire peut-être même nuls" (p. 389).
Ils en viennent parfois à assimiler la préférence temporelle à une tare - lorsqu'ils suggèrent
que certains dommages du cerveau conduisent à une myopie extrême ou s'intéressent aux
moyens de contrôler les pulsions et les facteurs "viscéraux".

Cette critique de la préférence pour le présent, que l'on ne pourrait notamment distinguer,
selon Tobin ( 1985), des effets de goûts ou de besoins variables au cours du cycle de vie, peut
néanmoins être aisément retournée. Postuler a priori l'absence d'actualisation temporelle aurait
en effet un coût "symétrique", sans doute plus important : les évaluations des changements de
préférence ou de besoins (8e facteur), les mesures des phénomènes d'habitudes (9e) ou

1
La distinction entre préférence temporelle et contraintes d'emprunt est peut-être la plus délicate. Les modèles de
buffer-stock (fonds de contingence)- où l'accumulation est limitée à quelques encaisses de précaution contre
les chutes inopinées du revenu d'activité - requièrent des individus désireux d'emprunter sur leurs ressources
futures si celles-ci étaient certaines. soit qu'ils déprécient fortement le futur, soit qu'ils anticipent un profil de
gains fortement croissant : mais les modèles semblent incapables de distinguer les comportements d'épargne
obtenus dans ces deux cas "d'impatience" ((f Caro li, 2001 ; Arrondel et Masson. 1996).
58 Inégalités patrimoniales et choix individuels

d'anticipation (1 oc et 11 e) risqueraient ainsi d'être tout autant "polluées" par les taux de
dépréciation du futur, si l'hypothèse se révélait fausse ...

Deux solutions extrêmes peuvent être alors envisagées. Soit on ne retient aucun paramètre
de préférence temporelle (a(t) = 1, V t): cette hypothèse de traitement "équitable" des
différentes périodes de l'existence peut certes se défendre dans les analyses normatives ou de
bien-être ; mais elle n'est pas du tout adaptée lorsque l'on veut expliquer l'hétérogénéité
individuelle des comportements patrimoniaux. Soit on tente d'estimer simultanément un
nombre élevé N de paramètres (au moins une douzaine) en essayant de contrôler les biais de
pollution réciproques, à l'évidence considérables: autant dire une tâche impossible.
De la théorie ... 59

Complément 1

Comment interpréter les propriétés "standard" du


comportement d'épargne?

L'hypothèse (i) d'autonomie des préférences de l'épargnant fait de ce dernier une "île de
souveraineté", un être asocial et notamment (ii) "égoïste", i.e. qui ne se préoccupe que de lui-
même et pas du sort de ses enfants. Venu de nulle part, cet agent a des goûts exogènes, qui ne
sont soumis à (iii) aucune formation d'habitudes ou d'addictions. Pleinement rationnel, ses
choix sur le cycle de vie se doivent d'être (iv) temporellement cohérents. Enfin ses
préférences sont (v) homothétiques, et donc indépendantes du niveau de ses ressources.

Historiquement, le caractère autonome et prospectif- (i) et (iii) - du comportement


d'épargne s'oppose directement aux théories du revenu relatif, ou plutôt de la "consommation
relative", dont Duesenberry (1949) est le représentant le plus connu : l'épargnant du cycle de
vie ne regarde ni sur les côtés, ni derrière lui, mais uniquement devant lui. Il n'y a pas d'effets
de démonstration, d'imitation, ou d'émulation entre semblables (auxquels renvoie la formule
connue keep up with the Joneses) : l'agent est auto-centré, son identité ne dépend pas d'autrui,
ne se fonde pas sur l'appartenance à un groupe de référence plus ou moins restreint. Les
modèles de cycle de vie ignorent également la genèse sociale des besoins qui explique l'inertie
des habitudes de consommation et l'existence d'effets de cliquet asymétriques, selon la hausse
ou la baisse des revenus 1•

Un horizon décisionnel de long terme mais borné par la durée de vie restante (ii) fait que
les arbitrages de l'épargnant seront d'abord soumis à la contrainte de budget vital, qui impose
de ne pas dépenser jusqu'à sa fin plus que ce que l'on possède. En temps continu, dans un
monde certain, avec des revenus de travail ou de transfert Y(t) en t supposés exogènes, et des
marchés des capitaux parfaits- permettant librement le placement ou l'emprunt au taux
d'intérêt r -,cette contrainte s'écrit à la dates (pour une durée de vien :

W(s) = A(s) + fr~s Y(t) e -r(r-s> dt = fr~s C(t) e -r<r-s> dt, soit: A(I) = 0, (A)

où A(s) désigne l'actif net et W(s) le montant total des ressources disponibles à la date s.

1
Les théories à la Duesenberry, qui empruntent à la tradition sociologique, se concentrent sur la demande des
biens qui confèrent un statut social (positional goods) et sur la structure des dépenses de consommation à
court/moyen terme: l'effet de cliquet traduit une aversion à la perte de statut qui conduit, en cas de baisse des
ressources, à conserver provisoirement des biens de "standing", quitte à rogner sur les biens de nécessité. Les
hypothèses (i) et (iii) apparaissent d'autant plus acceptables que l'on envisage des choix relatifs aux montants
globaux de consommation à chaque période du cycle de vie (Modigliani et Brumberg, 1954, p. 407-8 et 427-8).
60 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Cette hypothèse (ii) est sans doute la plus caractéristique et déterminante des modèles de
cycle de vie- notamment par rapport à la théorie friedmanienne du revenu permanent. C'est
également la plus contestée: l'horizon de vie a été jugé soit trop court- pour les auteurs qui
prêtent à l'agent une visée dynastique (Becker, 1991) ; soit au contraire trop long -pour les
auteurs qui prétendent que le lissage de la consommation n'est que partiel et n'opère que sur le
court terme, la consommation épousant d'assez près les variations plus systématiques du
revenu sur le cycle de vie (Deaton, 1992) 1•

La propriété (iv) de cohérence temporelle constitue la référence naturelle pour juger de la


rationalité des choix dynamiques (comme l'existence d'un préordre total et continu l'est dans
un cadre statique). L'agent est censé se représenter à l'avance toutes les conséquences futures
(certaines ou aléatoires) de ses choix successifs- depuis aujourd'hui jusqu'au terme de
l'horizon (ici 1) qu'il s'est fixé-, et ne pas changer de système de préférences au cours du
temps: celles qui gouvernent ses choix en t sont la restriction, sur la période [t, T], de ses
préférences initiales conditionnées, de manière appropriée, par les consommations et autres
expériences passées pertinentes (l'état de la nature, les risques encourus et non réalisés ... ).

Cette condition de stabilité se comprend bien par son contre-exemple le plus connu:
Ulysse, tenté par les sirènes, est obligé d'arbitrer le conflit entre ses préférences (sages)
d'aujourd'hui et celles (impulsives) de demain. Elle correspond à une forme récursive des
préférences et permet en principe de déterminer la stratégie optimale par "induction arrière".

À titre d'illustration, considérons un épargnant qui ne retirerait satisfaction que des


montants globaux consommés à chaque période ; dans un monde certain, cette forme
récursive s'écrit alors, en temps discret :

(B)

U désignant la fonction d'utilité à la période t, et C' la trajectoire des consommations


passées jusqu'en t. Si le comportement est prospectif (iii), le conditionnement par la trajectoire
passée n'a pas lieu d'être et l'on obtient la relation (2) du texte - dite de "récursivité forte".

Dans le cas plus général où les préférences sont influencées par des phénomènes
d'habitudes, la spécification (B) garantit que l'agent se référera toujours aux différents âges (t,
t+ 1... ) à la même fonction d'utilité Us pour la période à venir s > t, et qu'il prend bien en

1
On reproche souvent à l'horizon de cycle de vie d'être à la fois trop court et trop long! Friedman (1957)
envisage ainsi un horizon théoriquement in(dé)fini, admettant l'existence de motifs de transmission, mais
adopte en pratique, dans les tests agrégés, une période beaucoup plus courte (de l'ordre de 3 ans).
De la théorie ... 61

compte, dans ses choix présents, le fait que le niveau de sa consommation actuelle C1 va
1 1
influer sur ses préférences futures (à travers C ) •

L'hypothèse (v) d'homothétie des préférences garantit- en situation de certitude- que si


l'on double initialement tous les revenus Y1, les consommations C1 le seront également; elle
conduit plus précisément à une relation de proportionnalité entre consommation et ressources
globales à la période t:

C1 = k1 (r,T,D, ... ) W,; (C)

où k1 représente la propension marginale à consommer la richesse (soit la valeur d'annuité


d'une unité de richesse). On voit que cette fonction de demande (C) permet, dans une
perspective quasi-friedmanienne, d'identifier l'horizon décisionnel de l'agent à (1/kJ, soit
l'inverse de la propension marginale à consommer un revenu d'aubaine (windfall). Ce dernier
est ainsi caractérisé par son terme <n et par le taux de dépréciation du futur D: plus ce taux
augmente, et plus l'horizon (1/k1) diminue à T donnë.

Également postulée par le modèle de revenu permanent, cette proportionnalité est


conforme à l'idée que l'épargne constitue simplement une réserve de consommation différée
mais ne procure aucune utilité par elle-même. Présentée par Friedman et Modigliani comme
une simple hypothèse "auxiliaire", la relation (C) est cependant loin d'être anodine au plan
historique, puisqu'elle oppose, historiquement, les modèles de revenu permanent et de cycle
de vie à toutes les autres théories de la fonction de consommation ainsi qu'à une longue
tradition pré- et post-keynésienne (incluant Keynes et même Fisher), théories et tradition pour
lesquelles l'épargne est définitivement un bien de lu.xe 3 •

La théorie standard retient généralement une forme temporellement additive (3), qui
introduit, par rapport à la "récursivité forte" (2), une restriction significative (cf Deaton et
Muellbauer, 1980, chapitre 5). Mais cette additivité est la seule propriété que 1'on rajoute aux
conditions (i) à (v) pour obtenir une fonction d'utilité intertemporelle à deux paramètres de
préférence, y et D.

En fait, il apparaît difficile d'expliciter toutes les fonctions d'utilité qui sont fortement
récursives- qui satisfont à la relation (2)- et en outre homothétiques. Un exemple archétype

1
Un cas d'habitudes "myopes" (incohérentes) est: U' = u(C,-aC,_ 1) + au(C,. 1-aC,_ 1) + du(Ct+ 2 -aC,_ 1) + ... ;
d'habitudes "rationnelles" (cohérentes): U' = u(C,-aC,_ 1) + au(C,. -aC,) + du(C,. 2 -aCf+ 1) + ...
1

2
Pour r = o=0, k, vaut (T-t) et l'horizon se confond effectivement avec la durée de vie restante.
1
- Selon les auteurs, l'épargne serait un bien de luxe du fait de la saturation relative des besoins de consommation
qui croissent moins vite que le revenu, ou parce que la richesse matérielle serait source propre d'utilité, ou
encore parce que les goûts pour l'épargne augmenteraient avec le niveau des ressources ou le long de l'échelle
sociale.
62 Inégalités patrimoniales et choix individuels

de telles préférences non additives est celles de Léontief (ou maximin), correspondant en
temps discret à :

(D)

Ces préférences vérifient bien l'ensemble des conditions (i) à (v) requises.
De la théorie ... 63

Complément 2

Aversion pour le risque et élasticité intertemporelle de


substitution

Lorsque l'on abandonne le critère d'espérance de l'utilité, comment interpréter la


différence entre le degré d'aversion relative pour le risque (y) et l'inverse de l'élasticité
intertemporelle de substitution (1/a), en termes de préférence ou de comportement? Le cas le
plus simple possible a été proposé par Kreps et Porteus ( 1978).

Le modèle EU est équivalent à une relation de préférence sur les décisions ou "actes" - de
loi par exemple discrète, {pj, x), avec des notations évidentes- qui vérifie trois axiomes: (1)
elle constitue un préordre total ; (2) elle est continue ; (3) elle satisfait à l'axiome
d'indépendance 1•

Les deux premiers axiomes font que cette relation de préférence peut être représentée par
une fonction d'utilité continue V sur les actes: on parle alors de modèles "conventionnels". Le
troisième implique que cette fonction V est additive :

(A)

Les fonctions d'utilité récursives à la Kreps et Porteus définissent une relation de


préférence qui constitue un préordre total et continu ; elles correspondent donc à des modèles
conventionnels. Dans ce cadre, pour générer une différence entre y et 11 a, il faut forcément
remettre en cause l'axiome d'indépendance. Or on peut montrer que cet axiome est équivalent
à la propriété de conséquentialisme (cf Hammond, 1988; Machina, 1989): comme dans le
cas des loteries composées, l'agent prend seulement en compte les conséquences finales de ses
choix (ou "actes"), mais non la structure de l'arbre de décision-i.e. la manière dont on arrive
à ces paiements finaux par une suite de choix et de réalisations d'aléas probabilistes.

Comme les préférences récursives ( 10)-( 10') ne satisfont plus l'axiome d'indépendance,
même lorsque 11 = E, (cas de Kreps et Porteus), les arbitrages de l'agent vont dépendre des
risques encourus mais non réalisés, i. e. des "branches mortes" de l'arbre de décision. Plus
précisément, Kreps et Porte us montrent que y> 11 a correspond à une préférence pour une
résolution précoce de l'incertitude sur de tels arbres, alors que y< 1/a correspond à une
préférence pour une résolution tardive. Le critère EU d'espérance de l'utilité, correspondant à

1
Axiome d'indépendance: si la "loterie" L est préférée à L', alors la loterie "composée" pL Œl ( 1 - p)L" sera
préférée à la loterie composée pL' Œl ( 1 - p)L" pour toute probabilité pet loterie L" -le choix entre Let L'ne
dépend pas de la nature des risques encourus et non réalisés. soit ici ( 1 - p)L".
64 Inégalités patrimoniales et choix individuels

y= lia, satisfait, lui, à l'axiome d'indépendance et au conséquentialisme, qui impliquent bien


l'indifférence par rapport à l'échéancier de résolution de l'incertitude 1•

1 On notera que 1/a prenant des valeurs limitées, le cas le plus favorable pour résoudre "l'énigme de la prime de
risque" serait celui où y> 1la, correspondant à une préférence pour une résolution précoce de l'incertitude.
De la théorie ... 65

Complément 3

Variations des goûts et non séparabilités temporelles


biais de mesure du taux ~

Il s'agit ici de mieux spécifier ces facteurs qui "polluent" l'estimation du taux de
dépréciation du futur b afin d'expliciter les moyens de les contrôler ou d'apprécier, à défaut, la
nature des biais de mesure introduits.

Les goûts et les besoins varient au cours du temps

L'utilité courante du ménage dépend de variables "démographiques" du ménage, Z,, qui


affectent la désirabilité de la consommation aux différentes périodes de l'existence:

u,(C,) = u(C,,Z,). (A)

Une mesure non biaisée de b supposerait que l'on contrôle les estimations en tenant
compte des variations systématiques ou prédictibles de ces taste shifters Z, au cours du cycle
de vie.

On pourrait, pour ce faire, s'inspirer de la méthode utilisée par Attanasio et Browning


(1995) dans leur test du modèle cycle de vie. Les auteurs conditionnent l'équation d'Euler par
l'âge, l'éducation, la composition familiale, le statut relatif à l'emploi (si le chef de famille est
employé ou chômeur, si la femme travaille ou non, etc.). La conclusion de leur étude est
favorable à la théorie du cycle de vie : censées représenter des changements de goûts ou de
besoins, les variables de contrôle expliqueraient la corrélation observée entre consommation
et revenu (i.e. le lissage seulement partiel de la consommation). Autrement dit, un célibataire
à qui il n'arriverait "rien" sur son cycle de vie aurait un profil de consommation très régulier.

La formation d'habitudes ...

Contrairement au modèle DU, le bien-être dérivé de la consommation présente Ct est


supposé dépendre des consommations passées (effets d'habitudes) ou attendues (phénomènes
d'anticipation), en particulier de celles des périodes adjacentes : C1 _ 1 et êt+l (X : anticipée).
La formation d'habitudes remet en cause le caractère prospectif des comportements mais
préserve la cohérence temporelle des choix (habitudes "rationnelles") si l'individu prend
correctement en compte le fait que le niveau choisi de sa consommation actuelle va influer sur
ses préférences futures. Les habitudes rationnelles sont souvent introduites, là encore sous
66 Inégalités patrimoniales et choix individuels

forme d'une variation des goûts au cours du temps, en faisant dépendre l'utilité instantanée du
"stock" d'habitudes déjà accumulé, S1 :

(B)

la variation du stock dépendant des "investissements", C1+1 , et de sa "dépréciation", supposée


s'effectuer au taux constant E. Le modèle d'addiction rationnelle de Becker et Murphy ( 1988)
est fondé sur une formulation de ce genre.

Une spécification linéaire u(KC1-ÂS1) correspond à une formation d'habitudes lorsque K et


À positifs : plus l'habitude est prégnante, i.e. plus le stock S1 est important, et plus la
consommation C1 doit être élevée pour générer le même niveau de satisfaction. Un exemple
simple est obtenu en posant K = 1-)., À= -al( 1-E), puis en supposant une dépréciation totale
(E = 1); on aboutit alors à la spécification (cf Deaton, 1992, p. 30):
(C)

où le paramètre de préférence a indique le degré de persistance des habitudes, dont l'effet est
supposé ici se limiter au niveau de consommation de la période précédente.

La non-séparabilité introduite dans les relations (B) ou (C) implique que le taux marginal
de substitution entre les consommations de deux périodes tet t' ne dépendra plus seulement
du niveau de ces deux consommations mais également de celui d'autres périodes. Il s'ensuit
que l'élasticité intertemporelle de substitution a n'est plus l'inverse de y, l'élasticité (au signe
près) de l'utilité marginale.

Dans (C), par exemple, l'effet d'habitude aboutit à ce que l'agent ne retire du bien-être que
de (C1 -aC,_ 1),soit de "l'excès" de sa consommation courante sur celle (pondérée) de la
période précédente. L'agent temporellement cohérent va alors chercher, autant que faire se
peut, à diminuer (la durée d'action de) cet effet nocif: pour éviter de devenir "blasé" trop tôt,
il va différer quelque peu sa consommation. Autrement dit, les habitudes augmentent le taux
de croissance anticipé de la consommation g (dont la valeur standard est donnée par (7)), et
induisent un biais en faveur du futur. Les mesures du taux de préférence temporelle b qui
ignorent ce biais seront donc sous-estimées' ...

Comment alors interpréter le fait que Fisher ( 1930, p. 83-4) cite les habitudes parmi les
facteurs personnels qui augmentent, au contraire, "l'impatience" des individus ? Son analyse
se comprend le mieux en cas de choc négatif imprévu : face à une baisse inopinée des

1
En avenir risqué, le fait qu'il se réfère au différentiel (C,-aC,_ 1), présentant une plus grande variabilité relative
que le montant de la consommation lui-même, conduirait par ailleurs l'agent à se protéger davantage, ce qui
contribuerait à expliquer l'énigme de la prime de risque (cf Deaton, 1992, p. 68-70, et références).
De la théorie ... 67

ressources, les habitudes - auxquelles on est attaché et auxquelles on ne veut pas renoncer -
créent à court terme une résistance à la réduction de la consommation (voir l'effet de cliquet
asymétrique de Duesenberry) et peuvent donner l'illusion d'un comportement imprévoyant.
Fisher poursuit la même idée dans un cadre intergénérationnel : une origine sociale élevée
prédisposerait, en cas de revers de fortune, à un comportement de fils prodigue .

. . . et les phénomènes d'anticipation : "dread", "savoring"

Ce même biais en faveur du futur est engendré par les phénomènes d'anticipation, tel le
désir général d'amélioration dans l'avenir et, plus particulièrement, le plaisir de l'attente
(savoring) d'un événement heureux que l'on diffère, ou l'appréhension (dread) d'une corvée ou
d'une expérience douloureuse dont on cherche au contraire à être débarrassé au plus vite.'

Ces phénomènes correspondent cette fois à des non-séparabilités prospectives: dans le


cas du savoring, l'individu tire satisfaction non seulement de sa consommation présente mais
aussi de l'anticipation d'une consommation future élevée, par exemple. Une formalisation
(trop) schématique, donnée ici seulement à titre d'illustration, pourrait être la suivante :

(D)

où le paramètre de préférence individuel b caractérise la propension au savoring, b' celle au


dread; Il+ représente, lorsqu'il est positif , l'écart de la consommation prévue en t+l à un
niveau de référence ("événement heureux") et K ce même écart, en valeur absolue, lorsqu'il
est négatif (les phénomènes d'anticipation sont censés, à tort, ne durer ici qu'une période).

On admet en général que les comportements de "savoring" sont plus anecdotiques et


moins prégnants que les comportements de "dread" qui pourraient s'observer même sur le
long terme (FLO, p. 364). En fait, les deux attitudes obéiraient à des déterminants différents,
et les phénomènes d'appréhension justifieraient donc l'introduction d'un paramètre de
préférence indépendant, b', qui serait le plus souvent supérieur à b (cf Parfit, 1984).

Le comportement reste prospectif mais n'est plus cohérent temporellement, le futur n'étant
pas globalement séparable du présent. L'incohérence des choix engendrée apparaît en outre
"symétrique" de celle obtenue avec l'actualisation hyperbolique : dans ce dernier cas,
l'individu remettait toujours au lendemain la décision raisonnable, d'épargner par exemple;
ici, l'individu pourrait ajourner régulièrement sa décision de consommer le lendemain pour
éprouver encore une (dernière!) fois le plaisir de l'attente ... (FLO, p. 371).

1
La préférence pour le présent implique au contraire que l'on refuse de sacrifier un plaisir actuel pour un plaisir
futur plus grand et, parallèlement, que l'on repousse au lendemain les tâches désagréables (procrastination).
68 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Au rebours d'une priorité accordée au présent, la préférence pour les séquences


croissantes de gains ou de satisfactions observée sur les données expérimentales peut donc
s'expliquer aussi bien par les habitudes, l'aversion à la perte (l'effet de cliquet) ou le
"savoring" ; en revanche, la préférence pour des séquences décroissantes de pertes ou
d'expériences douloureuses tiendrait, elle, surtout au "dread"'.

1
Les habitudes rationnelles préservent la cohérence temporelle, les phénomènes d'anticipation sont compatibles
avec des choix prospectifs. Caplin et Leahy (2000) reviennent sur les deux propriétés à la fois : les individus
actualisent le passé à un taux différent de celui utilisé pour l'avenir. Une actualisation exponentielle du futur va
alors souvent de pair avec une incohérence temporelle rétrospective: l'agent regrette aujourd'hui (à 50 ans) ses
choix passés- d'avoir trop consommé, de son point de vue actuel, pendant sa jeunesse-, mais s'il avait la
possibilité de recommencer sa vie, referait les mêmes choix aux mêmes âges ...
Chapitre 3

... à une enquête qualitative originale

P ar rapport à la question posée en introduction du chapitre précédent, nous montrons


ici, qu'en conjuguant parcimonie et réalisme, il est possible, sous certaines
conditions, de se ramener à deux paramètres principaux, relativement proches de ceux de la
théorie standard (aversion pour le risque et taux de dépréciation du futur), quitte à introduire
d'autres préférences à l'égard du temps (impatience, altruisme).

Notre démarche ne retient ainsi qu'un seul paramètre pour le risque, mais ce dernier
caractérisera l'attitude générale à l'égard du risque plutôt que "l'aversion" proprement dite ; de
même, la préférence de long terme pour le présent se verra bordée de deux autres types de
paramètres, mesurant l'un l'impatience sur le court terme, l'autre l'altruisme pour sa
descendance. Corrélativement, l'approche empirique adoptée s'avère à la fois qualitative et
éclectique. Avertis des déboires qu'ont connus les expériences (anglo-saxonnes) précédentes,
nous proposons des mesures purement ordinales des préférences, fondées sur une multiplicité
de questions (le plus souvent concrètes), de toute nature et couvrant un large éventail des
domaines de la vie 1•

Ces mesures se présentent sous forme de scores, indicateurs synthétiques "représentatifs"


de l'ensemble des réponses fournies par l'enquêté à la série de questions supposées révéler
l'une ou l'autre préférence. La polysémie de nombre de ces questions crée sur ce point une
difficulté : un soin particulier a été apporté à la procédure d'affectation de chacune d'entre
elles à tel ou tel indicateur- de "risquophobie", d'impatience, de préférence temporelle, ou
d'altruisme- ou encore à plusieurs simultanément, sachant que cette affectation relève pour
une large part de décisions a priori.

1
Voir le questionnaire "méthodologique" reproduit en annexe A de l'ouvrage.
70 Inégalités patrimoniales et choix individuels

1. POUR UN NOMBRE RESTREINT DE PARAMÈTRES DE PRÉFÉRENCE


Tant pour ce qui est des attitudes à l'égard du risque ou de l'incertain qu'en ce qui
concerne les préférences à l'égard du temps, on est donc incité à adopter une voie moyenne,
plus raisonnable. Dans le souci de concilier parcimonie et efficacité prédictive, notre approche
opère ainsi un retour partiel à la théorie standard ; mais cette dernière est prise simplement
comme une référence informelle, sans que l'on adopte ses spécifications rigides, résumées par
l'équation (S.) du chapitre précédent, qui apparaissent démenties par l'expérience. On retient
seulement que l'action différentielle des préférences individuelles sur les comportements
patrimoniaux est censée "graviter" autour de deux paramètres de base, convenablement
"réinterprétés" : y, pour les choix à l'égard du risque, et 6, pour la dépréciation du futur sur le
long terme.

Cette relative simplicité aura une contrepartie : y et 6 étant définis de manière plus
"lâche", évaluer un Y; égal à 3.2 ou un 6; égal à 6,8 %, n'aura plus grand sens, seules des
estimations purement ordinales de ces paramètres étant acceptables. Mais cela suffit tant qu'il
s'agit d'expliquer l'hétérogénéité résiduelle des profils patrimoniaux ou de contrôler les effets
testés par la diversité des préférences individuelles. En outre, des mesures ordinales
permettent d'introduire une flexibilité considérable dans le traitement des "anomalies"
observées 1•

1.1. Un seul paramètre de préférence à l'égard du risque: peut-il varier d'un domaine à
l'autre de la vie ?
On va alors faire dépendre les choix patrimoniaux d'un seul paramètre de préférence en
matière de risque, que l'on peut encore baptiser y à condition de préciser qu'il "représente"
aussi bien l'aversion (relative) pour le risque que la prudence ou la tempérance, le degré
d'optimisme ou de pessimisme que l'aversion à la perte, à l'ambiguïté ou à l'incertitude, etc. Il
s'agira d'une "moyenne" de ces variables. Pour rendre compte de cette imprécision, on parlera
bien d'attitude à l'égard du risque en se contentant d'un terme générique2•

Aussi simple et économe qu'elle prétende être, cette approche unidimensionnelle ne peut
éluder une autre difficulté. Celle-ci tient à la variabilité des comportements à l'égard du risque
que peut manifester un même sujet d'un domaine à l'autre de l'existence- en matière de
consommation, de santé, de travail, de famille, ou de placements financiers ... Jusqu'ici, ce
thème a été relativement peu abordé par les économistes, bien que des modèles de choix en

1
Ainsi, n'a-t-on pas à se préoccuper du fait que l'attitude à l'égard du risque varie selon le montant des enjeux ou
les risques encourus tant que le classement des individus évolue peu d'une situation à l'autre.
2
En l'absence de mesure fiable de l'élasticité intertemporelle de substitution a, ce paramètre y rendra également
compte, à travers lia, de l'aversion aux fluctuations temporelles de la consommation sur le cycle de vie ...
... à une enquête qualitative originale 71

incertain rendent compte du fait qu'un individu puisse s'assurer confortablement tout en
pariant à des jeux d'argent (cf Schmeidler, 1989).

La littérature sociologique est plus prolixe. Le Breton (2000) distingue ainsi deux types
d'individus "risquophiles". Les premiers, adoptent des conduites à risques, voire téméraires,
dans presque tous les domaines (alcool, tabac, absence de soin de sa santé, dettes, retard de
paiement, divorce, etc.): ce serait notamment le cas de jeunes en difficulté ou qui manquent
de repères. Les seconds sont au contraire des gens bien installés qui sacrifient à une passion
professionnelle, sportive, ou autre: ils ne témoignent d'un goût prononcé pour l'aventure que
dans ce domaine privilégié; ailleurs, ils évitent au contraire les problèmes et adoptent des
conduites sages pour sauvegarder leur passion.

Ainsi, la pratique de sports dangereux semble-t-elle à première vue caractéristique d'un


individu qui aime les défis et devrait donc, parallèlement, adopter des stratégies patrimoniales
risquées. Or il peut aussi bien s'agir d'un casse-cou, aux comportements financiers
effectivement imprudents, que d'un sportif "professionnel" très organisé, qui gérera au
contraire ses placements en bon père de famille 1•

C'est pourquoi il pourrait être nécessaire de faire dépendre l'attitude à l'égard du risque y
du domaine étudié : consommation, loisir, santé, travail, famille ... Cette variabilité s'avère
d'autant plus complexe à étudier qu'elle peut résulter d'effets d'interférence- de substitution
ou de complémentarité- entre l'exposition au risque dans un domaine et l'attitude face au
risque dans un autre, . Si le premier risque est inévitable ("background risk"), on sait que
l'attitude à l'égard du risque "induite", y, sera plus élevée que y dès que l'individu est
"tempérant" (substitution). Mais l'exposition au risque peut être davantage désirée que subie
(complémentarité) : s'il devait renoncer à sa passion, notre sportif professionnel en viendrait
sans doute à adopter un comportement patrimonial plus risqué 2•

1.2. La préférence pour le présent "entre" l'impatience de court terme et l'altruisme

Les difficultés que pose la préférence pour le présent paraissent en partie symétriques de
celles rencontrées dans le cas de l'attitude à l'égard du risque. Il semble cette fois impossible
de faire dépendre les choix temporels d'un seul paramètre de préférence, D, en raison
notamment des particularités des comportements observés sur le court terme, source de

1
La connaissance de la préférence pour le présent de l'individu b et de son degré d'incohérence temporelle f3
offrirait le moyen de lever l'ambiguïté : le casse-cou correspond en général à des valeurs élevées de b et de {3, le
sportif de haut niveau probablement à des valeurs beaucoup plus faibles.
2
Une part de la variabilité de y selon le domaine pourrait aussi n'être qu'un artefact: l'attitude de l'individu
dépendrait plutôt de l'importance des enjeux qui ne seraient pas comparables d'un domaine à l'autre (les risques
de consommation seraient plus souvent anecdotiques, les aléas en matière de santé plus importants, etc.).
72 Inégalités patrimoniales et choix individuels

nombreuses anomalies du modèle DU. Par contre, on a davantage de raisons de supposer


qu'une fois débarrassé de ces phénomènes parasites, le taux D traduise bien une attitude
globale à l'égard du temps, une disposition intrinsèque de l'individu qui dépende peu du
domaine de l'existence considéré : un sujet prévoyant au regard de sa santé ou de sa carrière,
le serait dans des proportions comparables en matière de patrimoine 1•

Reconnaître la pluralité des préférences gouvernant les décisions dans le temps nous
éloigne certes de la théorie standard; contrairement au courant dominant (reflété par FLO),
notre souci sera cependant de minimiser la distance introduite. La préférence pure pour le
présent sur le long terme, représentée par D, sera supposée conserver un rôle central dans
l'explication des choix patrimoniaux; et on limitera autant que faire se peut le nombre des
autres paramètres de préférence recensés.

Un traitement à part sera ainsi réservé aux éléments de la fonction d'utilité qui induisent
une priorité pour le présent sur le court terme, soit notamment le degré d'incohérence
hyperbolique, {3, et le degré de rareté du temps disponible, {3': responsables d'anomalies
caractéristiques, ces derniers contribuent largement à l'instabilité des mesures de "préférence
temporelle", fortement surestimées et variables selon le contexte. Nous rendrons compte de
ces facteurs hétéroclites par un seul paramètre, le taux 1J d'impatience à court terme-i.e. de
"surdépréciation" du futur proche. Dans la mesure où un comportement "impulsif" ({3) a peu à
voir avec un comportement "pressé" ({3'), cette préférence présente certes un caractère
composite qui peut diminuer son pouvoir explicatif des choix financiers. En fait seul f3 paraît
influer, plus qu'à la marge, sur les comportements de l'épargnant. S'il a conscience de son
incohérence temporelle ({3 > 0), un individu prévoyant ( D limité) voudra se discipliner : il
cherchera à se pré-engager en recourant à l'épargne contractuelle- même si le rendement de
cet argent immobilisé n'est pas supérieur à celui de placements libres (Laibson, 1997) ; un
autre, plus insouciant (D élevé), risque, du fait de cette même incohérence temporelle,
d'éprouver des difficultés à boucler son budget, à rembourser ses emprunts, etc. 2•

À l'autre bout de l'échelle de temps, le taux D sera séparé du degré d'altruisme


intergénérationnel 8: en dépit d'affinités superficielles, on a vu qu'il était préférable de
considérer ces paramètres de préférence comme indépendants. Il semble en outre pertinent de
distinguer deux formes d'altruisme, souvent confondues dans des modèles intergénérationnels

1
Il ne serait d'ailleurs pas commode de repérer d'éventuelles variations de oselon le domaine de la vie, dans la
mesure où les pratiques de consommation, par exemple, relèvent plus rarement du long terme (et donc de 0),
tandis qu'à l'inverse les choix familiaux incorporent souvent une dimension altruiste.
2
C'est pourquoi nous aurons souvent tendance à assimiler les effets de l'impatience 17 avec ceux de l'incohérence
temporelle p. Reste que l'épargne contractuelle pourrait également attirer certains individus pressés (/3') si elle
leur permet d'économiser sur le temps de gestion du patrimoine.
... à une enquête qualitative originale 73

trop abstraits : l'altruisme familial, représenté par le taux d'escompte 0 1, et l'altruisme non
familial (ou social), représenté par le taux d'escompte 0"1. L'altruisme pour les siens peut aller
ainsi de pair avec un souci mitigé pour le sort des générations futures ou, plus généralement
celui de la planète (cf Masson, 2004) 1•

La mesure du taux D portera sur les phénomènes de long terme, qui concernent
spécifiquement les rapports de soi à soi au cours de l'existence. Jointe aux probabilités de
survie, cette préférence temporelle couvre un horizon "compris" entre celui de l'impatience de
court terme, fJ, et les temps familiaux ou dynastiques des degrés d'altruisme 0 1 et ()nf.

Au total, nous chercherons donc à mesurer cinq paramètres de préférence individuels :


l'attitude à l'égard du risque ou de l'incertain, y, qui peut varier d'un domaine de la vie à
l'autre ; la préférence pour le présent, D, et trois autres paramètres "secondaires" :
l'impatience de court terme, fJ, et les degrés d'altruisme d et (!'1 .

2. LA MÉTHODE UTILISÉE POUR ESTIMER LES PRÉFÉRENCES RETENUES

Comment mesurer ces cinq paramètres de préférence, notamment les deux principaux, yi
vis-à-vis du risque et Di vis-à-vis du temps, pour chaque individu (ou ménage ... ) i d'un
échantillon représentatif de la population française ? La discussion théorique précédente et les
hypothèses simplificatrices retenues- un seul paramètre d'attitude à l'égard du risque, yi,
indépendance de la préférence temporelle Di par rapport au domaine considéré - nous
conduisent à nous distinguer des approches habituelles à la fois par ...

-l'objectif poursuivi : des mesures ordinales, qui visent seulement à classer les individus
1es uns par rapport aux autres ;

- les moyens utilisés : une multiplicité de questions de toute nature (opinions, intentions,
pratiques), et couvrant une multitude de domaines, avec le souci de confronter les sujets à des
situations concrètes ou réalistes, même si des scénarios fictifs et des questions abstraites
(choix de loteries) sont également proposés;

-la méthode d'estimation : l'élaboration de scores synthétiques, sortes de "moyennes" des


réponses apportées par l'individu à des questions souvent polysémiques, sans que l'on sache
toujours l'interprétation dominante qu'en a retenue l'intéressé (effets de contexte, etc.).

1
L'importance de cette distinction au plan patrimonial apparaît clairement dans la législation successorale
américaine, plus en faveur de l'altruisme "social" que familial : la liberté de tester y est presque totale, les droits
de l'enfant-héritier réduits au minimum ; les legs familiaux trop élevés y sont socialement mal considérés, et
d'ailleurs lourdement taxés, alors que les dons caritatifs ou créations de fondations effectués par les plus riches
sont fortement encouragés, y compris et d'abord sur le plan fiscal. La législation successorale française, fondée
sur le droit du sang, semble bien introduire un biais opposé ...
74 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Évoquer au préalable les écueils rencontrés par les tentatives antérieures permettra de
mieux justifier les choix que nous avons opérés.

2.1. Les avatars des autres mesures de préférences face au risque et à l'avenir

La littérature propose deux types de mesure des préférences à l'égard du risque ou du


temps: les premières se fondent sur des données d'enquêtes effectuées "sur le terrain" (les
comportements observés dans la réalité), et donnent le plus souvent lieu à des estimations
économétriques; les secondes sont de nature expérimentales. Si l'on cherche à expliquer la
diversité des comportements patrimoniaux à partir de l'hétérogénéité des préférences
individuelles, ces évaluations des paramètres Y; et l>; souffrent de l'un ou de l'autre des maux
suivants- en général de plusieurs à la fois: (a) elles ne portent que sur l'un ou l'autre
paramètre de préférence, exclusivement; (b) concernent des moyennes de ces paramètres
selon les caractéristiques observées ; (c) ont trait à des populations trop spécifiques (étudiants,
par exemple); (d) incluent d'autres dimensions- "confounding factors"- que le risque ou le
temps, ou mélangent ces deux dimensions sans parvenir à séparer le futur lointain et le futur
incertain ; (e) dérivent de questions ou d'expériences trop isolées, anecdotiques, ou
artificielles - problèmes d'incitation ou effets de contexte ; (f) ne sont fondées que sur une ou
deux questions, souvent plus concrètes, mais censées révéler à elles seules l'aptitude ou la
préférence recherchée ; (g) s'appuient enfin sur des sources statistiques qui renseignent peu,
ou pas du tout, sur les comportements patrimoniaux des enquêtés.

Les mesures économétriques ont l'inconvénient de se référer à une spécification théorique


rigide, en général proche de la théorie standard - utilité espérée ou actualisation
exponentielle. Focalisées le plus souvent sur l'estimation d'un seul paramètre (a), elles ne
fournissent que des moyennes selon les caractéristiques observées (b) et contrôlent mal,
surtout, les biais introduits par les facteurs non pris en compte (d). Les estimations moyennes
de l'aversion pour le risque, disparates d'une étude à l'autre, s'étagent ainsi de 0,75 ou moins
jusqu'à 5 ou plus : typiquement, les mesures fondées sur les investissements en actifs risqués
confondent portefeuilles désirés et réalisés et ignorent les biais créés par l'énigme de la prime
de risque (cf Friend et Blume, 1975, par exemple). Les évaluations du taux de dépréciation du
futur, faites dans les domaines de la santé, des risques professionnels (arbitrage entre un
supplément de revenu et un risque de mortalité accru), ou de la consommation (équation
d'Euler), ont tendance à mesurer plutôt des taux marginaux de substitution intertemporels, qui
incorporent à tort les effets des contraintes de liquidité et de l'incertitude du futur. Si 1'on
excepte le cas anecdotique des biens durables, le taux de dépréciation du futur varie quand
même, selon les cas, del ou 2% jusqu'à lO ou 20%, voire beaucoup plus (cf FLO).
... à une enquête qualitative originale 75

Les études expérimentales ont d'abord eu comme objectif le test de la théorie standard.
Les choix proposés aux sujets entre différentes loteries ont mis en évidence tout une série de
"déviations" par rapport au modèle de l'utilité espérée: surestimation des événements de
probabilité faible comme dans le paradoxe d'Allais ( 1953) ~ aversion à l'ambiguïté révélée par
le paradoxe d'Ellsberg (1961) ~ asymétrie du comportement entre le gain et la perte, etc. Les
choix entre des gains ou des pertes à différentes dates ont révélé pareillement de multiples
"anomalies" du modèle DU: actualisation hyperbolique~ habitudes~ phénomènes
d'anticipation; effets de contexte (dont l'asymétrie entre gains et pertes), etc. Par rapport aux
données d'enquêtes, ces expériences de laboratoire ont le double avantage de ne pas se référer
à des formalisations trop étroites et de pouvoir éliminer nombre de facteurs parasites
(information imparfaite, contraintes de liquidité ... ). A priori, elles permettraient même un
accès direct à telle ou telle préférence des individus, en plaçant ces derniers dans des
situations hypothétiques conformes au champ d'application de la théorie : par exemple, un
futur certain dans le cas de la préférence temporelle.

Le prix à payer tient cependant au caractère artificiel du protocole expérimental (e), qui
contribue pour beaucoup à la très forte instabilité des mesures - surtout lorsque les cobayes
sont des volontaires, recrutés parmi les étudiants des expérimentateurs (c) et donc sans réelle
accumulation patrimoniale... (g). Mais est-il vraiment surprenant que les réactions
d'individus sélectionnés face à des petits jeux (de loteries ... ) proposés en laboratoire ne soient
pas identiques aux choix de vie qui gouvernent les décisions de "Monsieur Tout le monde" au
fil de sa vie quotidienne ? La solution ne consiste pas davantage dans la tendance manifeste à
mesurer la préférence temporelle à partir de choix mieux contrôlables parce qu'ils portent sur
le court terme: cet intervalle est en effet celui où se concentrent nombre d'anomalies du
modèle DU ... qui représentent autant de nouveaux facteurs polluants (d).

Pour remédier aux défauts propres à chaque approche, les contributions les plus récentes
tentent un compromis salutaire en incorporant, dans des enquêtes transversales ou de panel
menées auprès des ménages, des "modules" de questions (de type expérimental ou plus
concrètes) sur les préférences individuelles. Le recueil de l'information recherchée a ainsi
l'avantage de s'effectuer sur des échantillons représentatifs des populations nationales
concernées (États-Unis, Pays-Bas, Italie ... ), pour lesquels on dispose par ailleurs de
renseignements sur le montant et la composition du patrimoine, le revenu, etc. Autrement dit,
les objections (a) à (c), mais aussi (g) sont levées d'emblée.

L'étude de référence, qui a fortement inspiré les autres, est celle de Barsky et al. ( 1997)
sur données américaines (HRS). Elle vise bien à estimer simultanément, pour chaque enquêté,
l'aversion au risque et la préférence pour le présent, en privilégiant parfois les mesures
ordinales. En matière de risque, Barsky et al. utilisent un choix hypothétique sur une série
76 Inégalités patrimoniales et choix individuels

enchaînée de loteries concernant le risque de revenu professionnel pour estimer directement


l'aversion relative pour le risque (cf annexe A). Cette mesure de Yi est analysée dans la
seconde partie de l'ouvrage. Comme elle suppose- hypothèses standard peu réalistes- des
préférences homothétiques et la maximisation de l'utilité espérée, elle n'échappe pas
malheureusement pas à l'objection (d) concernant la pollution par d'autres facteurs. Elle
présente aussi l'inconvénient de reposer sur une question unique (f) et, qui plus est, largement
artificielle (e).

Cette dernière objection apparaît encore plus sérieuse pour les mesures des mêmes
auteurs relatives à la préférence temporelle b ou à l'élasticité de substitution a ... ce qui
explique qu'elles aient été moins souvent reprises par les études ultérieures. Ces mesures sont
en effet fondées sur le choix entre des profils de consommation sur le cycle de vie, à partir de
la relation (7) dans le cas de b et de la relation (16) dans le cas de a. Or les conditions quasi
expérimentales auxquelles sont confrontés les enquêtés peinent à reproduire le déroulement
du temps et les spécificités de la temporalité humaine. Les individus interrogés échouent à se
projeter ainsi dans un monde fictif et abstrait où ils se retrouvent transportés à un âge donné,
avec une durée de vie restante certaine et parfaitement connue, comme dans 1'amorce typique
suivante, qui semble extraite d'un énoncé d'examen pour potaches: "supposons que vous ayez
actuellement 50 ans et que vous allez vivre jusqu'à 80 ans exactement. .. ". Dans le même
ordre d'idée, en forçant le trait, suis-je capable de déterminer comment serait modifié mon
comportement d'épargne si j'apprenais que je devais mourir, quoi que je fasse, le 14 janvier
2015 à 17 heures 30 précises, ni avant, ni après? (cf Masson, 1995).

2.2. Un objectif limité: classer les individus par des mesures ordinales
Notre démarche évite d'emblée les écueils (a) à (c) et (g) grâce à un montage d'enquêtes,
décrit plus amplement en annexe (cf Annexe A). L'enquête nationale Insee Patrimoine 1998
fournit des renseignements détaillés, d'ordre patrimonial et autres, sur chaque ménage
concerné. Les questionnaires "recto-verso" et "méthodologique", reproduits dans l'annexe A,
concernent différents sous-échantillons de l'enquête mère, eux-mêmes représentatifs de la
population française 1 ; ils visent à obtenir des indicateurs de préférence à l'égard du risque ou
du temps pour chaque enquêté.

Le questionnaire recto-verso reproduit les figures imposées des études antérieures les plus
récentes. S'inspirant directement de l'étude de Barsky et al. (1997), il propose un choix
analogue entre des loteries sur le revenu pour déterminer l'aversion relative pour le risque

1
Voir l'annexe A de l'ouvrage pour le sous-échantillon de l'enquête méthodologique (1 135 ménages).
... à une enquête qualitative originale 77

dans un cadre standard. Cet exercice de style n'a pas été poursuivi dans le cas de la préférence
temporelle, au vu de l'échec manifeste rencontré ici par Barsky et al. et leurs successeurs.

Viennent ensuite les figures libres, plus originales. Le questionnaire méthodologique,


beaucoup plus étoffé (85 questions), vise à estimer les préférences individuelles à l'égard du
risque et du temps dans un cadre élargi, non standard. Comportant peu de choix de loteries,
peu d'arbitrages entre des quantités d'un même bien aujourd'hui et demain, il ne cherche
cependant plus à évaluer la valeur d'un paramètre de préférence bien déterminé, quitte à se
référer à une spécification théorique particulière ou à placer les sujets dans des situations
abstraites. Son objectif est plus modeste : la batterie de questions proposées, beaucoup plus
concrètes, sur les opinions et les pratiques dans différents domaines vise seulement à classer
les enquêtés, à les ordonner selon des indicateurs qualitatifs qui caractérisent globalement leur
attitude à l'égard du risque (y;) et leur degré d'imprévoyance à terme (c5;), ainsi que leurs
degrés d'impatience ou d'altruisme (familial ou non).

Le questionnaire ne cherche donc pas à évaluer directement le bien fondé des modèles
DU ou EU comme dans les expériences précédentes, mais seulement à rendre compte de
l'hétérogénéité individuelle des cinq paramètres de préférence que nous avons retenus : les
tests n'interviendront que dans une seconde étape, concernant les effets relatifs de ces
paramètres sur l'accumulation patrimoniale. Ainsi, peu nous importe que le classement
d'ensemble obtenu en matière d'attitude à l'égard du risque fasse davantage intervenir
l'aversion au risque, la prudence ou l'aversion à la perte tant que les hiérarchies évoluent peu,
un individu plus risquophobe étant également plus prudent (cas de préférences
homothétiques), et de même plus averse à la perte.

2.3. Multiplier les questions concrètes, de toute nature ...

À ce stade toutefois, notre démarche ne se distingue pas fondamentalement de certaines


études récentes : sur données américaines, Lusardi (2002) et Ameriks et al. (2003) se
contentent aussi de mesures qualitatives. établies à partir de questions relativement concrètes,
concernant à la fois les préférences à l'égard du risque et du temps, ainsi que la "propension à
planifier". La principale différence vient de ce que les études citées n'utilisent jamais qu'une
ou deux questions subjectives, en supposant qu'elles sont suffisamment bien posées pour
pouvoir cerner le paramètre de préférence en question et éliminer autant qu'il est possible
l'incidence de facteurs polluants non contrôlés 1•

1
Pour "compenser" le nombre réduit de questions. ces études se contentent d'introduire une gradation détaillée
dans les réponses. Chez Ameriks et al. (2002). à la question clef "1 have spent a great deal of time developing a
financial plan", les réponses sont ainsi codées en six rubriques de 1 = "disagree strongly" à 6 = "agree
strongly".
78 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Notre questionnaire balaie au contraire un grand nombre de situations et de domaines


avec des questions de toute nature, sans prétendre à chaque fois cibler très précisément le
paramètre incriminé ni éliminer les sources de biais. L'enquête méthodologique explore ainsi
une voie novatrice. L'expérience acquise lors de multiples enquêtes françaises sur le
patrimoine, les placements financiers et l'héritage nous a instruit de la difficulté qu'il y a à
interpréter et à utiliser les questions d'opinion ou d'intention posées de manière "isolée" en
questionnaire fermé. Prenant acte de la quasi-impossibilité de supprimer dans ce cadre les
effets de contexte, on tente d'en limiter la portée en multipliant les domaines abordés, et en
s'intéressant à un large éventail de comportements, certains relatifs à des décisions
importantes, mettant en jeu de fortes sommes ou engageant le long terme, d'autres ayant pour
objet des microdécisions, sans conséquences majeures ou durables, voire même anecdotiques.

Chaque domaine est ainsi couvert par des questions factuelles ou objectives (ex. : "Avez-
vous réduit votre consommation de viande suite au problème de la "vache folle""), par des
questions d'opinion ou subjectives (ex. : "êtes-vous sensible aux problèmes de financement
des dépenses de santé"), mais aussi en demandant à l'enquêté de réagir à des scénarios fictifs
(ex. : options de retraite à la carte), ou encore en l'invitant à se positionner, plus globalement,
sur des échelles graduées selon la perception qu'il a de son comportement (ex. : "prudent" ou
"aventureux", pour le risque; "vit au jour le jour" ou "préoccupé par l'avenir", dans le cas de
la préférence temporelle).

En résumé, notre approche se distingue par son caractère non seulement qualitatif mais
aussi éclectique. Ni test des modèles, ni tentative d'évaluation quantitative des préférences,
elle essaie seulement de hiérarchiser les individus selon leurs attitudes à l'égard du risque et
du temps. Au lieu de cibler l'analyse sur quelques questions clefs, elle tente par ailleurs une
sorte de moyen terme ou de compromis entre les expériences menées en laboratoire et les
études effectuées sur le terrain : elle combine des questions abstraites, proches des conditions
d'application idéale de la théorie, à d'autres concernant les projets de 1'individu, ou tente
encore une évaluation directe des préférences (échelles auto-déclarées) ; mais elle renseigne
également sur les pratiques effectives (de sports risqués, par exemple) ainsi que sur les
stratégies effectivement mises en œuvre pour réduire le risque (acquisition d'information ... ).

2.4.... pour en inférer des scores, indicateurs synthétiques des préférences individuelles
Reste le problème central : cette approche permet-elle, mieux que d'autres, de limiter les
biais introduits dans la mesure des préférences par les effets de contexte et les facteurs non
pertinents ? Autrement dit, un portrait que l'on aura établi par petites touches successives est-
il plus ressemblant que brossé à quelques grands traits stylisés ? L'enjeu concerne la
polysémie des questions posées dans 1'enquête méthodologique, d'autant plus importante,
... à une enquête qualitative originale 79

potentiellement, que celles-ci revêtent un caractère concret (les questions abstraites soulèvent
plutôt des problèmes d'incitation ou de compréhension).

Cette polysémie a une double dimension (cf annexe de [Présentation]). Le sujet qui
déclare ne jamais garer son véhicule en zone interdite (question I.Q5) peut le faire, soit parce
qu'il n'est pas trop pressé ou accepte d'attendre de trouver une place libre (impatience rJ
faible); soit parce qu'il est prudent ou a peur du gendarme (y élevée); soit encore parce qu'il a
un sens du civisme élevé. La première polysémie concerne l'interprétation possible en terme
d'une préférence ou d'une autre, ou encore des deux à la fois ( rJ et!ou y) : elle relève d'une
décision a priori - dans le cas présent nous n'avons retenu que la prudence, soit y. La seconde
forme, créée par un facteur non pertinent, n'est pas contrôlable au seul vu de la question
posée: sans autre information, l'individu peut aussi bien être un amoureux du risque qui
possède un sens civique très développé.

Ces polysémies doivent être assumées. Celles du premier type tiennent notamment aux
interférences entre êJ et y: démêler, dans les comportements, les effets de l'incertitude du futur
et du simple éloignement temporel est un défi presque impossible à tenir, tant les deux
phénomènes sont imbriqués ; de même, imaginer un futur qui soit certain tient de la gageure,
hors certaines situations limites. Les facteurs "polluants", quant à eux, incluent notamment
des considérations de morale ou de civisme, de sensibilités politiques, de désir de distinction
ou d'innovation, qui offrent des marges d'interprétation considérables.

Notre approche repose alors sur l'hypothèse suivante: pour les questions que nous aurons
décidé d'attribuer à tel ou tel paramètre de préférence, ces différents biais se compenseraient
plus ou moins au niveau d'un indicateur synthétique ou score, "moyenne" aussi représentative
que possible de l'ensemble des réponses apportées par chaque enquêté ; plus précisément, il
en sera ainsi pourvu que l'on ait multiplié suffisamment ces questions, en faisant varier leur
domaine, leur genre et les situations considérées. L'intuition sous-jacente est que si ces
réponses relèvent bien d'une composante commune liée à la préférence incriminée, les
facteurs de biais incorporés par chacune d'elles pourraient s'interpréter comme des "erreurs",
d'importance limitée et relativement peu corrélées entre elles du fait de la variété des
questions (cf Spector, 1991, p. 10-12).

Comme le montrent les développements de la théorie et les acquis économétriques ou


expérimentaux, cette hypothèse d'une cohérence interne minimale des questions associées à
chaque préférence est loin d'être anodine et ne pourra être "validée", statistiquement, qu'ex-
post (par la méthode de l'alpha de Cronbach ou l'analyse en composantes principales, par
exemple). Elle est toutefois moins forte qu'il n'y paraît, du fait que les mesures ne portent que
sur des évaluations relatives, destinées à hiérarchiser les individus : ainsi, n'a-t-il pas été
80 Inégalités patrimoniales et choix individuels

nécessaire de distinguer deux scores de risquophobie, l'un pour les "petits" risques et l'autre
pour les "gros" risques 1•

2.5. La procédure d'affectation de questions polysémiques aux indicateurs de préférence

Comme les tests statistiques ne peuvent juger de la validité des scores élaborés qu'après-
coup, et toujours imparfaitement, la pertinence de ces indicateurs synthétiques dépendra
surtout du succès de deux opérations préalables, supposées limiter le problème de la
polysémie des questions posées.

La première concerne le choix et la formulation des questions. Les résultats seront


d'autant plus probants que l'on aura pris soin d'éliminer d'emblée les questions susceptibles de
présenter une trop forte polysémie. Un seul exemple: le choix offert, lors de certaines
"expériences naturelles" ou à la "sortie" d'assurances vie, entre un paiement unique en capital
ou une rente viagère, est censé révéler, pour certains auteurs, la préférence pour le présent des
individus (cf FLO, p. 385); mais on a vu que l'arbitrage entre capital et rente faisait
intervenir, hors cette préférence, beaucoup trop de facteurs non contrôlables (non-indexation
sur l'inflation, contraintes de liquidité, aversion à la perte, motif de transmission, etc.) pour
que l'on puisse retenir une question sur ce thème.

La seconde a trait à la procédure d'affectation de chaque question à tel ou tel paramètre de


préférence - ou à deux d'entre eux simultanément. Les idées directrices qui ont guidé ce
processus de décision a priori sont exposées dans Arrondel et al. ( 1997 et 2002). Les choix
effectués sont indiqués dans l'annexe A (R =risque; 1 =impatience ; T =préférence
temporelle ; A = altruisme, familial ou non).

Prenons l'exemple de la question I.Ql6, soit le fait d'avoir (eu) des difficultés à boucler
son budget pour cause d'endettement excessif. Cette expérience peut traduire de
1'impatience/impulsivité (on veut tout tout de suite, sans prendre le temps de réfléchir aux
conséquences), ou révéler une forte préférence pour le présent (le bien-être au moment de
l'achat importait davantage que les problèmes créés à terme), mais aussi témoigner d'une
faible aversion pour le risque (on a tenté sa chance sans trop se préoccuper des aléas pouvant
affecter des ressources irrégulières). Nous avons choisi ici de ne retenir que les deux
premières possibilités : la question ne figure pas dans le score de risque2 •

1
S'agissant de la priorité accordée au présent, en revanche, la distinction introduite entre impatience de court
terme et prévoyance sur le long terme nous a d'abord été suggérée par l'hétérogénéité des réactions recueillies
lors d'un test préliminaire; les raisons théoriques sont venues après ...
2
Nous avons décidé de nous arrêter, pour chaque question, à deux interprétations possibles: la question /.Q/6
correspond ainsi aux items /Sa pour le score d'impatience, et T3 pour le score de préférence temporelle.
... à une enquête qualitative originale 81

2.6. Construction et validation des scores de préférence à l'égard du risque et du temps

Dans les chapitres 5 et 8, les tableaux 5.1, 8.1, 8.4 et 8.6 fournissent une vue synoptique
des codages (-1, 0 ou + 1) adoptés pour chaque modalité de réponse aux questions retenues
pour le score concerné, ainsi que les effectifs correspondants (en%). En faisant la somme des
"notes" ainsi obtenues par un individu, on obtient la valeur brute de son score, "centrée" sur
zéro. La valeur nette réduit la somme des notes aux seuls items qui se sont révélés former un
tout statistiquement cohérent, selon le critère de l'alpha de Cronbach 1 ; seuls les scores nets
ont été utilisés dans les analyses empiriques. Comme on pouvait s'y attendre, le "déchet"
(questions en grisé dans les tableaux) est relativement plus important pour l'impatience et la
préférence temporelle de long terme que pour les autres paramètres 2•

1
Le coefficient de corrélation de chaque item avec la somme des (n-1) autres doit être positif et d'au moins
5 o/c : une corrélation élevée signifie que tous les bœufs de l'attelage tirent dans le même sens. i.e. que chaque
item fait partie d'un ensemble d'éléments partageant une signification commune (cf Spector. 1991 ).
" Dans le chapitre Il, les corrélations entre scores sont obtenues en affectant les items polysémiques à un seul
score: les valeurs obtenues constituent donc des bornes inférieures (en valeur absolue) des corrélations réelles.
DEUXIÈME PARTIE

MESURES
"Pas de drogue. Même pas une cigarette. Je ne bois pas. Je fais du surf presque
chaque jour. Mais je crois quand même à la somme de tous les vices. En gros, si
on additionne les vices de chaque individu, on obtient toujours le même résultat ...
Pour moi, je crois que ce sont les filles"

Chris Isaak, Libération, 25 décembre 2006


84 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Album d'images épargne de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de Nantes, 1967


A. RISQUE ET INCERTAIN
"L'avenir appartient davantage aux risquophiles qu'aux risquophobes.
C'est ce qui motive notre combat"

Ernest Antoine Seillières, Risques no 43, 2000

ensibles aux dimensions plurielles et variées des comportements face au risque, les
S développements récents de la microéconomie de l'incertain multiplient à l'envi le
nombre de paramètres individuels de préférence (aversion au risque, prudence, tempérance,
aversion à la perte, etc.) pour en rendre compte. De même, les études expérimentales ou de
terrain cherchent à cerner cette diversité en distinguant différents types de risques (à petits ou
gros enjeux, de gains ou de pertes, aux conséquences irréversibles ou non) et décrivent des
comportements qui dépendent du domaine concerné (financier, professionnel ou de la santé,
par exemple) et des effets de contexte.

À partir d'un questionnaire spécifique, posé à un sous-échantillon de l'enquête de l'Insee


Patrimoine 1998 et qui balaie un large éventail de domaines de la vie, de situations ou de
contextes, et de type de risques, nous proposons, paradoxalement, de rendre compte de cette
richesse des attitudes vis-à-vis du risque de chaque individu par un indicateur unique,
purement ordinal: à l'ensemble des réponses apportées par chaque enquêté, on fait
correspondre un score, mesure synthétique supposée représentative de la palette de ces
préférences à l'égard du risque.

Plusieurs éléments ont permis de vérifier le bien fondé de notre approche. Si l'on se fie à
leurs propres déclarations en les invitant à se positionner sur des échelles entre 0 (prudent) et
10 (aventureux), on constate que les enquêtés acceptent de prendre davantage de risques en
matière de consommation et de loisirs ou sur le plan professionnel que par rapport à la santé
ou la famille, mais que les écarts demeurent limités, avec des corrélations des échelles par
domaine avec l'échelle globale supérieures à 0,5. Surtout, le haut degré de cohérence interne
du score atteste, ex post, la pertinence d'une mesure globale en dépit de la diversité des
attitudes à l'égard du risque pour un même individu.

Lorsqu'il s'agit de déterminer le profil-type de ceux qui prennent le plus de risque


(variable dépendante) ou, à l'inverse, d'expliquer des comportements risqués, et notamment
les choix patrimoniaux, notre score s'avère par ailleurs beaucoup plus pertinent que des
86 Inégalités patrimoniales et choix individuels

indicateurs partiels, telle la mesure plus conventionnelle de l'aversion relative pour le risque,
obtenue à partir de choix statiques entre des loteries concernant le seul domaine professionnel.

Si l'on en croit les informations fournies par le score, les jeunes, les célibataires, les
hommes, les hautes rémunérations et les enfants d'indépendants aisés (ou de cadres non
enseignants) sont prêts à prendre davantage de risque que les autres ; les personnes âgées, en
couple, les femmes, les moins diplômés, les enfants de parents prudents, d'ouvriers ou
d'agriculteurs ont, au contraire, tendance à en prendre moins. Les résultats relatifs aux effets
de l'âge et du genre sont communs à l'ensemble de nos indicateurs (échelles, sous-scores,
mesure de l'aversion relative pour le risque) et partagés par la plupart des études empiriques.
Chapitre 4

Les préférences individuelles à l'égard


du risque

our certains sociologues notamment 1, la multiplication des aléas donnerait corps à


P une société nouvelle, la "société du risque", dont la perception, l'évaluation, les
inégalités, l'empreinte sur les comportements constitueraient autant de domaines de recherche
pouvant éclairer notre vision du social. D'autres auteurs relèvent le paradoxe existant entre
l'observation d'une société qui n'a jamais été autant sécurisée et la demande d'une protection
collective toujours plus forte, qui s'expliquerait par un seuil de tolérance à l'insécurité de plus
en plus bas chez les individus 2• D'autres intellectuels encore, pensent que le risque "est
manifestement au centre de la morale moderne" et vont jusqu'à proposer de séparer la société
française en deux mondes, non pas entre riches et pauvres, mais entre "risquophiles" et
"risquophobes" : les premiers, porteurs de 1'esprit d'entreprise, accepteraient d'affronter les
défis d'aujourd'hui; les seconds, trop "frileux", chercheraient au contraire à s'en protéger'.

À l'origine, risque, de l'italien risco, est un terme marin qui désigne l'écueil qui menace
un navire. Le terme est particulièrement bien choisi pour ceux qui aujourd'hui, à la recherche
de sensations fortes, traversent les mers, en bateau, en planche à voile, à la rame, voire à la
nage. La mer n'est certes pas la seule à accueillir ces aventuriers des temps modernes :
escalade des faces nord, traversée de déserts, courses de dragsters. . . Et ces gens de 1'extrême
sont de plus en plus nombreux à descendre des fleuves en raft, à pratiquer le canyoning, ou à
faire du ski hors-piste. Mais la prise de risque ne se résume pas à ces conduites extrêmes et se
rencontre dans des domaines plus courants: créer son entreprise, changer d'emploi,
déménager, gérer son portefeuille, etc., sont autant de décisions comportant des aléas. Et

1
Beek (2001), par exemple.
2
Notamment Castel (2003).
3
Voir Ewald et Kessler (2000).
88 Inégalités patrimoniales et choix individuels

l'observation de certaines pratiques de consommation : "mener une vie de bâton de chaise",


"fumer comme une cheminée", "boire comme une éponge", "conduire à tombeau ouvert",
montre que les risques encourus sont parfois davantage désirés que subis.

Si ces considérations générales ne doivent pas être perdues de vue, notre propos se
concentre, toutefois, sur la figure de l'épargnant. À la lumière des développements récents de
la théorie micro-économique, nous chercherons à mesurer, à partir de données d'enquête, les
paramètres de préférence qui déterminent ses décisions d'investissement et ses choix
financiers en univers incertain, afin de déterminer si l'hétérogénéité de ces préférences entre
les agents contribue à expliquer les disparités de patrimoine, et cela dans le sens prédit par les
modèles d'épargne de précaution ou de choix de portefeuille.

Le point de départ de notre analyse concerne ainsi le concept d'aversion au risque


développé par Arrow ( 1965) et Pratt ( 1964) au milieu des années soixante, dans le cadre de
l'espérance de l'utilité de von Neumann et Morgenstern. Les extensions- dans un cadre
intertemporel - et les dépassements - utilité non espérée - de ce modèle de comportement
ont cependant conduit à faire dépendre les choix en incertain d'une série de préférences
hétérogènes, plus difficiles à identifier, et ont mis en lumière, d'autre part, les problèmes de
gestion de multiples aléas : la prise de risque dans le domaine financier, par exemple, va ainsi
dépendre de manière complexe du degré, mais aussi du caractère plus ou moins subi ou désiré
de l'exposition au risque dans les autres (professionnel, familial, etc.). Ces développements
amènent à se poser deux questions préalables :

-Faut-il se contenter d'un seul indicateur de préférence, correspondant à une attitude


générale à l'égard du risque ou de l'incertain (non probabilisable), ou chercher à estimer
indépendamment, pour chaque individu, les différents paramètres distingués par la théorie :
aversion au risque, prudence, aversion à la perte, etc. (cf infra) ?

- Peut-on considérer que les individus ont des réactions homogènes face aux situations
risquées, qui révèlent donc un trait caractéristique de sa personnalité, ou doit-on évaluer les
préférences à l'égard du risque domaine par domaine, en reconnaissant ainsi qu'un même
individu puisse être particulièrement vigilant en ce qui concerne sa santé mais se livrer
pourtant à des placements financiers risqués 1 ?

Les réponses apportées à ces deux questions conditionnent la méthodologie empirique


adoptée, qui dépendra encore de la manière dont on traite des effets de contexte et autres

1
Soit l'exemple caricatural du champion français de dragster- pratique professionnelle sportive particulièrement
risquée -qui déclarait récemment ne prendre aucun risque dans ses choix patrimoniaux, cette sage conduite
étant une condition indispensable à la poursuite de sa passion rémunératrice. De la mesure de ses préférences à
l'égard du risque dans le seul domaine professionnel, on déduira à tort qu'il devrait se livrer à des
investissements financiers hautement risqués.
Les préférences individuelles à l'égard du risque 89

éléments perturbateurs qui polluent les choix ou réactions des enquêtés, et dont les études de
laboratoire ont souligné l'importance.

1. LES DIFFICULTÉS THÉORIQUES

La théorie traditionnelle du consommateur-épargnant en présence d'incertain a longtemps


tenté d'expliquer les comportements en fonction d'un seul indicateur, l'aversion au risque
(dérivée seconde de l'utilité). Depuis, la littérature a été progressivement amenée à faire
dépendre les choix risqués d'autres paramètres de préférence, et cela déjà dans le cadre de
l'utilité espérée. Or ce cadre lui-même est aujourd'hui loin de faire l'objet d'un consensus
parmi les économistes, le modèle de l'espérance de l'utilité étant souvent contredit par les
études empiriques, économétriques ou expérimentales.

1.1. Utilité espérée: le problème de la gestion de risques multiples

Pour que seule l'aversion au risque intervienne, il faut en fait se placer dans un cadre
statique, atemporel, et n'envisager qu'un seul aléa avec une distribution de probabilités
supposée connue- d'où l'importance méthodologique accordée aux paris ou aux choix de
loteries. Même dans ce cas, on peut cependant montrer que les comportements varient
empiriquement selon l'importance des montants en jeu. Les expériences de Kachelmeier et
Shebata ( 1992) effectuées sur données réelles, avec des loteries dont les gains allaient jusqu'à
trois fois le revenu mensuel, révèlent ainsi un goût pour le risque qui décroît fortement avec le
montant de la mise. Et l'étude économétrique de Jullien et Salanié (2000) sur les courses de
chevaux britanniques suggère que le comportement des parieurs suit plutôt un profil à la
Friedman-Savage ( 1948), risquophile pour les petits gains et les petites pertes, mais
risquophobe pour les gros gains et surtout les grosses pertes.

La plupart des choix patrimoniaux se situe toutefois dans un cadre intertemporel où gains
et consommations futurs sont tous deux aléatoires : à l'effet classique de revenu s'oppose alors
un effet de substitution en faveur de la consommation présente, certaine. Le fait d'être averse
au risque n'est alors pas une condition suffisante pour générer un comportement d'auto-
assurance, sous la forme d'une épargne de précaution. L'existence et le niveau de cette
dernière dépendent d'une prudence positive de l'agent qui fait intervenir la dérivée troisième
de l'utilité (Kimball, 1990). Empiriquement, on sait cependant peu de choses sur le degré de
corrélation individuelle entre aversion au risque et prudence.

La situation est encore plus complexe lorsque l'agent est simultanément confronté à
plusieurs risques. La plupart des modèles de gestion multirisque suppose un risque d'activité
professionnelle exogène, inassurable et non diversifiable (background risk), et s'intéresse aux
effets de cet aléa sur la prise de risques dans d'autres domaines : la demande d'actifs risqués
90 Inégalités patrimoniales et choix individuels

(Kimball, 1993; GoHier et Pratt, 1996), ou la demande d'assurance (Kimball, 1992;


Eeckhoudt et Kimball, 1992 ; Guiso et Jappelli, 1997). Même si les deux types de risque sont
supposés indépendants, l'existence (ou l'augmentation) du risque exogène engendre, si le
ménage est tempérant (propriété impliquant la dérivée quatrième de l'utilité ... ), une réduction
du risque endogène : le montant investi en actions diminue ou la demande d'assurance
augmente'.

Si tel est le cas, un fonctionnaire dont le revenu est peu aléatoire devrait, pour un même
degré d'aversion au risque, prendre davantage de risques dans la gestion de son patrimoine
qu'un commerçant ou un chef d'entreprise. On dit alors qu'il y a substitution entre les risques.
Lorsque l'on cherche à mesurer l'hétérogénéité des préférences entre individus et à évaluer
son pouvoir explicatif des disparités de patrimoine, ce phénomène implique deux
conséquences importantes :

-la prise de risques peut varier considérablement d'un domaine à l'autre pour un même
individu;

- l'observation d'un comportement à l'égard du risque dans un domaine donné ne


renseigne pas forcément sur les préférences de l'agent face à l'incertain: il faut encore
contrôler par son exposition à d'autres risques.

Les conclusions précédentes pourraient cependant être inversées si l'on admet que le
risque sur le revenu est lui-même endogène (l'individu choisit son métier). Dans ce cas, Drèze
et Modigliani (1966, p. 29) ont montré que le "consommateur exerçant une activité plus
aléatoire (par choix) aura également des placements plus risqués" : intuitivement, le résultat
s'explique par la nécessité de répartir de manière équilibrée le risque global affectant l'activité
professionnelle et les placements financiers (même si, là encore, ces deux aléas sont non
corrélésf Autrement dit, un fonctionnaire a choisi un métier peu risqué en raison d'une forte
aversion au risque, qui le conduira par ailleurs à ne pas trop s'exposer sur son patrimoine.
Dans ce cas, un individu donné devrait prendre des risques comparables dans les différents

1
L'hypothèse d'indépendance entre les risques professionnel et financier apparaît toutefois critiquable (cf
Haliassos, 2003). Lorsque la corrélation est positive (le risque de devenir chômeur augmente, par exemple,
lorsque le marché boursier est baissier), les conclusions précédentes sont renforcées : un individu tempérant
investira encore moins en actifs risqués. Par contre, si la corrélation est négative, l'effet du risque-revenu sur
les investissements risqués est ambigu ; il peut même être positif (Arrondel et Calvo-Pardo, 2002).
2
Ce résultat est passé relativement inaperçu au départ, car il ne figure que dans la version française de Drèze et
Modigliani (1966), et non dans la version anglaise du Journal of Economie Theory de 1972. Bien que
prometteuse, cette voie de recherche est encore peu explorée dans la littérature en raison des difficultés
analytiques qu'elle rencontre.
Les préférences individuelles à l'égard du risque 91

domaines. On observerait un équilibrage ou une diversification élargie des risques plutôt


qu'une substitution 1•

Les prédictions des modèles de gestion multirisques dépendent donc de manière cruciale
du degré de contrôle de l'aléa professionnel par l'agent, i.e. selon que l'exposition au risque
est plutôt subie ou choisie- l'analyse s'avérant plus complexe dans le second cas. Rien
d'étonnant alors à ce que ces modèles parviennent difficilement à des conclusions claires dans
la situation la plus intéressante qui combine les deux cas à la fois : présence simultanée d'un
risque exogène et inévitable (background risk) et de plusieurs risques endogènes, sur
l'épargne de précaution et les choix de portefeuille, ou encore sur les choix de portefeuille et
la demande d'assurance (vie) 2•

En résumé, déjà sous 1'hypothèse de la maximisation de l'utilité espérée, cerner les choix
en environnement risqué conduit à définir et mesurer tout une série de préférences
individuelles : aversion au risque, prudence, tempérance - sans compter d'autres paramètres,
liés au processus d'acquisition et de traitement de l'information sur les risques encourus-, et
oblige à aborder le problème épineux de la substitution ou de l'équilibrage des risques
indépendants. Barsky et al. (1997, p. 550-1) soulignent d'ailleurs que ce problème, qui
concerne plus largement le degré d'homogénéité des réactions d'un individu à diverses
situations risquées, a été beaucoup étudié dans la littérature psychologique, la question étant
de savoir si l'on peut définir une "spécificité comportementale" face aux risques qui soit
assimilable à un trait de la personnalité.

1.2. Utilité non espérée: une défmition élargie des comportements face à l'incertain

L'abandon du critère de l'utilité espérée aboutit à un spectre plus éclaté encore des
comportements vis-à-vis du risque ou de l'incertain.

Une part importante des modèles revient à imposer une vision subjective déformée des
probabilités. L'approche la plus simple de l'utilité "anticipée", à la Quiggin (1982), conduit à

1
Sur l'enquête "Actifs financiers 1992", les deux effets opposés- substitution (Kimball) ou diversification
(Drèze et Modigliani) de risques même indépendants- semblent à l'œuvre (cf Arrondel et Masson, 1996).
Toutes choses égales par ailleurs, les retraités (notamment anciens indépendants) détiennent plus souvent des
placements risqués que les ménages en activité - effet de substitution ; au sein des ménages actifs, en revanche,
les salariés du privé sont moins assurés sur la vie que les salariés du public et ont une demande d'actifs risqués
supérieure - diversification.
2
Elmendorf et Kimball (2000) envisagent les effets d'un risque de revenu exogène sur les choix simultanés du
montant de l'épargne et de sa composition. Les investissements risqués diminuent (substitution des risques) si
l'aversion au risque et la prudence sont toutes deux décroissantes avec la richesse ; pour que l'épargne de
précaution augmente simultanément, il faut encore que l'aversion relative soit constante.
92 Inégalités patrimoniales et choix individuels

surévaluer les risques de faible probabilité et permet ainsi d'expliquer le paradoxe d'Allais 1•
La théorie issue des travaux pionniers de Kahn eman et Tvers ky ( 1979) -prospect
theory - suppose par ailleurs que les individus prennent en compte les variations de richesse
par rapport à un niveau de référence en traitant différemment des gains et des pertes, et
déterminent leur choix en fonction notamment de leur aversion à la perte.

Les développements les plus intéressants combinent ces deux dépassements de l'utilité
espérée. Les modèles d'utilité pondérée, à la Chew ( 1983) par exemple, utilisent l'asymétrie
ainsi introduite entre gains et pertes pour distinguer les "optimistes", qui surpondèrent les
probabilités des événements favorables, des "pessimistes", surtout sensibles aux événements
défavorables. La théorie de Tversky et Kahn eman ( 1992) - cumulative prospect
theory- concilie aversion à la perte et utilité dépendante du rang 2 ; l'étude économétrique de
Jullien et Salanié (2000), par exemple, montre que le recours à ce type de modèle est
nécessaire pour expliquer les comportements des parieurs sur les courses de chevaux, qui se
caractérisent par une forte aversion aux grosses pertes.

Mais il existe également d'autres approches qui introduisent des concepts comme
"l'aversion à l'incertitude" (au sens de Knight) pour rendre compte des choix des agents dans
des situations où ils ne peuvent se référer à une distribution objective de probabilités sur les
différents états de la nature. Parce qu'elles admettent l'existence de "probabilités subjectives
non additives", ces approches rendent compte du paradoxe d'Ellsberg, qui veut que les
individus choisissent en priorité les paris auxquels sont attachées des probabilités connues
("aversion à 1'ambiguïté") ; elles permettent aussi d'expliquer le comportement de personnes
aux réactions hétérogènes, qui préfèrent simultanément acheter une assurance (vie) et parier
aux jeux d'argent, plutôt que l'une ou l'autre de ces deux options (Schmeidler, 1989).

Ces différents modèles d'utilité non espérée introduisent donc de nouveaux paramètres de
préférence vis-à-vis du risque et de l'incertain, qui contribuent d'autant à différencier les
comportements des individus. Librement interprétés, ils élargissent surtout considérablement
le champ de ces comportements, y incluant le pessimisme lié à une surévaluation des risques
de ruine ou de catastrophe (chômage prolongé, maladie grave, invalidité, décès), ainsi que la
"peur" du lendemain, d'une récession économique ou d'une crise politique ... , ou, au contraire,
les pulsions irraisonnées (animal spirits) de l'investisseur keynésien. Dans cette voie, les
travaux de psycho-économistes ou socio-économistes, effectués souvent en laboratoire,
invitent à différencier les individus selon d'autres attitudes encore : le besoin de nouveauté, la

1
À partir d'une expérience devenue célèbre sur des choix entre loteries composées, Allais a remis en cause la
validité d'un des trois axiomes de l'utilité espérée, dit axiome d'indépendance.
2
En vérifiant notamment la propriété de monotonie : cf chapitre 2.
Les préférences individuelles à l'égard du risque 93

volonté d'innover, de désir de "briller" ou de se distinguer par rapport à la multitude peuvent


ainsi, dans une certaine mesure, correspondre à un goût pour le risque; à l'inverse, le
conformisme ou le respect de la tradition résulte souvent d'une répugnance pour les situations
risquées ou inattendues 1•

Ces travaux ont montré, parallèlement, l'importance des effets de contexte (jraming) dans
l'interprétation des résultats d'expérience (Loewenstein et Thaler, 1989) : les individus se
décident en se rapportant implicitement à un niveau de référence dicté par la forme de la
question, réagissent différemment à des changements de même ampleur, selon qu'ils
s'effectuent graduellement ou brutalement, etc. 2 •

2. LES DIFFICULTÉS EMPIRIQUES

À travers la batterie de questions, de pratique, d'opinion ou d'intention, produites dans


l'enquête méthodologique, nous avons tenté de reproduire les multiples facettes des
comportements à l'égard du risque (au sens large), tels que nous venons de les répertorier.

Pour autant, rappelons-le, nous n'avons pas cherché à mesurer séparément les paramètres
de préférence correspondants (aversion pour le risque, prudence, tempérance, degré de
pessimisme, aversion à l'incertitude ... ), susceptibles d'influencer les choix patrimoniaux. À
partir du tableau dessiné par 1'ensemble des réponses de 1'enquêté, nous essayons seulement
de faire émerger un portrait cohérent, caractérisant globalement ce que nous appellerons son
attitude à l'égard du risque, mesurée au départ par un indicateur ordinal unique. Aucune
question n'est a priori un révélateur clair et sans ambiguïté de la mesure synthétique que 1'on
vise ainsi à mettre en évidence; mais le mécanisme de sommation réalisé pour la construction
du score est censé dégager un résumé fidèle de l'information recueillie.

Les difficultés que rencontre une telle procédure se manifestent à chaque phase de la
construction du score :

1
Les questions notées, dans le tableau 5.1, R17 et R18 (sensibilité aux débats publics concernant la santé ou à
ses problèmes de financement), RB (conformité à la mode vestimentaire), R48 (choix d'un prénom original pour
les enfants). R55 (estimer avoir de la chance dans la vie) correspondent bien à cette vision élargie des
comportements à l'égard du risque ou de l'incertain.
2
La littérature théorique explore encore d'autres pistes, plus complexes, qui élargissent d'autant l'éventail des
comportements vis-à-vis de l'incertain en les envisageant comme un choix dynamique (Kreps, 1990) : les
arbitrages patrimoniaux s'inscrivent dans des arbres de décision où s'enchevêtrent contrôles et aléas, l'individu
et la nature ayant successivement la main. L'approche standard ramène ce problème de choix dynamique au
choix statique d'une stratégie optimale ; elles suppose toutefois l'existence d'un système de préférences stables
et complètes, parfaitement connues de l'agent. Une approche non standard, plus réaliste, reconnaîtra que les
agents connaissent mal leurs préférences à l'avance, et introduira une préférence pour la flexibilité, qui conduit
à maintenir suffisamment ouvert l'espace des possibles en retardant, par exemple, un investissement
irréversible. Or cette préférence peut également varier d'un individu à l'autre.
94 Inégalités patrimoniales et choix individuels

- la sélection des questions pertinentes et le choix de leur formulation pour limiter les
effets de contexte et l'éventail des interprétations possibles: pour chaque item, les réponses
des enquêtés sont en effet susceptibles d'être polluées, plus ou moins gravement, par telles ou
telles considérations étrangères au risque ... auxquelles on voudrait bien conférer un statut
"d'erreurs de mesure", qui se compenseraient plus ou moins au niveau agrégé d'un score
obtenu à partir d'une multiplicité de questions ;

- le codage précis des réponses en deux ou le plus souvent trois modalités :


+1 = risquophobe, 0 =position moyenne, -1 =peu risquophobe (ou même risquophile), tel
qu'il est indiqué dans le tableau 5.1 où figure un résumé de chaque item ; nombre de questions
laissent en effet des marges d'interprétations possibles : comment coder, par exemple,
l'absence de pratiques à risque ?

- la recherche d'indicateurs présentant une cohérence interne suffisante, qui pourrait


conduire à distinguer plusieurs sous-scores plutôt que de ne retenir qu'un score global au
caractère trop composite: ce choix comporte, là encore, une part d'arbitraire, même si l'on
dispose, ex post, de mesures statistiques de cohérence (coefficient alpha de Cronbach, analyse
en composantes principales).

2.1. Pluralité des interprétations possibles et effets de contexte


Contrairement aux expériences de laboratoire, certes artificielles, qui donnent à choisir
entre des loteries, les décisions concrètes des agents, auxquelles se réfèrent nombre de nos
questions, font en général intervenir d'autres dimensions que le risque. Ce phénomène
complique l'analyse des réponses apportées: dans le choix d'opter ou non pour un métier
risqué (question R /9 dans le tableau 5.1 ), d'autres considérations peuvent ainsi jouer un rôle
déterminant, telles l'intérêt de la tâche, les conditions de travail, le niveau des pensions, la
localisation géographique, etc.

Comme on peut le voir sur le questionnaire reproduit dans l'annexe A, certaines


questions- relatives à la retraite par exemple (R33, R35 à R37)- qui font intervenir tant
l'incertitude que l'éloignement du futur, ont par ailleurs été affectées à la fois à l'attitude à
l'égard du risque et à la préférence pour le présent (cf le chapitre 8) sans que l'on puisse
déterminer, au départ, le critère dominant dans les réponses des enquêtés.

Pour d'autres comportements, la dimension du risque peut même n'avoir, pour certains
enquêtés, qu'un rôle secondaire. Ainsi, la fraude (dépassement de la vitesse autorisée,
omission de la ceinture de sécurité - question R 13 -, le stationnement interdit - question R5)
peut être interprétée comme un comportement à risque ; mais elle sera pourtant rejetée par les
personnes qui aiment le risque mais ont un sens élevé du civisme ou de la morale.
Les préférences individuelles à l'égard du risque 95

2.2. Privilégier les aspirations exprimées ou les pratiques effectives ?

Dans le choix initial des questions, fallait-il accorder davantage de place à des
informations objectives, relatives aux pratiques observées, plutôt qu'aux informations plus
subjectives, décrivant les aspirations de l'enquêté ?

Un premier problème provient du fait que les comportements évoqués dans les questions
s'effectuent le plus souvent sous contraintes, si bien qu'ils ne peuvent véritablement révéler
les préférences de l'agent. Ainsi, ne pas pratiquer une activité risquée peut aussi bien
correspondre au choix libre d'un individu prudent, qu'à un choix forcé, sans signification
claire a priori : il faudrait au moins savoir si l'agent n'est pour rien dans les contraintes qui lui
sont imposées aujourd'hui, ou si elles résultent, au contraire, de ses décisions passées, plus ou
moins irréversibles.

Prenons le cas d'un entrepreneur, supposé donc exercer un métier risqué. Sa situation
professionnelle peut être le résultat de diverses histoires de vie. Si cette personne n'a pas
choisi son métier (obtenu par héritage, par exemple), l'item R24, qui cherche à savoir si les
considérations de risque ont été déterminantes dans le choix d'activité, ne renseigne guère sur
son attitude vis-à-vis de l'incertain. Si elle a choisi son métier en conséquence et n'a pas vu
ses goûts évoluer depuis, l'item révèle bien la nature de son attitude vis-à-vis du risque
aujourd'hui. Si la personne a choisi son métier mais est devenue plus prudente, la question
révèle seulement l'attitude à l'égard du risque dans le passé: il vaudrait donc mieux ne pas
l'inclure dans le score 1•

Soit à l'inverse une personne qui aurait aimé un emploi sûr de fonctionnaire mais a raté
les concours, et se retrouve alors dans un secteur professionnel moins protégé, sans l'avoir
véritablement désiré: si l'on confond aspirations et pratiques, on la jugera à tort plus
risquophile qu'elle ne l'est en réalité.

Pour atteindre les préférences, il faudrait pouvoir observer les comportements dans un
monde idéal, libéré de toute contrainte- ce que tentent précisément de faire, avec plus ou
moins de bonheur, les études expérimentales. De ce point de vue, les questions d'opinion ou
relatives aux projets et aux aspirations, critiquables sous d'autres aspects, apparaissent ici plus
pures, plus aisément interprétables que les informations sur les pratiques effectives, qui ne
sont jamais que les réalisations ex post de ces aspirations.

1
Mais même cette décision, qui requiert des informations très détaillées sur la trajectoire de l'enquêté, reste
contestable, dans la mesure où la variable à expliquer, soit le montant de l'accumulation patrimoniale, a la
dimension d'un stock et garde donc forcément une mémoire du passé.
96 Inégalités patrimoniales et choix individuels

2.3. Comment interpréter l'absence de pratique de certaines activités à risque?

Les problèmes posés par cette dialectique entre aspirations et réalisations prennent un
tour particulier dans de cas de la non-pratique, réponse relativement fréquente à certaines
questions, concernant notamment les consommations, loisirs ou activités sportives. À la
question (RI)- "essayez-vous de nouveaux plats au restaurant" -, certains enquêtés
répondent ainsi qu'ils n'y vont jamais. Comment coder cette modalité de réponse, i.e. quelle
règle générale d'interprétation adopter dans ce cas? Comme nous nous sommes limités à des
codages au plus trichotomiques (-1 ; 0; +1), il n'y a que deux options possibles: soit on
considère que la non-pratique relève d'autres déterminants et ne révèle rien en matière
d'attitude vis-à-vis du risque (codage= 0); soit on pense plutôt qu'elle est la conséquence
d'une certaine prudence qui décourage l'engagement dans cette activité (codage= +1 dans le
score de risquophobie).

Soit le fait de ne pas pratiquer de sports à risque (question RIO). S'il s'agit d'un choix
délibéré, l'interprétation en terme d'aversion au risque apparaît légitime. Mais une absence de
pratique due à une incapacité ou impossibilité physique ne renseigne en rien sur son attitude
vis-à-vis du risque- la personne pourrait désirer exercer de tels sports ou, tout aussi bien, en
avoir pratiqué certains dans le passé.

En l'absence de ces renseignements complémentaires, le codage effectué considère en


général que la non-pratique est un signe d'aversion au risque: le meilleur moyen de ne pas
avoir de mauvaise surprise serait d'éviter toute exposition- quand on ne va jamais au
restaurant (R /) ni au cinéma (R2), on ne risque pas d'être déçu par le plat ou le film choisi. On
notera que cette hypothèse revient à supposer, dans un cas particulier, que les expositions aux
différents risques sont plutôt endogènes ; compte tenu de la fréquence des cas de non-
pratique, elle n'est pas sans incidence sur la valeur du score 1•

2.4. Exposition au risque subie ou choisie ?

Justement, une des difficultés théoriques recensées plus haut concerne la gestion
simultanée de plusieurs risques, selon leur nature endogène ou exogène, et plus précisément
les interférences entre les risques pris ou subis dans un domaine (professionnel par exemple)
et les comportements ou préférences en matière de risque dans un autre (financier). On a alors
opposé deux situations polaires.

1
Les premiers tests de conventions alternatives montrent cependant que les résultats obtenus quant aux
déterminants et aux effets du score sur le patrimoine sont robustes. Plutôt que de devoir choisir entre les deux
options indiquées, une solution de compromis consisterait à augmenter le nombre de modalités dans le codage
effectué, limité à trois alors que les études psychométriques en retiennent souvent davantage (Spector, 1991):
avec quatre modalités, de -1 à +2 par exemple, il serait possible de classer la non-pratique dans une position
intermédiaire : 0 =position moyenne ; + 1 =non pratique ; +2 =plus risquophobe
Les préférences individuelles à l'égard du risque 97

Une exposition au risque exogène dans un domaine conduirait l'agent (tempérant) à se


protéger davantage dans ceux qu'il contrôle, à se monter plus prudent par ailleurs. Cette
logique de substitution des risques conduirait une personne en mauvaise santé à s'assurer, un
chômeur potentiel à privilégier les placements sûrs, une profession indépendante à renoncer
plus souvent aux sports risqués ou, dans la même veine, un ménage à l'offre de travail peu
flexible à moins tenter sa chance (Bodie et al., 1992). Au pire, elle conduirait à des mesures
de préférence à l'égard du risque établies domaine par domaine (ou même à un niveau plus
fin) qui seraient quasi indépendantes - voire même négativement corrélées.

Une exposition au risque choisie dans un domaine donné serait plutôt le signe d'un goût
pour le risque qui devrait se manifester également, peu ou prou, dans d'autres situations.
Selon cette logique de diversification élargie des risques, rien n'empêcherait l'entrepreneur
précédent, s'il a choisi librement un métier qui comporte certains aléas, d'avoir également
d'autres pratiques risquées, en matière de loisirs comme de choix de portefeuille (Drèze et
Modigliani, 1966). Poussée à la limite, cette logique impliquerait au contraire une parfaite
corrélation entre les indicateurs de risquophobie mesurés domaine par domaine.

Comme dans le cas de la non-pratique, les informations fournies par notre questionnaire
ne permettant pas de trancher en faveur de l'une ou de l'autre configuration. Conformément à
la décision que nous avions prise de construire au départ un score unique, qui constituerait un
trait de la personnalité de l'individu, nous avons opté dans une large mesure pour la seconde
logique : notre codification classe en général comme moins risquophobe ou risquophile un
individu qui indique être fortement exposé à un risque donné, ce qui revient à faire
l'hypothèse que, dans la plupart des cas envisagés, les contraintes ne sont pas suffisamment
fortes pour le conduire à accepter une situation non désirée.

2.5. Hétérogénéité et biais de perception des risques


De nombreux travaux empiriques montrent que les réactions face aux risques encourus
varient sensiblement selon la taille des enjeux. Or certaines de nos questions sont relatives à
de petits risques et d'autres à des aléas importants. Cette hétérogénéité des risques auxquels
on confronte l'enquêté au cours du questionnaire amène encore une fois à s'interroger sur la
pertinence et la cohérence du score global qui lui est affecté, agrégeant choix anecdotiques et
décisions d'importance - toutes questions considérées pourtant sur le même plan dans la
construction de l'indicateur. Le fait que le score ne soit qu'une mesure relative réduit
sensiblement la portée de cette objection : on suppose seulement qu'un individu qui prend
moins de risque qu'un autre lorsque les enjeux sont modestes, se comporte de même lorsque
les enjeux deviennent importants.
98 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Toutefois, pour que la comparaison entre individus ne soit pas biaisée, il importe qu'une
même question les confronte tous à un risque d'importance similaire. Or cette condition n'est
qu'imparfaitement assurée pour la plupart des items. La vraie difficulté tient à cette
hétérogénéité des risques encourus d'un individu à l'autre, non pour un même enquêté.

Reprenons l'exemple d'une pratique de sports dangereux (question RIO), impliquant


notamment un risque d'immobilisation en cas d'accident. Le risque professionnel attaché à
cette immobilisation éventuelle, qui empêche de travailler pendant une période donnée, varie
cependant beaucoup d'un agent à l'autre. Pour un fonctionnaire, le seul inconvénient
concerne, dans la majorité des cas, le désagrément de l'immobilisation. Mais pour un
indépendant ou certains autres salariés, d'autres aléas interviennent, faillite de l'entreprise ou
perte d'emploi: globalement, la prise de risque serait donc plus élevée. Le score pourrait ainsi
sous-estimer le goût pour le risque des individus exposés à des conséquences particulièrement
dramatiques. Ce biais apparaît difficilement évitable, sauf à personnaliser le questionnaire à
l'extrême.

Mais l'hétérogénéité des risques d'un individu à l'autre pourrait encore avoir une autre
source, purement subjective cette fois, liée aux anticipations hétérogènes des agents (Viscusi,
1998). Certains auraient tendance à surestimer les risques auxquels il sont confrontés,
d'autres à les sous-estimer- plus généralement, certains pensent qu'ils attirent toujours les
problèmes, d'autres qu'ils sont systématiquement épargnés. Or les développements théoriques
récents considèrent ces attitudes pessimistes ou optimistes comme partie prenante des
préférences à l'égard du risque ou de l'incertain, et nous avons essayé d'en tenir compte dans
le questionnaire 1•

1
La question R55 aborde directement ce point: 42% des individus déclarent "qu'ils ont souvent de la chance
dans la vie" alors que 25% disent d'eux-mêmes "qu'ils ne sont pas vernis" (cf tableau 5.1).
Chapitre 5

Le score des préférences à l'égard du



risque

otre méthode pour mesurer les attitudes vis-à-vis du risque prend finalement le
N contre-pied de l'étude de Barsky et al. (1997), qui constitue la référence
méthodologique dans la littérature empirique récente.

Barsky et al. ( 1997) proposent une mesure cardinale de l'aversion relative pour le risque
stricto sensu, en confrontant les individus à des choix entre un montant de revenu certain et
des loteries d'espérance de gain supérieure' ; sous certaines hypothèses, la question posée
identifie bien le paramètre de préférence recherché en éliminant, a priori, les effets de
contexte, mais présente à l'évidence un caractère très artificiel. Enfin, parce qu'ils tablent sur
une certaine homogénéité des comportements face à l'incertain, ces auteurs suggèrent que leur
indicateur, bien que partiel et limité au seul domaine professionnel, peut s'avérer pertinent
pour expliquer nombre de comportements, en matière de santé (fumer, boire) comme de
placements risqués.

Par rapport à cette mesure, notre approche ne vise qu'à classer les individus selon une
mesure purement ordinale de leurs préférences face à l'incertain, sans trop savoir ce que
représente exactement cet indicateur correspondant à ce que nous appellerons, faute d'un
meilleur terme, l'attitude à l'égard du risque : l'idée est qu'un individu plus averse qu'un autre
sera également plus prudent, et de même plus averse à la perte. Parallèlement, elle considère
qu'il n'est guère possible de formuler des questions pertinentes qui permettent d'éliminer les
effets de contexte, et cherche à éviter les situations trop abstraites. Enfin, elle écarte en
principe les mesures trop partielles -limitées à un type de choix, à un seul domaine de
l'existence- au profit d'une vision globale des comportements de l'agent face à l'incertain, à

1
Voir le questionnaire recto-verso décrit et reproduit dans l'annexe A.
100 Inégalités patrimoniales et choix individuels

tout le moins lorsqu'il s'agit d'expliquer un phénomène comme 1'accumulation patrimoniale,


qui résulte de décisions en environnement risqué dans de multiples champs (choix de carrière,
décision matrimoniale, projet d'enfants, investissements dans la santé, comportements
financiers, arbitrage en matière de retraite).

C'est pourquoi nous avons au contraire multiplié les questions concrètes ou réalistes, de
différente nature (opinions, intentions ou pratiques effectives, choix anecdotiques ou vitaux),
et qui couvrent un large éventail de domaines (consommation ou loisirs, santé, métier, gestion
financière, famille, retraite) : le questionnaire méthodologique, reproduit intégralement dans
l'annexe A, comporte ainsi plus de 80 questions dont 56 (notées RI, R2 ... ) ont été affectées,
par décision a priori, à l'évaluation des préférences à l'égard du risque. On construit alors un
score global, indicateur supposé représentatif de l'ensemble des réponses apportées par
l'enquêté : si les questions sélectionnées comportent bien une dimension commune relative
aux préférences à l'égard du risque, la mesure agrégée devrait capter cette dimension en
éliminant ou minorant les effets de contexte ou perturbateurs comme autant "d'erreurs de
mesure" (cf Spector, 1991) 1•

La méthode de construction de ce score global décrite dans la première section procède


comme suit. Chaque question, R 1, R2 ... est codée le plus souvent en trois modalités (-1 ; 0 ;
+1), du moins au plus "risquophobe", comme l'indique le tableau 5.1. La valeur initiale du
score est la somme des "notes" ainsi obtenues par l'enquêté. On élimine ensuite les questions
trop peu corrélées avec l'ensemble des autres, i.e. avec le score recalculé sans chacune d'elles.
Le score final ne concerne que les questions finalement retenues. On dispose encore d'un
indicateur, le coefficient alpha de Cronbach, pour mesurer son degré de cohérence interne,
i.e. jusqu'à quel point les questions retenues comportent bien une dimension commune (cf
infra).

Au-delà de la technique statistique, l'enjeu apparaît clairement. On construit au départ un


seul indicateur des préférences à l'égard du risque, qui permettrait de qualifier les enquêtés de
manière globale- et seulement les uns par rapport aux autres: l'hypothèse provisoirement
émise est que la diversité des comportements d'un même individu face à l'incertain ne serait
pas telle qu'elle ôte toute pertinence à ce score unique. Mais on laisse ensuite aux données le
soin de trancher, i.e. de juger ex post du bien fondé de l'hypothèse. Si trop de questions
s'avèrent insuffisamment corrélées avec les autres et doivent être éliminées, on doit
s'interroger sur la fiabilité et la pertinence mêmes du questionnaire. Si le score final retient la
plupart des questions mais présente une cohérence interne limitée, on peut chercher à

1
Le lecteur trouvera dans le chapitre 2 une présentation plus formalisée des modèles de comportement en
incertain et une justification plus rigoureuse de l'approche empirique suivie.
Le score des préférences à l'égard du risque 101

construire plusieurs "sous-scores" plus cohérents, en groupant les questions par domaine,
selon la taille des enjeux (petits ou gros risques), ou encore en distinguant les choix
anecdotiques et de longue portée. Enfin, si le score final inclue la plupart des questions et
présente d'emblée un degré de cohérence élevée- qu'aucune décomposition en divers sous-
scores ne parvient, en outre, à améliorer-, l'hypothèse de départ peut être conservée :
l'analyse statistique décrite dans la seconde section montrera qu'il en est bien ainsi.

L'analyse en composantes principales que nous présentons dans la troisième section est
une autre manière de mesurer la proximité (par projection) entre le score et les items entrant
dans sa construction. La signification des axes de projection permettra aussi de mettre à jour
les différentes dimensions de cette mesure.

1. MÉTHODE DE SCORING: À LA RECHERCHE D'INDICATEURS ORDINAUX


ET SYNTHÉTIQUES

L'interprétation des réponses aux questions de l'enquête méthodologique censées


concerner le risque ou l'incertain peut se heurter à un double problème:

- la variabilité potentielle des réponses d'un même sujet qui apparaîtrait, d'un domaine de
la vie à l'autre, tantôt plus risquophile, tantôt plus risquophobe que la moyenne des enquêtés
(ce qui compliquerait l'élaboration d'un score global, fût-il seulement relatif);

- la délimitation du champ même des questions qui relèvent, directement ou


indirectement, du risque ou de l'incertain.

En effet, les questions de l'enquête méthodologique que nous avons retenues sous le label
R- voir le questionnaire reproduit dans l'annexe A- sont toutes supposées mesurer une prise
de risque mais autorisent souvent d'autres interprétations. Ainsi le fait de ne pas conduire plus
vite que la vitesse autorisée peut être le fait d'un individu aimant le risque, mais adepte d'un
comportement civique. De même, une cohabitation préalable au mariage peut ne pas
correspondre à la morale d'un sujet autrement prudent.

Supposons cependant que la plupart des items sélectionnés présentent une dimension
semblable, qui soit effectivement liée aux comportements face au risque. Il est alors possible
de construire un indicateur synthétique, qui résume de manière cohérente cette information
commune tout en éliminant les autres aspects de chaque question, assimilés à des "erreurs" de
mesure. L'élaboration de cet indicateur utilise une méthode de "scoring", plus usuelle chez les
psychométriciens que chez les économistes (cf Spector, 1991): sur le tableau 5.1, les
réponses des individus aux questions présumées être liées aux attitudes vis-à-vis du risque ont
été codées sous forme dichotomique ou, le plus souvent, trichotomique : + 1 = risquophobe ;
102 Inégalités patrimoniales et choix individuels

0 = "neutre" (i. e. position moyenne) ; -1 = "risquophile" (i. e. moins risquophobe). Le score


correspond alors à la "note" obtenues aux différentes questions.

D'un point de vue méthodologique, cette sommation ne peut se justifier que si les items
retenus mesurent effectivement (en partie) la même chose. Or si tel est le cas, les réponses
fournies par les individus devraient être suffisamment corrélées les unes aux autres. Le
problème concerne ainsi la cohérence interne du score, qui peut se mesurer à partir du
coefficient alpha de Cronbach. Ce coefficient, utilisé surtout en psychométrie, s'exprime
comme suit (cf Spector, 1991):

où k est le nombre d'items composant le score, a est la variance totale du score et a; la


2

variance de l'item i.

Le coefficient a s'annule pour des items indépendants, atteint l'unité, valeur maximale, si
toutes les questions sont parfaitement corrélées positivement ; il peut prendre des valeurs
négatives si les scores partiels sont corrélés négativement. Plus généralement, sa valeur
augmente, séparément, avec le nombre d'items k et la covariance des réponses aux différentes
questions : on a donc intérêt à retirer les items les moins bien corrélés avec les autres- pour
augmenter la covariance - mais jusqu'à un certain point seulement puisque l'on diminue
simultanément le nombre items k et donc la valeur du coefficient. Une valeur de l'alpha de
Cronbach inférieure à 0,40 est habituellement considérée comme insuffisante ; pour être jugé
pleinement satisfaisant, le coefficient doit dépasser 0,70 (cf Nunnally, 1978).

2. UN SCORE DE RISQUE UNIQUE

Les questions retenues dans la construction du score d'attitude vis-à-vis du risque, ainsi
que celles qui ont été éliminées, sont présentées dans le tableau 5.1. Y figurent également: le
codage adopté et la répartition des ménages selon les deux ou trois modalités de réponse ainsi
distinguées ; le rang de corrélation de chaque item avec le score recalculé sans cette question.
L'objet de cette partie est de présenter les propriétés générales de cette mesure et d'en vérifier
la pertinence et la cohérence interne.

2.1. Les contributions des questions au score

Pour construire notre score nous avons, dans un premier temps, introduit toutes les
questions (56) qui étaient susceptibles de traduire un comportement vis-à-vis du risque (cf
Le score des préférences à l'égard du risque 103

tableau 5.1 ) 1• Ce score a été calculé, séparément, pour les moins de 40 ans et pour les plus de
40 ans. On n'a retenu que les corrélations positives, supérieures au moins à 5% dans l'une au
moins des deux sous-populations. Deux questions ont été éliminées. L'item R/9 présentait
une corrélation trop faible quelle que soit la classe d'âge avec le score calculé sans cet item
(0,2%) ; l'item R40 était lui corrélé négativement (-6% )2• À titre indicatif, le coefficient de
corrélation avec le score de la question R5, la plus contributive, est de 0,29; celui de l'item
(retenu) le moins contributif (RB), de 0,01 sur la population totale (mais de 0,05 pour les 40
ans ou moins).

De manière un peu inattendue, la question la plus corrélée avec le score est l'item R5 qui
concerne le fait de garer ou non sa voiture en infraction (37,4% ne le font jamais, 41,2% le
font parfois, 21.4% =sans objet). Vient ensuite le fait de considérer que "le mariage est une
assurance" (RJB: 14,5% pensent que oui, 37,8% le contraire, les autres ont un avis plus
nuancé). Arriver à l'avance pour prendre le train ou l'avion (R52) est aussi un item bien
corrélé avec le score (39,0 % arrive bien à l'avance, 11,2 % au dernier moment). Les autres
questions les plus contributives concernent le fait de prendre ses précautions lorsque le temps
risque d'être mauvais (R53) ; le désir d'inciter ses enfants jeunes à prendre des risques ou
inversement à la prudence (R50: 6% incitent à prendre des risques ... ) ou encore la pratique
de sports risqués (R 10 : 18,9 % sont de tels sportifs ... ).

Inversement, les items retenus les moins bien corrélés au score sont : RB qui concerne le
suivi de la mode vestimentaire ; R 17 qui s'intéresse à la sensibilité aux débats de santé
( 17,9% ne se sentent pas concernés) ; R24 qui est relatif au choix du métier (5,9 % ont
renoncé au métier choisi à cause du risque, 2,8 % ont choisi le job le plus risqué) ; R32 qui a
trait à la recherche d'information en matière patrimoniale (23,0 % ne demandent pas conseil,
16,7% recherchent des avis) ; R45 qui concerne la fréquentation prénuptiale; R56 qui
s'intéresse à la consultation de l'horoscope ou chez les voyantes (9,7 % lisent leur horoscope
ou consultent une voyante avant toute décision importante), etc.

La question la plus proche des expériences de laboratoire, qui consiste à faire jouer les
individus à une loterie (R2B), ne se place qu'en 48e position sur 54 (31 ,4 % des individus
refusent de participer à une loterie dont l'espérance de gain est de 1000 pour un prix de 500).
Ceci est déjà le signe que notre score sera assez peu corrélé avec les mesures expérimentales
établies à partir de quelques jeux de loteries, à l'instar de la mesure de l'aversion relative pour
le risque proposée par Barsky et al. ( 1997).

1
La dernière question est notée R57, mais les aléas du codage nous ont amener à noter une question R/5-16 ...
La construction du score est explicitée en détail dans Arrondel et al. (2002).
2 À titre de comparaison, un test comparable a conduit à écarter 9 questions sur 34 dans le cas de la préférence
pour le présent (cf tableau 8.1), paramètre de préférence certes plus difficile à cerner.
.......
~
'T.I--3
~ Ill
Risquophile Risquophobe .o'S!:
Rang dans Neutre c 0
Nature de l'indicateur (1) Quest. (%) (%)
le score (%) 0 Ill
(-) (+) 1
::s c
(')
1 YI
0
Consommation/loisirs/voyages
~
rJJ
RI: Essaie souvent de nouveaux plats au restaurant (oui = -1; non = + 1; autre = 0) 1-QI 42 38,3 25,1 36,6 ..,o,
'"0
R2: Va souvent au spectacle au hasard (oui = -1; non = + 1 ; autre = 0) I-Q2 30 2,0 41,8 56,2 0
::s
rJJ
0
I-Q3 40 53,6 38,1 8,3 rJJ
R3: Voyage de loisir pour découvrir de nouveaux lieux (oui = -1 ; non = + 1 ; autre = 0)
~
21,0 74,9 4,1 (')
R4: Souscrit une assurance annulation pour un voyage (non = -1 ; oui = + 1; autre = 0) I-Q4 46
0
::s
rJJ
R5: Gare son véhicule en état d'infraction (oui= -1; non=+ 1; autre= 0) I-Q5 1 41,2 37,4 21,4

R6: A modifié ses habitudes de déplacement suite aux attentats (oui = + 1; non = 0) I-Q7 43 95,8 4,2
2
(')


R7: A modifié ses habitudes alimentaires suite à la crise de la« vache folle » (a augmenté la ::s
I-Q8 26 0,6 28,3 71,1 o.
consommation de boeuf= -1 ; a réduit la consommation de bœuf/viande = + 1 ; autre = 0) c
rJJ
(')
R8: Suit la mode vestimentaire (oui=+ 1; la précède ou innove= -1; autre= 0) I-Q12 54 2,6 16,5 80,9 0
;::-
1

I-Q15 45 29,6 4,8 65,6 1


ca ~'
R9: Recherche des conseils avant de prendre des décisions (non = -1; oui = + 1; autre = 0) o. \::l
0 :::;.·
-
Santé/risque de vie /espérance de vie ::::!. ~'
rJJ
.0 "tl
RIO: Pratique de sports à risque (oui = -1 ; non = + 1 ; autre = 0) 11-Ql 6 18,9 64,7 16,4 c \::l
0 ~
II-Q2 29 43,7 56,3 '"0
Rll: Visites préventives chez le médecin/dentiste (oui = + 1; non = 0) :r §'
g. 0
R12: Vaccinations non obligatoires (non = -1 ; oui= + 1 ; autre = 0) II-Q5 27 40,4 28,1 31,5 ;:s
o;· Eï
R13: Met sa ceinture de sécurité, respecte la vitesse autorisée (non= -1; oui=+ 1; autre= 0) II-Q6 14 4,7 17,3 78,0 ~
<;.,

R14: Désir de se priver pour vivre plus longtemps (non= -1; oui=+ 1; autre= 0) II-Q7 15 26,7 12,5 60,8 ~
(")
;:s.
R15-16: Souci du maintien de la forme (non = -1; oui=+ 1; autre= 0) II-Q8 28 15,6 8,7 75,7 0
>:;•
Rl7: Sensibilité aux débats de santé contemporains 17,9 82,1

11-Qll 52
(non, et n'a pas changé de comportement à risque = -1 ; autre = 0) ~
'<:::
R18: Sensibilité aux problèmes de financement du système de santé (oui, et a changé de 12,5 53,6 ~
II-Q12 41 33,9 ~
comportement = + 1; non = -1; autre = 0) 1 c;;-
'----------- - - -
~
,..,
("J
c:.
~
(':>

Travail 1 revenu 1 carrière professionnelle


~
,..,
""='
~

Rl9: Exerce un métier à risques (oui= -1; non= 0) :Non·retenu 37,1 62,9 ~
(';:),
~
(':>
R20: Recherche dans un métier, la nouveauté, la responsabilité (oui= -1; autre= 0) 111-Q2
~*·~ 16 17,4 82,6 :::
("J
(':>
,..,
R21: A pris des risques dans son comportement professionnel (oui= -1; non= 0) 111-QJA 39 46,3 53,7 l::l-
-.
R22: A par ses loisirs pris des risques pour sa carrière(oui = -1: non= 0) 111-QJB 25 8,1 91,9 ~~
l::l
~

R23: Changements d'emploi ou professionnels risqués (oui= -1; non= 0) 111-QJC 23 24,7 75,3 l::l..
§-
R24: Sensible aux aspects « risque » dans le choix du métier (oui, a choisi le métier le plus ~
111-Q4 49 2,8 5,9 91,3 c::;·
risqué = -1 ; oui. a renoncé à un métier risqué ou choisi le moins risqué = + 1 ; autre - 0) ..t:l
:;::
(':>
R25: Exerce des responsabilités (oui, et délègue o·. -1; oui, ne délègue pas= t 1; autre ~ 0) 111-QS 36 22,7 44,3 33,0

R26: A par prudence manqué des opportunités professionnelles (oui= + 1 ; non 0) 111-Q6 44 72,3 27,7

R27: Conseille aux proches de prendre des risques professionnels


111-Q7 8 13,8 10,1 76,1
(oui = -1: non = + 1 ; autre= 0)

Placement, gestion de l'argent

R28: Achète 500 F. le billet de loterie d'espérance 1000 F. (non, trop risqué = -t 1: autre = 0) IV-QI 48 68,6 31,4

R29: Assurance des biens contre les catastrophes naturelles (oui = + 1 : non = Oi IV-Q2 13 29,6 70,4

R30: Assuré au delà du minimum obligatoire (oui = + 1; non = 0) IV-Q3 35 44,5 55,5

R31: «Être propriétaire, c'est avoir l'assurance d'avoir toujours un toit au-dessus de sa tête»
IV-Q4 7 4,9 51,6 43,5
(non= -1: oui=+/: autre= 0)

R32: S'informe avant des choix de gestion de patrimoine (non = -1: oui= + 1: autre = 0) IV-QS 53 23,0 16,7 60,3

0
VI
0
0\
'"Ij-l
""1 ~
(lh cr'
..o-
c~ ~
Risquophobe Neutre ~
Nature de l'indicateur l Quest. l Rang dans Risquophile ::l c
le score (-) (+) (%) () Vl
~;......
o,.,-..,.
Retraite ~ rJl
CJJ'--'
""1
R33: Préoccupé par le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui = + 1; non = 0) V-Q2A Il 56,5 43,5 ~'
"0
0
R34: Epargne contre le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui = + 1; non = 0) V-Q2C 17 74,6 25,4 ::l
rJl
~
rJl
R35: Préfèrerait des cotisations retraite allégées et une retraite "réduite"
V-Q4 24 1,9 27,2 70,9 ~
(oui, sans épargne supplémentaire= -1: non, trop risqué=+ 1; autre= 0) ()
0
R36: Préfèrerait un retrait précoce du marché du travail contre une pension réduite après 60 ans ::l
V-Q5 20 2,1 97,9 rJl
(oui, sans épargne supplémentaire= -1: autre= 0)
R37: Préfèrerait une retraite accrue jusqu'à 85 ans (75 ans), diminuée après
a
$l
V-Q6 33 6,9 93,1 a·
(oui, sans épargne supplémentaire= -1; autre= 0) ::l
0..
Famille/Transferts intergénérationnels c
rJl
() ;;:-
0
R38: «Le mariage est une assurance» (non = -1 ; oui= + 1 ; autre= 0) VI-QlA 2 37,8 14,5 47,7 (il ~'
0..
R39: «Choisir un conjoint comporte des risques» (non = -1; oui= + 1 ; autre= 0) VI-QlA 47 13,1 32,6 54,3 ~ ~
::l. ~'
R40: «Ün ne peut s'engager sans essai préalable dans un contrat comme le mariage>> rJl "'\::l
19,0 31,4 49,6 ..0 ~
(non= -1; oui= +1: autre= 0) c ~
0
R41: «Avoir des enfants est une assurance pour les vieux jours» "0 §'
VI-QlA 21 74,6 25,4 :::::>' <:::>
(non= -1; oui= +1; autre= 0) 0 ;:s
cr'
(D' iS'
R42: «Décider d'avoir des enfants, c'est prendre un risque» (non = -1 ; oui= + 1 ; autre = 0) VI-QlA 34 21,0 28,4 50,6 ~
v,

~
R43: «Décider d'avoir des enfants, c'est s'engager pour la vie» (non= -1 ; oui= 0) VI-QlA 37 8,6 91,4 r')
;::s-
<:::>
R44: Le mariage est un contrat de long terme « pour le meilleur et pour le pire » ~·
VI-QlB 9 10,5 52,6 36,9
(non= -1; oui=+/; autre= 0)

R45: Fréquentation avant vie en couple e.:
VI-Q2A 50 32,3 25,0 42,7 ~
= -1 ; vlus de 2 ans = + 1 ; autre= 0)
~
~
1:;-
R46: Comportement ancré dans la tradition - choix du conjoint dans le même milieu et/ou choix VI-Q2B
12 40,9 59,1 - ~
du prénom selon tradition familiale ou religieuse (oui = + 1: autre = 0) VI-Q6A c;.,

R47: Désire protéger financièrement son conjoint en cas de disparition (non= -1: oui.~ 0) VI-Q4 32 13,5 86,5 ~
R48: Choix d'un prénom original, sans référence familiale ou religieuse (oui= -1: non= + 1: ~
c;.,
VI-Q6 31 15,1 46,5 38,4
autre= 0) "'::l
.,
R49: Surveille constamment ses enfants (non = -1 :oui= + 1 :autre= 0) VI-Q7A 18 15,7 24,7 59,6 ~
~'
~
;::
RSO: Inciterait ses enfants à prendre des risques (oui. tout à fait= -1 :non= + 1 :autre= 0) VI-Q7C 5 6,0 37,3 56,7
R
c;.,
!::),
Autres
~-:
-
RSI: Prend ses billets à l'avance (non = -1 : bien à l'avance= + 1 : un peu à l'avance = 0) VII-QI A 10 16,3 32,2 51,5 !:::!
~
R52: Arrive à l'avance pour le train ou l'avion (non= -1: bien à l'avance=+ 1: un peu à
VII-QIB 3 Il ,2 39,0 49,8 §-
l'avance = 0)
::::!,
c;.,
R53: Précaution contre une météo incertaine (non = -1: oui = 0) VII-Q2 4 37,4 62,6 - ~
:;;:
('1)
R54: Modifie ses projets de sortie quand le temps est incertain
VII-Q3 22 12,5 19,8 67,7
(non= -1: renonce= +1: autre= 0)
R55: Estime qu'il a de la chance dans la vie(=-!) ou inversement, qu'il n'est pas verni (= + /).
VII-QS 38 41,9 24,6 33,5
(Autre=O)
R56: Consulte son horoscope, une voyante en cas de décision importante (non = 0; oui = + 1) VII-Q7 50 90,3 9,7
R57: A peur de manquer dans l'avenir (non, pas du tout= -1: oui, tout à .fait= + 1: autre= 0) VII-Q8 19 32,8 10,1 57,1

Nombre d'observations 1 135

Notes: 1. Dans la recension du codage, pour fàire court. "autre" désigne (outre les non concernés et les non réponses) les positions intermédiaires entre un "oui"
(accord) et un "non" (refus) plus ou moins affirmés: pour plus de détails. cf Arrondel et al. (2002).
2. R29 n'a été introduit que pour les individus de plus 40 ans.
Lecture du tableau :
Question R50 la 5ème la plus contributive du score correspond à la question VI-Q7C: "du genre inciter ses enfants à prendre des risques"
Oui = "oui. tout à .fait" concerne 6 %de l'échantillon, contribution au score -1 (risquophile)
Non = "non, je les inciterais à la prudence" concerne 3 7,3 % de l'échantillon, contribution au score + 1 (risquophobe)

Autre = "oui, mais seulement des risques limités" concerne 56,7 % de l'échantillon. contribution au score 0 (neutre) 0-.J
Source: enquête Patrimoine 1998, insee-Delta.
108 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Un score cohérent, représentatif de la richesse des comportements face à l'incertain

Un premier jugement de la qualité de notre mesure s'appuiera sur trois critères :

- une dispersion minimale : une variance trop limitée, outre qu'elle est peu réaliste, ne
permet pas de relier les disparités de patrimoine à l'hétérogénéité individuelle des
préférences ;

-le degré de cohérence interne: l'indicateur ne présente-t-il pas un caractère trop


composite, qui justifierait sa décomposition en plusieurs composantes?

-la représentativité de la richesse des comportements d'un agent face à l'incertain.

Théoriquement, avec le codage adopté pour les 54 items sélectionnés, le score maximal
que peut obtenir un individu risquophobe (de plus de 40 ans) est de+ 45 et le score minimal
d'un individu risquophile est de - 46. Dans notre échantillon, les valeurs du score s'étagent
entre- 22 et+ 27 1•

L'histogramme du score est présenté sur le graphique 5.1. La moyenne de la distribution


est de 4,2; le premier quartile vaut 0 -les 24,6% les plus risquophiles ont un score inférieur
ou égal à 0- et le dernier vaut 9 -les 22,3% les plus risquophobes ont un score supérieur ou
égal à 9. L'hétérogénéité des préférences individuelles mesurées est donc importante.

Le coefficient alpha de Cronbach présenté dans la section précédente, permet de mesurer


le degré de cohérence interne de notre score pour les 54 questions finalement retenues. La
valeur obtenue pour l'échantillon global, égale à 0,65 (cf. tableau 5.2), dénote un score
raisonnablement homogène. Le résultat peut être considéré comme tout à fait acceptable
suivant les critères donnés plus haut, compte tenu d'un nombre de modalités de réponse par
question au plus égal à 3 : une seule mesure ordinale rendrait assez bien compte des réponses
de chaque individu à une grande variété de questions. 2

1
L'individu que nous jugeons le plus risquophile (score de - 22) est jeune (28 ans), a son Bac et exerce la
profession d'employé administratif (comme son père) ; il vit en couple, n'a pas d'enfant, a une conjointe qui
travaille, perçoit un salaire peu élevé (90 000 francs). Cet individu se positionne également au maximum des
échelles subjectives (10 =le plus aventureux) et ceci quel que soit le domaine envisagé. À l'inverse, l'individu
le plus risquophobe d'après notre mesure (score de + 27) est âgé (74 ans), détient un Bac, était cadre dans la
fonction publique (son père était également cadre) ; il est marié avec un enfant ; sa femme travaille et le couple
perçoit un revenu relativement élevé (265 000 francs). De manière cohérente, cet individu se positionnait très
bas sur les échelles de risque dans les différents domaines (0 ou 1).
2
Tout progrès important dans l'élaboration de cet indicateur ne pourrait en fait provenir que du processus de
sélection des questions introduites dans le score, ou encore d'un codage de ces questions plus étendu : une
première tentative de passage de trois à cinq modalités, qui permet de distinguer les attitudes très risquées ou
de réserver une modalité à part pour l'absence de pratiques à risque, ne modifie cependant pas la substance des
résultats obtenus.
Le score des préférences à l'égard du risque 109

Graphique 5.1 :
Histogramme du score de risque

,.-.,
Risquophobie
~
s:::
.s ...
~
-; 5
o.
0
o.
~
(!)
"0
s:::
0
·g
.J:i
-~
â

-22-20-18-16-13 -Il -9 -7 -5 -3 -1 1 3 5 7 9 Il 13 15 17 19 21 23 25 27
Score d'attitude vis-à-vis du risque
(-: risquophilie; +: risquophobie)

Source : enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

Tableau 5.2
Propriétés statistiques du score de risque

Alpha de Cronbach Items


retenus/Items
Population totale Moins de 40 ans Au moins 40 ans initiaux

0,65 0,62 0,62 54156

Lecture : le score d'attitude vis-à-vis du risque retient finalement 54 questions sur les 56 initialement posées.
Une question a été éliminée pour corrélation négative avec les autres questions, l'autre pour co"é/ation trop
faible. L'indice de cohérence du score final mesuré par l'alpha de Cronbach s'élève à 0, 65 sur la population
totale, 0,62 pour les moins de 40 ans et 0,62 pour les 40 ans ou plus
Source : enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

Cette conclusion est étayée par l'examen des corrélations entre le score global et les sous-
scores établis par domaine- consommations 1 loisirs (8 questions), santé (8), travail (9),
gestion financière (5), retraite (5), famille (13), "autres" (7). Ces dernières sont toutes, parfois
largement, supérieures à 0,5 ; en revanche, les corrélations entre sous-scores sont limitées, le
plus souvent inférieures ou égales à 0,2 (cf tableau 5.3). Autrement dit, une mesure partielle,
110 Inégalités patrimoniales et choix individuels

relative à un domaine, informe beaucoup moins sur l'ensemble des comportements de


l'individu à l'égard du risque qu'une mesure agrégée, relativement représentative'.
Tableau 5.3
Corrélations entre les scores domaine par domaine
Score Score
Score Score Score Score Score Score
con som- gestion
global travail santé famille retraite autre
mati on financière
Score global 1,00 0,56 0,48 0,44 0,56 0,68 0,49 0,56
Score
1,00 0,22 0,10 0,12 0,19 0,11 0,21
consommation
Score travail 1,00 0,03 0,08 0,20 0,14 0,22
Score gestion
1,00 0,21 0,23 0,23 0,11
financière
Score santé 1,00 0,22 0,25 0,21

Score famille 1,00 0,29 0,18

Score retraite 1,00 0,23

Score autre 1,00

Source : enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

3. UNE MESURE ALTERNATIVE : L'ANALYSE EN COMPOSANTES


PRINCIPALES
Pour juger de la robustesse de notre score, nous avons effectué une analyse en
composantes principales (ACP), plus familière aux économistes que le coefficient alpha de
Cronbach (cf supra). Menée sur les 56 questions initiales, telles qu'elles ont été codées dans
le tableau 5.1, cette analyse qui permet de juger des proximités entre les questions d'une autre
manière, confirme la pertinence du score.

3.1. Le cercle des corrélations


Les deux premiers axes expliquent seulement 11,2% (6,1 % + 5,1 %) de l'inertie du
nuage d'observations : c'est relativement peu, mais le résultat ne devrait pas surprendre si l'on
tient compte du fait que les questions sont dichotomiques ou trichotomiques. Le faible
pouvoir explicatif des deux premiers axes confirme, quoi qu'il en soit, les significations
plurielles des questions retenues pour le score.

1 Les corrélations de rang, s'agissant de variables discrètes, conduisent aux mêmes conclusions. Par ailleurs, les
corrélations entre les sous-scores et le reste du score (obtenu en écartant les questions du domaine concerné)
restent relativement élevées (supérieures à 0,35).
Le score des préférences à l'égard du risque 111

La projection de ces différentes questions dans le cercle des corrélations est représentée
sur le graphique 5.2. Si l'on projette, comme variable supplémentaire, le score que l'on a
classé en quartiles (SARI correspond aux individus les plus risquophobes, SAR4 aux plus
risquophiles) dans le cercle des corrélations défini par les deux premiers axes, les plus
prudents se situent dans le quart nord-est, les plus aventureux dans le quart sud-ouest. La
projection du score est cependant plus proche du premier que du second axe puisque la
bissectrice passe entre les points R29 et R46 (sur le graphique 5.2, l'échelle des abscisses est
en effet deux fois plus petite que celle des ordonnées).

La comparaison avec l'échelle globale de prise de risque, qui fait transition avec le
chapitre suivant, est ici particulièrement instructive. Cette mesure correspond au
positionnement déclaré par les enquêtés eux-mêmes entre 0 (prudent) et l 0 (aventureux), et
cela au niveau global, après qu'ils aient été invités à faire de même domaine par domaine: il
s'agit donc d'une sorte de moyenne des échelles locales- pour la consommation, la
santé ... -directement comparable au score par son caractère ordinal et synthétique. Si l'on
projette cette mesure (en quatre catégories : ECHLG 1 correspond au quartile des individus les
plus prudents, ECHLG4 aux plus aventureux) sur ce même graphique 5.2,, c'est seulement le
premier axe qui semble pertinent. De même, si l'on projette les échelles subjectives mesurées
dans les différents domaines, les plus prudents sont situés à gauche du premier axe, les plus
aventureux à droite.

Si l'on procède à la même analyse en projection sur les deuxième et troisième axes
(graphique non représenté), on constate que ce dernier (3,6% seulement de l'inertie
expliquée) n'apporte rien quant à la dimension du risque: le score est lié au second axe mais
pas au troisième ; l'échelle n'est pas plus corrélée avec le second qu'avec le troisième facteur
(elle se projette au centre du cercle des corrélations).

3.2. L'interprétation des axes


Sur le graphique 5.2 des deux premiers axes, les trois questions les plus corrélées avec le
score, soit R5 ("on ne stationne pas en zone interdite"), R38 ("on considère le mariage comme
une assurance") et R52 ("on arrive à l'avance pour les voyages"), sont bien éloignées du
centre du cercle de corrélation et sont des questions qui expliquent le premier axe (cf tableau
5.1). C'est aussi le cas des questions classées Y, 6e et ge: R50 ("on n'incite pas ses enfants à
prendre des risques"), RIO ("ne pratique pas des sports à risque"), R27 ("déconseille aux
proches de prendre des risques professionnels"). Ces items les plus caractéristiques du
premier axe font ainsi référence soit aux pratiques de tous les jours, soit aux décisions
familiales du ménage.
112 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Graphique 5.2 :

ACP de l'attitude à l'égard du risque (2 premiers axes)

Choix de long terme


0.5
Risqu/'Phobie
1
R1516 < > R34
0.4 > R30
R18 < > R47
> R11
> R12 > R46
0.3 R39 R9 > R29
"> R4 SAR1 _'f:Y
R32 2 R17 > R26 > R14 > R53 .(,/·
R36 < > R33
0.2 R43 < > R7 R31 <> R44. ·
R45 < > R42 > R35 > R51
> R19 R37 < > ~.4{)
::>·3AR2
x 0.1 > R6 R52
> R24 'v> R5
R13 R38
__;.....e.SHt,E.Kil.....,"'':'(:RLG2 R57 ' > R2 7
o. o +---------------=---::::...__--~-'-/_·-->-R25-'->-R49-Choix courants
./ > R56 ou familiaux
> R41
Echelle R54 2 R22
-0.1 R20 < > R10
> R28 > R50

-0.2
> R55 > R23
> R1 > R2

~·-i'-
-0.3
>J{;~4 > R3
> R21

Score
-0.4

-0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6

axe 1
Choix courants: on ne stationne pas en zone interdite; on préfère arriver à l'avance lors des voyages;
ou familiaux : on considère le mariage comme une assurance ; on surveille ses enfants et ne les incite pas ses
enfants à prendre des risques ; on déconseille aux proches de prendre des risques professionnels.
Choix de long terme: on épargne pour la (maison de) retraite; on est sensible à l'équilibre des dépenses de
santé; on se soucie de sa santé (alimentation, sport) ; on protège son conjoint en cas de disparition.
Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta
Le score des préférences à l'égard du risque 113

Ce sont les questions R/5-16 ("on se soucie du maintien de sa santé"), R34 ("on épargne
pour financer sa maison de retraite"), R30 ("on s'assure au-delà du minimum") R/8 ("on est
sensible à l'équilibre des dépenses de santé") et R47 ("on protège financièrement son conjoint
en cas de disparition") qui sont les plus caractéristiques du deuxième axe principal. Ces
questions n'étaient cependant pas les mieux classées dans le score (entre la 17e et la 41 c
place). Elles concernent plutôt les risques de long terme, qui concernent la retraite, la santé,
ou la protection du conjoint survivant.

Les items classés en 4e, 7e, et de ge à lle (R53, R31, R44, R51, R33) sont voisins de la
première bissectrice et donc de la projection du score. Les questions les plus proches du
centre du cercle de corrélation sont l'item R8 (54c et dernière position) et l'item R56 (resp. soc
position) et les questions éliminées du score (R/9 et R40). Méthode de scoring et ACP
aboutissent donc à des résultats convergents.

Finalement, il semble que l'information fournie par les deux premiers axes soit suffisante
pour caractériser les individus en matière d'attitudes vis-à-vis du risque, mais qu'elle ne peut,
en revanche, se résumer à une seule dimension. L'échelle, parce qu'elle est corrélée
uniquement avec le premier axe apparaît de ce fait un indicateur moins performant que le
score : lié aux deux facteurs principaux à la fois, ce dernier reproduit de manière fiable et
cohérente l'information commune contenue dans les questions de l'enquête.

3.3. L'analyse en composantes principales: bilan et enseignements


L'analyse en composantes principales des questions relatives à la prise de risque révèle
que le score est une combinaison des informations apportées par les deux premiers axes,
nettement plus explicatifs et beaucoup plus interprétables que les suivants: le premier traduit
surtout une faible prise de risque dans les décisions courantes (répugne à se stationner en zone
interdite, arrive à l'avance pour un voyage ... ), et les choix d'entrée en vie économique (métier
peu risqué) ou familiaux (pense que le mariage est une assurance, incite ses enfants à la
prudence ... ) ; le second représente davantage les risques personnels à plus long terme, relatifs
notamment à la survie (épargne pour éviter de finir dans une maison de retraite, est sensible à
l'équilibre des dépenses publiques de santé, a le souci de sa forme en surveillant son poids ou
son alimentation et en faisant du sport ... ).

Par contre, la projection de l'échelle (en quartiles) sur le plan des deux premiers axes de
l'ACP est unidimensionnelle, entièrement portée par le premier axe; celle du score, au
contraire, incorpore les dimensions des deux axes, clairement significatives des
114 Inégalités patrimoniales et choix individuels

comportements hétérogènes face à l'incertain, et s'étale beaucoup plus loin du centre des
corrélations 1•

Ainsi, l'ACP permet-elle déjà d'éclairer les causes du succès du score par rapport à
l'échelle globale, et justifie-t-elle, après-coup, la méthode d'évaluation des préférences à
l'égard du risque que nous avons suivie: si l'échelle était aussi performante que notre mesure,
point ne serait besoin de proposer un long questionnaire.

1
Par ailleurs, score et échelles, globale ou par domaine, ne sont pas corrélés avec le 3e axe.
Chapitre 6

Qui prend des risques ?

ans ce chapitre, nous comparons les performances du score unique et global,


D présenté dans le chapitre précédent, à celles d'autres indicateurs, qu'il s'agisse de
déterminer le profil-type de ceux qui prennent le plus de risque ou d'expliquer des
comportements risqués (loto, casino, machines à sous) et les choix patrimoniaux: la mesure
de 1'aversion relative proiX>sée par Bars ky et al. (1997), présentée dans les chapitres 4 et 5 ;
des échelles auto-déclarées, évoquées précédemment, l'enquêté étant invité en fin de
questionnaire (cf annexe A), lorsqu'il est le mieux disposé, à se positionner lui-même entre 0
("très prudent") et 10 ("très aventureux"), cela globalement et par domaine de la vie
(consommation, santé, métier, placements, famille).

1. L'ATTITUDE A L'ÉGARD DU RISQUE : COMPARAISONS DE TROIS TYPES


DEMESURE
Les problèmes théoriques et empiriques qu'a posés la construction, à partir des réponses à
56 questions, d'un score synthétique et unique incitent toutefois à comparer plus avant ce
dernier à d'autres mesures des attitudes à 1'égard du risque. Deux autres types d'indicateurs
ont déjà été évoqués : les premiers reposent sur le positionnement subjectif des individus sur
des échelles ordinales de risque, globalement et pour différents domaines de la vie ; le second
reprend l'expérience américaine de Barsky et al. ( 1997) où l'on fait "jouer" les individus sur
des contrats de travail concernant leur revenu permanent.

1.1. Les échelles subjectives sont-elles fortement corrélées avec le score?

À la fin du questionnaire, les individus étaient invités à se placer sur des échelles de prise
de risque allant de 0 à 10, globalement et selon différents domaines : consommation-loisirs,
santé, travail, placements, famille. Les histogrammes de ces échelles sont représentés,
respectivement sur les graphiques 6.1 et 6.2 (A à E). Pour une majorité d'entre elles, on
116 Inégalités patrimoniales et choix individuels

observe l'inconvénient habituel d'une focalisation trop forte des déclarations sur la valeur
moyenne 5 : le dernier quartile de l'échelle globale, par exemple, est égal à cette valeur.
Graphique 6.1
Histogramme de 1'échelle globale de risque
25
Risquophobie
,-._

cc:: 20
.9
Cil
3
o.. 15
0
o..
~
(!)
"0
c:: 10
.9
'5
~ 5
ô

0
0 4 10
Position donnée sur l'échelle
( -: prudent ; +: aventureux)

Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.


Tableau 6.1
A. Corrélations entre le score et les échelles de risque par domaine
Echelle Echelle
Score Echelle Echelle Echelle Echelle
consom- gestion
global globale travail santé famille
mation financière
Score global 1,00 0,44 0,41 0,33 0,34 0,33 0,25
Echelle globale 1,00 0,65 0,62 0,55 0,49 0,51
Echelle
1,00 0,43 0,39 0,36 0,38
consommation
Echelle travail 1,00 0,47 0,34 0,39
Echelle
1,00 0,36 0,41
gestion financière
Echelle santé 1,00 0,35
Echelle famille 1,00
Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

Les corrélations entre le score et les différentes échelles figurent dans le tableau 6.1A.
Celle entre le score et l'échelle globale s'établit à 0,44: les deux mesures vont bien dans le
même sens -l'échelle globale renvoyant de l'individu une image plutôt compatible avec ce
Qui prend des risques ? 117

qui se dégage des multiples petites touches produites par les questions de l'enquête- même si,
comme le suggérait l'ACP, elles sont loin de toujours s'accorder.

Le tableau 6.1B donne une idée de l'ampleur des écarts en s'intéressant aux quartiles
extrêmes des deux distributions: parmi les individus que nous classons comme le moins
risquophobes selon le score, 44,1 % (10,4 1 24,6) le sont également selon l'échelle, alors que
seulement 5,7 % (1 ,4 1 24,6) se rangent, à l'opposé, dans le quartile des plus risquophobes ;
inversement, au sein des plus risquophobes selon le score, 39,0% (8,7 1 22,3) se déclarent
également comme tels sur l'échelle, alors que seulement 7,1 o/c se voyaient plutôt à l'opposé
du spectre. Au total, seuls 3,0% des individus se situaient sur l'échelle "à l'opposé" de leur
score, livrant un autoportrait qui contredit fortement la description statistique.
Tableau 6.1
B. Distribution de la population selon le score et l'échelle globale de risque(%)

Echelle
Total
Aventureux "Neutre" Prudent

Aventureux 10,4 12,8 1,4 24,6

~ "Neutre" 34,2
c 7,0 11,9 53,1
l.l
C'-l

Prudent 1,6 12,0 8,7 22,3

Total 19,0 59,0 22,0 100,0

Note: Les catégories "Aventureux" et "Prudent" correspondent approximativement aux premier et quatrième
quartiles des distributions. la catégorie "Neutre" aux deux quartiles intermédiaires.
Source : enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.
Les histogrammes des échelles locales révèlent une certaine hétérogénéité des attitudes à
l'égard du risque jugées par les enquêtés eux-mêmes selon le domaine envisagé (graphiques
6.2A à 6.2E). La famille est le domaine dans lequel la majorité des individus pense prendre le
moins de risque' : 29,6% des individus se déclarent prudents dans ce domaine au niveau 0 ou
1, et près des deux tiers (64,9 %) se positionnent à un niveau inférieur à 4. Viennent ensuite le
domaine des placements ou du patrimoine (respectivement 26,7% et 62,4 %) et celui de la
santé (respectivement. 21,6% et 52,3 %). C'est en matière d'emploi ou de carrière (15,3% et
45,7 %) et surtout de consommation ou de loisirs (10,1% et 36,7 %) que les individus se
voient le plus aventureux.

1
Il est vrai que se déclarer prudent pour tout ce qui touche à sa famille pourrait révéler tout autant l'altruisme de
la personne pour ses proches ...
118 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Graphique 6.2

Histogramme des échelles locales de risque

A- Consommation 8- Famille

~
~
§25~.-------------­ c
-~ -~ 15
~20~---------------
~
8. 8.
..!:! 15 +--------- ~ 10
~

ro c
0
]
-~ 5 -~
ëi ëi
5
Position donnée sur l'échelle Position donnée sur l'é~.:helle
(-: prudent : +: aventureux) (-:prudent:+: aventureux)

C- Santé D - Patrimoiae

~
c
-~ 15 +---------
"3
~
..!:! 10
"c
""0
c
0 0

]
-~
5
~ 5

ëi ëi
4 5 6 7
Position donnée sur l'échellee Position donnée sur l'échellee
(-:prudent;+: aventureux) (-:prudent;+: aventureux)

E- Travail

~c ~0~~-----------
0
-~
"3 15 +---------
~
"'
~ 10
:::
0

]
-~
ëi

Position donnée sur l'échellec


(-:prudent:+: aventureux)

Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.


Qui prend des risques ? 119

Cette variabilité des réponses fournies par les enquêtés selon le domaine considéré
n'empêche pas que les échelles locales soient toutes bien corrélées avec l'échelle globale,
entre 0,49 pour la santé et 0,65 pour la consommation (tableau 6.1A) : les ordres de grandeur
sont tout à fait comparables à ce que l'on obtient entre score et sous-scores (tableau 5.3). Mais
les corrélations entre échelles locales sont sensiblement plus faibles, de 0,34 entre celles de la
santé et du travail à 0,47 entre celles du travail et du patrimoine, bien qu'elles demeurent
supérieures aux corrélations correspondantes obtenues entre sous-scores (sans doute parce que
les individus ont quelques difficultés à juger de l'hétérogénéité de leurs comportements face
au risque). Enfin, le tableau des corrélations 6.1 A montre que c'est bien l'échelle globale qui
se rapproche le plus du score (0,44); celle de consommation suit de près (0,41), alors que
celle concernant les risques familiaux est la moins corrélée au score (0,25) 1•

Ces résultats relatifs aux échelles auto-déclarées confirment la double leçon que nous
avons tirée précédemment de l'analyse du score et des sous-scores : d'un côté, une mesure de
préférence établie en auscultant les individus dans un seul domaine n'offre jamais qu'une vue
partielle de leurs attitudes à l'égard du risque ; mais de l'autre, ces positionnements ou
comportements variables ne révèlent pas une hétérogénéité d'une ampleur telle qu'elle
disqualifie le choix d'une mesure unique, sorte de moyenne des attitudes adoptées par l'agent
dans les différents domaines. Autrement dit, pour modérer leur exposition globale aux
multiples aléas de l'existence, les individus auraient, typiquement, davantage tendance à
limiter de manière équilibrée les risques pris dans chaque domaine, plutôt qu'à s'exposer dans
un ou deux domaines et à se protéger dans les autres.

1.2. Une mesure directe de l'aversion relative pour le risque

Un autre type d'indicateur des préférences à l'égard du risque, établi dans le seul domaine
professionnel, a été proposé par Barsky et al. ( 1997) sur le panel américain "Health and
Retirement Survey". En invitant les individus à choisir entre des loteries enchaînées qui ont
pour enjeu leur revenu permanent, on peut inférer de leurs réponses, sous certaines hypothèses
(maximisation de 1'espérance d'utilité, préférences temporellement additives et isoélastiques),
la valeur de leur aversion relative pour le risque- ou plutôt un intervalle de valeurs pour ce
paramètre r.
1
Avec des corrélations de rang, on montre dans Économie et Statistique (2004, p.71) que les conclusions sont les
mêmes, bien que les valeurs soient toutes plus faibles.
2
D'autres expériences, reposant sur le même principe, visent des mesures plus précises. Guiso et Paiella (2001),
par exemple, demandent aux individus combien ils sont prêts à investir au maximum sur un placement risqué
qui a une chance sur deux de rapporter 5 000 euros et une chance sur deux de ne rien rapporter. La réponse
~rmet, là encore sous certaines hypothèses théoriques, d'évaluer précisément leur aversion absolue pour le
nsque.
120 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Le protocole consiste à déterminer séquentiellement si l'enquêté serait prêt à renoncer à


son revenu actuel (supposé être le revenu sur le reste de sa vie) pour accepter d'autres
contrats, proposés sous forme de loteries: soit une chance sur deux de doubler son revenu, et
une chance sur deux de le voir diminuer d'un tiers (contrat A), de moitié (contrat B), et d'un
cinquième (contrat C)- C est donc plus avantageux que A qui est plus avantageux que B.
L'aversion relative pour le risque est inférieure à 1 si l'individu accepte successivement les
contrats A et B ; comprise entre 1 et 2 s'il accepte A mais refuse B ; comprise entre 2 et 3,76
s'il refuse A mais accepte C ; et enfin supérieure à 3,76 s'il refuse aussi bien C que A 1•
Tableau 6.2
Aversion relative pour le risque en France, aux Pays-Bas et aux U.S.A. (en % de la
population)
Rejet du contrat A Acceptation du contrat A
Rejet du Acceptation du Rejet du Acceptation du
contrat C contrat C contrat B contrat B
3,76 =<y 2 =<y< 3,76 1=<y<2 y<1
France (tout âge) 43,1 39,4 11,2 6,3

France (50 ans ou plus) 48,6 36,8 8,7 5,9

Pays-Bas (50 ans ou plus) 66,3 13,5 9,0 11,2


États-Unis (50 ans ou
64,6 11,6 10,9 12,8
plus)
Note : Le choix est entre un revenu certain et plusieurs contrats. Contrat A : une chance sur deux de doubler
son revenu mais une chance sur deux de le voir diminuer d'un tiers. Contrat B : une chance sur deux de
doubler son revenu, une chance sur deux de le voir diminuer de moitié. Contrat C : une chance sur deux de
doubler son revenu, une chance sur deux de le voir diminuer d'un cinquième.
Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta, Health and Retirement Survey (cf Barsky et al. 1997),
CentERpanel (cf Kapteyn and Teppa, 2002)

Ce jeu de loteries a été proposé à l'ensemble des individus interviewés lors de la première
interview de l'enquête Patrimoine 98, sous forme d'un questionnaire recto-verso à retourner
par la poste : environ 3 800 ont répondu. Le tableau 6.2 présente la distribution des
répondants selon la valeur estimée de leur aversion relative pour le risque. La première ligne
indique la répartition sur la population globale. La seconde indique les réponses données par
les personnes âgées de 50 ans et plus, qui peuvent être comparées à celles obtenues aux États-
Unis par Barsky et al. ( 1997), et aux Pays-Bas par Kapteyn et Teppa (2002). On constate déjà

1 Cette dernière catégorie regroupe en fait non seulement les individus ayant une forte aversion pour le risque
mais aussi des personnes qui refusent tout simplement de "jouer" leur revenu à la loterie alors qu'elles prennent
par ailleurs des risques dans l'existence -le phénomène est lié au "biais du status quo", analysé par Barsky et
al. Le jeu a été posé un peu différemment pour les retraités, la mise concernant cette fois l'ensemble de leurs
économies, tout en conservant les mêmes intervalles de valeur pour y(cf annexe A).
Qui prend des risques ? 121

que l'âge influence négativement la prise de risque: les Français âgés de plus de 50 ans
refusent plus souvent les deux contrats A etC, par exemple.

Comme pour les États-Unis (76 %) et les Pays-Bas (79,8 %), la grande majorité des
répondants français de plus de 50 ans (85,4 %) refusent le contrat A ; mais parmi ces derniers,
on trouve une proportion beaucoup plus élevée d'individus qui acceptent le contrat C: soit
43% contre seulement 15% aux U.S.A. et 17% aux Pays-Bas. À l'autre extrême de l'échelle
des risques, en revanche, moins de 6% acceptent le contrat B en France alors que dans les
deux autres pays, ce pourcentage est deux fois plus élevé: 12,8% des Américains et 11,2%
des Néerlandais auraient ainsi une aversion relative pour le risque inférieure à 1. Au-delà des
erreurs de mesure, à quoi attribuer ces écarts qui montrent que les comparaisons des
préférences d'un pays à l'autre ne doivent pas s'arrêter aux moyennes de certains paramètres ?
S'agissant des plus risquophobes, les différences de protection sociale jouent sans doute un
rôle: des prestations chômage et une couverture santé plus faibles aux États-Unis inciterait
une proportion plus élevée d'Américains à refuser les contrats professionnels risqués. Le
pourcentage inférieur en France des individus peu averses au risque pourrait par ailleurs
s'expliquer par une prime de risque plus faible : dans les deux autres pays, une taxation moins
lourde des hauts revenus augmenterait d'autant les espérances de gains pour des choix risqués
(ou l'esprit du capitalisme soufflerait-il davantage dans les pays de culture protestante?).

Quoi qu'il en soit, cette mesure de l'aversion relative pour le risque a fait l'objet de
plusieurs critiques (cf Kapteyn et Teppa, 2002). La question posée, relative à des choix entre
contrats serait trop compliquée et abstraite pour certains enquêtés. En outre, les réponses vont
dépendre du patrimoine de l'individu: toutes choses égales d'ailleurs, un montant plus élevé,
qui offre une protection accrue en cas de malchance, incite à prendre davantage de risque sur
le revenu professionnel ; mais un portefeuille plus risqué, à montant de patrimoine donné,
rend plus attrayant un revenu sûr. Enfin, l'interprétation des résultats en terme d'une mesure
cardinale de l'aversion relative pour le risque y repose sur des hypothèses irréalistes ; elle
conduit d'ailleurs, chez Barsky et al. ( 1997), à une valeur moyenne (supérieure à 4) sans doute
trop élevée.

La dernière objection peut toutefois être levée : il n'est pas illégitime d'interpréter cette
mesure de y comme un simple indicateur ordinal, en quatre modalités, des préférences
(aversion ou autre) à l'égard du risque. Dans la suite, qui porte sur les performances
comparées des diverses mesures, c'est ce que nous ferons désormais.
122 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau 6.3
Préférences et pratiques risquées (probabilités estimées)
Opinions vis-à-vis
Loto, millionnaire, Machines à sous
PMU (l) Casino (1) du risque
banco, etc. ( 1) (1)
portefeuille (2)
A- Aversion relative pour le risque et pratiques risquées

3,76=<y ll,4 19,3 8,0 2,5 l.l

2 =<y< 3,76 15,4 26,8 14,2 3,4 3.9

l=<y<2 13,1 23,6 15,2 5,8 7.5

y< 1 17,9 33,9 13,3 7,3 15.0

Ensemble (3 724
13,7 23,3 8,7 2,9 3,8
observations)

B -Aversion relative pour le risque, score, échelle et pratiques risquées

Aversion relative pour le risque

3,76=<y 20,5 0,7

2=<y<3,76 n.s. 29,0 n.s. n.s. 4,1

1=<y<2 33,9 12,7

Score (3)

Prudent 4,4 1,1 1,0

"Neutre" n.s. n.s. 15,1 5,2 3,3

Aventureux 26,5 15,9 7,7

Echelle (3)

Prudent 3,4 1,5

"Neutre" n.s. n.s. n.s. 4,9 0,5

Aventureux 12,7 12,7

Ensemble (425 2,9


12,0 25,0 11,5 5,5
observations)
Notes:
1. La participation au PMU, au casino ou aux machines à sous consistait à jouer rarement ou souvent ; pour le loto, il
fallait jouer plusieurs fois par an.

2. En matière de placementsfinanciers, pensez-vous plutôt que :


- il ne faut pas prendre de risques et placer toutes ses économies dans des placements sûrs :
-il faut placer une petite partie de ses économies sur des placements risqués et le reste sur des placements sûrs;
- il faut placer une part importante de ses économies sur des placements risqués mais qui peuvent rapporter beaucoup :
-il faut placer l'essentiel de ses économies sur des placements risqués qui peuvent vous rapporter beaucoup.
Pour les probabilités estimées, les deux dernières modalités ont été regroupées.
3. Les catégories "Aventureux" et "Prudent" correspondent approximativement aux premier et quatrième quartiles des
distributions, la catégorie "Neutre" aux deux quartiles intermédiaires.

Lecture : Les probabilités indiquées sont toutes significatives à 5 %au moins sauf celles en italiques (1 0 %).
Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.
Qui prend des risques ? 123

1.3. Les mesures de préférence expliquent-elles les opinions sur les placements risqués et
les pratiques de jeu ?
Lorsque l'on veut comparer les performances des trois types d'indicateurs de préférences à
l'égard du risque, soit la mesure de y dérivée de choix de loteries, le score et les différentes
échelles, on se heurte à la faiblesse de l'échantillon commun. La loterie professionnelle a été
posée dans le questionnaire recto-verso (3 800 réponses), le score et les échelles dans le
questionnaire méthodologique (1 135 observations), mais les informations conjointes sur ces
deux expériences sont disponibles et exploitables seulement pour une population restreinte de
425 individus.

Les corrélations de rang entre la mesure de y en quatre modalités d'une part, le score et
1'échelle globale classés en quartiles de 1'autre, sont faibles mais significatives : 0,06 pour le
score, 0,11 pour l'échelle. Domaine par domaine, seules les échelles de consommation (0,08),
de travail (0,06), mais aussi de patrimoine (0, 12) présentent des proximités significatives avec
y. Est-ce, là encore, le signe qu'une mesure obtenue dans un domaine particulier (i.e.
professionnel), à partir d'une question isolée et quelque peu artificielle, ne peut résumer toute
l'information quant aux attitudes vis-à-vis du risque des individus ?

Les questions d'opinions la gestion de portefeuille et des pratiques de jeu apportent les
premiers éléments de réponse puisqu'elles permettent de juger du pouvoir explicatif des
mesures proposées en matière de comportements risqués. Malheureusement, elles n'ont été
posées que dans le questionnaire recto-verso 1•

Considérons déjà, sur l'ensemble des (3 724) réponses exploitables, les corrélations entre
la mesure y tirée de la loterie et ces opinions ou pratiques : la propension à prendre des risques
dans son portefeuille, les paris mutuels, l'achat de billets de la loterie nationale (loto,
millionnaire, banco ... ), 1'utilisation des machines à sous, la participation au casino. Toutes
ces pratiques sont corrélées significativement avec notre coefficient y (cf tableau 6.3) : les
individus les moins averses au risque prendraient plus de risques dans leur portefeuille, jouent
plus souvent à la loterie nationale ou au casino; et ils parieraient plus souvent au P.M.U. que
les plus risquophobes ; et ces derniers joueraient moins aux machines à sous que les autres.

Envisageons ensuite l'échantillon restreint des (425) individus, pour lesquels nous
disposons des trois mesures de l'attitude à l'égard du risque, et procédons à la même analyse
pour chaque indicateur (y, score, échelle globalet La première ligne du tableau 6.3B montre

1
Ce questionnaire est reproduit intégralement dans l'annexe A. Le libellé exact des questions concernées est
repris en bas des tableaux 6.3A et 6.3B.
2
En raison de la faiblesse des effectifs et pour rendre les résultats plus comparables, les trois mesures sont
réduites à trois modalités chacune, soit pour le score et l'échelle: premier 1 2e et 3e 1dernier quartiles.
124 Inégalités patrimoniales et choix individuels

les inconvénients d'un échantillon de taille réduite : les corrélations avec le paramètre y ne
sont plus significatives pour le P.M.U., les machines à sous, et le casino; elles le restent pour
les opinions sur les risques financiers et à peine (au seuil de 10 %) pour les jeux de la loterie
nationale. L'effet du score est important et significatif en matière d'opinions financières, mais
aussi pour les machines à sous et le casino; les corrélations pour le P.M.U. et les jeux de la
loterie nationale ne sont en revanche pas significatives. Enfin, la position sur l'échelle globale
explique les opinions sur les risques financiers et à peine (au seuil de 10 %) la fréquentation
du casino, mais pas les autres pratiques.

De cet exercice comparatif, pourtant un peu délicat, se dégagent des conclusions


relativement claires. Aucun effet estimé n'est aberrant, et les trois indicateurs nous disent
chacun quelque chose sur les attitudes à 1'égard du risque. Mieux, ils pointent, en partie, dans
une même direction : les corrélations entre indicateurs sont positives et significatives et les
moins risquophobes, selon chaque mesure, auraient une propension supérieure à prendre des
risques dans la gestion de leur portefeuille financier. En même temps, ces indicateurs sont loin
d'être substituables : ils sont malgré tout peu corrélés entre eux et ils divergent sensiblement
quant à leur pouvoir explicatif des pratiques de jeu ; la seule chose qui ressort, sur ce dernier
point, est que le score est plus performant que les deux autres.

Les portraits-robots dessinés ci-dessous vont confirmer ces conclusions provisoires :


l'utilisation des trois indicateurs comme variables dépendantes, cette fois, révèle peu
d'incohérences, une série de résultats convergents- très robustes-, mais aussi un certain
nombre de contradictions qui tournent à l'avantage du score.

2. LES DÉTERMINANTS DES PRÉFÉRENCES À L'ÉGARD DU RISQUE

Qui prend le moins de risques, qui en prend le plus ? L'étude économétrique qui suit
permet de décrire le profil sociodémographique des individus selon les différentes mesures de
l'attitude vis-à-vis du risque. Les variables latentes, qui vont chaque fois du plus prudent au
plus aventureux, concernent: le résultat de la loterie y (cf annexe C, tableau C.l), estimé en 4
modalités sur l'échantillon du questionnaire recto-verso (3 437 observations complètes) ; le
score et l'échelle synthétique (cf annexe C, tableau C.2), et les positions indiquées sur les
échelles par domaine (cf annexe C, tableau C.3), en quartiles approximatifs sur l'échantillon
de l'enquête méthodologique (1 135 individus). La nature ordinale et qualitative des
indicateurs conduit à recourir à des modèles Probit ordonnés qui estiment la probabilité
d'appartenir aux différents quartiles 1 modalités selon les caractéristiques observables des
individus

Le choix des variables explicatives doit répondre à deux exigences :


Qui prend des risques ? 125

- d'une part, privilégier les attributs les plus exogènes et les plus permanents des individus
ou ménages, tout en tenant compte d'une dynamique éventuelle des préférences au cours du
cycle de vie (le fait d'avoir des enfants rendrait plus prudent, par exemple) ;

-d'autre part, combiner les caractéristiques propres à l'individu interrogé dans l'enquête
méthodologique avec les variables relatives au ménage auquel il appartient.

Les spécifications économétriques retenues font ainsi intervenir, de manière additive :

- le revenu "lié à l'activité" (salaires, retraite, chômage, revenu des indépendants) global,
la composition familiale et la situation matrimoniale du ménage ;

- 1'âge, 1'origine sociale, le sexe, et le diplôme du répondant, ainsi que les "attitudes vis-
à-vis du risque" de ses parents.

D'autres spécifications ont été utilisées, avec des résultats comparables (cf Économie et
Statistiques, 2004, p. 79) : figurait cette fois le revenu lié à l'activité du seul individu
interrogé ; en outre, certaines caractéristiques patrimoniales des parents ont été incluses
(existence de problèmes d'argent dans la jeunesse, structure du patrimoine) et les critères
d'âge et de composition familiale ont été croisés afin d'obtenir plus précisément la position
occupée dans le cycle de vie selon les comportements de nuptialité et de fécondité, et de
mieux rendre compte ainsi de ses effets éventuels sur l'attitude à l'égard du risque'.

Un résultat habituel, s'agissant de variables qualitatives et subjectives, concerne le faible


pouvoir explicatif des régressions. Le score apparaît cependant sensiblement mieux expliqué
que les échelles, globale ou par domaine : celle relative aux consommations-loisirs n'arrive
encore pas trop loin, mais les échelles concernant la santé et le patrimoine ne font apparaître
que très peu de déterminants significatifs. Cette conclusion décevante vaut pour la mesure de
y obtenue par loteries (tableau 6.3).

Nous insisterons tout d'abord sur les effets communs au moins aux trois mesures
principales : choix de loteries, score et échelle globale. Ces derniers portent essentiellement
sur le genre et sur l'âge et sont toujours très significatifs. Sur d'autres variables, en revanche,
les résultats divergent largement : nous nous concentrerons alors sur les effets obtenus pour le
score qui apparaissent non seulement les plus significatifs mais aussi les plus cohérents2•

1
Les relations entre indicateurs de préférence et variables liées au patrimoine (absentes ici) sont analysées dans
le chapitre 11 : la causalité va des préférences vers les montants de richesse détenus (une forte prudence
engendre un patrimoine supplémentaire, probablement de précaution).
2
En dehors des effets de l'âge et du genre, la régression relative aux choix de loterie présente les résultats les
plus surprenants (tableau C.l de l'annexe C) : avoir un diplôme n'a pas d'influence ; en revanche, les seuls effets
significatifs impliquent que les individus les moins risquophobes ont un enfant hors domicile et un revenu du
ménage faible. Une régression analogue mais avec une spécification différente (cf Économie et Statistique,
2004, p. 79) conduit même à un effet négatif significatif du revenu d'activité du seul répondant : les moins
rémunérés seraient prêts à prendre davantage de risques ...
126 Inégalités patrimoniales et choix individuels

2.1. Deux constantes: les hommes plus aventureux que les femmes, les vieux plus
prudents que les jeunes
Les hommes se distinguent des femmes par une moindre appréhension du risque quelle
que soit la mesure envisagée : résultat de la loterie, score, échelle globale, échelles domaine
par domaine s'accordent tous sur ce point (au seuil de 1 %). On retrouve ici un effet maintes
fois souligné dans la littérature, tant sociologique qu'économique: les hommes auraient
tendance à s'engager davantage que les femmes dans les comportements risqués, ce qui
expliquerait les différences selon le genre en matière d'addiction à la drogue, à 1'alcool et au
tabac (Barsky et al., 1997), mais aussi en ce qui concerne l'adultère, le crime ou la
délinquance (Gottfredson et Hirschi, 1990), le comportement d'investissement professionnel
et financier (Powell et Ansic, 1997; Jianakoplos et al., 1998; Schubert et al., 1999), et
même ... les pratiques religieuses (Millet et Stark, 2002).

L'autre conclusion générale, commune aux trois mesures de base mais aussi à l'échelle de
consommation et (dans une moindre mesure) à celle de santé, concerne la position dans le
cycle de vie (cf Économie et Statistique, 2004, p. 79) : plus on est jeune, moins on a peur du
risque 1• Les effets sont cependant plus précis dans le cas du score: les moins prudents seraient
les jeunes célibataires sans enfant, alors que les personnes en couple ayant des enfants et/ou
âgées seraient davantage risquophobes.

2.2. Effets de l'âge et du genre: une confirmation indirecte


Les résultats concernant les effets propres de l'âge et du genre occupent ici une place
particulière, d'abord parce qu'ils sont partagés par les autres indicateurs (échelles globale et
par domaine, mesure de y à partir de loteries) et sont les seuls dans ce cas ; ensuite, parce que
l'on dispose pour chacun d'une confirmation indirecte de leur bien fondé.

Les jeunes sont moins prudents. Si un effet de génération n'est pas à exclure, il semble
bien que l'interprétation en terme d'effet de cycle soit la plus probable : on devient plus
prudent avec l'âge. Les réponses à la question (VIII.Q8 dans le questionnaire reproduit dans
l'annexe A), qui concerne l'évolution éventuelle des comportements face au risque, suggèrent
qu'il en est bien ainsi : si une moitié des enquêtés (52 %) ne pensent pas avoir changé au cours
de leur existence, plus de 42% estiment être devenus plus prudents, alors que seulement
5,8 % déclarent le contraire.

1 Que les plus jeunes soient les plus enclins à prendre des risques est un résultat partagé par les autres études, à
partir d'indicateurs divers (et avec des degrés de significativité variables): Guiso et Paiella (2001) pour l'Italie,
Kapteyn et Teppa (2002) pour les Pays-Bas, etc. Sur données américaines, Barsky et al. (1997) obtiennent
cependant un effet d'âge (au-delà de 50 ans) non linéaire, avec une remontée de la tolérance à l'égard du risque
après 65 ou 70 ans. Avec la même mesure, on observe l'effet contraire sur nos données, soit une baisse
significative (au seuil de 1 %) de la tolérance au risque après 60 ans: un effet pays est ici probable.
Qui prend des risques ? 127

Les hommes sont plus prudents que les femmes - ... ou que leur femme. Une question
(VIII.Q5) interroge l'enquêté, en matière de risque, sur l'attitude générale de son conjoint par
rapport à la sienne: parce que l'on connaît bien son partenaire, l'information est assez fiable,
beaucoup plus en tout cas que celle donnée par les échelles, où l'on manque alors d'un référent
(comment se comporte l'individu représentatif auquel serait attribué, a priori, la note moyenne
de 5 ?). Parmi les hommes interrogés, 31 % ne voient pas de différence sensible, 19 %
considèrent leur femme moins prudente, et 40% plus prudente ; parmi les femmes, un tiers
place leur conjoint au même niveau, 29 % le considèrent plus prudent, mais 38 % plus
aventureux qu'elles-mêmes. Corroborant les résultats du score, les avis des femmes et des
hommes convergent donc vers l'image traditionnelle de leurs caractères respectifs.

2.3. Les autres déterminants (du score) :qui prend le plus de risque? le moins?

Si l'on en croit le score, l'éducation développe chez les individus la propension à prendre
des risques: ce sont ceux qui n'ont aucun diplôme qui manifestent la plus grande prudence.
L'origine sociale joue également : les plus risquophiles se retrouvent parmi les descendants
d'indépendants aisés (chef d'entreprise ou profession libérale), voire de cadres (non
enseignants) ou de commerçants.

La position du répondant par rapport au marché du travail a une influence significative


(cf Économie et Statistique, 2004, p. 79) : ceteris paribus, les plus aventureux sont les
inactifs. Au sein des actifs, une rémunération individuelle plus élevée augmente la tolérance
au risque - mais on notera que le revenu global du ménage a un effet à la limite de la
significativité (tableau C.2 de l'annexe C).

Enfin, pour peu que l'on se fie aux jugements des enquêtés sur leurs parents, on observe
quelques signes d'une héritabilité des préférences à l'égard du risque : pour le score, "à père
aventureux, enfant aventureux" (à 10 %), et plus encore pour la quasi totalité des échelles, "à
père prudent, enfant prudent" -selon certaines échelles (globale, de consommation, et de
patrimoine), on aurait aussi "à mère prudente, enfant prudent".

3. REMARQUES FINALES

Que l'on considère les caractéristiques de ceux qui prennent le plus de risques, l'incidence
des préférences individuelles sur les pratiques de jeux ou les opinions en matière de
placements financiers risqués, ou encore la palette des comportements face à l'incertain que
couvre l'indicateur, la hiérarchie reste toujours la même : les résultats les plus significatifs et
les pl us conformes à 1'intuition sont obtenus pour le score ; les performances de 1'échelle
globale sont déjà nettement moins satisfaisantes - ce qui justifie le travail effectué ; les
128 Inégalités patrimoniales et choix individuels

mesures qui ne concernent qu'un domaine (échelles locales et même la mesure de l'aversion
relative pour le risque professionnel) sont encore moins adaptées.

Pour juger des performances comparées des divers indicateurs de préférence, le critère
décisif, toutefois, concerne les effets sur le montant et la composition du patrimoine, et leur
pouvoir explicatif des disparités individuelles observées en matière d'accumulation et de
placements. L'analyse, menée dans le chapitre Il (cf aussi annexe Gl), ne fait que confirmer
la hiérarchie précédente : la supériorité du score est encore plus manifeste, que l'on considère
l'ampleur et le sens des effets, les problèmes d'endogénéité des préférences, la contribution
aux inégalités de patrimoine, etc. 1•

Comment ces conclusions se comparent-elles à celles obtenus dans les études étrangères?
Sur données américaines, Barsky et al. (1997) obtiennent des résultats plutôt encourageants
pour leur mesure de l'aversion relative pour le risque, tant en ce qui concerne ses déterminants
(âge, revenu, race, diplôme) que son impact sur les pratiques à risque (tabac, alcool) et la
demande d'actifs risqués ; mais on a vu qu'elle est moins performante dans notre cas. Sur les
données italiennes, ces mesures de l'aversion pour le risque- relative ou même
absolue- aboutissent à des résultats guère plus convaincants (cf Guiso et Paiella, 2001).

L'étude hollandaise de Kapteyn et Teppa (2002) est cependant celle qui se rapproche le
plus de la nôtre. Elle compare le pouvoir explicatif sur les choix de portefeuille de trois types
d'indicateurs des attitudes à l'égard du risque: la mesure de l'aversion relative de Barsky et al.
( 1997) ; deux questions, à sept modalités, qui s'apparentent à nos échelles (Vous considérez-
vous plutôt comme une personne prudente ou non? En cas de danger possible, prenez-vous
des précautions ?) ; les trois premiers axes d'une ACP établie à partir d'un ensemble de neuf
questions concernant aussi bien les investissements financiers que les comportements dans
d'autres situations risquées, indicateurs qui correspondent davantage à notre score.

Les conclusions de cette étude rejoignent, en plus tranché, les nôtres. Dans un modèle de
choix de portefeuille, la mesure de l'aversion au risque de Barsky et al. a un "pouvoir
explicatif très faible" alors que les axes de l'ACP font "beaucoup mieux" et que même les
questions analogues à nos échelles ont des effets significatifs dans le sens attendu. Kapteyn et
Teppa (2002) en concluent que des "mesures ad hoc, simples et intuitives" (comme nos scores
ou échelles) expliquent mieux les choix de portefeuille que des "mesures de la tolérance à

1
Cette conclusion vaut aussi pour les sous-scores, calculés domaine par domaine. Aucun n'a d'effet propre
significatif dans les trois régressions à la fois, concernant les patrimoines financier, brut et net, et visant à isoler
l'épargne de précaution; certains n'en ont jamais (consommation, travail, autre), voire même des coefficients
négatifs. Les effets sont toujours bien moindres que dans le cas du score global et les biais d'endogénéité sont
importants (notamment pour les scores de gestion financière et de retraite). Ces résultats attestent les vertus de
l'agrégation, qui suppose de multiplier les questions et les domaines : cette procédure augmente la
significativité des effets, limite les biais d'endogénéité, et atténue des effets de contexte parfois dominants.
Qui prend des risques ? 129

l'égard du risque au fondement théorique mieux assuré mais trop compliquées" (comme celle
de Barsky et al.); selon ces auteurs, il s'agit d'une "bonne nouvelle pour l'analyse empirique",
parce que les premiers indicateurs reposent sur des "questions plus simples à poser, et qui
réclament beaucoup moins d'imagination de la part des répondants".

Notre jugement sera plus nuancé. Si la mesure de la tolérance au risque n'obtient pas les
résultats escomptés quand il s'agit d'expliquer les comportements patrimoniaux, elle le doit
certes au caractère artificiel des arbitrages entre loteries, mais plus encore au fait qu'elle
repose sur une seule question, portant sur des choix statiques et dans le seul domaine
professionnel. Le fait que le score que nous avons construit obtienne de meilleurs résultats
tient sans doute moins à son caractère ad hoc et intuitif qu'à la procédure d'agrégation établie à
partir d'un grand nombre de questions, balayant un large éventail de domaines et de situations
risquées. Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle pour l'analyse empirique si l'on considère
le coût d'un questionnaire spécifique, destiné à mesurer l'hétérogénéité des préférences
individuelles. Mais il n'est pas surprenant que l'évaluation de paramètres aussi subjectifs et
subtils ne constitue pas une tâche aisée.
130 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Album d'images épargne de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de Nantes, 1967


B. TEMPS ET HORIZON
"Je n'ai jamais été un homme de projet"
Fabien Barthe:::. L'Équipe, 5 octobre 2006.

"Garp aimait dire en plaisantant que,


s'il avait intitulé son premier roman Procrastination,
c'était parce qu'il lui avait fallu si longtemps pour l'écrire,
mais il y avait travaillé avec soin et assiduité ;
Garp n'avait aucun goût pour la procrastination"
John Irving. Le monde selon Garp

L a théorie microéconomique fait dépendre les choix de l'épargnant sur le cycle de vie
de son taux de dépréciation du futur, soit du taux d'actualisation subjectif à l'aide
duquel il escompte ses "satisfactions" à venir: plus ce taux est élevé et plus le niveau de
l'épargne sera faible. Caractérisant l'horizon de vie de l'agent, cette préférence pour le présent
doit être distinguée des paramètres qui gouvernent ses décisions sur d'autres échéances : son
degré d'impatience à plus court terme, mais aussi son altruisme intergénérationnel : de même
que le taux de dépréciation du futur permet de comparer un "plaisir" demain à un "plaisir"
aujourd'hui, le degré d'altruisme indique le poids relatif accordé au bien-être de ses enfants
(ou à celui des générations futures) par rapport au sien.

Pour évaluer ces préférences individuelles, un questionnaire spécifique a été posé à un


sous-échantillon de l'enquête Insee "Patrimoine 1998". Afin d'éviter les déboires rencontrés
par les tentatives de mesure précédentes, il ne se contente pas de proposer les arbitrages
habituels - entre des plaisirs ou satisfactions supposés équivalents à différentes dates -, mais
envisage aussi une batterie de questions plus simples et plus concrètes qui cherchent à mieux
cerner ce que représente véritablement la préférence temporelle, en terme d'horizon
décisionnel et de "projets de vie".

En considérant une moyenne représentative des réponses de l'enquêté à ces questions


balayant un grand nombre de domaines et de situations, on espère limiter les effets de
contexte et mieux contrôler les autres facteurs intervenant dans les choix intertemporels : taux
d'intérêt, attitude à l'égard du risque face à un futur forcément incertain, contraintes de
liquidité ... Les scores élaborés pour la préférence pour le présent, l'impatience, et l'altruisme
(familial ou non familial) agrègent les seuls items qui se sont révélés, ex post, former un tout
132 Inégalités patrimoniales et choix individuels

statistiquement cohérent. Des méthodes de validation indirecte ont permis de vérifier le bien
fondé de ces mesures synthétiques et ordinales.

Qui est prévoyant (faible préférence pour le présent), impatient, ou altruiste ? Les
régressions explicatives des différents scores aboutissent en général aux résultats attendus. La
préférence temporelle semble se transmettre par la mère; elle est plus faible pour les
individus âgés, diplômés, en couple et ayant des enfants- de fait, la plupart des enquêtés dont
la préférence temporelle aurait changé estiment être devenus plus prévoyants en vieillissant.
Un haut niveau d'études favorise les deux formes (familiale ou non) d'altruisme. Par contre,
l'impatience à court terme, indicateur que l'on savait composite, ne dépend pas des
caractéristiques des ménages. La seule surprise vient de ce que les femmes ne semblent pas
plus prévoyantes ni même plus altruistes que les hommes à l'égard de leurs enfants.
Chapitre 7

Les préférences individuelles pour le


présent

L 'étude des comportements de J'épargnant sur son cycle de vie relève de la


microéconomie des choix intertemporels - impliquant des arbitrages entre des
bénéfices et des coûts (évalués subjectivement) intervenant à différentes dates. Jusqu'à une
période récente, l'économiste a privilégié une vision radicalement prospective de ces
comportements, en négligeant ou minorant Je lien éventuel que les préférences et les choix
actuels peuvent entretenir avec les expériences et les décisions passées ; il s'est donc focalisé
sur Je rôle des anticipations et des croyances relatives à l'avenir, sur l'incertitude entachant Je
futur, mais aussi sur la propension des hommes à envisager l'avenir de manière cohérente:
autrement dit sur leur degré de prévoyance, fonction inverse de leur préférence pour le
présent.

On sait qu'Adam Smith soulignait déjà l'importance cruciale de ce paramètre pour


expliquer la richesse et la prospérité économique des nations 1• À J'orée du siècle dernier, les
économistes libéraux comme Frank Knight (1921) ou Alfred Marshall (1920) iront encore
plus loin en considérant qu'un degré élevé de prévoyance et de rationalité est la marque même
de la civilisation: "faculté d'envisager l'avenir" et "calcul" seraient l'apanage des sociétés
modernes développées, dans lesquelles les agents adoptent des comportements cohérents par
rapport à leurs prévisions et se projettent sur des horizons de plus en plus Jointains 2•

1
Dans la Richesse des nations, Smith oppose "la passion pour la jouissance présente", qui pousse à la dépense,
au "désir d'améliorer notre condition", qui pousse, lui, à épargner; la première, parfois violente, "serait en
général momentanée", alors que le second, "calme et impassible, nous vient depuis le sein maternel et ne nous
abandonne qu'au tombeau".
2
Pour Frank Knight, "la société moderne est organisée sur l'idée théorique que les hommes anticipent le futur et
adaptent leurs comportements en fonction de ces prévisions, avec d'autant plus de d'efficacité qu'ils en sont les
bénéficiaires- eux-mêmes ou leurs enfants". Pour Alfred Marshall, "chacun a l'entreprise de sa propre vie à
diriger en adoptant une conduite réfléchie et en pesant les avantages et les inconvénients d'une action
134 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Dans leur volonté normative de limiter la priorité accordée au présent ou au court terme
dans les décisions humaines, ces auteurs ont insisté sur deux points (cf Masson, 2000) :

1) l'exercice de la rationalité à l'égard du temps exige de l'agent qu'il envisage à l'avance


toutes les conséquences futures de ses décisions actuelles afin de ne pas avoir à les regretter
plus tard. En langage actuel, il vise à assurer la cohérence temporelle de ses choix, fondée sur
la stabilité des préférences (la constance des fins), en évitant tout manque de clairvoyance ou
de contrôle de soi. Hors effet de "surprise", sa stratégie initiale (le plan exhaustif prévoyant la
décision à prendre pour chaque date et chaque contingence à venir) sera donc finalement
réalisée, sans avoir à être révisée ultérieurement ;

2) moteur de l'accumulation patrimoniale et de l'investissement, la prévoyance s'étend au


souci du sort des siens, soit à l'altruisme familial: l'horizon décisionnel des agents dépasse le
cadre de leur propre existence pour intégrer le bien-être de leur descendance. Les motivations
de l'épargnant ne se limitent pas à l'accumulation pour les vieux jours mais incluent la
transmission de l'éducation et de biens matériels aux enfants.

L'opération spécifique qui permet à la théorie économique d'intégrer cette dimension


prospective des choix est l'actualisation du futur, qui consiste à rendre commensurable au
présent le futur anticipé, à fournir des règles d'équivalence entre grandeurs prévues et
actuelles en matière de ressources ou de bien-être. Les arbitrages intertemporels du
consommateur/épargnant font intervenir deux taux d'actualisation différents.

Les ressources attendues sont escomptées à l'aide d'un taux objectif, égal au taux d'intérêt.
En environnement certain, avec des marchés des capitaux parfaits, tout profil de revenus est
ainsi ramené à un montant qui en est l'équivalent-présent: accepté par tout agent rationnel, ce
critère permet un classement univoque des profils anticipés de gains ou de pertes.

Les "satisfactions" à venir (niveaux d'utilité aux dates futures) sont escomptées à l'aide
d'un taux subjectif, égal au taux de dépréciation du futur de l'individu, noté D: plus ce taux est
élevé et plus le niveau de l'épargne sera faible. Pour certains auteurs, cette relation
contribuerait à expliquer l'hétérogénéité des profils d'accumulation patrimoniale observée
selon le niveau d'éducation ou de revenu permanent : les ménages les moins prévoyants ( D
élevé) seraient en effet moins éduqués et moins bien rémunérés que les autres'.

déterminée avant de s'y engager [ ... ]. L'accumulation des richesses dépend de la vision prospective des
hommes, c'est-à-dire de leur faculté d'envisager l'avenir... et par dessus tout de la puissance de l'amour
familial", qui pousse à se sacrifier pour assurer le bien-être des siens; et l'épargne la plus productive vient "des
investissements humains dans les enfants", destinés à engendrer "une race de producteurs efficaces à la
génération suivante".
1 Pour Lawrance (1991), cette corrélation négative entre degré de prévoyance et niveau d'éducation ou de salaire

pourrait s'expliquer aussi bien par les arbitrages personnels des individus que par l'héritage familial.
Les préférences individuelles pour le présent 135

La mesure du paramètre D se heurte, toutefois, à un problème conceptuel que l'on ne


rencontre pas pour les autres préférences individuelles (l'aversion pour le risque, par
exemple). La question, largement débattue par les économistes et les philosophes, est de
savoir quelle signification précise attribuer à cette préférence temporelle, qui n'est pas un taux
marginal de substitution entre consommations présente et future, mais directement entre les
satisfactions d'aujourd'hui et de demain. Autrement dit, le taux D représente une préférence
"d'un ordre plus élevé" parce qu'il porte sur les fins poursuivies : il traduit plus précisément,
au-delà des aléas de la vie, l'intensité du lien que le sujet entretient avec celui qu'il sera plus
tard, la manière dont il se sent concerné, intéressé par le sort de son "moi futur" (on peut
considérer aujourd'hui le vieillard que l'on deviendra dans 50 ans comme un parfait étranger).

Les décisions du consommateur/épargnant qui font intervenir le temps ne se restreignent


pas aux seuls choix sur le cycle de vie, gouvernés par le taux D. Elles incluent aussi les
arbitrages générationnels -transmissions patrimoniales - qui dépendent du degré d'altruisme
vis-à-vis des enfants: de même que la préférence pour le présent permet de comparer un
"plaisir" demain à un "plaisir" aujourd'hui, ce degré d'altruisme est le moyen de pondérer le
bien-être de ses enfants par rapport au sien. À l'opposé, d'autres décisions concernent les
choix infra-temporels du ménage, fonction de l'allocation optimale du temps disponible,
ressource rare par excellence, entre des activités marchandes ou non marchandes évaluées à
l'aune du coût d'opportunité du temps qui leur est consacré (Becker, 1965) : un sujet dont le
"temps est compté" manifestera une forme "d'impatience" (d'aversion à l'attente) en accordant
une priorité élevée au présent, mais il le fera pour des raisons autres que celles qui sous-
tendent la préférence temporelle. Enfin, une autre source courante d'impatience à court terme
devra encore être prise en compte, qui remet, elle, directement en cause la cohérence
temporelle des choix puisqu'elle se manifeste par une "sur-dépréciation" du futur immédiat
par rapport au futur éloigné (actualisation hyperbolique).

L'objectif de ce chapitre est de revenir sur les difficultés conceptuelles qui sont de deux
ordres : elles concernent d'une part la définition même de la préférence pour le présent D, et
d'autre part la délimitation des champs d'action respectifs de "l'impatience" de court terme, du
taux Det de l'altruisme'.

1. LE STATUT PROBLÉMATIQUE DE LA PRÉFÉRENCE POUR LE PRÉSENT

Intuitivement, le taux de dépréciation du futur varie en sens inverse du degré de


prévoyance ou du "goût pour l'épargne" que manifeste la fourmi de la fable, et mesure la
difficulté qu'éprouve l'agent à renoncer à un plaisir présent pour obtenir un plaisir plus grand

1
Pour une approche plus formalisée de ses problèmes théoriques, le lecteur peut se reporter au chapitre 2.
136 Inégalités patrimoniales et choix individuels

dans l'avenir. Les références aux auteurs classiques, placées en exergue, montrent cependant
que les enjeux soulevés par la préférence temporelle vont bien au-delà : ils concernent des
choix de vie qui découlent directement du colloque personnel avec ses "moi futurs", des
rapports de soi à soi dans le temps qui constituent le "berceau de la subjectivité humaine"
(Merleau-Ponty).

Comment la théorie économique peut-elle rendre compte de cette subjectivité sans


renoncer à son exigence de rationalité ? La question fait toujours débat au sein des
économistes (cf Frederick et al., 2002) : la controverse a notamment porté sur l'existence
même et le rôle d'une préférence pure pour le présent, au sens où elle ne concernerait que les
poids attribués aux satisfactions futures du seul fait de leur éloignement
temporel - indépendamment de leur caractère aléatoire ou des probabilités de survie.
Certains, comme Becker, ont même changé radicalement de position, passant du rejet de toute
préférence rationnelle pour le présent (Stigler et Becker, 1977) à l'apologie de ce concept
vingt ans après (Becker et Mulligan, 1997).

Schématiquement, on peut distinguer trois grandes voies de réponse dans la littérature


économique, selon l'on accepte ou non l'existence d'une préférence rationnelle pour le présent
ou que l'on mette en avant l'incohérence temporelle du taux de dépréciation du futur (cf
Masson, 1995 et 2000).

1.1. Le rejet de toute préférence rationnelle pour le présent sur le cycle de vie

Nombre d'auteurs, et non des moindres (Ramsey, Harrod, Tobin, Rawls ... ), affirment
qu'il n'est guère utile de faire intervenir une préférence temporelle pure et "rationnelle" (i.e.
temporellement cohérente) -du moins tant que l'on considère l'horizon fini du cycle de vie.
Dans la même veine, Stigler et Becker ( 1977) prétendent que, menée avec rigueur, la
modélisation des choix intertemporels permettrait de se passer de la référence au taux c5 et
d'interpréter autrement les phénomènes qui lui sont abusivement imputés 1•

Le fait de souscrire à la maxime de La Fontaine "un tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux
tu l'auras" -correspondant à un taux marginal de substitution supérieur à 1 entre
consommations présente et future- pourrait, en effet, s'expliquer par tout une série de
facteurs que 1'on peut et doit modéliser autrement, soit notamment :
- le taux d'intérêt: un aujourd'hui, judicieusement placé, me rapportera plus que deux
demain;

1
Stigler et Becker ( 1977, p. 89) : "In spi te of the importance frequently attached to ti me preference, we do not
know of any significant behavior that has been illuminated by this assumption".
Les préférences individuelles pour le présent 137

la décroissance de l'utilité marginale, reflétant la saturation des besoins, si la


consommation prévue demain est plus élevée;
les effets d'habitude ou de variations des besoins au cours du cycle de vie : si, par
exemple, les capacités de jouissance diminuent à âge élevé ;
- les contraintes de liquidité qui limitent les possibilités d'emprunt sur les espérances de
gains, souvent plus élevées que les rémunérations actuelles (effet de carrière);
- l'incertitude de l'avenir (voir La Fontaine: "l'un est sûr, l'autre ne l'est pas"), concernant
aussi bien les revenus ou les goûts que la durée de vie, etc.

Une fois ces différents facteurs correctement pris en compte, plus aucune préférence pour
le présent ne devrait subsister, les différents moments de l'existence bénéficiant alors d'un
traitement "équitable" ou "symétrique" ( D= 0). N'étant pas aisée à réfuter empiriquement,
cette proposition recueille encore des suffrages. Et il est vrai que les estimations
économétriques trop élevées et instables du taux de dépréciation du futur pourraient
s'expliquer par un contrôle insuffisant des facteurs susmentionnés 1•

1.2. Une "myopie" rationnelle?

Un mouvement plus récent, opposé au précédent, considère au contraire qu'une préférence


pure et temporellement cohérente pour le présent permet seule de comprendre certains
comportements.

Une de ses premières applications économiques a été le modèle d'addiction rationnelle de


Becker et Murphy (1988) : une trop faible pondération des utilités futures ( Délevé) conduirait
l'agent à acquérir des goûts nocifs pour lui-même, et cela "rationnellement" -i.e. en pleine
connaissance de cause et en respectant la cohérence temporelle de ses choix. L'alcoolisme ou
la dépendance par rapport au tabac ou à la drogue serait alors une ("mauvaise") habitude qui
aurait dégénérée : le plaisir retiré de la consommation présente dépasserait la perte de bien-
être actualisée qui en résulterait dans l'avenir. Totalement lucide et maître de lui-même, le
sujet aurait bien conscience des conséquences néfastes de ses choix (soit l'effet
d'accoutumance, la consommation actuelle augmentant le désir futur de drogue), mais ne s'en
soucierait guère parce qu'il ne "s'identifierait" pas suffisamment à son "moi futur" : il
s'avérerait peu concerné par les malheurs à venir de cette réplique de lui-même, comme s'il
s'agissait d'un étranger.

1
Pour une discussion plus approfondie on se reportera au chapitre 2. Les estimations économétriques du taux {J
s'appuient sur la croissance de la consommation et l'équation d'Euler (Lawrance, 1991), l'achat de biens
durables, la demande de santé, les compensations financières accordées à des métiers comportant des risques
mortels ; etc. La plupart mesurent en fait des taux marginaux de substitution entre consommations, sans
parvenir à éliminer les facteurs parasites mentionnés.
138 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Une forte préférence pour le présent se manifesterait ainsi par des comportements "auto-
destructeurs", de "myopie rationnelle" si l'on peut dire. Le dopage dans les milieux sportifs
relèverait d'une interprétation de cet ordre : une étude allemande récente montre bien qu'une
majorité de sportifs de haut niveau seraient prêts à sacrifier des années de vie en échange de
produits qui leur permettraient d'être plus performants aujourd'hui ... Bref, la préférence
temporelle interviendrait d'une manière ou d'une autre (i. e. sans même faire intervenir des
considérations liées au risque) dans le choix célèbre d'Achille entre une vie "courte et
brillante" ou au contraire "longue et monotone" 1•

Dans le domaine de l'épargne, le modèle de buffer-stock (cf Deaton, 1992) prédit


également des comportements temporellement cohérents mais auto-destructeurs : les
épargnants prudents à l'égard du risque mais dépréciant fortement le futur n'accumulent qu'un
"fonds de contingence" contre les chutes inopinées de leur revenu futur aléatoire, et ont ainsi
une probabilité non négligeable de se retrouver démuni en cas de malchance répétée (le
patrimoine est nul et la consommation est prise sur un revenu très modeste).

Cette hypothèse de myopie rationnelle connaît une variante originale. Si, dans les
modèles et exemples précédents, le taux de dépréciation du futur constitue une donnée
incontournable de sa personnalité avec laquelle l'agent doit composer, Becker et Mulligan
( 1997) modélisent au contraire une préférence pour le présent endogène : conscient de son
"défaut de prévoyance", l'agent a les moyens d'y remédier, mais ces moyens ont des coûts,
entraînant une moindre consommation ou épargne. Ces coûts incluraient, entre autres, "le
temps et l'énergie consacrés à imaginer ou à anticiper le futur et à résister à la pression des
plaisirs courants", et les efforts d'apprentissage, d'éducation ou d'information, dans lesquels
les parents pourraient jouer un rôle formateur essentiel. 2

1.3. Une priorité du présent temporellement incohérente

La dernière école, dont les origines remontent assez loin (Rae dès 1834, puis Jevons,
Bohm-Bawerk, Marshall, Fisher... ), est peut-être la plus populaire aujourd'hui. La préférence
pour le présent se voit encore accorder un rôle crucial dans les choix intertemporels, mais
traduit cette fois une rationalité limitée par un déficit d'imagination ("myopie") ou de volonté
("impatience") ; ce déficit conduit le plus souvent à un problème d'incohérence temporelle

1
Dilemme qui reste d'actualité. Le journal L'Équipe (10-12-2001) cite l'entraîneur de l'équipe de football
anglaise d'Arsenal, Arsène Wenger, à propos de son éventuelle retraite: "la pression des matches pourrait
diminuer mon espérance de vie de deux, trois ou même dix ans mais je mène la vie dont j'ai toujours rêvé [ ... ]
Entre une vie [courte] de passionné et une vie [longue] bien calme, j'ai fait mon choix".
2
Notre enquête aborde ce rôle des parents dans la formation à la prévoyance des enfants: "approuvez-vous des
enfants qui privilégient leurs loisirs par rapport à leurs études ?" (question VI.Q3) et "êtes-vous du genre à
donner à vos enfants le goût de l'épargne?" (VI.Q78) :cf annexe A de l'ouvrage.
Les préférences individuelles pour le présent 139

des choix, i.e. de conflit entre les désirs du moi présent et du moi futur, entre les préférences
d'aujourd'hui et de demain - comme dans le cas d'Ulysse en route pour Ithaque mais tenté par
les Sirènes.

L'article fondateur de cette approche est celui de Strotz (1956). Akerlof (1991) attribue
l'incohérence temporelle plutôt à un déficit d'imagination; Laibson (1996, 1997) plutôt à un
déficit de la volonté. Mais l'un comme l'autre rejettent le modèle beckerien d'addiction
rationnelle. Akerlof, par exemple, suggère que les drogués percevraient bien les conséquences
désastreuses à terme de leur comportement mais seraient victimes du mafiana e.ffect - ils
voudraient arrêter, mais toujours demain; c'est pourquoi il s'oppose à une politique libérale en
matière de drogue, et recommande certaines interdictions, censées améliorer le bien-être des
agents en remédiant à leur défaut de rationalité.

Rationalité "pleine" ou "limitée" par l'incohérence temporelle des choix : le débat n'a donc
pas qu'une portée académique. On peut ainsi envisager les cas où l'agent limite de lui-même
les options offertes, s'auto-contraint en quelque sorte, en ayant recours au "pré-engagement"
ou la mise sous tutelle du moi futur. L'exemple archétype est celui d'Ulysse et les Sirènes
(Elster, 1986). Mais dans le domaine patrimonial aussi, de telles stratégies destinées à
prévenir les effets néfastes de l'incohérence temporelle des choix pourraient jouer un rôle
important: une grande part de l'épargne pour la retraite se présente sous forme contractuelle,
et l'argent immobilisé dans certains de ces produits ou dans d'autres placements de long terme
ne bénéficie d'aucune prime en matière de rendement (cf Laibson, 1996).

2. IDENTIFIER PLUSIEURS PRÉFÉRENCES À L'ÉGARD DU TEMPS

Notre approche tire les enseignements de ces trois positions concernant le statut de la
préférence temporelle, en admettant que chacune a sa part de vérité : ( 1) il est difficile
d'obtenir une mesure de (j qui ne soit pas contaminée par des éléments parasites (taux
d'intérêt, contraintes de liquidité, habitudes, variations des besoins, attitude face au risque ... );
(2) une préférence rationnelle pour le présent, correctement interprétée, est cependant
indispensable pour rendre compte de comportements spécifiques, notamment au plan
patrimonial ; (3) cela n'empêche pas que la manière dont les agents déprécient le futur soit
souvent temporellement incohérente (le cas d'Ulysse n'est pas isolé).

Les choix méthodologiques que nous avons effectués se comprennent mieux, toutefois, à
la lumière des échecs rencontrés par les tentatives antérieures de mesure de D.
140 Inégalités patrimoniales et choix individuels

2.1. Les biais multiples des mesures existantes de la préférence temporeHe

Nous ne reviendrons pas ici sur les estimations économétriques qui contrôlent mal les
facteurs parasites indiqués et sont peu adaptées pour rendre compte de l'hétérogénéité
individuelle des préférences, surtout sur des données en coupe instantanée.

De ce double point de vue (contrôle des facteurs non pertinents, évaluation de


l'hétérogénéité individuelle), les mesures expérimentales offrent un avantage certain. Elles
semblent d'emblée donner raison aux tenants de la rationalité limitée, puisqu'elles mettent en
évidence une forme d'incohérence temporelle, l'actualisation de type hyperbolique: le taux de
dépréciation du futur décroît avec la distance temporelle. On déprécie plus un plaisir demain
par rapport à un plaisir aujourd'hui qu'un plaisir après-demain par rapport à un plaisir demain.
Il faut bien voir, cependant, que les "protocoles" de ces études expérimentales sont sujets à
caution (beaucoup plus que les expériences analogues sur les comportements face au risque) :
il est particulièrement difficile de reproduire le passage du temps "en laboratoire" tout en
demandant à des sujets de s'affranchir de l'incertitude du futur. La dispersion et l'instabilité
des estimations du taux de dépréciation du futur en sont la preuve flagrante: sur la
quarantaine d'essais publiés depuis 25 ans, celles-ci varient entre - 6% et plus de 200 %,
d'après le survey de Frederick et al. (2002) !

Les conclusions de l'économie expérimentale, qui décrivent le plus souvent des sujets
myopes, guidés par leurs impulsions du moment, n'ont donc qu'une portée relative. Plus
précisément, comme le reconnaissent les auteurs des expériences eux-mêmes, elles valent
surtout pour les comportements de court terme ou anecdotiques. Loewenstein et Prelec ( 1992)
admettent ainsi que les choix économiques majeurs, concernant des séquences de long terme
sur le cycle de vie (offre de travail, accumulation patrimoniale, santé ... ), dépendent
probablement d'une actualisation temporelle "plus faible et plus régulière".

De plus, les estimations en laboratoire du taux de dépréciation du futur n'échappent pas


totalement aux facteurs parasites: elles apparaissent "polluées" par d'autres attitudes à l'égard
du temps, peu contrôlables, qui génèrent au contraire un biais en faveur du futur : désir
d'amélioration dans 1'avenir, mais aussi phénomènes d'anticipation - le plaisir de 1'attente
(savoring) d'un événement heureux que l'on diffère, ou l'appréhension (dread) d'une
1
expérience douloureuse que 1' on cherchera à avancer pour en être au plus vite débarrassé •

Pour ne citer qu'une manifestation typique (et anecdotique) du phénomène de "savoring",


mise en lumière dans les expériences menées auprès d'étudiants (Lowenstein et Thaler,
1989) : une majorité d'entre eux préfèrent un baiser de leur "star" favorite dans deux jours

1 Corneille ne fait-il pas dire à Polyeucte: "et le désir s'accroît quand l'effet se recule" ?
Les préférences individuelles pour le présent 141

plutôt qu'aujourd'hui, mais cette dernière option est toutefois nettement préférée à un baiser
dans un an- à l'évidence, l'effet du "savoring" n'est qu'à courte portée ...

2.2. Distinguer impatience de court terme et préférence pure pour le présent

Nos mesures des préférences à l'égard du temps reposent sur des questions moins
artificielles et/ou plus concrètes. Mais les mêmes phénomènes d'impatience temporellement
incohérente ou de biais en faveur du futur (que l'on observe aussi "in vivo") sont susceptibles
de jouer un rôle perturbateur non négligeable. C'est pourquoi, nous avons été amenés à faire
une double hypothèse, raisonnable à défaut d'être toujours vérifiée (cf Arrondel et al., 1997):

- ces comportements perturbateurs, qui traduisent une rationalité limitée ou l'existence de


phénomènes d'anticipation, sont supposés ne porter que sur le court ou moyen terme ;

- les décisions majeures et les projets de long terme sur le cycle de vie dépendraient d'une
autre préférence pour le présent, plus faible et a priori temporellement cohérente ; cette
disposition intrinsèque à l'égard du temps correspondrait à l'usage qui est fait du taux de
dépréciation du futur Ddans les modèles de cycle de vie.

On opère ainsi un découpage des attitudes à l'égard de l'avenir selon deux paramètres
hétérogènes : une impatience ou impulsivité de court terme, {3, qui renvoie souvent à des
choix temporellement incohérents, et dont la mesure risque d'être biaisée par d'autres
phénomènes ("savoring") ; une préférence temporelle de long terme, D, qui détermine
l'horizon décisionnel de l'agent pour les décisions qui concernent sa propre existence.

Strotz ( 1956, p. 179) établissait déjà une distinction similaire entre les priorités accordées
au présent à court et long terme :
"1 would have confidence in the judiciousness of a persan ta-day ... to decide how much to save
and how much to spend for the rest of his li fe, starting a couple of _vears from now ... The real
decisions to worry about are those where an immediate or proximate satisfaction is gained at the
ex pense of still-more-future costs ... "

Le cas archétype où il importe de distinguer entre les paramètres f3 et D est bien sûr celui
d'Ulysse : ce dernier se sait incapable de maîtriser ses passions ({3 élevé, qui traduit un déficit
de volonté); mais comme il est prévoyant et veut retourner à Ithaque (D faible), il se pré-
engage pour éviter une fin prématurée. S'il ne se projetait pas ainsi vers un avenir plus lointain
(i. e. si Détait élevé), il préférerait sans doute disparaître avec les Sirènes.

Nous pouvons maintenant préciser le contenu des différentes attitudes à l'égard du temps
que nous avons retenues, selon le terme considéré : le court terme (impatience), le cycle de
vie (préférence pour le présent), les générations suivantes (altruisme).
142 Inégalités patrimoniales et choix individuels

2.3. Préférences relatives au court terme: impatience et phénomènes d'anticipation

Le degré d'impatience à court terme, {J, que nous cherchons à mesurer se définit déjà, a
contrario, par ce qu'il n'est pas : une préférence temporelle de long terme qui détermine les
décisions d'épargne, de placement et d'investissement sur le cycle de vie. C'est en outre une
variable composite qui regroupe des comportements disparates dont le seul point commun est
le refus d'attendre ou de patienter: réactions impulsives de celui qui ne se maîtrise pas, désir
de possession immédiate, imprévoyance ou myopie (irrationnelle), choix temporellement
incohérents ... Enfin, l'impatience peut aussi être le fait d'individus pleinement rationnels,
mais pressés par des contraintes de temps ou des capacités cognitives limitées, i. e. des
ressources rares qui leur sont comptées - soit qu'ils aient un métier prenant, des activités
familiales importantes, une "propension au loisir" élevée, etc. 1•

Ce concept "fourre-tout" est approché par des questions anecdotiques, tel "être ou non du
genre à s'impatienter dans une file d'attente" (I.Q 10) ou des items qui font ressortir une
"imperfection" de la rationalité, i.e. "l'envie impérieuse de dépenser" (I.Q16) ... à laquelle
l'individu cherche éventuellement à remédier par des stratégies de pré-engagement, en
s'imposant des contraintes (VII.Q9). Certains domaines de la vie- choix professionnels,
retraite, transferts intergénérationnels - ne sont pas représentés, précisément parce qu'ils
concernent des décisions portant sur le long terme.

L'impatience, ainsi définie, pourrait avoir une incidence sur les choix patrimoniaux,
prédisposant aux comportements de "panier percé", ou au contraire - pour ceux qui sont par
ailleurs prévoyants - à la constitution d'une forte épargne contractuelle qui permettrait de
"s'autodiscipliner".

Sa mesure risque cependant d'être biaisée par les phénomènes d'anticipation de court
terme, "savoring" ou "dread", qui induisent à l'inverse une préférence en faveur du futur. Nous
avons proposé plusieurs questions qui autorisent cette double interprétation: par exemple,
"avoir tendance ou non à repousser au lendemain les choses désagréables" (VII.Q4), en terme
d'impatience ou de "dread". Notons que les économistes expérimentaux admettent
généralement que le phénomène de "dread" a un impact plus important et une extension
temporelle plus longue que celui de "savoring" : le désir d'avancer une expérience pénible
pour ne plus l'avoir devant soi est plus fort que celui de différer un événement agréable pour
s'en réjouir à l'avance.

1
Le lecteur trouvera dans le chapitre 2 une approche plus formalisée de cette impatience à court terme.
Les préférences individuelles pour le présent 143

2.4. Préférence intrinsèque pour le présent : deux approches complémentaires

L'analyse précédente nous invite à rechercher une préférence temporelle sur le cycle de
vie (parfaitement) rationnelle et, surtout, pure, ce qui implique qu'elle soit clairement séparée
des comportements de court terme qui viennent d'être évoqués, mais aussi débarrassée des
effets d'un futur incertain. Remarquons que cette dernière exigence ne peut être totalement
respectée sur un point précis : interroger les individus sur leur vision de long terme conduit
souvent à mêler indistinctement préférence pure pour le présent et probabilités de survie,
telles qu'ils les évaluent subjectivement ; les deux éléments caractérisent conjointement leur
horizon décisionnel.

Deux voies d'approche complémentaires de cette préférence pure pour le présent sont
envisageables.

( i) Approche directe, "littérale", du taux d'actualisation D

La première tentera d'identifier le taux de dépréciation du futur à partir d'une


interprétation littérale du formalisme des modèles. En avenir certain, l'actualisation répond
ainsi à la règle d'équivalence : 1 unité de satisfaction (util) aujourd'hui = ( 1+D) unités à la
période suivante. Il s'agit donc de comparer les satisfactions retirées d'un même "plaisir",
selon qu'il est éprouvé plus tôt ou plus tard, ou encore de proposer le choix entre deux
plaisirs- exprimés dans les mêmes unités-, l'un offert aujourd'hui, l'autre (supérieur) demain.
Dans un cas comme dans l'autre, les sujets doivent être placés dans une situation telle que l'on
puisse éliminer, ou au moins contrôler, tous les autres facteurs susceptibles d'intervenir,
source de biais multiples en faveur du présent ou aussi bien du futur. La préférence temporelle
pure apparaît alors "en négatif", définie comme l'élément résiduel des arbitrages
intertemporels, une fois que l'on a tenu compte de tous leurs autres déterminants possibles.

C'est la stratégie implicite suivie par la plupart des études expérimentales menées
jusqu'ici. Elle rencontre des difficultés considérables, même lorsque l'on s'abstient de proposer
des choix de trop court terme pour éliminer les phénomènes d'impatience ou, à l'inverse,
d'anticipation: soit l'on ne contrôle pas tous les facteurs parasites- trop nombreux-, et la
mesure de Dpourra être biaisée ; soit l'on s'épuise à le faire, et les questions posées risquent de
devenir très abstraites ou d'envisager des situations trop artificielles. Quoi qu'il en soit, les
résultats de ces études expérimentales sont souvent décevants : on observe une très forte
instabilité des valeurs estimées pour le taux Dselon le type de questions posé (cf Frederick et
al., 2002) ; par ailleurs, les variations individuelles de ce paramètre de préférence apparaissent
sans effet notable sur l'accumulation patrimoniale (Ameriks et al., 2003).

Nous verrons à la section suivante comment nous avons essayé de contourner ces
difficultés, quitte à nous contenter de mesures ordinales de D.
144 Inégalités patrimoniales et choix individuels

(ii) Approche existentielle de la préférence pour le présent: projets et horizon de vie

Cette approche directe de la préférence pour le présent en terme de taux d'actualisation ne


peut cependant suffire. Elle doit être complétée par une autre approche, plus originale, qui
tente d'accorder à la préférence temporelle, en tant que disposition humaine fondamentale,
une signification plus explicite qui permette d'envisager également dans le questionnaire des
situations ou contextes plus concrets ou plus réalistes.

À quelles dimensions spécifiques du comportement pourrait donc correspondre le taux de


dépréciation du futur Dintroduit par la théorie économique ? Si on veut éviter les explications
psychologiques ou physiologiques mal maîtrisées, il faut relier ce paramètre aux projets
fédérateurs, aux actions intentionnelles (orientées vers un but) de l'agent, qui cherche par ses
décisions à (se) créer un avenir meilleur. Pour l'économiste Von Mises (1949), la préférence
pour le présent devient alors "une composante catégorielle de l'agir humain ... parce qu'il nous
est impossible de penser une action sans vouloir sa réussite le plus tôt possible".

La préférence temporelle exprimerait plus généralement les rapports existentiels entre le


moi présent et les moi futurs. La primauté de l'instant présent tiendrait alors au fait qu'il n'y a
pas d'existence pour un individu sans raison de vivre aujourd'hui: les moi futurs "n'existent"
pour le moi présent que si ce dernier se "soucie" d'eux, s'intéresse à ces répliques de lui-
même parce qu'il a, maintenant, des projets et des désirs qui les concernent et qui donnent, à
ses yeux, sens et substance à son existence. Dans ce cadre, le poids relatif accordé aux bien-
être futurs mesure le degré d'empathie ou "d'altruisme" du moi présent pour ses "successeurs"
que sont les moi futurs, soit en fait la force et l'étendue des projets qu'il a élaborés à leur
intention - projets dont la réussite dépend, précisément, de la cohérence temporelle des choix
sur la période concernée (Masson, 1995 et 2000).

On voit en quoi cette définition de la préférence pour le présent se prête à des questions
relativement directes et concrètes- sur la nature et l'étendue des projets qui mobilisent
l'enquêté par exemple- et correspond tout à la fois à ce que l'on attend d'une "myopie
rationnelle", telle que nous l'avons définie plus haut: Achille préfère "une vie courte et
brillante" non en raison d'un quelconque défaut d'imagination mais parce qu'il se soucie
beaucoup plus de gloire que du sort de ses moi futurs (si jamais ils existent) 1•

1
Loin de déboucher sur un vain solipsisme, ce rapport d'altérité entre les répliques de soi-même dans le temps,
largement débattu par les philosophes (cf. Parfit, 1984 ; Williams, 1982, notamment) ouvre sur la relation à
autrui et manifeste la dimension dynamique et socio-historique de la préférence temporelle et des projets de vie.
Ces derniers sont réajustés, remodelés en fonction des expériences de l'existence ; ils sont élaborés en fonction
d'autrui, et doivent apparaître légitimes aux yeux du sujet lui-même, mais recevoir aussi l'aval des autres.
Les préférences individuelles pour le présent 145

2.5. Altruisme pour soi, pour les siens, pour les générations futures

Concevoir ainsi la préférence pour le présent comme l'inverse du degré "d'auto-


altruisme" - ou altruisme pour ses moi futurs - conduit naturellement à la différencier de
l'altruisme pour autrui, en distinguant là encore entre ses propres descendants et les
générations futures en général. Que cette typologie ait un caractère canonique est attesté
notamment par la discussion du philosophe Bimbacher (1994) qui le conduit à introduire
quatre facteurs de "sous-estimation" (dépréciation) du futur:

1. une pure dépréciation du futur, qui est fonction de la nature des finalités et des projets
de vie de l'individu aujourd'hui : elle sera élevée dans le cas du fumeur impénitent qui
se moque de ce qui lui arrivera demain 1 ;

2. l'évaluation subjective des probabilités de survie aux différents âges;

3. la préférence pour soi par rapport à ses proches et tout particulièrement sa progéniture,
fonction inverse du degré d'altruisme familial pour sa descendance;

4. la préférence pour soi (ou ses proches) par rapport à autrui, fonction inverse du degré de
responsabilité vis-à-vis de l'avenir de la société, des générations futures, du sort de
l'humanité- ce que Bimbacher appelle la "distance morale".

La composante ( l ), que traduit le taux lJ de dépréciation du futur, et les probabilités de


survie (2) caractérisent l'horizon de vie de l'agent. S'agissant des horizons qui excèdent
l'existence, on distinguera le degré d'altruisme familial, 8, représentant la troisième
composante, et le degré d'altruisme "non familial", faute d'un meilleur terme, 8 nf, qui
correspond à la quatrième composante.

On notera que cette tétralogie peut être déclinée selon d'autres thèmes
fondamentaux :

- celui de la survie, par exemple : (l) survie aujourd'hui par les raisons que 1'on a
d'exister; (2) survie biologique; (3) survie par ses enfants et les siens, dans une quête
d'immortalité qui passe d'abord par les gènes; (4) survie collective qui concerne des
groupes plus larges que la famille, jusqu'à l'humanité tout entière;

-ou celui de l'héritage: (l) ce que l'on se transmet à soi-même: les possibilités, les
projets et les principes de vie hérités de son passé qu'on lègue à ses moi futurs; (2) ce qu'on
laisse derrière soi sans volonté particulière; (3) ce que l'on transmet aux siens: éducation,
patrimoine, valeurs ; (4) ce qu'on lègue aux générations futures : les progrès de la science et

Cette dépréciation du futur peut aussi résulter d'une préférence de "deuxième ordre" pour les préférences
actuelles plutôt que pour des préférences à venir que "nous ne partageons pas ou ne comprenons pas
aujourd'hui" (8irnbacher, 1994): elle traduit d'une autre manière "l'opacité" du moi futur.
146 Inégalités patrimoniales et choix individuels

de la médecine, l'amélioration du niveau de vie, les œuvres d'art ... mais aussi la pollution,
la menace nucléaire, l'épuisement des ressources rares.
Chapitre 8

Le scoring des attitudes à l'égard du


temps

D ans ce chapitre, nous insistons sur les difficultés empiriques que pose la mesure
individuelle de ces paramètres d'attitude à l'égard du temps (section 1). Notre
approche repose sur l'élaboration d'un questionnaire spécifique, dit "méthodologique", posé à
un sous-échantillon représentatif de l'enquête Insee "Patrimoine 1998" et décrit dans l'annexe
A du livre. La batterie de questions retenues, souvent simples et concrètes, balaie un large
éventail de situations dans différents domaines de l'existence (consommation, santé, travail,
argent, famille ... ) : elle a été conçue en vue de différencier le taux de dépréciation du futur et
les degrés d'impatience ou d'altruisme d'autres facteurs intervenant dans les choix
intertemporels et l'actualisation des ressources à venir: taux d'intérêt, attitude à l'égard du
risque, contraintes de liquidité ... Une procédure critique concerne l'affectation a priori de telle
ou telle question à l'indicateur d'impatience de court terme, à celui de la préférence temporelle
sur le cycle de vie, ou encore à l'altruisme 1•

Pour chaque préférence (section 2), les réponses aux questions affectées ont ensuite été
codées, le plus souvent en trois modalités (-1; 0; +1), comme l'indiquent les tableaux 8.1 à
8.3 de ce chapitre qui constituent la base de construction des scores individuels de préférence
pour le présent, d'impatience et d'altruisme en distinguant pour ce dernier ses dimensions
familiale et non familiale. Les scores sont la somme des "notes" ainsi obtenues pour les
questions pertinentes, i. e. celles qui sont suffisamment corrélées avec l'ensemble des autres.

1
L'annexe A du livre permet de visualiser de manière synthétique les choix effectués : les questions affectées à
l'impatience sont notées Il, 12 ... . à la préférence temporelle èî, Tln ... ,à l'altruisme (familial ou non) Al.
A2 ... La pluralité des interprétations possibles explique que certaines questions aient été affectées à plusieurs
paramètres de préférence à la fois.
148 Inégalités patrimoniales et choix individuels

À fin de comparaison, les enquêtés étaient également invités à se positionner eux-mêmes


sur des échelles qualitatives, pour la préférence temporelle (0 = "vit au jour le jour" ;
10 ="préoccupé par l'avenir") et pour l'impatience (0 ="impatient" ; 10 = "posé")- pour des
raisons compréhensibles, on ne s'est pas risqué à proposer une échelle d'altruisme.

Nous présentons enfin les analyses en composantes principales effectuées pour les
différents paramètres temporels à partir des différentes questions de l'enquête (section 3): ces
dernières nous permettent de juger la qualité de nos scores d'une autre manière.

1. DIFFICULTES MÉTHODOLOGIQUES ET EMPIRIQUES


On s'intéressera surtout au taux de dépréciation du futur 6 qui pose, on l'a vu dans le
chapitre précédent, des problèmes conceptuels et théoriques tout à fait particuliers : les
controverses ont porté sur l'existence même d'un tel paramètre, la signification qu'on peut lui
donner, ou encore la possibilité de l'isoler d'autres éléments intervenant dans les choix
intertemporels, préférences (impatience, aversion pour le risque, variations des besoins ... ) ou
facteurs d'environnement (taux d'intérêt, contraintes de liquidité ... ). Ces difficultés
spécifiques en compliquent d'autant les tentatives de mesure empirique.

C'est pourquoi nous avons décidé, dans l'élaboration du questionnaire méthodologique, de


faire feu de tout bois en combinant deux stratégies d'évaluation de 6 qui correspondent aux
deux approches conceptuelles indiquées au chapitre précédent. S'inspirant des mesures
expérimentales existantes, la première colle au formalisme des modèles en s'efforçant de
comparer une unité de "plaisir" maintenant - toutes choses égales d'ailleurs - à une unité ou
plus d'un "plaisir" supposé équivalent à une date future, alors que la seconde s'appuie sur la
conception de la préférence temporelle que nous avons proposée, en terme de "projets de vie".
Chaque stratégie présente des difficultés propres. La seconde autorise ainsi des questions plus
concrètes, mais que l'on a intérêt à multiplier d'autant plus que chacune autorise d'autres
interprétations.

Le score de préférence pour le présent constitue une sorte de moyenne représentative des
réponses apportées à ces deux types de questions hétérogènes, mais supposées a priori
partager une dimension commune, révélant le paramètre ô : contrôlée par des tests de
cohérence (critère de l'alpha de Cronbach), l'agrégation permettrait d'éliminer les autres
interprétations possibles, les effets de contexte, les mauvaises réponses dues au caractère trop
abstrait de certaines questions, etc. comme autant "d'erreurs de mesure" - hypothèse moins
forte qu'il n'y paraît du fait que le score est une mesure purement ordinale.
Le scoring des attitudes à l'égard du temps 149

1.1. Choisir entre un plaisir maintenant et un même plaisir (ou davantage) plus tard ...

Les mesures expérimentales antérieures ont le plus souvent cherché à recouvrer le taux
d'actualisation b des utilités futures en donnant aux sujets à choisir entre un gain (ou une
perte) aujourd'hui et un(e) autre demain, ou entre deux dates à venir (Frederick et al., 2002).

Il faut éviter les gains monétaires si le sujet a des possibilités d'arbitrage : ses réponses
refléteraient alors surtout son évaluation du taux d'intérêt. La comparaison ne doit pas
davantage porter sur des consommations si ses goûts ou ses besoins varient au cours du
temps. Elle doit directement concerner des niveaux d'utilité (cardinale) que l'on suppose
exprimés en une unité commune, baptisée en anglais util : idéalement, le choix est entre X
utils aujourd'hui et Y utils dans 10 ans, étant donné que Y est supposé aussi certain que X et
que l'enquêté ne subit pas de contraintes dans ses choix.

On comprend que les études expérimentales les plus pertinentes, qui se sont efforcées de
respecter ces réquisits, se soient très vite heurtées à un problème ardu : le libellé de questions
appropriées, qui risquent de présenter un caractère artificiel - beaucoup plus, encore, que les
choix entre loteries envisagés dans le cas du risque 1•

Ces études étrangères obtiennent pour b des valeurs plus raisonnables mais souffrent
encore d'une série d'anomalies systématiques : les taux mesurés apparaissent plus élevés pour
des gains que pour des pertes, pour les petits que pour les gros montants, si l'on diffère une
récompense plutôt que de la rapprocher, pour les biens privés que pour les biens publics (cf.
Knetsch, 1996, 1997) ; en outre, ils diminuent avec la distance au présent (actualisation
hyperbolique) et restent "pollués" par des phénomènes d'anticipation comme le plaisir de
l'attente ("savoring") et l'appréhension d'événements pénibles ("dread").

Comment traiter ces anomalies ? Nous avons déjà donné quelques éléments de réponse.
Comme nous ne cherchons qu'une mesure qualitative et ordinale du taux de dépréciation du
futur, les variations de celui-ci en fonction du contexte (gain ou perte, importance des enjeux)
ne nous gêneront pas trop tant que les classements des individus varient peu d'une situation à
l'autre. Et le fait que les phénomènes impliquant une actualisation hyperbolique ou un biais en
faveur du futur portent essentiellement sur le court terme nous a conduit, précisément, à
distinguer le degré d'impatience f3 de la préférence pure pour le présent sur le cycle de vie,
associée au taux b.

1
Une de nos questions donne ainsi à arbitrer entre un service obligatoire (militaire ou civil) court mais proche,
ou bien lointain mais plus long ... le choix concernant la date étant "supposé sans conséquence pour votre
carrière professionnelle" - hypothèse que certains enquêtés trouveront difficile à admettre (cf infra).
150 Inégalités patrimoniales et choix individuels

L'instabilité des mesures observée dans les expériences anglo-saxonnes montre cependant
que ces remèdes ne suffisent pas, loin de là : un effort particulier doit être apporté à la
formulation de questions originales 1•

Ainsi, beaucoup d'anomalies observées (incohérence temporelle, effet de montant. .. )


diminuent si, dans les questions du type "préférez-vous X maintenant ou Y (supérieur à X)
dans un an", on remplace "maintenant" par "demain" (Knetsch, 1996). Il s'agit ici
d'éviter- quelles que soient les précautions prises dans la description de la situation (sans
risque et sans contrainte, etc.) -les connotations particulières associées à la référence au
présent, forcément perçu comme certain et disponible, "à portée de main". Une stratégie
alternative consistera au contraire à introduire l'incertain déjà sur les gains présents, par
exemple en donnant à choisir entre une loterie aujourd'hui et une autre demain (cf question
T11 dans le tableau 8.1 ).

Knetsch ( 1997) montre, par ailleurs, que les choix entre un gain proche et un autre plus
lointain- ou encore entre une perte demain et une autre plus éloignée- conduisent souvent à
des résultats biaisés ou peu exploitables, parce qu'ils modifient le niveau subjectif de
référence utilisé par les agents pour évaluer leurs variations de bien-être et/ou ne tiennent pas
compte de l'asymétrie entre gains et pertes. De même que la préférence temporelle correspond
soit au sacrifice du bien-être futur pour la jouissance immédiate, soit au contraire au
renoncement à un plaisir présent pour une satisfaction différée, les choix proposés doivent
combiner un gain et une perte (les exemples sont tirés de notre questionnaire) :

- soit une perte actuelle contre un gain futur: "différer le projet ou les vacances de vos
rêves contre une réduction de prix" (question T4 dans le tableau 8.1) ; "différer d'un an ses
vacances contre une augmentation de leur durée" (question T5);

- soit un gain présent contre une perte à venir : le choix concerne "le fait d'accomplir un
service national court mais demain ou un service plus long mais retardé" (question T/0).

La formulation des questions qui veulent ainsi correspondre le plus possible au paramètre
{J des modèles théoriques exige par ailleurs nombre de précautions. Pour la question sur le
projet de vos rêves (T4), on précise "qu'il n'y a aucun risque ... " ; et pour la question sur le fait
de différer ses vacances (T5) que "vous n'avez aucun engagement impossible à modifier", et
que "votre réponse est supposée n'avoir aucune répercussion négative sur votre statut
professionnel ou vos relations de travail", etc. Le plus important est de limiter, autant que
faire se peut, l'interaction entre la préférence temporelle et les effets de l'incertitude de l'avenir

1 Nous avons bénéficié ici des enseignements de Jack Knetsch (qui a travaillé longtemps avec Daniel Kahneman
et Amos Tversky), dont une boutade témoigne de l'ampleur du problème: "dites-moi la valeur moyenne de D
que vous voulez obtenir, je modulerai les questions en conséquence ... ".
Le scoring des attitudes à 1'égard du temps 151

(exposition au risque ou attitude à l'égard du risque). Ce n'est pas toujours possible, surtout
pour les choix éloignés- les plus pertinents pour une préférence pour le présent sur le long
terme- en raison de l'aléa relatif à la durée de vie 1•

Cette intrication entre les attitudes à l'égard du risque et du temps se retrouve encore sur
des horizons plus longs, dépassant l'existence propre des individus. La question retenue dans
le score d'altruisme non familial, qui propose d'arbitrer entre des vies sauvées dès demain ou,
en nombre plus important, dans 100 ans, pourra choquer certains lecteurs (question A9 du
tableau 8.3). Mais elle ne constitue qu'un échantillon des questions analogues que l'on trouve
dans la littérature expérimentale américaine (Knetsch, 1997). En outre, elle semble bien
accueillie par les enquêtés : en particulier, l'insouciance apparente de certains d'entre eux à
l'égard de l'avenir de la planète apparaît, de leur propre aveu, souvent liée à (ou justifiée par)
une croyance optimiste dans le progrès technique, censé apporter des solutions aux problèmes
de pollution actuels 2 •••

1.2.... ou poser des questions en rapport avec les projets, la conception de la vie ?

Au vu des difficultés que pose la formulation de questions qui visent à reproduire au plus
près le rôle du taux b dans les modèles, et du caractère aléatoire des résultats que l'on peut en
attendre si l'on se réfère aux échecs des expériences étrangères, la majorité des items
introduits dans notre questionnaire méthodologique relève d'une démarche alternative : les
questions retenues ne s'attachent pas tant à la signification du paramètre b comme taux
d'actualisation qu'à traduire dans les faits, de manière simple et concrète, les implications de la
conception "existentielle" de la préférence temporelle que nous en avons proposée, en terme
de projets de vie et d'horizon décisionnel.

Dans cette perspective, il est particulièrement vain de rechercher la question qui


constituerait la solution idéale- même si on interroge l'enquêté directement sur l'existence de
projets à long terme "qui lui tiennent à cœur", et sur leur durée: 10, 20, ou 30 ans (question
VII.QIO) .... Il est au contraire préférable de multiplier les questions de nature hétérogène,
d'opinion ou d'intention, relatives aux pratiques effectives ou à des scénarios hypothétiques
(en matière de retraite, par exemple), en balayant un large éventail de domaines de l'existence.
L'une concernera le "fait d'avoir eu des difficultés à boucler son budget" (question TJ du

1
Sur ce point, placer des étudiants dans une situation hypothétique du type : "vous avez 50 ans, vous allez vivre
jusqu'à 80 ans exactement, voici plusieurs profils de consommation possibles ... ", à l'instar de certaines études
expérimentales américaines ne constitue certes pas la solution (cf chapitre 2).
2
Au lieu de révéler seulement leur préférence à l'égard du temps, les sujets concernés peuvent en effet considérer
qu'ils ont aussi à arbitrer entre deux risques : le premier est de faire des choix trop à leur avantage, au risque
d'hypothéquer le sort des générations futures ; le second est de s'apercevoir ex-post qu'ils ont sacrifié en vain
leur niveau de vie, la croissance pourvoyant amplement au bien-être de leur descendance.
152 Inégalités patrimoniales et choix individuels

tableau 8.1), l'autre une variante du choix d'Achille: "vaut-il la peine de se priver des plaisirs
de l'existence pour vivre plus longtemps?" (question T6) ; une troisième demandera à
l'enquêté si "pour éviter les problèmes de santé, il surveille son poids 1 son alimentation 1 ou
fait du sport" (question T7), une autre encore "s'il préférerait une retraite accrue jusqu'à 85
ans, diminuée après" (question T/7), etc.

Si chacune de ces questions est susceptible de faire intervenir d'autres facteurs que b, liés
à l'incertitude du futur et à l'attitude face au risque, au coût d'opportunité du temps, aux
contraintes de liquidité subies ou anticipées ... , on fait l'hypothèse que ces différents biais se
compenseront plus ou moins au niveau agrégé d'une mesure synthétique, appelée "score", qui
résume pour chaque individu les informations apportées par l'ensemble des items retenus.

1.3. Méthode de construction - et de validation - des scores temporels

Peut-on ainsi espérer, en multipliant les questions de différente nature, éliminer ces autres
facteurs ou effets de contexte comme autant d'erreurs de mesure ? L'enjeu est particulièrement
important dans le cas de la préférence temporelle, pour deux raisons : on "mélange" deux
types de questions hétérogènes, les premières cherchant à mesurer b comme taux
d'actualisation des utilités futures, les secondes comme indicateur de l'horizon de vie du sujet ;
et imaginer des situations impliquant une projection vers l'avenir sans que des considérations
relatives à l'incertain n'y soient mêlées relève de la gageure si l'on veut éviter de placer les
enquêtés dans des situations trop artificielles 1•

La solution proposée passe par la construction d'un score individuel de préférence pour le
présent, selon une méthode plus familière aux psychométriciens qu'aux économistes, décrite
au chapitre suivant et plus précisément au tableau 8.1. Elle comprend trois étapes.

La première consiste à affecter a priori un certain nombre de questions du questionnaire


méthodologique à la mesure du taux b, qu'elles relèvent d'une approche directe ou
existentielle de la préférence pour le présent. L'annexe A qui reproduit le questionnaire in
extenso, indique le libellé exact de chaque question ainsi que les cas de "polysémie" que nous
avons retenus : le caractère concret de certaines questions déduites de l'approche existentielle
a pour contrepartie le fait qu'elles autorisent d'autres interprétations possibles, en terme
d'attitude à l'égard du risque, d'impatience, ou au contraire d'altruisme 2 •

Le tableau 8.1 liste les questions retenues (avec un résumé pour chacune). Il indique
également comment s'est effectué le codage (2e étape) de chaque question, le plus souvent en

1
La mesure des attitudes à l'égard du risque n'est pas confrontée au problème symétrique : à l'image des choix
statiques entre loteries, des situations aléatoires dans l'instant se conçoivent aisément.
2
Cf Arrondel et al. (2002) ou le chapitre 2.
Le scoring des attitudes à 1'égard du temps 153

trois modalités (-1 = prévoyant ; 0 = position moyenne ; + 1 = "myope"), avec la répartition


des ménages de l'échantillon selon les réponses qu'ils ont apportées. La valeur initiale du
score est alors la somme des 34 notes ainsi obtenues : il s'agit donc d'une mesure purement
ordinale, représentative de l'ensemble des réponses de l'enquêté (un peu comme est mesuré le
QI d'un sujet en fonction de ses réponses à une batterie de tests d'intelligence).

La troisième phase est celle de validation du score. La sommation effectuée n'aura de sens
que si les deux conditions suivantes sont satisfaites: (1) les questions retenues, suffisamment
nombreuses, présentent une dimension commune que l'agrégation permettrait de révéler en
éliminant les aspects propres à chaque question- effets de contexte, autres facteurs
parasites - assimilés à des erreurs de mesure (cf Spector, 1991) ; (2) cette information révélée
correspond bien au paramètre de préférence 6.

La condition (1) implique que les réponses fournies aux différentes questions par un
même individu soient suffisamment corrélées entre elles. On a donc intérêt à éliminer toute
question dont la corrélation avec les autres - i. e. le score recalculé sans cet item - est soit
négative, soit trop faible (inférieure à 5 % ) 1• Le coefficient alpha de Cronbach permet
d'évaluer le degré de cohérence interne de cet indicateur - dans quelle mesure ces questions
tirent bien dans la même direction : il est nul pour des items indépendants, égal à l'unité s'ils
sont parfaitement corrélés (Spector, 1991).

Reste le plus difficile: vérifier si le score mesure ce que l'on cherchait (condition (2)).
Pour cela, on peut déjà regarder les questions qui contribuent le plus au score (corrélations les
plus élevées avec le reste du score) : le rang obtenu est indiqué dans le tableau 8.1. Une autre
manière de vérifier la pertinence du score est de le comparer à la position déclarée par les
individus eux-mêmes sur une échelle de préférence temporelle, ou plutôt de prévoyance,
ordonnée de 0 ("vit au jour le jour") à l 0 ("préoccupé par l'avenir").

Pour juger tant de la représentativité du score que du bien fondé de son interprétation,
nous avons procédé par ailleurs à une analyse en composantes principales (ACP), qui permet
d'une part de repérer les proximités entre questions et de juger de leurs contributions à l'inertie
du nuage, et d'autre part de dégager la signification du score ou de l'échelle en les projetant
sur les deux premiers axes, par exemple (cf infra).

1
Dans le cas de la préférence temporelle. on est ainsi conduit à éliminer neuf questions, ce qui atteste la
difficulté de mesurer ce paramètre. Le score final se limite alors à la somme des notes obtenues pour les 25
questions retenues.
~-3 Vl
Rang ., ~ ~
1 Vit au jour Prévoyant
Nature de l'indicateur( 1) !Question! dans le Neutre(%) ~- cr"
le jour(%) (%) ,Q ~
score = ~
(+) (-) ~ =
00
=t')
~
Consommation/ loisirs/voyages 1 Q..
~
riJ
Tl: Prend l'autoroute afin de gagner du temps (non=- 1; oui=+ 1; autre= 0) 50,5 27,1 22,4 .,
~-
"'C
0
T2: Attend le dernier moment pour les achats de fin d'année
1-Qll 8 43,6 46,7 9,7 riJ
(non=-/; oui= +1; autre= 0) ~
=
riJ
~
T2a: Veut réaliser une oportunité le plus vite (oui = + 1; non = 0) 1-Q14 16 40,5 59,5 .....
t')
0
T3: A déjà eu des difficultés à boucler son budget (oui = + 1; non = 0) 1-Q16 12 21,9 78,1
riJ
.....
.,=
T4: Différer le projet de vos rêve contre une réduction de prix
1-Q17 25 19,8 15,9 64,3 t')
=
(non ou dans 6 mois au plus= + 1; oui même au-delà de 5 ans= -1; autre = 0)(2) .....
TS: Différer d'un an ses vacances contre une augmentation de leur durée s·
1-QlS 24 19,7 11,4 68,9
(non = + 1; oui avec 0 ou 1 jour supplémentaire = -1; autre = 0) Q..
= .......
;:s
=
riJ ~\
Santé/risque de vie/espérance de vie t')
0
.,
~
~~\
T6: Désir de se priver pour vivre plus longtemps (oui = -1; non = + 1; autre = 0) 11-Q7 2 26,9 12,4 60,7 Q.. "';::s
1 ~ 1::)
"'C
., ~
T7: Souci du maintien d'une bonne santé (oui=-/; non= +1; autre= 0) 11-QS 1 28,6 18,7 52,7 §"
1 0
.,~-~ ;:s
~ s·
TS: Sensibilité au problème de financement du système de santé (oui = 0; non = + 1) 11-Qll 6 1 30,4 69,6 ~
t')
=
~ '~""
~
T9: Être dans une famille où 1'on vit plutôt vieux (oui = -1; non = + 1; autre = 0 ) 19,6 20,4 60,0 ;:s-
0
lg., >:;·
;- s·
Travail, revenu, carrière professionnelle l:l..
"'C
., ~-
TlO: Préférerait un "service national" court aussi tôt que possible, plutôt qu'un service
plus long mais étalé dans le temps (non=+ 1; oui= 0)
- 10,8 89,2
~-
riJ
~

.....
=
§:
~
(;:;
~
~
0
::::!.
;::
Cio
~
Placement/gestion de l'argent ""
~-
Tll: Choix d'une loterie en fonction de la date de tirage
IV-Q6 Il 38,7 4,0 57,3
(tirage proche avec forte réduction = + 1; tirage lointain = -1; autre = 0) ~
~,
T12: A pris en compte la nature des droits à la retraite lors du choix de son métier
(oui=-/; non = +1: autre= 0) 2,9 1,6 95,5
~:
-
~

Retraite ~
~
~
T13: Préoccupé par le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui=-/; non= 0) 1 V-Q2A 13 46,0 54,0
~
T14: Sensible au problème du financement du système de retraite (oui=-/; non= 0) 1 V-Q3 5 23,0 77,0

TlS: Préfèrerait des cotisations retraite allégées et une retraite "réduite"


V-Q4 20 1,9 83,4 14,7
(non = -1; oui sans épargne supplémentaire = + 1; autre = 0)
T16: Prétèrerait un retrait précoce du marché du travail contre une pension réduite
après 60 ans (non=-/; oui= +1; autre= 0) V-QS 3 18,8 61,9 19,3

T17: Prétèrerait une retraite accrue jusqu'à 85 ans (75 ans), diminuée après
V-Q6 14 20,2 54,0 25,8
(oui dès 75 ans ou sans épargne supplémentaire= +1: non=-/; autre= 0)

Notes:
/. Dans la recension du codage, pour faire court, "autre" désigne (outre les non concernés et les non réponses) les positions intermédiaires entre un
"oui" (accord) et un "non" (refus) plus ou moins affirmés: pour plus de détails, cf Arrondel et al.(2002).

2. T4 et Tll n'ont été introduit que pour les individus de moins de 40 ans, TS pour les individus de plus de 40 ans.

VI
VI
~
...., v;
"'1 Il)
0" 1 Cl\
~' ;-
~
Il)
~
= c:
Prévoyant f')
?0
Rang 1 Vit au jour =
~
Nature de l'indicateur !Question! dans le le jour (%) (%) Neutre(%) Q.
~
score (+) (-) tl.!
"'1
T18: "Avoir des enfants est une assurance pour les vieux jours" ~'
VI-QlA 23 90,5 9,5 '0
(oui, totalement = -1; autre = 0) 0
tl.!
=
~
T19: "Avoir des enfants, c'est s'engager pour la vie" (oui = 0; non = + 1) VI-QlA 17 8,6 91,4 tl.!
~

f')
""""
T20: Le mariage est un contrat de long terme "pour le meilleur et pour le pire " VI-QlB 10 24,3 75,7 0
(oui = 0 ; non = + 1) tl.!

T21: Approuve des enfants qui privilégient leurs loisirs par rapport à leurs études
=
~
VI-Q3 15 3,2 82,5 14,3 f')
(non=-/; oui, si études non compromises= +1; autre= 0) =
""""
!"
T22: Désire protéger financièrement son conjoint en cas de disparition VI-Q4 9 13,7 86,3
(oui = 0 ; non = + 1 ) Q.
= :;--
T23: Considère qu'il faut aider ses enfants tout au long de leur vie (oui = -1; non = 65,5 34,5 tl.!
= ~'
f')
0) 0 ~
"'1 ~·
T24: Il faut inculquer à ses enfants jeunes ou adolescents le goût de 1'épargne ~ c.,'
18,0 82,0 Q.
(oui=-/; non= +1) "'\::s
~ l:l
'0 ::;
T25: Préfère anticiper l'héritage quitte à aliéner une partie du capital 14,1 71,1 14,8 "'1 §'
(non= -1; oui, et prêt à racheter ses droits d'héritage à 35 ans=+ 1; autre= 0) ~' ~
~ :::s
~ !S'
Autres 1 1 ~
...,
f')
=
~
~
T26 : Croyance au destin (chacun tient son avenir entre ses mains = -1; tout est écrit 51,3 37,0 11,7 '0 (")
ou on ne maîtrise qu'une petite partie de sa vie = + 1; autre = 0) 0 :::s-
~
"'1
= ~·
T27: A peur de manquer dans l'avenir (oui=-/; non= 0) 64,9 35,1 ii' s·
'0 ~
"'1 ..::
~'
tl.! §:
~ ~
1::;-
=
""""
~
c.,
(")
C)
..,
~-
~
c.,
T28: S'impose des contraintes pour se forcer à être raisonnable (oui= -1; non= 0) VII-Q9 21 54,7 45,3 l::l
S.
T29: A (eu) des projets longs (sur 20 ou 30 ans = -1; sur 10 à 20 ans = 0; non = + 1)
E'
VII-QIO 19 20,3 22,1 57,6
~
c.,
1::),
T30: Sensible aux problèmes d'environnement (non= +1; autre= 0) VII-Qll 7 12,9 87,1

T31: Prêt à sacrifier son niveau de vie pour laisser une planète en bon état
-
~:
l::l
VII-Q12 18 12,5 27,4 60,1
(oui, f?fOS efforts= -1; non= +1; oui, quelques efforts= 0) ~
T32: Favorable à une taxe anti-pollution pour sauver des vies
§-
(oui. pour sauver des vies humaines au bout de 100 ans = -1; oui, pour sauver des 1,8 22,1 76,1 ~
vies dès demain mais sur 50 ans = + 1; autre = 0) .§
c.,

T33: Accepte un prélèvement d'organes après sa mort (oui = -1; non = 0) 18,7 81,3

Nombre d'observations 1 135

Lecture du tableau (exemple) :

Question T71a plus contributive du score qui correspond à la question 11-QS du questionnaire (cf annexe A):
"Pour éviter les prohlèmes de santé : A) surveillez- vous votre poids; B) surveillez-vous votre alimentation; C) faites- vous du sport".
Oui = "oui réf?ulièrement" pour au moins deux items sur trois (poids, alimentation, sport) et jamais "non" ; concerne 18,7% de l'échantillon,
contrihution au score: -1 (prévoyant)
Non = "non" pour au moins deux items sur trois et aucun "oui régulièrement"; 28,6% de l'échantillon, contribution au score: + 1 (vit au jour le
jour)
Autre= autres cas; concerne 52,7% de l'échantillon, contribution au score 0 (neutre)

Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta

Vt
-....1
158 Inégalités patrimoniales et choix individuels

2. PRÉFÉRENCE POUR LE PRÉSENT, IMPATIENCE ET ALTRUISME: TROIS


SCORES DISTINCTS
Pour construire nos scores d'attitude vis-à-vis du temps, nous avons appliqué la même
méthode que dans le cas de l'attitude vis-à-vis du risque (cf chapitre 5) : le principe du score
consiste à sommer les réponses aux différentes questions supposées avoir une dimension
commune, qui porte bien sur la préférence à l'égard du temps considérée. Dans une première
étape, nous avons introduit toutes les questions susceptibles d'approcher chaque paramètre (cf
tableaux 8.1 à 8.3). Les scores ont été calculés séparément pour les moins de 40 ans et pour
les plus de 40 ans. Au final, nous n'avons retenu que les questions corrélées positivement avec
le score et dont la corrélation était supérieure à 5 % (pour au moins l'une des deux sous-
populations). La cohérence interne du score a été mesurée à l'aide du coefficient alpha de
Cronbach (cf chapitre 5).

Les tableaux 8.1 à 8.3 concernent respectivement les scores de préférence temporelle,
d'impatience, et d'altruisme (familial ou non). Ils indiquent les questions initialement
sélectionnées, celles finalement retenues, le codage adopté, la répartition des ménages selon
les réponses qu'ils ont apportées, ainsi que le rang de corrélation de chaque item avec le score
recalculé sans cette question.

2.1. Le score de préférence temporelle: une mesure plus satisfaisante

Nous avons sélectionné au départ 34 questions (cf tableau 8.1) susceptibles de révéler la
préférence pour le présent(+) ou à l'inverse la prévoyance(-) de chaque enquêté, renommées
Tl à T33 (avec une question T2a ... ). Sans surprise, la construction du score de préférence
pour le présent, qui suppose d'éliminer les autres facteurs de choix dans le temps, pose
davantage de problèmes que celle du score d'attitude à l'égard au risque : 2 items seulement
sur 56 initialement sélectionnés ont dû être écartés (cf chapitre 5) ; dans le cas de la
préférence temporelle, 9 sur 34 1 : 5 ont été éliminées pour corrélation négative (Tl, T/0, T/2,
T26, T32) et 4 pour corrélation trop faible (T9, T23, T25, T27). Les questions T4 et Til n'ont
été introduites que pour les individus de moins de 40 ans, la question T5 uniquement pour les
40 ans et plus. Le coefficient de corrélation avec le score de la question T7, la plus
contributive, est de 0,25; celui de l'item le moins contributif (T5), de 0,06.

Parmi les neuf questions éliminées figure notamment le choix (T/0) entre un service
obligatoire proche et court (89,2 % préféraient cette solution), ou lointain mais plus long,
question pourtant "profilée" pour mesurer le taux de dépréciation d'un déplaisir futur par

1
Beaucoup plus d'items du questionnaire ont dus être codés différemment pour les plus jeunes (moins de 40 ans)
et les plus âgés, du fait notamment des différences d'horizon comportemental liées à l'espérance de vie.
Le scoring des attitudes à l'égard du temps 159

rapport à un déplaisir présent. Comme le suggère la discussion de la section précédente,


l'échec s'explique sans doute par le caractère trop artificiel ou complexe de la situation
évoquée : lors d'interviews préalables ou complémentaires, nombre d'enquêtés nous ont
indiqué vouloir se libérer au plus vite de ce service pour mieux se consacrer ensuite à d'autres
activités du cycle de vie (métier, enfants ... )- attitude compréhensible que l'on interprète à
tort comme un préférence pour le présent.

L'alpha de Cronbach pour le score final réduit aux 25 items finalement retenus est égal à
0,53 sur la population totale (cf tableau 8.2), valeur plus faible que celle obtenue pour le
risque (0,65). Ce résultat confirme la difficulté de mesurer les attitudes face au temps, mais
apparaît tout à fait encourageant si l'on admet que les mesures de préférence sont plus
aléatoires que les scores psychométriques : dans ce domaine, on considère qu'une valeur
inférieure à 0,40 est insuffisante, l'idéal étant de dépasser 0,70 (cf Nunnally, 1978). On
remarquera également que le score est meilleur lorsqu'il est calculé sur les personnes de plus
de 40 ans (0,56), peut-être plus en "situation" pour répondre à certaines questions.

Les questions les plus corrélées avec le score relèvent clairement de l'approche
existentielle et concernent la santé ou l'hygiène de vie: surveillance du poids 1 souci de
l'alimentation 1 pratique du sport (T7: 19% s'en soucient régulièrement, 28,6 % ne s'en
préoccupent pas du tout) ; dilemme d'Achille (T6: 12,4% préfèrent se priver pour vivre plus
longtemps, 27 % veulent profiter des plaisirs de l'existence, les autres sont plus partagés).
Viennent ensuite: l'opportunité d'un retrait précoce du marché du travail contre un~ pension
réduite au-delà de 60 ans (T/6: 19% y sont favorables, 62% la refusent); la volonté de
donner le goût de l'épargne à ses enfants (T24), que l'on observe chez 82% des individus; le
fait d'être sensible aux difficultés prévisibles du système de retraite (T/4), qui inquiète près de
80% des individus et, de même, à celles du système de santé (TB), qui préoccupe seulement
30,4 %des individus ... en 1998, avant les débats actuels.

À l'inverse, les questions inspirées par une approche directe du taux d'actualisation ~
figurent plutôt en queue de peloton, telle les items T5, sur le nombre de jours de vacances
supplémentaires demandés pour compenser le report d'une semaine de congé ( 19,7 % refusent
tout report de congé, Il ,4 % acceptent de différer leurs vacances d'un an en échange d'au
moins deux jours de congé en plus), et T4 (introduit uniquement pour les moins de 40 ans),
qui offre la possibilité d'une réduction de prix si l'on accepte de différer la réalisation du
"projet de ses rêves" (15,9% acceptent d'attendre 5 ans en échange d'une baisse du prix,
19,8 %veulent consommer tout de suite) 1•

1
Semblent ici jouer des considérations étrangères à la préférence temporelle, particulièrement difficiles à
contrôler et variables d'un individu à l'autre. Ainsi, dans le cas de la question T4, certains voudront-ils différer
160 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau 8.2
Description des scores temporels

Alpha de Cronbach Items


retenus/Items
Popullltion 40 ans ou initiaux
Scores Plus de 40 ans
totale moins
Préférence
0,53 0,44 0,56 25/34
temporelle

Impatience 0,27 0,22 0,32 8113

Altruisme non
0,43 0,41 0,46 4/4
familial
Altruisme
0,29 0,22 0,33 8/9
familial
Lecture: pour la préférence temporelle, 25 questions ont été retenues sur les 34 initialement posées. 9
questions ont donc été éliminées pour corrélation négative ou trop faible avec les autres questions. L'indice de
cohérence du score final mesuré par l'alpha de Cronbach s'élève à 0,53 sur la population totale, 0.44 pour les
40 ans ou moins et 0,56 pour les plus de 40 ans.
Source : enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

Au total, le "mélange" des deux types de questions se fait plutôt au profit de l'approche
existentielle, mais on peut vérifier que les questions dérivées de l'approche directe ont une
contribution non négligeable au score, attestée par la valeur de l'alpha de Cronbach. Ce
résultat n'est pas mince si on le compare à l'échec des expériences étrangères qui ont cherché à
recouvrer directement le taux {>d'actualisation des utilités futures au niveau individuel'.

Compte tenu des 25 questions finalement retenues et du codage adopté, au plus


trichotomique, le score maximal que peut obtenir l'individu le plus insouciant (resp. de moins
de 40 ans) est de + 19 (resp. + 20) et la valeur minimale que peut obtenir un individu qui
planifie à long terme est de - 17 (resp. - 18). L'histogramme du score de préférence
temporelle est présenté sur le graphique 8.1 A. Il varie en pratique de - 13 à + 14 avec une
répartition très régulière, particulièrement bienvenue lorsque l'on veut déterminer qui est
prévoyant (voir section suivante) ou, à l'inverse, expliquer les disparités de patrimoine par
l'hétérogénéité des préférences individuelles. Nous utiliserons souvent une approximation
discrète, en quartiles, de cette dispersion : le premier quartile approché est égal à - 6 (les

l'accomplissement du projet de leurs rêves à un moment où ils auront davantage de temps ou de disponibilité
intellectuelle pour en profiter (la retraite, par exemple) ; d'autres, au contraire, souhaiteront avancer sa
réalisation tant qu'ils ont la santé pour vraiment l'apprécier (s'il s'agit d'un voyage exténuant, etc.).
1 À partir de données d'un Panel hollandais, Nyhus (1999) trouve ainsi peu de corrélations dans les réponses à la
trentaine de questions censées caractériser la préférence temporelle.
Le scoring des attitudes à l'égard du temps 161

24,6% les plus prévoyants ont un score inférieur ou égal à cette valeur), le dernier à- 2 (ou
plus pour les 24,5 %les plus insouciants) 1•
Graphique 8.1
A : Histogramme du score de préférence 8: Histogramme de l'échelle de prévoyance
pour le présent

20

~ 10
r::
·~

l"'
"
., 5

·~
.0
-~
i:5

-13 -Il -9 -7 -5 -3 -1 9 Il 13 10

Score de prétërence temporelle Position donnee par l'individu sur l'échelle de préférence
(-: préoccupé par l'avenir : +: vit au jour le jour) rcmporcllc
(0: v11 au jour le jour; 10: préoccupé par l'avenir)

Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

On peut comparer le score à l'échelle de prévoyance où les enquêtés étaient invités à se


situer eux-mêmes, entre 0 pour ceux qui s'estimaient vivre le plus au jour le jour, et 10 pour
ceux qui se considéraient très préoccupés par l'avenir. L'histogramme des réponses, reproduit
sur le graphique 8.1B, présente certes l'inconvénient habituel d'une focalisation trop forte sur
la valeur moyenne 5 ; mais les deux mesures, score et échelle, vont bien dans le même sens
avec une corrélation statistiquement significative, égale à 0,28. Celle-ci paraît plutôt modeste.
On peut néanmoins l'illustrer en s'intéressant aux quartiles extrêmes des deux distributions
(tableau 8.3) : parmi les individus les plus prévoyants selon le score, 35 % se déclarent de
même les plus "préoccupés par l'avenir", mais 11,7% s'estiment insouciants; inversement, au
sein des individus les moins prévoyants selon le score, 44.5 % déclarent aussi "vivre au jour le
jour", mais 14% se voyaient préoccupés par l'avenir. Au total, seule 1 personne sur 16 se
positionne ainsi "à l'opposé" de son score (en termes de quartiles), délivrant un autoportrait
qui contredit la mesure statistique.

1
L'individu le plus insouciant de l'échantillon (score de + 14) correspond bien au portrait attendu: c'est un
homme jeune (27 ans), qui n'a qu'un CAP, exerce dans la police ou l'armée (son père était employé) ; il vit seul,
n'a pas d'enfant, perçoit un salaire peu élevé (78 000 francs annuels en 1997). Il se voit lui-même comme vivant
au jour le jour - position 1 sur l'échelle de préférence temporelle - et estime qu'il en était de même pour ses
parents.
162 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau 8.3
Score et échelle de préférence temporelle (%) : corrélation = 0,28

Échelle de préférence temporelle

Vit au jour
Voit à long terme Neutre Total
le jour

Voit à long terme 8,7 13,1 2,9 24,7

C'-l Neutre 13,9 24,1 12,8 50,8


~
~
~
Vit au jour le jour 3,5 10,1 11,0 24,6

Total 26,1 47,3 26,7 100,0

Note: Le coefficient de corrélation entre l'échelle et le score de préférence temporelle s'élève à 0,28.
Lecture : Les groupes d'individus correspondent approximativement aux quartiles inférieur et supérieur des
distributions, les autres étant classés comme neutres. Un tiers des individus (8,7/26,1) qui se positionnent sur
l'échelle comme des personnes voyant à long terme sont également prévoyants selon notre score.
Source : enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

2.2. Score et échelle d'impatience


Le score a été construit comme la somme des questions finalement retenues, évoquant
1' impatience ( +) ou la patience (-). 13 questions étaient susceptibles d'entrer dans le score (cf.
tableau 8.4). 3 items (15, 110 et 112) ont été éliminés faute d'une corrélation suffisante (d'au
moins 5 %) au reste du score, en particulier la question (1/0), posée traditionnellement dans
les études expérimentales, qui concerne le choix d'une même loterie selon que le tirage a lieu
"demain ou dans quelques mois" 1• 2 autres items ont été écartés en raison d'une corrélation
négative (17 et Ill) : dans les deux cas, il s'agissait de repousser (impatience) ou non un
événement désagréable, traitement médical douloureux ou corvée, mais il semble que les
réponses doivent davantage s'interpréter en terme d'appréhension ("dread"), qui incite à se
débarrasser au plus vite d'une expérience pénible. La question /Sa n'a été introduite que pour
les individus de moins de 40 ans, la question Il uniquement pour les 40 ans et plus.

1 Cette question a par contre été retenue dans le score de préférence temporelle (question Til) : l'impatience
concernerait le plus souvent des arbitrages sur le très court terme, moins "dans quelques mois".
Le scoring des attitudes à l'égard du temps 163

Tableau 8.4

Fréquence des réponses et construction du score d'impatience

Neutre
Nature de l'indicateur( 1) (%)

Consomf1Ultion/loisirs/voyages

Il: Prend l'autoroute afin de gagner du temps 1oui = + 1; non = -1: autre = 0 )' 1-Q6 50,5 27,1 22,4

12: Abandonne un livre dès les premières pages (oui = + 1: Mn = -1: autre = 1-Q9 6 30.1 20.4 49,5
0)

13: S'impatiente dans une file d'attente (oui= +1: non=-/) 1-QIO 35,2 64,2

14: Impulsif dans ses achats (oui = + 1: non = -1: autre = 0) 1-Ql3 4 44,9 43.3 11,8

15: Vouloir réaliser une opportunité le plus vite possible 40,5 5,4 54,1
(oui= +1: non=-/; autre= 0)

ISa: Avoir déjà eu des difficultés à boucler son budget (oui= -1: non=+/)' I-QI6 21,9 78,0

Santé/risque de vie/espérance de vie

16: Consulte rapidement dès que se sent mal 11-Q3 20,8 35,9 43,3
(oui= +1: non. attend= -1: autre= 0)

17: Repousse la date d'un traitement médical douloureux. 22,7 36,1 41,2
(oui= +1; non, en aucun cas= -1; autre= 0)

18: Abandonne un régime sans résultat rapide 1oui = + 1: non = -1: autre = 0) 11-Q9 18,0 23,6 58.4

19: Désire un traitement médical à résultat rapide 11-QIO 45,0 27,6 27,4
(non=-/; oui, pour les traitements violents et rapides =+/;autre= 0)

Famille/Transferts intergénérationnels

110 : Choix. d'une loterie en fonction de la date de tirage 4,6 95,4


(refuse tout tirage différé= +1: autre= 0)

Autres

Ill: Repousse au dernier moment les corvées (non= -1 :oui= +1) 32,2 66,9

112: S'impose des contraintes pour se forcer à être raisonnable 14,0


(oui. tout à fait=+ 1 :autre= 0) 86.0

Nombre d'observations 1 135

Notes:
/.Daru la recemion du codage, pour faire court, "autre" désigne (outre les non concernés et les non réponses) les positions intermédiaires
entre un "oui" (accord) et un "non" (refus) plus ou moins affirmés: pour plus de détails. cf Arrondel et al. (2002).
2. Il n'a été introduit que pour les individus de 40 ans ou plus.
3./Sa n'a été introduit que pour les individus de moim de 40 ans.

Lecture : se référer au tableau 8.1


Source: enquête Patrimoine 1998/ruee-De/ta
164 Inégalités patrimoniales et choix individuels

L'alpha de Cronbach pour les huit questions restantes, égal à 0,27, est trop faible (cf
tableau 8.2): le score d'impatience ne présente donc pas une cohérence interne suffisante
même si celle-ci s'améliore avec l'âge du répondant (0,32 pour les plus de 40 ans). Ce résultat
négatif ne surprendra guère : nous avons déjà insisté sur le caractère composite de ce
paramètre, ne distinguant pas notamment entre individus "impulsifs" et "pressés".

Les questions les plus corrélées avec le score concernent le fait de prendre l'autoroute
pour gagner du temps (Il: 50,5% "oui", 27,1% "jamais"), de ne pas supporter les files
d'attentes (/3), d'accepter un traitement médical lourd mais rapide dans ses résultats (/9), d'être
impulsif pour certains achats (14). Inversement, les items les moins corrélés avec le score sont
le fait d'"aller rapidement chez le médecin dès que l'on se sent mal fichu" (/6) et le fait d'avoir
eu des difficultés financières à boucler son budget (15a: 22% sont dans ce cas).

La valeur maximale que peut obtenir un individu impatient est de + 7 : à l'inverse un


individu très patient obtiendra une note de - 7. Le score d'impatience varie en fait de - 7 à + 6
avec un histogramme régulier et bien étalé (cf graphique 8.2A). Les individus sont
relativement hétérogènes en terme d'impatience, et la dispersion conduit à des quartiles
approchés égaux à- 2 pour le premier (les 30,1 % les plus patients ont un score inférieur ou
égal à- 2) et à+ 1 pour le dernier (26,2% ont un score supérieur ou égal à 1)1•
Graphique 8.2
A : Histogramme du score d'impatience B: Histogramme de l'échelle d'impatience

20
15
~ ~
~ §
·~ g
-;
15
-; o.
o. 0
10
0
..
o. ..
o.

~ -i:l 10

-~
§
] .0
~ -~
0 5

-7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 10
Score d'impatience
(-:posé;+: impatient) Position donnée par l'individu sur l'échelle d'impatience
(0: impatient; 10: posé)

Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

1
La personne la plus impatiente de notre échantillon (score de- 7) est une femme jeune (36 ans), qui a un BEP.
Elle est agricultrice (fille d'agriculteur), mariée, avec 4 enfants ; son ménage perçoit un revenu annuel peu élevé
(85 000 francs). Cette femme se voyait à une position médiane sur l'échelle d'impatience (position 4).
Le scoring des attitudes à l'égard du temps 165

La distribution de l'échelle subjective de patience entre 0 (impatient) et lO (patient),


reportée sur le graphique 8.2B, présente là encore un point focal à la valeur 5. La corrélation
entre score et échelle va dans le bons sens et s'élève à 0,33. Elle est significative mais, comme
dans le cas de la préférence temporelle, relativement limitée. Le tableau 8.5 compare les
quartiles extrêmes des deux distributions : parmi les individus impatients selon le score,
42,5 % déclarent une position conforme sur 1'échelle, mais 13,8 o/c s'estiment au contraire
patients ; inversement, parmi les individus patients selon le score, 43 o/c se déclarent "posés",
mais 10,5 % se voient impatients. Globalement, seule 1 personne sur 15 se projette d'une
manière totalement différente de la mesure statistique.
Tableau 8.5
Score et échelle d'impatience(%) :corrélation= 0,33

Échelle d'impatience

Posé Neutre Pressé Total

Posé 12,0 15,2 3,2 30.4

Neutre 10,1 25,1 8,3 43,5


VJ
~
c
~ Pressé 3,6 11.4 11,1 26,1

Total 25,7 51.7 22,6 100,0

Note: Le coefficient de corrélation entre l'échelle et le score d'impatience s'élèl·e à 0.33.


Lecture : les groupes d'individus correspondent approximati1·ement aux quartiles inférieur et .\upérieur des
distributions, les autres étant classés comme neutres. 47 ck des personnes ( 12,0125,7) qui se positionnent sur
l'échelle comme des personnes posées le sont également selon notre score.
Source : enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

2.3. Scores d'altruisme (familial)

Les deux scores d'altruisme, familial et non familial, ont été construits comme la somme
des questions évoquant 1'altruisme (+) ou 1'égoïsme (-).

Pour !'altruisme familial, 9 questions ont été initialement retenues pour construire le score
(cf tableau 8.6). Seule la question ASa a été éliminée, faute d'une corrélation suffisante. Les
questions A2 et A5 n'ont été introduites que pour les individus de 40 ans et plus. Les
corrélations avec le score varient de 0,17 pour l'item A JO à 0,05 pour la question A6.
166 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau 8.6

Fréquence des réponses et construction des scores d'altruisme

Egoïste Altruiste
Nature de l'indicateur( 1) Question Rang dans (%) (%) Neutre
le score (%)
(-) (+)

C onsommationlloisirslvoyages

Al: Ne fait jamais d'achats à la période des fêtes (jamais= -1; autre= 0) 1-Qll 9,0 91.0

Santé/risque de vie/espérance de vie

A2: Sensibilité aux débats de santé contemporains (oui, et a changé de


11-Qll 6 4,6 95,4
comportement en se préoccupant des siens = + 1; autre = 0)

Famille//'ransferts intergénérationnels

A3: "Avoir des enfants, c'est s'engager pour la vie" (oui=+ 1; non = -/) VI-QIA 8,6 91,4

A4: "Désire protéger financièrement son conjoint en cas de disparition 14,1 85,9
VI-Q4
(oui = + 1; non = -1)

AS: Considère qu'il faut aider ses enfants tout au long de leur vie 5,1 34,5 60,4
VI-QS
(oui = + 1; non, pas au delà de leur études = -1; autre = 0 )(2)

ASa: Prendrait moins de risques dans la gestion des biens hérités 29,3 70,7
(oui = + 1; non = 0)

Autres

A6: Projets sur 10, 20 ou 30 ans en direction des siens (oui = + 1; non = 13,4 86,6
VII-QIO
0)

A7*: Sensible aux problèmes d'environnement (oui=+ 1; autre= 0) VII-Qll 1* 81,3 18,7

AS*: Prêt à sacrifier son niveau de vie pour laisser une planète en bon VII-Q12 2* 12,6 27,4 60,0
état (oui= +1; non=-/; autre= 0)

A9*: Favorable à taxe anti-pollution pour sauver des vies (oui = + 1; non 3* 11,5 87,3
VII-Q13
= -/)

AIO: Accepte un prélèvement d'organe après sa mort (oui = + 1; non = - 18,7 81,3
VII-Q14
1)

A 11: A sur l'année écoulée fait des dons à la fa mi Ile (oui = + 1; non = 0) VII-QIS 95,2 4.8

A12*: A sur l'année écoulée fait de multiples dons : famille, amis. 4* 27,7 37,9 34,4
VII-QIS
œuvres... (oui=+l;non=O)

Nombre d'observations 1 135

Notes:
* indique une question concernant uniquement l'altruisme extra familial
/.Dans la recension du codage, pour faire court, "autre" désigne (outre /esnon concernés et les non réponses) les positions
intermédiaires entre un "oui" (accord) et un "non" (refus) plus ou moins affirmés: pour plus de détails, Lj Arrondel et a/.(2002).
2. Les items A2 et AS n'ont été introduits que pour les individus de plus 40 ans.
Lecture: se référer au tableau 8.1
Source: enquête Patrimoine 1998/nsee-Delta
Le scoring des attitudes à l'égard du temps 167

L'alpha de Cronbach pour l'altruisme familial est égal à 0,29 (cf tableau 8.2) ; il est
moins élevé sur la population des moins de 40 ans (0,22) que sur celle des 40 ans et plus
(0,33).

C'est l'acceptation du prélèvement d'organe en faveur d'un membre de sa famille qui est la
question la plus pertinente (AJO: 81,1 % des individus sont volontaires), puis le souci de
protection du conjoint survivant (A4 : 86% des individus y sont sensibles), et le fait de
considérer qu'avoir des enfants engage pour la vie (A3 : plus de 9 individus sur 10 sont
d'accord avec cette affirmation). L'individu de plus de 40 ans le plus altruiste peut se voir
attribuer la note de + 7 et le plus égoïste, la note de- 5. Le score varie en fait de- 3 à + 7,
avec un mode sans doute trop important pour la valeur 4 (graphique 8.3) ; la dispersion
observée conduit à des quartiles approchés égaux à 2 pour le premier (pour les 26,3 % les plus
égoïstes) et à 5 pour le dernier (les 19,5 % les plus altruistes ont un score supérieur ou égal à
5)'.
Graphique 8.3
A : Histogramme du score d'altruisme familial B: Histogramme du score d'altruisme non familial
45

~ 20
§
j 15
·~ 10
i:S 5

-3 -2 -1 -3 -2 ·1
Score d'altruisme
familial Score d'ahruismc non familial
(-: égoïste ; +: altruiste) (-: egoïsTe ; ~: ahruisle)

Source : enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

Pour l'altruisme non familial, seules 4 questions entraient dans le score (cf tableau 8.6).
Les corrélations avec ce dernier vont de 0,35 pour l'item le plus contributif (A7) à 0,19 pour le
moins contributif (AJ2). La plus contributive concerne le souci de l'environnement (A7: plus
de huit Français sur dix y sont sensibles) ; viennent ensuite les questions relatives aux efforts

1
La personne la plus altruiste - au plan familial -de notre échantillon (score de + 7) est une homme de 42 ans,
qui a fait des études supérieures, est devenu agriculteur (il est fùs d'agriculteur) ; il est marié et a 3 enfants, dont
l'un est déjà parti du domicile parental ; le revenu annuel du ménage est peu élevé mais vraisemblablement
sous-estimé (71 000 francs). L'individu le plus égoïste est en fait aussi celui qui vit le plus au jour le jour (cf
note 1 p. 161): insouciance et égoïsme vont souvent de pair (de fait, la corrélation entre les degrés de
prévoyance et d'altruisme est positive, égale à 0,38, cf chapitre 11).
168 Inégalités patrimoniales et choix individuels

à consentir pour le protéger (AB : 27,4 % des enquêtés se déclarent à sacrifier de leur bien-être
pour préserver la planète ; A 9 : 87,3 % accepteraient de payer une taxe pour diminuer la
pollution et sauver ainsi des vies humaines). L'histogramme du score, qui varie entre- 3 à
+ 4, est reproduit sur le graphique 8.3B. L'alpha de Cronbach, plus élevé que pour son
homologue familial, s'élève à 0,44 (cf tableau 8.2).

3. DES MESURES ALTERNATIVES: L'ANALYSE EN COMPOSANTES


PRINCIPALES
Pour juger tant de la représentativité du score que du bien fondé de son interprétation,
nous avons procédé par ailleurs à une analyse en composantes principales (ACP) pour chacun
des paramètres temporels, qui permet d'une part de repérer les proximités entre questions et de
juger de leurs contributions à l'inertie du nuage, et d'autre part de dégager la signification du
score ou de l'échelle en les projetant sur les deux premiers axes, par exemple (cf infra).

Contrairement aux mesures des préférences par les scores, l' ACP ne fait pas jouer de rôle
particulier à la somme des items. Elle permet d'une part, de dégager des proximités entre les
questions (en projetant les points correspondants sur le cercle des corrélations définies par les
axes principaux de projections) et d'autre part, de juger de la contribution des questions à
l'inertie du nuage (par le plus ou moins grand éloignement des points associés par rapport au
centre du cercle des corrélations).

Pour préciser l'interprétation des scores et, le cas échéant, des échelles correspondantes,
nous les avons projetés comme variables supplémentaires sur le plan des deux premiers axes
de l'ACP. La configuration la plus simple serait que le score considéré se projette
parfaitement sur le premier axe, doté par ailleurs d'un fort pouvoir explicatif : les questions
auraient alors une composante commune prépondérante que capterait bien le score. Mais, plus
généralement, une bonne concordance entre les deux méthodes suppose que les questions les
moins contributives aux axes principaux du nuage de points - soit celles situées au centre des
cercles de projection - correspondent aux items éliminés du score.

3.1. La préférence temporelle


L'ACP pour la préférence temporelle a été réalisée à partir des 34 questions initiales
comme variables actives. S'agissant de variables qualitatives et tirées de questions autorisant
d'emblée de multiples interprétations, on peut comprendre que les deux premiers axes
n'expliquent qu'environ 12,2 % (6,3 % + 5,9%) de l'inertie du nuage d'observations.

2 Si l'on procède à la même analyse sur le plan défini par les 2e et 3e axes (5,9 % + 4,4% de l'inertie expliquée),
on constate que le troisième n'apporte rien en matière de préférence pour le présent: le score est lié au second
axe mais pas au troisième; et l'échelle se projette près du centre du cercle des corrélations.
Le scoring des attitudes à l'égard du temps 169

Graphique 8.4

ACP de la préférence temporelle (2 premiers axes)

Axe 2**
0.6 --- Score de préférence temporelle
> T16

_ Echelle de préférence
temporelle > T11
> T2
0.4 1

T21 <> T17

> T25 1 > T3 > T24


> T13
> T18 > T15
a 0.2
> T1
> T7
> T12
> T10 T19 <> T2a
> T22 > ra
0.0 +--------------- Axe 1-
> T14

> T23 T28 < > T29


\ 1
> T4 > T5 > T30
~ ECHLPT4 > T33
-0.2 1

> T26
> T31
> T32

-0.4

-0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6

axe 1
*Axe 1 : peu sensible aux problèmes de société : équilibre financier des systèmes de santé et de retraite,
politiques en matière d'environnement.
**Axe 2: insouciance vis-à-vis de son avenir (équilibre du budget. niveau de vie de retraite), ou de celui de
ses enfants (éducation, goût de l'épargne).

Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta


170 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Si l'on projette, comme variable supplémentaire, le score en quartiles- du plus prévoyant


au plus myope: SPTI à SPT4- dans le cercle des corrélations défini par les deux premiers
axes (cf graphique 8.4), ce dernier correspond à peu près à la première bissectrice. Le profil
obtenu pour l'échelle subjective en quartiles- du plus myope au plus prévoyant: ECHLPTI à
ECHLPT4- va dans la même direction mais de manière beaucoup moins nette, les trois
premiers quartiles se situant près du centre du cercle (seul le fait d'appartenir au quartile des
individus qui se jugent les plus myopes- ECHLPTl -correspond clairement à la mesure
fournie par le score?.

Considérons ainsi les items représentant une préférence élevée pour le présent. Les
questions TB, T/4 et T30, parmi les plus "à droite" du premier axe, correspondent,
respectivement, à une faible sensibilité aux difficultés financières prévisibles des systèmes de
santé ou des régimes de retraite, ou encore à une insouciance comparable à l'égard des
problèmes d'environnement; elles concernent plutôt des choix de société. "En haut" du
deuxième axe, on trouve en revanche les questions T/6 et T/7, qui proposent différents
scénarios hypothétiques en matière de système de retraite (on préfère une retraite précoce
et/ou plus élevée jusqu'à un certain âge, quitte à percevoir moins après), ou encore les
questions T21 et T24 relatives à l'éducation des enfants (on préfère les voir s'amuser sans trop
se préoccuper de leurs études ou leur inculquer le goût de l'épargne) ; ces questions ont une
dimension plus personnelle ou familiale que celles expliquant le premier axe. D'après le score,
la préférence temporelle serait bien une combinaison des informations fournies par ces deux
premiers axes.

Les questions les plus corrélées avec le score (T7, T6, T/6, T24, T/4)- voir tableau
8.1 - se retrouvent parmi les plus éloignées du centre du cercle des corrélations, dans le
cadran Nord-Est, soit vers les préférences les plus élevées pour le présent selon notre
indicateur. Les questions que nous avons éliminées du score (Tl, T9, T/0, T/2, T23) se
situent, elles, le plus souvent près du centre du cercle (et les résultats de l'ACP sont inchangés
si l'analyse est effectuée à partir des seuls items retenus dans le score).

L'analyse en composantes principales apporte ici des compléments utiles. Elle montre que
le score combine les informations pertinentes, mais clairement distinctes, des deux premiers
axes 1• Le premier reflète une faible sensibilité aux problèmes de société actuels (équilibre
financier des systèmes de retraite et de santé, politique en matière d'environnement. .. ) ; le
second traduit une certaine insouciance vis-à-vis de son propre avenir (équilibre de son

1 Les axes suivants, sensiblement moins contributifs, apparaissent peu corrélés au score et s'avèrent plus
difficiles à interpréter.
Le scoring des attitudes à l'égard du temps 171

budget, niveau ou conditions de vie pendant la retraite) ou de celui de ses enfants, s'agissant
de leur éducation, de leur donner le goût de l'épargne, etc.

L'étroite concordance entre les résultats des deux méthodes (scoring et ACP) atteste la
cohérence interne du score (sans doute sous-estimée par l'alpha de Cronbach). Enfin, si score
et échelle se projettent en quartiles dans la même direction approximative (première
bissectrice) sur le plan des deux premiers axes, les points sont mieux alignés et surtout
beaucoup plus étalés dans le cas du score, qui s'avère donc mieux corrélé avec les axes.

3.2. L'impatience

L'ACP concernant l'impatience a été menée à partir des 13 questions initiales comme
variables actives. Les deux premiers axes expliquent 22,5 % (Il ,8 % + l 0,4 %) de l'inertie du
nuage. Si l'on projette (cf graphique 8.5), comme variables supplémentaires, le score en
quartiles -du plus posé au plus impatient : SIPI à SIP4 - et de même l'échelle subjective
(ECHLIPl à ECHLIP4, du plus impatient au plus posé) dans le cercle des corrélations, il
apparaît que le score d'impatience est cette fois porté par le second axe, les plus impatients se
situant "en haut", les plus patients "en bas". Il en est de même de l'échelle d'impatience, dont
la corrélation avec le second axe est cependant beaucoup moins forte.

Le premier axe, lui, apparaît défini par les items 17 et Ill qui concernent le désir de
reporter un événement désagréable (respectivement, un traitement médical douloureux ou une
corvée) et semblent plutôt correspondre à des formes hétérogènes de "dread" (désir de se
débarrasser des expériences pénibles) ; elles ont d'ailleurs été éliminées du score pour cause
de corrélation négative - et sont les seules dans ce cas.

Les autres questions éliminées (15, /10 et /12)- pour corrélation trop faible avec le
score- sont proches du centre du cercle. Celles retenues qui lui sont le moins corrélées (15a et
16) apparaissent également les moins explicatives du deuxième axe. Les deux méthodes
statistiques convergent donc bien vers le même indicateur d'impatience.

On notera également que le score de préférence temporelle (en quartiles, du plus


prévoyant au plus myope, soit SPTl à SPT4) se projette au centre du cercle de corrélation et
ne présente donc que peu de rapport avec l'impatience.

En résumé, l'analyse en composantes principales montre que la projection du score


d'impatience (en quartiles) se confond avec le deuxième axe, le premier renvoyant à des
comportements d'appréhension. L'échelle se projette également sur le deuxième axe, mais
beaucoup plus proche du centre de corrélation ; là encore, le score se révèle beaucoup plus
informatif.
172 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Graphique 8.5

ACP de l'impatience (2 premiers axes)

1 1 1 1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1 1 1

Impatience
0.8

> fHP1

0.6

13 2 11
18 2 > B
0.4 12 < 14

'1 CHLIP1
> 156
1
0.2 > 16
! SIP2
a ECHL~ 2 > 112

s~E~t
> 111 > 17
e > 110
0.0 p 3
2 Report d'événements

ECHLIP3 ij PT4
désagréables

-0.2
ECHLIP4 _ Score d'impatience
1
SIP3 -- - Echelle d'impatience
Score de préférence
-0.4
--- temporelle

-0.6

J SIP4

-0.8
1 1 L 1 1 1 1 1 L
1 1 1 1 1 1 1 1 1
-0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

axe
Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta
Le scoring des attitudes à l'égard du temps 173

3.3. L'altruisme familial

L'analyse en composantes principales pour l'altruisme familial menée à partir des 9


questions initiales comme variables actives est représentée sur le graphique 8.6.

Les deux premiers axes expliquent plus du quart de l'inertie du nuage (15% + 12,3 %). Si
l'on projette dans le plan principal le score en quartiles -du plus égoïste au plus altruiste :
SALFl à SALF4 -, l'altruisme familial semble plutôt être expliqué par le premier axe. Mais
les plus altruistes (3e et 4e quartiles) s'opposent sur le deuxième axe : "en haut" de cet axe
(scores les plus élevés), on trouve les questions AS (désir d'aider ses enfants tout au long de
leur vie) et A6 (le fait d'avoir des projets de long terme en faveur des siens). Par rapport au
premier, qui caractérise plutôt le souci de sa famille en général (A4 : protection du conjoint ;
AIO: don d'organe; Al: achats de Noël), ce deuxième axe met l'accent sur les perspectives
de long terme et/ou la dimension dynastique.

Les questions les plus à même d'expliquer le premier axe (A JO, A4, A3, A Il, A/) sont les
items également les plus corrélés avec le score. Inversement, la question ASa, seule éliminée
du score, ne contribue pas au premier axe et peu au second. Les items AS et A6 qui définissent
le second axe mais ne contribuent guère au premier correspondent par ailleurs aux questions
les moins corrélées au score.

Le score de préférence temporelle (du plus prévoyant SPTl au plus myope SPT4) projeté
dans le même plan se situe aussi sur le premier axe (mais plus proche du centre du cercle) : il
y a bien une corrélation entre les deux paramètres de préférence.

En résumé, alors que les scores de préférence temporelle, d'impatience, mais aussi de
risque se projettent à peu près linéairement sur le plan des deux premiers axes de l'ACP
correspondante, la configuration est toute différente dans le cas de l'altruisme familial. Le
score emprunte aux deux axes à la fois : si on regroupe les deux derniers quartiles, il suit à
peu près le premier qui traduit plutôt un souci de protection ou d'affection de ses proches
(conjoint et enfants); mais le dernier quartile s'oppose au précédent dans la direction du
deuxième axe qui reflète des préoccupations ou stratégies de plus long terme, notamment
dynastiques.
174 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Graphique 8.6

ACP de l'altruisme familial (2 premiers axes)

Dimension
0.8 dynastique

> A6

> A5
0.6

SALF4
0.4

> A

> A5a
0.2

> A11 Protection d s

> A1
> A10

-0.2
- - - - Score d'altruisme familial > A4

- - - - Score de préférence temporelle SALF3

-0.4

-0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8

axe 1
Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta
Chapitre 9

Qui est prévoyant ? Qui est altruiste ?

D ans ce chapitre, nous analysons les déterminants individuels des paramètres de


préférence temporelle, en cherchant à brosser le portrait-robot des individus les plus
impatients, les plus prévoyants, ou les plus altruistes
1

L'objectif ultime de notre démarche est, rappelons-le, d'apprécier dans quelles proportions
l'hétérogénéité individuelle des préférences, telles qu'elles sont mesurées par les scores,
permet d'expliquer les disparités de patrimoine et de déterminer si leurs effets propres
correspondent aux prédictions théoriques (cf chapitre 11 et 12).

1. Quelles variables explicatives ?

Qui est le plus prévoyant, le plus patient, le plus altruiste (au plan familial ou non) ?
L'étude économétrique qui suit permet de décrire le profil socio-démographique des individus
selon leurs différentes préférences à l'égard du temps. Les variables dépendantes sont les
quatre scores (cf annexe D, tableaux D.l) ou les deux échelles disponibles, de prévoyance et
de patience (cf annexe D, tableau 0.2), introduits en 4 modalités correspondant aux quartiles
approchés de la distribution de chaque indicateur. La nature ordinale et qualitative de ces
mesures de préférence conduit à recourir à des modèles Probit ordonnés qui estiment la
probabilité d'appartenir aux différents quartiles selon les caractéristiques observables des
individus 2•

1
Nous nous intéresserons aussi à des phénomènes plus anecdotiques qui engendrent, à l'inverse, un biais en
faveur du futur. tels le plaisir retiré de l'attente d'un événement heureux que l'on retarde en conséquence
(savoring) ou l'appréhension suscitée par une expérience pénible à venir que l'on cherche de ce fait à avancer
(dread). Et nous évoquerons encore les stratégies de pré-engagement élaborées par les agents pour résoudre les
problèmes d'incohérence temporelle des choix.
2
Les coefficients reportés dans les tableaux de régression mesurent donc les effets des déterminants individuels
sur la probabilité de voir plus loin, d'être plus patient, ou d'être altruiste, mais n'ont pas d'interprétation
176 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Le même ensemble de variables explicatives a été utilisé pour caractériser les individus
les plus sensibles au "savoring" (le plaisir de l'attente) ou au "dread" (le désir de se
débarrasser au plus vite d'une expérience pénible), et de même les plus susceptibles de se pré-
engager pour contrôler leur incohérence temporelle. Disposant de peu d'informations sur ces
comportements, on a utilisé dans ce cas des Probit simples (cf annexe D, tableau D.3).

Le choix des variables explicatives doit répondre à deux exigences :

-d'une part, privilégier les attributs les plus "exogènes" et les plus "permanents" des
individus ou ménages (l'origine sociale plutôt que la catégorie sociale, par exemple) tout en
tenant compte d'une dynamique éventuelle des préférences au cours du cycle de vie (le fait de
se marier et d'avoir des enfants rendrait plus prévoyant ou plus altruiste, par exemple) ;

- d'autre part, combiner les caractéristiques propres à l'individu interrogé dans l'enquête
méthodologique avec les variables relatives au ménage auquel il appartient.

Dans les tableaux D.l et D.2 de l'annexe D, la spécification économétrique retenue fait
ainsi intervenir, de manière additive:

-le revenu global "lié à l'activité" (salaires, retraite, chômage, revenu des indépendants),
la réception de transferts intergénérationnels (donation ou héritage), la composition familiale
et la situation matrimoniale du ménage ;

-l'âge, l'origine sociale (i.e. la profession du père), le sexe, et le diplôme du répondant,


ainsi que le degré de prévoyance de ses parents (tel que le voit l'enquêté).

D'autres spécifications ont été utilisées, avec des résultats comparables (cf Économie et
Statistiques, 2004, p. 116-117). Figure cette fois le revenu lié à l'activité du seul individu
interrogé ; en outre, certaines caractéristiques patrimoniales des parents ont été incluses
(existence de problèmes d'argent dans la jeunesse, structure du patrimoine) et les critères
d'âge et de composition familiale ont été "croisés" afin d'obtenir plus précisément la position
occupée dans le cycle de vie et de mieux rendre compte des effets éventuels de cette dernière
sur les attitudes à l'égard du temps.

Portant sur des variables de préférence éminemment subjectives, les régressions ont, sans
surprise, un pouvoir explicatif limité. Les hiérarchies sont cependant claires : les scores de
préférence temporelle et d'altruisme familial sont sensiblement mieux expliqués que ceux
d'impatience et d'altruisme non familial ; de même, les scores sont mieux expliqués que les
échelles correspondantes (cf les Chi2 et pseudo-R2 des tableaux Dl et D2 de l'annexe D). De

quantitative directe : pour cela, il faut comparer les probabilités estimées d'appartenir aux différents quartiles
des distributions en fonction des profils individuels.
Qui est prévoyant ? Qui est altruiste ? 177

fait, dans le plus mauvais cas constitué par l'échelle d'impatience, le pouvoir explicatif de
l'ensemble des variables introduites n'est même pas significatif'.

2. LES DÉTERMINANTS DE LA PRÉFÉRENCE POUR LE PRÉSENT SUR LE


CYCLE DEVIE

2.1. Qui vit au jour le jour, qui est prévoyant ?

Si l'on en juge par le score de préférence temporelle, le degré de prévoyance augmente


sensiblement après 50 ans- le résultat est similaire mais moins net dans le cas de l'échelle.
Cette différence selon l'âge traduit-elle vraiment une évolution au cours du cycle de vie ou
correspond-elle plutôt à un effet de génération- les anciennes générations étant moins
hédonistes que les nouvelles ? Il est difficile de répondre précisément, mais nous verrons que
divers éléments militent aussi en faveur d'une explication en terme d'effet de cycle de vie.

Selon le score, les individus mariés et qui ont des enfants (hors domicile) sont plus
prévoyants que les autres, sans que le sens de la causalité apparaisse clairement. Phénomène
de sélection ou changement de préférence, les deux effets seraient susceptibles de jouer : s'il
est vraisemblable qu'une préférence temporelle faible favorise le mariage et la fécondité, il est
tout autant possible, selon Fisher ( 1930) lui-même, qu'avoir une famille pousse à se
préoccuper davantage de l'avenir. Les plus diplômés se distinguent aussi par une préférence
pour le présent plus faible, ce qui est un résultat classique (cf Lawrance, 1991).

Par contre, le revenu, le milieu social d'origine, et surtout le sexe ne génèrent aucune
disparité significative, ce qui pourra surprendre certains lecteurs : les femmes ne seraient-elles
pas davantage prévoyantes que les hommes (cf infra)? Enfin, au plan intergénérationnel, le
fait d'avoir reçu des héritages ou des donations favoriserait la vision de long terme ; de même,
le fait que la mère soit prévoyante (ces effets, pas toujours significatifs, ressortent surtout
d'une spécification alternative, cf Économie et Statistique, 2004, p.116-117).

Hors celui de 1'âge, ces effets ne se retrouvent qu'en partie dans le cas de 1'échelle
subjective de préférence temporelle (tableau 0.2 de l'annexe D). Les couples (mariés ou non,
cette fois) pondèrent moins fortement le présent. Par contre, le diplôme n'a plus d'influence et
l'effet du nombre d'enfants indépendants est moins marqué.

1
Cette relative "orthogonalité" des scores et échelles par rapport aux caractéristiques observables des individus
rend en tout cas d'autant plus pertinente leur introduction parmi les facteurs explicatifs des disparités de
patrimoine.
178 Inégalités patrimoniales et choix individuels

2.2. Effets de l'âge et du genre sur la préférence temporelle: discussion

La diminution du score de préférence temporelle selon l'âge observée en coupe


instantanée correspondrait-elle, au moins en partie, à un effet de cycle de vie ? Tel serait bien
le cas si l'on en croit les déclarations des enquêtés eux-mêmes. À la question de savoir s'ils
avaient changé de préférence temporelle au cours de leur existence, 44 % répondent par
l'affirmative (56%, surtout des jeunes, déclarent ne pas avoir changé) : près de 40% des
enquêtés estiment qu'ils sont devenus plus prévoyants au cours de leur existence, alors que
seulement 4,2 % pensent le contraire.

Cette évolution de la prévoyance selon l'âge implique que l'horizon décisionnel du


ménage et sa propension à consommer ne dépendent pas seulement de son espérance de vie.
L'idée n'est certes pas nouvelle, trouvant notamment une justification philosophique chez
Kierkegaard. Dans Ou bien, ou bien, le philosophe décrit ainsi trois stades de l'existence:
chez les plus jeunes, le stade esthétique marqué par la jouissance immédiate ; puis le stade
éthique, caractérisé par la raison; enfin, aux âges élevés, le stade religieux ... Fisher (1930, p.
90-91), lui-même, propose une évolution selon l'âge de la préférence temporelle en partie
comparable: l'enfant ou le jeune homme accorderait une forte priorité au présent; plus tard,
ayant femme et enfants, il se soucierait du sort des siens et accorderait plus d'importance à
l'avenir; mais à âge élevé, il deviendrait à nouveau jouisseur, essayant de profiter au mieux
des quelques années qui lui restent 1•••

Est-il surprenant que les femmes ne soient pas plus prévoyantes que les hommes dans la
France actuelle ? On peut vérifier que l'absence d'effet du genre sur le score n'est pas dû à la
procédure d'agrégation. Notre enquête interroge les individus sur le degré de prévoyance de
leur conjoint par rapport à eux-mêmes. Parmi les hommes enquêtés, près de 47% ne voient
pas de différence, 19 % considèrent leur femme moins prévoyante, et 34 % plus prévoyante ;
parmi les femmes, 40 % placent leur conjoint au même niveau, 24 % le considèrent moins
prévoyant mais 36% plus prévoyant. Autrement dit, hommes et femmes ont chacun tendance
à accorder à leur conjoint un degré de prévoyance plus élevé ... La contradiction même révèle
le caractère problématique d'un effet du genre.

3. QUI EST IMPATIENT (PRESSÉ OU IMPULSIF), PATIENT (POSÉ OU


RÉFLÉCHI)?
Les coefficients significatifs dans la régression du score d'impatience sont rares (cf.
tableau D.1 de l'annexe D). À partir d'une seconde spécification, un peu plus satisfaisante, on

1
Nos résultats s'accordent donc davantage avec le point de vue de Kierkegaard. Notons que la préférence
temporelle chez Fisher représente, dans le cadre de notre approche, un mélange hétéroclite d'impatience à court
terme (temporellement incohérente), de préférence pure (et rationnelle) pour le présent, et même d'altruisme ...
Qui est prévoyant ? Qui est altruiste ? 179

peut néanmoins dégager quelques effets révélateurs (cf Économie et Statistique, 2004, p.ll6-
117).

Les enfants de profession libérale apparaissent ainsi plus impatients que les autres (effet
d'habitude à un niveau de vie élevé ?) ; être seul et plutôt âgé incite au contraire à la patience.
A voir une activité professionnelle va dans le même sens mais, parmi ceux qui sont sur le
marché du travail, le fait de bénéficier d'un gros salaire incite, à l'inverse, à l'impatience (coût
d'opportunité du temps ?). Aucun effet du diplôme ou du genre n'est observé.

La régression concernant l'échelle d'impatience confirme seulement l'augmentation de la


patience avec l'âge (tableau 0.2 de l'annexe D). On notera également que les individus qui
déclarent que leur mère vivait au "jour le jour" sont plus impatients (au seuil de 10% ) 1•

4. LES DÉTERMINANTS DE L'ALTRUISME

4.1. Qui est altruiste, égoïste au plan familial ?

Non seulement l'éducation influence positivement la vision de long terme mais aussi le
score d'altruisme familial (tableau D.l de l'annexe D). Ce dernier croît également avec le
niveau de revenu du ménage. Quelques différences apparaissent en fonction du milieu social
d'origine: les enfants d'inactifs sont plus souvent égoïstes que ceux de professions libérales
ou d'enseignants 2 •

Les effets de composition familiale apparaissent plus clairement quand on les croise avec
l'âge (cf. Économie et Statistique, 2004, p.ll6-ll7) : les plus égoïstes sont les personnes
seules et sans descendance, les plus altruistes sont les couples dont la personne de référence a
plus de 35 ans et qui ont des enfants hors ménage. Par ailleurs, les héritiers ou les donataires
apparaissent plus altruistes que ceux qui n'ont (encore) rien reçu de leurs parents, comme si la
transmission des biens s'accompagnait de celle des valeurs.

Le phénomène le plus surprenant est sans doute l'absence d'effet du genre: il est
traditionnel de reconnaître aux femmes sinon le monopole de l'altruisme familial, du moins

1
L'effet de l'âge sur le score ou l'échelle d'impatience se retrouve dans les déclarations des enquêtés : en cas
d'évolution, la plupart pensent être devenus plus posés- "ils auraient appris à vivre" avance l'un d'eux.
L'augmentation de la patience comme de la prévoyance avec l'âge est soulignée en particulier par le
psychologue Ainslie (1991), qui a montré comment un comportement "naturel", à courte vue et incohérent,
peut se transformer par l'expérience vécue en un comportement "rationnel et patient" - grâce à la fréquentation
de marchés compétitifs et une maîtrise de soi accrue par la répétition des choix et la correction progressive des
"erreurs".
2
Une autre spécification économétrique (cf Économie et Statistique, 2004, p. 116-117) montre que les individus
en activité sont moins altruistes que les autres, mais qu'au sein des travailleurs le montant du revenu a une
influence positive sur le souci de ses descendants.
180 Inégalités patrimoniales et choix individuels

un net avantage en la matière. Ce résultat négatif obtenu apparaît particulièrement robuste : la


conclusion est inchangée si on restreint l'analyse à la population des personnes mariées (ou en
couple), ayant des enfants ; et l'absence d'effet n'est pas un artefact dû à l'agrégation opérée
par le score puisqu'on la retrouve pour chaque question contributive. Dans la mesure où
prévoyance et altruisme vont souvent de pair, ce résultat est à rapprocher de l'absence
parallèle d'effet du genre observée dans le cas de préférence pour le présent (score ou échelle).
Est-ce la fin d'un mythe, ou nos résultats sont-ils peu fiables ?

4.2. Les femmes sont-elles plus altruistes pour leurs enfants que les hommes : discussion

Cette absence de différence significative dans l'attention portée par les pères et les mères
au bien-être de leur progéniture est-elle plausible ? La littérature économique ne s'est
intéressée que récemment à cette question : les modèles de décision infra-familiale, dits "non
unitaires" (cf infra), supposent en effet que les choix du ménage résultent d'un compromis-
coopératif ou non, efficace ou pas- entre les desiderata -potentiellement divergents- du
mari et de la femme, selon le pouvoir de négociation détenu par chacun- c'est-à-dire le
contrôle exercé sur les ressources économiques de la famille (cf par exemple Bourguignon et
Chiappori, 1992).

Dans les modèles unitaires, le ménage est traditionnellement assimilé à une "boîte noire"
et ses choix attribués à un décideur unique doté de l'ensemble des ressources familiales, soit
que les décisions émanent d'un dictateur bienveillant (Becker), soit qu'il y ait consensus
(Samuelson), les deux conjoints parlant d'une même voix- c'est-à-dire ayant les mêmes
préférences. Tout se passe comme s'il y avait mise en commun des ressources (incarne
pooling), leur origine- c'est-à-dire le fait qu'elles proviennent du mari ou de la
femme- n'ayant aucune incidence sur les choix de consommation, la fécondité, l'entretien ou
l'éducation des enfants. Dans les modèles non unitaires, les décisions au sein du couple
dépendent au contraire de qui apporte quoi dans le ménage. Dès que les intérêts ou les
préférences des conjoints divergent, l'hypothèse de mise en commun des ressources familiales
devrait être rejetée, en particulier pour les choix de fécondité et la part des ressources
consacrée aux enfants : celle-ci devrait augmenter avec le pouvoir relatif détenu par le
conjoint le plus altruiste.

Les premiers tests empiriques ont été favorables aux modèles non unitaires, "la
conclusion la plus provocatrice ayant trait à la forte corrélation positive entre le bien-être de
l'enfant et le contrôle relatif des ressources familiales par la mère" (Lundberg et Pollack,
1996). Plus la mère contrôle une part importante des ressources et plus les enfants y
gagneraient : ils seraient mieux nourris, en meilleure santé - poids en fonction de la taille,
Qui est prévo_vant ? Qui est altruiste ? 181

taille en fonction de l'âge-, et auraient des probabilités de survie accrues (cf, pour le Brésil,
Thomas, 1990)'.

Le différentiel observé n'est cependant substantiel que dans les pays en voie de
développement, et se double, en outre, d'un effet du sexe des enfants qui, lui, semble présent
presque partout: les mères avantagent les filles et les pères les garçons. Mais surtout, les
tenants des modèles non unitaires admettent eux-mêmes que les résultats précédents
pourraient être compatibles avec des préférences identiques pour le mari et la femme, c'est-à-
dire une attention égale des deux conjoints au sort des enfants. La mesure empirique des
pouvoirs relatifs dans le couple se heurte en effet à une difficulté de taille : prendre les
rémunérations propres de chaque conjoint ne convient pas en général, puisque les offres de
travail individuelles, et donc les salaires, sont endogènes, résultant déjà d'un processus de
négociation entre maris et femmes ; et même le choix des revenus non liés à l'activité -de
transfert ou de la propriété- ne permet pas vraiment de résoudre le problème d'endogénéite.

Mais au-delà de cette difficulté de mesure, la pertinence des modèles non unitaires est
tout à fait avérée. Ainsi, dans les cas où il est patent que les intérêts du mari et de la femme
divergent, et où l'on peut approcher la répartition du pouvoir dans le couple par des
indicateurs a priori exogènes, les tests rejettent systématiquement l'hypothèse unitaire d'une
mise en commun des ressources, et cela dans le sens prédit. Autrement dit, lorsque l'on
dispose d'indicateurs fiables de la répartition du pouvoir au sein du couple, les choix de ce
dernier révèlent précisément les différences éventuelles de préférences entre les conjoints1 .

S'agissant du souci du bien-être des enfants, trois études récentes satisfont à cette
condition d'exogénéité parce qu'elles constituent des "expériences naturelles". Lundberg,
Pollack et Wales (1997) ont étudié les effets en Grande-Bretagne, à la fin des années 1970, du
transfert des allocations familiales des maris vers les femmes, "du portefeuille (wallet) au
porte-monnaie (purse)". Un transfert de montant moyen égal à 500 f pour les familles de deux
enfants aurait engendré une augmentation de 40 f des dépenses vestimentaires féminines et de
50 f des vêtements d'enfants, au détriment, notamment, des dépenses de vêtements pour les

1
Ces résultats inciteraient à cibler les programmes de transferts d'aide sociale sur les mères. et/ou à promouvoir
l'accès des femmes sur le marché du travail (ou aux revenus de certaines cultures dans les pays pauvres).
~ Les revenus de la propriété, par exemple, dépendent dans un modèle de choix sur le cycle de vie des arbitrages
individuels travail/loisir dans le passé -et même de l'offre de travail courante si celle-ci est corrélée
positivement avec l'offre de travail passée (Lundberg et al .. 1997).
1
· Arrondel et Masson (2003) montrent sur l'enquête Insee Actifs financiers 1992 que la détention d'assurance
décès augmente sensiblement lorsque la femme apporte un patrimoine plus important au moment du mariage,
résultat conforme aux prédictions puisque la femme survit au mari dans 80 % des cas. Les ressources apportées
par chaque conjoint au mariage constituent l'indicateur supposé exogène de leur pouvoir de négociation.
182 Inégalités patrimoniales et choix individuels

hommes : la femme s'avantagerait elle-même mais se montrerait aussi plus altruiste à l'égard
des enfants.

Au début des années 1990, le système de retraite sud-africain a été étendu à la population
noire. Duflo (2003) considère l'impact des pensions reçues par les personnes retraitées sur le
bien-être des petits-enfants avec qui elles vivent - poids à taille donnée ou taille à âge donné.
Les transferts reçus par les grands-pères n'ont eu aucun effet, ceux reçus par les grands-mères
n'ont pas eu d'impact sur les garçons mais ont amélioré le sort des petites-filles : l'altruisme
plus élevé des femmes paraît cette fois très ciblé sur les lignées féminines. En outre, l'auteur
reconnaît que les pensions masculines ont pu exercer un effet positif important sur l'éducation
des petits-enfants.

En 1993, l'Inde a instauré des quotas de représentation féminine dans les conseils de
villages. Au Rajasthan et Bengale occidental, Chattopadhyay et Duflo (2004) disposent des
investissements publics locaux réalisés par ces conseils ainsi que de "cahiers de doléance" qui
sont un bon indicateur des préférences de ces conseils. Cas unique, on peut comparer les
doléances émises dans les conseils gouvernés par les hommes et par les femmes et observer si
elles ont été suivies d'effets. Lorsque ces préférences divergent, c'est dans l'intérêt bien
compris de chaque sexe: les femmes veulent plus souvent investir dans l'acheminement de
l'eau potable, dont elles assument la charge, ou dans les programmes sociaux -maternité,
veuvage, indigence-, dont elles sont les principales bénéficiaires ; les hommes préfèrent
investir dans les routes parce qu'ils voyagent plus fréquemment hors du village. Une seule
différence échappe aux intérêts égoïstes: au Bengale occidental, les hommes sont plus
souvent en faveur d'investissements éducatifs au-delà du primaire. Or, les réalisations
correspondent toujours aux préférences: ainsi, les conseils bengalis réservés aux femmes ont-
ils investi davantage pour l'eau potable mais moins dans l'éducation que ne l'ont fait leurs
homologues masculins. Les hommes seraient donc ici plus altruistes que les femmes.

Les études récentes les plus fiables aboutissent donc à des conclusions contrastées: la
vision traditionnelle d'une mère davantage préoccupée par le sort des siens n'est peut-être pas
obsolète mais vaudrait surtout pour certains pays en voie de développement ou dans les
milieux les plus pauvres. Ailleurs, les résultats sont moins prévisibles. On comprend mieux
que lors d'un colloque sur les modèles de décision intra-familiale (en janvier 2004), deux
contributeurs à ces études récentes, Duflo et Pollack, aient admis qu'il "est fort possible" que
le degré d'altruisme familial des hommes et des femmes ne diffère pas significativement dans
la France d'aujourd'hui. Dont acte.
Qui est prévoyant ? Qui est altruiste ? 183

4.3. Qui se soucie le plus du sort des générations futures ?


L'altruisme non familial, enfin, apparaît peu expliqué par les déterminants individuels (cf
tableau 0.1 de l'annexe D). Certains effets sont communs avec l'altruisme familial: ce sont
encore les personnes diplômées, ayant des enfants indépendants, qui sont les plus soucieuses
des générations futures. Par contre, on note cette fois un léger effet du genre (significatif à
10 %) : les femmes seraient un peu plus altruistes, en dehors de la famille, que leurs
homologues masculins. Ce résultat est-il, là encore, plausible?

Les sources relatives aux différences selon le sexe du degré d'altruisme non familial -
philanthropie, dons caritatifs ou aux œuvres - datent de moins d'une dizaine d'années et sont
surtout américaines : il s'agit soit de données expérimentales, obtenues à partir de jeux de
l'ultimatum ou du dictateur entre personnes anonymes (Andreoni et Vesterlund, 2001), soit de
données d'enquêtes concernant les legs caritatifs ou les dons privés effectués par les ménages
(Andreoni et al., 2003). Les comportements philanthropiques des hommes et des femmes
diffèrent significativement. Les legs ou dons caritatifs féminins sont plus dispersés et
privilégient les associations religieuses, la santé ou l'éducation ; plus concentrés sur un petit
nombre d'organisations, ceux des hommes vont davantage aux fondations privées et aux
loisirs. Mais les écarts en termes de probabilités ou de montants globaux sont beaucoup plus
faibles, légèrement favorables aux femmes, ce qui va dans le sens des estimations présentées
ici 1•

5. LES ANOMALIES: "DREAD", "SAVORING" ET PRÉ-ENGAGEMENT


Certains phénomènes d'anticipation viennent biaiser les mesures de la préférence
temporelle en faveur du futur : remise au lendemain des choses agréables ou plaisir de
l'attente (savoring) ; désir de se débarrasser d'une corvée au plus vite (dread). Plusieurs
questions ont alors été envisagées dans l'enquête méthodologique pour tenter de cerner ces
biais.

5.1. Le plaisir d'attendre (savoring) ou l'appréhension (dread)

Deux questions tentent ainsi de repérer les individus sujets aux phénomènes
d'appréhension (dread) :

1
En fait, aussi bien les données expérimentales que d'enquêtes révèlent une élasticité prix de la "demande
d'altruisme" supérieure chez les hommes, si bien que ces derniers apparaissent plus altruistes que les femmes
lorsque le prix du don est faible, mais moins altruistes que ces dernières lorsque le prix est élevé. Les dons ou
legs caritatifs masculins sont ainsi plus sensibles aux déductions fiscales (que prévoit la législation
américaine) ; de même, en matière de pourboire dans les restaurants, les hommes se révèleraient plus généreux
que les femmes pour les petites additions, mais à l'inverse plus pingres pour les montants élevés.
184 Inégalités patrimoniales et choix individuels

- "Quand on doit subir un traitement médical douloureux, est-on du genre à avancer


l'échéance (sachant qu'il n'y a pas d'incidence médicale sur la guérison)? Et cela même si se
profile l'opportunité d'un nouveau traitement moins douloureux dans l'avenir?" (question
II.Q4, cf annexe A)

36,1 % des individus préfèrent toujours un traitement immédiat alors que 22 % sont prêts
à attendre. Les autres acceptent d'attendre un an si l'hôpital dispose à cette échéance d'un
nouveau traitement anti-douleur.

- "Quand on a une corvée à faire (lettre de condoléances, mauvaise nouvelle à annoncer),


est-on du genre à vouloir s'en débarrasser au plus vite ou, au contraire, à attendre le dernier
moment?" (question VII.Q4, cf annexe A)

Plus des deux tiers des interviewés (66,9 %) préfèrent se débarrasser au plus vite de cette
corvée.

Lorsque l'on croise les réponses aux deux questions, on constate que 27% des personnes
interrogées manifestent une attitude d'appréhension dans les deux cas, les trois quarts (76 %)
dans un cas au moins. La corrélation entre les deux questions, positive et significative, reste
néanmoins modeste, de l'ordre de 0,1, preuve qu'il s'agit d'un phénomène difficile à
appréhender.

Une seule question de l'enquête méthodologique concernait le fait de retarder une


satisfaction pour en savourer l'attente (savoring) :

- "Dans le cas où l'on vous offrirait la réalisation d'un de vos désirs, seriez-vous plutôt du
genre à vouloir concrétiser l'offre au plus vite ou, au contraire, à en différer la réalisation
parce que vous considérez que l'attente creuse le désir?" (question I.Q14, cf annexe A)

Seuls 16,9% des individus recherchent ce plaisir de "saliver" avant de réaliser leur désir.

Le "savoring" apparaît donc beaucoup moins répandu que le "dread", conclusion


conforme à ce que l'on trouve dans la littérature. Par ailleurs, les résultats ne mettent pas en
évidence de corrélation marquée entre les deux phénomènes d'anticipation. Le seul lien
significatif (au seuil de 6%) est une corrélation positive mais faible, de l'ordre de 0,05, entre
le fait de vouloir se débarrasser au plus vite d'un traitement médical douloureux (II.Q4) et la
volonté de ne pas repousser son plaisir (I.Q14). Autrement dit, les deux attitudes relèvent
plutôt de paramètres de préférence indépendants.

Qui est le plus sujet au "dread" ou au "savoring" ? Le tableau 0.3 de l'annexe D (colonnes
2 et 3) présente les résultats des régressions en fonction des caractéristiques des ménages. La
variable "dread" a été construite comme le croisement des deux questions le concernant: un
individu sera considéré sensible à ce phénomène s'il veut à la fois se débarrasser du traitement
Qui est prévoyant ? Qui est altmiste :' 185

médical douloureux et des corvées au plus vite. Les variables dépendantes se présentent donc
sous forme dichotomique (0 ou l ), justifiant l'utilisation de modèles Probit simples.

L'analyse des déterminants des personnes très sensibles au "dread" ne fait ressortir
qu'assez peu de caractéristiques significatives. Ce phénomène d'anticipation est le plus fort
(on se débarrasse des "peines" au plus vite) chez les personnes mariées, à faible revenu, peu
ou pas diplômées, enfants d'employés ou d'ouvriers et âgées de plus de 70 ans. Il concernerait
donc plutôt les milieux modestes et traditionnels.

Quant au profil des individus les plus enclins au "savoring" (qui retardent les plaisirs par
plaisir), il est encore plus difficile à cerner: globalement, la régression n'est d'ailleurs pas
significative. Les rares effets défavorables au "savoring" concernent le fait d'avoir un revenu
moyen (deuxième quartile), un haut diplôme, une mère prévoyante et au moins deux enfants
hors du domicile familial. Leur interprétation n'est guère évidente. Le phénomène paraît
présenter une forte dimension aléatoire.

5.2. Le pré-engagement ou le "syndrome de la sirène"

La dernière anomalie étudiée ici a trait à ce que certains appellent le "syndrome de la


sirène" : Ulysse se fait attacher au mât de son bateau pour empêcher la réalisation d'une
tentation fatale, à laquelle il se sait incapable de résister ; ce faisant, il contraint aujourd'hui
son libre-arbitre de demain.

De même, dans le domaine de la consommation ou du patrimoine, l'agent prévoyant mais


temporellement incohérent, peut mettre en place un système de contraintes qui vise à réduire
le champ des opportunités offertes aux dates ultérieures. Remettre à autrui la clef du meuble
où sont stockées les boissons alcoolisées, éviter d'utiliser sa carte de crédit, placer ses
économies sur des placements financiers qui imposent des versements réguliers (épargne
contractuelle), s'interdire de casino, en sont des exemples.

Dans l'enquête, on demande directement à l'individu s'il est "du genre à s'imposer de telles
contraintes pour se forcer à être raisonnable ou pour éviter de céder à la tentation" (question
VII.Q9) : 14% des répondants se déclarent "tout à fait du genre" à s'auto-discipliner et 31,4 %
"plutôt du genre" à le faire : près d'un Français sur deux serait un Ulysse moderne.

Le tableau 0.3 de l'annexe D (colonne 4, Probit dichotomique) offre le portrait des


individus Je plus enclins- tout à fait ou plutôt du genre- à s'auto-discipliner: les bas revenus
(premier et second quartile), les plus jeunes (moins de 30 ans) et les plus âgés (au-delà de 50
ans). La propension à s'auto-contraindre augmente aussi avec Je nombre d'enfants, surtout
chez les jeunes couples. Curieusement, le pré-engagement serait plus fréquent à la fois chez
les enfants de mères prévoyantes et chez ceux dont la mère vivait au jour Je jour (effet en U) :
186 lné{?alités patrimoniales et choix individuels

pratique héritée apprise en observant sa mère dans le premier cas ; pratique adoptée pour
éviter de reproduire les erreurs observées dans le second? Enfin, l'effet du genre n'est valide
qu'au seuil statistique de 10 % mais devient significatif à 5 % pour une spécification
alternative: les hommes s'imposeraient plus souvent des contraintes.

6. CONCLUSIONS
La mesure des préférences individuelles à l'égard du temps s'avère sensiblement plus
délicate que celle des attitudes à l'égard du risque, tant sur les plans conceptuel et théorique
qu'empirique. Cette conclusion générale ne surprendra pas les spécialistes : elle s'avère
conforme aux leçons que l'on peut tirer des études expérimentales et des enquêtes menées à
l'étranger depuis plus de vingt-cinq ans.

Les déboires qu'ont connus les tentatives précédentes semblent tenir au fait que leurs
mesures du taux de dépréciation du futur concernent plusieurs préférences hétérogènes à la
fois, par ailleurs mal identifiées. Nous avons isolé la préférence pure pour le présent, sur le
cycle de vie, des paramètres qui gouvernent d'un côté les choix de plus court terme, le degré
d'impatience, et de l'autre les arbitrages qui dépassent le cadre de sa propre existence, les
altruismes familial et non familial. Et nous avons attribué à la préférence pour le présent, au-
delà d'une simple actualisation des utilités futures, une signification "philosophique" en
termes de projets de vie, qui conduit à une série de questions plus simples et plus concrètes.

Ce double apport nous a permis d'obtenir, à travers les mesures synthétiques et ordinales
fournies par les scores de préférence, des résultats beaucoup plus satisfaisants qui confirment,
ex post, le bien fondé de notre approche. En particulier, il apparaît manifeste que l'on perdrait
beaucoup à fusionner les indicateurs de préférence estimés car leurs déterminants diffèrent
significativement : par exemple, les hauts revenus se distinguent par un degré d'altruisme
familial plus élevé, mais ne sont pas plus prévoyants que les autres.

De fait, les corrélations entre degrés de patience et de prévoyance, ou entre prévoyance et


altruisme, vont bien dans le sens attendu mais ne sont pas telles qu'elles justifient une telle
agrégation. L'impatience et la préférence pour le présent sont corrélées positivement mais
avec une intensité assez faible ( + 0,12 pour le score et les échelles) : les impatients seraient
plus souvent des gens qui vivent au jour le jour. La prévoyance irait plutôt de pair avec
l'altruisme, mais significativement plus avec sa composante familiale (corrélation de - 0,38
entre les deux scores) que non familiale (corrélation de- 0,30). La proximité entre les deux
scores d'altruisme reste par ailleurs limitée, se situant à + 0,25 : on peut donc être altruiste
pour les siens sans l'être trop pour les autres. Enfin, la patience n'est que faiblement corrélée à
Qui est prévoyant ? Qui est altruiste ? 187

l'altruisme familial (corrélation de- 0,12 entre les scores correspondants) et même sans lien
significatif avec l'altruisme non familial.

Les analyses en composantes principales délivrent un message similaire. Lorsque l'on


projette le score de préférence temporelle sur les deux premiers axes des ACP concernant
l'impatience (graphique 8.5) ou l'altruisme familial (graphique 8.6), on observe bien que la
prévoyance va plutôt de pair avec la patience et l'altruisme, mais que les liens entre les
indicateurs sont relativement faibles.
188 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Suis la route
de l'épargne,
ton avenir
sera meilleur!

Album d'images épargne de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de Nantes, 1967


C. , FORMATION
,
ET TRANSMISSION DES
PREFERENCES
"Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et, sans dire un seul mot te remettre à bâtir
Ou perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir .
... Tu seras un homme, mon fils"
Rudyard Kipling, Tu seras un Homme, mon fils

otre méthode de mesure des préférences développée dans les chapitres précédents
N suscite plusieurs interrogations. La première concerne le nombre minimal de
questions qu'il faut retenir pour disposer d'indicateurs fiables par les scores mesurés. La
deuxième a trait à la diversité des domaines de la vie abordés : est-il alors justifié d'utiliser
des indicateurs synthétiques, couvrant l'ensemble de ces domaines. Enfin, une troisième
consiste à savoir si les préférences pouvaient être expliquées par des traits individuels plus
fins que ceux habituellement recensés dans les enquêtes.

Pour répondre à ces questions, nous avons eu l'occasion de réitérer 1'expérience tout en
palliant certaines insuffisances de 1'opération précédente. Cette sous-partie présente les
résultats concernant l'enquête TNS-Sofres-Delta que nous avons réalisée en 2002 et qui
reprend en grande partie le contenu de l'enquête de l'Insee. Certes moins exhaustive sur le
descriptif du patrimoine, elle présente cependant 1'originalité d'interroger deux générations
(ascendants-descendants) à partir du même questionnaire en cherchant encore à mieux cerner
leur environnement culturel.

Cette seconde expérience a confirmé, sur un échantillon indépendant, la validité de notre


méthode de scoring pour approcher les goûts individuels en matière de risque et de temps.
Elle a notamment souligné l'intérêt d'un questionnement qui fait varier les domaines abordés,
qui envisage plusieurs types de questions (opinions, scénarios fictifs, loteries, comportements
réels ... ) et qui ne cherche pas à être trop économe sur le nombre de ces questions.

Cette expérience a pu également mettre en évidence une forte contribution des variables
culturelles (éducation religieuse, opinions politiques, sentiment d'appartenance sociale) dans
1'explication des attitudes vis-à-vis du risque et du temps. Plus encore, en mettant en relation
190 Inégalités patrimoniales et choix individuels

les préférences des parents et celles de leurs enfants, nous avons pu juger empiriquement du
"poids d'Anchise" et des valeurs familiales sur la formation des goûts. Pour les trois
paramètres, on obtient alors une corrélation intergénérationnelle significative (0, 12 pour
1'altruisme, 0,15 pour la préférence temporelle et 0,23 pour les attitudes vis-à-vis du risque).
Chapitre 10

De l'influence des valeurs familiales et


autres traits culturels

L
orsque notre méthode de mesure des préférences a été présentée à des publics divers
(universitaires, professionnels de la banque, gestionnaires de patrimoine ... ), elle a
suscité plusieurs interrogations auxquelles, faute d'expérience similaire, il ne nous était pas
toujours possible de répondre.

La question la plus fréquente concernait le nombre de questions qu'il fallait retenir pour
disposer d'indicateurs fiables : 20, 30, 40, 50 ? L'idéal eut été qu'un nombre faible de
questions les plus pertinentes suffise à prédire correctement les paramètres de préférence.

Une autre question concernait la diversité des domaines abordés : les attitudes vis-à-vis du
risque et de l'avenir étaient-elles suffisamment homogènes dans les différents domaines
(santé, la famille, le travail, la retraite, etc.) pour qu'on puisse ainsi les agréger sous la forme
d'un score synthétique. Ou au contraire, s'agissant du risque par exemple, si les ménages se
comportent selon un principe de diversification élargie des risques, est-il nécessaire
d'envisager autant de mesures que de domaines envisagés. Nous avons vu que, si les
décisions dans les différents domaines allaient plutôt dans le même sens en moyenne, certains
domaines étaient néanmoins plus propices à la prise de risque que d'autres (cf chapitre 5).

Enfin, lorsque, dans nos analyses statistiques, nous cherchions à savoir "qui était qui?",
prudents vs. aventureux, cigales vs. fourmis, altruistes vs. égoïstes, on pouvait être surpris de
la faiblesse des effets mis en évidence à partir des déterminants habituels recensés dans les
enquêtes (âge, diplôme, milieu social, situation familiale, etc.). Seules quelques grandes
constantes apparaissaient: les hommes plus risquophiles que les femmes, les vieux plus
prudents et prévoyants que les jeunes, les diplômés plus aventureux et moins myopes que les
non diplômés ... Mais le pouvoir explicatif de ces variables demeurait très limité. Il est vrai
192 Inégalités patrimoniales et choix individuels

que vouloir expliquer les goûts, variable subjective par excellence, n'est pas une tâche facile
puisque l'on entre à plein dans la psychologie et le vécu des individus. Si des caractéristiques
plus fines des agents étaient disponibles, relatives par exemple à leurs valeurs culturelles ou
leur parcours de vie, améliorerions-nous notre connaissance de leurs préférences vis-à-vis du
risque et du temps ?

Pour répondre à ces questions, il était donc nécessaire de réitérer l'expérience et de pallier
certaines insuffisances de l'opération précédente. Nous présentons ici les résultats concernant
l'enquête Delta-TNS Sofres que nous avons réalisée en 2002 et qui reprend en grande partie le
contenu de l'enquête méthodologique de l'Insee. Certes moins exhaustive sur le descriptif du
patrimoine, elle présente cependant l'originalité d'interroger deux générations (ascendants-
descendants) à partir du même questionnaire en cherchant à mieux cerner leur environnement
culturel (religion, politique, sentiment d'appartenance sociale ... ).

Après avoir présenté les données utilisées, nous verrons tout d'abord dans quelle mesure
elles permettent de tester la validité de notre méthode. Nous nous intéresserons ensuite au rôle
des valeurs culturelles sur la genèse des goûts, qu'elles soient d'ordre religieux, politique ou
social, et enfin familial.

1. L'ENQUÊTE TNS-SOFRES-DELTA 2002: DEUX GÉNÉRATIONS


INTERROGÉES

L'enquête TNS-Sofres-Delta 2002 (notée t1TNS dans la suite du chapitre) a été effectuée
par courrier postal sur des ménages membres du panel de la Sofres âgés entre 35 et 55 ans.
Elle reprend une grande partie des questions concernant les attitudes vis-à-vis du risque et du
temps de son homologue de 1'Insee, du moins les plus pertinentes dans la construction des
scores de préférence. En matière de montants d'actifs, de revenus, etc., cette enquête comporte
des informations moins détaillées que la précédente de l'Insee. Elle ne concerne en outre
qu'une tranche d'âge. Mais elle présente un certain nombre d'avantages, mis à part le fait d'être
plus récente et de fournir un plus grand échantillon, à savoir: des informations
supplémentaires sur la santé, la religion, les opinions politiques, l'accès à Internet, certains
biens durables, l'incertitude du revenu futur ; une mesure complémentaire de l'aversion pour
le risque (cf infra) ; des renseignements sur le processus de transmission des préférences
entre parents et enfants et sur les attitudes vis-à-vis des transferts familiaux.

Surtout, on a cherché à poser le même questionnaire soit aux parents des enquêtés
initiaux, soit à (l'un de) leurs enfants adultes, la tranche d'âge 35-55 ans ayant été choisie pour
obtenir le plus possible de binômes potentiels.
De l'influence des valeurs familiales et autres traits culturels 193

La première phase de cette enquête concernant les "panelistes" âgés de 35 à 55 ans a


conduit à 2 460 questionnaires exploitables (sur 4 000 interviewés soit un taux de retour de
63 %( Cette première phase, outre la collecte des informations, a permis d'identifier les
ascendants et les descendants potentiels des enquêtés (1 141 mentions). L'information
recueillie dans cette première phase (questionnaire reproduit à l'annexe E) était regroupée
autour de 8 thèmes : 1) le Travail, la carrière professionnelle et les revenus (15 questions). 2)
les Placements et la gestion de l'argent (14 questions), 3) le Retraite (7 questions), 4) la
Famille et les transferts intergénérationnels (18 questions), 5) la Santé et la gestion du capital
santé (17 questions), 6) la Consommation, les loisirs et les voyages (13 questions), 7) Autres
thèmes (5 questions), 8) les autres Renseignements signalétiques (22 questions déjà
disponibles dans le panel). Les 111 questions posées au total concernaient cependant aussi
bien la mesure des paramètres que celles visant à recenser les caractéristiques
sociodémographiques du ménage, notamment son patrimoine et ses revenus.

La deuxième phase concernant les ascendants et les descendants des "panelistes" a permis
d'obtenir 440 questionnaires exploitables (199 ascendants et 241 descendants, soit un taux de
retour de 39 % ). Les informations collectées dans cette deuxième phase étaient identiques à
celui des "panelistes".

Le tableau E.l de l'annexe E présente la structure des différents échantillons : panelistes,


ascendants et descendants. Les répondants panelistes sont censés être représentatifs de la
population française des 35-55 ans. Ils se répartissent identiquement entre hommes et
femmes, les 2/3 sont mariés, 1/4 ont le niveau baccalauréat et 113 gagne individuellement
moins de 14 400 euros par an. Les répondants ascendants (âgés de plus de 50 ans) étaient plus
souvent des femmes que des hommes (60 %), étaient naturellement plus souvent veufs ou
veuves que les panelistes (25 % contre 2 %) et étaient moins diplômés ( 18 % avaient un
niveau supérieur au baccalauréat contre 33,7 % chez les panelistes). Les descendants âgés de
moins de 40 ans, étaient bien entendu beaucoup plus souvent célibataires, davantage
diplômés, mais moins riches en revenu que les autres générations. On notera cependant que
les descendants qui ont répondu à l'enquête sont plus souvent des femmes que des hommes :
elles représentent en effet près des 2/3 de l'échantillon des descendants, ce qui a priori révèle
un biais d'échantillon dont il faudra tenir compte dans l'interprétation des résultats. On sait
par exemple que les femmes sont moins aventureuses que leurs homologues masculins (cf
chapitre 6).

1
L'enquête par voie postale a été réalisée du 14 mai au 3 juillet 2002 pour ce qui est de la première phase et du
13 juin au 22 juillet 2002 pour ce qui est de la seconde.
194 Inégalités patrimoniales et choix individuels

2. LA MÉTHODE DE SCORING EST-ELLE VALIDE? DES MESURES DE


PRÉFÉRENCES COHÉRENTES DANS LES DEUX ENQUÊTES
La possibilité de "dérouler", à partir d'une expérience similaire, la méthode de mesure des
paramètres de préférence explicitée dans les chapitres précédents (cf chapitres 5 et 8) et mise
au point sur l'enquête méthodologique de l'Insee, va nous permettre de juger au passage la
validité de notre méthodologie.

La construction des scores de préférences (risque, préférence temporelle, altruisme,


impatience) dans l'enquête ATNS procédait de la même technique que dans l'enquête Insee.
Pour statuer sur la validité de cette procédure empirique, nous comparerons plus en détail la
construction de l'indicateur d'attitude vis-à-vis du risque dans les deux expériences. Parmi les
56 questions de l'enquête Insee se rapportant à ce paramètre et les 32 de celle de ATNS, 26
sont en effet libellées dans les mêmes termes 1•

Pour l'attitude vis-à-vis du risque, nous disposions de 32 questions initiales pour


construire le score dont 27 se sont avérées pertinentes selon le critère de l'alpha de Cronbach
(cf tableau F.l annexe F). L'indice de cohérence du score final s'élève alors à 0.51. Le résultat
est donc moins satisfaisant que pour la même classe d'âge dans l'enquête Insee (0,65) qui
retient en outre un plus grand nombre de questions (54). Cette comparaison semblerait militer
pour un nombre important d'items pertinents pour mesurer les paramètres de préférence 2• La
hiérarchie des variables introduites confirme aussi le bien fondé de la méthode lorsque 1'on se
restreint aux seules variables communes. Dans le "top five" du classement, on trouve 3
questions communes (6 dans le "top ten") : "prendre ses billets à 1'avance" (SR77), "arriver à
la gare en avance" (SR78) et "inciter les enfants à prendre des risques" (SR45b).

L'autre méthode pour comparer les deux enquêtes consiste à effectuer une analyse en
composantes principales à partir des réponses aux différentes questions (cf chapitre 5 et 8).
Deux ACP sur chaque enquête peuvent être réalisées suivant que l'on retienne dans l'analyse
toutes les questions disponibles initialement ou simplement les questions communes aux deux
expériences.

1
Pour la préférence temporelle, la mesure du paramètre dans l'enquête t1TNS n'intégrait initialement que 18
items (34 dans l'enquête Insee) avec seulement 15 questions communes dans les deux surveys. Pour l'altruisme,
la nature et le nombre des questions étaient trop différents pour permettre une comparaison. On notera
cependant que le score d'altruisme calculé dans l'enquête t1TNS est sans doute meilleur que celui mesuré dans
l'enquête Insee puisque ce paramètre y faisait l'objet d'un questionnement spécifique.
2
Si l'on construit les scores à partir des seules questions communes aux deux enquêtes (23 variables), on
constate bien que les indices de cohérences sont plus faibles aussi bien dans l'enquête Insee (0,56 pour 455
observations) que dans celui de t1TNS (0,45 pour 2 460 observations).
De l'influence des valeurs familiales et autres traits culturel.\ 195

Graphique 10.1

ACP de l'attitude à l'égard du risque (Delta-TNS-Sofres)

0.6
Choix de long terme

> sr72a
0.4
> sr72b sr72d < > sr72c

> sr42e
> sr42c 1

> sr42b
> sr61
0.2 > sr43

sr68 <
sr30 < > sr42f
gp1 avr2 Choix courants
ou familiaux

> sr70 sarp4

·0.2 > sr73


> sr4
sr42a < > sr15
> sr42d sr8 > sr45b
sr3b < • > sr3a

-0.4 > sr3c

-0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8

axe 1

Source: enquête TNS-Sofres-Delta 2002


196 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Graphique 10.2

A: ACP de l'attitude à l'égard du risque TNS-Sofres-Delta (variables communes Insee-Sofres)

Choix de l ng terme
0.5

> sr42b
0.4 > sr42e > sr77
> sr78
> sr43
> sr61 > sr81
0.3 > sr42c
sr30 < > sr33
> sr45a sarp4
1

sr68 < > sr32


o. 2 > sr57
> sr42f

0.1 Choix courant


ou familiau
> gp1 > sr70
0.0 +----------------------------------
> avr4 > sr73
> sr4 > sr15
-0.1
> sr45b
> sr42d > sr42a
> sr3c
-0.2
> sr3a
> sr3b

-0.3

-0.75 -0.50 -0.25 0.00 0.25 0.50 o. 75

____ Score axe 1

Source: enquête TNS-Sojres-Delta 2002


De l'influence des valeurs familiales et autres traits culturels 197

Graphique 10.2

B: ACP de l'attitude à l'égard du risque Insee (variables communes Insee-Sofres)

Choix de long terme


0.5

1 > <1516

> R39 > R47


0.4
> R34 > R14 > R12

> R42
> R11
0.3

> R43 r51

> R33
0.2 > R40

> R35 > r52

a 0.1
> R5
hljl1 < r49 < > R38

> e hlg4 /l' Choix courants


o.o +---------~------+---------,"',. -ech 192- - - - > - R 1 familiaux
3-0U
Echelle > R27
> R41
> R22 > R20
·0.1 > r50
> sar2

·0.2

> sar1

-0.3

> R23

> R21
-0.4

-0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6

axe 1

Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta


198 Inégalités patrimoniales et choix individuels

L'analyse en composante principale menée sur la population des 35-55 ans de l'enquête
Insee à partir de l'ensemble des questions du questionnaire est similaire à celle présentée dans
le chapitre 5 sur l'ensemble de la population. Deux axes ressortent dans l'explication des
attitudes vis-à-vis du risque: un premier axe traduit l'information relative aux choix courants
ou familiaux alors que le second représente plutôt les choix de long terme. Le score d'attitudes
vis-à-vis du risque apparaît comme une combinaison de ces deux dimensions des décisions
risquées puisqu'il se projette sur la première bissectrice des axes.

Si l'on procède à la même analyse sur les questions moins nombreuses de l'enquête t1TNS,
on obtient le plan représenté sur le graphique 10.1. Le premier axe semble toujours
correspondre aux choix risqués de la vie quotidienne sans sa dimension familiale (6,6 % de la
variance expliquée) : on évite le stationnement interdit (SR73) et on met sa ceinture de
sécurité (SR70), on prend ses précautions si le temps est incertain (SR81), on arrive en avance
pour prendre son train ou son avion (SR78) pour lesquels on a pris ses billets tôt (SR77). Le
second axe recouvre là encore une dimension des comportements risqués à plus long terme
(5,8% de la variance expliquée): on se maintient en forme (SR61), on pense que choisir un
conjoint (SR42b) et avoir des enfants (SR42e) comportent des risques, on a besoin d'une
période d'essai pour se mettre en ménage (SR42c). On notera aussi que les pratiques de jeux
(SR72a à SR72d) qui n'étaient pas présentes dans l'enquête Insee sont liées aux deux axes et se
situent sur la première bissectrice. Lorsqu'on projette le score dans le plan, on constate qu'il
correspond simplement au premier axe.

Si l'on procède à cette même analyse des données mais uniquement en retenant les
questions communes aux deux enquêtes, on aboutit à des projections très proches dans le
premier plan (graphiques 10.2A et B) avec deux dimensions des attitudes face au risque :
choix de court terme sur le premier axe et choix de plus long terme et familiaux (choix du
conjoint, cohabitation avant mariage, décision d'avoir des enfants se projette de la même
façon dans les deux enquêtes) sur le second avec une contribution des deux premiers axes
avoisinant les 15% dans les deux cas. De plus, les scores construits à partir de l'alpha de
Cronbach se projettent à chaque fois en fonction de ces deux dimensions sur la première
bissectrice du plan.
Cette similitude dans les conclusions issues des deux enquêtes valide la méthode de
construction des scores basée sur la diversité des domaines abordés et la multiplicité des
questions qualitatives envisagées. Par contre, on notera que 1'introduction dans 1'enquête
t1TNS d'un autre domaine comportemental, celui crucial de la pratique des jeux, rend alors la
comparaison plus délicate: encore une fois, on aurait intérêt à "noyer" la contribution des
De l'influence des valeurs familiales et autres traits culturels 199

pratiques de jeu dans un plus grand nombre de questions, pour éviter de leur accorder trop de
poids dans l'indicateur mesuré 1•

Une autre similitude concerne le pouvoir explicatif respectif des caractéristiques


individuelles des répondants sur les différentes mesures des paramètres de préférence vis-à-
vis du risque.

Dans l'enquête ATNS, nous disposions de trois types de mesures pour les attitudes vis-à-
vis du risque : le score, la loterie de Barsky et al. ( 1997) présentée dans les chapitres
précédents (5 et 6) qui permet de classer les individus en 4 niveaux d'aversions relatives pour
le risque, et une autre question tirée de Guiso et Paiella (200 1) qui demande aux individus
combien ils serait près au maximum à investir dans un placement qui a une chance sur deux
de leur rapporter 5 000 euros et une chance sur deux de leur faire perdre la totalité du capital
investi. Comme dans l'enquête Insee, ce sont les scores qui apparaissent les mieux déterminés
par les caractéristiques des ménages même si les pouvoirs explicatifs restent encore limités.
Les performances des autres mesures de préférences, en particulier de la loterie de Barsky et
al., sont sur ce point bien inférieures2 .

L'analyse des déterminants individuels du score d'attitude vis-à-vis du risque dans


1'enquête ATNS part de la spécification économétrique la plus proche possible de celle utilisée
pour l'enquête Insee: revenus du travail, âge, milieu social des parents, sexe, diplôme,
situation familiale, nombre d'enfants, opposition rural-urbain. Les régressions obtenues
aboutissent à des effets similaires dans les deux enquêtes. Nous retrouvons notamment les
deux conclusions fondamentales mises en évidence dans l'enquête Insee (cf chapitre 6) : les
personnes les plus aventureuses sont d'une part les hommes, d'autres part les plus jeunes.
D'autres effets confirment également les conclusions de l'Insee comme, par exemple, le fait
que le célibat rime avec une prise de risque accrue. Par contre, nous ne retrouvons pas 1'effet
positif de l'éducation sur la prise de risque'.

1
Le rapprochement des deux enquêtes pour le score de préférence temporelle nous amène au même parallèle (cf
chapitre 8). L'analyse en composantes principales donne en effet deux axes principaux dont le premier
concerne l'insouciance aux problèmes de société (notamment d'environnement) et la protection du conjoint
survivant et le second a trait à l'éducation des enfants en matière de prévoyance. La projection des scores
diffère cependant d'une enquête à l'autre, le score de !JTNS correspondant davantage au premier axe qu'au
second alors que celui de l'Insee se projette sur la première bissectrice des axes. La comparaison est cependant
rendu délicate par l'hétérogénéité des questions rentrant dans chacune des mesures: 34 dans l'enquête Insee,
seulement 18 dans !JTNS.
2
Il % de la variance du score est expliquée par les caractéristiques des individus listée dans le texte contre 3 %
seulement pour la mesure de Guiso et Paiella. Ces variables n'apparaissent même pas comme des déterminants
significatifs pour expliquer la mesure de Barsky et al.
_l Les résultats concernant la préférence temporelle obtenus à partir de l'enquête !JTNS confirment également
ceux issus de l'enquête Insee. On devient plus prévoyant avec l'âge et le diplôme prédispose à une vision de
long terme. Un effet supplémentaire est cependant apparu : on est plus prévoyant lorsque le revenu du ménage
200 Inégalités patrimoniales et choix individuels

De ces deux expériences, il est possible de tirer les enseignements suivants pour une
méthode générale de mesure des paramètres de préférences:

- la meilleure mesure des attitudes vis-à-vis du risque apparaît être le score qui combine
les réponses à de nombreuses questions dans de nombreux domaines. La technique
plus orthodoxe des loteries effectuée en général dans un seul contexte semble
beaucoup moins satisfaisante ;

- la multiplicité des questions pertinentes apparaît comme un facteur de cohérence


statistique du score, donc de sa qualité, et il semble délicat de restreindre trop
fortement le nombre d'items introduits. Espérer résumer par quelques questions les
attitudes face au risque et au temps demeure un vœu pieux ;

- pour obtenir une bonne mesure, il est préférable de varier au maximum les domaines
abordés, sauf à accorder arbitrairement un poids démesuré à un domaine de l'existence
particulier.

3. RELIGION, POLITIQUE, SENTIMENT D'APPARTENANCE SOCIALE :


QUELLE INFLUENCE ?
Une des originalités de l'enquête ATNS par rapport à celle de l'Insee concernait certaines
informations demandées aux ménages sur leurs opinions politiques, leur éducation religieuse
ou encore leur sentiment d'appartenance sociale. Ainsi, à partir des informations recensées (cf
annexe E ou est reproduit le questionnaire), nous avons une idée où l'individu se situe dans
l'éventail des opinions politiques allant de l'extrême gauche à l'extrême droite en passant par
le centre (question 89). Nous connaissons aussi la religion dans laquelle les individus ont été
éduqués (question 37). Enfin, nous savons si les individus interrogés se sentent proches de la
classe "défavorisée", "supérieure" ou "moyenne" (question 87) et si leurs parents étaient ou
non citoyens français (un, les deux ou aucuns, question 39). Toutes ces caractéristiques ont été
introduites comme facteurs explicatifs supplémentaires pour expliquer les préférences des
agents.

Le premier constat important est que l'introduction de ces variables dans les régressions
relatives aux préférences améliore notablement leur pouvoir explicatif: l'augmentation des R2
est de 20 % pour les attitudes vis-à-vis du risque (0, 10 à 0, 12), 85 % pour la préférence

est important. On aboutit au même constat si l'on s'intéresse à l'altruisme : on obtient un même effet positif dans
les deux enquêtes en ce qui concerne le revenu du ménage (élevé), le diplôme (élevé). les variables
démographiques (marié avec des enfants). Enfin, on retrouve le fait que les impatients sont plutôt des ménages
âgés à fort revenu.
De l'influence des valeurs familiales et autres traits culturels 201

temporelle (0,07 à 0,11) et lOO% pour l'altruisme (0,03 à 0,06t Il s'agit donc de
déterminants importants pour expliquer les goûts des individus en matière de risque et de
temps même si les causalités ne peuvent pas toujours être bien établies : appartenir à une
classe favorisée peut être le fait d'une aversion au risque moins élevée ... La portée des effets
commentés ci-dessous concerne donc davantage des corrélations que des analyses causales.

3.1. L'éducation religieuse


La religion a peu d'effet sur les attitudes face au risque. Tout au plus note-t-on que le fait
de déclarer n'avoir été éduqué dans aucune religion aurait tendance à faciliter la prise de
risque.

S'agissant de la préférence pour le présent, on constate que les musulmans, par rapport
aux autres religions, privilégient le présent par rapport au futur, de même que les individus ne
revendiquant pas de religion. Au contraire, une éducation religieuse "juive" serait synonyme
d'une vision à plus long terme.

Une éducation "laïque" prédisposerait aussi à 1'égoïsme, s'opposant ainsi à une éducation
religieuse - quelle que soit par ailleurs la confession envisagée.

3.2. Les opinions politiques


Ce sont les individus de sensibilité centriste et dans une moindre mesure les gens qui se
déclarent sans conviction politique qui prennent le moins de risque relativement à toute autre
opinion politique.

C'est aux deux extrêmes de l'éventail des convictions politiques que l'on observe le plus
d'individus privilégiant le présent par rapport au futur. Ce sont ainsi les centristes qui voient le
plus loin.

Enfin, les gens qui se déclarent sans conviction politique s'avèrent aussi être les moins
altruistes. "S'engager" politiquement, quel que soit son penchant, signifie donc que l'on se
soucie davantage des générations futures.

1
Cette constatation est encore plus nette lorsqu'on ajoute à ces traits culturels, les valeurs familiales incarnées
par les préférences des parents. Sur l'échantillon des familles bi-générationnelles (415 observations), selon que
l'on introduit ou non les variables culturelles, la part de la variance expliquée augmente de 70 % pour le risque
(le R2 passe de 0,10 à 0,17), double pour la préférence temporelle (respectivement de 0,11 à 0,22) et s'accroît
de 55% pour l'altruisme familial (respectivement de 0,13 à 0,20).
202 Inégalités patrimoniales et choix individuels

3.3. Le sentiment d'appartenance sociale

Ce sont à la fois les individus qui se considèrent comme favorisés et ceux qui au contraire
se sentent défavorisés qui sont le moins réticents à prendre des risques. Ce résultat est sans
doute moins surprenant qu'il n'y paraît: à ceux qui n'ont rien à perdre s'associent ceux qui ont
tout à gagner !

On observe la même opposition de "classe" pour ce qui est de la préférence pour le


présent. Se sentir "favorisé" ou "défavorisé" a plutôt tendance à se traduire par une jouissance
présente alors qu'appartenir à la classe moyenne est plutôt synonyme de prévoyance. Là
encore, l'intuition commune qui associe préférence pour le présent et classe populaire n'est pas
entièrement vérifiée: si ceux qui se sentent les plus défavorisés, sont- comme on s'y
attendait- plus souvent "imprévoyants", on observe néanmoins que les classes s'estimant
supérieures comptent aussi parmi les personnes privilégiant le présent !

4. LES PRÉFÉRENCES SONT-ELLES "HERITÉES" DES PARENTS?

La corrélation entre les comportements économiques des enfants et celui de leurs parents
est souvent mise en évidence dans les enquêtes empiriques. Dans le domaine qui nous
intéresse, on observe ainsi une forte héritabilité des pratiques patrimoniales, s'agissant aussi
bien de la composition de la richesse que de la transmission de la fortune entre les
générations.

En matière de choix de portefeuille, on détient davantage d'actions si ses parents


détenaient un portefeuille de titres (Arrondel et Masson, 1996) ou encore on contracte plus
souvent des assurances-vie si ses parents étaient eux-mêmes assurés (Arrondel et Masson,
2003). Quant aux pratiques d'héritage, on transmet plus de patrimoine si l'on a soi-même
hérité (Arrondel et Grange, 2006), on donne ou on aide ses enfants plus fréquemment si ses
ascendants ont fait de même, on écrit plus volontiers un testament lorsque ses parents en ont
rédigé un (Arrondel et Masson, 2006) ... Comment peut-on expliquer cette transmissibilité des
comportements? Les générations successives ont-elles les mêmes goûts et les mêmes
valeurs? Ou alors se transmettent-elles plutôt de l'information nécessaire aux décisions?

Les économistes ne se sont interrogés que récemment sur la formation des goûts et la
dynamique des préférences. Ouvrir cette boîte noire est pourtant intéressant à plus d'un titre:
pour mieux appréhender la question de la genèse des goûts individuels (les préférences sont la
plupart du temps introduites de manière ad hoc dans les modèles); pour mieux comprendre,
par ailleurs, les mécanismes de la mobilité sociale et de la transmission intergénérationnelle
des inégalités.
De l'influence des valeurs familiales et autres traits culturels 203

La transmission culturelle semble jouer un rôle important dans la formation des


préférences comme l'aversion au risque, la préférence temporelle ou l'altruisme. Bisin et
Verdier (2005) notent que dans la littérature économique, cette transmission culturelle est
modélisée comme la résultante d'une transmission directe par l'intermédiaire de la famille
("socialisation verticale") et d'une socialisation plus indirecte via les relations sociales et
l'éducation ("socialisation horizontale et oblique"). C'est à la première dimension que nous
voudrions nous intéresser ici 1•

L'étude de la transmission des préférences entre parents et enfants s'appuiera sur les
scores qui ont été mesurés séparément pour les deux générations. Notons que ces scores,
relatifs à l'attitude vis-à-vis du risque et aux préférences à l'égard du temps (préférence pour le
présent, altruisme et impatience) sont directement comparables puisqu'ils ont été construits à
partir de la même méthode, en retenant exactement les mêmes questions pour les différentes
générations: panelistes, ascendants et descendants (cf annexe F, tableaux F.1 à F.4).
Tableau 10.1
Corrélations entre les scores des parents et des enfants

Préférence Altruisme
"Risquophobie" Impatience
temporelle familial

Couples parents-
0,23 0,15 0,07 0,12
enfants

Familles tri-
0,30 0,18 0,03 0,20
générationnelles

Note : les corrélations significatives à 5 9c sont indiquées en gras. Les familles trigénérationnelles
correspondent à l'échantillon des parents et des enfants qui ont eux-mêmes des enfants.
Source : enquête TNS-Sofres-Delta 2002

Le tableau 10.1 indique la corrélation intergénérationnelle entre les scores d'attitudes face
au risque et au temps. On constate que ces corrélations sont statistiquement significatives pour
trois paramètres: attitude à l'égard du risque, préférence temporelle et altruisme familial. Par
contre, l'impatience ne semble pas se transmettre entre parents et enfants.

1
Dimension pour laquelle il n'existe que peu d'études empiriques. Jellal et Wolff (2002) proposent une analyse
empirique de la transmission des traits culturels relatifs à l'altruisme. Charles et Hurst (2002) s'intéressent à la
corrélation de la fortune des parents et celle des enfants et la justifient en partie par la transmission des
préférences, en particulier pour l'aversion au risque pour laquelle ils obtiennent un lien statistique significatif.
Enfin, Dohmen et al. (2006) mesurent la transmission intergénérationnelle des attitudes face au risque et
obtiennent là encore une corrélation importante entre parents et enfants.
204 Inégalités patrimoniales et choix individuels

C'est pour le risque que la corrélation apparaît la plus forte (0,23), celle de la préférence
temporelle se situant aux environs de 0, 15 et celle de 1'altruisme autour de 0, 12. On obtient la
même hiérarchie en prenant les corrélations de rang, plus adéquates pour le type de variable
étudiée (0,16 pour le risque, 0,09 pour le temps et l'altruisme familial). La transmission des
préférences entre parents et enfants est donc bien présente. À titre de comparaison, l'élasticité
entre les ressources des enfants et celles de ses parents est de 0,15 pour le revenu permanent
et 0.22 pour le patrimoine'.

Nous avons affiné la mesure des corrélations retenant uniquement les parents et les
enfants ayant eux-mêmes des enfants (environ 250 familles trigénérationnelles, cf tableau
10.1) ceci afin de limiter certains problèmes d'endogénéité : on peut penser que les parents
altruistes ont, par exemple, davantage d'enfants.

Les corrélations sont alors beaucoup plus élevées pour tous les paramètres mais surtout
pour l'altruisme: 0,30 pour le risque, 0,18 pour la préférence temporelle et 0,20 pour
l'altruisme. Ce résultat montre bien, en particulier pour l'altruisme, que la similarité des
contextes familiaux est primordial pour le rapprochement des préférences.
Tableau 10.2
Elasticités des scores de préférence des enfants par rapport à celui des parents
Préférence Altruisme
"Risquophobie" Impatience
temporelle familial

Couples parents-
0,20 0,13 0,08 0,08
enfants

Familles tri-
0,25 0,16 0,06 0,14
générationnelles

Note: les élasticités significatives à 5% sont indiquées en gras, celles significatives à JO o/c en italique. Ces
chiffres tiennent compte des différences d'âge. Les familles trigénérationnelles correspondent à l'échantillon
des parents et des enfants qui ont eux-mêmes des enfants.
Source : enquête TNS-Sofres-Delta 2002

Afin d'étudier plus précisément cette corrélation intergénérationnelle, nous avons procédé
à plusieurs séries de régressions avec le score des enfants comme variable expliquée et celui
des parents comme explicative. Avec une spécification logarithmique, le coefficient obtenu
nous fournit directement, toutes choses égales d'ailleurs, l'élasticité de la valeur du score des

1
Ces chiffres plus faibles que ceux avancés habituellement dans la littérature empirique, s'explique par le fait
que l'on observe les deux générations à la même date et donc à des positions dans le cycle de vie très
différentes. Arrondel et Grange (2006) note qu'au décès (et donc pour les successions) l'élasticité de la fortune
du fils par rapport à celle du père est de l'ordre de 0,4 à 0,7. Cette élasticité oscilleraint entre 0,2 et 0,4 pour les
revenus du travail (Charles et Hurst, 2005).
De l'influence des valeurs familiales et autres traits culturels 205

enfants par rapport à celle du score de leurs parents (cf tableau 10.2). Dans une première
série, nous avons mis en relation le niveau de scores de chacune des générations en corrigeant
simplement des différences d'âge entre parent et enfant. Ces différences peuvent être un
facteur important de la transmission des préférences.

Pour les attitudes vis-à-vis du risque, on constate alors que la pente de la droite entre le
score de l'enfant et celui de son parent est de 0,25 : ce qui signifie que si un parent
risquophobe est au maximum du score observé (+ 15), son descendant se situera cinq points et
demi au-dessus d'un autre descendant dont le père risquophile se situe au plus bas de l'échelle
des risques observée (- 7). En termes d'élasticité, on obtient un chiffre de 1'ordre de 0,20, ce
qui signifie que lorsque le parent obtient un score de risque représentant le double de la
moyenne de sa génération (+100 % ), alors son enfant aura un score de 20 % supérieur à celui
de la sienne. Ces chiffres ne sont pas affectés si 1'on introduit les autres déterminants
potentiels des préférences (revenu, sexe, diplôme, milieu social, situation familiale ... (

En matière de préférence temporelle, la relation entre le score de 1'enfant et celui de son


parent est moins importante (la pente est de 0, 16) : 1'enfant d'un parent très myope (+8)
obtient trois points supplémentaires pour son score de préférence pour le présent qu'un enfant
d'un parent prévoyant (-9). L'élasticité du score des enfants par rapport à celui des parents
s'élève à 0, 13 signifiant qu'un parent obtenant un score de préférence deux fois pl us
important que la moyenne de sa génération aura un enfant obtenant un score de 13 %
supérieur à celle de la sienne. On notera également que la différence d'âge exerce un effet
négatif sur le score de préférence temporelle obtenu par l'enfant, traduisant le fait qu'un gros
écart d'âge entre les générations affaiblit le transfert de goût entre les générations: par
exemple, 1'élasticité est de 0,15 si les parents ont eu leur enfant à 20 ans mais seulement de
0, 12 s'ils 1'ont eu à 30 ans.

Pour l'altruisme familial, l'impact des parents, de manière quelque peu surprenante,
semble plus ténu que pour les deux autres paramètres, notamment celui de la préférence pour
le présent. La pente entre le score de l'enfant et celui de son parent est de 0,10: un parent très
altruiste (+ 12 sur 1'échelle observée) transmettra environ deux points de pl us à 1'altruisme de
son enfant qu'un parent égoïste (respectivement -10). En termes d'élasticité (0,08), un parent
deux fois plus altruiste que la moyenne de sa génération aura un enfant ayant un score de 8%
supérieur au score moyen de sa génération. Là encore. la différence d'âge entre les
générations atténue le lien intergénérationnel entre l'altruisme des parents et celui des

1
À l'instar de Charles et Hurst (2002), nous avons aussi étudié la corrélation entre les réponses à la loterie
(question 9) de Barsky et al. ( 1997) données respectivement par le père et par le fils. Contrairement aux
chercheurs américains qui obtiennent une corrélation positive, nous ne trouvons. sur nos données, aucun lien
statistique entre l'aversion relative pour le risque des deux générations.
206 Inégalités patrimoniales et choix individuels

enfants: 0,10 pour des parents précoces (20 ans d'écart) et 0,06 pour des parents plus tardifs
(30 ans d'écart). Si on restreint l'échantillon aux enfants ayant eux-mêmes des enfants,
l'élasticité entre le score des enfants et celui des parents augmente de manière importante et
s'élève globalement à 0,14. En contrôlant par les différences d'âge, on obtient un chiffre de
0,16 pour une distance générationnelle de 20 ans et de 0,13 pour une même distance de 30
ans. Preuve là encore qu'un gros écart d'âge entre parents et enfants est plus propice à
l'éloignement, sinon au conflit entre générations ...

5. CONCLUSION
L'apport de ce chapitre est pluriel. Il nous a permis tout d'abord, de juger de la validité de
la méthode de construction des scores de préférences vis-à-vis du risque et du temps présentée
dans les chapitres 5 et 8, en testant la technique proposée sur de nouvelles données d'enquête
(L1TNS). La procédure est apparue valide pour approcher les goûts individuels moyennant
quelques précautions d'usage, notamment la nécessité d'un questionnement qui fait varier les
domaines abordés, qui envisage plusieurs types de questions (opinions, scénarios fictifs,
loteries, comportements réels ... ) et qui ne cherche pas à être trop économe sur leur nombre.

Le second apport de ce chapitre a concerné la formation des préférences. En interrogeant


les individus sur leur éducation religieuse, leurs opinions politiques, leur sentiment
d'appartenance sociale, on a pu mettre en évidence une forte contribution de ces valeurs
culturelles pour expliquer les attitudes vis-à-vis du risque et du temps. Plus encore, en
construisant des scores pour une génération de parents et simultanément une génération
d'enfants (le même questionnaire étant passé aux deux générations), nous avons pu juger du
"poids d'Anchise" sur la formation des préférences: la corrélation entre les scores des enfants
et celui de leurs parents est significative, oscillant entre 0,12 pour l'altruisme à 0,23 pour les
attitudes vis-à-vis du risque en passant par 0,15 pour la préférence temporelle.

D'autres études statistiques issues de cette nouvelle enquête L1TNS auraient pu être
présentées dans cet ouvrage, notamment celles qui concernent le lien entre les mesures de
préférence et les comportements patrimoniaux, étudiées dans la troisième partie de ce
document. Pour ne pas trop alourdir ce volet, nous nous contenterons de donner ici les
principaux résultats de cette analyse empirique qui confortent encore le parallèle entre les
deux sources.
Un résultat original issu de l'enquête méthodologique de l'Insee concerne notamment la
corrélation entre les différents paramètres de préférence, notamment entre les attitudes vis-à-
vis du risque et celles vis-à-vis du temps (cf chapitre 11). Ainsi, on a pu mettre en évidence
que prudence rimait avec prévoyance (corrélation de 0,34 pour la population totale et 0,29
De l'influence des valeurs familiales et autres traits culturels 207

pour celle des 35-55 ans). Par ailleurs, une forte préférence pour le présent s'accompagnait
chez les individus d'un altruisme pour sa famille plus faible, même si la hauteur de la
corrélation était moins élevée que ce qu'on aurait pu penser (respectivement 0.38 et 0,33).

L'enquête ~TNS parvient, là encore, à des résultats similaires sur les 35-55 ans, même si
l'ordre de grandeur des corrélations est plus faible. La corrélation entre attitudes vis-à-vis du
risque et préférence pour le présent est bien négative et de 1'ordre de 0,21. Celle entre
préférence vis-à-vis du temps et altruisme familial est de 0,25.

Venons-en enfin aux effets des paramètres de préférence sur les comportements
patrimoniaux et les inégalités. Les travaux statistiques effectués sur l'enquête Insee conduisent
à mettre en évidence plusieurs conclusions importantes quant à la compréhension des
mécanismes d'épargne (cf infra, chapitres Il et 12) :

- les paramètres de préférences (attitude à l'égard du risque, préférence pour le présent,


altruisme) permettent d'expliquer de manière significative les montants de
patrimoine ;

- les effets quantitatifs estimés se révèlent importants : entre les plus myopes et les plus
prévoyants, entre les plus risquophobes et les plus aventureux, entre les plus égoïstes
et les plus altruistes, les différences de patrimoines apparaissent très sensibles ;

- la part des inégalités du patrimoine expliquée par ces paramètres se situe à un niveau
intermédiaire dans la hiérarchie des variables : derrière les déterminants traditionnels
comme le revenu, l'âge, le niveau social, l'héritage, mais devant le diplôme, le type de
ménage, le parcours professionnel et la santé, etc. ;

- le croisement des scores de risque et de temps permet encore d'améliorer notre


compréhension des phénomènes d'épargne, que ce soit au niveau du patrimoine global
ou de celui de sa composition. Ce croisement est à l'origine d'une typologie des
épargnants en 4 catégories basée sur ces deux paramètres : "Bons pères de famille",
"Têtes brûlées", "Cigales prudentes", et "Entreprenants".

Si l'on procède à une analyse comparable à partir des données de l'enquête ~TNS, on
retrouve ces conclusions point par point: significativité et importance des effets des scores de
préférence; contribution non négligeable à l'explication des inégalités de patrimoine;
typologie d'épargnants, basée sur le croisement des deux paramètres, qui présente des
contours et des effets comparables.

Ces constats supplémentaires valident là encore la méthode de construction des scores


développée précédemment.
208 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Petit poisson
deviendra
grand

Album d'images épargne de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de Nantes, 1967


TROISIÈME PARTIE

CHOIX PATRIMONIAUX
"Petit poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie.
Mais le lâcher en attendant,
Je tiens pour moi que c'est folie ;
Car de le rattraper il n'est pas trop certain ....
Un tien vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l'auras,
l'un est sûr, l'autre ne l'est pas"
La Fontaine, Le petit poisson et le pêcheur

" ... Car aujourd'hui, vous n'êtes plus à l'abri de devenir riche."
Publicité e-cortal

L
es indicateurs individuels de préférence que nous avons élaborés (scores, échelles,
questions isolées, choix de loteries) ont-ils des effets sur les montants de patrimoine
financier, net ou brut qui soient à la fois significatifs et conformes aux prédictions des
modèles microéconomiques d'épargne ? L'analyse empirique menée sur l'enquête Insee
"Patrimoine 1998" conclut positivement, mais surtout dans le cas des scores : obtenus à partir
d'un questionnement multiforme et original, ces indicateurs synthétiques ont un pouvoir
explicatif beaucoup plus élevé et cohérent que celui des autres mesures des préférences
envisagées.

Etre plus prudent ou plus prévoyant augmente le montant de la richesse détenue.


L'altruisme familial va aussi de pair avec une fortune plus élevée. Le patrimoine des ménages
apparaît donc bien sous sa dimension plurielle : réserve de précaution, épargne de cycle de
vie (notamment pour les vieux jours), et transmission pour les siens. Par contre, le degré
d'impatience, indicateur composite de réactions à court terme, n'a pas d'effet sur le niveau de
l'accumulation. Il en va de même pour l'altruisme "non familial" (souci du bien-être des
générations futures en général, de l'avenir de la planète ... ).

Le gain explicatif obtenu avec les scores de préférence peut paraître modeste : du fait de
la concentration très élevée des fortunes. 1'hétérogénéité non observée n'est pas fortement
réduite. Malgré tout, les effets quantitatifs de ces variables subjectives sont loin d'être
210 Inégalités patrimoniales et choix individuels

négligeables, notamment pour la préférence temporelle : entre individus "extrêmes" (i.e.


entre le plus "myope" et le plus prévoyant de l'échantillon), les écarts de patrimoine estimés
vont ainsi de 1 à 10. Une décomposition des inégalités de patrimoine à l'aide de l'indicateur de
Theil montre que les paramètres de goûts pertinents ont une contribution jointe supérieure à
celles de variables comme l'origine sociale, le diplôme, le type de ménage, la taille
d'agglomération, la présence de contraintes de liquidité ; seuls les facteurs explicatifs de
référence (âge, revenu, catégorie sociale, héritage) ont un pouvoir explicatif supérieur.

Les régressions de patrimoine livrent un dernier message. L'introduction de scores de


préférences "croisés" (risque * temps) permet de mieux expliquer les disparités de
patrimoine : un agent à la fois prudent et prévoyant accumule d'autant plus de richesse, un
autre à la fois aventureux et "myope", d'autant moins.

Une version élargie de la théorie du cycle de vie permet justement de faire dépendre les
comportements de l'épargnant de l'interaction entre les deux paramètres de préférence, l'un, y,
caractérisant les attitudes (aversion, prudence ... ) à l'égard du risque, l'autre, D, celles à l'égard
du temps (taux de dépréciation du futur). Elle prédit ainsi l'existence de régimes
d'accumulation patrimoniale spécifiques pour quatre types d'agents : les bons pères de famille
(y élevé, Dfaible) ; les entreprenants (y faible, d faible) ; les têtes brûlées (y faible, Délevé) ;
et les cigales prudentes (y élevé, Délevé).

L'analyse économétrique du montant et de la composition du patrimoine confirme le bien


fondé et le pouvoir explicatif de la typologie introduite. Ceteris paribus, les "Bons pères de
famille" accumulent sensiblement plus que les autres. Les "Têtes brûlées" possèdent moins
souvent leur logement ou des Pep, les "Cigales prudentes" détiennent moins (souvent)
d'actions, et ces deux types d'épargnants investissent moins dans l'épargne longue (épargne
logement ou épargne retraite).
Chapitre 11

Préférences individuelles
et disparités du patrimoine

D ans quelles proportions la richesse accumulée aujourd'hui par un ménage dépend-


elle, respectivement, des circonstances rencontrées et de ses choix propres -
autrement dit en quoi ce dernier est-il "responsable" du niveau de son épargne? La question a
certes une formulation trop générale et présente en outre un caractère polémique, voire une
connotation idéologique. Mais elle est à l'origine d'une littérature microéconomique récente
qui se développe rapidement, surtout outre Atlantique.

1. INEGALITÉS PATRIMONIALES: UN DÉBAT RÉCENT

Dénonçant l'épargne insuffisante de nombreux ménages, les études concernées


revendiquent une approche "comportementale" (behavioral models), qui met en avant le
caractère limité mais perfectible de la rationalité des épargnants 1•

1.1. L'hétérogénéité des niveaux d'épargne: deux énigmes pour la théorie


du cycle de vie
Elles tentent au départ de répondre à une interrogation plus précise, qui opère en fait un
déplacement sensible de la question initiale : l'hétérogénéité des préférences individuelles
peut-elle rendre compte des deux faits majeurs inexpliqués par la théorie du cycle de vie,
concernant les disparités de fortune aux États-Unis comme en France ou dans la plupart des
pays développés ? À savoir :

1
Cf, par exemple, Lusardi (2003) ou Venti et Wise (2001) sur les données du panel américain HRS ; Ameriks,
Caplin et Leahy (2003) sur les données TIAA-CREF (concernant les participants à un programme de pensions
privées aux États-Unis) ; ou encore Thaler et Benartzi (2004) qui proposent un programme d'épargne directif.
212 Inégalités patrimoniales et choix individuels

-l'extrême hétérogénéité des montants de patrimoine détenus à âge (et composition


familiale) et ressources vitales (revenu permanent incluant les pensions de retraite publiques
et privées) donnés ;

- l'insuffisance de l'épargne accumulée par une part importante des ménages à la veille de
la retraite (inadequacy of saving), surtout si on la compare au montant des ressources de cycle
de vie (ce qui impliquerait une baisse notable de la consommation sur les vieux jours) 1•

Au-delà des erreurs de mesure - certes importantes dans le cas du patrimoine -, ces deux
faits stylisés ne semblent guère souffrir la contestation. Le premier reprend un résultat bien
connu: l'âge et le revenu (permanent) lié à l'activité n'expliquent, conjointement, qu'une part
limitée des inégalités de patrimoine - guère plus du tiers sur la population globale lorsqu'on
utilise l'indicateur de Theil. Plus précisément, cette hétérogénéité résiduelle dominante se
retrouve à tout âge et surtout pour chaque décile de ressources vitales : à la veille de la
retraite, notamment, on trouve une part non négligeable "d'épargnants" dans les premiers
déciles, et de même une fraction importante de "non-épargnants" dans les derniers déciles. Le
second fait explicite ce point pour le bas de la distribution des patrimoines : à la fin de
l'activité, le patrimoine est inférieur à deux années de revenu permanent pour plus du
cinquième des ménages, et cela presque indépendamment du niveau de ce revenu permanent2 .

1.2. L'approche "comportementale" en question

Si ces constats sont avérés, leur interprétation pose davantage problème. L'approche
comportementale évoquée n'accorde en général qu'un rôle mineur aux imperfections des
marchés du capital et du crédit (barrières à l'entrée, coûts de transaction ou de détention, taux
de rendement croissant avec la taille de l'investissement, etc.), ou aux distorsions introduites
par l'assurance sociale, qui découragerait la petite épargne (Hubbard et al. 1995). Elle ne
retient pas davantage les implications des modèles de buffer-stock, qui attribuent la faiblesse
de nombreux patrimoines à la combinaison d'une prudence élevée et d'une forte préférence
pour le présent, en présence soit de contraintes de liquidité ou d'endettement (Deaton, 1992),
soit encore d'imperfections de l'assurance, privée ou publique (Caroll, 2001).

1
Il existe d'autres "puzzles" ou faits inexpliqués par la théorie, qui concernent la composition des patrimoines:
les portefeuilles des ménages sont peu diversifiés (et très divers) ; en particulier, la demande d'actions est
limitée en dépit d'un différentiel de rendement élevé entre actions et obligations - "énigme de la prime de
risque".
2
Cf par exemple Masson (1988) ou Masson et Arrondel (1989) pour la France et le Canada. Une autre manière
de rendre compte de cette hétérogénéité de l'épargne et de son niveau insuffisant pour nombre de ménages est
de remarquer que le patrimoine médian est modeste à tout âge et pour tout décile de revenu permanent, alors
que le patrimoine moyen à partir de la quarantaine est relativement élevé, déjà dans les déciles de revenu
intermédiaires.
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 213

À quels facteurs attribuer alors les disparités de patrimoine à âge et ressources vitales
données (en supposant que les différences de talents ou d'aptitudes expliquent surtout les
inégalités de ressources)? Les auteurs concernés mettent en avant l'hétérogénéité des
préférences individuelles. Venti et Wise (2001) vont le plus loin dans ce sens, en supposant
qu'il est possible de séparer, dans l'épargne accumulée par un ménage à la veille de la retraite,
ce qui est dû aux circonstances hors de son contrôle (chance) de ce qui relève de ses décisions
propres (choice), soit finalement de ses préférences. L'impact des facteurs de "chance" est
alors évalué, au sein de chaque décile de ressources sur le cycle de vie, à l'aide d'une
régression de la richesse en fonction d'une série de variables censées représenter ces facteurs
(héritages et donations reçus, mais aussi variables "démographiques" au sens large : statut
matrimonial, composition familiale, état de santé, etc.). Ces régressions ont, sans surprise, un
pouvoir explicatif limité ; le résidu inexpliqué (soit 85 % ... ) est alors intégralement attribué
aux décisions des agents (choice), sans que les effets d'interaction entre les deux types de
facteurs soient jamais pris en compte' ... Finalement, Venti et Wise concluent que:

"la dispersion (intra-décile) des patrimoines doit être attribuée, pour la plus large part, aux
différences de montant que les ménages choisissent d'épargner" 2•

Cette approche comportementale ne se contente pas d'attribuer une part essentielle des
inégalités de richesse à l'hétérogénéité des préférences individuelles ; elle insiste plus encore
sur Je fait que ces préférences ne sont pas standard ni relatives à des agents totalement
rationnels. Ameriks et al. (2003) font ainsi remarquer (sur données américaines) que les
estimations de type expérimental relatives à la préférence temporelle ou à l'aversion au risque
expliquent peu les inégalités de patrimoine'. La faiblesse de l'épargne accumulée à la veille de
la retraite par nombre de ménages proviendrait plutôt de leur rationalité limitée: "propension
à planifier" insuffisante (un temps trop limité étant consacré à l'élaboration d'un plan pour la
retraite) ; manque de self-control ou de discipline (qui empêche de se tenir au plan formulé ou
de suivre des règles d'épargne courantes simples) ; incohérence temporelle, qui se manifeste
par le regret exprimé de n'avoir pas assez épargné pour les trois quarts des enquêtés du HRS~.

1
Les dangers de ce type de décomposition apparaissent bien dans le débat concernant la part héritée dans le
patrimoine détenu par les générations actuelles : Kotlikoff évalue cette part à 80 %, mais Modigliani à 20 %
seulement (aux États-Unis). Cet énorme écart s'explique par des conventions de calcul différentes mais aussi
par des effets d'interaction entre les deux composantes, héritée et épargnée (cf Kessler et Masson, 1989).
2
Venti et Wise en concluent que toute taxation de l'épargne à âge élevé, et notamment des pensions privées, est
injuste et inefficace: pourquoi en effet pénaliser, à même montant de ressources, les ménages "épargnants", qui
ont choisi de consommer moins pendant leur jeunesse pour consommer davantage sur leurs vieux jours ?
3
Mais on sait- cf chapitre 2 -le peu de cas que l'on doit accorder, notamment pour ce qui est de la préférence
temporelle, à ces mesures expérimentales qui s'inspirent de l'étude de Barsky et al. ( 1997).
4
Cf. Venti et Wise (2001). Ces auteurs définissent par ailleurs une "norme" d'accumulation patrimoniale en
évaluant ce que posséderait chaque ménage en fin d'activité s'il s'était livré à une épargne régulière et à des
214 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Les "cigales" démunies à l'approche de la retraite n'auraient-elles à s'en prendre qu'à elles-
mêmes? Lusardi (2004) propose de remédier à leur sort en multipliant les "séminaires" de
formation à l'épargne et à l'éducation financière (afin de réduire les coûts de planification et
de recherche d'information) ; elle prétend que la méthode serait efficace, permettant
d'augmenter l'épargne des moins diplômés, notamment, dans des proportions non négligeables
(de 20 à 30 %). De même, pour augmenter l'épargne des salariés, Thaler et Benartzi (2004)
militent pour des plans d'épargne en entreprise à participation automatique mais non
obligatoire, en prônant les vertus de ce qu'ils appellent un "paternalisme libertaire" ...

2. LES MULTIPLES AVANTAGES D'UNE MESURE DES PRÉFÉRENCES PAR


"SCORING"
Avant de présenter notre contribution à ce débat sur l'origine des inégalités patrimoniales,
il nous faut brièvement rappeler notre méthode d'estimation des préférences.

2.1. Résumé des épisodes précédents


Dans le cadre d'une théorie du cycle de vie élargie, nous avons finalement retenu cinq
paramètres de préférence explicatifs des comportements patrimoniaux, en proposant de
nouvelles définitions (non standard), mieux adaptées, pour chacun d'eux (cf chapitres 2 et 3) :

-deux paramètres pivots, soit y, l'attitude générale (plutôt que l'aversion) à l'égard du
risque, et D, le taux de dépréciation du futur, qui constituent des extensions des paramètres
équivalents dans les modèles de cycle de vie "standard" ;

- deux degrés d'altruisme intergénérationnel, l'un familial, soit 8, concernant le poids


accordé au bien-être des enfants, et l'autre non familial ou social, O"r, traduisant le souci du
sort des générations futures (protection de l'environnement, sauvegarde de la planète ... ) ;

- un indicateur composite d'impatience à court terme, {3, qui peut traduire une aversion à
l'attente due au coût d'opportunité du temps pour un agent pleinement rationnel, mais mesure
surtout le degré d'incohérence temporelle (correspondant à un déficit d'imagination ou de
volonté), manifestation d'une rationalité limitée- au contraire des quatre autres paramètres.

Pour mesurer ces paramètres, nous avons élaboré une série de questions de différente
nature (de comportement, d'opinion ou d'intention, de choix de loteries ou de réactions à des
scénarios fictifs ... ) et couvrant un large éventail de domaines de l'existence (consommation,

placements équilibrés: les montants obtenus sont considérables dès les premiers déciles de revenus, et bien
plus élevés que ceux observés dans l'enquête HRS. La conclusion semble s'imposer: les individus font preuve
d'une rationalité limitée- ce que confirmeraient leurs réponses à un module d'épargne expérimental du panel
HRS.
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 215

loisir, santé, placements, travail, retraite, famille ... ), censées caractériser telle ou telle
préférence - voir annexe A en fin d'ouvrage. Ce questionnaire "méthodologique", posé à un
sous-échantillon de l'enquête Insee Patrimoine 1998, a permis d'attribuer à chaque enquêté des
scores synthétiques, mesures purement qualitatives et ordinales construites comme des
moyennes représentatives de ses réponses aux questions relatives à chaque paramètre de
préférence. Nous avons tenté de justifier la méthode d'estimation de ces cinq scores en
vérifiant notamment que ces derniers présentaient une cohérence interne minimale et
correspondaient bien à ce que l'on cherchait à mesurer'.

L'effort consenti - particulièrement lourd ... -en valait-il la peine ? Pour le savoir, on va
estimer les effets des différents scores de préférence sur les montants de patrimoine (financier,
brut, et net) observés dans l'enquête Patrimoine 1998, mais aussi comparer ces effets à ceux
d'autres mesures de préférence plus simples 2• À la fin du questionnaire méthodologique, on
invite ainsi l'enquêté à se positionner lui-même sur des échelles graduées de 0 à 10, selon la
perception qu'il a de son attitude à l'égard du risque (entre "prudent" et "aventureux"), de sa
préférence pour le présent (entre "vit au jour le jour" et "préoccupé par l'avenir"), ou de son
impatience à court terme (entre "impatient" et "posé")'.

Comme dans les études anglo-saxonnes, ces effets s'entendent toutes choses égales
d'ailleurs, soit notamment à âge et ressources vitales données. L'équation de patrimoine
dérivée de l'hypothèse du cycle de vie introduit l'ensemble des variables de contrôle et
rappelle les effets propres attendus pour les paramètres de préférence : l'accumulation
(financière ou globale) devrait augmenter avec y (épargne de précaution), diminuer avec b
(épargne de cycle de vie) et croître avec &(patrimoine destiné à être transmis aux siens).

2.2. Notre apport au débat sur l'origine des inégalités de patrimoine

Les résultats obtenus apportent une série de bonnes nouvelles, qui remettent en cause les
résultats de l'approche "comportementale":

(i) Les effets sur le patrimoine des trois scores de préférence représentant y, b et 8 sont
significatifs et conformes aux prédictions (le score d'altruisme non familial n'a lui pas d'effet).
En revanche, l'impatience fJ n'exerce aucune influence. Ces conclusions s'opposent donc à

1
Voir notamment sur ce dernier point, dans les chapitres 5, 6, 8 et 9, les commentaires concernant les mesures de
l'alpha de Cronbach (cohérence interne des scores), les analyses en composantes principales sur les questions
affectées à chaque indicateur de préférence, les régressions explicatives de chaque score, etc.
2
Les effets propres des indicateurs de préférence sur la composition du patrimoine et les demandes d'actifs sont
envisagés dans le chapitre suivant, plus original, qui définit des types d'épargnants en croisant les valeurs
obtenues pour les scores de risque et de préférence temporelle (cf chapitre 12).
3
On utilise également une autre mesure de l'aversion relative pour le risque obtenue à partir de choix entre des
loteries portant sur le revenu d'activité (cf chapitre 5 et 6).
216 Inégalités patrimoniales et choix individuels

celles obtenues dans les études sur données américaines, pour lesquelles l'insuffisance de
l'épargne est surtout imputable à une rationalité limitée'.

(ii) Ces études sont toutefois très sensibles à la possibilité d'une causalité inverse entre
préférences et patrimoine: il se pourrait que les ménages riches soient plus prévoyants que les
autres, par exemple. La méthode que nous avons utilisée explique que les scores peuvent être
considérés comme exogènes: de fait, pour éliminer les effets de contexte, ces derniers ont été
établis à partir des réponses à un grand nombre de questions hétérogènes, qui couvrent de
multiples domaines (autres que le patrimoine) et constituent souvent des instruments naturels.

(iii) En matière d'inégalité des patrimoines, l'approche comportementale accorde une


place négligeable aux décisions pleinement rationnelles mais voudrait attribuer un rôle
essentiel à des préférences individuelles témoignant d'une rationalité limitée. Dans notre
étude, le pouvoir explicatif global des scores associés aux préférences "rationnelles" (y, Det 8)
est loin d'être négligeable : ces paramètres arrivent juste après les facteurs explicatifs de
référence (âge, revenu, CSP, héritage), mais avant les autres variables (origine sociale,
diplôme, composition du ménage, etc.). De même, les "non-épargnants" à la veille de la
retraite ont en moyenne un taux de dépréciation du futur plus élevé que les autres, et un degré
d'altruisme familial moindre.

L'analyse empirique distille un dernier message qui explique certains déboires des études
sur données américaines : pour mesurer les préférences individuelles, il n'existe pas vraiment
de raccourci satisfaisant, qui permettrait de court-circuiter la méthode de construction des
scores, telle qu'elle est menée ici à partir d'un questionnaire étendu. En particulier, les échelles
de 0 à 10 déclarées par les individus eux-mêmes (attitude à l'égard du risque, impatience à
court terme et préférence pour le présent) obtiennent des résultats qui vont dans le même sens
que ceux indiqués ci-dessus mais sont beaucoup moins satisfaisants.

En marge de ce débat sur l'origine des disparités de patrimoine, notre approche permet par
ailleurs d'aborder des questions nouvelles, relatives aux interactions entre préférences. Ainsi,
la corrélation entre les scores associés à y et D est-elle négative, égale à - 0,34 : comme le
suggère la langue commune, "prudent" (y élevé) rime plutôt avec "prévoyant" (Dfaible).

1
L'absence d'effets de y et de b s'expliquerait, dans les études concernées, par des mesures peu fiables de ces
paramètres. En revanche, la "propension à planifier", aux effets significatifs, constituerait en fait une mesure
indirecte mais bien meilleure de la préférence temporelle, comme le suggèrent eux-mêmes Ameriks et al.
(2003).
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 217

3. L'ÉQUATION DE PATRIMOINE
L'équation de patrimoine dérivée de l'hypothèse du cycle de vie privilégie deux facteurs
explicatifs : la position occupée sur le cycle de vie, décrite au besoin avec un certain détail
(pour rendre compte des variations des besoins ou des contraintes de liquidité, par exemple) ;
les montants des ressources, qui interviennent dans la contrainte de budget vital. Notre
objectif est d'apprécier la contribution de l'hétérogénéité des préférences individuelles aux
disparités de patrimoine non expliquées dans cette équation.

3.1. Les déterminants observables de l'accumulation patrimoniale


La variable dépendante retenue est le logarithme du patrimoine, Log A (pour limiter
notamment les biais dus à la concentration élevée des fortunes et à l'importance des erreurs de
mesure). L'équation de base est de la forme, à la date t (cf Masson et Arrondel, 1989):

Log A, = j(a,, YP, 1,, V, V',)+ E, (1)

où a, est l'âge du ménage (i.e. de la personne de référence), YP un indicateur de son revenu


permanent concernant l'ensemble de son existence, passée et future, 1, une mesure des
montants des transferts patrimoniaux déjà reçus (les espérances d'héritage sont mal connues) ;
V et V', représentent un ensemble de variables "démographiques", soit permanentes (diplôme),
soit transitoires (chômage, par exemple). La richesse A, correspond au patrimoine net, mais
nous utiliserons des régressions analogues pour le patrimoine brut (qui ne tient pas compte de
l'endettement) et pour le montant global du patrimoine financier (qui correspond, pour la
majorité des ménages, au patrimoine brut hors logement).

L'effet de l'âge est non linéaire, théoriquement en forme de dos d'âne avec un maximum
vers l'âge de la retraite et une décroissance pendant les vieux jours. Cette consommation du
patrimoine en fin de vie est toutefois limitée par l'épargne de précaution constituée contre une
durée de vie aléatoire- ou encore par l'existence éventuelle d'un motif de transmission
intergénérationnelle.

L'estimation de cet effet d'âge en coupe transversale souffre cependant de biais


importants, qui vont dans les deux sens: ainsi, la décroissance à âge élevé est-elle sous-
estimée du fait de la surmortalité des ménages les moins riches, mais plutôt sur-estimée en
raison des effets de génération dus à la croissance économique, aux développements des
marchés financiers, etc.

L'épargne n'étant pour l'essentiel qu'une réserve de consommation différée, l'effet du


revenu permanent devrait être proportionnel : un doublement de YP conduirait, toutes choses
égales d'ailleurs, à un doublement du patrimoine. En pratique, de multiples facteurs sont
susceptibles d'engendrer une relation de "sur-proportionalité" entre patrimoine et revenu
218 Inégalités patrimoniales et choix individuels

permanent, à âge et autres caractéristiques observables donnés : les imperfections des marchés
des capitaux avantagent les plus riches (effets de seuil, taux de rendement croissant avec la
taille des investissements, etc.) ; les revenus plus élevés des indépendants sont également plus
aléatoires (entraînant un supplément d'épargne de précaution) ; l'espérance de vie augmente
avec la richesse détenue; les legs volontaires sont un bien de luxe, etc. (cf Masson, 1988) 1•

Sur la population globale, nous nous contenterons d'approcher YP par le niveau social, le
diplôme et le revenu courant, lié à l'activité (voir tableau H.1, annexe H). Sur la sous-
population des ménages salariés ou anciens salariés, nous avons estimé, en reprenant la
méthode proposée par Lollivier et Verger ( 1999), un indicateur de revenu permanent plus
précis qui tente de distinguer, dans le revenu courant observé: une composante de long terme,
identifiée à YP; une composante liée à l'âge, qui rend compte des évolutions systématiques du
salaire au cours du cycle de vie ; et enfin, une composante de court terme, qui représente les
variations supposées purement transitoires du revenu (cf tableau 11.1 C).

Outre ses ressources propres, YP, le ménage peut en disposer d'autres,/, en provenance de
ses parents. La théorie du cycle de vie prédit que le ménage considère sur le même plan, dans
ses choix d'épargne, ressources propres, YP, et reçues, /. Les tests empiriques, qui requièrent
une mesure de 1 suffisamment précise, montrent que ce n'est en général pas le cas : la
propension à épargner les réceptions patrimoniales 1 est sensiblement plus élevée (Masson,
1988). Idéalement, il faudrait par ailleurs tenir compte des espérances d'héritage, /', dont
l'effet sur la richesse détenue peut être relativement complexe (avoir des parents fortunés peut
aussi bien faciliter des opérations d'investissement que désinciter à l'épargne). Nous nous
sommes contentés ici d'introduire une variable indicatrice de l'existence d'héritages et/ou
donations reçus (exceptionnellement, nous avons tenu compte aussi de l'importance des
montants reçus, cf tableaux 11.1 B et 11.1 C) 2•

Les caractéristiques "démographiques" au sens large- statut matrimonial, composition


familiale ; retraité ou non ; statut relatif à l'emploi (chef de famille employé ou chômeur,
femme travaillant ou non ... ) et état de santé présents ou passés- servent classiquement de
variables de contrôle pour l'évolution des goûts et des besoins dans les tests qui concernent le
lissage de la consommation sur le cycle de vie (cf Attanasio et Browning, 1995). Le problème
est que ces effets démographiques peuvent recevoir de multiples autres interprétations : par
exemple, l'existence de deux revenus dans le couple permet une meilleure diversification des

1
Le revenu permanent YP est souvent décomposé en salaire permanent et équivalent patrimonial des droits à la
retraite, pour tester l'effet de substitution éventuel entre ces droits et l'épargne traditionnelle. Le revenu
permanent n'étant pour nous qu'une simple variable de contrôle, nous n'avons pas effectué cette décomposition.
2
Les informations relatives aux espérances d'héritage n'ont pas été considérées (si ce n'est le milieu social des
parents dans les décompositions de Theil, tableaux ll.IB et ll.lC): elles servent notamment d'instruments
dans les tests d'exogénéité des indicateurs de préférence.
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 219

risques, peut faciliter l'emprunt et augmente la flexibilité de l'offre de travail (diminuant


d'autant l'impact des contraintes de liquidité ou d'endettement). Pire même, les variables
démographiques peuvent être des indicateurs indirects des préférences que l'on cherche à
mesurer: être marié, avec des enfants, serait le signe d'une plus grande prévoyance ...

Bien que la fonction f dans l'équation de patrimoine (1) soit hautement non linéaire, ces
différents facteurs explicatifs ont été introduits de manière additive ; mais l'âge, le revenu, et
le niveau d'éducation, notamment, figurent sous forme discrète plutôt qu'en continu pour
éviter une spécification trop rigide (cf les deux premières colonnes du tableau H.1 de l'annexe
H).

3.2. La contribution des préférences individuelles


Cette spécification de l'équation de patrimoine servira de base pour l'évaluation des effets
propres des indicateurs de préférence (scores, échelles, ou autres). Plus précisément, il s'agit
de savoir si les mesures des cinq préférences individuelles ont bien les effets prédits par la
théorie et permettent d'expliquer une part du résidu E dans l'équation ( 1) qui devient :

(2)

Pour les trois premiers paramètres de préférence, les effets prédits par l'hypothèse du
cycle de vie sur les montants détenus en patrimoine (financier, brut ou net) sont clairs et
robustes aux extensions théoriques. L'existence d'une épargne de précaution face aux aléas
des ressources ou de la durée de vie devrait conduire à des effets positifs de y, indicateur de
l'attitude générale à l'égard du risque ou de l'incertain. L'effet du taux de dépréciation du futur
D serait négatif: un taux Dplus faible correspond à un horizon plus long et donc à une épargne
de cycle vie plus importante, toutes choses égales d'ailleurs. Enfin, un degré d'altruisme
familial plus élevé conduit à épargner davantage pour ses enfants en restreignant d'autant sa
propre consommation (effet positif de 8).

Les effets du taux {3, indicateur composite de l'impatience à court terme caractérisant
aussi bien les gens "pressés" par le temps que l'incohérence temporelle, sont beaucoup plus
difficiles à prévoir. Sur la composition du patrimoine, on a bien quelques idées : chez les
individus par ailleurs les plus prévoyants (D faible), un taux {3 élevé favoriserait, le choix
d'actifs dont la gestion requiert peu de temps, ou la détention d'une épargne contractuelle pour
s'auto-discipliner; mais chez les individus les plus imprévoyants ou les moins lucides, il
conduirait plutôt à l'emprunt inconsidéré et aux fins de mois difficiles. En revanche, malgré
les travaux de Laibson (1997), on ne sait pas grand chose, a priori, sur l'influence propre de {3
sur le niveau de l'épargne (auquel se limite ici notre analyse) ; c'est que contrairement au taux
220 Inégalités patrimoniales et choix individuels

de dépréciation du futur, ~.le degré d'impatience à court terme ne renseigne en rien, par lui-
même, sur l'horizon décisionnel de l'épargnant.

La même indétermination prévaut dans le cas du taux d'altruisme non familial, (J"f, qui
mesure le souci porté aux générations futures et à l'avenir de la planète en général. Certaines
études expérimentales entendent interpréter cet humanisme comme (l'inverse d') une
préférence pour le présent, mais cette dernière n'a rien à voir, selon nous, avec le taux de
dépréciation du futur ~ sur le cycle de vie (cf chapitres 2 et 3). De fait, l'altruisme non
familial semble étranger aux déterminants de l'accumulation patrimoniale pour la plupart des
individus ou ménages, à l'exception des plus fortunés : à ce niveau interviennent souvent des
dons ou legs caritatifs à des œuvres de bienfaisance, aux fondations pour la science ou la
protection de l'environnement, etc., dont Alfred Nobel est l'archétype.

L'estimation des effets de ces paramètres de préférences dans l'équation (2) se heurte
cependant à un problème de causalité inverse, puisque ces indicateurs peuvent dépendre eux-
mêmes du montant de patrimoine. Cette question est abordée plus loin dans le chapitre.

4. EFFETS COMPARÉS DES INDICATEURS DE PRÉFÉRENCE

L'équation de patrimoine (2) a été estimée en introduisant comme variables explicatives


supplémentaires les scores (ou les échelles) de préférence sous forme continue (tableau H.l de
l'annexe H) ou en tranches, selon les quartiles de la distribution (cf tableaux H.2 de l'annexe
H par exemple). À chaque fois, trois régressions sont considérées, concernant le patrimoine
financier, brut, ou net (ce dernier étant obtenu en défalquant le capital restant dû). Les autres
variables explicatives, figurant dans le tableau H.l de l'annexe H de l'ouvrage, ont été
analysées dans la partie théorique: âge (de 5 ans en 5 ans), revenu d'activité courant (en
déciles), diplôme, niveau social, type de ménage, nombre d'enfants (hors domicile), existence
d'héritages ou de donations reçus, existence de contraintes de liquidité, interruptions d'activité
dues au chômage ou à des ennuis de santé, etc. 1

Les deux premières régressions du tableau H.1 de l'annexe H concernant le patrimoine


brut, comparent, à partir des mêmes déterminants, les régressions de patrimoine estimées sur
l'échantillon global de l'enquête "Patrimoine 1998" (1 0 150 ménages) et sur le sous-
échantillon de l'opération méthodologique (1130 ménages). Les résultats sont comparables

1
Pour rendre compte des contraintes de liquidité, on utilise une variable dichotomique déduite de deux questions
posées à l'enquête : si les ménages s'étaient vus refuser une demande de crédit ou s'ils s'étaient abstenus de faire
une telle demande pour éviter d'essuyer un refus.
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 221

(compte tenu de la différence de taille des échantillons), à l'exception des variables


d'interruption d'activité, non significatives dans l'échantillon "méthodologique"'.

4.1. Scores: des effets propres conformes aux prédictions


La dernière régression du tableau H.l de l'annexe H en fin d'ouvrage introduit les scores
de préférence, sous forme continue. On constate tout d'abord que le gain de pouvoir explicatif
obtenu avec ces paramètres est modeste et ceci quelle que soit la définition du patrimoine
retenue : 1'hétérogénéité non observée n'est pas fortement réduite (le R2 n'augmente que de
1,4 à 1, 7 %). Étant donnée la très forte concentration des patrimoines, ce constat n'est pas
surprenant ; globalement, ces mesures subjectives apparaissent néanmoins très significatives
pour expliquer les niveaux relatifs de richesse individuelle. Si l'impatience à court terme et
l'altruisme non familial ne semblent jouer aucun rôle, les effets des trois autres paramètres
sont significatifs (au moins à 10 %, et pour la préférence temporelle à 1 % ), et cela dans le
sens prédit par la théorie.

À autres variables explicatives inchangées, le tableau H.2 de l'annexe H reporte les


estimateurs des coefficients obtenus pour les scores lorsque ceux-ci sont saisis en tranches
(quartiles de chaque distribution) pour détecter des effets non linéaires éventuels. Que ce soit
dans le cas du patrimoine financier ou de la richesse globale (brute ou nette), on constate
qu'être plus prudent, ou plus prévoyant, ou encore plus altruiste au plan familial augmente de
manière significative le montant de la fortune. Le patrimoine des ménages apparaît bien sous
sa dimension plurielle : réserve de précaution, épargne pour les vieux jours et transmission
pour les siens. Par contre, le degré d'impatience et l'altruisme non familial n'apparaissent
jamais pertinents pour expliquer les montants détenus- en accord avec les prédictions
théoriques.

4.2. Des scores plus performants que les autres indicateurs de préférence
Dans ces mêmes régressions de patrimoine, remplaçons les scores d'attitude à l'égard du
risque, de préférence temporelle et d'impatience par les échelles auto-déclarées
correspondantes (tableau H.2 en annexe H). Ces dernières expliquent sensiblement moins
l'accumulation patrimoniale que les scores. En fait, seule l'échelle de préférence temporelle a,
dans le sens attendu, un effet statistiquement significatif sur les montants détenus.

L'annexe G considère les effets sur l'accumulation patrimoniale d'une mesure


expérimentale de l'aversion relative pour le risque (en 4 classes), souvent retenue par les

1
L'absence d'effet significatif de ces variables dans le sous-échantillon pourrait s'expliquer par le fait que ce
dernier regroupe des ménages plus diplômés et moins souvent ouvriers que la moyenne, et donc moins
concernés par le chômage et les arrêts maladie.
222 Inégalités patrimoniales et choix individuels

études étrangères déjà citées : proposée par Barsky et al. ( 1997), elle confronte les sujets à des
loteries qui portent sur des choix professionnels 1• Les régressions limitées au sous-échantillon
de l'enquête Patrimoine 1998 pour lequel on a pu obtenir cette mesure (environ 3 000
ménages) conduisent à des résultats non significatifs ... De même, la comparaison des effets
obtenus pour cet indicateur et pour le score de "risquophobie" sur un échantillon commun
tourne à l'avantage de ce dernier. Les expériences étrangères qui recourent à des choix de
loterie similaires aboutissent à des conclusions aussi négatives, allant jusqu'à suggérer le
recours à des questions plus anecdotiques pour mesurer les préférences face au risque (cf
Kapteyn et Teppa, 2002). Notre approche revient à multiplier les questions de cette nature
pour en tirer des mesures de préférence synthétiques qui apparaissent beaucoup plus
performantes que des questions isolées, aussi précises soit -elle.

5. PRÉFÉRENCES ET PATRIMOINE: PROBLÈME DE CAUSALITÉ

Ces premières estimations des effets des préférences ne tiennent pas compte d'éventuels
biais de causalité qui pourraient remettre en question les conclusions précédentes.

En effet, les modèles d'épargne et de choix de portefeuille retiennent souvent l'hypothèse


d'une aversion (ou d'une prudence) absolue pour le risque décroissante selon le montant de la
richesse (Arrow, 1965). Des théories récentes lient également une moindre dépréciation du
futur à un montant de fortune plus élevé (Becker et Mulligan, 1997). Une causalité inverse
n'est donc pas à exclure dans l'équation (2) : une personne riche pourrait prendre davantage de
risques, avoir une vision de plus long terme, ou encore se révéler plus "altruiste" envers ses
enfants. Les estimateurs obtenus dans les régressions simples sont donc sujets à caution. Plus
fondamentalement, l'effet (négatif) de la préférence pour le présent et celui (positif) de
l'altruisme familial sur l'accumulation du patrimoine, pourraient même n'être que de simples
artefacts.

Pour juger de la robustesse de nos effets, nous avons donc ré-estimé nos régressions par la
méthode des variables instrumentales qui nous permet, de plus, de tester 1'endogénéité des
scores de préférences pertinents. Cette seconde série de régressions dont on présente les
principaux apports dans la suite de ce chapitre n'est pas présentée ici mais apparaît dans le
numéro spécial d'Économie et Statistique, (2004, p. 149-154).

5.1. Les scores: une collection d'instruments "naturels"

Les instruments utilisés pour les scores de "risquophobie", de préférence temporelle et


d'altruisme familial, retiennent en particulier les caractéristiques des parents du répondant

1
Voir le chapitre 5 et l'annexe A en fin d'ouvrage pour le libellé des questions.
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 223

(milieu social, composition du patrimoine, existence de problèmes d'argent, préférences en


matière de risque et de temps). On montre dans Économie et Statistique (2004) (p. 149-154)
que ces instruments satisfont aux critères habituels de qualité et de validité. On constate alors
que les scores passent avec succès l'épreuve de l'exogénéité: les estimateurs des régressions
économétriques précédentes ne souffrent pas du biais de causalité.

Ces conclusions ne sont, en définitive, pas surprenantes puisque les scores sont construits
comme la somme de nombreux items pouvant être considérés comme autant d'instruments
"naturels" (Angrist et Krueger, 2001 ). Dans le cas des attitudes vis-à-vis du risque par
exemple, la question de savoir si la personne "prend son parapluie lorsque la météo est
incertaine", qui apparaît très corrélée avec le score (cf chapitre 5), n'a pas de lien direct avec
le montant du patrimoine. De même, le "désir de renoncer aux plaisirs de l'existence pour
vivre plus longtemps", qui contribue fortement au score de préférence temporelle (cf chapitre
8), n'est pas lié aux avoirs des ménages 1•

5.2. L'endogénéité des autres indicateurs de préférence

On en vient naturellement à penser que les scores eux-mêmes pourraient figurer parmi les
instruments des autres mesures des paramètres de préférence. Nous les avons ainsi introduits
dans les tests d'endogénéité concernant les échelles de "risquophobie" et de préférence pour le
présent (cf Économie et Statistique, 2004, p. 149-154) : les scores correspondants constituent
effectivement de très bons instruments pour les échelles, au point que ces dernières,
lorsqu'elles sont instrumentées, s'apparentent à des scores déguisés.

La méthode des variables instrumentales montre que seule l'échelle de préférence


temporelle est endogène (dans les trois régressions de patrimoine). Les estimateurs des
moindres carrés obtenus pour cette échelle sont donc biaisés. On montre cependant que l'effet
de la variable instrumentée (dont le score est la composante essentielle) est conservé et même
renforcé: être prévoyant influence positivement l'accumulation du patrimoine2•

6. LE POUVOIR EXPLICATIF DES SCORES

Ayant vérifié que les effets des scores de préférence, conformes aux prédictions, ne sont
en rien des artefacts, nous pouvons maintenant revenir sur le débat récent concernant la

1
Seul le score d'altruisme familial apparaît endogène (à 6 %) dans la régression du patrimoine financier (cf
Économie et Statistique, 2004, p. 149-154). Mais précisément, ce score est établi à partir d'un nombre plus
réduit d'items dont certains concernent plus directement le patrimoine (transferts aux enfants, notamment).
2
Nous avons également appliqué la méthode des variables instrumentales pour les échelles sans retenir les scores
(cf Économie et Statistique, 2004, p. 149-154). La qualité des instruments diminue fortement mais reste
acceptable. Cependant, l'exogénéité n'est plus rejetée, ce qui illustre les problèmes rencontrés par la méthode
des variables instrumentales lorsque que les instruments sont trop faibles ...
224 Inégalités patrimoniales et choix individuels

possibilité d'expliquer par l'hétérogénéité des préférences individuelles, tant les disparités de
patrimoine observées à âge et ressources données (importance quantitative des effets estimés,
contribution à l'inégalité des patrimoines) que l'accumulation limitée de nombre de ménages à
la veille de la retraite.

6.1. L'influence des préférences: des écarts de patrimoine importants


Le graphique 11.1 résume les effets propres des paramètres de risque et de temps sur les
montants de patrimoine prédits. Rappelons que les scores ont été introduits dans les
régressions soit en quartiles, soit sous forme continue. Les évaluations rapportées
correspondent au rapport du patrimoine (financier, brut ou net) estimé au patrimoine moyen
correspondant (normé à 100), selon les valeurs des différents paramètres.

En continu, on constate ainsi que l'individu le plus prudent de l'échantillon (celui ayant le
score de "risquophobie" maximum) possède un montant deux fois supérieur, au moins, à celui
de l'individu le plus aventureux (score minimal), quel que soit le patrimoine envisagé
(financier, brut ou net). De la même façon, notre épargnant le plus prévoyant (celui ayant le
score de préférence temporelle le plus faible) détient plus de 3,5 fois le patrimoine (financier
et brut) du plus "myope" (et plus de 2,5 fois son patrimoine net). Enfin, le plus altruiste (au
plan familial) de l'échantillon possède deux fois plus d'actifs financiers et de patrimoine brut
que le plus "égoïste" (et près de 2,5 fois plus de richesse nette).

Ces effets quantitatifs restent encore importants dans le cas- plus représentatif- où l'on
classe les individus selon leur quartile d'appartenance dans les distributions des différents
scores (cf graphique 11.1 ). Pour le patrimoine brut par exemple, on obtient un écart positif de
51 % entre les plus "risquophobes" et les plus "risquophiles", de 84% entre les plus
prévoyants et les plus myopes et de 32 % entre les plus altruistes pour leur famille et les plus
égoïstes.

6.2. Contributions relatives des scores aux inégalités de patrimoine


Pour mesurer la contribution relative des différents facteurs explicatifs aux dispersions de
patrimoine, nous avons procédé à deux traitements statistiques. Le premier correspond à une
analyse de la variance effectuée à partir des régressions précédentes. Le second mesure la part
des inégalités de richesse expliquée par les différentes variables à partir de l'indicateur de
Theil, qui est décomposable. L'objectif est de situer les différences individuelles de
préférences dans ces divers classements.
Préférences individuelles et disparités de patrimoine 225

Graphique 11.1

Attitudes vis-à-vis du risque et du temps et accumulation du patrimoine

121

100 +---

0
Patrimoine Patrimoine brut Patrimoine net
financier

118 116 117

100
blÉgoiste
dans la
famille

•Altruiste
dans la
famille

0
Patrimoine Patrimoine brut Patrimoine net
financier

125

100

DA ventu reux

•Prudent

0
Patrimoine Patrimoine brut Patrimoine net
financier

Source: enquête Patrimoine 1998. Insee-Delta.


226 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Le tableau 11.1 A présente les R2 partiels de chacun des déterminants introduits dans les
régressions. Ces coefficients de détermination mesurent l'intensité du lien des différentes
variables avec le patrimoine - à autres facteurs explicatifs donnés - et permettent donc
d'établir une hiérarchie entre les facteurs explicatifs de la richesse. Quatre variables se
détachent assez nettement avec des coefficients supérieurs à 0,15, quelle que soit la définition
du patrimoine adoptée: le revenu lié à l'activité, l'âge, le niveau social, et l'existence
d'héritages ou donations (déjà) reçus. On retrouve ici le rôle pivot accordé par la théorie aux
effets de cycle de vie et du montant des ressources vitales (revenu permanent et transferts
reçus) sur l'accumulation patrimoniale. Derrière ce groupe de tête, ce sont les paramètres de
préférence et le type de ménage qui semblent le mieux expliquer le patrimoine avec des
coefficients de détermination partiels se situant entre 12 et 14 %. Les autres variables sont
loin derrière : le diplôme, par exemple, n'est lié à la richesse qu'à hauteur de 5 à 9 %.
Tableau 11.1
A. Hiérarchie des R2 partiels dans les équations de patrimoine
Patrimoine Patrimoine brut Patrimoine net
Variables
financier

Revenu lié à l'activité 0,200 0,206 0,224


Âge 0,174 0,200 0,196
Niveau social 0,169 0,194 0,190
Héritage (existence) 0,147 0,176 0,177
Paramètres de goût (aversion au risque,
0,128 0,127 0,120
préférence temporelle, altruisme familial)
Type de ménage (situation matrimoniale, nombre
0,126 0,142 0,131
d'enfants)
Taille d'agglomération 0,076 0,121 0,107
Contrainte de liquidité (existence) 0,133 0,085 0,087
Diplôme 0,085 0,069 0,055
Interruption d'activité (santé, chômage) 0,040 0,054 0,053
2
R global 0,463 0,559 0,559

Lecture : le coefficient de corrélation partiel des paramètres de goût avec la variable patrimoine brut est de
0,127. Cette corrélation est calculée à partir des régressions faisant intervenir les autres facteurs explicatif\·
(cf annexe H pour les modalités des variables).
Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta
La décomposition de l'indicateur de Theil selon les mêmes critères (un peu plus détaillés)
est proposée dans les tableaux 11.1B et 11.1C. Différents échantillons ont été analysés: la
population totale- respectivement salariée- de l'enquête Patrimoine 1998 nous fournit un
classement de référence (hors préférences) ; l'échantillon de l'enquête
"méthodologique"- respectivement salarié- nous permet de situer les paramètres de
préférence parmi l'ensemble des facteurs explicatifs.
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 227

Tableau 11.1

B. Décomposition des inégalités patrimoniales (en %) : indicateur de Theil

Variables Patrimoine Patrimoine Patrimoine


financier financier brut net

Revenu lié à l'activité (en déciles) 16,0 18,0 15,3 11,8 20,7 18,2

Âge (12 modalités) 8.1 13,1 \3,7 15,1 17,4 19,2

Revenu*âge (24 modalités) 22,0 24,6 24,1 24,8 28,8 30,2

Niveau social (10 modalités) 17,9 27,5 26.0 16,7 28,5 27,1

Héritage (existence) 9,5 11,8 12.2 14.9 16,9 17,3

Héritage (montant, 4 modalités) 15,1 19,5 20,1 22,1 24,2 24,8

Paramètres de goût
(aversion au risque-préférence temporelle-
altruisme familial, 21 modalités) 7,6 10,2 10,4

Milieu social des parents (9 modalités) 7,6 7,2 7,1 8,4 7,3 7,7

Diplôme (6 modalités) 8,6 7,5 6,8 7,5 5,1 5,2

Type de ménage (7 modalités) 3,7 7,4 6,6 3.0 5,3 4,2

Taille d'agglomération (6 modalités) 4,0 3,1 3,2 7,3 3,6 3.9

Contrainte de liquidité (existence) 3,5 1,7 1,4 2,9 1,7 1,2

Interruption d'activité
3,6 5,9 5,3 3,1 4,5 4,7
(santé-chomage, 4 modalités)

Gains ou pertes sur le patrimoine


6,4 6,5 5,9 8,1 12,5 11,2
(4 modalités)

Indicateur de Theil 1,25 0,76 0,79 1,32 0,82 0,82

Nombre d'observations 10 207 1 135

Lecture : la variable « paramètres de goût » explique. à elle-seule, 10.2 % des inégalités de patrimoine brut mesurées par
l'indicateur de Theil (sur l'échantillon non pondéré).
Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.
228 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau 11.1

C. Décomposition des inégalités patrimoniales (en% pour la population salariée): indicateur de Theil

1) salarié )
Variables Patrimoine Patrimoine Patrimoine Patrimoine Patrimoine Patrimoine
financier brut net financier brut net

Revenu lié à l'activité (en déciles) 18,6 27,6 23,9 27,1 36,0 33,4

Revenu permanent (en déciles) 12,7 17,4 14,4 15,1 20,0 18,2

Âge (12 modalités) 10,9 14,7 16,6 28,8 29,5 29,5

Revenu permanent*âge (24 modalités) 24,5 32,8 32,6 45,1 47,3 50,0

Niveau social (10 modalités) 17,4 20,2 19,6 22,4 24,1 25,1

Héritage (existence) 8,8 12,0 12,7 13,8 17,7 18,0

Héritage (montant, 4 modalités) 15,3 19,9 21,0 22,4 27,9 28,2

Paramètres de goût
(aversion au risque-préférence
16,3 15,6 17,1
temporelle-altruisme familial, 21
modalités)

Milieu social des parents (9 modalités) 9,4 7,8 7.8 10,4 8.9 8,5

Diplôme (6 modalités) 11,5 11,8 10,8 11,7 11,5 11,8

Type de ménage (7 modalités) 2,9 3,9 4,0 6,1 2,1 2,9

Taille d'agglomération (6 modalités) 3,6 2.4 2,9 7,2 4,9 5,6

Contrainte de liquidité (existence) 4,0 3,8 3,2 3,2 2,8 1,8

Interruption d'activité
4.4 4,7 4,0 4,0 4,4 4,7
(santé-chomage, 4 modalités)
Gains ou pertes sur le patrimoine
5,3 5,9 5,4 5,0 8.6 7.3
(4 modalités)

14 0,60 0,62 1,10 0,66

Nombre d'observations 5 808 693

Note: 1. Population des ménages dont la personne de référence (homme) est salariée.
Lecture : la variable «paramètres de goût » explique, à elle-seule, 15,6 %des inégalités de patrimoine brut mesurées par l'indicateur de
Theil (sur l'échantillon non pondéré des salariés).
Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-De/ta.
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 229

L'examen des contributions pour l'ensemble de la population confirme la hiérarchie issue


de l'analyse de la variance (cf tableau 11.1 C) : les quatre facteurs les plus contributifs aux
Theil demeurent le niveau social, l'héritage (en montant), le revenu lié à l'activité et l'âge.
Pour le patrimoine brut de l'échantillon par exemple, le niveau social explique, à lui seul,
28,5% des inégalités, le montant de l'héritage 24,2 %, le revenu 20,7% et l'âge 17,4 %. Mais
la contribution jointe de l'âge et du revenu courant- qui n'est pas la somme de leurs
contributions simples (cf Masson, 1988)- demeure limitée: elle ne permet d'expliquer que
28,8 % des inégalités de patrimoine brut, ce qui atteste, là encore, l'importance des disparités
intra-âge. ressources. Derrière ces quatre facteurs, ce sont bien les préférences individuelles
qui apparaissent les plus contributives: globalement, les scores de "risquophobie", de
préférence temporelle et d'altruisme familial expliquent ainsi 10,2 % de la distribution de la
richesse brute 1• Cette contribution vient loin devant les autres variables. comme le diplôme
(5,1 %) ou le type de ménage (5,3 7c (

La hiérarchie est sensiblement la même si l'on restreint la population étudiée aux seuls
salariés pour lesquels nous avons calculé un indicateur de revenu permanent.1. Comme on
pouvait s'y attendre, les parts expliquées des inégalités de patrimoine brut par le revenu
courant lié à l'activité (36%) et l'âge (29,5 o/c) sont beaucoup plus importantes que dans le
reste de la population : celle du revenu permanent, débarrassé des effets d'âge, est néanmoins
plus faible (20%) que celle du revenu courant. Mais la contribution jointe de l'âge et du
revenu permanent explique près de la moitié de ces inégalités (4 7,3 %) : on retrouve là 1'idée
que l'hypothèse du cycle de vie s'applique beaucoup mieux à cette catégorie de la population
qu'aux indépendants ou aux agriculteurs. D'ailleurs, la contribution jointe des scores
représentant l'attitude à l'égard du risque, le taux de dépréciation du futur et le degré
d'altruisme familial- soit les trois préférences clef dans un modèle de cycle de vie "élargi"
notamment aux transmissions- est également plus forte : elle s'élève ainsi à 15,6% dans le
cas du patrimoine brut, soit bien davantage que le diplôme (Il ,5 %) et que le type de ménage

1
Le nombre élevé de modalités correspondant aux préférences (21) pourrait. relativement aux autres facteurs
explicatifs, gonfler artificiellement leur contribution aux inégalités. Mais la contribution jointe des scores de
"risquophobie" et de préférence temporelle (9 modalités) est déjà de 6.9 Cf'r et que celle des scores de préférence
temporelle et d'altruisme familial (9 modalités) s'élève même à 8,8 o/c.
2
La variable "gains et pertes sur le patrimoine" représente les événements ayant augmenté (gains aux jeux.
valorisation du prix de certains biens comme le logement ou les terrains ... ) ou diminué (pertes aux jeux ... ) le
montant des avoirs du ménage : elle contribue directement à l'explication des disparités de patrimoine .
.\ La méthode de construction du revenu permanent pour les ménages salariés réplique celle de Lollivier et
Verger (1999). Pour reconstituer le profil intertemporel du revenu des individus saisi en coupe instantanée, on
utilise les informations passées sur leur carrière professionnelle, prospectives sur leur espérance de vie et leur
participation au marché du travail. mais aussi les évolutions d'agrégats économiques (salaires, prix, taux
d'intérêt. .. ) et des renseignements tirés des panels de salaire (pour séparer les composantes permanente et
transitoire du résidu individuel). On calcule finalement une mesure de revenu permanent séparément pour les
hommes et pour les femmes, selon quatre niveaux de fin d'étude.
230 Inégalités patrimoniales et choix individuels

(2,1 %), et se rapproche même des contributions de l'héritage (17,7 %) ou du revenu


permanent (les écarts sont encore plus faibles pour le patrimoine net).

6.3. L'insuffisance de l'épargne accumulée pour la retraite: le rôle des préférences


L'hétérogénéité des préférences permet-elle d'expliquer, pour une part au moins, le
patrimoine trop faible de certains ménages à la veille de la retraite ? On admet généralement
qu'un actif net inférieur au double du revenu permanent constitue alors une épargne
insuffisante compte tenu des droits à la retraite et même d'une éventuelle diminution des
besoins de consommation à âge élevé (qui s'expliquerait notamment par des effets de
substitution entre consommation et loisir après la retraite: arrêt des dépenses liées au travail,
augmentation de la production domestique, etc.).
Tableau 11.2
Adequacy of saving et préférences individuelles

Distribution (en %) de la population des 50-65 ans


Effectifs
"Risquophobie" Préférence temporelle Altruisme familial
Échan- 50- Faible Moyen Forte Faible Moyen Forte Faible Moyen Forte
-tillon 65 ne ne ne
ans
Rapport du
patrimoine au
revenu 470 60 19,0 60,3 20,7 25,8 48,3 25,9 50/) 34,5 115,5
_permanent< 2

Autre 665 208 12,4 55,2 32,4 44,7 44,3 11/) 21/) 50,4 28,6

Total 1135 268 13,8 56,3 29,9 40,7 45,1 14,2 27,2 47,0 25,8

Note: les catégories "Faible" et "Forte" correspondent approximativement aux quartiles inférieur et supérieur
des deux distributions des scores établis sur la population totale ; la catégorie "Moyenne" correspond aux
quartiles intermédiaires. Les distributions sont significativement différentes à 1 o/c pour la préférence
temporelle et l'altruisme (chiffres en italique gras). Elles ne sont pas significativement différentes pour le score
de "risquoplwbie". Le revenu permanent est issu d'une équation de revenu estimée en Jonction des
caractéristiques du ménage.
Lecture : les ménages dont la personne de référence est âgée entre 50 et 65 ans et ayant un rapport patrimoine
sur revenu permanent inférieur à 2 sont plus de deux fois plus nombreux à appartenir au quartile des ménages
les plus myopes (25,9 o/c) que les autres ménages ( 11,0 o/c).
Source : enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

Pour répondre à cette question, nous avons sélectionné dans l'enquête méthodologique le
sous-échantillon des ménages dont la personne de référence était âgée de 50 à 65 ans (268
ménages sur 1135). Parmi ces derniers, on a isolé ceux dont le rapport patrimoine sur revenu
permanent (estimé) était inférieur à 2 (soit 60 ménages, représentant 22% de la tranche
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 231

d'âge). Le tableau 11.2 indique, afin de les comparer, les distributions des "non-épargnants" et
des autres ménages selon la valeur de leurs paramètres de préférence, distribués en quartiles.

D'un point de vue statistique, seuls les scores de préférence temporelle et d'altruisme
familial expliquent l'appartenance à la catégorie des non-épargnants ; le score d'attitude à
l'égard du risque ne joue pas de rôle significatif. Parmi ces non-épargnants, on trouve
effectivement une proportion bien supérieure de ménages moins prévoyants (25,9% contre
11 % pour les autres ménages) et de même beaucoup moins d'altruistes (15,5% contre
28,6 %). Mais les différences de goûts sont loin d'expliquer la totalité de ce phénomène
d'inadequacy of saving, puisqu'on observe encore un pourcentage non négligeable de
prévoyants (25,8 %) parmi les non-épargnants ... 1•

7. LES EFFETS D'INTERACTION DES PRÉFÉRENCES

L'analyse économétrique de l'équation de patrimoine montre que même si le gain de


variance expliquée dû à l'introduction des paramètres de préférence est faible, ces variables
apparaissent fortement discriminantes pour expliquer les montants de fortune. La
décomposition de l'indicateur de Theil souligne plus précisément le rôle non négligeable de
ces mesures, prises globalement, pour expliquer les inégalités de richesses. Ces résultats
tendent à montrer que l'amélioration de nos connaissances sur l'accumulation patrimoniale
passe par l'étude des effets d'interaction entre préférences: on étudiera ainsi les corrélations
entre les différents paramètres, avant de s'intéresser à l'effet sur les patrimoines d'un score
croisant les attitudes à l'égard du risque et celles vis-à-vis du temps.

7.1. Les corrélations entre attitudes face au risque et à l'avenir

Les corrélations entre les mesures des divers paramètres (scores et échelles) sont
présentées dans les tableaux 11.3. Le lien particulier entre les mesures de préférence pour le
présent et de prudence peut également être visualisé sur le graphique 11.2, qui croisent les
distributions en quartiles.

La relation la plus intéressante concerne la corrélation négative (- 0,34) entre le score de


"risquophobie" et celui de la préférence pour le présent: les gens les plus prudents sont dans
l'ensemble plus prévoyants. Il existe également une relation significative négative, mais moins
prononcée, entre les deux échelles correspondantes (- 0, 17). Les statistiques rejoignent ici le
sens commun qui confond souvent prudence et prévoyance.

1
Si on estime un modèle Probit pour expliquer l'appartenance au groupe des non-épargnants, on obtient par
exemple un effet significatif sensible, ceteris paribus, de l'existence de contraintes de liquidité.
232 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau 11.3

Corrélations entre les attitudes à l'égard du risque et de l'avenir


Préférence Altruisme
"Risquophobie" Impatience Altruisme
A. Scores temporelle non familial
faible faible familial faible
faible faible

"Risquophobie" faible 1,00 -0,34 -0,10 0,05 0,14

Préférence temporelle faible 1,00 0,12 -0,30 -0,38

Impatience faible 1,00 0,05 0,12

Altruisme non familial faible 1,00 0,25

Altruisme familial faible 1,00

Note : les corrélations significatives à 5% sont indiquées en gras.


Lecture: la corrélation (pondérée) entre le score de préférence temporelle et d'aversion au risque, égale à- 0,34,
est calculée sur les scores disjoints (pas de questions communes). Si on la calcule sur les scores complets, la
corrélation est de- 0,50.

Préférence
"Risquophobie" Impatience
B. Echelles temporelle
faible faible
faible

"Risquophobie" faible 1,00 -0,17 -0,21

Préférence temporelle faible 1,00 0,12

Impatience 1,00

Note : les corrélations significatives à 5% sont indiquées en gras.

Préférence Altruisme
"Risquophobie" Impatience Altruisme
C. Scores (corrélation de rang) temporelle non familial
faible faible familial faible
faible faible

"Risquophobie" faible 1,00 -0,20 -0,05 0,01 0,07

Préférence temporelle faible 1,00 0,09 -0,19 -0,25

Impatience faible 1,00 0,01 0,08

Altruisme non familial faible 1,00 0,15

Altruisme familial faible 1,00

Note : les corrélations significatives à 5% sont indiquées en gras.


Lecture: la corrélation entre le score de préférence temporelle et d'aversion au risque, égale à- 0,20, est calculée
sur les scores disjoints (pas de questions communes). Si on la calcule sur les scores complets, la corrélation est de
0,32.
Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 233

Plus précisément (cf tableau 11.4), parmi les individus faiblement "risquophobes", 49%
ont une forte préférence pour le présent alors que seule une minorité de 6,5 % est prévoyante.
Symétriquement, parmi les individus prudents, 41 % ont une faible préférence temporelle
alors que seulement 9,8% vivent au jour le jour. Ce même phénomène existe aussi pour les
échelles, mais en moins prononcé, puisque l'on dénombre près de 10% d'individus dans les
configurations "minoritaires" contre 3,8 % seulement pour les scores.

À notre connaissance, la seule autre étude qui tente de mesurer la corrélation entre
attitudes face au risque et au temps est celle de Anderhub et al. (200 1). Ces auteurs s'appuient
sur une expérience menée auprès de 61 étudiants de l'université de Haïfa dans laquelle on leur
demandait d'évaluer trois loteries qui se différenciaient uniquement par leur date de paiement
(immédiat, dans 4 semaines, dans 8 semaines). Ils obtiennent, au contraire, une corrélation
positive : "les agents averses au risque ont tendance à escompter le futur plus fortement".
Cependant, le taux d'escompte considéré porte sur des gains monétaires à des périodes très
rapprochées : loin de correspondre à une préférence pure pour le présent ( b) qui déterminerait
son horizon décisionnel, il s'apparente donc davantage à un taux d'intérêt propre à l'enquêté,
qui augmente avec son impatience à court terme ({J), l'existence de contraintes de liquidité ...
et même son attitude face au risque ("un tiens vaut mieux que deux tu l'auras") 1 •

On note par ailleurs une corrélation négative significative entre le score de préférence
pour le présent et les indicateurs d'altruisme (familial ou non) : le souci du bien-être des
générations futures, qu'il s'agisse ou non de sa propre descendance, serait donc plutôt le fait
d'individus prévoyants. La relation est cependant plus forte entre le score temporel et
1'altruisme familial (- 0,38). Enfin, la proximité entre les deux indicateurs d'altruisme reste
1imitée, se situant à + 0,25 : on peut donc être altruiste pour les siens sans 1'être trop pour les
autres - ce qui justifie, a posteriori, la distinction entre les deux indicateurs d'altruisme.

1
Notre questionnaire comprenait une question analogue (question IV .Q6), qui demandait aux individus combien
ils étaient prêts à payer un billet de loterie valant 100 francs pour un paiement immédiat. si le tirage était
retardé à un mois. à six mois ou à un an. La corrélation entre la réponse à cette question et le score de
"risquophobie" est négative (- 0,11 ), contrairement aux résultats de Anderhub et al. (2001): la patience (à
court-moyen terme) irait plutôt de pair avec la prudence.
234 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau 11.4

Distribution de la population selon leurs attitudes à l'égard du risque et de l'avenir

A- Scores (corrélation=- 0,34; test d'indépendance= 160,3)

"Risquophobie"

Préférence temporelle Faible Moyenne Forte Ensemble

Faible 1,6 13,2 9,1 23,9

Moyenne 10,7 29,8 11,1 51,6

Forte 12,0 10,3 2,2 24,5

Ensemble 24,3 53,3 22,4 100,0


Note : les catégories "faible" et ''forte" correspondent approx1maflvement aux prem1er et dermer
quartiles approchés de la distribution des scores d'attitudes vis-à-vis du risque et du temps, la catégorie
"moyenne" aux quartiles intermédiaires.

B- Échelle (corrélation=- 0,20; test d'indépendance= 46,0)

"Risquophobie"

Préférence temporelle Faible Moyenne Forte Ensemble

Faible 4,7 15,7 7,2 27,6

Moyenne 8,6 30,8 7,1 46,5

Forte 8,7 13,0 4,2 25,9

Ensemble 22,0 59,5 18,5 100,0

Note : les catégories ''faible" et ''forte" correspondent approximativement aux premier et dernier
quartiles approchés de la distribution des scores d'attitudes vis-à-vis du risque et du temps, la catégorie
"moyenne" aux quartiles intermédiaires.
Lecture : 1,6% de la population appartiennent simultanément au premier quartile approché du score
d'attitude vis-à-vis du risque et au premier quartile approché du score de préférence temporelle.
Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 235

L'impatience et la préférence pour le présent sont corrélées positivement mais avec une
intensité assez faible (+ 0,12 pour le score et les échelles). Les impatients seraient plus
souvent des gens qui vivent au jour le jour, alors que les personnes posées seraient plutôt des
individus prévoyants. Autre résultat original : les "risquophiles" auraient tendance à être
également impatients si l'on en croit la corrélation entre les échelles (- 0,21) mais aussi, dans
une moindre mesure, entre scores (- 0,1 0). Enfin, être "risquophile" ou impatient irait plutôt
de pair avec un certain égoïsme, du moins à 1'intérieur de la famille, comme si la propension à
prendre des risques était parfois incompatible avec le souci du bien-être de ses descendants.

7.2. Scores croisés : des effets patrimoniaux plus significatifs

Le tableau H.3 de l'annexe H envisage les mêmes régressions de patrimoine que le tableau
H.2 mais cette fois en croisant les scores de "risquophobie" et de préférence temporelle,
regroupés chacun en trois classes (isolant les quartiles inférieur et supérieur) : au final, compte
tenu de la faiblesse de certains effectifs, 7 catégories d'épargnants ont été identifiées. Les
sujets à la fois les plus prudents et les plus prévoyants accumulent davantage de patrimoine
que les autres ; à l'opposé, les agents "aventureux" et "myopes" apparaissent les plus faibles
accumulateurs, les écarts étant significatifs au seuil de 1 %.

Pour apprécier l'importance quantitative des effets propres des scores croisés sur
l'accumulation patrimoniale, on peut calculer, pour chaque catégorie d'épargnants, les
montants estimés de richesse financière, brute et nette, rapportés à la moyenne.

Ainsi, avec les mesures en continu (cf Économie et Statistique, 2004, p. 145), l'individu
qui aurait simultanément le profil du plus prévoyant et du plus prudent détiendrait près de dix
fois plus de patrimoine brut que 1'épargnant se situant simultanément aux antipodes. Ces
écarts vont de 1 à 7 pour le patrimoine net. La hiérarchie est différente pour le patrimoine
financier: c'est l'individu le plus "myope" et le plus prudent qui détient la plus faible richesse
financière (15 fois moins que le plus prévoyant et le plus prudent).

Avec les croisements effectués à partir des distributions en quartiles (cf graphique 11.2),
les écarts relatifs, plus représentatifs, demeurent importants. Le groupe des plus prudents et
des plus prévoyants détient un montant de 82% supérieur à celui du groupe des plus
aventureux et des plus myopes pour le portefeuille financier, de 91 % supérieur pour le
patrimoine brut et de 54 % pour le patrimoine net.

L'introduction de scores croisés (y. b) rend donc mieux compte des disparités de fortune.
Évidemment, à l'aune de l'extrême concentration des patrimoines (le rapport inter-décile
D9/D1 est proche de 100), même des écarts relatifs de 1 à 10 restent encore modestes ...
236 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Graphique 11.2
Attitudes vis-à-vis du risque et du temps et accumulation du patrimoine (scores
croisés)

Aventureux et
myope

1111 Aventureux et
prévoyance forte ou
moyenne

LJ Prudence moyenne
et prévoyance forte

1111 Prudence
forte et
prévoyance forte

1111 Prudence moyenne


et prévoyance
moyenne

"·Prudence moyenne
et myopie

1111 Prudence
forte et
prévoyance faible ou
moyenne

Patrimoine Patrimoine brut Patrimoine net


financier

Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.

7.3. Perspectives
L'intérêt qu'il y a à croiser les paramètres de préférence pour expliquer les comportements
patrimoniaux apparaîtrait encore plus probant si l'on considérait la composition de la richesse
(cf. chapitre 12). Par exemple, la demande d'actifs financiers risqués (actions, Sicav-Fcp ou
valeurs mobilières) ne dépend pas des paramètres de préférence vis-à-vis du risque et du
temps si ces derniers sont introduits sous forme additive; par contre, lorsqu'on croise ces
deux dimensions de préférence, on constate que ce sont les individus à la fois "myopes" et
prudents qui détiennent le moins d'actifs risqués.

Plus généralement, on peut définir, selon leurs préférences à l'égard du risque et du temps,
différents types d'épargnants aux modes d'accumulation et de choix de portefeuille
hétérogènes ...

-les agents prudents et à forte préférence pour le présent(~ et y élevés) suivent un régime
d'accumulation dit de buffer-stock (fonds de contingence) : le patrimoine au profil irrégulier
Préférences individuelles et disparités du patrimoine 237

sert surtout d'épargne de précaution- de "matelas" (buffer)- contre les chutes inopinées du
revenu d'activité à moyen terme (Deaton, 1992 ; Caroll, 2001) ;

- les agents prudents et prévoyants ( o faible, yélevée) ont un profil de patrimoine typique
en forme de dos d'âne, proche de celui de l'épargnant "représentatif" du cycle de vie ;
l'accumulation est centrée autour de l'acquisition du logement principal, de la précaution de
long terme (épargne assurance) et de l'épargne pour la retraite;

-les agents peu prévoyants et peu prudents (0 élevé, y faible) sont, à l'image de l'Achille
de 1'/liade, davantage susceptibles d'adopter des stratégies d'accumulation risquées, voire
auto-destructrices (manque d'argent, défaut de paiement, surendettement. .. ) ;

- enfin, les ménages qui voient loin mais n'ont pas peur du risque ( o et y faibles) se
comporteront plutôt comme des Ulysse ...

Les premiers résultats d'une analyse économétrique portant à la fois sur les montants et la
composition du patrimoine montrent que cette typologie des épargnants a un pouvoir
explicatif propre tout à fait significatif, avec des effets différentiels qui vont dans le sens des
prédictions théoriques (cf. chapitre 12). Ainsi, les ménages de type "Achille" ou "buffer-
stock" sont deux fois plus nombreux que les autres parmi les "non-épargnants" à la veille de la
retraite (patrimoine/revenu permanent< 2). De même, les "Achille" ont typiquement des
montants de patrimoine modestes mais comportant une part significative d'actifs risqués.

Les applications potentielles de cette typologie sont multiples, surtout si l'on considère les
évolutions récentes de l'épargne financière avec le développement de produits à plus ou moins
long terme avantagés fiscalement : épargne salariale (PEE) et épargne retraite (PERP), qui
s'ajoutent à l'épargne assurance (PEP). Les "Achille" seront le plus souvent réfractaires à ces
placements; les agents prévoyants et prudents apparaissent les meilleurs candidats à l'épargne
retraite, et les "Ulysse" se laisseraient tenter par certaines formes d'épargne salariale. Mais la
théorie suggère et l'analyse empirique confirme que les épargnants "buffer-stock" qui
détiennent surtout des encaisses de précaution (quasi-liquides et peu risquées) mobilisables à
tout moment, pourraient cependant être attirés par le caractère contractuel - sur une durée
limitée -de l'épargne assurance : celle-ci leur offrirait la possibilité de pallier leur
imprévoyance ou leur impatience sans s'engager trop sur le long terme ...
Chapitre 12

Préférences face au risque et à 1' avenir :


vers une typologie des épargnants

L e consommateur/épargnant de la théorie microéconomique du cycle de vie est guidé


par sa rationalité prospective. Pour lui, la gestion du futur soulève un triple défi :

-la formation optimale de ses anticipations de l'avenir en fonction de ses croyances et de


l'information recueillie ;

-l'incertain, probabilisable ou non, dont il doit déterminer la part qu'il est prêt à accepter
selon ses préférences à l'égard du risque ;

-l'horizon décisionnel, qui couvre "l'ensemble théorique des périodes de calcul sur lequel
l'agent entend établir ses plans et ses prévisions" (T.C. Koopmans) - ici la durée de son
existence -, et varie selon sa préférence pour le présent, i. e. les poids décroissants qu'il
attribue aux satisfactions à venir du simple fait de leur éloignement temporel.

Cet exposé se focalise sur les éléments de choix propres à l'épargnant, soit en fait sur ses
préférences face au risque et à l'avenir sur son cycle de vie : il cherche (i) à mieux caractériser
ces dernières pour (ii) en mesurer la diversité individuelle ; à (iii) déterminer leurs effets
théoriques sur les comportements d'accumulation et de placement ; à (iv) tester ces
prédictions sur les données transversales tirées de l'enquête Insee "Patrimoine 1998".

Au-delà de ses schémas directeurs- modélisation axiomatique des comportements,


individualisme méthodologique, principe de rationalité, orientation prospective des décisions
dans le temps ... -, cette micro-économie de l'épargnant présente deux traits originaux qui
ressortent d'autant plus clairement qu'on la compare aux approches suivies dans d'autres
sciences de l'homme et de la société.

Traitant des comportements de l'épargnant, psychologues et sociologues mettraient


l'accent sur la pluralité de ses logiques de choix et le caractère multidimensionnel de sa
240 Inégalités patrimoniales et choix individuels

rationalité, en faisant référence à la multiplicité des temps individuels (P. Fraisse) et sociaux
(G. Gürvitch). Ses décisions présenteraient une forte hétérogénéité du fait de la diversité des
horizons auxquels elles se réfèrent, soit par exemple, en matière de patrimoine: [1] gestion
des affaires courantes (liquidités) ; [2] choix de moyen terme (biens durables, encaisses de
précaution) ; [3] plans de vie (logement, épargne-retraite, assurance vie) et au-delà : [4] désir
de "survie par les siens", à travers un capital familial, les transmissions patrimoniales et les
stratégies dynastiques ; [51 volonté de pouvoir, d'entreprise, de prestige ou d'éternité, à
l'origine de grandes fortunes non familiales (A. Nobel etH. Hughes étaient sans descendance
directe). La question clef serait alors de déterminer comment s'effectue, pour un sujet donné,
la "coalescence" ou "syrrhèse" provisoire de ces horizons stratifiés, concernant des choix qui
pèsent tous sur le même budget de ressources financières ou de temps disponible.

Par ailleurs, la sagesse populaire comme la pensée savante introduisent souvent une
dépendance étroite entre l'incertain et l'horizon, les attitudes face au risque et à l'avenir. Un
discours à la mode a ainsi coutume d'expliquer que la montée des incertitudes à venir
raccourcit l'horizon des agents. Les dictionnaires rapprochent d'emblée prudence et
prévoyance, et de même imprudence et insouciance, comme s'il s'agissait de synonymes ou de
caractères complémentaires. La sociologie du risque, surtout, caractérise la modernité par une
"culture du risque" où "la conscience des risques encourus devient un moyen de coloniser le
futur" (A. Giddens) ; gérer les risques suppose de les anticiper, oblige à se projeter sans cesse
dans l'avenir pour les maîtriser et s'adapter au changement 1•

La théorie économique orthodoxe se démarque nettement de ces deux traditions. Elle ne


s'embarrasse pas des difficultés créées par la multiplicité des rythmes et des temps. Hors
certains modèles de self-control -qui décrivent le conflit intérieur entre un planificateur sur le
long terme et un impulsif victime de ses passions -, chaque sujet est doté d'un horizon unique
(supposé "dominant") : pour notre épargnant, un "horizon de vie", modulé par une préférence
pour le présent qui lui confère un caractère éminemment subjectif.

Mais surtout, s'agissant des rapports entre risque et temps, cette approche micro-
économique procède d'un double mouvement original, rarement souligné. D'un côté, tout est
fait, au contraire, pour séparer les préférences individuelles à l'égard du risque ou de
l'incertain (aversion au risque ou à l'ambiguïté, prudence, tempérance, etc.) de celles
manifestées à l'égard du temps (préférence pour le présent, altruisme intergénérationnel), en
les caractérisant par des paramètres définis indépendamment : sous peine d'être taxée
d'irréaliste, la théorie opère donc "comme si" les choix intertemporels pouvaient être abstraits

1
Pour l'analyse de cette sociologie du risque tournée vers l'avenir et les références associées, on se reportera au
texte de Peretti-Watel (2005).
Préférences face au risque et à l'avenir : vers une typologie des épargnants 241

de toute considération de risque - même relative à la survie. Mais de l'autre, les prédictions
des modèles de cycle de vie vont dépendre de manière cruciale de l'interaction entre les deux
types de paramètres : savoir seulement que l'épargnant aime le risque, ou bien qu'il est
"myope" (forte préférence pour le présent) n'apporte qu'une information limitée sur ses choix
patrimoniaux ; savoir qu'il est les deux à la fois - aventureux et myope - renseigne bien
davantage sur ces décisions d'épargne et d'investissement.

La section 2 présente le cadre théorique qui nous conduit à distinguer deux paramètres de
préférence "pivot" : l'attitude générale (plutôt que l'aversion) à l'égard du risque, y, et le taux
de dépréciation du futur, D. La section 3 rappelle l'approche empirique suivie dans les
précédents chapitres, pour obtenir des mesures ordinales de ces deux paramètres, appelées
scores, sur un sous-échantillon de l'enquête Patrimoine 98. Retour à la théorie, la section 4
souligne que les modèles de cycle de vie induisent différents régimes d'accumulation
patrimoniale selon les valeurs attribuées conjointement à y et à D. On définit ainsi une
typologie des épargnants en 5 groupes : la batterie de tests concernant les effets différentiels,
sur le montant de patrimoine et ses composantes, de cette partition confirme très largement les
prédictions théoriques (section 5).

1. RAPPEL : DEUX PARAMÈTRES DE PRÉFÉRENCE PIVOTS

Les modèles de cycle de vie standard- qui supposent une actualisation exponentielle des
utilités futures et se réfèrent, en avenir risqué, au critère de l'espérance de l'utilité- ne
retiennent que deux paramètres de préférence pour expliquer les comportements patrimoniaux
de l'épargnant : l'aversion au risque et le taux de dépréciation du futur (cf chapitre 2). Dans
les versions les plus simples, il y a même une division claire des tâches: les arbitrages
consommation/épargne ne dépendent que du taux de dépréciation du futur qui fixe donc le
montant global du patrimoine au cours du cycle de vie ; l'aversion relative pour le risque, elle,
intervient seule dans les choix de portefeuille et fixe ainsi sa composition.

L'inadéquation manifeste des prédictions de cette théorie avec l'observation a conduit à


l'élaboration de modèles non standard (utilité non espérée, actualisation "hyperbolique", etc.),
plus réalistes. Le problème est que ces modèles doivent multiplier les paramètres de
préférence indépendants pour pouvoir s'accorder aux données de laboratoire ou d'enquêtes.
Cette prolifération aboutit, au plan empirique, à une impasse. Elle justifie la voie moyenne
adoptée, qui privilégie encore deux paramètres de préférence "pivots", l'un par rapport au
risque, l'autre par rapport au temps, mais dont les définitions s'éloignent du cadre standard.
242 Inégalités patrimoniales et choix individuels

1.1. Théorie standard: aversion relative pour le risque et taux d'actualisation


L'hypothèse du cycle de vie prête au comportement d'accumulation de l'épargnant,
supposé rationnel et ne retirer satisfaction que des volumes de consommation à chaque
période, une série de propriétés caractéristiques. Ce comportement est supposé purement
autonome et prospectif: l'agent, "égoïste", ne s'intéresse qu'à son propre bien-être (son
horizon ne dépasse pas sa propre existence), il ne regarde pas "sur les côtés" (pas
d'interdépendance des préférences ou d'effets de démonstration à la Duesenberry), ni "derrière
lui" (pas de formation d'habitudes). Les préférences sont homothétiques, conduisant à une
relation de proportionnalité entre consommation et ressources (i.e., l'épargne n'est pas un bien
de luxe mais une simple réserve de consommation différée). Enfin, l'hypothèse d'un
comportement rationnel dans le temps impose la cohérence temporelle des choix 1•

Ces propriétés sont (à peu près) équivalentes à une fonction d'utilité, Us à la date s, qui
prend la forme suivante - additive et isoélastique - dans un monde certain (cf chapitre 2) :

T fT C(t)l-y
5
U [C(s) ...C(T)] = f r-sa(t) u[C(t)] dt= I=Sa(t) ~dt; y>O, a(t)~O. (1)

C(t) représente la consommation globale en t, u la fonction d'utilité instantanée


indépendante de t ("goûts" constants), T la durée de vie. L'agent manifeste une préférence
pour le présent : le facteur d'actualisation temporelle a (t) décroît avec le temps, et le taux de
dépréciation du futur, D(t), positif ou nul, est défini par la dérivée logarithmique :

da (t) /dt .
D (t) = - a (t) ~ 0, ou: a (t) = exp (-b t) s1 D (t) = b. (2)

La relation (2) correspond une actualisation "exponentielle". La cohérence temporelle


permet que ce taux D dépende éventuellement de l'âge t mais pas de la distance au présent
(t-s).

Un seul paramètre de préférence, D, gouverne les choix par rapport au temps: plus il est
élevé, et plus l'horizon décisionnel est court (à T donnée). L'homothétie de la fonction U fait
que l'utilité instantanée u dépend d'un seul paramètre y, qui représente à la fois le degré de
concavité de u et l'inverse de l'élasticité intertemporelle de substitution, notée a (soit
l'élasticité du taux de croissance de la consommation par rapport au taux d'intérêt).

1
La cohérence temporelle des choix signifie, intuitivement, que si tout se passe pour lui comme il l'avait prévu,
l'agent réalise finalement son plan initial. Cette propriété correspond en fait à la stabilité des préférences au
cours du temps: si l'on envisage l'individu comme une séquence temporelle de moi, le "moi futur" reprend,
sans rechigner, les préférences que le "moi présent" lui a attribué au départ. L'incohérence temporelle provient
au contraire d'un conflit entre les désirs du moi présent et du moi futur (Ulysse et les Sirènes).
Préférences face au risque et à l'avenir: vers une (\pofogie des épargnants 243

En avenir incertain, l'agent maximise l'espérance de son utilité U: y est encore égal au
degré d'aversion relative pour le risque, p. Plus généralement, tous les comportements
risqués- épargne de précaution, générée par la prudence (dérivée 3ème de u) ; diminution du
risque de portefeuille en présence d'un aléa sur le revenu du travail, gouvernée par la
tempérance (dérivée 4e de u) etc. -vont dépendre de ce seul paramètre y, qui vérifie:

y = p = 1la. (3)

Selon la théorie standard, la diversité des comportements patrimoniaux attribuable à


l'hétérogénéité des préférences ne provient donc que de l'action de deux paramètres : y, degré
d'aversion relative pour le risque et tJ, taux d'actualisation subjectif des satisfactions futures.
Les tests consisteraient alors à estimer les paramètres Y; et b; pour chaque enquêté i d'une
source patrimoniale, puis à mesurer leurs effets propres sur le montant et la composition du
patrimoine- leur importance quantitative permettant en outre d'évaluer le pouvoir explicatif
de la variété des goûts individuels sur les inégalités de fortune ou de demandes d'actifs.

1.2. Modèles non standard : le réalisme au prix d'une prolifération de paramètres


Les prédictions de la théorie standard ne s'accordent pas, cependant, avec les
comportements observés en laboratoire ou sur le terrain, tant en ce qui concerne les critères de
décision en incertain que les propriétés attribuées aux choix intertemporels (orientation
prospective, cohérence dynamique) en référence à un taux d'actualisation unique et constant.
Elles ne rendent pas compte, par exemple, de la demande limitée d'actifs risqués par les
ménages en dépit de l'écart élevé observé entre les taux de rendement à terme des actions et
des obligations- hiatus baptisé "énigme de la prime de risque".
• au-delà du modèle d'utilité espérée, à préférences homothétiques
Si on garde des préférences homothétiques 1, la relation (3) devient sans doute la plus
contestée. Les modèles d'utilité non espérée qui expliquent le mieux l'énigme de la prime de
risque en viennent à dissocier les trois paramètres : y ne caractérise plus que la décroissance
de l'utilité marginale, lia traduit l'aversion aux fluctuations temporelles de la consommation,
et p l'aversion relative pour le risque, i.e. l'aversion pour les fluctuations de la consommation
entre les différents états de la nature.

Pour rendre compte de certaines "anomalies" expérimentales (paradoxe d'Allais) ou


relatives à la demande d'assurance (ou de jeux risqués), deux autres extensions apparaissent

1
L'homothétie des préférences ne s'accorde pas avec une inégalité des patrimoines bien supérieure à celle des
revenus. Mais le rejet de cette hypothèse impliquerait que les attitudes à l'égard du risque comme la prudence
ou la tempérance ne pourraient plus s'exprimer, même dans le cadre de l'utilité espérée, en fonction d'un seul
paramètre, y...
244 Inégalités patrimoniales et choix individuels

nécessaires. L'une introduit une transformation non linéaire des probabilités, qui reproduit la
plus grande sensibilité des sujets aux probabilités faibles ou élevées qu'aux probabilités
moyennes en distinguant les individus selon leur degré "d'optimisme" ou de "pessimisme".
Par ailleurs, l'aversion à la perte (Kahneman et Tversky, 1979) permet notamment d'expliquer
la désaffection pour la rente viagère ou l'assurance temporaire décès- qui induisent un risque
d'investissement "à fonds perdus" en cas, respectivement, de décès prématuré ou tardif.

Ces développements non standard conduiraient donc à distinguer, au bas mot, six
paramètres : c5 ; a; y; p ; degré d'optimisme/pessimisme ; degré d'aversion à la perte.
• au-delà de l'actualisation exponentielle à taux unique et constant
Les remises en cause du modèle de l'utilité actualisée (1)-(2) pour les choix intertemporels
aboutissent à une inflation encore plus considérable, si l'on veut notamment remédier à
l'extrême dispersion des mesures du taux c5 (cf Frederick et al., 2002).

Un modèle plus réaliste fera ainsi dépendre la fonction d'utilité instantanée u, dans
l'équation (1), non seulement de la consommation courante, mais aussi du loisir, des besoins
actuels, de l'état de santé, de la consommation passée (effets d'habitudes), etc. Ces
modifications de l'utilité vont "polluer" d'autant la mesure du taux D, la plupart ayant tendance
à surestimer sa valeur: l'agent peut "préférer un aujourd'hui à deux demain", en raison d'une
préférence intrinsèque pour le présent ( D), mais aussi parce qu'il est "pressé" et déteste
attendre, son temps étant compté (forte utilité du loisir), ou parce que demain, quand il sera
âgé, ses capacités de jouissance ou d'appétence seront moindres (besoins déclinants), etc.
D'autres éléments jouent encore dans le même sens ( c5 surestimé) : les contraintes de liquidité
(demain, l'agent sera plus riche, mais ne peut emprunter aujourd'hui sur ces espérances de
gains futurs) ; et surtout l'incertitude de l'avenir ("un est sûr, deux ne l'est pas"). La difficulté
de contrôler tous ces facteurs explique pour une part la grande volatilité des mesures de c5 1•

Contre l'actualisation exponentielle à un taux unique, les données expérimentales


suggèrent par ailleurs une actualisation hyperbolique, plus élevée pour le futur proche que
pour le futur éloigné, qui peut se formaliser en temps discret sous la forme (Laibson, 1997) :

T-t
ur (C/,CI+I"""' CT) = urCCr) + (1- {3) ~ (l+Dfk ut+k(Ct+k), avec: 0 s {3 s 1. (4)

À côté du taux d'actualisation sur le long terme, D, est introduit un second taux de
dépréciation du futur à court terme, {3, qui engendre une incohérence temporelle des choix,

1
Plus anecdotiques, les phénomènes d'anticipation, tels le plaisir de l'attente (savoring) d'un événement heureux
que l'on diffère, ou l'appréhension (dread) d'une expérience douloureuse dont on veut être débarrassé au plus
vite, introduisent, eux, un biais en faveur du futur, qui joue en sens contraire de la préférence pour le présent.
Préférences face au risque et à l'avenir : vers une typologie des épargnants 245

i. e. un conflit entre les préférences du moi présent et celles du moi futur: le taux (global) de
dépréciation du futur entre les périodes t+ 1 et t+2 est égal à b pour l'individu en t, mais
devient (fJ+b)/(1-{J) pour l'individu en t+ 1. Ce paramètre f3 traduirait une rationalité limitée,
soit par un déficit d'imagination (on remet toujours au lendemain les décisions désagréables
comme d'arrêter de boire ou de fumer), soit par un déficit de volonté - un manque de maîtrise
de soi sur le court terme ; f3 = 1 correspondrait donc à une "myopie" ou à une "impatience"
extrême.

Une victime consciente d'une telle incohérence temporelle de ses choix pourra alors
décider de se pré-engager, comme Ulysse face aux Sirènes; au plan patrimonial, cette
stratégie pourrait expliquer la diffusion de produits d'épargne contractuelle, même à
rendement limité, notamment pour la préparation de la retraite (Laibson, 1997).

Sans même envisager la possibilité que l'horizon de l'épargnant transcende sa propre


existence (altruisme intergénérationnel), les arbitrages intertemporels dans un cadre non
standard font ainsi intervenir plus d'une demi-dou::,aine de paramètres de préférences
supplémentaires, à estimer encore indépendamment les uns des autres, en essayant de
contrôler les biais de pollution réciproques ... Clairement une tâche impossible.

1.3. La voie moyenne et pragmatique adoptée

La parcimonie veut que l'on réduise le nombre de paramètres à évaluer et pousse donc
vers une sorte de "retour" partiel à la théorie standard, tout en tenant compte de ses
insuffisances manifestes. À cette fin, on doit se contenter d'un objectif plus modeste : au lieu
d'estimations quantitatives précises portant sur des paramètres bien identifiés (l'aversion
relative pour le risque, par exemple), on va se contenter de mesures purement qualitatives et
ordinales, concernant des attitudes à l'égard du risque et du temps qui synthétisent à chaque
fois la multiplicité des paramètres théoriques.
Nous avons ainsi fait dépendre les choix patrimoniaux d'un seul paramètre de préférence à
l'égard du risque- que l'on note encore y- censé refléter une attitude générale, représentative
aussi bien de son aversion au risque, de sa prudence, de sa tempérance, que de son aversion à
la perte ou à l'incertitude. Ce paramètre correspond par ailleurs à une "moyenne" prise sur
différents domaines hors patrimoine stricto sensu (consommation, santé, travail, famille,
loteries financières, etc.), et sans tenir compte du fait que le degré d'exposition au risque
(subie ou voulue ... ) dans un domaine influence le comportement face au risque dans un autre.

Représentée par le taux d'actualisation b, la préférence pure pour le présent détermine


"l'horizon de vie" de l'épargnant (en concurrence avec ses probabilités de décès) ; nous avons
décidé cette fois de l'encadrer par d'autres paramètres temporels supposés indépendants:
246 Inégalités patrimoniales et choix individuels

-d'un côté, les nombreuses "anomalies" de comportement observées sur le futur proche
proviendraient de l'impatience à court terme, préférence composite qui emprunte d'abord au
degré d'incohérence temporelle {3, mais aussi au fait d'être "pressé" par le temps ;

-de l'autre, l'importance et l'inégalité des transmissions patrimoniales, source de fortunes


élevées, oblige à tenir compte de l'altruisme intergénérationnel, notamment de sa composante
familiale : au-delà de son propre bien-être, l'individu se préoccupe de celui de ses enfants qui
doit être introduit comme argument de sa fonction d'utilité : tout se passe comme si son
horizon dépassait le terme de son existence T, obligeant ainsi, dans la relation ( l ), à prolonger
la sommation au-delà de cette date, avec un facteur d'actualisation, e.
Mais les expériences passées montrent encore que l'on ne pourra obtenir des mesures
fiables de D sans expliciter davantage, au préalable, la signification que l'on prête à ce taux 1•
La préférence pour le présent manifesterait, selon nous, une disposition humaine
fondamentale : elle exprimerait les rapports existentiels entre le moi présent et les moi futurs,
la primauté du présent tenant au fait qu'il n'y a pas de mode d'être pour un individu sans
raisons de vivre aujourd'hui : les moi futurs "n'existent" pour le moi présent que si ce dernier
se "soucie" d'eux, a des projets qui les concernent et donnent sens et substance à son
existence. Les poids relatifs accordés aux satisfactions futures mesureraient le degré
"d'altruisme" du moi présent pour ses successeurs de lui-même, la force et l'étendue des
projets élaborés à leur intention, qui le légitiment à ses propres yeux ainsi qu'à ceux d'autrui
(Masson, 1995 et 2000).

Cette conception existentielle de la préférence pour le présent correspondrait à une


disposition intrinsèque de l'individu, caractérisant (en négatif) sa propension à se projeter dans
l'avenir. Elle devrait donc peu dépendre du domaine de l'existence abordé: un individu
prévoyant en matière de santé, le serait également en matière de carrière professionnelle ou de
préparation financière de sa retraite.

Notre approche conserve ainsi deux paramètres pivots, y et D, dotés cependant d'une
signification plus hétérogène et plus riche que dans la théorie standard: aussi la "révélation"
de telles préférences passe-t-elle par un questionnement plus concret mais aussi multi-
dimensionnel, qui ne privilégie plus, surtout dans le cas de y, les choix entre des loteries ...

1
Le type des questions posées explique pour beaucoup les déboires rencontrés par les études précédentes: choix
entre des gains ou pertes monétaires à plusieurs dates, faisant intervenir à tort le taux d'intérêt ; arbitrages entre
des "plaisirs" ou "peines" comparables, là encore à différentes dates, qui relèvent d'une interprétation trop naïve
ou littérale du formalisme en termes de taux d'actualisation, etc. (cf chapitre 7).
Préférences face au risque et à l'avenir : vers une typologie des épargnants 247

2. LES SCORES DE PRÉFÉRENCE ET LEURS EFFETS SUR LE PATRIMOINE


Pour mesurer les préférences individuelles à l'égard du risque et du temps, nous avons
construit un questionnaire méthodologique "Comportements face au risque et à 1'avenir" (85
questions) qui a été posé, lors d'une seconde interview, à 1135 individus volontaires, tirés de
l'échantillon de l'enquête Insee "Patrimoine 1998" (cf annexe A).

2.1. Principe de la méthode: l'élaboration de "scores" synthétiques


Ce questionnaire couvre un large éventail des domaines de l'existence (consommation,
loisir, santé, loteries financières, travail, retraite, famille). Pour chacun, il contient des
questions de différente nature (de comportement, d'opinion ou d'intention, de réactions à des
loteries ou à des scénarios fictifs ... ). À la fin, il propose à l'enquêté de se positionner lui-
même sur des échelles graduées de 0 à 10, selon la perception qu'il a de son attitude à l'égard
du risque (entre "prudent" et "aventureux"), de sa préférence pour le présent (entre "vit au jour
le jour" et "préoccupé par l'avenir"), ou de son impatience (entre "impatient" et "posé").

Pour chaque préférence que l'on cherche à mesurer - y, D, impatience à court terme ({3),
degré d'altruisme familial ( 8), et non familial -, nous avons retenu a priori un certain nombre
de questions ; certaines d'entre elles, de nature polysémique, ont été affectées à deux
indicateurs à la fois, notamment y et {J (le futur est à la fois incertain et éloigné du présent).

Donnons quelques exemples. En matière d'attitude à l'égard du risque, on trouve aussi


bien des cas anecdotiques, du genre : "prenez-vous un parapluie lorsque la météo est
incertaine", "garez-vous votre véhicule en état d'infraction", que des choix de loteries, des
pratiques de consommation: "avez-vous réduit ou modifié votre consommation suite aux
problèmes de la "vache folle" ?" (l'enquête date de 1997-1998), ou encore des opinions :
"êtes-vous d'accord avec l'affirmation que le "mariage est une assurance" ?" ou bien : "êtes-
vous sensible aux débats de santé contemporains (sida, sang contaminé ... )". Une question de
référence pour identifier {J est : "suite à une charge de travail inopinée, votre employeur vous
demande de reporter d'un an une semaine de vacances quitte à vous attribuer x jours
supplémentaires de congé ... ". Quant aux items "pensez-vous que cela vaut la peine, pour
gagner quelques années de vie, de se priver de ce qui constitue pour soi les plaisirs de
l'existence," et "pour éviter des problèmes de santé, surveillez-vous votre poids ou votre
alimentation, faites-vous du sport ... ", ils ont été affectées à la fois à y et à tJ.

L'interprétation des réponses apportées à ce genre de questions pose problème en raison


notamment des effets de contexte et de facteurs non pertinents (un individu amoureux du
risque peut, par civisme, ne jamais se garer en zone interdite). L'idée sous-jacente est que
seule la moyenne des réponses aurait un sens, pourvu qu'elle soit suffisamment représentative.
La méthode statistique consiste alors à coder chaque question- nous l'avons fait en général en
248 Inégalités patrimoniales et choix individuels

trois modalités (ainsi pour D: -1 : imprévoyant ; 0 position moyenne ; + 1 : prévoyant) -, puis


à sommer les "notes" obtenues par l'individu ; son score est enfin la somme des notes réduite
aux seuls items qui se sont révélés, ex post, former un tout statistiquement cohérent (selon le
critère de l'alpha de Cronbach qui élimine les questions les moins contributives). Les scores
sont donc des mesures synthétiques, qualitatives et ordinales, supposés représentatifs des
réponses fournies par l'enquêté à un ensemble de questions diverses (cf chapitres 5 et 8) 1•

Qui est quoi en matière de préférence ? Les résultats vont en général dans le sens attendu
(cf chapitre 6 et 9). S'agissant de l'attitude vis-à-vis du risque, les hommes sont plus
aventureux que les femmes, les jeunes que leurs aînés. Par ailleurs, on voit à plus long terme
(faible préférence temporelle) lorsqu'on est âgé, diplômé, en couple et que l'on a des enfants ;
et la prévoyance semble également se transmettre par la mère du répondant. On est plus
altruiste si l'on est diplômé. Mais rien ne distingue les impatients. Une seule "surprise" : les
hommes ne sont pas plus imprévoyants ou plus égoïstes (au plan familial) que les femmes et
cela même lorsque l'on restreint l'échantillon aux individus en couple avec enfants ... 2•

2.2. Les scores, facteurs explicatifs des comportements patrimoniaux ?

Les scores de préférence ont sur les montants de patrimoine financier, brut ou net (hors le
capital restant dû) des effets significatifs et conformes aux prédictions (cf chapitre l i t Être
plus prudent ou plus prévoyant augmente le montant de la richesse (financière ou globale).
L'altruisme familial va aussi de pair avec une fortune plus élevée. Le patrimoine des ménages
apparaît donc bien sous sa dimension plurielle : réserve de précaution, épargne pour les vieux
jours et transmission pour les siens. Par contre, on observe que le degré d'impatience,
indicateur composite de réactions à court terme, n'a pas d'effet sur le niveau de

1
Pour juger de la robustesse des scores, nous les avons comparés à des analyses en composantes principales (cf
chapitre 5). Ces ACP montrent que les questions retenues présentent bien une composante commune, souvent
bi-dimensionnelle. Le score de risque se projette ainsi sur la bissectrice des deux premiers axes, le premier
correspondant à des choix courants ou relatifs à l'entrée en vie économique (mariage, profession), le second à
des risques vitaux ou de long terme (santé, retraite). L'échelle de risque a une signification plus pauvre: elle se
projette plus proche du centre et uniquement sur le premier axe.
2
Il existe des confirmations indirectes des effets de l'âge et du genre que nous avons obtenus. Sur la moitié des
enquêtés qui estiment avoir changé de préférence, une écrasante majorité pensent être devenus plus prudents
et/ou plus prévoyants. Et lorsque l'on interroge l'enquêté sur les préférences de son conjoint par rapport aux
siennes, hommes et femmes s'accordent très largement pour considérer la femme plus prudente, mais chacun
voit plutôt son conjoint comme plus prévoyant! L'effet du genre sur la prévoyance est donc ambigu !
1
· Les échelles (risque, préférence temporelle, impatience) expliquent beaucoup moins bien l'accumulation
patrimoniale: seule celle de préférence temporelle a un effet significatif (cf chapitre 11). Prise isolément,
chaque question n'a guère de pouvoir explicatif. C'est le cas des choix de loteries censés révéler l'aversion
relative pour le risque. Pour la préférence temporelle, une seule question, soit le fait d'avoir des projets à long
terme (sur 10, 20, 30 ans ou plus) augmente significativement le montant de la richesse mais pourrait souffrir
de biais d'endogénéité (cf chapitre 11). Ces résultats justifient a posteriori notre méthode lourde de
construction de scores synthétiques.
Préférences face au risque et à l'avenir: vers une typologie des épargnants 249

l'accumulation, et qu'il en va de même pour l'altruisme "non familial" (protection de


l'environnement, sauvegarde de la planète, etc.).

Le gain explicatif obtenu avec les scores de préférence peut paraître modeste : du fait de
l'extrême concentration des fortunes, l'hétérogénéité non observée n'est pas fortement réduite.
Reste que, quantitativement, les effets de ces variables subjectives sont loin d'être
négligeables, notamment pour la préférence temporelle : entre individus "extrêmes" (i.e. entre
le plus "myope" et le plus prévoyant de l'échantillon), les écarts de patrimoine estimés vont
ainsi de 1 à 4 (cf chapitre 11, graphique 11.1 ). Et une décomposition des inégalités de
patrimoine à l'aide de l'indicateur de Theil montre que les paramètres de goûts pertinents (y, t5
et altruisme familial) ont un pouvoir explicatif supérieur à des variables comme l'origine
sociale, le diplôme, le type de ménage, la taille d'agglomération, la présence de contraintes de
liquidité ; seuls les facteurs explicatifs de référence (âge, revenu, CSP, héritage) font mieux
(cf chapitre Il, tableau 11.1).

Certes, toutes ces corrélations ne préjugent pas du sens de la causalité et auraient peu
d'intérêt si elles signifiaient, à l'inverse. qu'une personne plus riche prend davantage de
risques, ou encore qu'elle déprécie moins le futur (cf Becker et Mulligan. 1997). Les tests
d'endogénéité des scores par la méthode des variables instrumentales (utilisant notamment les
caractéristiques des parents de l'enquêté montrent cependant que les trois scores pertinents
dans les équations de patrimoine (y, t5 et altruisme familial) peuvent être considérés
simultanément comme exogènes. Ce résultat ne surprendra pas. Les scores sont en effet
construits comme la somme de nombreux items dont la plupart- tels "prendre son parapluie
lorsque la météo est incertaine" ou "le désir de renoncer aux plaisirs de l'existence pour
gagner quelques années- peuvent considérés comme autant d'instruments naturels ...

On peut enfin répondre à une question laissée en suspens : comme le laisse entendre la
langue commune, "prudent" (y élevée) rime-t-il avec "prévoyant" (b faible)? C'est plutôt le
cas, puisque la corrélation entre y et t5 vaut - 0,34. Cette relation entre les deux scores peut
être visualisée sur le tableau 11.4 du chapitre précédent. Parmi les individus les moins
"prudents", 45% ont une préférence pour le présent forte alors que seule une minorité de 4%
est dotée d'une préférence pour le présent faible (i. e. aventureux et prévoyants).
Symétriquement, parmi les individus les plus prudents, 47% sont également prévoyants alors
que seulement 6% ont une forte préférence pour le présent forte (i. e. prudents mais vivant au
jour le jour).

Par ailleurs, être prévoyant incite clairement à l'altruisme familial : la corrélation entre b
et 0 vaut- 0,38. L'altruisme familial est effectivement le signe d'un horizon temporel long,
même s'il doit être clairement distingué de la préférence temporelle (en revanche, la proximité
250 Inégalités patrimoniales et choix individuels

entre les deux indicateurs d'altruisme, familial ou non, est inférieure à 0,20: on peut être
altruiste pour les siens sans l'être trop pour les autres).

Les régressions de patrimoine livrent un dernier message qui va nous occuper


maintenant: l'introduction de scores "croisés" risque* temps (y* D) permet de mieux
expliquer les disparités de patrimoine : un individu à la fois prudent et prévoyant accumule
sensiblement plus de richesse qu'un autre, aventureux et "myope", le rapport entre les
montants de patrimoine estimés pour les valeurs extrêmes étant de l'ordre de 1 à 10 ... 1•

3. CROISER LES PRÉFÉRENCES FACE AU RISQUE ET AU TEMPS

Outre qu'elle limite l'action des préférences à deux paramètres- Y; (aversion relative pour
le risque) et D; -, la théorie standard de l'épargnant délivre un second message, peu souligné :
les comportements patrimoniaux vont dépendre essentiellement de l'interaction entre les deux
paramètres indépendants, soit du couple (y;, ();). Si chaque préférence, prise isolément,
renseigne insuffisamment sur les choix de l'agent, les modèles définissent différents régimes
d'accumulation selon les valeurs prises par le couple de préférences face au risque et au
temps, ce qui permet d'identifier autant de types d'épargnants.

Parce qu'elle attribue encore un rôle pivot aux paramètres Y; et D;, redéfinis de manière
appropriée, notre approche non standard conserve l'essentiel du message précédent, qu'elle
peut compliquer ou raffiner: en plus du couple (y;, D;), elle introduira, si besoin est, l'action
différentielle du degré d'incohérence temporelle, {3;, ou encore du degré d'altruisme familial 8;.
Une digression mythologique permet d'être plus explicite.

3.1. Une illustration: Ulysse et Achille ou l'hétérogénéité des "risquophiles"


Les deux héros d'Homère les plus célébrés fournissent une illustration convaincante de la
nécessité de se référer au triplet (y;, D;, {3;), où {3renvoie ici à l'absence de "self-control".

Pour rendre compte des agissements d'Ulysse face au sirènes, il faut, en effet, caractériser
ce dernier à la fois comme "risquophile" ou peu averse au risque (y faible, voire négative),
prévoyant (()faible), et "impatient"- soumis à des passions peu contrôlables ({3> 0). Un
individu prudent (y élevé), évitant de jouer avec le feu, aurait tenté d'éviter le détroit de
Messine ou se serait mis, comme ses marins, de la cire dans les oreilles; un autre plus posé,
i. e. parfaitement maître de ses passions ({3 = 0), n'aurait pas eu besoin de se faire attacher au
mât; un troisième, "myope" ou insouciant(() élevé), aurait à chaque fois agi en fonction de

1 Pour ne pas multiplier les types d'épargnants selon leurs préférences à l'égard du risque et du temps, on n'a pas
tenu compte dans l'analyse empirique du score d'altruisme familial, qui est bien corrélé avec la préférence
temporelle (0,38) et moins avec l'attitude à l'égard du risque (0,14: les altruistes sont un peu plus prudents).
Préférences face au risque et à l'avenir: vers une typologie des épargnants 251

ses préférences du moment et se serait donc noyé. Le "sage" Ulysse évite cette fin funeste
précisément parce qu'il est prévoyant et conscient de son incohérence temporelle, ce qui le
conduit à adopter une stratégie de pré-engagement 1 •

Le "bouillant" Achille est lui aussi amoureux du risque (y faible ou négative) et impulsif
({3 > 0). Mais il choisira une vie courte et glorieuse (plutôt que longue et monotone) en raison,
contrairement à Ulysse, d'une forte préférence pour le présent ( b élevé).

Les Stoïciens ont opposé Achille, homme violent et impulsif en quête de bravoure, à
Ulysse, le sage par excellence, homme avisé qui sait maîtriser ses passions (i.e. "prudent", au
sens grec). La préférence temporelle introduit un autre clivage, tout aussi pertinent: après
tout, Achille est mort jeune (c'était son destin), alors qu'Ulysse est censé vivre jusqu'à un âge
avancé dans la plupart des traditions.

Dans un contexte certes différent, nous qualifierons de têtes brûlées les caractères proches
d'Achille: une interprétation négative extrême verra en eux des inconscients qui prennent des
risques inconsidérés et deviennent plus souvent que d'autres des marginaux, des rebelles ou
des criminels ; mais on peut aussi être sensible à leur panache ou à leur détachement. Les
Ulysse seront, eux, les entreprenants (y faible, b faible, f3 ~ 0) : aventureux mais responsables
et prévoyants, ils parviennent à réguler leurs passions.

Cette opposition entre deux catégories hétérogènes d'individus peu averses au risque offre
aussi un point de vue intéressant sur une controverse récente, initiée par Ewald et Kessler
(2000) dans la revue Le Débat: plutôt qu'entre riches et pauvres, la société se divise-t-elle en
"risquophiles" et "risquophobes", clivage qui recouperait largement, selon ces auteurs,
l'opposition entre entrepreneurs et rentiers, voire entre "courageux" et "frileux" ?

Les critiques n'ont pas manqué de souligner le caractère composite de la catégorie des
risquophiles, qui regroupe aussi bien l'explorateur ou l'entrepreneur à la Schumpeter que des
individus beaucoup plus instables ou moins recommandables (Castel, 2003). Sans juger au
fond, l'introduction d'une seconde dimension, liée à la préférence temporelle, permet de
clarifier le débat : lorsqu'ils vantent les risquophiles, Ewald et Kessler ont implicitement en
tête les seuls "entreprenants", responsables et prévoyants, pas les "têtes brûlées" (même si
l'insouciance a aussi ses vertus ... ) ; de même, les risquophobes qu'ils assimilent à des

1
Cette stratégie de pré-engagement a quand même deux inconvénients majeurs : elle requiert l'intervention d'un
tiers bienveillant- les marins obéissants-, et elle a un coût en ce qu'elle met le moi futur sous tutelle : Ulysse
au pied du mât se lamente de ne pouvoir rejoindre les sirènes (cf Masson, 1995 et annexe 8).
252 Inégalités patrimoniales et choix individuels

"frileux" sont tous, pour eux, des irresponsables sans projet. .. Or il existe aussi des individus
prudents et prévoyants, que nous qualifierons de "Bons pères de famille"'.

3.2. Régimes d'accumulation patrimoniale selon les préférences

Au sein même de la théorie standard de l'épargnant, un balayage effectué sur les valeurs
de l'aversion à l'égard du risque y et du taux de dépréciation du futur ô permet déjà de
distinguer quatre modèles d'accumulation patrimoniale qui recoupent la typologie que nous
venons d'esquisser. Certains de ces modèles sont bien connus et conduisent à des prédictions
précises, rappelées dans le paragraphe suivant; d'autres n'existent encore qu'à l'état d'ébauche
dans la littérature économique, et il nous faudra alors davantage extrapoler ou innover. ..

1) L'agent "représentatif" de l'hypothèse du cycle de vie, qui suit à peu près le profil du
patrimoine moyen selon l'âge observé dans les enquêtes- en forme de dos d'âne- correspond
à un calibrage des modèles où l'on retient une aversion au risque élevée (y= 3 à4) et un faible
taux de dépréciation du futur ô ( 1 à 3 %), inférieur au taux d'intérêt réel. L'épargne sert pour la
retraite et la précaution à long terme (cf Modigliani, 1986). La catégorie d'épargnants qui
correspond à ce régime d'accumulation sera appelée celle des Bons pères de famille.

2) Si, pour un même y élevé, on augmente fortement le taux de dépréciation du futur


(ô>> r), on obtient un régime d'accumulation totalement différent, dit de buffer-stock (fonds
de contingence). Les agents voudraient emprunter sur leurs ressources futures si ces dernières
étaient certaines (et ce d'autant plus qu'elles augmentent avec l'âge), mais leur prudence les
empêche de le faire dès que ces dernières sont aléatoires. Ils vont donc chercher un
compromis entre leur prudence, qui incite à accumuler des réserves en cas d'imprévu, et leur
forte préférence pour le présent qui les pousse à consommer beaucoup tout de suite.

Le patrimoine relativement modeste de ces Cigales prudentes ne fournit qu'un "matelas"


(buffer) à moyen terme contre les chutes inopinées de leur revenu d'activité. Les simulations
numériques montrent qu'il présente un profil très irrégulier (fonction des propriétés
stochastiques du revenu) ; si l'individu est contraint par la liquidité (Deaton, 1992), le
patrimoine va occasionnellement s'annuler ; s'il existe une probabilité p (> 0) que son revenu
s'annule, l'agent s'impose de lui-même (avec y> 1) un patrimoine positif (Caroll, 2001).
Lorsque le patrimoine est déjà faible, la consommation va plonger en cas de malchance
professionnelle répétée, mais l'agent est bien conscient de ce danger puisque ses choix sont
temporellement cohérents: aussi, son comportement peut-il être qualifié d'auto-destructeur.

1
La dénomination ne se veut en rien péjorative : elle renvoie à une définition juridique, utilisée dans le cas
d'administration de biens sous tutelle ou en usufruit, qui doit privilégier une gestion prudente et à long terme.
Préférences face au risque et à l'avenir : vers une typologie des épargnants 253

3) Ce penchant auto-destructeur sera beaucoup plus élevé pour des individus qui n'ont pas
la même prudence que les précédents ( b >> r; y< 1). Ces Têtes brûlées, aventureuses et peu
préoccupées par l'avenir, sont les meilleurs candidats pour les pratiques à risque inconsidérées
en matière d'investissement ou d'emprune.

4) La dernière catégorie regroupe les sujets qui voient loin et n'ont pas peur du risque, soit
les Entreprenants ( b < r ; y< 1). Leurs comportements patrimoniaux sont plus difficiles à
caractériser car ils échappent le plus aux modèles standard du cycle de vie, relevant davantage
d'une logique d'entrepreneur, avec une interaction entre investissements professionnels et
patrimoine domestique (cf Shorrocks, 1988; Hurst et Lusardi, 2004). Une figure typique
d'entreprenant sera en effet l'individu "tempérant" qui concentre les prises de risque dans le
cadre d'une activité (rémunérée) privilégiée mais s'expose peu, par ailleurs, dans les autres
domaines de la vie, pour préserver le bon exercice de cette passion. Ses choix patrimoniaux
dépendront alors du type d'activité choisie et des conditions de sa pratique2•

Dérivée dans un cadre standard, cette typologie mérite d'être approfondie en introduisant,
notamment, les deux autres préférences à l'égard du temps, f3 et 8. Il est ainsi probable que
nombre de "têtes brûlées" manifestent un fort degré d'impatience à court terme ({3; > 0),
incohérence temporelle qui expliquerait leur manque chronique d'argent, les défauts répétés
de paiement, etc. Chez les sujets plus prévoyants ("Bons pères de famille"), voire plus
prudents ("Cigales prudentes"), cette même impatience justifierait par ailleurs l'attrait pour
l'épargne contractuelle, qui permet de se pré-engager.

L'altruisme familial ( 8; > 0) ne permettrait pas seulement de rendre compte des fortunes
importantes par l'existence d'un motif de transmission : ainsi, "l'Entreprenant" généreux aura-
t-il à cœur de protéger sa famille des risque associés à son activité, en couvrant les siens par
une assurance décès temporaire, de meilleur rendement s'il compte s'arrêter assez tôt, comme
dans le cas d'un sport risqué dont il fait profession.

1
Dans un autre contexte théorique, les têtes brûlées sont les agents les plus sujets à "l'addiction rationnelle" ((f
Becker et Murphy, 1988). Celle-ci suppose non seulement un taux de dépréciation du futur élevé, mais aussi,
une faible aversion pour le risque: l'incertain porte sur le "seuil de tolérance avant l'addiction", variable d'un
individu à l'autre et inconnu de l'intéressé au départ (cf Orphanides et Zervos, 1995).
2
Selon les circonstances, un alpiniste professionnel, par exemple, se livrera à des investissements patrimoniaux
risqués pour pouvoir financer ses expéditions, ou adoptera au contraire une gestion sage de ses biens s'il peut
compter sur un mécène dévoué.
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mobilières) 2 retraite 2
'0
~
(+) (+)
§'
"Bon père de famille" + + ? + + + 0

=
:.'1
=
.,.
"Tête brûlée" - - (+) (+) "'S"
=
ii'
~ ~
n:,,
~
"Entreprenant" ? ? 1 + (+) ? + (-) ? (+) Q.. ~
.,.~
'0 ~:
Dl
aa "'""g
Dl
=
"Cigale prudente" (-) (-) (+) (-) ? ~
a §'
§
lS'
~
"Marais"
""~
Notes: 1. Les effets attendus sont à patrimoine donné
g_
~

2. Les effets attendus sont à patrimoine financier donné
[

~
('1)
c:;;-
Préférences face au risque et à l'avenir: ~·ers une typologie des épargnants 255

3.3. Typologie provisoire en cinq groupes d'épargnants

Pour les applications empiriques, on se contentera d'une typologie des épargnants fondée
sur le couple (y, b) : 1) les "Bons pères de famille" ; 2) les "Entreprenants" ; 3) les "Têtes
brûlées" ; 4) les "Cigales prudentes". Les groupes 2 et 4 s'opposent à la langue commune
(prudent= prévoyant) : les "Entreprenants" sont prévoyants et audacieux ; et "Cigale
prudente" représente clairement un oxymore.

On ajoutera une dernière catégorie: 5) le "Marais" (y et b "moyens"), afin d'obtenir, au


plan statistique, un clivage des comportements patrimoniaux plus discriminant. Comme les
scores sont des mesures ordinales, la détermination des groupes n'est que relative -les "Bons
pères de famille" sont plus prudents et plus prévoyants que les autres - et le "Marais" servira
en même temps de référence pour juger des effets comparés de l'appartenance à telle ou telle
catégorie d'épargnants sur le montant ou la composition du patrimoine.

Les comportements distinctifs prédits pour chaque type d'épargnant -relativement aux
membres du marais - peuvent être alors caractérisés, très sommairement, comme suit.

1) Les bons pères de familles (y élevée, D faible). Le patrimoine, relativement élevé,


constitue d'abord une réserve de consommation différée pour les vieux jours, mais sert en
même temps pour la précaution contre le risque de revenu ou une durée de vie aléatoire (legs
accidentels) :son profil selon l'âge est en forme de U inversé, avec un maximum à la veille de
la retraite et une décroissance ensuite, ralentie par l'épargne de précaution. L'accession à la
propriété est un moment essentiel de la phase d'accumulation, avant l'épargne pour la retraite,
sous forme d'assurances viagères (ou de fonds de pension). L'épargne contractuelle (épargne
logement ou assurance), même à rendement modéré, permet en outre de s'auto-discipliner
pour un temps, sur un terme limité. La détention d'actions- actifs risqués à court terme, mais
à rendement élevé et assez sûr sur le très long terme- est plus difficile à prédire.

2) Les entreprenants (y faible, ô faible). Leur prise de risque est souvent concentrée dans
une activité à rendement potentiel élevé : création d'entreprise, investissements spéculatifs,
métiers dangereux, sports extrêmes ... Pour certains types d'activité, il y aura prépondérance
d'actifs professionnels et de placements risqués, pour d'autres non. Le profil d'accumulation
selon l'âge sera moins régulier, éventuellement toujours croissant. Une exposition au risque
(revenu, santé, patrimoine) importante peut conduire un "entreprenant", s'il est altruiste, à
acquérir une assurance décès (au besoin temporaire) pour la famille.

3) Les têtes brûlées (y faible, b élevé). Peu d'épargne de cycle de vie, peu d'épargne de
précaution (certains ne détiennent quasiment rien en permanence). Le patrimoine est faible
mais composé aussi bien d'actions et d'autres actifs risqués (mais pas de produits pour la
256 Inégalités patrimoniales et choix individuels

retraite ou d'épargne contractuelle). Ces agents peuvent prendre des risques dans de multiples
domaines (métier, santé, sport, famille, mais aussi entreprise), parfois inconsidérés. Les plus
impatients à court terme seront sujets au manque chronique d'argent, aux défauts de paiement
ou de remboursement d'emprunt, au surendettement, etc.

4) Les cigales prudentes (y élevé, Délevé). Elles visent seulement à constituer un montant
minimal d'encaisses de précaution qui présente des oscillations très irrégulières (au point de
parfois s'annuler) autour d'une valeur "cible", constituant un nombre donné de mois ou
d'années de revenu moyen ou permanent. Ce patrimoine (hors logement éventuel) est le plus
souvent limité aux encaisses de précaution liquides ou quasi-liquides et peu risquées,
mobilisables à tout moment : peu d'actifs retraite, pas d'assurance décès ni d'actions. À défaut,
l'épargne assurance (sur un horizon limité) pourrait intéresser les agents désireux de s'appuyer
sur son caractère contractuel pour lutter contre leur imprévoyance ou impatience.

Le tableau 12.1 reporte les effets relatifs prédits, ceteris paribus, de l'appartenance à
chaque catégorie sur le montant du patrimoine et les demandes d'actifs. Des parenthèses
indiquent que l'effet indiqué est présumé moins fort, en valeur absolue, que pour d'autres
groupes. Les points d'interrogation révèlent l'existence de plusieurs effets opposés, ou plus
simplement notre ignorance ... ou celle de la théorie microéconomique actuelle. Le tableau est
statique : il ne dit rien sur les transitions d'un groupe à l'autre au cours du cycle de vie, surtout
de "Tête brûlée" à "Cigales prudentes" ou "Bons pères de famille", puisque les enquêtés eux-
mêmes ont tendance à se voir plus prudents et/ou plus prévoyants que naguère ... 1

4. TYPES D'ÉPARGNANTS : PREMIERS TESTS EMPIRIQUES

L'analyse empirique comprend trois étapes : elle indique comment s'est faite la répartition
de la population enquêtée entre les cinq groupes, puis dessine le portrait-robot de chaque type
d'agent, et présente enfin les tests des effets prédits, recensés au tableau 12.2.

4.1. La délimitation des 5 groupes d'épargnants

Le graphique 12.1 visualise les délimitations adoptées, obtenues à partir de découpages en


quartiles ou en tiers des deux scores, D(en abscisse) et y (en ordonnée), en tenant compte de la
faiblesse des effectifs "d'entreprenants" et de "cigales prudentes" (cf. tableau 12.1 ). La
partition est relative: aussi a-t-on redessiné les frontières, tant pour maximiser la distance

1 Caroll (2001) invoque une autre trajectoire type où les épargnants passent du statut de "Cigales prudentes"
(buffer-stock) à celui de "Bons pères de famille" préparant leur retraite (hump saving) : elle n'est pas confirmée
par nos données.
Préférences face au risque et à L'avenir : vers une typologie des épargnants 257

statistique entre les groupes, que pour mieux identifier les effets de l'appartenance à chaque
groupe sur les comportements patrimoniaux- ce qui explique un dessin un peu "biscornu".

Pour les "entreprenants", par exemple, nous avons déjà retenu les individus ayant un score
de préférence temporelle ô inférieure à la médiane (Me) et un score de risque y inférieur au
premier quartile (Ql'); nous avons ajouté ceux appartenant au premier quartile de ô (Ql) et
ceux se situant entre le premier quartile (Ql ') et le 33e percentile (P33 ') de y. Finalement, 7 %
des individus correspondent à cette définition.
Graphique 12. 1
Distribution des différents types d'épargnant

Forte
2èmetiers
01 P33 Me P66 03
-13 -6 -5 -4 -3 -2 14
-21 Ja••m~•••••~tm~~m~B••••
2-Têtes brûlées (27%)
3-Entreprenants (7%)

01'

P33' 2

5-Marais (18%)
f

:::=
CD
E Me'
'E
0
.QI
C'l

~
..= P66' 1- Bons pères de
;:::~ famille(33%)
~
..=
0
c.

yj =
0
-~
~
.a
t:
~
Lecture: Les "Bons pères de famille" concernent Les ménages qui obtiennent un score d'attitude vis-à-vis du
risque supérieur à 2 (premier tiers approché de La distribution : P33') er un score de préférence temporelle
inférieur à -5 (premier tiers approché de La distribution : P33) mais aussi parmi ceux appartenant au tiers
Les plus risquophobes P66' (score supérieur à 7) et ceux dont la préférence temporelle est inférieure à la
médiane Me (score inf érieur à -4). D'autres découpages fo nt intervenir les quartiles approchés (notés QI . QI '
et Q3).
Source : enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta

Pour les autres catégories, le découpage de l'échantillon aboutit à un tiers de "Bons pères
de famille", 28 % de "Têtes brûlées ", et 15 % de "Cigales prudentes". Le "Marais" , catégorie
de référence, comprend 17 % d'individus.
258 Inégalités patrimoniales et choix individuels

4.2. Qui appartient à quelle catégorie d'épargnant?

Estimées par un modèle Logit multinomial (MNL), les probabilités d'appartenance aux
cinq catégories d'épargnants figurent au tableau 12.2 (chaque ligne somme à l'unité).

Ainsi, un répondant de 30 ans ou moins a 42,3 de chances sur cent d'être une "Tête
brûlée", 20,7% de chances d'être dans le "Marais", 16,5% d'être un "Bon père de famille",
12,6% d'être une "Cigale prudente", et enfin 7,8% d'être un "Entreprenant". Sachant qu'une
répartition indifférenciée selon les caractéristiques observables conduirait à des probabilités
constantes dans chaque colonne du tableau 12.2, égales à la probabilité moyenne, on peut
inférer des résultats "qui est quoi" (les variables sont toutes significatives, au moins à 5 %).

On trouve quatre fois plus de "jeunes" (moins de 30 ans) que de "vieux" (65 ans et plus)
chez les "Têtes brûlées", et deux fois plus chez les "Entreprenants", alors qu'ils sont 3,5 fois
moins nombreux chez les "Bons pères de famille". Cet effet suggère une dynamique
d'évolution que corroborent les déclarations subjectives des enquêtés (cf supra) : de "Tête
brûlée", on peut devenir "Entreprenant" ou "Bon père de famille" lorsqu'on avance en âge.
D'autres effets sont particulièrement discriminants, tel celui du genre: les femmes sont
beaucoup moins nombreuses parmi les "Têtes brûlées" (1,4 fois) et les "Entreprenants" (près
de 2 fois moins).

Typiquement, les "Bons pères de famille" sont des femmes en couple, plutôt âgées, avec
enfants, appartenant au secteur public ; les "Têtes brûlées" sont des hommes jeunes, seuls,
cadres ou indépendants, travaillant dans le secteur privé ; "les "Entreprenants" sont également
des hommes assez jeunes, cadres ou indépendants du privé, mais plus diplômés et plus
souvent avec des enfants ; plutôt des femmes, les "Cigales prudentes" sont, elles, peu
diplômées et souvent seules.

4.3. Quels effets des préférences sur le montant et la composition du patrimoine ?

Le tableau 12.3 résume les effets du type d'épargnant, à autres caractéristiques données,
sur les montants de patrimoine financier, brut et net, estimés par les moindres carrés
ordinaires. Les valeurs obtenues pour le répondant "moyen" (ayant les caractéristiques
moyennes de l'échantillon) ont été normalisées à lOO. La significativité des effets (à 10 %,
5% ou 1 %) est appréciée par rapport au "marais", pris comme catégorie de référence'.

1
Les variables explicatives dans les régressions de patrimoine comprennent l'âge, le niveau social et le diplôme
de la personne de référence; le revenu d'activité, la situation matrimoniale, le nombre d'enfants, les transferts
intergénérationnels reçus, l'existence de contrainte de liquidité et le lieu de résidence du ménage.
Préférences face au risque et à l'm·enir: vers une typologie des épargnants 259

-----
Tableau 12.2
Probabilité d'appartenir aux différents types d'épargnant

=~~-1
~-

"Bon père de "Cigale "Marais"


"Tête brûlée" "Entreprenant"
famille" prudente"
Caractéristiques du répondant

Age
30ans 0.165 0,423 0.078 0.126 0,207

65 ans 0.582 0,113 0.035 0.158 0,112

Catégorie sociale
Agriculteur. ouvrier ou emplové 0,356 0,222 0.043 0,182 0,197

Indépendant 0,294 0.333 0.096 0.127 0,149

Cadre ou profession intermédiaire 0,285 0,333 0,091 0.128 0,162

Sexe
Homme 0,296 0,326 0,084 0,139 0,155

Femme 0.348 0.226 0.048 0,176 0,202

Niveau de diplôme
<Baccalauréat 0,280 0,282 0,057 0,204 0,177

Baccalauréat 0,445 0,263 0,060 0,099 0,133

>Baccalauréat 0,350 0,243 0.075 0,120 0,211

Situation familiale
En couple 0.365 0,246 0,061 0.139 0,189

Seul 0,264 0.314 0.066 0,194 0,163

Nombre d'enfants
Pas d'enfant 0.284 0.322 0,053 0.141 0,200
1

3 enfants 0,357 0.236 0,071 0,172 0,165

Secteur d'activité
Privé 0.295 0,286 0.076 0.162 0,182

Fonction publique 0.413 0.230 0.038 0,148 0.171

Probabilité moyenne 0,326 0,272 0,063 0,159 0,181

Ré partition de la pop ulation 1 0331 0,279 0065 0,156 0168

Note: Les elfèts des caractéristiques individuelles sur le type d'épargnant sont estimés IoUle.\ choses éxales par ailleurs à partir d'un
modèle loxit multinomial (."v!NL). Les variables uxe. !l'venu d'actit·ité et nombre d'enfants étaienT introduites en continu. Parmi les
variables explicatives. seul le revenu d'activité du ménaxe n'apparaissait pas comme une mriable .1ignificarive.

Lecture : Un ménage dont/a personne de réji}rence est uxé de 30 ans a une probabilité de /6.5% d'être un "Bon pèfl' de(amille ". -12.3%
d'étfl' une "Tête brûlé". 7.8% un "Entll.'pre!wnt" et de 12.6% d'étfl' une "Cïxale pmdente"

Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta


260 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Deux types d'épargnant possèdent moins de patrimoine (financier, brut ou net) que les
autres catégories : les "Têtes brûlées" et les "Cigales prudentes" ; les autres différences ne
sont jamais significatives. Par rapport aux "Bons pères de famille", les "Têtes brûlées"
détiennent un patrimoine financier de 40% inférieur, et à peine la moitié de leur patrimoine
brut; le constat est du même ordre pour les "cigales prudentes".
Tableau 12.3
Attitudes vis-à-vis du risque et du temps et accumulation patrimoniale

Patrimoine
Types d'épargnant Patrimoine brut Patrimoine net
financier

"Bon père de famille" 127** 130* 120


"Tête brûlée" 76** 66*** 73***

"Entreprenant" 85 93 94

"Cigale prudente" 76** 69*** 68***

"Marais" (Ref.) 103 106 112

Moyenne 100 100 100


Note : *** : Coefficients significatifs au seuil de 1 c1e ; ** : Coefficients significatif~ au seuil de 5 c1e : * :
Coefficients significatif\· au seuil de JOCk. Les effets du type d'épargnant sont estimés toutes choses égales
par ailleurs.
Lecture :Le ménage moyen de l'échantillon possède un patrimoine moyen normé à /00. Les "Têtes brûlées"
détiennent 32% de moins de patrimoine financier par rapport aux gens du "Marais" qui constituent la
catégorie de référence. Cette d!ff'érence est statistiquement significative pour un risque d'erreur de 1 ck.
Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta

Le tableau 12.4 recense les effets propres du type d'épargnant sur les probabilités de
détention d'un certain nombre de placements, estimées par des modèles Probit 1• Au sein du
patrimoine financier, nous avons retenu les valeurs mobilières, les produits d'assurance-vie et
de retraite et l'épargne logement; parmi les actifs réels, la résidence principale et des actifs
professionnels 2 • Les demandes d'actifs (hors assurance décès et RCV) ont également été
analysées à partir de modèles Tobit qui estiment simultanément les effets des variables sur la
détention et le montant détenu : les résultats obtenus vont qualitativement dans le même sens
que ceux des modèles dichotomiques, les effets étant même souvent plus significatifs.

1 Variables explicatives des modèles Probit: patrimoine (financier ou global), revenu lié à l'activité, âge,
diplôme, situation matrimoniale, nombre d'enfants, existence de contrainte de liquidité et lieu de résidence ;
pour le logement, le patrimoine du ménage n'a pas été retenu (causalité réciproque) ; pour les valeurs
mobilières, a été introduite l'information financière héritée des parents.
2 Retenir la détention du logement peut poser problème dans la mesure où, plus que tout autre actif, il peut être
hérité (et conservé)- ou acheté grâce à un héritage immobilier.
., ;' ..,'"tl
d r::r
i" 01>0 ~
r::1' c: ~'
§; N ;:
Ill• "'
~
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Actifs Q. "'"'
Assurances Ill• ~
Actions, Valeurs Vie ou Retraite vie ou Epargne Logement Professionnels ;- ~
Typologie Actions Sicav-Fcp Mobilières Décès mixte (R.c.v.) PER-PEP produits Logement principal (exploités ou ct.
=
~ l:l
"'
retraite non) ~
= ..,
t <::;·
.t::l
"Bon père de famille" 12,8 18,4 21,8 9,4 35,2 3,8 16,3 58,3 47,0 50,7 2,3 e: ~
~
;ji "'~
Ft
= !:l'
"Tête brûlée" 13,8 18,9 25,7 5,2* 29,9* 3,2 6,8** 50,6** 36,0*** 43,4* 4,3** Dl
n l:l-
ct.
~
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"Entreprenant" 14,0 17,3 23,4 6,0 28,3 7,1 ** 11,6 57,9 48,8 54,7 4,5** ~ ::;·
..
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"Cigale prudente" 6,5** 10,0** 14,5** 3,4** 24,1** 2,2 15,9 46,8** 34,8*** 48,8 1,5 ~
"'
~ ~
Q. ;:
~~~~

"Marais" (Ref.) 14,9 18,9 22,0 9,0 37,5 2,6 14,9 59,6 51,2 52,3 1,3 "'
~ ~c
Dl
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()Q
Probabilités moyennes 12,3 17,0 21,7 6,9 31,8 3,3 12,5 54,6 42,9 50,9 2,5 ~·
~
~
Pourcentage de détenteur 18,5 23,0 26,2 10,0 33,8 9,4 15,6 50,2 47,4 49,8 ll,1 "'
~'
l:l
Note.\: . I.e.\· prohahililé.,; de détenlùm Wlllllte\urée.\ toute.\ cho"it'\ t;xule' par ai/leur.\, twtmmnent à montant de patrimoine jitwncù•r donné pour le.\· w:lij'i .finander.\ t'l ù ptllrimoine glohalnel tlon né pour Je,· ac/if\·
pnJje.\.\Îfmne/.\.
~
;:
. Ù'\ effel.\' qualitatif\ .\ont du ml'me ordre .'iÎ l'on t•sti11u• ln· dt•numdt•.''i d'ac/If\ ù partir dt• modèles TtJhit. l:l
;:
: Coeffil'ienl\ üxnificatift Ull .\"ellil de /Ck 1:;'
** : C oeffident.\ .lignijicati{1 au seuil de Y A:
: Coeffident.l .lignijicatij1 mt seuil de Jl)<,r
U:cture: L• métulgt• moyc•n de l'édwnti/lon a um• prohahililé dt• 12.3 Ctf de détenir des action.\. Ù'.'i "Cigale.'i prudente.\·" ont um~ prohahilité de détenir de.\· action.'i cil' 6,5 f"k •.\oit 8,4 point.\" c/(' moili.\" tJUe le.\ enfant.\· du
"Marais" qui cmr.o;titw•ntla catégorù• de référence: celte différt'tKe e\·t.'ilatisqrœmelll .\·igll(ficaiÎl'(' pour un risque d'erreur d,, 5 Ck.

Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-De/ta

N
0\
262 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Les effets estimés concordent de près avec les prédictions du tableau 12.1. Les "cigales
prudentes" possèdent ainsi moins d'actions, de Sicav-Fcp et de valeurs mobilières que les
autres catégories - elles sont, au mieux, deux fois moins souvent actionnaires !

L'épargne-logement concerne nettement moins les "Têtes brûlées" et les "Cigales


prudentes". Il en va de même pour la détention globale de produits d'assurance vie et de
retraite (les "Cigales prudentes" en possèdent 13% de moins que le "Marais"). En
décomposant, on constate que l'écart s'explique d'abord par la moindre diffusion des contrats
d'assurance stricto sensu (décès, vie ou mixte) dans les deux catégories citées : celle de
l'assurance décès concerne 3,4% des "cigales prudentes" contre 9,4% des "Bons pères de
famille". Par contre, si les "Têtes brûlées" sont très réfractaires aux PER-PEP (6,8 %), les
"Cigales prudentes" ont bien, comme prévu, une probabilité de détention nettement supérieure
à la moyenne (15,9% contre 12,5 %) -c'est le seul actif (réel ou financier) pour lequel il en
est ainsi. Enfin, on observe que les retraites complémentaires volontaires (RCV) intéressent
surtout les "Entreprenants" ; en revanche, ces derniers n'apparaissent pas davantage détenteurs
d'assurance décès que les autres ménages ...

S'agissant des actifs réels, les "têtes brûlées" présentent bien le profil atypique prévu :
elles sont beaucoup moins fréquemment propriétaires que les autres épargnants (43,4 %
contre 52,3% pour le "Marais"), mais bien plus souvent détentrices d'actifs professionnels, à
l'égal ou presque des "Entreprenants" (4,3% vs. 1,3% pour le "marais")'.

5. BILAN ET PERSPECTIVES

En résumé, l'analyse économétrique des déterminants individuels du montant et de la


composition du patrimoine dans la France de 1998 confirme très largement, par l'importance
et la multiplicité des effets testés avec succès, le bien fondé de la typologie des épargnants
obtenue en croisant les deux paramètres de préférence, "attitude" à l'égard du risque et
préférence pour le présent.

Les "Têtes brûlées" et les "Cigales prudentes" détiennent sensiblement moins de


patrimoine que les autres catégories d'épargnants. Au niveau de la composition de la richesse,
les "Cigales prudentes" ont bien un comportement plus prudent et plus imprévoyant (peu
d'actifs risqués et moins d'assurances vie) que les autres ménages, mais sont demandeuses, à
défaut, de produits d'épargne-assurance ; les "Têtes brûlées" ont un horizon court (moins de
logement, d'assurance vie ou de produits retraite) mais prennent davantage de risque, au plan

1
Si l'on se restreint au "noyau dur" de chaque catégorie, les effets différentiels changent peu. Les "entreprenants"
deviennent nettement plus détenteurs d'actifs professionnels, les têtes brûlées possèdent sensiblement moins de
patrimoine.
Préférences face au risque et à l'avenir : vers une typologie des épargnants 263

financier (valeurs mobilières) comme au plan professionnel. C'est le cas également des
"Entreprenants", qui voient cependant à plus long terme (la diffusion du logement, des
assurances vie et surtout, des retraites complémentaires volontaires est supérieure à la
moyenne). Enfin, fidèles à leur image, les "Bons pères de famille", plutôt prudents et
prévoyants, ont les probabilités de détention qui se rapprochent le plus de celles du répondant
moyen: ils s'en différencient surtout par des demandes plus élevées pour les divers produits
d'assurance vie et de retraite.

La typologie introduite ouvre sur d'autres applications. On pourra ainsi savoir si la trop
faible épargne d'une part significative de la population à la veille de la retraite peut s'expliquer
par leurs préférences, et jusqu'à quel point : les "Cigales prudentes" et les "Têtes brûlées" sont
deux fois plus nombreuses chez les "non-épargnants" (patrimoine/revenu permanent< 2), les
"Bons pères de famille" une fois et demi plus nombreux parmi les "épargnants". Cette
typologie provisoire pourrait également être affinée en fonction de l'altruisme : il existe de fait
deux à trois fois plus d'altruistes (dernier quartile du score) chez les "Bons pères de famille"
(30,2 %) et les "Entreprenants" que chez les "Têtes brûlées" et les "Cigales prudentes"
(9,9 %).
264 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Fais de l'Cpargue
une habitude!

Album d'images épargne de la Caisse d'Épargne et de Prévoyance de Nantes , /967


CONCLUSIONS GÉNÉRALES
"Cigarettes et whisky et petites pépées
Nous laissent groggy et nous rendent tous cinglés
Cigarettes et whisky et petites pépées
Bye bye la vie ... y a plus rien à regretter".
Ti rn Spencer, Cigarettes, whisky and wild woman
(chantée en français par Eddie Constantine et Annie Cordy)

L 'hétérogénéité des préférences des épargnants face au risque et au temps - telles


qu'elles sont introduites par la théorie microéconomique- contribue-t-elle à
expliquer les inégalités de patrimoine des ménages et la variété des portefeuilles que ces
derniers détiennent ? À cette question centrale de notre étude, nous avons pu apporter une
réponse positive, à partir de deux corpus de données sensiblement différents: l'enquête Insee
"Patrimoine 1998", effectuée par interviews auprès des ménages, et 1'enquête TNS-Sofres
2002, procédant par questionnaire postal.

Dans les deux cas, nous avons estimé des indicateurs individuels de préférences par une
méthode de scoring appliquée à un grand nombre de questions simples et concrètes, méthode
qui permet de dégager des profils synthétiques et cohérents des épargnants. Après avoir
précisé comment ces paramètres dépendaient, de manière significative mais limitée, des
caractéristiques observables des individus (âge, sexe ... ) ou des ménages (revenus), nous
avons pu montrer que leurs effets significatifs sur les avoirs des épargnants correspondaient
aux prédictions théoriques et attribuer conjointement à ces indicateurs de préférence un
pouvoir explicatif non négligeable des disparités de montant et de composition des fortunes.
Enfin, le croisement des préférences face au risque et au temps nous a permis de construire
une typologie sommaire des épargnants qui s'avère tout à fait informative des choix
patrimoniaux des ménages, là encore en accord avec les enseignements des développements
théoriques les plus récents. Sur ces différents points, nos résultats sont sensiblement meilleurs
que dans les études étrangères qui recourent à d'autres méthodes dont nous avons montré les
limites ; ils apparaissent en outre largement concordants entre les deux sources statistiques
utilisées.

Avec le recul, l'expérience paraît donc concluante. Mais elle soulève, de par son
originalité même, nombre d'interrogations. C'est ce que nous avons pu vérifier lors de la
266 Inégalités patrimoniales et choix individuels

présentation des résultats de notre étude devant différents auditoires, appartenant aussi bien au
monde académique, institutionnel, ou professionnel de la banque ou de l'assurance. À la fin de
ce livre, il nous semble opportun de revenir brièvement sur ces questions et réactions, parfois
disparates mais souvent pertinentes, qui ont été légitimement suscitées par nos exposés et que
le lecteur peut également se poser. Elles peuvent se regrouper en quatre rubriques, qui
concernent:

- la méthode de scoring elle-même: d'où vient son succès, est-elle robuste, peut-on
améliorer le questionnaire ?

- ce que l'on mesure exactement: les scores correspondent-ils aux paramètres de


préférence introduits par les modèles théoriques, ou incorporent-ils aussi des éléments de
croyance ou de perceptions (des risques par exemple)?;

-comment faire jouer les préférences de l'individu lorsque l'on replace ce dernier au sein
du ménage (les conjoints ont-ils les mêmes préférences, et comment se décident-ils si ce n'est
pas le cas ?), de la famille ou de la société (y-a-t-il une transmission familiale, culturelle ou
sociale des préférences ?) ;

- enfin, les interprétations et les usages possibles de la typologie des épargnants que nous
avons élaborée : en quoi diffère-t-elle des classifications d'investisseurs proposées par le
marketing financier? Permet-elle de mieux cibler l'offre en repérant des gisements de
clientèle, etc. ?

1. QUESTION(S) DE MÉTHODE

S'agissant de la mesure des préférences, les interrogations portent d'abord sur la procédure
d'agrégation utilisée : quelle valeur attribuer à des scores qui agrègent les réponses apportées
par l'enquêté à un large éventail de questions hétérogènes?

Le point à rappeler ici qu'à une ou deux exceptions près, aucune question posée, prise
isolément, n'apparaît satisfaisante comme indicateur de la préférence envisagée, à l'égard du
risque ou du temps :

- Nombre de questions sont trop particulières ou anecdotiques pour que l'on puisse
déterminer à quel paramètre de la théorie, précisément, elles pourraient renvoyer : ne pas
avoir réduit sa consommation de viande à la suite des problèmes de la vache folle témoigne
certes d'une certaine insouciance face au risque, mais l'interprétation ne peut guère aller plus
loin.
- La plupart des items du questionnaire induisent par ailleurs des effets de contexte
manifestes, qu'il serait difficile d'éliminer : un individu tolérant au risque et insensible à la
Conclusions générales 267

peur du gendarme, peut ainsi, par civisme, respecter les limites de vitesse, les zones de
stationnement et le code de la route.

- On ne voit guère comment toute une série de questions, tel le fait de prendre son
parapluie quand le temps est incertain ou d'arriver à l'avance à la gare ou à l'aéroport, pourrait
avoir un quelconque rapport avec les comportements patrimoniaux - et, effectivement, on
observe qu'elles n'ont, à elles seules, pas de pouvoir explicatif de ces comportements.

- Enfin, si quelques questions sont corrélées significativement aux comportements


patrimoniaux, il est souvent difficile d'en inférer le sens de la causalité : il en va ainsi de la
corrélation négative entre le montant de patrimoine et le fait d'avoir des difficultés à boucler
son budget courant

Notre hypothèse de travail postule que la procédure d'agrégation permettrait de résoudre


tous ces problèmes à la fois : le score de risque, par exemple, offrirait un bon résumé, hors
effets de contexte, de l'éventail des attitudes de l'enquêté à l'égard du risque ou de l'incertain,
correspondant ainsi à une sorte de "disposition comportementale générale" à l'égard de
situations aléatoires ; en outre, comme nombre de questions concernent des domaines fort
éloignés de la gestion patrimoniale, ce score s'apparente à un ensemble d'instruments
exogènes : ses corrélations avec les avoirs des ménages peuvent s'interpréter a priori comme
des effets de causalité.

Mais, comme nous l'avons souligné, notre approche est d'abord empirique et les données
d'enquête doivent avoir le dernier mot. Dans le cas du risque, en particulier, que signifie alors
le fait de ne retenir qu'un seul score ? Précisément, que les questions retenues présentent une
composante commune (liée aux comportements face au risque) suffisamment significative
pour que le score obtenu présente une cohérence interne satisfaisante. Mais encore : doit-on
conclure à l'existence d'une préférence sous-jacente unique à l'égard du risque, disposition
générale qui guiderait les comportements de chacun dans la plupart des domaines ou
occasions de la vie, les réactions face aux petits comme gros enjeux, aux gains comme aux
pertes encourus ? Ou qui permettrait, au moins, de classer les individus sur une échelle
unidimensionnelle à caractère purement ordinal ? Ce serait aller trop vite en besogne : il existe
à l'évidence des contre-exemples patents, comme celui du champion du monde (français) de
dragster, auquel nous avons déjà fait allusion. Ce dernier déclarait récemment que le fait de
prendre des risques professionnels extrêmes l'avait amené à adopter une gestion patrimoniale
sage pour lui-même et les siens, à s'occuper précautionneusement de sa santé, etc. Les
données d'enquête indiquent seulement que son cas n'est pas dominant au plan statistique ;
elles tranchent plutôt en faveur de comportements homogènes, comme l'attestent les
268 Inégalités patrimoniales et choix individuels

corrélations positives relativement élevées entre les "sous-scores" de risque établis pour les
différents domaines de la vie (voir chapitre 5).

Même si l'on s'accorde sur les vertus de la procédure d'agrégation, demeure un problème
pratique d'envergure. Quel nombre minimal de questions retenir pour obtenir des scores de
préférence pertinents ? Quelles questions choisir, dans quels domaines de la vie ? La bonne
nouvelle, corroborée par la concordance des résultats obtenus dans les deux enquêtes (voir
chapitre 10), vient de ce que la mesure des préférences apparaît robuste au type de questions
retenues pourvu que ces dernières soient relativement nombreuses et couvrent un large
éventail de domaines de l'existence. La mauvaise nouvelle est qu'il n'existe pas de raccourci.
Dès que l'on réduit le nombre de questions en sélectionnant les meilleures d'entre elles (celles
qui contribuent le plus au score initial par exemple), ou que l'on néglige certains domaines, les
scores perdent graduellement leurs bonnes propriétés (cohérence interne, exogénéité, pouvoir
explicatif, indépendance du contexte ... ) et apparaissent beaucoup plus sensibles à l'ensemble
spécifique des questions retenues. Autrement dit, en voulant diminuer le coût relativement
élevé de la méthode et revenir sur son côté "artisanal", on risque d'obtenir des mesures de plus
en pl us arbitraires et un pouvoir explicatif des préférences sur les comportements
patrimoniaux de plus en plus contestable.

2. PRÉFÉRENCES: QUE MESURE-T-ON EXACTEMENT?


Notre méthode d'estimation artisanale a un autre revers : nous ne savons pas exactement
ce que nous mesurons en terme d'attitude à l'égard du risque ou de l'avenir. Sur ce point, des
expériences de laboratoire complémentaires, qui devraient permettent d'identifier plus
précisément tel ou tel paramètre de préférence, apporteraient des informations précieuses.
Dans une prochaine enquête (TNS-Sofres 2007), une partie des sujets enquêtés, pour lesquels
nous pourrons estimer nos scores, sera à cet effet soumis à différents protocoles
expérimentaux (laboratoire ou internet).

Le recours à l'économie expérimentale ne constitue néanmoins qu'une réponse limitée:


pour faire court, savoir si le score de risque, par exemple, correspond plutôt à la dérivée
seconde, troisième ou quatrième de la fonction d'utilité, peut paraître une question purement
théorique, voire byzantine. Or le caractère imprécis de nos mesures soulève deux enjeux
fondamentaux qui concernent d'une part le degré de rationalité des préférences estimées, et
d'autre part le fait que les scores pourraient capter d'autres éléments, plus volatils, que les
préférences, au point de remettre en cause la stabilité des mesures au cours du temps.

Développons tout d'abord le second point. Les préférences ne sont pas immuables et l'on
comprend qu'elles évoluent au cours du cycle de vie, selon les expériences vécues. Plusieurs
Conclusions générales 269

passages du livre sont consacrés à cette dynamique des préférences, la principale conclusion
étant que l'on a tendance à devenir plus prudent et plus prévoyant avec l'âge. Mais l'on s'attend
malgré tout à ce que ces préférences soient durables, et évoluent peu sur le court terme pour la
plupart des individus. Ce n'est pas le cas d'autres éléments subjectifs qui interviennent dans
les comportements de l'individu, à l'égard du risque notamment: ses croyances, optimistes ou
pessimistes, à l'égard de l'avenir, sa perception de certains risques dont il peut exagérer ou au
contraire minorer l'importance. Beaucoup plus volatils, ces éléments varient au gré des
circonstances ou même des états d'humeur du sujet: on nous a fait remarquer que le même
entrepreneur pouvait se comporter à tour de rôle comme un "Entreprenant", lorsqu'il se sent
maître de son avenir et croit en son entreprise, puis comme une "Cigale prudente", si la
conjoncture se durcit et s'il se sent aux abois. Le fait de multiplier les questions dans
différents domaines de la vie atténue cependant, remarquons-le, cette instabilité qui se
manifeste davantage pour des questions spécifiques comme les choix de loteries
professionnelles (cf chapitre 6).

Il n'en demeure pas moins que notre méthode permet difficilement de séparer, par des
scores distincts, les préférences plus durables de ces éléments plus volatiles. Une parade
possible consiste à mesurer directement le degré de stabilité de nos indicateurs au cours du
temps, comme nous nous proposons de le faire sur l'enquête TNS-Sofres 2007 : pour les
mêmes individus d'un sous-échantillon de cette enquête, on pourra comparer les scores de
préférence obtenus à deux dates, 2002 (date de la précédente enquête TNS-Sofres) et 2007.

L'autre enjeu, en partie lié, concerne le degré de rationalité des préférences, telles qu'elles
sont représentées par les scores. Là encore, nous n'avons pas les moyens de séparer la
composante rationnelle. Nous supposons seulement que le score d'impatience à court terme
reflète plutôt un caractère impulsif et imprévoyant (bien qu'il puisse aussi correspondre à
des individus simplement "pressés", pour lequel le temps est compté), alors que la
composante rationnelle serait beaucoup plus importante dans les autres scores de préférence.
Autrement, comment expliquer que le score associé à la préférence pour le présent,
notamment, ait un effet propre aussi significatif sur les montants de patrimoine total ou
financier ? Assurément, ce score contribue à identifier l'horizon de cycle de vie et à
déterminer le degré de prévoyance rationnelle, qui conditionnent l'épargne pour la retraite des
agents aux choix temporellement cohérents. En même temps, une forte préférence pour le
présent, telle qu'indiquée par ce score, explique de manière significative l'insuffisance
d'épargne à la veille de la retraite, qui traduit au contraire un manque de rationalité (voir
chapitres Il et 12). Autrement dit, la préférence pour le présent que l'on mesure incorpore une
certaine dose d'incohérence temporelle, qu'elle soit due à l'incapacité d'élaborer des stratégies
cohérentes sur le long terme ("myopie" ou imprévoyance) ou à l'incapacité de suivre la
270 Inégalités patrimoniales et choix individuels

stratégie planifiée (faiblesse de la volonté ou manque de self-control). Mais au-delà de ces


indices indirects, nous ne pouvons démêler dans le score de préférence temporelle la part de
rationalité prévoyante et la dose d'incohérence temporelle qu'il contient.

3. L'INDIVIDU ET SES PRÉFÉRENCES AU SEIN DU COUPLE, DE LA FAMILLE,


ET DE LA SOCIÉTÉ

Les décisions patrimoniales sont prises à l'échelon des ménages et non des individus. Or
nous ne disposons pour l'instant des scores de préférence que pour l'un des membres des
couples, l'enquêté étant seulement invité à classer son conjoint relativement à lui-même en
termes purement qualitatifs : "diriez-vous que votre conjoint est plus- moins, aussi -prudent
que vous-même ?", et de même en terme de prévoyance. Le passage de l'individu au ménage
soulève en fait deux question distinctes.

La première concerne l'appariement des préférences. En terme de degré de prudence ou


de prévoyance, et de même d'impatience ou d'altruisme, qu'observe-t-on: "qui se ressemble
s'assemble", ou au contraire "qui s'oppose s'allie" ? Plus précisément, les "Bons pères de
famille se marient-ils entre eux", ou bien les femmes "Bons pères de famille" plutôt avec des
"Têtes brûlées" ou des "Entreprenants", et les hommes "Bons pères de famille" de préférence
avec leurs homologues féminines, par exemple ? Nous venons de voir que les informations
dont nous disposons jusqu'ici sont trop pauvres pour pouvoir répondre à cette question qui
reste un problème largement ouvert'. En effet, l'existence avérée d'une forte homogamie selon
le diplôme, la classe ou l'origine sociale, ne permet pas de conclure à une homogamie
comparable en termes de préférences puisque les caractéristiques observables des individus
(hors l'âge et le sexe) expliquent peu ces préférences. La prochaine enquête (TNS-Sofres
2007) nous permettra de mesurer ce degré d'homogamie - ou d'hétérogamie - car nous
disposerons, sur un sous-échantillon de couples, de mesures indépendantes des scores de
préférence (prudence, prévoyance, impatience et altruisme) pour chaque conjoint.

Lorsque les préférences diffèrent au sein du couple, qui l'emporte? Plus précisément,
comment la combinaison des préférences individuelles affecte les décisions du ménage en
matière de patrimoine ? La théorie microéconomique offre des réponses. En particulier, les
modèles de choix collectifs à l'intérieur du ménage prévoient un processus de "négociation"

1 Les très rares données étrangères dont on dispose sur les préférences de chaque conjoint (Allemagne, États-
Unis) ne concernent que les attitudes à l'égard du risque et sont fondées sur des mesures beaucoup trop fragiles
(choix de loteries ou échelles auto-déclarées) : elles iraient plutôt dans le sens de qui se ressemble s'assemble,
avec cependant une hétérogamie non négligeable. Sur l'enquête TNS-Sofres 2002, une étude préliminaire sur
44 couples âgés révèle une assez forte homogamie pour les scores de risque, de préférence temporelle et
d'altruisme (corrélations proches de 0,5) mais une absence de corrélation significative pour l'impatience.
Conclusions générales 271

(bargaining) entre les conjoints lorsque leurs intérêts, besoins ou préférences divergent:
l'issue dépendra des poids de chacun dans ce "jeu" coopératif, fonction eux-mêmes de leur
solution de repli- de ce qu'ils pourraient obtenir en cas de non-coopération (cf par exemple
Bourguignon et Chiappori, 1992). Les données de l'enquête en cours devraient nous permettre
de tester ces prédictions.

Ces questions en renvoient à d'autres, relatives à l'origine même des préférences de


l'épargnant: d'où viennent-elles, comment se forment-elles, par quoi sont-elles déterminées?
L'enquête TNS-Sofres 2002 nous apporte des éclairages précieux sur ce point. L'influence
significative de l'éducation religieuse, des opinions politiques ou du sentiment d'appartenance
sociale, et surtout, une corrélation intergénérationnelle des scores de préférences relativement
élevée, mettent en lumière le rôle d'éléments spécifiques relatifs au milieu d'origine, à la
culture familiale, et au statut social actuel, tel que le perçoit l'individu (voir introduction
générale et chapitre 10). Ces résultats rejoignent les conclusions de la littérature récente
consacrée au processus de formation et de transmission des goûts : celle-ci insiste sur la
transmission des traits culturels et sur les expériences personnelles décisives, bénéfiques ou
malheureuses, qui scandent les trajectoires individuelles (Becker, 1996). Le bagage de telles
expériences que chacun transporte avec lui façonne son identité sociale et modèlent ses
préférences d'épargnant, comme ses goûts et besoins dans d'autres domaines. L'enquête TNS-
Sofres 2007 comporte des éléments nouveaux qui devraient nous aider à mieux comprendre
cette genèse personnelle, familiale et sociale des préférences à l'égard du risque et du temps.

4. INTERPRÉTATIONS ET USAGES POSSIBLES DES TYPES D'ÉPARGNANTS


Lors de la\ présentation de notre étude devant des publics très différents, une part
importante des questions ou suggestions a concerné notre typologie sommaire des épargnants.
Obtenue par le croisement des paramètres de préférence à l'égard du risque et du temps, cette
typologie présente une double caractéristique:

- elle est directement déduite de la théorie microéconomique, poussée à ses limites et au-
delà, avec des difficultés mathématiques et techniques (micro-simulation) redoutables ;

- mais elle ressemble en même temps aux classifications d'investisseurs proposées par le
marketing financier ;

... ce qui nous a conduit à effectuer plus d'une fois un grand écart, un peu déroutant et
parfois périlleux, entre ces deux mondes, cercles académiques d'un côté, communication des
banques ou assurances de l'autre: notre segmentation des épargnants intéresse les deux, mais
pas du tout pour les mêmes raisons.
272 Inégalités patrimoniales et choix individuels

La tâche la plus indiquée consiste sans doute à préciser en quoi notre typologie diffère de
celles proposées à leurs clients par les institutions financières.

Elle a une base théorique et ses effets propres sur le montant et la composition des
patrimoines s'accordent étroitement aux prédictions des modèles qui distinguent plusieurs
régimes d'accumulation spécifiques selon les valeurs prises par les paramètres de préférence.
Il ne s'agit pas d'une segmentation arbitraire, purement empirique et descriptive, qui
découlerait de quelques traitements statistiques effectués à la hache. Elle résulte du
croisement de deux scores de préférence dont nous savons comment ils se distribuent chacun
et se combinent au sein d'un échantillon représentatif de la population française : elle permet
donc de repérer des gisements potentiels de clientèle pour tel ou tel type de produit (voir le
cas des "Cigales prudentes" pour les produits d'épargne assurance). Elle n'est pas figée : seule
la taille restreinte de l'échantillon dans l'enquête Insee nous a empêché d'essayer d'autres
croisements (avec les scores d'impatience ou d'altruisme), et notamment de l'affiner:
l'opposition des profils d'épargnant et des comportements patrimoniaux serait plus forte
encore entre des "Bons pères de famille altruistes" et des "Têtes brûlées impatientes". Et
distinguer les préférences des deux conjoints dans les couples conduirait encore à des clivages
supplémentaires.

La contrepartie tient à ce que notre approche repose sur une procédure certes simple,
voire ludique, mais particulièrement lourde et coûteuse : les institutions bancaires ou les
organismes d'assurance ne semblent guère prêts à administrer un questionnaire d'une durée
moyenne supérieure à 1 heure pour la seule évaluation des scores de préférence,
indépendamment des informations à recueillir sur les caractéristiques sociodémographiques et
économiques des ménages ainsi que sur leurs avoirs patrimoniaux. Une telle épreuve ne
pourrait être proposée qu'à des volontaires sélectionnés lors d'un premier contact.

Surtout, l'output de notre typologie ne recoupe pas forcément les objectifs des
professionnels. Prenons le cas des produits d'assurance vie et d'épargne assurance, fiscalement
avantagés. Les prédictions sont générales mais précises. Toutes choses égales d'ailleurs, et
notamment à montant de patrimoine donné, les "Entreprenants" devraient être davantage
attirés par les produits purs d'assurance - rentes viagères (Perp) et assurance temporaire décès
(surtout s'ils sont altruistes) -, alors que les "Cigales prudentes" rechercheraient les
placements d'épargne assurance que l'on peut liquider sans pénalité après une durée de
détention limitée ; les "Bons pères de famille" seraient plutôt des bons clients de l'assurance,
et les "Têtes brûlées" ne seraient pas intéressées 1• Mais notre typologie s'avère d'un usage plus

1 En fait, les "bons clients" pour la compagnie d'assurance ne sont pas forcément ceux que l'on pense. Les
"Entreprenants" sont a priori les meilleurs, à qui on peut placer les produits les plus sophistiqués ; mais
Conclusions générales 273

délicat pour le marketing financier : la théorie a moins de choses à dire sur la demande
spécifique de livrets A par exemple, surtout si cette dernière doit être étudiée sur une sous-
population dont on ne connaît qu'un nombre restreint de caractéristiques
sociodémographiques et qu'une part aléatoire des avoirs patrimoniaux.

En revanche, notre typologie aurait des implications dans d'autres domaines, de la


macroéconomie ou de la politique économique par exemple. On s'interroge souvent sur
l'existence d'un trop-plein d'épargne en France, question controversée que nous ne
chercherons pas à trancher ici. Notre étude montre toutefois que le taux d'épargne n'est pas
trop élevé pour tout le monde : les "Cigales prudentes" et les "Têtes brûlées" ont tendance à
épargner trop peu pour leur retraite. Et si l'on veut diminuer l'épargne macroéconomique des
ménages et la réorienter en même temps vers des produits plus risqués, il serait en fait
souhaitable que des "Bons pères de famille" deviennent des "Entreprenants", ce qui limiterait
les réserves de précaution ; mais cette transition pourrait être empêchée par le manque de
visibilité et de fiabilité entourant l'avenir des systèmes de retraite et, plus généralement, de la
protection sociale.

Face, précisément, aux difficultés et aux changements que connaissent les régimes de
retraite et d'assurance maladie confrontés au vieillissement démographique et aux évolutions
de l'emploi, certains voudraient éduquer financièrement les ménages à l'épargne longue et à la
rente viagère (produits de type Perp) en "modelant" au besoin leurs préférences. Mais plutôt
que de chercher à mettre ainsi tous les Français dans un même moule, peut-être faudrait-il
adapter davantage l'offre en fonction des préférences hétérogènes des épargnants, en
concevant ces paramètres individuels comme une donnée durable sinon permanente : il
s'agira alors de dépasser la simple dichotomie entre "risquophiles" et "risquophobes", chère à
Ewald et Kessler (2000), en évitant encore la connotation morale introduite par ces auteurs
(voir chapitre 12).

Certes, les Ulysse, "Entreprenants" tolérants au risque et prévoyants, apparaissent bien


sympathiques. Mais il existe aussi des Achille, "Têtes brûlées" tout autant tolérantes au risque
mais beaucoup plus insouciantes, qui se révèlent parfois aussi utiles au bon fonctionnement de
l'économie et au bien-être social. Plutôt que de prôner à l'envi la responsabilité des individus,
peut-être faudrait-il miser davantage sur leur confiance spontanée dans l'avenir, comme le
faisait jadis Keynes lorsqu'il invoquait un concept emprunté à Descartes, les "esprits animaux"
(animal spirits), dont il modifiait à dessein le sens : pour le philosophe les erreurs créées par

précisément. ils risquent d'exercer les options proposées au mieux de leurs intérêts. de partir à la concurrence
dès que l'offre de cette dernière est plus performante, etc. , et s'avèrent donc particulièrement exigeants. À
l'_inve;se. les "Ci?ales prudentes" semblent des clients peu intéressants, adeptes de produits simples et peu
nsques ; ma1s moms regardantes, elles autorisent parfois des taux de marge financière plus importants.
274 Inégalités patrimoniales et choix individuels

ces pulsions irraisonnées étaient source de regret ou de remords ; pour l'économiste, ces
mêmes pulsions inciteraient les entrepreneurs à se lancer dans des investissements a priori
insensés mais potentiellement bénéfiques pour la collectivité, alors qu'un calcul rationnel
froid, établi sur le long terme, les en aurait le plus souvent dissuadés ...
ANNEXES
ANNEXE A

L'enquête Insee-Delta 1998

"Comportements face au risque et à l'avenir"


1. LE MONTAGE DE L'ENQUÊTE: UNE FUSÉE A PLUSIEURS ÉTAGES

Les questionnaires méthodologiques de l'enquête "Comportements face au risque et à l'avenir" sont


reproduits ici. L'enquête méthodologique de l'Insee constitue le troisième et dernier étage du montage
effectué pour l'enquête Insee Patrimoine 1998.

L'enquête-source Insee Patrimoine 1998


Le premier étage est constitué par le questionnaire principal de l'enquête mère, menée sur un
échantillon représentatif initial de près 14 000 ménages (pour un ordre de grandeur estimé de 10 200
interviews exploitables). Ce questionnaire constitue un léger condensé de celui élaboré pour la
précédente enquête "Actifs financiers 1992" de l'Insee, dont il reprend les grandes lignes. II fournit
notamment:
-des informations détaillées sur la situation socioéconomique et démographique du ménage
(diplôme, CSP, situation matrimoniale, caractéristiques des enfants ... ), ainsi que sur le parcours
biographique et professionnel de chaque conjoint (jeunesse, évolution de carrière, chômage ou
interruption de travail) ;
- des éléments précis sur les ressources du ménage, sur le montant et la composition de son
patrimoine (y compris le passif et les biens professionnels) ;
-des renseignements succincts sur les transferts intergénérationnels reçus et versés (aides,
donations, héritages) et plus largement sur son "histoire patrimoniale".
Nous avons été en charge de la mise au point des deux autres étages, plus modestes mais plus
exploratoires 1•

Le questionnaire postal "recto-verso"


Le deuxième prend la forme d'un questionnaire recto-verso, qui vise seulement à se faire une idée
approximative de l'exposition et de l'aversion relative au risque des individus, telles qu'ils les évaluent
subjectivement (cf. infra). "Exercice imposé", il reprend les formulations adoptées dans d'autres études
(cf. Barsky et al., 1997) qui évaluent le paramètre de préférence dans un cadre standard (utilité
espérée, préférences homothétiques).
Ce questionnaire a été remis aux enquêtés à la fin de la première interview (enquête mère). La
feuille recto-verso devait être remplie individuellement par l'enquêté et son conjoint éventuel et

1
Arrondel et al. (1997) offre un compte rendu plus détaillé du projet théorique initial, des motivations et des
conditions pratiques de cette opération.
278 Inégalités patrimoniales et choix individuels

retournée ensuite par courrier à l'Insee: 4 600 individus, appartenant à 2 950 ménages, ont fourni des
réponses exploitables - au moins partiellement.
Le contenu du questionnaire diffère quelque peu pour les personnes employées et pour les
chômeurs ou inactifs. Il demande notamment aux premières d'évaluer sur les cinq prochaines années
leur risque de chômage (à court et long terme) ainsi que l'évolution et l'aléa de leur revenu futur 1•
Par ailleurs, un petit jeu de loteries permet, en deux étapes, de classer les individus en quatre
groupes selon leur degré d'aversion relative pour le risque: quelque 3 500 individus ont fourni des
réponses exploitables à cette question 2 •

L'enquête Insee-Delta "Comportements face au risque et à l'avenir"


Enfin, toujours à la fin de cette première visite, une partie des enquêteurs (appartenant aux quatre
régions de Bourgogne Franche-Comté, Bretagne-Normandie, Ile de France, Provence Alpes-Côte
d'Azur) a reçu pour directive de demander aux interviewés s'ils seraient volontaires pour participer,
lors d'une seconde visite, à l'expérience originale suivante:
"On voudrait vous poser un ensemble de questions concernant vos comportements face aux différents
risques de l'existence et votre attitude à l'égard de l'avenir. Le questionnaire est beaucoup plus léger et sans
doute plus amusant que celui auquel vous venez de répondre, rempli de chiffres, de dates et de précisions. Il
porte de manière générale sur vos opinions, vos dispositions ou vos pratiques en matière de consommations,
de loisirs, de santé, de travail, de retraite, d'éducation des enfants ou encore d'écologie ... Certaines questions
touchent même à la fiction et vous demanderont un petit effort d'imagination.
Grâce à vos réponses, on pourra préciser les traits dominants de votre attitude vis-à-vis du futur et de
l'incertain. Ces profils personnels permettront de mieux comprendre vos comportements patrimoniaux
abordés dans ce premier entretien. Une fois les résultats exploités, si vous le désirez, on pourra vous adresser
vos "scores" personnels, un peu comme on le fait dans les questionnaires de magazine sur ""quelle sorte de
personne vous êtes"."

Le protocole prévoyait qu'un seul individu soit interrogé par ménage -quitte à lui demander des
informations sur les préférences de son conjoint éventuel. 1 135 questionnaires complets ont été ainsi
recueillis. La représentativité (hors régions) de ce sous-échantillon, tout à fait acceptable, est analysée
dans l'annexe A.3.
Pour évaluer les 5 scores d'attitudes à l'égard du risque et du temps, près de quatre-vingt questions
ont été ainsi posées dans 7 domaines: consommations ou loisirs, santé, travail, gestion financière,
famille, retraite, et divers. Des questions supplémentaires demandaient à l'enquête de se positionner
lui-même, entre 0 et 10, sur des échelles de risquophobie, d'impatience à court terme, ou de préférence
pour le présent (par exemple entre 0 = "prudent" et 10 = "aventureux"), ou encore de situer son
conjoint par rapport à lui-même en terme en matière de préférence à l'égard du risque ou du temps. Ce
questionnaire est reproduit intégralement et commenté plus en détails en annexe.

1
La méthode utilisée- distribuer 100 points entre différentes évolutions possibles- s'inspire de la procédure
utilisée dans l'enquête conduite par la Banque d'Italie, "Survey of Household Income and Wealth" (SHIW),
pour l'année 1989: cf Guiso etal. (1996).
2
Cf Barsky et al. ( 1997). Le jeu consiste à déterminer, séquentiellement, si l'enquêté serait prêt à renoncer à son
revenu actuel pour accepter d'autres contrats, sous forme de loteries : il a une chance sur deux de doubler son
revenu, et une chance sur deux de le voir diminuer d'un tiers (contrat A), de moitié (contrat 8), et d'un
cinquième (contrat C). L'aversion relative pour le risque est la plus faible si l'individu accepte successivement
les contrats A et B, la plus forte s'il refuse aussi bien C que A.
Annexe A: L'enquête Insee-Delta 1998 279

La principale faiblesse de ce montage, due aux circonstances de la collecte et au retour aléatoire des
opérations par voie postale, concerne l'appariement limité des deux sous-échantillons des
questionnaires recto-verso et méthodologique : le noyau commun, inférieur à 500 ménages, descend
même à 425 si l'on veut comparer les mesures de l'aversion relative pour le risque dans le premier
questionnaire et du "score" en matière de risque dans le second. L'idéal aurait été de reposer les
questions du recto-verso lors de la seconde visite ...
280 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Le questionnaire recto-verso (personnes employées)

llENTFIANT MENAGE QUESTIONNAIRE COMPLEMENTAIRE


DBft' l_l_l_l_l_l_l_l_l
. . . . . . (lrltalnz)
Personne de Référence [1] ACllFS ocaJPES
Conjoint [2]

CD COMMENT VOUS REPRESENTEZ-VOUS VOTRE A VENIR ?

Etes-vous d'accord avec les affirmations


D'ici 1 an ••• D'ici 5 ans •••
llWantes:
+EMPLOI Entourez les cases correspondant à votre opinion
(1 réponse au maximum) (1 réponse au maximum)
-Vous n'avez aucun risque, ou presque, de vous
retrouver au chômage.
[1] [1]
- Il est possible que vous vous retrouviez au
[2] [2]
chômage (risque faible).
- Il est probable que vous vous retrouviez au
[3] [3]
chômaQe (risque assez fort).
- Il est certain, ou presque, que vous vous
[4] [4]
retrouviez au chômaQe.

+ SITUATION FANILJALE
(1 réponse au maximum) (1 réponse au maximum)
- Votre ménage se sera agrandi [1] [1]
- Votre ménage aura la même taille [2] [2]

- Votre ménage se sera réduit [3] [3]

+REVENU DU MENAGE Vous.wz100 EXEMPLES


points j rlpart/r Situation 1 Situation 2
dans les 8 cases 10 0 d' augmenter •Le revenu 2 que le
selon que \IOUSitss n'évoluera
de 20%; revenu du
+ 30 chances sur pas
plus ou moins ménage double;
d'IICCOI'd- 100 d'augmenter +1 chance sur
l'llffrmatlon de 5%; 2 qu'il
+50 chances sur fluctue entre
correspondante
100 de rester 68000 et
stable; 120000 francs
+10 chances sur
Votre réponse 10 0 de diminuer
de 5%
(vérifiez que le total
+ D'ici 5 ans, le revenu global du ménage est égal à 100)
(déduction faite de la hausse des prix)
-... aura augmenté de plus de 25 % l_l l_l l_l 1~1
-... aura augmenté de 10 à 2 5 % l_l I__!Q__I l_l l_l
-... aura augmenté de moins de 10% l_l I2Q__I l_l l_l
- ... n'aura pas évolué l_l 1~1 1100 1 l_l
-... aura diminué de moins de 10% l_l I__!Q__I l_l l_l
-... aura diminué de 10 à 25 % l_l l_l l_l l_l
---~·:·-~~~~-d~~i~~~-~~-~~u_s_~~-~~-~--------~
-... aura connu des hauts et des bas avec. .. 11N1
______
l_l
l_l
J,-===-j _____ _ -------~~-~~-~_} _____
l_l
-----
1
=r--- ----rso_T __ _
l_l
Il Il Il Il
- revenu annuel minimum atteint ~ l_ _ _ l l______ l l_ _ _ _l l_o::==-1
1_____1 1____,,1 1
~-~----'
- revenu annuel maximum atteint ..._
Annexe A: L'enquête Insee-Delta 1998 281

@ VOTRE COMPORTEJENT FACE AU~


Certaines personnes sont particulièrement prudentes face à une s1tu11t1on risquée. d'autres sont
dllvt1ntsge prêtes 8 tenter leur chance. Vous-même. ..
• A) En matière de placements financiers, pensez-vous plutôt que : (entourez la modalité qui convient)

-il ne faut pas prendre de risque; on doit placer toutes ses économies dans des placements sûrs. [1]
- on peut placer une petite partie de ses économies sur des placements risqués. (2]
- on peut placer une part importante de ses économies sur des actifs risqués si le gain en vaut la peine. [3]
- on doit placer l'essentiel de ses économies dans des actifs risqués dès qu'il y a des chances que
le gain soit très important. !tilt (4]
._. B) Imaginez que vous ayez un emploi qui garantisse à vie à votre ménage son revenu actuel R. D'autres
entreprises vous proposent divers contrats qui ont une chance sur deux (50%) de vous procurer
un revenu plus élevé et une chance sur deux (50%) de vous procurer un revenu plus faible.
w Contral A ? (50% de chances de doubler son revenu R et 50 % qu'il diminue d'un tiers)
CONTRAT-A
le revenu double

w Le contrat A que
vous avez accepté n'est plus
disponible. On vous propose
à défaut le
contrat B.
(50% de chances de doubler
6~: le revenu diminue de 113
Vous avez refusé le
contrai A.
On vous propose le
contratC.
le revenu Ret 50% qu'il NON (50% de chances de doubler
diminue de moitié). (e~ la rlponse choisie) son revenu Ret 50% qu'il
=> diminue de 20%).

CONTRAT-B CONTRAT-C
le revenu double le revenu double

6~66 6~66
~ ..
le revenu diminue de moitié
==>
le revenu diminue de 20%

'
OUI OUI

.....,.,
Eûs-voru prit d aaepûr le Eûs-vow prêt à accepûr k.....,
C?
(entourez la ri~ choisie) ==> NON NON ~ (entourez la réponM! choisie)

s-Pmu
s-Loto, millionnaire, banco, etc.
s-Machines à sous
...
._. C) Vous arrive-t-il de jouer de l'argent à des jeux de hasard ? (entourez la modalité qui convient)

MID
OUI, plusieurs fois par an
[1]
[1]
[1]
OUI, rarement
[2]
[2]
NON
[3]
[3]
[2] [3]
wcasino (roulette, black jack, etc.) a. [1] [2] [3]
282 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Le questionnaire recto-verso (personnes inactives ou sans emploi)

IDENTFIANT MENAGE QUESTIONNAIRE COMPLEMENTAIRE


118ft' l_l_l_l_l_l_l_l_l
. . . . . . (entourez)
Personne de Référence [1] INACTIFS OU ACTIFS SANS EMPLOI
Conjoint [2]

CD COMMENT VOUS REPRESENTFZ·VOUS V071Œ' AVENIR?


Etes-vous d'accord IMIC les affirmations D'ici Sans ...
D'ici 1 an ...
sUvll1tes:
+DEPENSES DU MENAGE Entourez les cases correspondant à votre opinion
(7 réponse au maximum) (7 réponse au maximum)
- vuus n avez au~;un nsque, uu presque, u avUir a
faire face à des dépenses inhabituelles [1] [1]
importantes.
- Il est possible que vous ayez à faire face à des
dépenses inhabituelles importantes (risque faible). [2] [2]

- Il est probable que vous ayez à faire face à des


dépenses inhabituelles importantes (risque assez [3] [3]
fnrrl
- Il est certain ou presque que vous aurez à faire [4] [4]
f:lt"" :> riP~ tiPOPnSP~ inh:~hitiiPIIP~ imnnrt:~ntP~-
Depl Dlp1
+SITUA T10N FAMILJALE
(7 réponse au maximum) (7 réponse au maximum)
- Votre ménage se sera agrandi [1] [1]
-Votre ménage aura la même taille [2] [2]
- Votre ménage se sera réduit [3] [3]
Sltl Sll5
+ REVEMJ DU MENAGE Vous mu 700 EXEMPLES
points 1 tlpartJr Situation 1 Situation 2 Sit. .tioe 3
._la Besses lOO d'augmenter +Le revenu +1 chance sur
se/on que MXIS ftes de 20%; n'évoluera 2 que le revenu
+ 30 chances sur pas du ménage
plus ou moins

r.,..,
d'.a:ord ft'8C

conwpondante
100 d'augmenter
de 5%;
+ 50 chances sur
double;
+1 chance sur
2 qu'il fluctue
100 de rester entre 68000 et
stable; 120000 francs
+10 chances sur
Votre réponse 100 de diminuer
(vérifiez que le total de st
+ D'Ici 5 ans, le revenu global du ménage est égal à 700)
(déduction faite de la hausse des prix)
-... aura augmenté de plus de 25% l_l l__l l__j ~
-... aura augmenté de 10 à 25% l_l I_!!U ~ ~
-... aura augmenté de moins de 10 % l_l 12LI l_l l__l
- ... n'aura pas évolué l_l ~1 1100 1 l__l
-... aura diminué de moins de 1 0 % l_l I_!!U ~ ~
-... aura diminué de 10 à 25% l_l l__j l_l ~
l_l l__j ~ L_l
------1-==.i·----- _______c=J______ ----·c==
-... aura diminué de plus de 25%
---.:.~~~~-~~~~~-~~-h~~~~-;~d~~b~~-~~~~--_.
1·--- -----ï-so--i·---
1 1 1 1
-revenu annuel minimum atteint 1111111111 1, _ _ _ _ _ 1 , ____Il 1 68000 1
- revenu annuel maximum atteint ..._ 1 1 , ____, ' ' - - - - l 1 120000 1

•TSVP
Annexe A: L'enquête Insee-Delta 1998 283

@ VOTRE COMPORTEMENT FACE AU RISQlE

Certaines personnes sont particulièrement prudentes face à une situation risquée, d'autres sont
davantage prêtes à tenter leur chance. Vous-même. .•

• A) En matière de placements financiers, pensez-vous plutôt que : (entourez la modalité qui convient)
,-----i
- il ne faut pas prendre de risque ; on doit placer toutes ses économies dans des placements sûrs. [1]
- on peut placer une petite partie de ses économies sur des placements risqués. [2]
- on peut placer une part importante de ses économies sur des actifs risqués si le gain en vaut la peine. [3)

[4]
... B) Imaginez que l'ensemble de vos économies soit investi dans une activité qui vous procure un revenu R.
On vous propose de changer pour d'autres contrats qui ont une chance sur deux (50%) de vous procurer
un revenu plus élevé et une chance sur deux (50%) de vous procurer un revenu plus faible.
W Contrat A ? (50% de chances de doubler le revenu Ret 50% qu'il diminue d'un tiers)

CONTRAT-A
le revenu double

vous avez accepté n'est plus


disponible. On vous propose Vous avez refusé le
à détaut le contrai A.
contrat B. On vous propose le
(50% de chances de doubler contratC.
le revenu Ret 50% qu'il NON (50% de chances de doubler
diminue de moitié). (efiiOIITet.la rlponse choisie) son revenu Ret 50% qu'il

=> diminue de 20%).

CONTRAT-B CONTRAT-C
le revenu double le revenu double


le revenu diminue de moitié
~6 le revenu diminue de 20%


OUI OUI $= ~
'
Etes-vo111 prllll t~&Cepter le==> l!;tes-vous pret a accepter"-
C?
(entourez la rlpt»>H choisie) ==> NON NON $= (entourez la réponse choilie)

... C) Vous arrive-t-il dejouer de l'argent à des jeux de hasard? (entourez la modalité qui convient)
OUI, plusieurs fois par an OUI, rarement NON
.. [1] [2] [3]
wLoto, millionnaire, banco, etc. [1] [2] [3]
wMachines à sous [1] [2] [3]
WCasino (roulette, black jack, etc.) [1] [2] [3]
284 Inégalités patrimoniales et choix individuels

2. LE QUESTIONNAIRE "COMPORTEMENTS FACE AU RISQUE ET À L'AVENIR"


Le questionnaire est divisé en huit modules d'importance variable:
I- Consommations, Loisirs, Voyages 18 questions
II- Santé, Risque de vie, Espérance de vie 14 questions
III- Travail, Revenu, Carrière professionnelle 9 questions
IV- Placements, Gestion de l'argent 6 questions
V- Retraite 6 questions
VI- Famille et transferts intergénérationnels 9 questions
VII-Autres 15 questions
VIII-Récapitulatif 8 questions
Total 85 questions
Les sept premiers modules couvrent autant de domaines de la vie de l'enquêté. Les questions
s'intéressent aussi bien à ses attitudes ou opinions, à ses projets ou intentions, qu'à ses pratiques
actuelles ou passées ; certaines concernent ses réactions à des scénarios fictifs (variantes du système de
retraite, par exemple). On a cherché à augmenter encore cette diversité du questionnement en
multipliant les points de vue et en balayant aussi bien les champs des gains et des pertes, des petits et
des gros risques, des choix anecdotiques ou plus fondamentaux, des horizons proches ou plus
lointains.
Chaque question des sept premiers modules a été affectée- par décision a priori- à l'un ou à
l'autre, ou encore à plusieurs des indicateurs ou scores de préférence recherchés. Les choix effectués
sont reportés sous forme de lettres numérotées : R3 associée à la question I.Q3 signifie ainsi que cette
dernière est le troisième item, par ordre d'apparition dans le questionnaire, à avoir été pris en compte
dans la construction du score concernant l'attitude à l'égard du risque. Plus généralement cinq scores
ont été construits :
R renvoie à l'indicateur de Risque;
1 à celui d'Impatience;
T à la préférence Iemporelle ;
A enfin, concerne les deux indicateurs d'Altruisme (familial ou non familial). 1
On peut ainsi visualiser tous les cas de polysémie, en terme de préférences, que nous avons décidé
d'introduire. Certaines questions autorisent en effet plusieurs interprétations et peuvent être affectées à
différents scores (éventuellement avec un codage des modalités de réponse spécifique pour
chacun ... ) ; c'est notamment le cas lorsque le futur peut être déprécié aussi bien en raison de son
incertitude que de son éloignement temporel par rapport au présent. Nous nous sommes cependant
arrêtés à deux significations possibles.
Le dernier module, intitulé "Récapitulatif", offre une autre manière de cerner les préférences de
l'enquêté à l'égard du risque et du temps, qui permet aussi d'étudier la cohérence des comportements et
des évaluations proposées. Chaque enquêté est invité à se positionner lui-même sur une échelle de 0 à

1
La numérotation ne distingue pas les composantes familiale et non familiale de l'altruisme afin de ne pas
surcharger la présentation.
Annexe A: L'enquête Insee-Delta 1998 285

10 pour les trois indicateurs que sont l'impatience de court terme, la prévoyance de long terme, et
l'attitude à l'égard du risque 1• Dans ce dernier cas seulement, on prévoit la possibilité que la position
varie selon le domaine concerné : l'individu se voit-il toujours prudent? ou plutôt aventureux en
matière de consommations ou de loisirs et prudent pour les placements financiers ou la santé ?
Normalement, ces évaluations subjectives devraient constituer un résumé fidèle des opinions
exprimées et comportements rapportés dans les modules précédents.
Ce dernier module interroge également l'enquêté sur l'attitude à l'égard du risque et le degré de
prévoyance de son conjoint et de ses père et mère. Bien qu'elle ne représente que le point de vue de
l'enquêté, la première question peut être utile d'un double point de vue: d'une part, corriger le biais
éventuel engendré par le fait que l'on utilise des mesures relatives à des caractéristiques personnelles
pour expliquer le montant ou la composition du patrimoine du ménage (cf. Ameriks et al., 2003);
d'autre part, permettre des tests, certes grossiers, des modèles "collectifs" de décision à l'intérieur du
ménage 2. Les deux autres questions concernant les parents visent, elles, à mesurer- fût-ce de manière
très fruste- l'héritabilité éventuelle des préférences considérées.
Enfin, malgré la difficulté de collecter des informations rétrospectives sur des paramètres aussi
délicats, on a tenté de voir, lors d'une dernière question, si les enquêtés constataient ex post une
évolution au cours du cycle de vie de leurs préférences à l'égard du risque et de l'avenir.

1
Pour l'attitude à l'égard du risque, le SFC américain (Survey of Consumer Financial Decisions) de 1978 utilise
une méth~de analogue en demandant aux enquêtés de se classer sur une échelle de 1 à 5 : King et Leape ( 1998)
utilisent amst cette mes~re dans leurs régressions de demandes d'actifs. On notera seulement que les réponses
sont sans doute plus ftables dans notre cas parce qu'elles viennent à la fin d'une série de questions qui
concernent précisément les phénomènes incriminés.
Ces modèle; ;upposent que les. choix d~ ménage résultent d'un processus de négociation entre des conjoints
2

dont !es preferences ou les objecttfs dtffèrent (cf par exemple Bourguignon et Chiappori, 1992). Dans le
domame de l'épargne et des choix de portefeuille, les différences les plus pertinentes concerneront
effectivement l'horizon décisionnel (espérance de vie) et l'attitude à l'égard du risque (les hommes sont moins
prudents, cf infra).
286 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Questionnaire méthodologique Insee-Delta 1998

Libellé et codage risque 1 temps des questions

R =Risque ; 1 =Impatience ; T =Préférence Iemporelle ; A =Altruisme


Annexe A: L'enquête Insee-Delta 1998 287

connaissez

I.Q2: A. Vous arrive-t-il d'aller au spectacle (concert, théâtre, cinéma ... )?


1- jamais 2- parfois (quelques fois par an)

® '

1- plutôt dans une région connue 2- plutôt dans de nouveaux lieux


I.Q4: A. Vous devez payer deux mois à l'avance une somme importante pour un voyage de vacances
(de l'ordre de 1 ou 2 mois de salaire). On vous propose de prendre une assurance-annulation qui augmente
le prix de 2 ou 3% et qui permet d'être remboursé en cas d'imprévu (accident, décès d'un proche, etc.).
Dans le cas où vous n'êtes pas couvert par ailleurs, prenez-vous cette assurance?
1- oui, cenainement
2- peut-être, cela dépend

3- non.

I.QS: Vous arrive-t-il de garer votre véhicule pour un court instant en zone payante sans avoir mis
d'argent dans l'horodateur ou en dehors des zones autorisées? 1- Oui 2- Non 3- S. O.

I.Q6: A. Vous avez à faire un déplacement qui dure trois heures par la route. Une autoroute à péage vous
permet de gagner 1/2 heure (le risque d'accident est le même dans les deux cas). Que choisissez-vous?
1 -je prends toujours la route
2 -je prends toujours l'autoroute
3 - cela dépend =:>

8
1- Oui 2-Non

'
I.Q7: A. Après les attentats, avez-vous changé vos habitudes
1 - Oui, j'ai diminué mes déplacements
2 - Oui, j'ai changé de moyen de transport
3- Non, je n'ai rien changé mais j'étais vigilant 1- Oui 2-Non
4 -Non, je n'ai rien changé
288 Inégalités patrimoniales et choix individuels

I.QS:Avez-vous réduit ou modifié votre consommation de viande à la suite des problèmes de la "vache folle"?
1- oui, je l'ai réduite
2- oui, j'ai remplacé le boeuf par d'autres viandes
3- oui, j'ai profité de la baisse des prix pour augmenter ma consommation de boeuf
4- non, je n'ai rien changé
5- sans objet, je ne mange pas de viande Voir CARTE 1

I.Q9: Quand vous avez commencé la lecture d'un livre et que les premières pages ne vous plaisent pas,
êtes-vous plutôt du genre:
1- à vous arrêter rapidement
2- à insister un peu
3- à continuer jusqu'à /afin
4- sans objet, je ne lis jamais
I.QlO: Vous avez à faire la queue (spectacle, taxi, formalités administratives ... ). Etes-vous plutôt du genre:
1- à prendre votre mal en patience
2- à vous impatienter
I.Qll: Pour vos achats de Noël ou de Nouvel An, êtes-vous plutôt du genre :
1- à attendre le dernier moment
2- à vous y prendre longtemps à l'avance
3-S.O.
I.Q12: En matière de vêtements, êtes-vous plutôt du genre :
1- à innover, à précéder la mode, au risque de vous tromper, de paraître excentrique ou ridicule
2- à suivre la mode
3- à ne pas vous préoccuper de la mode

les moyens de l'acquérir, êtes-vous plutôt du genre à :


1- suivre votre impulsion et l'acheter rapidement
®
I.Q13: A. Quand quelque chose vous fait envie (vêtement, livre, disque, meuble ... ) et que vous avez

14
2- attendre et réfléchir pour savoir si vous en avez vraiment besoin ou pour demander conseil
à votre entourage
3- cela dépend

I.Q14: A. On vous offre un repas gratuit pour aller dans un très bon restaurant ou un billet pour aller voir
un spectacle qui vous plaît... L'offre est valable un an. Vous préférez :
1- l'utiliser tout de suite
2- attendre quelque temps
3- ne l'utiliser qu'à la dernière limite (dans presque un an)
1- Oui 2- Non
Annexe A: L'enquête Insee-Delta /998 289

I.QlS: A. De manière générale, recherchez-vous des avis, des conseils auprès de vos proches, de vos amis,
d'experts, des médias ... avant de prendre vos décisions de consommation et de loisirs ?

.
1- systématiquement 2- souvent

'
3- pour certaines décisions
seulement

- aux informations générales (TV, radio, journaux ... )


- aux informations spécialisées
'
1-
1-
4- rarement

Oui
Oui
'
5- jamais

2-Non
2-Non
-aux instances gouvernementales (Ministère de la Santé ... )
- au "bouche à oreille"
1-
1-
Oui
Oui
2-Non
2-Non
@
- aux conseils de certaines personnes de votre entourage 1- Oui 2-Non
I.Q16: A. Vous est-il déjà arrivé d'avoir des difficultés à boucler votre budget parce que vous vous étiez
endetté pour acquérir des biens d'équipement ménager (HIFI, voiture ... ), pour payer vos vacances, etc.?
J-oui 2-non

'
I.Q17: Vous venez d'avoir une rentrée d'argent inattendue de l'ordre d'une année de vos revenus qui vous
permet de vous offrir le voyage, la voiture, le loisir... dont vous rêvez. Vous avez la possibilité de le faire
dès maintenant pour un prix égal à 12 mois de revenu. Mais l'agence à laquelle vous vous adressez
peut obtenir des réductions si votre projet n'est réalisé que plus tard. Il n'y a aucun risque (l'agence s'est
engagée à vous dédommager en cas de rupture de contrat de sa part). Combien accepteriez-vous de donner
aujourd'hui, en pourcentage du prix initial, pour réaliser votre rêve seulement dans:~
A. 3 mois B. 6 mois C. un an D. 3 ans ~ E. 5 ans
i ' ' ,-------'!___---l
%1 %1 %1
I.Q18: A. Suite à une charge de travail inopinée, votre employeur demande à l'ensemble du personnel si
certains seraient prêts à reporter une semaine de vacances à l'année prochaine. Les volontaires bénéficieraient
alors, outre de la semaine à rattraper, de jours de congé supplémentaires à négocier.
Vous n'avez aucun engagement impossible à modifier ; acceptez-vous le principe de cette offre ?
1- oui 2- non

'
joursl
290 Inégalités patrimoniales et choix individuels

II.Ql: A Avez-vous déjà pratiqué les sports suivants?


- ski /- Oui, hors piste 2- Oui seult. sur pistes 3- Non
-parapente, ULM, parachute, saut à l'élastique /-Oui 2- Non
-alpinisme, escalade, rafting ou canyoning /- Oui ~ 2- Non
-trekking, expédition aventureuse /- Oui \f!!!!j 2- Non
- autres sports risqués /- Oui ~ -·····---~~:::~-~2~-~N~odn

Si au moins un 1 :
1- Oui 2-Non

1- Oui 2-Non

II.Q2: Allez-vous régulièrement pour faire des bilans, des analyses à titre préventif?
A Chez le médecin /- Oui 2-Non
B. Chez le dentiste @ 1- Oui 2-Non

II.Q3: Quand vous vous sentez mal fichu, êtes-vous plutôt du genre à:
1- aller rapidement chez le médecin
2- attendre pour voir si le problème ne s'arrange pas tout seul
3- essayer de vous soigner par vous-même
II.Q4: A Vous devez subir un traitement douloureux et vous avez le choix entre deux dates : dans les
prochains jours ou dans un an. D'un point de vue médical, le choix est sans conséquence. Que préférez-vous
/-entrer à l'hôpital dans les jours à venir 2-attendre un an
et être vite débarrassé de cette corvée
®
II.QS: Etes-vous plutôt du genre à :
A aller vous faire vacciner quand la vaccination n'est pas obligatoire ?~ 1- Oui 2-Non
B. à faire les rappels ? ~ 1- Oui 2-Non

II.Q6: En voiture, sur une route où il n'y a pas de contrôle, vous arrive-t-il, lorsque vous conduisez :
A. de ne pas mettre la ceinture de sécurité
1- Oui, souvent 2- Oui, parfois 3- Jamais (ou rarement) 4- Sans objet~
B. de dépasser la vitesse autorisée
1- Oui, souvent 2- Oui, parfois 3- Jamais (ou rarement) ~
4- Sans objet

II.Q7: Pensez-vous que cela vaut la peine, pour gagner quelques années de vie, de se priver de ce qui
constitue pour soi les plaisirs de l'existence (comme bien manger, boire, fumer, mener une vie
mouvementée) ?
1- Oui, tout à fait 2- Oui, plutôt 3- Non, pas vraiment 4-Non, pas du tout
Annexe A: L'enquête Insee-Delta 1998 291

II.Q8: Pour éviter des problèmes de santé (à l'exclusion de toutes les autres raisons):
Oui, régulièrement Oui, de temps en temps Non
A. surveillez-vous votre

g
2 3
poids
B. surveillez-vous votre
alimentation
C. faites-vous du sport
2

2
Q 3

3
II.Q9: Vous est-il arrivé d'arrêter un régime parce qu'il ne donnait pas de résultats assez rapides?
/-Oui 2-Non 3-Sansobjet 0
II.QlO: A. Quand vous suivez un traitement médical, êtes-vous impatient d'obtenir des résultats?
1- Oui 2- Non 3- Sans objet

lilii-"B:IItM\Witttllïl:it:~~~YI
1- un traitement 2- un traitement plus doux
"violent" mais rapide mais plus lent

II.Qll: A. Etes-vous sensible aux débats de santé contemporains (sida, sang contaminé ... )
1- Oui 2-Non

II.Ql2: A. Etes-vous sensible aux débats sur le financement des dépenses de santé?
1- Oui 2-Non

II.Ql3: Diriez-vous que dans votre famille:


A. du côté paternel :
... vivent très longtemps ... vivent longtemps ... meurent plutôt jeunes
- les hommes .. . 1 2 3
- les femmes .. . 1 2 3
B. du côté maternel :
... vivent très longtemps ... vivent longtemps ... meurent plutôt jeunes
- les hommes .. . 1 2 3
- les femmes .. . 1 2 3
II.Ql4: Et vous, pensez-vous que vous vivrez :
1- très longtemps 2- longtemps 3- pas très longtemps 4- je n'en sais rien
292 Inégalités patrimoniales et choix individuels

III.Ql: A. Diriez-vous que vous exercez (ou avez exercé) un métier qui comporte des
risques, en dehors de celui de la perte d'emploi? /- Oui 2- Non 3. S. 0., n'a

' jamais travaillé


u
Passez à III.Q7

III.Q2: A. Dans un métier, recherchez-vous plutôt (2 réponses au maximum) ?


1- un travail bien défini, sans surprise (mais pas forcément inintéressant)
2- un travail avec beaucoup de responsabilités VoirCARTE2
3- l'aventure, le risque, la nouveauté

=>
4- un travail qui vous laisse du temps
5- d'abord autre chose

Au cours de votre vie professionnelle, avez-vous pris des risques?


A. par vos jugements ou vos comportements dans l'entreprise 1- Oui 2-Non@
B. par des pratiques sportives ou extra professionnelles qui risquaient de vous
rendre indisponible et de vous faire perdre votre poste ou votre emploi /- Oui 2- Nonrf!!)

C. par des changements risqués dans votre carrière 1- Oui

III.Q4: A. Quand vous avez eu à choisir votre métier, est-ce que les risques (accidents, chômage,
aléa du revenu ... ) ont été déterminants dans votre choix ?
0- S. 0., je n'ai pas eu le choix VoirCARTE3

=>
1- Oui, j'ai renoncé au métier

2- Oui, parmi les métiers qui me plaisaient, j'ai choisi le moins risqué
3- Oui, j'ai choisi le métier le

4-Non
==>---------=========~
III.QS: A. Dans votre métier, exercez-vous (ou avez-vous exercé) des responsabilités?
1- Oui 2-Non

1- Oui
' ®
2-Non, je suis plutôt du genre à vouloir tout vérifier par moi-même

III.Q6: Avez-vous l'impression d'avoir manqué des opportunités professionnelles par un


comportement trop prudent dans le passé? 1- Oui d- Non

e
III.Q7: Un de vos enfants (ou un proche) vous fait part de son intention d'abandonner sa situation actuelle
pour embrasser une carrière risquée mais qui peut se révéler brillante. Le poussez-vous dans cette voie?
1- oui, assurément
2- oui, mais en émettant des réserves ou des conseils de prudence
3- je refuse de donner un avis précis
4- j'essaie de l'en dissuader
Annexe A :L'enquête Insee-Delta /998 293

III.Q8: Trouvez-vous normal qu'à capacités égales :


A. quelqu'un qui a un métier risqué soit davantage rémunéré 1- Oui 2-Non
B. un fonctionnaire soit moins rémunéré 1- Oui 2- Non
C. quelqu'un qui crée son entreprise soit davantage rémunéré 1- Oui 2- Non
D. quelqu'un qui a des responsabilités soit davantage rémunéré 1- Oui 2- Non

III.Q9: Imaginez que vous vivez dans une société dans laquelle existe un service civil obligatoire pour
les hommes comme pour les femmes à réaliser après 35 ans. Supposons que vous ayez cet âge.
Le service peut être étalé sur un intervalle variable de plusieurs années et vous êtes libre de répartir les mois
de service à votre convenance sur la durée choisie. Quelle option choisissez-vous ?
1-4 mois à faire au cours de l'année à venir
2- 5 mois à faire au cours des 2 ans à venir VoirCARTE4
3- 7 mois à faire au cours des 5 ans à venir
4- 12 mois à faire au cours des 7 ans à venir
294 Inégalités patrimoniales et choix individuels

IV.Ql: On vous propose d'acheter 500 francs un billet de loterie qui a une chance sur mille de
gagner. Le lot s'élève à 1 million de francs. L'achetez-vous?
1- Oui, certainement 2-0ui, peut-être 3- Non, c'est trop risqué
®
4- Non, je ne joue jamais

IV.Q2: A. Vous possédez des biens (logement, voiture, mobilier, bijoux ... )pour une valeur de 1 million de
francs. Le risque de catastrophe naturelle (tempête, grêle, inondation ... ), là où vous vivez, est évalué à
un pour mille par an. On vous propose une assurance qui vous couvre totalement pour une prime annuelle de

2 000 francs. Prenez-vous l'assurance? /- Oui 2- Non @


,..----------1
F.

IV.Q3:A.

/-Oui

2-Non
3-NSP
IV.Q4: En matière de logement, êtes-vous d'accord avec les affirmations suivantes?
-pas -pas du
- tout à fait - plutôt
vraiment tout
d'accord d'accord
d'accord d'accord
* Etre propriétaire vous handicape en réduisant vos 4
possibilités de mobilité 2 3
* Etre propriétaire, c'est vraiment faire un bon 2 3 4
placement
* Etre propriétaire, c'est avoir l'assurance d'avoir
toujours un toit au dessus de sa tête
* Etre propriétaire de son logement, c'est un signe
@)2 3 4

2 3 4
de réussite sociale
IV.QS: A. En matière de gestion de patrimoine, recherchez-vous des avis, des conseils auprès de vos
proches, de vos amis, d'experts, des médias ... avant de prendre vos décisions ?
2- Souvent 3- Rarement 4- Jamais 5- S.O.

@)
- aux informations générales (TV, radio, journaux ... ) 1- Oui 2-Non
-aux prévisions des économistes /- Oui 2- Non
-aux conseils de certaines personnes de votre entourage /-Oui 2- Non
IV.Q6: A. On vous propose des billets pour différentes loteries. Les billets valent tous 100 francs.
Les chances de gagner et les lots sont les mêmes. Pour certaines loteries, le tirage a lieu dès demain,
pour d'autres seulement dans quelques mois. Quelle loterie choisissez-vous?
1- Celle dont le tirage est le plus lointain
2- Celle dont le tirage est le plus proche ~

-un mois
-six mois
-un an
3- N'importe laquelle
4- Aucune
Annexe A: L'enquête Insee-Delta 1998 295

V.Ql: Quand vous avez eu à choisir votre métier, est-ce que la nature des droits à la retraite
a été déterminante ?
/-Oui, j'ai renoncé au métier qui me plaisait le plus parce que les droits à la retraite n'étaient pas
intéressants
2-Non. j'ai choisi le métier qui me plaisait le plus bien que les droits à la retraite n'aient pas été intéressants
3-Non. le métier qui me plaisait le plus avait des droits à la retraite intéressants
4-Non. je n'.v ai pas pensé Voir CARTES
te est un nsque qm vous préoccupe ?

~
B. Pensez-vous que si cela devait vous arriver, vous auriez des problèmes financiers?
1- Oui
1- Oui
2-Non
2-Non

C. Avez-vous mis de l'argent de côté pour faire face à cette éventualité?....@ 1- Oui 2-Non

V.Q3: A. Etes-vous sensible aux débats relatifs aux difficultés prévisibles du système de retraite actuel ?

,_f"' 2-Non @
2-Non D. Pourquoi ?

.Q4: A. Supposons qu'au début de votre vie active, on vous ait proposé de choisir entre deux options
professionnelles:
* payer comme aujourd'hui vos cotisations sociales pour toucher la retraite correspondante sur vos
vieux jours (option a)
*ne pas payer de cotisations sociales (ou alors un montant beaucoup plus faible), mais ne toucher
plus tard que le minimum vieillesse (option b)
option choisissez-vous ? VoirCARTE6
1. option a => 1- parce que je n'ai pas à m'en occuper
(plusieurs réponses 2- parce que le système actuel est plus juste
possibles) 3 - parce que le système actuel est moins ri
4- autres ==:::>

2. option b =>
296 Inégalités patrimoniales et choix individuels

V.Q5: A. On parle beaucoup d'années sabbatiques, de retraite à la carte ... Que diriez-vous a priori d'un
système qui permette de se retirer du marché du travail à un âge précoce, à 45 ans par exemple, avec une
retraite à taux plein jusqu'à (mettons) 60 ans, puis le minimum vieillesse?
1 - ce système est scandaleux
2 - ce système n'est pas intéressant Voir CARTE 7
3 - ce système est intéressant mais un peu fou
4 - ce système est très intéressant .IJ.

3-Non, j'aime trop mon


4-0ui
travail pour l'arrêter si tôt

2 - ce système n'est pas intéressant


3 - ce système est intéressant mais un peu fou
4 - ce système est très intéressant
1- Oui 2-Non
1
Annexe A: L'enquête Insee-Delta 1998 297

VI.Ql: A. Etes vous d'accord avec les affirmations suivantes concernant la famille?
-tout à fait -pas vraiment -pas du tout
d'accord d'accord d'accord

*le mariage est une "assurance" .................. 1 2 3 4

*choisir un conjoint comporte des risques .......... 1 2 3 4


* on ne peut s'engager sans essai préalable dans
un contrat comme le mariage .................. 2 3 4
* avoir des enfants est une "assurance" pour les
vieux jours ................................. 1

* décider d'avoir des enfants, c'est prendre un risque . 1


2

2
3

3
G 4

* décider d'avoir des enfants, c'est s'engager pour la vi @ 2 3 @ 4

B.Adhérez-vous à la conception du mariage comme contrat de long terme "pour le meilleur et pour le pire"?
1 -Tout à fait d'accord 2- Plutôt 3- Pas vraiment d'accord 4- Pas du tout d'accord
d'accord

VI.Q2: Vous vivez ou vous avez déjà vécu en couple. (sinon passez à VI.Q3)
A. Diriez-vous que vous avez fréquenté votre partenaire ou votre conjoint, avant de vivre ensemble :

1- plus de 2-de5à 3-de2à5ans 4 - un ou deux ans 5- quelques 6 - peu de temps


JO ans JO ans mois

B.Pensez-vous que choisir un conjoint dans son milieu (social, religieux ... ) réduise les risques de mésentente?

@/-Oui 2- Non
C. Vous-même, lors du choix de votre conjoint, avez-vous tenu compte des risques de mésentente ?

1- Oui 2-Non
VI.Q3: A.Des enfants privilégient leurs loisirs, leurs passions ou leurs amis par rapport à leurs études.
Êtes-vous d'accord ? -Oui, tout à -Oui, mais seulement
fait pour les plus jeunes -Non, pas du tout

1 2 4
• '
-pas vraiment
normal -pas du tout normal
2 3 4

VI.Q4: A. Dans les couples où il y a un seul apporteur de revenus importants. pensez-vous qu'il soit
nécessaire de prévoir financièrement sa disparition (en achetant une assurance-décès, en mettant
suffisamment d'argent de côté ... )? 2- Oui, seulement
1- Oui s'il y a des enfants 3-Non
R47
' '
298 Inégalités patrimoniales et choix individuels

VI.QS: A. Pensez-vous qu'il faille consacrer des efforts, financiers ou autres, pour aider ses enfants
tout au long de leur vie, même s'ils sont à leur aise ?
1- Oui~ passez à VI.Q.6 2- Non
i

1- jusqu'à la fin de leurs études


2- jusqu'à ce qu'ils aient une situation
3 -jusqu'à leur mariage ou mise en couple
4 - autres cas

D. Pensez-vous qu'il faille aider ses enfants lors de certains événements (installation professionnelle
ou familiale, naissances ... ) 1- Oui 2- Non

VI.Q6:A. Pour le choix des prénoms des enfants ou des petits-enfants, prenez-vous
(ou prendriez-vous) en compte:
a - la tradition familiale 1- Oui 2-Non
b - les références religieuses 1- Oui 2-Non
c -la mode 1- Oui 2-Non

B. Recherchez-vous plutôt: ~
1- un prénom original 2- un prénom classique 3- ni l'un, ni l'autre

VI.Q7: Vis-à-vis de vos enfants jeunes ou adolescents, êtes-vous (ou seriez-vous) du genre ...
A. ... à les surveiller constamment ou leur laisser beaucoup d'indépendance, quitte à ce qu'ils fassent des
expériences pénibles? @
3- à leur laisser beaucoup
1- à les surveiller constamment 2- à les surveiller de temps en temps d'indépendance~
B .... à leur donner le goût de l'épargne /-Oui 2- Non ..__\!!.!;
.-@
C. ... à les inciter à prendre des risques ?
3-Non. je les inciterais plutôt à la
J-Oui, tout à fait 2- Oui, mais seulement des risques limités prudence
Annexe A: L'enquête Insee-Delta 1998 299

VI.Q8: Pensez-vous qu'il faille prendre moins de risques dans la gestion d'un patrimoine hérité que~

pour les autres biens ? ~


1- tout à fait d'accord ,:.~~;~:~: 3 -pas vraiment d'accord 4 -pas du tout d'accord

VI.Q9: A. Avec l'augmentation de l'espérance de vie. on hérite de plus en plus tard. Que penseriez-vous
de la création d'une agence qui permette à de futurs héritiers. en accord avec leurs parents. de toucher un
capital plus tôt s'ils renoncent à leur héritage futur. Ceci leur coûterait une partie du montant de l'héritage.
1 - ce système est scandaleux
2- ce système n'est pas intéressant VoirCARTE9
3 - ce système est intéressant mais un peu fou
4 - ce système est très intéressant 3

B. En admettant que ce système puisse fonctionner, seriez-vous vous-même 1

(ou auriez-vous été) prêt à racheter vos droits d'héritage, à 35 ans par exemple?
1- Oui 2- Non


C. Quelle part de capital hérité, en %, 1 ==:::> 1 ~1
1 seriez-vous prêt à abandonner ? '-·--------'·
300 Inégalités patrimoniales et choix individuels

-un peu à -au dernier


-bien à l'avance l'avance moment

Quand vous sortez de chez vous et que la météo est incertaine, prenez-vous vos précau~

(parapluie, imperméable ... )? /-Oui 2- Non ~


VII.Q3 : Vous avez organisé un pique-nique ou une sortie pour le week-end. La météo s'avère incertaine.
Etes-vous du genre à:
1 - maintenir sans rien changer
2- maintenir, mais prévoir une solution de repli si le temps se gâte
3- renoncer
Vous avez une corvée pénible à faire et qui prend du temps (rédiger une lettre de COlldc>lé~mce,
annoncer une mauvaise nouvelle à quelqu'un ... ). Etes-vous plutôt du genre:
1 - à vous en débarrasser tout de suite
2 - à attendre le dernier moment quitte à devoir y passer plus de temps
VII.Q5: A. Etes-vous de ceux qui disent d'eux-mêmes:
1- qu'ils ont souvent de la chance dans la vie
2- qu'ils ne sont pas vernis
3 -autre ~

VII.Q6: Certaines personnes croient en la destinée, d'autres non. Vous-même, pensez-vous plutôt que
"tout est écrit" ou que "chacun tient son avenir entre ses mains".
1- "tout est écrit"
2- "on ne maîtrise qu'une petite partie de sa vie"

B. une voyante ou un marabout 1- Oui 2-Non


VII.QS: Etes-vous du genre à avoir peur de manquer dans l'avenir?
/-Oui, tout à fait du genre 2- Plutôt du genre 3- Pas forcément le genre 4- Pas du tout le genre

~
VII.Q9: En matière de consommation, de patrimoine, d'activité professionnelle ... , êtes-vous du genre
à vous imposer souvent des contraintes pour vous forcer à être raisonnable ou pour éviter de céder à la
tentation?
/-Oui, tout à fait du genre 2- Plutôt du genre 3- Pas forcément le genre 4- Pas du tout le genre
Annexe A: L'enquête Insee-Delta 1998 301

VII.Q10: A. Avez-vous des projets auxquels vous réfléchissez souvent ou qui vous tiennent à coeur, qu'ils
concernent votre vie professionnelle ou familiale, votre patrimoine, vos distractions ou vos loisirs ...
a- sur dix ans: /-Oui 2- Non
b-survingtans: J-Oui ~
c- sur trente ans ou plus: /-Oui
Si au moins un 1 •
~-----------------,

a - sur dix ans: 1- Oui 2-Non


b - sur vingt ans: 1- Oui 2-Non
c- sur trente ans ou plus: 1- Oui 2-Non

.------------------------------------,
Si au moins un 1 •
VII.Qll: A. Etes-vous sensible aux problèmes d'environnement (pollution des villes, couche d'ozone, ... )
1- Oui 2- Non

• ~
1- Oui 2-Non



VII.Q12: Etes-vous prêt à "sacrifier" de votre niveau de vie actuel afin de laisser aux générations futures
une planète en bon état ?
1- Oui, je suis prêt à faire de gros efforts
2- Oui, je suis prêt à faire quelques efforts
3- Non, pas vraiment

VII.Q13 :A. Pour mettre au point un programme d'intervention coûteux qui va diminuer la pollution et sauver
des vies humaines, l'Etat doit créer une nouvelle taxe. Il a le choix entre plusieurs programmes de même coût.
Quel choix aurait votre préférence ? Voir CARTE 10
0- Aucun
1 - le premier programme sauve des vies dès demain, mais son efficacité diminue pour être nulle
au bout de 50 ans

1- Oui 2-Non
2 - le second programme ne commence à sauver des vies qu'au bout de 25 ans, mais il reste efficace jusque
dans IOOans
3- le troisième programme ne commence à sauver des vies qu'au bout de 50 ans, mais il reste efficace
jusque dans /50 ans
4- le quatrième programme ne commence à sauver des vies qu'au bout de 100 ans, mais son efficacité
est permanente après
302 Inégalités patrimoniales et choix individuels

VII.Q14: Accepteriez-vous qu'après votre décès, on vous prélève un organe pour réaliser une
transplantation, une greffe ?
1- Oui, dans tous les cas
2- Oui, uniquement pour des proches
3- Non
VII.QlS : Sur les douze derniers mois, avez-vous :
* fait des cadeaux ou rendu des services à quelqu'un de votre famille 1- Oui 2- Non
* fait des cadeaux ou rendu des services à des voisins, des amis 1- Oui 2- Non
*fait des dons à des oeuvres caritatives laïques ou confessionnelles (Croix rouge, Secours populaire,
Médecins sans frontière, Secours Catholique, Fondation Abbé Pierre, Croissant rouge ... )
/-Oui 2-Non
*fait des dons lors d'opérations spéciales (Téléthon ... ) 1- Oui 2- Non
*donné quelque chose à des mendiants, des gens qui "faisaient la manche" 1- Oui 2- Non
Annexe A :L'enquête Insee-Delta 1998 .303

·.
_2·. : ..::::;;: ..::.·:.:·:...::::.··

VIII.QI: En matière d'attitude à l'égard du risque, essayez de vous placer sur une échelle de 0 à 10 dans les
différents domaines de la vie que nous avons abordés (consommation, santé, travail, patrimoine, famille) où:
0 correspond aux personnes très prudentes, qui s'efforcent de limiter au maximum les risques de
l'existence et recherchent une vie bien réglée. sans surprise
10 correspond aux personnes attirées par l'aventure. qui recherchent la nouveauté et les défis, aiment prendre
des risques et miser gros dans leur existence

/.Consommation, loisirs. voyages

Prudent Aventureux

[_ü_I_I_I_Z_I_3_I_4_I_5_I_6_I_7_I_8_I_9_I_Hl_]

2. Santé
Prudent Aventureux
[_ü_I_I_I_Z_I_3_I_4_I_5_I_6_I_7_I_8_I_9_I_JO_]
3. Emploi. carrière professionnelle
Prudent Aventureux
[_ü_I_I_I_Z_I_3_I_4_I_5_I_6_I_7_I_8_I_9_I_IO_]
4. Placements, patrimoine
Prudent Aventureux
[_ü_I_I_I_Z_I_3_I_4_I_5_I_6_I_7_I_8_I_9_I_IO_]
5. Bien-être de votre famille ou de votre entourage
Prudent Aventureux
[_o_I_I_I_2_I_3_I_4_I_5_I_6_I_7_I_S_I_9_I_IO_]

VIII.Q2: Globalement, en matière d'attitude à l'égard du risque, où vous placez-vous sur la même échelle :

Prudent Aventureux
[_o_l_l_I_Z_I_3_I_4_I_5_I_6_I_7_I_8_I_9_I_IO_]

VIII.Q3: Essayez de vous placer sur une échelle de 0 à 10 selon que vous vous sentez plus proche de l'un
ou de l'autre portrait-type:
0: personnes impulsives ou impatientes, qui ne supportent pas l'attente. réagissent rapidement et veulent
tout tout de suite
10: personnes posées ou réfléchies, qui prennent leur mal en patience, et ont besoin de temps pour se faire
une opinion ou prendre une décision

Impatient Posé
[_o_I_I_I_Z_I_3_I_4_I_5_I_6_I_7_I_s_I_9_I_IO_]

VIII.Q4: Essayez de vous placer sur une échelle de 0 à 10 selon que vous vous sentez plus proche
de l'un ou de l'autre portrait-type:
0 : personnes qui vivent au jour le jour et prennent la vie comme elle vient, sans trop songer au lendemain
ni se projeter dans l'avenir
10: personnes préoccupées par leur avenir (même éloigné), qui ont des idées bien arrêtées sur ce qu'elles
voudraient être ou faire plus tard
Vit au
jour le Préoccupé par
jour l'avenir
[_O_I_I_I_2_I_3_I_4_I_5_I_6_I_7_I_s_l_9_l_w_]
304 Inégalités patrimoniales et choix individuels

VIII.QS: A. Sur l'échelle des risques (prudent-aventureux) indiquée plus haut (VIII.Ql), où classeriez-vous
votre conjoint?
1- au même endroit que vous-même, ou à peu près
2- plus aventureux que vous-même
3- plus prudent que vous-même
4- ne sait pas
B. Sur l'échelle des comportements à l'égard du futur (vit au jour le jour-préoccupé par l'avenir)
indiquée plus haut (Vlll.Q4), où classeriez-vous votre conjoint?
1- au même endroit que vous-même, ou à peu près
2- plus préoccupé par l'avenir que vous-même
3- vivant plus au jour le jour que vous-même
4- ne sait pas
VIII.Q6: A. Décririez-vous votre mère plutôt comme quelqu'un :
1- avant le goût du risque ou de l'aventure 2- de prudent 3- ni l'un , ni l'autre
B. Décririez-vous votre mère plutôt comme quelqu'un :
1- de prévoyant 2- vivant au jour le jour 3- ni l'un, ni l'autre

VIII.Q7: A. Décririez-vous votre père plutôt comme quelqu'un:


1- ayant le goût du risque ou de l'aventure 2- de prudent 3- ni l'un , ni l'autre
B. Décririez-vous votre père plutôt comme quelqu'un :
1- de prévoyant 2- vivant au jour le jour 3- ni l'un, ni l'autre

VIII.Q8: A. Dans vos comportements face au risque et à l'avenir, avez-vous l'impression


d'avoir profondément changé au cours de votre existence? 1- Oui 2- Non
J!
B. Diriez-vous que vous êtes devenu : FIN
1 - plus prudent ~ 1

1 Comment?!

2- plus aventureux ~,__


~------------------------1
3 - sans changement

C. Diriez-vous que vous êtes devenu :


1 -plus impatient ~ J
1 Comment?!
2- plus posé
~ ~~--------------------------------~
3 - sans changement

D. Diriez-vous que vous êtes devenu :


1 - plus insouciant ~ 1

1 Comment ?1
2 - plus prévoyant ~ IL___________________________________~
3 - sans changement
Annexe A: L'enquête Insee-Delta 1998 305

3. LE SOUS-ÉCHANTILLON DE L'ENQUÊTE "COMPORTEMENT FACE AU RISQUE


ET À L'AVENIR": REPRESENTATIVITÉ
L'enquête méthodologique "Comportements face au risque et à l'avenir" a été réalisée dans quatre
régions: Bretagne-Normandie, Ile de France, Provence Alpes-Côte d'Azur, Bourgogne-Franche
Comté. Dans ces régions, sur les 3 467 ménages interviewés dans l'enquête "Patrimoine", l 135 ont
répondu à l'enquête méthodologique. Un seul des membres du ménage était enquêté mais certaines
questions concernaient les attitudes vis-à-vis du risque et du temps du conjoint. Une attention
particulière était alors demandée aux enquêteurs/enquêtrices pour qu'aucun des sexes ne soit privilégié
dans le questionnement. 1
Le tableau ci -dessous compare la structure pondérée du sous-échantillon de l'enquête
méthodologique à celle de la population française issue du questionnaire principal (lü 207 ménages).
Différents critères de segmentation ont été retenus : âge, niveau social, diplôme et composition
familiale.
Les ménages de l'enquête méthodologique sont plus diplômés (niveau baccalauréat et études
supérieures) que ceux de la population totale et, corrélativement, les sans diplômes sont nettement
moins nombreux. Cette distorsion se reporte au niveau de la catégorie sociale: il y a moins d'ouvriers
et plus de cadres. Enfin, les ménages constitués de personnes seules sont un peu plus fréquents dans le
sous-échantillon. Toutes ces différences de structure traduisent principalement le fait que le champ
régional couvert est marqué par l'importance de l'agglomération parisienne. Par contre, on notera que
les structures par âge ne sont pas sensiblement différentes dans les deux populations.
Pour interpréter les résultats concernant l'étude des comportements patrimoniaux, il conviendra de
tenir compte de ces biais de sélection, susceptibles d'influencer certaines conclusions. On sait, par
exemple, que la demande d'actions est plus forte chez les diplômés, les cadres et les parisiens, trois
catégories sur-représentées dans 1'échantillon méthodologique.

l, l ~5 qu~stio~nair~s exploitables sur un total de 3 467 ménages ayant répondu à l'enquête mère dans les quatre
1

r~g1ons s_e~ect1onnees : ~e taux de réponse apparaît de J'ordre du tiers, mais le taux d'acceptation est cependant
b1en supeneur, les enqueteurs n'ayant pas toujours proposé la seconde interview (cf Arrondel et al., 2002).
306 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau A.l

Structures (pondérées) des échantillons(%)


Echantillon
Variables Enquête Patrimoine
méthodologiq ue(l)
Age
Moins de 25 ans 4,4 3,5
De 25 à 29 ans 9,9 8,3
De 30 à 34 ans 9,2 9,2
De 35 à 39 ans 10,2 9,9
De 40 à 44 ans 9,8 9,9
De 45 à 49 ans 9,6 10,3
De 50 à 54 ans 10,3 8,7
De 55 à 59 ans 6,8 7,2
De 60 à 64 ans 4,4 6,4
De 65 à 69 ans 6,0 7,0
De 70 à 74 ans 9,2 7,1
75 ans et plus 10,2 12,4
Niveau social de la personne de référence
Agriculteur 3,4 5,1
Artisan, commerçant 8,6 8,2
Industriel 0,8 0,4
Profession libérale 0,9 1,0
Cadre 16,4 11,1
Profession intermédiaire 18,8 17,7
Employé 21,4 19,1
Ouvrier qualifié 17,3 22,3
Ouvrier non qualifié 8,8 12,4
Inactif 3,5 2,7
Diplôme de la personne de référence

Aucun diplôme 12,4 21,6


CEP-DEFO 15,5 18,0
CAP- BEP 17,8 18,1
BEPC 14,7 12,6
Bac technique 3,1 4,0
Bac général 13,7 8,6

1" et 2è cycle univ., DUT,BTS 13,9 10,9

3è cycle univ., grandes écoles 9,0 6,3

Type de ménage
Personne seule 33,2 30,0
Couple sans enfant (au domicile) 23,9 26,0
Couple avec 1 enfant (au domicile) 13,0 13,3
Couple avec 2 enfants (au domicile) 11,8 13,2
Couple avec 3 enfants ou+ (au domicile) 6,8 6,9
Famille monoparentale 6,7 6,4
Autre ménage 4,6 4,2
Nombre de ménages 1135 10 207

Note: 1. Comme l'enquête méthodologique n'a été effectuée que dans quatre régions, la représentativité
régionale ne peut être observée.
Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta
Annexe B

Préférence temporelle discontinue)


Que l'on s'en félicite ou qu'on le déplore, il est souvent admis que l'économie néoclassique occupe
une place particulière parmi les sciences sociales et humaines. Cette dernière se distinguerait
notamment par sa méthode, dont l'originalité résulterait de la conjonction de deux objectifs
spécifiques.
Le premier concernerait sa visée "explicative" de l'agir humain, cet effort constant "d'objectivation
d'une pensée en quête du réel" que Bachelard prête aux sciences de la nature et qui est ici étendu au
social. L'économie propose un formalisme abstrait et cohérent qui ignore autant que possible la
"compréhension" (Verstehen), soit la connaissance d'autrui obtenue par intuition, introspection ou
empathie. Elle tente de produire des concepts ou des objets théoriques univoques et opératoires,
dégagés de leurs connotations familières, symboliques ou ambigües. Cette ambition est illustrée de
manière exemplaire par le passage historique progressif d'approches hédonistes, eudémoniques ou
utilitaristes du comportement à une axiomatique formelle de l'utilité, voire à un simple préordre
continu de préférences.
Cette "coupure épistémologique" conduit à des modèles ou systèmes hypothético-déductifs bien
articulés, qui visent moins, selon Robert Lucas, à reproduire le réel, fût-ce sous une forme simplifiée,
qu'à "en imiter le fonctionnement dans un certain domaine": dans ce champ potentiel d'application,
leurs prédictions doivent pouvoir être confrontées aux données de l'expérience et éventuellement
réfutées. L'intérêt essentiel de ces modèles réside alors dans leur pouvoir heuristique : ils fournissent
un cadre de référence intelligible qui aide à identifier les "bonnes" questions (Samuelson). Surtout, ils
permettent d'évaluer les conséquences produites par des politiques alternatives, d'explorer d'autres
environnements que le nôtre- imaginaires ou réels -ou encore d'attribuer l'écart entre les prédictions et
la réalité à certains phénomènes provisoirement omis dans la formalisation.
Le second élément fondateur de la méthode néoclassique viendrait de ce qu'elle procède d'un
individualisme méthodologique sans concession, qui se cristallise autour du concept de l'homo
oeconomicus et du principe de rationalité. Les phénomènes sont a priori conçus comme résultant de la
conjonction des actions rationnelles d'individus placés dans des situations données, dont la description
fait intervenir les dotations ou ressources individuelles et les caractéristiques de l'environnement
économique (fonctionnement des marchés, contraintes naturelles ou technologiques ... ), mais intègre
aussi bien des normes, valeurs ou institutions comme la famille (à condition de réinterpréter ces
éléments a priori "holistes" comme le produit de décisions individuelles passées). Le principe de
rationalité repose alors sur une évaluation ou un "calcul" subjectif des bénéfices et des coûts associés
aux actions alternatives offertes, les choix de l'individu étant optimalement adaptés à sa situation, telle
qu'il l'envisage ou la perçoit.

1
Ce texte est repris d'un article écrit par André Masson dans la Lettre Delta n° 6, (juillet 1997), p. 9-14; il offre
une présentation résumée et une mise en perspective d'un texte beaucoup plus long : Masson (2000).
308 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Le fait que l'économie moderne reconnaisse ainsi les limites cognitives ou intellectuelles de l'esprit
humain et accorde un rôle de plus en plus important à la dimension informationnelle des choix, aux
croyances et représentations des agents, l'oblige cependant à un compromis perpétuel entre ces deux
objectifs. Son développement est soumis à une tension permanente et potentiellement féconde entre
une volonté d'objectivation ou d'abstraction et certaines concessions à un subjectivisme néo-hayekien :
pour ce dernier, les "données de base des sciences de l'homme ne sont pas des choses mais des idées
sur les choses (des opinions ou des conceptions)", et les comportements humains ne peuvent en
conséquence être abordés d'un point de vue objectif, conforme à l'idéal positiviste ou behaviouriste,
comme on le ferait "par exemple pour l'histoire d'une fourmilière" 1•


Dans cette perspective, nous voudrions insister sur une autre originalité du paradigme néoclassique,
plus souvent ignorée, qui apparaît dans les rapports de la rationalité avec le temps. En général,
l'économiste adopte en effet une vision radicalement prospective des comportements, en négligeant ou
en minorant le fait que les préférences et les choix d'aujourd'hui dépendent des expériences et des
choix passés ; dans l'analyse des choix intertemporels, il est ainsi conduit à se focaliser sur le rôle des
anticipations et de l'horizon décisionnel de l'agent, et à privilégier les effets de J'incertitude de l'avenir.
Cette vision radicalement prospective occupe une position centrale au sein du programme de
recherche néoclassique bien qu'elle n'apparaisse pas la conséquence logique de ses présupposés de
base 2• Il résulte du fait que l'exercice de la rationalité économique à l'égard du temps s'appuie
essentiellement sur la prévoyance : l'agent doit envisager à l'avance toutes les conséquences futures de
ses choix actuels, y compris sur ses préférences à venir, afin de ne pas avoir à les regretter plus tard.
Ce faisant, il cherche à assurer la "cohérence temporelle" de ses choix, qui lui permet dans l'idéal de
ramener un problème de décision dynamique à un choix statique, effectué une fois pour toutes: la
stratégie initialement adoptée, soit le plan exhaustif prévoyant correctement la décision à prendre en
toutes circonstances, pour chaque date et chaque contingence à venir, est finalement réalisée sans avoir
à être révisée ultérieurement.
Dans la décision que prend un agent aujourd'hui, la manière dont il "actualise" le futur- ou l'image
qu'il s'en forme - joue alors un rôle prépondérant. Héritée des pratiques financières ou comptables,
l'actualisation consiste à rendre commensurable au présent le futur anticipé, à fournir des règles
d'équivalence entre les grandeurs prévues et les grandeurs actuelles (ressources, consommations,
besoins ... ). Son développement fait qu'elle apparaît aujourd'hui une opération propre à l'économie
néoclassique. Mais elle est également discutée par les philosophes (analytiques) comme Rawls, Parfit
ou Williams.
Notre hypothèse directrice est que la faisabilité et la justification d'une telle procédure est limitée
par deux facteurs :

1 Cette tension rejaillit sur la question des emprunts de l'économie à d'autres sciences de l'homme, notamment la
psychologie. Pour ceux qui, comme Simmel, privilégient la visée explicative d'une théorie rationnelle de
l'action, les modèles doivent se limiter à "reconstruire" la subjectivité des individus, à l'aide d'une "psychologie
abstraite" ou "psychologie de convention", afin de prédire correctement leurs comportements ou leurs
décisions. Pour d'autres, comme Herbert Simon ou certains partisans de la rationalité limitée, il faut au
contraire rechercher une description réaliste de la psychologie des acteurs.
2 Comme le montre la variante "institutionnelle" de Popper, l'individualisme méthodologique ne conduit pas
forcément à cette sorte d'atomisme social où les individus, autonomes et souverains, seraient dépourvus de
toute histoire et de tout enracinement familial ou socioculturel.
Préférence temporelle discontinue 309

- Le premier tient au degré de subjectivité de la grandeur à actualiser. L'escompte des profits et des
coûts futurs pour une grande entreprise pose assurément moins de problème que celle des satisfactions
d'un consommateur sur son cycle de vie: dans ce dernier cas. l'actualisation engage directement la
subjectivité de l'individu en faisant intervenir sa capacité et sa volonté de se projeter dans un futur plus
ou moins lointain.
- Le second facteur concerne le degré d'hétérogénéité du temps modélisé, fonction de son caractère
discontinu, irréversible ou imprévisible : l'actualisation, parce qu'elle revient à abolir les distances
temporelles, apparaît d'autant plus légitime qu'elle s'inscrit dans un temps suffisamment homogène
pour que le futur puisse être considéré, dans une large mesure, comme une réplique du présent.


Une première partie de l'étude souligne la difficulté pour l'économie néoclassique contemporaine de
renoncer à l'hégémonie du futur. du fait même de sa référence prioritaire à la cohérence temporelle des
choix : or cette propriété apparaît difficile à respecter en présence d'un temps suffisamment
hétérogène. On montre ensuite qu'une telle temporalité, le plus souvent irréversible et imprévue, ne
peut être générée qu'en imposant des limites intrinsèques aux facultés de connaissance (ou de calcul
ou de compréhension) et de contrôle humains- relatives au monde extérieur, à autrui ou au sujet lui-
même: l'économie néoclassique peine à se détacher de la référence à l'équilibre stationnaire ou au
régime permanent, dont le temps particulièrement pauvre repose sur la répétition du même- au moins
au niveau statistique- et s'ouvre sur un futur parfaitement prévisible et contrôlable.
La suite de l'étude tente d'étayer l'hypothèse précédente. en comparant les procédures d'actualisation
dans différents contextes qui se distinguent par la nature de la grandeur escomptée et la conception
sous-jacente du temps. Tout d'abord. on s'intéresse essentiellement au premier de ces critères dans le
cadre de la théorie du consommateur-épargnant sur le cycle de vie. Cette dernière permet d'opposer
deux taux d'actualisation, l'un objectif, l'autre subjectif:
- le taux d'intérêt r, donnée macroéconomique objective et observable, permet de classer les profils
de revenu escomptés en ramenant chacun d'eux à un équivalent-présent, soit un montant actualisé:
l'opération est cependant plus délicate en cas d'incertitude du futur ou de contraintes de liquidité ou
autres (temps hétérogène) ;
-le facteur d'actualisation temporelle, noté a, ou son taux de décroissance i5 (taux d'actualisation ou
"d'impatience"), donnée microéconomique subjective et non (directement) observable, permet de
comparer les niveaux d'utilité ou de satisfactions attendues à différentes dates et de caractériser ainsi
J'horizon comportemental de l'agent.
Le statut et la signification de cette préférence temporelle posent problème : l'erreur habituelle est
de l'assimiler à un taux marginal de substitution entre consommations présente et future ou d'utiliser ce
concept pour justifier un taux d'intérêt positif. En fait, la préférence pure pour le présent doit être
dégagée d'autres manifestations du temps : phénomènes d'habitude, variations des goûts ou des
besoins, incertitude des ressources ou des goûts futurs et surtout de la durée de vie, combinée ou non
avec l'existence de contraintes de liquidité et d'autres imperfections du capital. Et la comparaison avec
les modèles dynastiques, où le père "altruiste" intègre dans sa fonction d'utilité le bien-être de son
enfant, montre que le facteur a peut formellement être assimilé à un degré d'altruisme (prospectif) vis-
à-vis de soi-même. mesurant l'attention que l'on porte au bien-être de ses "moi futurs" sur Je cycle de
vie.
310 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Deux exemples permettent ensuite de se focaliser sur la relation entre la conception du temps et la
procédure d'actualisation. Le premier concerne les relations entre générations successives ou
imbriquées ; le second traite de la temporalité de l'existence et des rapports à soi-même sur le cycle
vital. À chaque fois, on oppose les cas où l'omniscience et la toute puissance des agents aboutissent à
un temps homogène et facilitent l'actualisation, aux situations où l'on reconnaît au contraire les limites
du savoir et du pouvoir humains, source d'hétérogénéité temporelle. Les problèmes que rencontre alors
l'actualisation reflètent la relation conflictuelle entre rationalité et histoire individuelle ou collective ;
ils requièrent des solutions originales que l'on tentera d'esquisser .


Venons-en au second exemple qui traite de la temporalité du cycle de vie. L'actualisation des
utilités futures fait intervenir la préférence pure pour Je présent qui découle directement du colloque
personnel avec les répliques de soi dans le futur.
La littérature consacrée à cette préférence temporelle pure propose plusieurs manières de concilier
subjectivité et rationalité, selon la conception sous-jacente du temps de l'existence.
Une première réponse repose sur une temporalité homogène et une conception idéaliste de l'identité
personnelle qui suppose la transparence et la permanence du moi (futur). Elle conduit à rejeter l'idée
qu'un comportement (parfaitement) rationnel puisse accorder une quelconque priorité au présent. Un
courant important d'économistes (Ramsey, Harrod, Sen, Tobin ... ) et de philosophes (Rawls, Nagel...)
milite ainsi pour un traitement "équitable" ou "symétrique" des différents moments de l'existence- aux
probabilités de survie près 1( ••• ).
Une seconde solution suppose au contraire un temps hétérogène. Elle accorde un rôle important à la
préférence temporelle dans Je cadre d'une rationalité limitée qui fait souvent appel aux données de
l'expérience et aux enseignements de la psychologie cognitive ou comportementale. Deux séries de
facteurs, d'ailleurs non exclusives, expliqueraient la priorité accordée au présent:
- Le déficit de la volonté ou de "self-control" (Fisher, Elster, Thaler). L'être humain devrait
s'efforcer de préserver sa cohérence interne, d'assurer l'équilibre entre le Cœur et la Raison. Il serait le
siège d'un conflit interne entre plusieurs personnalités dotées de préférences contradictoires( ... ).
-Le déficit de J'imagination ou Je manque de prévoyance (Bohm-Bawerk, Marshall, Fisher, Becker
et Mulligan ... ). L'hypothèse que les individus accordent un poids excessif aux événements qui frappent
(salient) et avivent (vivid) l'imagination serait la "pierre de touche de la psychologie cognitive"
(Akerlof, 1991). Or, indépendamment même des effets de l'incertitude, les plaisirs et les peines
présentes bénéficieraient précisément de cette caractéristique par rapport aux plaisirs et peines
futures - une idée déjà défendue par Platon dans son Protagoras ( ... ).
Toutefois, ces explications volitives ou cognitives de la rationalité limitée se recoupent souvent et
ne peuvent pas toujours être distinguées. De fait, la ligne de démarcation la plus pertinente au sein de
la littérature sépare plutôt les modèles qui se concentrent sur les problèmes d'incompatibilité entre les

1 Ce qui ne veut pas dire que tous ces auteurs aient la même position sur un horizon infini. Certains comme
Koopmans invoquent au contraire la nécessité d'introduire dans ce cadre une préférence pour le présent, au
motif que l'absence d'un tel paramètre conduit, avec des fonctions d'utilité temporellement additives, à des
solutions analytiques dégénérées et une consommation présente minimale : intuitivement, comme dans la
nouvelle l'Immortel de Borgès, l'action peut toujours être remise sans dommage au lendemain puisque le
présent n'a plus de "prix" spécifique (le paradoxe disparaît cependant avec d'autres fonctions d'utilité, de type
Léontief- Maximin- par exemple).
Préférence temporelle discontinue 311

préférences d'aujourd'hui et de demain (comme dans le cas d'Ulysse et des sirènes), aux approches qui
envisagent les moyens dont dispose l'agent pour limiter le biais en faveur du présent et conduisent à
une préférence temporelle endogène en imposant au contraire la cohérence dynamique des choix
(Becker et Mulligan, 1997). Cette propriété constitue bien un enjeu crucial qui conditionne non
seulement la structure des modèles mais aussi l'interprétation des comportements observés 1•
La troisième voie, qui seule effectue la seconde coupure épistémologique, est celle que nous
privilégions : elle s'appuie sur un temps non seulement hétérogène mais aussi créateur, qui n'est plus
une "forme mobile de l'éternité" mais constitue, dans une perspective non idéaliste, "l'horizon de
compréhension de l'être" (Heidegger). Subjectivité et rationalité sont alors réconciliées autour de la
notion de projet, comme dans la citation sartrienne: "l'homme est un projet qui décide de lui-même".
Loin de constituer une imperfection, la préférence temporelle exprime alors les raisons de vivre
propres au sujet, le sens qu'il prête à son existence( ... ).
Historiquement, le seul économiste influent qui partage clairement cette vision semble être Von
Mises (1949), fondateur de l'école subjectiviste néo-autrichienne. Englobant l'économie dans ce qu'il
appelle la praxéologie, théorie générale des actes de choix et des actions intentionnelles (orientées vers
un but ou une fin), Von Mises écarte les explications psychologiques ou physiologiques de la
préférence temporelle proposées par ses prédécesseurs: pour saisir le caractère universel de cette
disposition, "il nous faut concevoir et non pas seulement sympathiser", c'est-à-dire montrer en quoi
son absence aboutirait à une impasse au plan conceptuel. En l'espèce, la préférence pour le présent,
inscrite dans le temps du projet, est une "composante catégorielle de l'agir humain ... parce qu'il nous
est impossible de penser une action sans vouloir sa réussite le plus tôt possible" 2 .
La praxéologie permet ainsi de s'affranchir d'une préférence temporelle conçue négativement
comme le reflet de la fragilité ou de l'inconstance humaines, pour lui faire exprimer une dimension
originale et essentielle du comportement de l'homo oeconomicus: l'absence "d'impatience" (t5 =0)
n'est plus un idéal de rationalité, mais correspond au contraire à "un tarissement pathologique de
l'énergie vitale", à l'exemple d'une avarice extrême. Dans l'Éthique à Nicomaque, Aristote avançait
déjà qu'une vie "vertueuse" devait être empreinte de générosité, définie comme une juste moyenne (à
l'instar du courage vis-à-vis de la peur et de la témérité) entre les deux pôles de l'avarice (a= 1 ou
a> 1) et de la prodigalité (a= 0). L'individu doit naviguer au mieux entre ces deux extrêmes: une

1
Un cas exemplaire concerne le débat sur les politiques à mener en matière de drogue. Le modèle "d'addiction
rationnelle" de Becker et Murphy ( 1988) repose sur trois hypothèses : (i) les drogués accordent au présent une
priorité plus forte que les autres individus ; (ii) ils subissent un effet d'accoutumance, la consommation
augmentant le désir futur de drogue ; (iii) les choix sont temporellement cohérents (l'effet d'accoutumance est
correctement perçu par les individus, etc.). Dans le cadre d'une morale utilitariste, ce modèle conduirait à
préconiser la légalisation des drogues et une politique de taxation reflétant les nuisances occasionnées pour
autrui. Akerlof (1991) accepte les deux premières hypothèses, mais rejette la troisième: les drogués
percevraient bien les conséquences désastreuses à terme de leur comportement mais seraient victimes du
"mafiana effect" - ils voudraient arrêter, mais toujours demain. C'est pourquoi il s'oppose aux conclusions
beckeriennes et recommande une politique moins libérale, comportant certaines interdictions.
2
"L'action est toujours dirigée vers le futur; elle est, essentiellement et nécessairement, toujours projeter et agir
pour un avenir meilleur. .. L'action persévérante, inlassablement dirigée vers la fin désirée, est nécessaire à ta
réussite". Plus généralement, par sa volonté d'objectiver les concepts en dehors de toute référence
psychologique, et par sa conception du temps de l'action qui privilégie l'instant et le "présent réel" contre la
durée continue de Bergson (auquel il fait explicitement référence), Von Mises apparaît à ce double égard un
bachelardien qui s'ignore.
312 Inégalités patrimoniales et choix individuels

existence désincarnée qui ne privilégie plus le présent de l'action, et une vie décousue, qui ne rime à
rien'.
Il manque cependant à cette analyse temporelle un fondement philosophique solide que fournissent
les approches phénoménologiques et analytiques de l'identité et de l'existence ( ... ). La primauté
absolue de l'instant présent tient finalement au fait qu'il n'y a pas de vie sans raison de vivre
aujourd'hui. Plus fondamentalement, le moi futur n'existe même pour le moi présent que si ce dernier
se "soucie" de lui, a des projets pour ce moi futur, des raisons de vivre qui le concernent. Ce parallèle
avec la survie, explicité notamment par le philosophe Bernard Williams (1982) autour de la notion de
"désir catégorique", permet d'approfondir le concept de préférence temporelle 2• On peut certes
interpréter le paramètre a comme un degré d'auto-altruisme ou d'auto-empathie, à condition cependant
d'admettre que l'existence des moi futurs est subordonnée à l'intérêt que leur porte le sujet: ces moi ne
possèdent donc pas l'autonomie que leur prête les économistes ou les philosophies idéalistes, et le
degré d'altruisme a du sujet pour ces "successeurs" de lui-même mesure en fait la force et l'étendue des
projets fondamentaux qu'il a élaboré à leur intention( ... ).
L'existence d'un projet, ou d'une série de projets, qui contribuent à définir le "caractère" d'un
individu, justifie ainsi la primauté de l'instant présent et confère au facteur d'actualisation subjective a
le statut d'une préférence rationnelle. La durée d'action des projets limite l'horizon décisionnel à la
période sur laquelle a est strictement positif: l'agent n'est pas concerné aujourd'hui par ce qui pourrait
lui arriver au-delà. Au contraire, à l'intérieur de cette période, il s'efforce d'accorder ses différents moi
sur les mêmes objectifs en assurant la cohérence temporelle de ses choix ; toute incohérence doit alors
être expliquée par d'autres facteurs que la préférence pour le présent.
Ainsi articulé à la notion de projet fondamental de vie, le facteur d'actualisation a possède bien le
statut d'une préférence d'un ordre plus élevé. Cette dernière concerne un choix identitaire qui porte sur
les fins elles-mêmes et forge un caractère, un style de vie( ... ) .


Cette nouvelle conception de la préférence temporelle a pour principal intérêt d'élargir le domaine
de la rationalité néoclassique. Une forte préférence pour le présent va ainsi engendrer des phénomènes
de myopie rationnelle, caractérisant des comportements prospectifs, optimisateurs et temporellement
cohérents, qui apparaissent néanmoins auto-destructeurs :je prends aujourd'hui des décisions qui me
nuiront (ou risquent de me nuire) demain, et cela pourtant en pleine connaissance de cause et en total
contrôle de moi-même.

1
Dans la Divine comédie de Dante, l'avarice et la prodigalité figurent avec le suicide, comme violence contre
soi-même, à un niveau élevé de la hiérarchie des péchés (je dois cette remarque à Daniel Diatkine).
2 Williams (1982) distingue les désirs conditionnels (nourriture, abri), indispensables à la survie, et les désirs

catégoriques ou projets fédérateurs, qui confèrent un sens à l'existence et donnent au sujet la force "de se
propulser dans le futur et de continuer à vivre". La priorité du présent viendrait de ce que les désirs
catégoriques, possédés seulement par le moi actuel, sont nécessaires à la préservation de son intégrité. Ce sont
les désirs qui empêchent que la question même de la survie soit posée, ceux pour lesquels nous sommes prêts à
mourir, ceux encore dont la perte aurait pu aussi bien nous conduire à mettre fin à nos jours. La préférence
temporelle naît donc du rapport existentiel de l'homme avec la mort, rapport qui a cependant peu à voir avec
des probabilités mathématiques de survie mais relève de la ''finitude" humaine. La mort n'est pas seulement
inéluctable et radicalement incertaine, elle présente aussi un caractère immanent et endogène : mon mode
d'existence serait sans doute bien différent si je savais que je devais mourir, quoi que je fasse, à une date
prédéterminée, le 14 janvier 2008 à 17 heures 30 précises par exemple ...
Préférence temporelle discontinue 313

Le philosophe Parfit (1984) donne l'exemple d'un jeune fumeur, parfaitement lucide et maître de
lui, qui sait pertinemment les risques de santé qu'il encourt pour l'avenir mais ne s'en soucie guère,
parce qu'il "ne s'identifie pas à son moi futur" ; ce cas typique est repris dans la littérature économique
par le modèle "d'addiction rationnelle" de Becker et Murphy (1988), où les individus attirés par la
drogue sont caractérisés par un taux élevé de dépréciation du futur (dont la signification n'est
cependant guère élucidée). Dans un autre domaine. celui de l'accumulation patrimoniale, Deaton
(1992) montre que des épargnants prudents à l'égard du risque mais dépréciant fortement le futur
n'accumulent qu'un "fond de contingence" contre les chutes inopinées de leur revenu futur aléatoire, et
ont ainsi une probabilité non négligeable de se retrouver démuni en cas de malchance répétée 1•
Mais l'élargissement du champ de la rationalité provient surtout de la possibilité de s'affranchir d'un
temps du cycle vital purement homogène et prospectif. Notre approche permet en effet d'enrichir la
temporalité de l'existence sur deux plans, en la dotant d'une mémoire et en rythmant son cours par des
discontinuités, des nœuds événementiels.
Dans la modélisation des choix intertemporels d'épargne. de santé. d'éducation, d'offre de travail... il
est clair que l'influence des expériences passées et du milieu familial. social ou culturel de l'homo
oeconomicus doit transiter de manière privilégiée par le canal de la préférence pour le présent, telle
que nous l'avons définie en termes de projet créateur. de choix identitaire et libre d'un style de vie.
C'est qu'un tel choix, pour reprendre Merleau-Ponty. est le fait d'un "sujet incarné et historique", "a
toujours lieu sur la base d'un certain donné", s'appuie à chaque instant sur un "sol" constitué par la
situation présente, le passé incorporé et la mémoire (le choix par Achille d'une vie courte et brillante
plutôt que longue et monotone relève certes de sa subjectivité et de sa liberté les plus propres, mais
correspond en même temps à ce que l'on pouvait attendre d'un guerrier achéen). Cette dimension
socio-historique de l'hori:.on temporel apparaît d'ailleurs centrale aussi bien chez Irving Fisher, qui fait
dépendre la préférence temporelle des "habitudes" (familiales) et de la "mode", que chez Pierre
Bourdieu dans son étude sur les travailleurs algériens.
Par ailleurs, les sociologues notamment soulignent que le cours de l'existence n'est pas linéaire ni
fixé à l'avance comme voudrait le faire croire "l'illusion biographique" (Bourdieu), mais marqué par
des bifurcations et des ruptures désirées ou subies, moments de vérité ou périodes de crise où
s'éprouvent l'identité et la constance d'un sujet qui peut devenir "autre" après-coup. Ces nœuds
événementiels, coups du sort ou décisions en chaîne, scandent le déroulement de l'existence
individuelle ou familiale et fragmentent l'horizon en autant de phases du cycle de vie (mariage,
naissances, changement professionnel, départ des enfants, divorce. décès des parents et héritage,
retraite, incapacité ou maladie grave, veuvage ... ). Comme le suggère Parfit (1984 ), ils peuvent être
assimilés à de petites morts (cf l'expression vieillie: "enterrer sa vie de garçon"), mais suivies de
petites renaissances, de nouveaux départs dans l'existence. où l'individu doit continuer à s'assumer.
Cette représentation du cycle de vie conduit de manière naturelle à introduire à chaque nœud
événementiel un saut de discontinuité dans le facteur d'actualisation a. Entre deux tels points de
rupture, les décisions s'effectueraient dans un temps continu mais borné par l'échéance suivante, la

1
Pour l'économiste, l'intérêt de ces modèles dépend toutefois, en dernière instance, du degré d'originalité et de
pertinence de leurs prédictions :dans le cas de Becker et Murphy ( 1988) par exemple, ces dernières concernent
aussi ~ien les répercussions d'une légalisation de la drogue que l'effet de variations transitoires ou permanentes
du pnx de la drogue sur sa consommation, ou encore la manière la plus efficace de briser l'effet
d'accoutumance.
314 Inégalités patrimoniales et choix individuels

cohérence temporelle des choix assurant la syrrhèse ou la coalescence de ces horizons intermédiaires
tronqués dont la chaîne forme l'horizon global de l'individu.'
Quels comportements spécifiques permettent d'engendrer ou d'expliquer cette préférence pour le
présent à la fois rationnelle, socio-historiquement déterminée et discontinue? Quelques exemples
permettront de montrer en quoi ces prédictions originales découlent des propriétés nouvelles conférées
à l'horizon décisionnel de l'agent.
-Tout d'abord, cet horizon se définit à chaque instant comme l'arbre des trajectoires possibles d'une
préférence temporelle aléatoire, fonction des états de nature rencontrés. Une réinterprétation de
l'Odyssée en fournit l'illustration. Supposons qu'Ulysse ait bien pour but ultime de retrouver Pénélope
sans laquelle sa vie n'aurait pas de sens: s'il apprenait la mort de sa bien-aimée, il n'aurait plus de
projet dans l'existence et déciderait alors de faire une belle fin en se noyant avec les sirènes. Un futur
totalement déprécié en cas de veuvage éventuel permet précisément d'intégrer cette perspective.
- L'horizon décisionnel revêt par ailleurs un caractère dynamique puisqu'il dépend de la position
atteinte dans le cycle de vie et de la trajectoire passée de l'individu, ainsi que de ses projets du
moment. Cette formalisation permet notamment de comprendre pourquoi, dans un environnement
incertain, des agents rationnels ne s'engagent dans une préparation active de leurs vieux jours qu'aux
âges mûrs, une fois les enfants partis et installés, lorsque la retraite apparaît le prochain "événement"
(!ife event) à venir dans leur programme de vie.
- Plus généralement, cette conception discontinue du temps humain engendre des comportements
qui ne sont ni constamment myopes, ni toujours hypermétropes comme ceux de l'épargnant
traditionnel sur le cycle de vie (qui déprécie peu son existence à venir), mais alternativement l'un et
l'autre. En particulier si les sauts de la préférence temporelle a sont importants, l'horizon semble en
effet animé de mouvements d'accordéon, paraissant se "boucher" juste avant une échéance cruciale,
mais s'élargir à nouveau après-coup. Ces comportements intermédiaires aboutissent souvent à une
forme de myopie temporaire, comme dans le cas anecdotique d'un étudiant au plan de carrière bien
défini. En dépit de ses projets professionnels, ce dernier risque d'agir provisoirement comme un
individu myope, obnubilé qu'il est par la fin de ses études- sorte de "petite mort" pour lui : la réussite
de l'examen final ou de la thèse semble mobiliser toutes ses énergies et l'empêcher de voir au-delà.
Son comportement est pourtant rationnel et temporellement cohérent: une fois l'échéance fatidique
passée, ses choix de carrière apparaîtront effectivement guidés par une perspective de long terme.
Cette distinction entre myopies (rationnelles) temporaires et permanentes pourrait d'ailleurs jouer
un rôle important dans l'explication de certains phénomènes. Soit par exemple l'étude de Anne Gotman
(1995) consacrée à la dilapidation de l'héritage, comportement "déviant" à l'évidence exceptionnel.
Pour expliquer leurs actes, les interviewés invoquent toujours l'absence de projet, du moins à court
terme : le futur proche est fortement déprécié par rapport au présent, ce qui en fait assurément des
sujets myopes. Deux types de dilapidateurs, très différents, doivent cependant être distingués : les
"mangeurs d'héritage", pour qui l'héritage, jamais suffisant, est clairement un dû- une "créance contre
le père" -qu'ils consomment régulièrement pour eux-mêmes aussi longtemps qu'il est possible ; les
"donneurs d'héritage", qui refusent la manne parentale et/ou veulent s'en débarrasser au plus vite par

1 Cette cohérence temporelle constituerait le moyen prospectif, autour d'un projet existentiel bien défini, de
sauver l'être de l'usure du temps et de ses petites morts successives, alors que l'expérience du "temps retrouvé",
proposée par l'œuvre proustienne, tenterait au contraire de reconstituer cette unité de manière rétrmpective.
Préférence temporelle discontinue 315

des dons à la famille ou aux œuvres, parce qu'ils cherchent avant tout "à se faire eux-mêmes". Il est
clair que les premiers sont des myopes permanents, alors que les seconds sont au contraire des myopes
ou prodigues temporaires, à l'image du philosophe Wittgenstein: ils ont un projet de long terme
autonome et bien structuré, dont la réalisation suppose toutefois de "mourir" d'abord comme héritier
-ce qui implique une discontinuité dans le taux de dépréciation du futur !5, ou même dans le facteur
d'actualisation a 1•
- Enfin, dans la mesure où les nœuds événementiels qui définissent l'histoire d'une vie résultent
aussi bien des aléas de l'existence que des décisions de l'agent, l'horizon comportemental apparaît à la
fois aléatoire et endogène 2 • Un bon exemple, dont on en oubliera la tonalité moralisatrice, est fourni
par Gary Becker ( 1992) : "un jeune homme troublé, qui commence à se droguer, peut espérer, mais ne
peut être certain, que sa vie va se redresser (straighten out) par un bon mariage ou un bon métier,
avant de devenir toxicomane (addicted)". Le fait d'être "troublé" au point de se droguer se traduit par
un taux de dépréciation du futur initial très élevé. Par ses actions (métier, mariage), le jeune homme
peut modifier profondément le cours de sa vie (rupture correspondant à une discontinuité du facteur a)
et en élargir les perspectives (forte diminution du taux !5). La réussite de ce projet bien
tentant- puisqu'il permet d'obtenir le plaisir (goûter à la drogue) sans la peine (la dépendance)- est
cependant loin d'être assurée, et les choix de vie du sujet dépendront finalement de l'interaction entre
sa préférence pour le présent et son degré d'aversion au risque, ainsi que de l'évaluation subjective de
ce risque. L'exemple autorise en effet une série de variations : le jeune peut tenter de se convaincre,
contre l'évidence, de la viabilité d'un projet chimérique pour justifier à ses propres yeux le fait qu'il se
drogue, etc.


Soumise à l'épreuve du temps, la rationalité néoclassique poursuit traditionnellement deux
objectifs : le respect de la cohérence intertemporelle des choix qu'implique une vision prévoyante de
l'avenir et, corrélativement, l'adoption de règles simples pour l'actualisation du futur. Or si la
réalisation de ce programme ne pose pas de difficultés lorsque le temps est supposé homogène, simple
durée ou succédané d'espace, elle devient beaucoup plus problématique en présence d'un temps
fortement hétérogène (irréversible, imprévisible ou discontinu), engendré par l'incertitude du futur, les
imperfections des marchés, et les limites des facultés cognitives, intellectuelles ou volitives de l'être
humain.

1
Wittgenstein, qui a dépensé sans compter, pendant sa jeunesse, l'argent que lui fournissait "à profusion" son
père, abandonne néanmoins- définitivement- sa part d'héritage à ses frères et soeurs aînés (ce qui l'obligera à
mener une vie austère) : le notaire parlera alors de "suicide financier". Gotman ( 1995) souligne par ailleurs que
les deux formes de dilapidation s'expliquent beaucoup par le rapport particulier au passé familial, le contexte
socio-historique, le mode de constitution de la fortune parentale, le comportements des parents ... Certains
mangeurs d'héritage ne font ainsi que reproduire le comportement de leur pères qui ont commencé à
consommer la fortune accumulée par le grand-père. Dans le cas de Wittgenstein, qu'elle étudie en détail, le
règlement de l'héritage s'effectue dans la Vienne de 1919, alors que "Ludwig revient de quatre années de guerre
et d'un an de captivité" ; son père, Karl, doté d'une très forte personnalité, a lui-même réussi sa vie en repartant
de zéro, ayant échappé à l'emprise d'une famille fortunée, etc.
2
On remarquera que l'endogénéité de la préférence temporelle dont il est question ici se rapporte à des choix de
vie cruciaux et ne découle pas, comme chez Becker et Mulligan, des efforts ou investissements coûteux
c?nsentis par l'agent pour "corriger" son défaut de perception ou d'imagination du futur. Le fait que l'on puisse
l'Illustrer par un exemple emprunté à Becker lui-même en apparaît d'autant plus surprenant...
316 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Ainsi, la cohérence temporelle des choix, qui s'impose à tout agent rationnel parfaitement
clairvoyant, lucide et maître de lui-même, risque d'être mise en défaut en cas de méconnaissance du
futur ou d'un manque de contrôle de soi : doivent alors être mises en œuvre des stratégies de
remplacement comme la préférence pour la flexibilité ou le statu quo, ou le préengagement. De même,
en situation idéale de certitude et perfection des marchés du capital, le taux d'intérêt (alors unique)
permet bien d'actualiser un profil temporel de ressources escomptées en lui substituant un montant qui
représente son équivalent-présent ; mais cette procédure doit être amendée en présence d'incertitude ou
de contraintes de liquidité. En outre, elle devient tout à fait contestable lorsqu'elle prétend gommer
l'hétérogénéité du temps historique, les bilans coût-bénéfice actualisés sur le cycle de vie servant
directement à comparer, en terme "d'équité", le sort de générations qui ont vécu à des époques fort
différentes.
Mais le déroulement d'une vie ne s'inscrit pas seulement dans le temps historique. Il fait aussi
intervenir les rapports au temps de l'individu, domaine où s'exprime le plus sa subjectivité, notamment
dans sa vision du futur qui intéresse d'abord l'économiste; celle-ci s'exprime à travers les anticipations
et les croyances concernant l'avenir, l'adaptation ou la résistance aux changements, et surtout les liens
qu'entretient le sujet avec ses moi futurs, la manière dont il se sent "concerné", "engagé" par ce qu'il
sera demain. Par ailleurs, l'histoire d'une vie s'inscrit dans un temps créateur, l'identité et l'horizon
étant appelés à se (re-) construire au rythme des décisions et des aléas de l'existence.
Participant de cette approche anti-idéaliste du temps et de l'identité, la conception de la préférence
temporelle proposée ici permet d'enrichir la rationalité de l'homo oeconomicus d'une subjectivité
authentique qui brise son solipsisme et relativise son autonomie tout en épousant une représentation
plus riche du cycle de vie, non plus limitée à une simple distance homogène à la mort mais inscrite
dans une temporalité lacunaire, morcelée et ouverte sur l'avenir, qui introduit davantage de souplesse
et de flexibilité dans l'horizon des agents.
Si les économistes ont aujourd'hui compris qu'une préférence pure pour le présent correspondait à
un taux marginal de substitution, non entre consommations, mais entre satisfactions ou utilités
présentes et futures, ils ont moins bien perçu ce qu'elle pouvait représenter ou signifier. Elle exprime
en fait les rapports d'altérité et d'opacité entre le moi présent et les moi futurs. De là le double parallèle
que permet la formalisation néoclassique pour approcher le concept de préférence temporelle.
L'altérité ("Soi-même comme un autre") est interprétée en terme d'altruisme- le facteur d'actualisation
a mesurant le degré d'altruisme du moi présent pour ses successeurs, les moi futurs. L'opacité renvoie,
elle, à la notion de survie- le facteur a exprimant la manière dont les moi futurs "existent" dans les
projets actuels du sujet, soit la fermeté et l'ampleur de ces projets( ... ).
Annexe C
,
Econométrie :préférences à l'égard du risque
318 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau C.l

Aversion relative pour le risque : qui est le moins risquophobe ?

Paramètre positif: moins risquophobe


Caractéristiques du répondant
Paramètre estimé Statistique de Student

Seuil 1 - 1,388*** - 12,99


Seuil2 - 0,780*** -7,46
Seuil3 0,355*** 3,41
Revenu lié à l'activité du ménage (Référence: premier quartile)
Deuxième quartile - 0, 187*** -2,86
Troisième quartile - 0.241 *** - 3.58
Quatrième quartile - 0,240*** -3.35
Âge (Référence : Inférieur ou égal à 30 ans)
De 30 à 40 ans -0,001 -0,01
De 40 à 50 ans -0,043 -0.54
De 50 à 60 ans -0,141 - 1,58
De 60 à 70 ans - 0.293*** -3,03
Plus de 70 ans - 0,338*** -3,19
Milieu social des parents (Référence: agriculteur ou salarié agricole)
Commerçant, artisan 0,027 0,37
Chef d'entreprise 0,009 0,06
Profession libérale 0,248* 1,80
Enseignant -0,085 -0,63
Cadre (non enseignant) 0,076 LOO
Employé -0,0245 -0,37
Ouvrier 0,067 1,12
Autres : pas de parents, parents inactifs ... -0,073 -0,57
Homme (Référence : femme) 0,125*** 3,18
Diplôme (Référence :aucun diplôme)
CEP, CAP 0,101 1,56
BEP, BEPC 0,067 0,91
Baccalauréat 0,039 0,50
Au-delà du Baccalauréat (troisième cycle et Grandes Écoles exclus) 0,014 0.17
Troisième cycle et Grandes Écoles -0,011 -0,12
Situation familiale (Référence: personne seule)
Couple marié -0,067 -0,87
Couple non marié, ayant cohabité plus de 5 ans 0,032 0,29
Couple non marié, ayant cohabité 5 ans ou moins 0.118 1,15
Veuf -0,135 - 1,20
Divorcé -0,104 -0,93

Nombre d'enfants au domicile (Référence: pas d'enfant au domicile)

Un enfant au domicile -0,057 - 1,01


Deux enfants au domicile 0,020 0,30
Trois enfants au domicile ouj)lus -0,067 -0,81

Nombre d'enfants hors domicile (Réterence: pas d'enfant hors domicile)

Un enfant hors domicile 0,151 ** 2,40


Deux enfants hors domicile ou plus 0,028 0,45
Commune urbaine (Référence: moins de 20 000 habitants) 0,040 1,00

Chi2 (33 d. 1.) 92,89


0,01
Pseudo-R 2
Nombre d'observations 3437

Note : la variable dépendante comprend quatre modalités correspondant aux différentes valeurs de l'aversion relative pour le risque (des
plus aux moins risquophobes). Les estimateurs sont issus d'un modèle Probit ordonné.
Lecture : *** : Coefficients significatifs au seuil de 1 % : •• : Coefficients sign!ficat!fs au seuil de 5 % : * : Co~fficients significatifs au
seuil de JO %.

Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.


Annexe C : Econométrie :préférences à l'égard du risque 319

Tableau C.2
Score et échelle : qui est le moins risquophobe ?
Echelle (Paramètre positif : moins
Score (Paramètre positif : moins risquophobe)
Caractéristiques du répondant risquophobe)

Paramètre estimé Stati~tique de Student Paramètre estimé Statistique de Student

Seuil 1 -0.950*** --P:\2 -1.03.5*** -+.80-t


Seuil 2 -O.O-t2 -0.209 -(l.23-l -1.095
Seuil .1 0.77-t*** .1.870 0.758*** _1,528

Revenu lié à l'activité du ménage (Référence premier quartile)

Deuxième quartile 0.109 1.010 -0.199* -1.793


Troisième quartile 0.0.11 0.280 -0.17.1 -1.531
Quatrième quartile 0.2.17* 1.9-lO -0.1.17 -1.100

Âge (Référence: Inférieur ou égal à 30 ans)


De 30 à 40 ans -0.11-t -0.950 -0.1-16 -1.185
De 40 à 50 ans -0.26-t** -2.010 -0.028 -0.208
De 50 à 60 ans -0.696*** --U20 -0.291* -1.916
De 60 à 70 ans -0.891*** -5 ..110 -0.281* -1.63-l
Plus de 70 ans -1363*** -7 ..100 -0 ..193** -2.090

Milieu social des parents (Référence agriculteur ou salarié agricole

Commerçant artisan 0.291** 2.180 0.236* 1.715


Chef d'entreprise 0.662*** 2.930 0.311 1..197
Profession libérale 0546** 2.280 0.728** 2,907
Enseignant 0.2-l7 1.190 0.412* 1.950
Cadre (non enseignant) 0.309** 2..100 0,088 0.6.18
Employé 0.158 1.280 0.1.13 1.0-t7
Ouvrier 0.002 0,020 O,l-t9 1.227
Autres : pas de parents. parents inactifs ... 0.207 0.870 0,280 1.170

Homme (Référence: femme) OAI2*** 5.820 0.390** 5.339

Diplôme (Référence aucun diplôme)


CEP, CAP 0.291** 2.+Ul 0 ..16-t*** 2.908
BEP, BEPC 0.4-tl*** 3.510 0.439*** .1.283
Baccalauréat 0 ..128** 2.380 0.658*** -l.570
Au-delà du Baccalauréat (troisième cycle et Grandes Ecoles O..W8*** 2.9-tü 0.423*** 2.903
exclus)
Troisième cycle et Grandes Ecoles 0.587*** 3.570 0.570*** .1.397
Situation familiale (Référence: personne seule)
Couple marié -0..119*** 2.'80 -0.182 -1.535
Couple non marié. ayant cohabité plus de 5 ans -0.066 -0 ..190 -0.260 -1,477
Couple non marié. ayant cohabité 5 ans ou moins -0.058 -0 ..150 -0.199 -1,17-t
Veuf -0.202 -1.180 0.207 -1.207
Divorcé -0.086 -0.590 -0 ..1-tl** -2,2-t2
Nombre d'enfants au domicile (Référence· pas d'enfant au
domicile)
Un enfant au domicile 0.096 -0.980 0.090 0.88.1
Deux enfants au domicile -0.098 -0.850 -0.01-t 0.119
Trois enfants au domicile ou plus -0.216 -1.580 -0.176 -1.223
Nombre d'enfants hors domicile (Référence. pas d'enfant hors
domicile)
Un enfant hors domicile -0.126 -1.170 -0,01.1 -0.120
Deux enfants hors domicile ou plus -0.116 -l.llXl -0.009 -0.081
Commune urbaine (Référence: moins de 20 000 habitants) -0.107 -1 ..1-tü 0.080 0.935
Attitudes vis-à-vis du risque des parents vue par le répondant
( Référem.:c : les parents n'était ni prudents ni a\ enturcu\)
Mèrem·enturcusc -0.026 -0.210 -0.107 -0.811
Mère prudente -0.102 -1.090 -0.179* -1.8-ll
Père mcnturcu\ 0.20-t* 1.890 0.097 0.857
Père prudent -0.()90 -0.950 0.263*** -2.6.1.1

Chi2 ! .17 d. Il 323.6 ll-t.28

Pseudo-R' 0.10.1 0.050


Nombre d'observations 1135 l 036
Nore : la \"tlnahle_ dependt1nte comprend quatre modalités correspondant aux quartiles de chaque distrihution (des plus aux moins risquophobes). Les estimateurs sont issus
d'un modèle Probu ordonné

Lecture: ***: Coefficiellfs significatif,· au .\eml de 1 C;( :**. Coefficient.\ 5ignificatif5 au seuil de 5 cé: *:Coefficient.\ significati/5 au seuil de JO ~f.
Source: enquête Patrimoine 1998./nsee-De/ta.
320 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau C.3
Echelles de risque selon le domaine : qui est le moins risquophobe?

Consommation Santé Travail Patrimoine Famille


Caractéristiques du répondant
Coefficient Coefficient Coefficient Coefficient Coefficient

Seuil 1 -0,998*** -0,746*** -1.093*** -0,457** -0,605***


Seuil2 -0,193 0,114 -0,495** 0,288 0,143
Seuil3 0,622*** 0,993*** 0.212 0,826*** 0,645***
Revenu lié à l'activité du ménage (Référence premier quartile)
Deuxième quartile -0,100 0,002 -0.317*** -0,200* -0.292***
Troisième quartile -0.120 -0.034 -0,334*** 0,016 -0,187*
Quatrième quartile 0,105 0,061 -0.210* 0,132 -0,113
Âge (Référence: Inférieur ou égal à 30 ans)
De 30 à 40 ans -0,151 -0,117 -0,078 0,153 0,025
De 40 à 50 ans -0,201 -0,104 0.032 0,239* 0,275**
De 50 à 60 ans -0.359** -0,283* -0,180 0,083 0,186
De 60 à 70 ans -0,341** -0,177 -0,022 0.110 0,077
Plus de 70 ans -0.631*** -0,318* 0.061 0,248 0,140
Milieu social des parents (Référence :agriculteur ou salarié agricole)

Commerçant, artisan 0,397*** -0,132 0,353** 0,128 0,037


Chef d'entreprise 0,709*** -0,006 0.122 0,404* 0,205
Profession libérale 0,758*** 0,054 0,456* 0,678*** 0.380
Enseignant 0.912*** 0,166 0,062 -0,003 0.158
Cadre (non enseignant) 0,310** 0,048 0,179 0,035 0,124
Employé 0.326** -0,043 0,244* 0.015 0,066
Ouvrier 0.298** 0,050 0,154 0.001 0.017
Autres: pas de parents, parents inactifs .. 0,622*** 0,207 0,348 0,169 0,436*
Homme (Référence: femme) 0,187** 0,268*** 0,431*** 0,191*** 0,305***
Diplôme (Référence aucun diplôme)
CEP. CAP 0.353*** 0,186 0,357*** 0.145 0.303**
BEP, BEPC 0,607*** 0,364*** 0,479*** 0,290** 0,378***
Baccalauréat 0,766*** 0,312** 0.706*** 0,399*** 0,523***
Au-delà du Baccalauréat (troisième cycle et Grandes Écoles exclus 0,738*** 0,463*** 0.625*** 0,189 0,338**
Troisième cycle et Grandes Écoles 0.757*** 0.332** 0.694*** o. 165 0,388**
Situation familiale (Référence: personne seule)
Couple marié -0,072 -0,074 0,125 -0,203* -0,189
Couple non marié. ayant cohabité plus de 5 ans -0,481*** 0,328* 0,224 -0,016 0.145
Couple non marié, ayant cohabité 5 ans ou moins -0,124 -0,127 -0,054 0,053 -0,025
Veuf -0,057 -0,016 -0,142 -0,315* -0,221
Divorcé -0,096 -0,191 -0,131 -0,316** -0,304**

Nombre d'enfants au domicile (Référence . pas d'enfant au domicile)

Un enfant au domicile 0,040 -0,043 0,069 0,052 -0,097


Deux enfants au domicile -0,177 0,106 -0,167 -0,011 -0,223*
Trois enfants au domicile ou plus -0,158 -0,170 -0,335** -0,249* -0,439***

Nombre d'enfants hors domicile (Référence pas d'enfant hors domicile)

Un enfant hors domicile -0,178 0,022 0,106 -0.043 0,001


Deux enfants hors domicile ou plus -0,079 0,068 -0,022 -0,055 -0,141

Commune urbaine (Référence: moins de 20 000 habitants) 0.042 -0, 178** -0,037 -0.198** -0.254***
Attitudes vis-à-vis du risque des parents vue par le répondant
(Référence: les parents n'était ni prudents ni aventureux)
Mère aventureuse -0,113 -0,137 -0,066 -0,248* -0.026
Mere prudente -0,159* -0,118 -0,135 -0,173* 0,002
Père aventureux 0,066 0,050 0,098 -0,060 0.007
Père prudent -0,195* -0,258*** -0.189* -0,242** -0.223•*

Chi2 (37 d. 1.) 205,27 82,95 138.96 81,2 102.32

0,18 0,03 0,04 0,03 0,05


Pseudo-R'

Nombre d1 observations 1037 1 037 1027 1008 1030

Note: fa variable dépendante comprend quatre modalités correspondant azLx quartiles de chaque distribution (des plus uza moùv.' risquophobes). Les estimateurs sont issus
d'un modèle Probit ordonné.
Lecture: ***:Coefficients significatif\· au seuil de 1% :**. Coefficients significatifs au seuil de 5%; *_,Coefficients signfficatifs au :~euil de JO%

Source: enquête Patrimoine 1998. Insee-De/ta


AnnexeD
,
Econométrie : préférences à 1' égard du temps
322 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau D.l
Scores temporels : qui voit le plus loin, qui est le plus posé, le plus altruiste ?

Préférence temporelle faible Impatience faible Altruisme non familial fort Altnlisme familial fon
Caractéristiques du répondant
Coef Coef Coef Coef

Seuil! 0.(!62 0.29 -1.014*** -4.83 0.214 1.02 -0.613*** -2.92


Seuil2 0.638*** 3.04 -0.247 -1.18 0.873 4.16 0.357' 1.70
Seuil3 1.580*** 7.52 0.612*** 2.92 1.839*** 8.76 1,716*** 8.17

Revenu lié à l'activité du ménage (Référence Premier quartile)

Second quarti k -0.084 -0.78 -0.008 -0.08 -0.025 -0.23 0.113 1.07
froisièmequartile 0.044 0,40 -0.040 -0.38 0.012 0.11 0,163 1.51
Quatrième quartile 0.073 0.60 -0.184 -1.53 0.097 0.79 0.362*** 2.99
Age (Ref: Inférieur ou égal à 30 ans)
30-40 -0.042 -0.35 0.050 0.43 0.053 0.44 -0.217' -1.84
40-50 0.171 1.30 -0.181 -1.40 0.059 0.45 0.006 0.04
50-60 0,614*** 4.11 0.062 0.42 0.007 0.05 -0.054 -0.37
60-70 0.693*** 4.08 0,211 1,27 -0.046 -0,27 -0.348** -2,08
~70 0.830*** 4.48 0.293 1.62 -0.105 -0.57 -0.126 -0.69
Milieu social des parents (1 Référence · Agriculteur ou salarié
agricole)
Commerçant artisan -0.200 -1.50 -0.154 -1.17 -0.001 -0.01 -0.069 -0.52
Chef d'entreprise -0.153 -0.70 -0.289 -1.33 -0.088 -0.40 0.054 0.25
Profession libérale -0.150 -0.63 -0.594" -2.41 0.268 1.14 0.285 1.18
Enseignant -0.012 -0.06 0.133 0.65 0.268 1.32 0.264 1.26
Cadre (non enseignant) -0.245 -1.82 0.009 0.07 -0.0!3 -0.09 0.072 0.54
Employé -0.084 -0.68 0.011 0.09 0.007 0.06 -0.008 -0.06
Ouvrier 0.074 0.65 -0.028 -0.25 0.034 0.29 -0.104 -0.91
Autres : pas de parents. parents inactif -0.477** -2.01 -0.118 -0.51 -0.163 -0.67 -0.462" -1.99
Homme ((Réfërence: Femme) -0.007 -0.10 -0.018 -0.25 -0.120' -1.71 0.015 0.21

Diplôme (Ref: aucun diplôme)


CEP. CAP -0.041 -0.34 -0,007 -0.06 0.061 0.50 0.315*** 2.68
BEP. BEPC 0.093 0.74 -0,048 -0.38 0.312" 2.44 0.417••• 3.35
Baccalauréat 0.331** 2.39 0,000 0.00 0,551*** 3.95 0,756*** 5.50
Supérieur au Bac. (3ème cycle et Grandes Ecoles exclus) 0.305** 2.19 0.019 0.14 0.382*" 2.70 0.683*** 4.90
3èmc cvcle et Grandes Ecoles 0.266 1.61 -0.219 -1.34 0.596*** 3.59 0.824*** 4.97
Situation familiale ((Référence: Personne seule)
Couple marié 0.199' 1.74 -0.124 -1.10 -0.155 -1.34 0.071 0.62
Couple non marié (cohab.> 5 ans) 0.037 0.22 -0.037 -0.22 -0.053 -0.31 -0.088 -0.53
Couple non marié (cohab.<= 5 ans) 0.149 0.90 -0.260 -1.59 -0,205 -1.22 -0.008 -0,05
Veuf 0.066 0.39 -0.178 -1.08 -0.248 -1.44 0.096 0.58
Divorcé 0.077 0.53 -0.115 -0,79 0,029 0.20 0,092 0.63
Nombre d1enfants au domicile ((Référence Pas d'enfant au
domicile)
Un enfant au domicile 0.089 0.91 0.064 0.66 0.133 1.36 0.068 0.70
Deux enfants au domicile 0.163 1.41 -0.067 -0.59 0.218* 1.89 0.074 0.65
Trois enfants au domicile ou o1us 0,182 1.35 -0.100 -0.74 0,125 0.90 0.067 0.50
Nombre d'enfants hors domicile ((Référence: Pas d'enfant hors
domicile)
Un enfant hors domicile 0.207 1.92 -0.064 -0,60 0,255" 2.37 0,075 0.70
Deux enfants hors domicile ou plus 0,250*' 2.37 -0.003 -0.02 0.317••• 2.98 0.316*** 3.01
Commune urbaine ((Référence : < 20 000 habitants) -0.014 -0.17 -0.054 -0.70 0.082 1.02 -0.049 -0.62

Héritage ou donation reçu ((Référence: oon bénéficiaire) 0.1!8 1.60 -0.025 -0.34 0.042 0.57 0.172 .. 2.34

Préférence temporelle des parents vue par le répondant


((Rélërencc: Les parents n'était ni prévoyants ni ne vivaient au
jour le jour)
Mère prévoyante 0.129 1.20 -0.006 -0.06 0,078 0.72 0.128 1,21
Mèrejourlejour -0.031 -0.23 -0.017 -0.13 0.264** 1.96 0.023 0.17
Père prévoyante 0.107 1.07 -0.073 -0.75 0,078 0.78 -0.070 -0.70
Père jour le jour 0.024 0.21 -0.004 -0.04 -0.028 -0.25 -0.117 -1.02

Chi2(38d.\.) 183,7 60.4 86.8 168.3

Pseudo-R2 0.06 0.02 0.03 0.06

Nombre d'observations 1135 1135 1135 1135

Note : les variables dépendantes comprennent quatre modalités correspondant aux quartiles de chaque distribution. Les estimateurs sont issus de modèles Prohit ordonnés

Lecture : *** :Coefficients significatifs au seuil de 1 % ** :Coefficients significatifs au seuil de 5 % :Coefficients significatifs au seuil de 10 <fc.
Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.
Annexe D: Econométrie :préférences à l'égard du temp.\ 323

Tableau D.2

Echelles temporelles : qui mit le plus loin, qui est le plus posé ?

Préférence temporelle faible Impatience faible


Caractéristiques du répondant
Cocf. Coef.

Seuil 1 -0.016 -0.077 -0.751*** -3.577


Seuil" 0.577*** 2.7-+9 -0.007 -0.03-+
Seuil3 1.308*** o.229 0.682*** .1.2-+6

Revenu lié à l'activité du ménage (Référence: Premier quartile)


Second quartile 0.030 0.280 -O.OoO -0570
Troisième quartile O.OX3 0.700 O.OX3 0.770
Quatrième quartile -0.131 -1.070 0.05-+ 0.-+50

Age (Ref: Inférieur ou égal à 30 ans)


30-40 0.123 1.020 0.197* l.o70
40-50 O.OX8 0.670 0.135 1.0-+0
50-60 0..192*** 2.630 0,351** 2.370
60-70 0.198 1,170 0,-+13** 2,-+50
>=70 0.606*** .\.280 0.689*** 3.720

Milieu social des parents ( (Référence : Agriculteur ou salarié agricole)


Commerçant. artisan -0.0+1 -0.330 -0.0-+9 -0.370
Chef d'entreprise 0.05-+ 0.250 -0.288 -1.310
Profession libérale -0.-+R-+** -2.000 -0.061 -0.200
Enseignant -0.155 -0.750 0.081 0.-+00
Cadre (non enseignant) -0.261 •• -1.950 -0.070 -0530
Employé -0.057 -0.-+60 0,020 0.160
Ouvrier O.O'Xl 0.780 -0.022 -0.190
Autres : pas de parents. parents inactif. .. -0.1-+6 -0.000 0.257 1.050
Homme ((Référence: Femme) -0.03-+ -0.-+90 o.o-n 0.620

Diplôme (Ref: aucun diplôme)


CEP. CAP -0.01-+ -0.120 -0,0-+5 -0.380
BEP. BEPC 0.136 1,070 0.001 0.010
Baccalauréat 0.153 1.110 0.095 0.690
Supérieur au Bac. (3ème cycle et Grandes Ecoles exclus) 0.102 0.720 0.01-+ 0.100
3ème C)Cie et Grandes Ecoles 0.217 1.310 -0.009 -0.060

Situation familiale ((Référence: Personne seule)


Couple marié 0.239** 2.070 -0.027 -0.230
Couple non marié (cohab.> 5 ans) 0.292* 1.680 0.050 0.290
Couple non marié (cohab.<= 5 ans) 0..161** 2.150 -0.013 -0.080
Veuf O.!l-11 0.250 0.100 0.590
Divorcé 0.009 0.060 0.077 0.530
Nombre d'enfants au domicile ((Référence. Pas d'enfant au domicile)
Un enfant au domicile -0.085 -0.860 -0.1-+6 -1.-+90
Deux enfants au domicile 0.181 1.570 0.028 0.2-10
Trois enfants au domicile ou plus 0.131 0.960 0.087 0.650
Nombre d'enfants hors domicile ((Référence: Pas d'entànt hor; domicile)
Un enfant hors domicile 0.280*** 2.000 -0.167 -1.550
Deux enfants hors domicile ou plus O.OB 0.210 -0.160 -1.580
Commune urbaine ((Référence:< 20 000 habitants) O.OX9 1.120 -0.050 -0.630
Héritage ou donation reçu ((Référence: non bénéficiaire) 0.070 0.9-+0 -0.099 -I.J-#)
Préférence temporelle des parents •·ue par le répondant ((Reférence: Les
parents n'était ni prévoyants ni ne vivaient au jour le jour)
Mère prévoyante 0.115 I.OXO -0.09-+ -0.880
Mère jour le jour -0.072 -0.5-+0 -0.239* -1.790
Père prévoyante 0.107 1.070 0.013 0.130
Père jour le jour -0.1-+5 -1.250 -0.0-+7 -0.-+10

Chi2(38 d.l.) 95.3 -+-+.7


Pseudo-R2 O.ü.l 0.01
Nombre d'observations• 1132 1 123

Note : les vanables dépendantes comprennent quatre modalités correspondant aux quartiles de chaque distribution. Les estimateurs
sont issus de modèles Probit ordonnés.
Lecture : *** :Coefficients significatifs au seuil de 1 ck :Coefficients significatifs au seuil de 5 9é: * :Coefficients significatif5
au seuil de JO 9é
Source: enquête Patrimoine 1998 Insee-Delta
324 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau 0.3
Qui est le plus concerné par le "dread", le "savoring", le préengagement ?

Sensible au "Dread" Favorable au n Savoring" Partisans du préengagement


Caractéristiques du répondant
Coef t-stat Coef t-stat Coef

Constante -0.97-l -.l,580 -0,287 -1.010 -0.49-l -2.000


1 Kevenu lié à l'activité du ménage (Ketérence: Prem1er
auartile)
Second quartile -0.279** -2.090 -0,356** -2.-liO -0,118 -0,9-l()

Troisième quartile -0,252* -1.850 -0,097 -0,670 -0,226* -1,780


Quatrième quartile -0.433** -2,810 -0,220 -1.310 -0,337*' -2J60
Age (Ref: Inférieur ou égal à 30 ans)
30-40 0,019 0.120 -0.215 -1.290 -0.321*' -2..l00

40-50 0,053 O,.liO 0,057 0,320 -0,380*' -2,-lSO


50-60 0.()21 0.110 -0.1-lS -0.730 -0.207 -1.190
60-70 0,106 0,490 0,256 1.1-lO -0.265 -1,350
>~70 O. .l82* 1.650 -0.2.l2 -0.900 -O..lO-l -lAlO
Milieu social des parents ((Référence : Agriculteur ou
salarié agricole)
Commerçant, artisan 0.31-l* 1.800 0.108 0.580 0.155 1,000
Chef d'entreprise 0.086 0.280 0,261 0.870 0,415 1.620
Profession 1iberale 0.2-l-l 0.750 -0.07-l -0.210 0.29'1 1.060
Enseignant 0.20-l 0.720 o..no 1.190 0.289 1.2<Xl
Cadre (non enseignant) 0.130 0,710 -0.058 -0,300 0,112 0,710
Employé 0,5-l3**' .lAlO -O.I.ll -0,7-10 O,l-l9 I,(J.W
Ouvrier 0,-l21**' 2.780 0.010 0.060 0.09'1 0.730
Autres : pas de parents. parents inactif... O..l95 1.320 0.508* 1.670 0.412 1.-lSO
Homme ((Référence: Femme) 0,012 ().1-l() 0.00-l O.O-lO O.l.l5* 1.650

Diplôme (Ref: aucun diplôme)


CEP. CAP -0.263* -1.820 -0.136 -0.8.l0 -0.129 -0.930
BEP. BEPC -O.ü98 -0.6-lO -0J)5.l -O,.lOO 0.12-l 0.8-10
Baccalauréat -0.297* 1.730 -0.090 -0.470 -0.()1-l -0.090

Supérieur au Bac. (3ème cycle et Grandes Ecoles -0..179** -2.1-lO -0.159 -0,820 0.091 0.560

3ème cycle et Grandes Ecoles -0,326 -1,520 -0,-B6* -1.810 -0.1-l-l -0.750
Situation familiale ((Référence: Personne seule)
Couple marié 0,261* 1.750 -0.100 -0.6-lO -0.12-l -0.920
Couple non marié (cohab.> 5 ans) 0.228 I.O-lO -0.513* -1,880 -0.016 -0,080
Couple non marié (cohab.<~ 5 ans) 0,101 0.450 -0,093 -0,-liO O,-l02** 2.050
Veuf 0.238 1.130 -0,212 -0.900 -0.121 -0,610
Divorcé 0.096 0.510 -0,2-l7 -1.180 -0.03-l -0,200
Nombre d'enfants au domicile ((Référence : Pas d'enfant
au domicile)
Un enfant au domicile 0,203 1.6-lO -O.I-l2 -1.020 0,237** 2,060
Deux enfants au domicile -0.(}73 -0,490 -0,135 -0,830 0,-l.l?** 3,200
Trois enfants au domicile ou plus -0.10-l -0,590 -0.2-lS -1.270 0.5-l9**' 3,4-lO
Nombre d'enfants hors domicile ((Référence: Pas
d'enfant hors domicile)
Un enfant hors domicile 0,222* 1,650 -0,051 -0.3-lO 0,202 1.600
Deux enfants hors domicile ou plus O,l-l2 1,070 -0,280* -1,850 0.280** 2,250

Commune urbaine ((Référence : < 20 000 habitants) 0,016 0,160 0,05-l 0.470 0,139 1.490

Héritage ou donation reçu ((Référence :non bénéficiaire -0,113 -1.180 0,111 1,070 0.058 0.670

Préférence temporelle des parents vue par le


répondant ((Référence: Les parents n'était ni prévoyants
ni ne vivaient au jour le jour)
Mère prévoyante O,l.l7 0,970 -O,.l06** -2.150 0,3-lO**' 2.680
Mère jour le jour 0.012 O.ü70 -0.130 -0.7.l0 O..l57** 2.270
Père prévoyante 0.05-l 0,420 O,D78 0,550 -0,008 -0.070
Père jour le jour 0.07-l 0,500 -0,01-l -0,080 -0.09.l -0,690

Chi2(38 d.l.) 7-lA 51.0 63.7

Pseudo-R2 0.06 0.05 O.M


Nombre d'individus concernés par le phénomène 280 186 510

Nombre d'observations* 1 135 1 135 1 135

Note : les variables dépendames comprennent de1<t modalités ( Probit simple) : "être sensible au dread" ou non, "être favorable au savouring" ou
IWil,"être du genre ou plutôt du genre à s'auto-discipliner" vu non.

Lecture : *** : Coefficiellfs significatifs au seuil de 1% : ** : Coefficiems significatifs au seuil de 5 % : * : Coefficiellfs significatifs au seuil de
/0%
Source: enquête Patrimoine 1998 /mee-Delta
AnnexeE

L'enquête TNS-Sofres-Delta 2002


Parallèlement et pour compléter le questionnaire méthodologique de l'Insee, le Delta 1 en
collaboration avec la Sofres a réalisé une enquête similaire reproduite dans cette annexe concernant la
"mesure" des paramètres de goûts concernant outre les attitudes individuelles vis-à-vis du risque et du
temps déjà mentionnés mais aussi de certaines "valeurs" et opinions concernant les relations sociales,
les notions d'équité et de justice sociale ... L'objectif principal de cette enquête est d'étudier comme
précédemment l'influence de ces paramètres sur les comportements économiques, comme
l'accumulation, la composition et la transmission du patrimoine, la demande de santé ...
En matière de montants d'actifs, de revenus, etc., cette enquête comporte des informations moins
détaillées que la précédente. En outre, elle ne concerne qu'une tranche d'âge (les ménages dont le chef
à entre 35 et 55 ans). Mais elle présente un certain nombre d'avantages, outre le fait d'être plus
récente : soit des informations supplémentaires sur la santé, la religion, les opinions politiques, l'accès
à Internet, certains biens durables, l'incertitude du revenu futur ; une mesure complémentaire de
l'aversion pour le risque ; des renseignements sur le processus de transmission des préférences entre
parents et enfants et sur les attitudes vis-à-vis des transferts familiaux.
L'originalité de cette enquête réside aussi dans son mode de questionnement puisqu'il s'agit
d'interviewer simultanément deux générations d'une même famille. Ainsi. on pourra avoir une certaine
idée du processus d'inculcation des valeurs, par l'intermédiaire de la famille et/ou de l'environnement
social (cf. chapitre 10).

1
Son financement a été assuré par la combinaison de sources multiples : programme européen TMR "Savings
and Pensions", dont le Delta était membre ; Fédération Jourdan ; Vacations EHESS ; Ministère de la
recherche.
326 Inégalités patrimoniales et choix individuels

1 TAYLOIIELSOIJJ SOFIES 1

c:z::J
16,rueBarbès
92129MontrougeCedex
Tél. vert: 08 00 36 90 58

Exercez-vous actuellement ou avez-vous exercé une ® Personnellement, avez-vous déjà été au chômage dans le
activité professionnelle ? passé?

• Oui, actuellement 1 ....,.. Passez à 0 • Oui, une fois... 11 f7\


>... Passez à \!J
• Non, mais j'ai déjà travaillé ... 2....,.. Passez à ® • Oui, plusieurs fois.. 2 1
3 ....,.. Passez à (i)
• Non, je n'ai jamais travaillé.. 3....,.. Passez à ® • Non, jamais ....

0 L'entreprise dans laquelle vous travaillez actuellement ® Combien de temps cela a-t-il duré ? Si plusieurs fois,
répondez pour la plus longue période de chômage.
fait-elle partie d'un groupe multinational ?
• Moins d'un an . . 1
• Oui. .. • Non ..
• 1 à 2 ans.. 2
• Ne travaille pas dans une entreprise ..
• 3 à 5 ans ...
® Au cours de votre vie professionnelle, avez-vous déjà • Plus de 5 ans... 4
pris des risques par. ..
1 réponse par ligne Oui Non Comment imaginez-vous votre situation professionnelle
• Vos jugements ou vos comportements d'ici cinq ans ? 1 seule réponse possible
sur votre lieu de travail (entreprise ... ) .. ... 1 .... 2. • Vous n'avez aucun risque ou presque de vous
• Des pratiques sportives qui pouvaient retrouver au chômage 1
vous rendre indisponible ou vous faire • Il est possible que vous vous retrouviez au
perdre votre poste ou votre emploi"" . ... 1 "" ., 2 ., chômage (risque faible) .. 2
• Des changements radicaux dans votre • Il est probable que vous vous retrouviez au
carrière (changement ou création d'entre- chômage (risque fort) .................................... ..
prise, changement de secteur d'activité ... ) . 1 ..... 2 .. • Il est certain ou presque, que vous vous
retrouviez au chômage.. 4
• Je serai à la retraite..... 5
@ Mise à part la rémunération, que recherchez-vous ou que • Sans objet, ne travaille plus.,. 6
recherchiez-vous prioritairement dans votre travail ?
2 réponses maximum
• Un cadre stable et bien défini ...
® S'il y avait un risque économique élevé dans votre secteur
d'activité (fusions, restructurations, licenciements ... ),
• Des responsabilités .. envisageriez-vous de changer de secteur ou d'activité ?
• De la nouveauté .....
• De l'aventure, du risque 4 •Oui ............................................ .
• Un peu de pression, de stress .. 5 • Non .... .
• L'intérêt, la stimulation intellectuelle.. 6 • Sans objet, ne travaille plus ...
• Le temps libre qu'il me laisse ...
Annexe E : L'enquête TNS-Sojres-Delta 2002 327

® Supposons que vous ayez la possibilité de garantir vos @ Sans prendre en compte le coût de la vie, selon vous, d'ici
revenus actuels "R" (salaire, épargne ... ) à vie. 5 ans, le revenu de votre ménage (salaire, retraite) ...
D'autres possibilités s'offrent à vous. 1 seule réponse possible
9A) La première possibilité vous donne 50% de chances
• aura augmenté de plus de 25%
de doubler vos revenus et 50% de les voir diminuer
d'un tiers. • aura augmenté de 10 à 25%.
• aura augmenté de moins de 10% ..
8 t:-7
0 / c-\ \ c-\ \ Soit le revenu double,
• sera à peu près à son niveau actuel.
• aura diminué de moins de 10%
4
5
(R') ~~ __; __; • aura diminué de 10 à 25%. 6
' (') Soit le revenu diminue d'un tiers. • aura diminué de plus de 25% ..

Acceptez-vous cette prem1ère poss1bilité ?


@ Imaginez que vous avez 35 ans et que vous vivez dans un
• Oui 1...... Passez a@ • Non.. 2 ...... Passez à @ pays dans lequel il y a un service civil obligatoire pour les
hommes comme pour les femmes, qu'il faut réaliser après
98) La première possibilité n'est plus disponible. On 35 ans. Ce service peut être étalé sur plusieurs années et
vous propose une deuxième possibilité qui vous donne vous êtes libre de répartir les mois de service à faire selon
50% de chances de doubler vos revenus et 50% de les votre convenance. Mais plus vous les étalez dans la durée,
voir diminuer de moitié. plus le nombre de mois est important. Parmi les options
suivantes, laquelle choisissez-vous ?
t:-1 8 1 seule réponse possible

&S """ _/ _ )
'.y .
- Î (-'\ (-'\ . • 4 mois à faire au cours de l'année à venir ...
So1t le revenu double,
• 5 mois à faire dans les 2 ans à venir
• 7 mois à faire dans les 5 ans à venir
( ') So1t 1e revenu d"1mmue
. de mo1t1e.
...
• 12 mois à faire dans les 7 ans à venir 4
Acceptez-vous cette deuxième possibilité ?
Supposons que l'un de vos enfants (ou un proche) vous
• Oui. 1 ...... Passez à@ • Non.. 2 ...... Passez à @) fasse part de son intention d'abandonner son emploi
actuel pour une carrière risquée, mais qui peut se révéler
9C) Vous avez refusé la première possibilité. On vous brillante. Le pousseriez-vous dans cette voie ?
propose une autre possibilité qui vous donne 50% de 1 seule réponse possible
chances de doubler vos revenus et 50% de les voir dimi-
nuer de 20%. • Oui, sans la moindre réserve ............................ ..
• Oui, en lui donnant des conseils de prudence .. .
t:-7 t:-7 • Non, j'essaierais de l'en dissuader
~ / (-') ( - ' ) Soit le revenu double, • Je n'interviendrais absolument pas.. 4

(R)' t:t
( ) Soit le revenu diminue de 20 %.

Acceptez-vous cette autre possibilité ?


@ Détenez-vous ou l'un des membres de votre foyer
• Oui. • Non .. détient-il des placements financiers (livrets d'épargne,
assurance-vie, actions, obligations ... ) ?
@ Actuellement, vous disposez de revenus (salaire, retrai-
te)... 1 seule réponse possible • Oui.. ,__...Passez à @ • Non.. 2__.. Passez à@
• Réguliers, sûrs 1
• Irréguliers, aléatoires.. 2 @ Parmi les types de placements financiers suivants, quels
• En partie réguliers, en partie aléatoires .. sont ceux que vous détenez ou que détient l'un des
membres de votre foyer ? Plusieurs réponses possibles
@ Quel est votre revenu (salaires, pensions, 13ème mois, • Compte ou plan épargne logement 01
primes ... ) annuel individuel net, c'est à dire après • Autres comptes ou livrets d'épargne hors CEL ou PEL
déduction des charges sociales et avant impôts (ex : Livret de la Caisse d'Epargne, Livret Bleu,
• Moins de 14 400 € (moins de 96.000 FF). Codevi,etc.) .. . 02
• De 14 400 à 18.299 € (96.000 à 120.000 FF) • Contrats d'assurance-vie.. 03
• De 18.300 à 27.399 € (121.000 à 180.000 FF) • Épargne retraite complémentaire. 04
• Contrats de prévoyance (décès, garantie obsèques,
• De 27.400 à 36.499 € (181.000 à 240.000 FF).. 4
accident de la vie ... ). os
• De 36.500 à 45.699 € (241.000 à 300.000 FF) 5 • Actions de sociétés privatisées (TF1, BNP-Paribas,
• 45.700 € et plus (plus de 300.000 FF) 6 Usinor, Renault, France Telecom, CNP, Thomson
Mutilmédia, ... ). 06
@ Par rapport à la moyenne des Français, en termes de
• Actions d'autres sociétés cotées françaises 07
revenus, diriez-vous que vous vous situez plutôt ...
• Actions de sociétés étrangères 08
• en dessous de la moyenne .. • Obligations . 09
• au-dessus de la moyenne . • SICAV ou FCP 10
• à peu près dans la moyenne .. • FCPE (Fonds Communs de Placements Entreprises) 11

2
328 Inégalités patrimoniales et choix individuels

@ Si vous-même détenez des produits financiers, parmi les @ Certaines personnes sont particulièrement prudentes face
différentes façons de gérer son portefeuille de placements à une situation risquée, d'autres sont davantage prêtes à
financiers, laquelle correspond le mieux à la vôtre ? tenter leur chance. En matière de placements financiers,
Plusieurs réponses possibles si plusieurs comptes que préférez-vous ? 1 seule réponse possible
• Vous prenez seul{e) toutes les décisions et votre • Placer toutes vos économies sur des placements sûrs
chargé de compte exécute vos ordres ...... • Placer une petite partie de vos économies sur des
• Vous prenez toutes ou certaines de vos décisions placements risqués, mais qui peuvent rapporter
avec votre chargé de compte ..... beaucoup, et le reste sur des placements sûrs ..... .
• Votre chargé de compte prend seul toutes les • Placer une part importante de vos économies sur
décisions et vous rend compte des résultats des placements risqués, mais qui peuvent rapporter
{ex: mandat de gestion) .............................................. . beaucoup, et le reste sur des placement sûrs ...
• Votre conjoint{e) gère complètement vos placements • Placer l'essentiel de vos économies sur des placements
financiers 4 risqués, mais qui peuvent rapporter beaucoup.. 4
• Vous ne détenez pas de produits financiers.
@) A votre connaissance, vos parents détiennent-ils ou ont-
@ Actuellement, quel est le montant total de vos place- ils détenu des actions ?
ments financiers que vous possédez seul ou commun avec • Non .. • Je ne sais pas ...
• Oui..
un membre de votre foyer {actions, obligations,
SICAVIFCP, PEA, contrats d'assurance-vie, comptes ou @ Selon vous, lorsque les grandes entreprises licencient, le
livrets d'épargne) ? font-elles surtout parce qu'elles ...
• Moins de 1.500 € {moins de 10.000 FF) .. • ont des difficultés financières ..
• De 1.500 à 3.799 € (10.000 à 24.999 FF) .. • veulent augmenter leur{s) valeur{s) boursière{s) ...
• De 3.800 à 7.599 € {25.000 à 49.999 FF)
@; Par rapport à la Bourse, de quelle opinion vous sentez-
• De 7.600 à 15.199 € {50.000 à 99.999 FF) .. 4 vous le (la) plus proche ? 1 seule réponse possible
• De 15.200 à 38.099 € {1 00.000 à 249.999 FF) ..
• La Bourse a tendance à monter quand le
• De 38.100 à 75.999 € {250.000 à 499.999 FF) .. chômage augmente ................................. .
• De 76.000 à 151.999 € {500.000 à 999.999 FF). • La Bourse a tendance à monter quand le
chômage diminue ..
• 152.000 € et plus {1 million FF et plus) ...
• Il n'y a pas de lien direct entre l'évolution
de la Bourse et le chômage ..
@ Parmi les biens suivants, quels sont ceux que vous possé-
• Ne sait pas 4
dez par ailleurs, seul ou en commun avec un membre de
votre foyer ? Plusieurs réponses possibles On vous propose d'investir sur un placement financier
• Biens fonciers {terres, forêts ... ) destinés à la location pour lequel vous avez une chance sur deux de gagner
5.000 euros {environ 32.000 francs) et une chance sur
• Biens immobiliers {appartements, immeubles ... )
deux de perdre le capital investi. Au maximum, combien
destinés à la location ..
êtes-vous prêt{e) à investir ?
• Actifs professionnels {fonciers, immobiliers ou mobi-
NOTEZ EN CLAIR : •~...--.~........,~..........~...-~..-.~' euros
liers) que vous utilisez dans le cadre de votre activité
professionnelle {"professionnels exploités")
@ Personnellement, avez-vous déjà fait une ou plusieurs
• Actifs professionnels {fonciers, immobiliers ou demandes de crédit pour des dépenses ou investisse-
mobiliers) destinés à la location ("professionnels de ments importants {logement, voiture, etc.) ?
rapport") . 4
• Aucun de ces biens 5 • Oui . 1.....,.. Passez à ~~ • Non.. 2.....,.. Passez à (~

@ Actuellement, quelle est approximativement la valeur de ~~ Vous a-t-on déjà refusé un crédit pour des dépenses ou
l'ensemble de votre patrimoine {financier ou non) que investissements importants {logement, voiture, etc.) ?
vous possédez seul ou en commun avec un membre de
• Oui. • Non
votre foyer ? 1 seule réponse possible
@ Si vous deviez aujourd'hui emprunter de l'argent pour
• Moins de 7.600 € {moins de 50.000 FF) .. des dépenses ou investissements importants {logement,
• De 7.600 à 15.199 € {50.000 à 99.999 FF). voiture, etc.), pensez-vous que les banques vous accorde-
raient votre prêt ?
• De 15.200 à 38.099 € {1 00.000 à 249.999 FF) .
• Oui • Non
• De 38.100 à 75.999 € (250.000 à 499.999 FF),
• De 76.000 à 151.999 € (500.000 à 999.999 FF).
4
5
1
r: .>:i< ..
/-L_-_---~----·•__
. ...,;;.;,i,..; ... .;.,.;;;
·.·-----~·~~-·_••__
~~_··•_•_~-·~----~~···--···~~~-~
• J
• De 152.000 à 304.999 € (1 à 1,9 million FF) .
\~ Etes-vous préoccupé{e) par le fait de finir votre vie dans
• De 305.000 à 456.999 € (2 à 2,9 millions FF)
une maison de retraite ?
• De 457.000 à 762.199 € (3 à 4,9 millions FF) ... 1
1 • Oui • Non.
• 762.200 € et plus {5 millions FF et plus.) 9
ii ~~]) Si cela devait vous arriver, pensez-vous que vous auriez
I des problèmes pour payer la maison de retraite ?
Œ • OuL.. • Non.
Annexe E : L'enquête TNS-Sofres-Delta 2002 329

@ Avez-vous déjà mis de l'argent de côté pour faire face à @ Voici des opinions sur la famille. Pour chacune d'elles,
cette éventualité ? indiquez si vous êtes tout à fait d'accord, plutôt
• OuL. • Non .... d'accord, plutôt pas d'accord ou pas du tout d'accord
avec elle?
Supposons que vous êtes au début de votre vie profes-
sionnelle et que l'on vous propose de choisir entre les 1 réponse par ligne
deux options suivantes. Laquelle choissisez-vous ?
7 seule réponse possible • Le mariage est une "sécurité"
• Payer comme cela se passe aujourd'hui (matérielle, affective, etc.)
des cotisations sociales et toucher le jour Passez à • Choisir son (sa) conjoint(e) n'est
venu la retraite correspondante .................. 1 ,._ @ pas sans risques .. 4
• Ne pas payer de cotisations sociales (ou alors • On ne peut pas s'engager dans le
un montant très faible), mais ne toucher Passez à mariage sans un essai préalable ... 4
le jour venu que le minimum vieillesse.. 2 ,... @ • Avoir des enfants est une • assu-
rance· pour les vieux jours.. 4
Parmi les raisons suivantes, lesquelles vous incitent à • Avoir des enfants, c'est prendre
faire ce choix ? Plusieurs réponses possibles des risques ................................ l 4
• Avoir des enfants, c'est un enga-
• C'est le système le plus pratique,
gement pour la vie .. 4

~3 } ,...Passez
il n'y a pas à s'en occuper ...
• C'est le système le plus juste .....
• C'est le système le moins risqué. ®à @ Dans un couple, lorsque l'essentiel des revenus provient
d'une seule personne, pensez-vous qu'il est nécessaire de
• Autres raisons .. 4
se prémunir financièrement contre sa disparition (en
souscrivant par exemple une assurance-décès, en met-
@ Avec les revenus dégagés en ne payant pas ou qu'une tant de l'argent de côté) ?
faible part de cotisations sociales, vous constitueriez-
vous une réserve financière pour la période où vous ne • Oui, dans tous les cas ...................... ..
toucherez que le minimum vieillesse ? • Oui, seulement s'il y a des enfants..
• OuL. • Non. • Non

Si c'était possible légalement et si vous en aviez la capa- @ Vos parents ont-ils cherché à vous apprendre à limiter
cité physique, seriez-vous prêt(e) à travailler quelques vos dépenses et à épargner ?
années supplémentaires pendant votre retraite ?
• Oui, tout à faiL 1 1 • Non, plutôt pas .....
• OuL. • Non .. • Oui, plutôt .. 2 VI • Non, pas du touL 4

@ Si vous avez ou si vous aviez des enfants à charge,


êtes-vous ou seriez-vous du genre à ...
a) les surveiller (comportements, relations ... ) ?
7 seule réponse possible
@ Dans quelle religion avez-vous été éduqué(e) ?
• Oui, constamment 1
1 seule réponse possible
• Oui, de temps en temps.. 2
• Catholique .. 1 1 • Juive ................... .. • Non, je leur laisse ou leur laisserais
• Protestante .. 2 • Musulmane ...... .. 6 beaucoup d'indépendance
• Anglicane .................. . 3 • Autre ............ ..
• Orthodoxe . 4 VI • Aucune .. .. 8 b) les inciter à prendre des risques ?
1 seule réponse possible
Avez-vous actuellement des membres de votre famille • Oui, quels qu'ils soient ................................. ..
travaillant dans l'agriculture ?
• Oui, mais seulement des risques limités.

: ~~it. ::s g::~ed~~sar~~~: ~ 1• ~~:: ~es co~si_ns, cousi_- 5


• Non, je les inciterais plutôt à la prudence ...

• Oui, des oncles, tantes 3 • Non, aucun .................. 6 c) leur donner le goût de l'épargne ?
• Oui, des frères, sœurs. 4 VI • Oui.. 1 • Non ..

A votre naissance, l'un de vos parents était-il citoyen @ Avez-vous déjà reçu de vos parents ... ?
français ? 1 seule réponse possible
1 réponse p ar ligne Oui Non
• Oui, mon père ..
• Oui, ma mère • Un héritage 1 2
• Une donation 1 2
Vous-même, êtes-vous de nationalité française ? • Des aides finan ci ères .. 1 2
• OuL .. • Non ..
@ Vous-même, avez-vous déjà fait à Pas
@ Diriez-vous que vous êtes fier d'être français ? vos enfants ... Oui Non d'en-
1 seule réponse possible 1 réponse par ligne fants
• Oui, tout à fait. 1 1 • Non, pas vraiment ... .. • Une donation ..
• Oui, plutôt 2 .:.;/Non, pas du touL .... ~ • Des aides financières ...

4
330 Inégalités patrimoniales et choix individuels

@ Avez-vous déjà aidé ou aidez-vous vos parents ... ? 1 réponse par ligne t-o_u_i+-N_o_n-1
• En leur donnant de l'argenL.
• En leur consacrant du temps (ex : cas où vos parents en
avaient besoin car dépendants pour raisons de santé) ...

@ Cela vous gênerait-il de laisser à vos enfants un héritage d'une valeur moins importante que celui que vous-même avez
reçu ou pourriez recevoir ?
• Oui. 1 • Non ... 2

@ Si les circonstances vous le permettent, la manière dont vous transmettrez vos biens à vos enfants ou à d'autres personnes
de votre entourage (héritage, donations, dotations ... ) s'inspirera-t-elle de ce que vos parents ont fait pour vous ?
1 seule réponse possible
• Oui, tout à fait . 1 • Oui, plutôt.. 2 • Non, plutôt pas . 3 • Non, pas du tout .. 4

Voici un certain nombre d'affirmations sur l'héritage et les aides financières. Indiquez si vous
êtes tout à fait d'accord, plutôt d'accord, plutôt pas d'accord ou pas du tout d'accord avec To~ à Plutôt Plutôt Pas
fait ,_,, ord pas du tout
chacune d'elles. 1 réponse par ligne d'accord~ ace d'accore d'accord
• Un enfant qui s'occupe plus de ses parents que ses frères et sœurs devrait recevoir une part
d'héritage plus importante .................................................................................................................. i 1 2 3 4
• Les parents peuvent dépenser l'argent qu'ils possèdent comme bon leur semble, quitte à ne
pas laisser d'héritage à leurs enfants ou à leur en laisser moins ..... 1 2 3 4
• Les parents peuvent donner une part d'héritage plus importante à un de leurs enfants s'il est
dans une moins bonne situation financière que ses autres frères et sœurs ... 1 2 3 4
• Même si un enfant a rompu toute relation avec ses parents, il est normal qu'il reçoive une
part d'héritage identique à celle de ses frères et sœurs.. 1 2 3 4
• Il est bien que des parents se privent pour laisser un héritage plus important à leurs enfants .. 1 2 3 4
• Même si des parents ont favorisé certains de leurs enfants au cours de leur vie, lorsqu'il s'agit
d'héritage, il est normal qu'ils donnent la même part à chacun .................................................... 1 1 2 3 4
• Si besoin est, il est normal qu'une partie de l'héritage attendu serve à financer les soins des
parents en fin de vie........ .............. .. ..... . 1 2 3 4
• Il est juste que des parents aident plus un enfant qui est dans une moins bonne situation
financière que les autres.. .. ................ . 1 2 3 4
• Il est normal d'héberger ses vieux parents en cas de besoin .. 1 2 3 4
• Il est normal de s'occuper de ses parents en cas de besoin (en leur rendant des services par
exemple ... )... .............. . ....... . 1 2 3 4
• Il est normal d'aider financièrement ses parents s'ils n'ont pas assez d'argent pour leurs vieux jours . 1 2 ""' 3 4

@ En ce qui concerne les droits de succession ou de mutation, quelle est parmi les modifications ci-dessous, celle que vous
souhaiteriez voir appliquer pour les héritages en ligne directe (lien parents/enfants) ?
Et pour les héritages concernant d'autres bénéficiaires?
En ligne Autres
1 seule réponse par colonne directe bénéficiaires

• Allègement quel que soit le montant .. ....... ... ., 1 l"" 1


• Allègement à partir d'un certain montant ....... 2 ....... 2
• Alourdissement à partir d'un certain montant ........ 3 3
• Alourdissement quel que soit le montant.. 4 ....... 4
• Pas de modification par rapport au système actuel .... ..... 5 ..... 5
1. . .
'"'""

@ Aux Etats-Unis, il est possible de léguer ce que l'on veut à qui l'on veut (enfants ou non), ce qui n'est pas le cas en France.
Vous-même, êtes-vous plutôt favorable ou plutôt défavorable au système américain ?
• Plutôt favorable.. 1 • Plutôt défavorable ..... 2

Un parent a plusieurs enfants et possède une maison qui se transmet de génération en génération. Mais il ne peut la
transmettre qu'à un seul d'entre eux, car elle n'est pas divisible. Tous disposent déjà d'un logement et le parent ne veut
pas que la maison soit vendue.
Parmi les possibilités suivantes, à qui la maison doit-elle être transmise selon vous ? 1 seule réponse possible

• A l'enfant le plus en mesure de garantir une aide financière et un soutien


convenable au parent pendant sa vieillesse .. 1
• A l'enfant qui s'est le mieux occupé de l'entretien de la maison jusqu'à présent .. 2
• A l'enfant ayant lui-même des enfants à qui transmettre la maison........... ...... 3
• A l'enfant le moins aisé.. .... .... .......... .......... ................. ......... 4
• A l'enfant préféré........... .......... ........ . . ........ .. ........ . ....... 5
• Selon la tradition familiale, lorsqu'il y en a une (exemple: aîné ... )... ...... ......... 6

5
AnnexeE: L'enquête TNS-Sofres-Delta 2002 331

SI VOUS AVEZ ARRETE DE FUMER, REPONDEZ A @


IC 1
@ A quel âge avez-vous arrêté de fumer ?
@ Diriez-vous qu'actuellement, votre état de santé général NOTEZ EN CLAIR : L-1...-1 ans
est... 1 seule réponse possible
• Très bon .. 1 1 • Assez mauvais 4 A TOUS
• Bon ..... 2 • Très mauvais.. 5
• Satisfaisant .. 3-.y @ Tous les combien environ, buvez-vous de l'alcool (bière,
vin, liqueur, apéritif, eau-de-vie, etc.) ?
@ Au cours des 12 derniers mois, environ combien de fois 1 seule réponse possible
avez-vous consulté, hors visite de contrôle ... ?
NOTEZ EN CLAIR • 3 fois ou plus par jour 1 1 • 1 à 2 fois par semaine 4
• 1 à 2 fois par jour .... 2 • Plus rarement.. .......... 5
• Des médecins généralistes L-1...-1 fois
• Presque tous les jours. 3 -.y• Jamais 6
• Des médecins spécialistes L-1...-1 fois

• Des dentistes. L-1...-1 fois @ Votre père ou votre mère a-t-il été atteint(e) de l'une
des affections suivantes ?
Ne
@ Au cours des 5 dernières années, avez-vous effectué un Oui Non sais
bilan de santé ? 1 réponse par ligne pas
• Oui.. 1 • Non.. 2 • Cancer 1 2 3
• Attaque cardiaque 1
@ {Pour les femmes) Avez-vous effectué une visite de dépis- infarctus du myocarde ... 1 2 3
tage du cancer du sein ou du cancer du col de l'utérus
dans les 5 dernières années ?
• Oui.. 1 • Non. 2
@ Etes-vous vacciné(e), avec des rappels à jour, contre les
affections suivantes ?
Ne
A TOUS Oui Non sais
1 réponse par ligne pas
@ Au cours des 12 derniers mois, avez-vous été hospitali- • Rougeole, oreillons, rubéole ... 1 2 3
sé(e) et passé au moins une nuit à l'hôpital ? • Hépatite B .. 1 2 3
• Oui.. 1 • Non 2 • Variole. 1 2 3
• Grippe 1 2 3
@ Au cours des 12 derniers mois, avez-vous eu recours aux • Poliomyélite ... 1 2 3
services d'urgences hospitalières ...
r---~---r~P-M~-p~~~
@1 Si vous avez des enfants, sont-ils vaccinés , avec des rap-
Oui Non d'en- de pels à jour, contre les affections suivantes ?
1 réponse par ligne fants conjoin1
Ne Pas
• Pour vous-même 1 Oui Non sais d'en-
• Pour votre conjoint(e) . 1 4 1 réponse par ligne pas fants
• Pour l'un de vos enfants . 1
• Rougeole, oreillons, rubéole 1 2 3 4
• Hépatite B.. 1 2 3 4
@ Faites-vous du sport ou de la gym ? • Variole .. 1 2 3 4
• Très régulièrement 1 1 • Rarement........ 4 • Grippe 1 2 3 4
• Assez régulièrement.. 2 • Jamais ou presque 5 • Poliomyélite 1 2 3 4
• De temps en temps 3 -.y
@ Sur une route où vous savez qu'il n'y a pas de contrôle,
@ En moyenne, combien de cigarettes fumez-vous dans la vous arrive-t-il de ... ?
journée?
Oui, Non,
Oui, Non,

~
• Moins d'un demi paquet . 1} 1 réponse par ligne SOU· rare-
parfois jamais
vent ment
• Entre un demi paquet et un paquet .. 2 ,._Passez à@
• Plus d'un paquet ....................... . 3 • ne pas mettre votre
ceinture de sécurité. 1 2 3 4 5
• Je ne fume plus .......................... 4 ..,.. Passez a-~
~
• dépasser la vitesse
• Je n'ai jamais fumé régulièrement. 5 ..,.. Passez à (®l
autorisée .. 1 2 3 4 5

@ Hier, avez-vous fumé ... ?


@ Pensez-vous que cela vaut la peine, pour gagner
• Des cigarettes fortes 1 1 • Des cigares 3 quelques années de vie, de se priver de ce que l'on
• Des cigarettes légères • Non, je n'ai pas fumé 4 appelle les plaisirs de l'existence (bien manger, boire,
ou ultra-légères 2-.y fumer, mener une vie mouvementée ... )?

@ A quel âge avez-vous ou aviez-vous commencé à fumer ? • Oui, tout à fait 1 1 • Non, pas vraiment 3
• Oui, plutôt 2 -.y" Non, pas du tout 4
NOTEZ EN CLAIR · L-1...-1 ans

6
332 Inégalités patrimoniales et choix individuels

@) A partir de combien de jours de congés supplémentaires


accepteriez-vous l'offre ?
NOTEZ EN CLAIR : L.....J......J jours

@ Lorsque vous sortez de chez vous et que la météo est


Très incertaine, prenez-vous vos précautions (parapluie,
sou- imperméable ... ) ?
1 réponse par ligne .,_v_en_t-+---
• Oui, systématiquement 1 1 • Non, rarement .... .
• PMU .. 4 • Oui, souvent .............. 2 -:.;r" Non, jamais ..... . 4
• Loto, millionnaire, banco, etc. . 4
• Machines à sous .. 4 Êtes-vous préoccupé(e) par les problèmes d'environne-
• Casino (roulettes, black jack, ment (pollution des villes, couches d'ozone ... )?
etc.) .. 4
• Oui, très 1 1 • Non, assez peu
Vous arrive-t-il de garer votre véhicule en zone payante • Oui, assez .. 2 0f • Non, pas du tout .. 4
sans avoir mis d'argent dans l'horodateur ou de vous
garer en dehors des zones autorisées 7 @) Lorsque vous faites vos
courses, achetez-vous en Tou- Parfois Rare- Jamais
• Oui • Non .. • Sans objet. jours ment
priorité ...
Vous commencez un livre et les premières pages ne vous 1 réponse par ligne t--+--+--t---1
plaisent pas. Que faites-vous le plus souvent ? • des produits non polluants .. 4
1 seule réponse possible • des articles marqués
• Vous arrêtez rapidement 1 d'un label de qualité 1 de
traçabilité .. 4
• Vous insistez un peu
• Vous continuez jusqu'à la fin .. • des articles garantis "sans
travail des enfants" 4
@ Quelque chose vous fait envie (vêtement, livre, disque,
meuble ... ) et vous avez les moyens de l'acheter. Êtes-
vous plutôt du genre ... 7 1 seule réponse possible
@ Par rapport au prix "habituel", en pourcentage, com-
bien êtes-vous prêts à payer en plus pour ... ?
• À suivre votre impulsion et à l'acheter rapidement .. • des produits non polluants. . .............. L.....J.....,J%
• À attendre et à réfléchir pour savoir si vous en
avez vraiment besoin . • des articles marqués d'un label de qualité 1
de traçabilité ............................................... L.....J......J %
• Cela dépend ................................................................ .
• des articles garantis "sans travail des enfants" .L.....J......J %
@ On vous offre un repas dans un très bon restaurant ou
un billet pour un spectacle qui vous plaît. L'offre est
valable un an. Quelle attitude correspond le mieux à la
vôtre ? 1 seule réponse possible
• Vous en profitez tout de suite
• Vous attendez quelques temps, vous n'êtes pas pressé(e)
• Vous en profitez à la dernière limite (même si c'est
dansunan) ................................................. .

('i!J Lorsque vous avez un voyage à faire en train ou en


avion, quelle est généralement votre attitude en ce qui
concerne les billets ? Vous êtes plutôt du genre à les
prendre... 1 seule réponse possible
• longtemps à l'avance 1 • au dernier moment • L'importation et la commerciali-
• un peu à l'avance .. 2 1 • Je ne prends ni le train sation d'aliments ou de plantes
0f ni l'avion.... 4 génétiquement modifiés
devraient être interdites .. 4
Lorsque vous avez à prendre le train ou l'avion, quelle • L'immigration est un facteur de
est généralement votre attitude le jour du départ ? Vous croissance économique pour
êtes plutôt du genre à arriver ... 1 seule réponse possible l'Union Européenne ... 4
• longtemps à l'avance • au dernier moment • Un accroissement de l'immigra-
• un peu à l'avance .. • Je ne prends ni le train tion constituerait une menace
ni l'avion.. 4 pour mon emploi et ma rémuné-
ration ....................... . 4
A la suite d'une charge de travail imprévue au moment • La libéralisation des importation
des vacances, votre employeur demande à l'ensemble du constituerait une menace pour
personnel si certains sont prêts à reporter leur semaine de mon emploi et ma rémunération . 4
vacances à l'année prochaine. En échange, les volontaires
• Les échanges culturels liés à la
bénéficieront de jours de congés supplémentaires à négo-
mondialisation permettent de
cier, en plus de la semaine à rattraper. Vous n'avez pas
réduire les conflits 4
d'engagement particulier. Accepteriez-vous cette offre?
• La mondialisation constitue une
• Oui 1 ..,..._ Passez à (sm chance pour la culture française 4
• Non, dans tous les cas 2 ..,..._ Passez à ~p

7 MERCI DE CONTINUER DE RÉPONDRE AU VERSO


AnnexeE: L'enquête TNS-Sofres-Delta 2002 333

@ L'Union Européenne pourrait prendre différentes mesures économiques et sociales. Pour chacune des mesures suivantes,
indiquez si vous y êtes très favorable, assez favorable, assez défavorable ou très défavorable.
Assez Très
Très Assez
défavo- défavo-
1 réponse par ligne favorable favorable
ra ble rable

• Limiter l'immigration 1 2 3 1 4
• Limiter les importatio ns de produits provenant d'autres pays
que l'Union Européen ne. 1 2 3 4
• Protéger l'agriculture européenne de la concurrence étrangère 1 2 3 4
• Soutenir activement 1e développement des industries européen-
nes à haute technolog ie (ex : Airbus ou Ariane) . 1 2 3 4

@ Certaines personnes ont le sentiment d'appartenir à une classe sociale. Vous-même, de quelle classe vous sentez-vous le
plus proche ? 1 seule réponse possible

• Défavorisée . 1 1 • Supérieure 4
• Moyenne inférieure .. 2 • Je ne me sens appartenir à aucune 5
• Moyenne supérieure 3~

@ Diriez-vous qu'actuellement les "institutions démocratiques" en France fonctionnent ...


1 seule réponse possible

• Très bien. • Plutôt bien • Plutôt mal • Très mal 4

@ Dans l'éventail des convictions politiques, vous vous situez plutôt... 1 seule réponse possible

• À l'extrême gauche • Au centre droite


• A gauche • A droite 6
• Au centre gauche .. • À l'extrême droite 7
1
• Au centre ...... 4 ~ • Je n'ai aucune conviction politique 8

RENSEIGNEMENTS SIGNALtnQUES
• Vous travaillez actuellement ou vous avez travaillé 1 .,. Passez à @1
• Vous n'avez jamais travaillé 2 .,. Ce questionnaire est terminé

@) Notez en clair votre profession actuelle ou la dernière que vous avez exercée :
Entourez le code correspondant au secteur d'activité. ----------------------------
1 seule réponse possible
• Administration publique .. 01 • Autres matériels de transport (naval, aéronautique
• Éducation 02 et ferroviaire); pilotes, marins, cheminots 17
• Hôtel, restaurant, tourisme 03 INDUSTRIE DES BIENS DE CONSOMMATION :
• Profession médicale 04 • Habillement, confection, chaussures 18
• Professions juridiques (avocat, huissier, notaire ... ) 05 • Fabrication et distribution d'appareils
• Télécommunication et informatique 06 électriques et électroniques grand public 19
• Activités financières (banques, assurances) 07 • Autres : meubles, articles de sport, jouets,
• Services aux entreprises (conseil et conseils optique, montres 20
juridiques, R&D, services opérationnels) 08 • Fabrication et vente de biens d'équipement
• Activités de services immobiliers 09 (machinerie, mécanique) 21
• Entrepreneurs ou employés dans la construction 10 FABRICATION ET VENTE DE BIENS INTERMÉDIAIRES :
• Commerce (gros et détail), vente et réparation • Matériaux de construction (pierre, ciment,
(électricien, plombier, garagiste ... ) 11 verre ... ) 22
• Activités récréatives, culturelles et artistiques ; • Métallurgie (fer, fonte, autres métaux) 23
édition 12 • Textiles, fils, tissus et cuir 24
• Employés de maison; services directs aux • Bois et papier ; imprimerie 25
particuliers (coiffure, blanchisserie ... ) 13 • Chimie, engrais et plastiques 26
• Agriculture, pêche, sylviculture 14 • Composants électroniques 27
• Industrie agro-alimentaire (fabrication et • Autres 28
distribution) 15 • Fabrication et distribution d'énergie (combustible
• Industrie automobile (fabrication et distribution); et carburants ; eau, gaz, électricité) 29
routiers 16

Ce questionnaire est terminé. Merci de votre participation.

8
334 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau E.1
Structure des échantillons

Pane listes Ascendants Descendants


Sexe
Homme 49,7 40,0 38,0
Femme 50,3 60,0 62,0

Age
Moins de 25 ans 26,3
25-29 ans 44,9
30-34 ans 24,1
35-39 ans 29,2 4,8
40-44 ans 26,6
45-49 ans 18,6
50-54 ans 25,4 1,5
55-59 ans 6,3
60-64 ans 21,5
65-69 ans 28,3
70-74 ans 22,0
74-79 ans 15,2
80 ans et plus 5,2

Statut familial
Marié 62,3 64,7 35,2
En concubinage 10,0 1,6 30,1
Célibataire 16,0 2,1 32,2
Divorcé 9,8 6,8 2,5
Veuf 1,9 24,7

Niveau d'études atteint


N'a jamais fait d'études 0,2
Etudes primaires 4,7 29,3
Enseignement secondaire 4,8 11,2 0,8
Technique court (CAP, BEP) 34,0 20,7 16,0
2nde, 1ère, niveau Bac ou brevet professionnel 23,6 21,3 27,9
Technique supérieur (IUT, BTS) 11,8 4,3 18,1
Supérieur 1er cycle 7,0 4,3 9,3
Supérieur 2nd cycle 7,3 4,8 20,3
Supérieur 3ème cycle 6,6 4,3 7,6

Revenu individuel
Moins de 14 400 € (moins de 96 000 FF) 33,6 39,7 50,9
De 14 400 à 18 299 € (96 000 à 120 000 FF) 24,6 17,3 27,4
De 18 300 à 27 399 € (121 000 à 180 000 FF) 25,8 22,4 15,0
De 27 400 à 36 499 € (181 000 à 240 000 FF) 9,9 13,4 5,6
De 36 500 à 45 699 € (241 000 à 300 000 FF) 3,1 4,5 0,9
45 700 € et plus (plus de 300 000 FF) 3,0 2,8 0,4

Nombre d'observations 2460 199 241

Source: enquête TNS-Sofres-Delta 2002


AnnexeF

Les scores dans l'enquête TNS-Sofres-Delta


2002 pour les trois échantillons
1. LES ATTITUDES A L'ÉGARD DU RISQUE

Comme dans l'enquête Insee (cf tableau 5.1 ), le score a été construit initialement, pour les 3
échantillons (panelistes, ascendants, descendants) comme la somme des notes attribuées pour les 32
questions possibles, une risquophobie plus élevée étant signée positivement (+ 1), et la risquophilie -
ou plutôt la moindre risquophobie - négativement ( -1) (tableaux F.1 A à F.1 C).
Pour les panelistes (tableau F.1A), 5 questions ont été éliminées parce qu'elles présentaient une
corrélation trop faible ou négative avec l'ensemble des autres. Ces questions concernaient
principalement les questions d'opinions concernant le mariage et les enfants (SR42b-SR42e). La
question la plus corrélée avec le score est l'item SR81 qui concerne le fait de prendre ses précautions
lorsque le temps risque d'être mauvais (55,9% en prennent). Viennent ensuite certaines pratiques de
jeux (les bandits manchots, SR72c, et le casino, SR72d). Prendre ses billets à l'avance pour prendre le
train ou l'avion (SR77) est aussi un item bien corrélé avec le score (19,3 %prennent leurs billets bien à
l'avance, 8% au dernier moment). Les autres questions les plus contributives concernent le désir
d'inciter ses enfants jeunes à prendre des risques ou inversement à la prudence (SR45b : 2,6 % incitent
à prendre des risques ... ), le fait de garer ou non sa voiture en infraction (61,7% ne le font jamais,
10,6 % le font parfois, 10,6 % = sans objet). Inversement, les items retenus les moins bien corrélés au
score sont: SR68 qui concerne les vaccinations non obligatoires (41 % le font systématiquement,
15,8% jamais); les questions relatives à la retraite (SR30, SR32. SR33), la question SR42jrelative à la
protection de conjoint survivant (93,2 % le désirent) et SR42f qui exprime le fait de penser que
"décider d'avoir des enfants c'est s'engager pour la vie" (95 %le pensent).
Deux mesures ont été calculées pour les autres générations (les ascendants et les descendants). La
première reprend exactement les 27 questions retenues dans l'échantillon panel ; la seconde ré-estime
le score d'attitude vis-à-vis du risque sur les échantillons des ascendants (199 observations) et des
descendants (241 observations).
Dans le cas des ascendants (tableau F.1 B, 4e colonne), on obtient une hiérarchie de questions très
différente de celles de l'échantillon panel qui s'explique sans doute en grande partie par des effets
d'âge et de génération. On observe par ailleurs de grandes différences dans les réponses à certaines
questions qui traduisent souvent des attitudes plus risquophobes (visites préventives chez le médecin
SR57, préoccupé de finir en maison de retraite SR30, épargne pour sa retraite SR32, précaution contre
une météo incertaine SR81, etc.). C'est la question SR32 relative à la préparation financière de la
retraite (40,2% s'y investissent) qui est la plus contributive au score alors qu'elle était proche de
l'élimination chez les panelistes. Les autres principaux changements hiérarchiques concernent la
protection du conjoint survivant (90,4% le désirent) qui arrive en 4c position alors qu'elle pointait au-
delà du 20e rang dans l'échantillon principal et le fait de garer son véhicule en état d'infraction (14,1 %
336 Inégalités patrimoniales et choix individuels

sont des contrevenants) qui au contraire perd beaucoup de son importance (dernière position chez les
ascendants, 6e chez les panelistes). Les questions relatives à la pratique de jeux conservent leur rang
même si la hiérarchie des pratiques est modifiée (machine à sous et loto chez les ascendants, machines
à sous et casino chez les panelistes).
Chez les descendants, les écarts dans la fréquence des réponses aux différentes questions montrent
cette fois des attitudes plus risquophiles (contrevenant au stationnement SR73, mariage comme
assurance SR42a, visites préventives chez le médecin SR57, épargne pour la retraite, SR32, précaution
contre météo incertaine, SR8/, etc). La hiérarchie (tableau Fl.C, 4e colonne) est relativement proche
de celle des panelistes. On retrouve dans les 6 premières places, 1'importance des pratiques de
réservation de voyage (SR77 et SR78), des précautions contre une météo incertaine (SR81), du respect
des règles de stationnement (SR73). Par contre, le fait de penser que "le mariage est une assurance"
SR42a (24,1 % le pensent contre 12,4 % qui ont 1'avis contraire) arrive sur le podium alors qu'il
pointait beaucoup plus loin chez les panelistes (16e rang).
Théoriquement, avec le codage adopté pour les 27 items sélectionnés, le score maximal que peut
obtenir un individu risquophobe est de + 23 et le score minimal d'un individu risquophile est de - 29.
Dans notre échantillon, les valeurs du score s'étagent entre - 13 et + 14 pour les pane listes, entre - 5 et
+ 17 pour les ascendants et entre- 10 et + 13 pour les descendants.
Les histogrammes des scores pour les trois générations sont présentés sur le graphique F.1. On
constate sans surprise que la jeune génération est plus risquophile que la vieille génération, elle-même
plus risquophobe que la génération panel. Les moyennes des distributions sont en effet de 3,2 pour les
descendants (la médiane est de 3), 4,0 pour les panelistes (respectivement 4) et 6,2 pour les
ascendants (resp. 6).
Le coefficient alpha de Cronbach permet par ailleurs de mesurer le degré de cohérence interne de
nos scores, pour les 27 questions finalement retenues. Ce coefficient est nul pour des items
indépendants, égal à l'unité (sa valeur maximale) s'ils sont parfaitement corrélés; en psychométrie, on
requiert plutôt des valeurs supérieures à 0,7 (cf chapitre 5). Dans ces conditions, les valeurs obtenues
pour l'échantillon des panelistes et celui des ascendants, égales à 0,51 et celle issue de l'échantillon
des descendants égale à 0,58 (cf tableau F.1A à F.1C), dénotent des scores raisonnablement
homogènes.

2. LA PRÉFÉRENCE TEMPORELLE
Comme dans l'enquête Insee (tableau 8.1), le score a été construit initialement pour les 3
échantillons (panelistes, ascendants, descendants) comme la somme des notes attribuées pour les 18
questions possibles, une imprévoyance élevée étant signée positivement (+ 1), et la prévoyance
négativement (-1) (tableaux F.2A à F.2C).
Sur les 18 questions pouvant entrer dans le score, seuls 2 items ont été écartés pour les panelistes
(cf tableau F.2A). Comme dans l'enquête Insee une des deux questions éliminées concernait le choix
(ST/4) entre un service obligatoire proche et court (60,3% préféraient cette solution), ou lointain mais
plus long, question pourtant profilée pour mesurer le taux de dépréciation d'un déplaisir futur par
rapport à un déplaisir présent. Les questions les plus corrélées correspondent bien à des
préoccupations de long terme et familiales: la sensibilité aux problèmes d'environnement (ST82:
79,2% en sont soucieux), la volonté de donner le goût de l'épargne à ses enfants (ST45c) que l'on
observe chez 91 %des individus, le fait d'avoir reçu une éducation dans ce sens (ST44 : 75,4% ont eu
Annexe F : Les scores dans l'enquête TNS-Sofres-Delta 2002 337

des parents qui ont cherché à leur inculquer à épargner). Viennent ensuite le fait de prendre ses billets
ou de préparer son voyage à l'avance (S777: 19,3% réservent bien à l'avance et 20,1 %arrivent en
avance), le dilemme d'Achille (S77/ : 9,6% préfèrent se priver pour vivre plus longtemps, 9,5 %
veulent profiter des plaisirs de l'existence, les autres sont plus partagés) ; l'hygiène de vie par la
pratique du sport (ST61 : 25,9% en font régulièrement, 54,4% n'en font jamais).
À l'inverse, comme dans l'enquête Insee (tableau 8.1 ), les questions inspirées par une approche
directe du taux d'actualisation (j figurent plutôt en queue de peloton, tel l'item S779, sur le nombre de
jours de vacances supplémentaires demandés pour compenser le report d'une semaine de congé
(21 ,4 % refusent tout report de congé, 17,5 % acceptent de différer leurs vacances d'un an en échange
d'au moins deux jours de congé en plus). La question "lanterne rouge" concerne le fait d'être inquiet de
finir sa vie en maison de retraite (1/3 sont inquiets), classement résultant du fait que l'on s'adresse à
une population plutôt jeune (35-55 ans).
Dans le cas des ascendants (tableau F.2B, 4c colonne), on obtient une hiérarchie de questions très
différente de celles de l'échantillon panel qui s'expliquent là encore en grande partie par des effets
d'âge et de génération. Ainsi les différences les plus marquantes concernent le fait d'être préoccupé de
finir en maison de retraite (51 ,3 % le sont) qui est la 4e question la plus contributive au score alors
qu'elle était la dernière pour les pane/istes. À l'inverse, le souci des problèmes d'environnement (ST82)
passe de la première à la 7c place (76,9 % sont soucieux).
Pour les plus jeunes (tableau F.2C, 4c colonne), ce sont les variables d'environnement qui sont les
plus pertinentes pour déterminer le score (ST82 et ST84). 78,4 % de la jeune génération est sensible
aux problèmes d'écologie et 41 ,5 % sont prêts à faire de gros efforts pour laisser une planète en bon
état. À l'inverse, à la différence des deux autres générations, les variables familiales (ST43, ST44 et
ST45c) apparaissent moins déterminantes pour les plus jeunes (respectivement 11, 10 et 9e position)
même s'ils se montrent autant impliqués que leurs aînés: 94,6% veulent protéger leur conjoint,
73,8% avait des parents prévoyants et 81,7 % estimaient qu'il fallait donner le goût de l'épargne aux
enfants.
Compte tenu des 16 questions finalement retenues et du codage adopté, au plus trichotomique, le
score maximal que peut obtenir l'individu le plus insouciant est de+ 15 et la valeur minimale que peut
obtenir un individu qui planifie à long terme est de - li. L'histogramme des scores de préférence
temporelle est présenté sur la figure F.2. Il varie en pratique de- 10 à+ 13 pour les pane/istes, de- 9
et + 6 pour les ascendants et de - 7 à + 7 pour les descendants. L'examen des distributions des trois
scores ne révèle pas d'effet de génération ou d'âge véritablement probant.
L'alpha de Cronbach pour le score réduit aux 16 items finalement retenus est égal à 0,40 pour les
panelistes, valeur plus faible que celle obtenue pour le risque (0.51 ). Pour les ascendants, l'alpha de
Cronbach est de 0,44 et pour les descendants de 0,39. La cohérence de nos mesures est donc plus forte
chez les plus âgés.

3. L'ALTRUISME FAMILIAL
Le score d'altruisme, familial, a été construit, pour les 3 échantillons (panelistes, ascendants,
descendallfs) comme la somme des questions évoquant l'altruisme(+) ou l'égoïsme(-). Initialement,
8 questions ont été sélectionnées pour construire le score (cf. tableau F.3A à F.3C).
Finalement. seule la question SA52a, concernant l'allégement des droits de succession en ligne
directe. a été éliminée pour les panelistes (cf. tableau F.3A). L'alpha de Cronbach vaut 0,37, ce qui,
338 Inégalités patrimoniales et choix individuels

comme dans l'enquête Insee (cf. tableau 8.2), est relativement faible. On notera que le score de
l'enquête TNS-Sofres-Delta est néanmoins meilleur, dû au fait qu'il concerne des questions plus
pertinentes pour mesurer l'altruisme (la plupart sont des questions d'opinion sur la transmission).
Dans le cas des ascendants (tableau F.3B, 4e colonne), on obtient des réponses aux questions très
différentes de celles des "panelistes" ou des descendants. Ainsi, ils sont plus nombreux à penser qu'il
est normal que les parents se privent pour leurs enfants (SAS/ e : 14,1 % contre 6,3 % chez les
panelistes et 4,6% chez les enfants), anormal que ceux-ci "dilapident" l'héritage familial (SA5lb:
18,6% contre 11,1 % chez les panelistes et 10,4% chez les descendants) et qu'il faut laisser à ses
enfants autant que l'on à reçu (35,7 % contre 25,2 % chez les pane listes et 27,8 % chez les
descendants). L'alpha de Cronbach est seulement de 0,25 si on le calcule avec les questions retenues
chez les panelistes mais s'élève à 0,42 si on construit le score uniquement sur l'échantillon des
ascendants: on élimine alors la question relative à la liberté de tester (SA53) mais on introduit celle
concernant l'allègement des droits de succession en ligne directe (SA52a: 81,4% y sont favorables).
Le score établi chez les descendants apparaît plus cohérent qu'au sein des deux autres populations
(cf. tableau F.3C) : l'alpha de Cronbach est égal à 0,40 avec les questions retenues dans le score
"panel" et à 0,44 si on construit ce score à partir de la population des descendants (on élimine alors les
deux questions relatives aux droits de succession, SA52a et SA53).
Compte tenu des 7 questions finalement retenues et du codage adopté (parfois en cinq positions, de
+2 à -2), le score maximal que peut obtenir l'individu le plus altruiste est de+ 12 et la valeur minimale
que peut obtenir un individu égoïste est de- 12. L'histogramme des scores d'altruisme est présenté sur
la figure F.3. Il varie en pratique de- 12 à+ 11 pour les panelistes, de- 9 et+ 12 pour les ascendants
et de- 10 à+ 9 pour les descendants. Les histogrammes montrent que ce sont les ascendants qui sont
les plus altruistes: ainsi près de 30% ont un score supérieur à 3 contre 20% chez les plus jeunes.

4. L'IMPATIENCE
Le score a été construit pour les 3 échantillons (panelistes, ascendants, descendants) comme la
somme des questions finalement retenues, évoquant l'impatience(+) ou la patience(-). Seulement 3
questions étaient susceptibles d'entrer dans le score (cf. tableau F.4): le fait d'abandonner un livre dès
les premières pages lorsqu'on est déçu S/74 (près de 29 % sont dans ce cas), le fait d'être impulsif pour
certains achats, S/75 (26,5 % le sont) et enfin le fait de vouloir réaliser une opportunité le plus vite
possible, Sl76 (un individu de 35 à 55 ans sur quatre le veut).
L'alpha de Cronbach, calculé pour les trois questions, égal à 0,28, est trop faible (cf. tableau F.4):
le score d'impatience ne présente donc pas une cohérence interne suffisante. Ce résultat négatif ne
surprendra guère : nous avons déjà insisté sur le caractère composite de ce paramètre, ne distinguant
pas notamment entre individus "impulsifs" et "pressés" (cf. chapitre 8).
L'examen des réponses chez les ascendants montre que ceux-ci sont en général plutôt moins
impatients que la génération des panelistes. Là encore, l'alpha de Cronbach révèle des scores
insuffisamment homogènes (0,32).
À l'inverse, les descendants se montrent en général plus impatients dans toutes les questions.
L'alpha de Cronbach est un peu meilleur que sur les deux autres populations (0,35).
Les histogrammes du graphique F.4 traduisent bien le fait que l'impatience est plus forte chez les
descendants que chez les panelistes, elle-même plus forte que chez les ascendants.
Annexe F : Les scores dans l'enquête TNS-Sojres-Delta 2002 339

Tableau F.l
A. Fréquence des réponses et construction du score de risquophobie pour les panelistes
Risquophile Risquophobe
Rang dans (%) (%)
Nature de l'indicateur Quest. Neutre(%)
le score
(-) (+)
Consommation/lflisirs/voyages
SR73: Gare son véhicule en état d'infraction (oui~ -1: non~+ 1: autre~ 0) Q73 27,7 61,7 10,6

Santé/risque de vie /espérance de vie


SR 57: Visites préventives chez le médecin. dentiste (oui ~ + 1: non ~ 0) Q57-58 14 38.2 60.2

SR68 Vaccinations non obligatoires (non~ -1 :oui~+ 1 :autre~ 0) Q68 27 15.8 41.0 43.2

SR70: Met sa ceinture de sécurité. respecte la vitesse autorisée (non= ·1: oui = -~-1 :autre= 0) Q70 12 1.1 12.2 85.7

SR71 : Désir de se priver pour vivre plus longtemps (non~ -1: oui ~ + 1: autre~ 0) Q71 9.5 9.6 80.9

SR61 : Souci du maintien de la forme (non ~ -1 :oui ~ + 1 :autre~ 0 ) Q61 8.8 7.9 83.3

SR69e: Rappel vaccination pour les enfants (oui~ 0 :non ~ -1) Q69e 24 5,0 95.0

Travail 1 revenu 1 ca"ièu professionnelle


SR4: Recherche dans un métier. la nouveauté. la responsabilité (oui~ -1 :autre~ 0) Q4 17 19.4 80.6
SRJa :A pris des risques dans son componement professionnel (oui ~ -1 : non ~ 0 ) Q3a 13 37.3 62.7
SRJb: A par ses loisirs pris des risques pour sa carrière( oui~ -1: non~ 0) Q3b 20 9.5 90.5
SRJc: Changements d'emploi ou professionnels risqués (oui ~ -1 : non ~ 0) Q3c 10 30.7 69.3
SR/5: Conseille aux proches de prendre des risques professionnels
Q15 Il 8.8 7.9 83.3
(oui~ -1: non~ +1: autre~ 0)
SR8: Changement de secteur d'activité en cas de risque économique élevé Q8 15 50.0 50.0

Ràraite

SRJO: Preoccupé par le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui~ ·d: non~ 0) Q30 26 66.5 33.5

SR31: Epargne contre le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui ~ ~ 1: non~ 0) Q32 23 78.5 21.5

SRJJ: Prefèrerait des cotisations retraite allégées et une retraite «réduite» 11


Q33 1.4 28.7 69.9
(oui. sans épargne supplémentaire~ -1: non. trop risqué~+ 1: autre~ 0)

Fanùll~ransferts intergénérationnels

SR41a: «Le mariage est une assurance» (non ~ -1 :oui~+ 1 :autre~ 0) Q42a 16 17.4 13.7 68.9
SR41b: «Choisir un conjoint compone des risques>> (non~ -1 :oui ~ + 1 :autre~ 0) Q42b 4.9 23.1 72.0
SR41c : «On ne peut s'engager sans essai préalable dans un contrat comme le mariage>>
Q42c 8.5 24.4 67.1
(non = -1 : oui=+ 1 :autre~ 0)
SR41d: «Avoir des enfants est une assurance pour les vieux jours>>
Q42d 80.2 19.8
(non=-1 :oui=+! :autre~O)
SR41e: «Décider d'avoir des enfants. c'est prendre un risque>> (non ~ -1 :oui=+ 1 :autre~
Q42e 18.5 12.7 68,8
0)
SR41f: «Décider d'avoir des enfants. c'est s'engager pour la vie>> (non~ -1 :oui~ 0) Q4U 25 5.0 95.0

SR43 : Désire protéger financièrement son coojoint en cas de disparition (non ~ -1: oui~ 0) Q43 21 6.8 93.2

SR45a: SRurveille constamment ses enfants (non ~ -1 :oui = + 1 :autre= 0) Q45a 19 10.9 33.0 56.1

SR45b : Inciterait ses enfants à prendre des risques (oui. tout à fait = -1 : non ~ + 1 : autre ~ 0) Q45b 2,6 28.9 68.5

Je..x

SR71a Joue au Pmu (très souvent ou assez souvent=-!. rarement=O. jamais~ 1) Q72a 4.5 80.4 15.1

SR71b Joue au loto (très souvent~-). assez souvent ou rarement=O. jamais~ 1) Q72b 18 8.9 61.2 29.9

SR71c: Joue aux machines à sous (très souvent ou assez souvent~!. rarement=O.jamais=l) Q72c 1.2 77.4 21.4

SR71d: Joue au Casino (très souvent ou assez souvent=-!. rarement=O.jamais~l) Q72d 0.3 90.2 9.5
Àll/rrs

SR77: Prend ses billets à l'avance (non~ -1 :bien à l'avance~ +1 :un peu à l'avance= 0) Q77 8.0 19.3 72.7
SR78: Arrive à l'avance pour le train ou l'avion
Q78 4.2 20.1 75.7
(non~ -1 :bien à l'avance= + 1: un peu à l'avance~ 0)

SR81 : Precaution contre une météo incenaine (non= -1: oui ~ 0) Q81 42,7 55.9 1.4

No.. bre de questions 32 27

Alpha de Cronbach 0,51

No .. bre d'observatioas 2 460

Source: enquête TNS-So{res-Delta 2002


340 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau F.l
B. Fréquence des réponses et construction du score de risquopbobie pour les ascendants
Rang dans Rang dans Risquophile Risquophnbe
leseore lescore (•/.) Neutre
Nature de l'indicateur Quest. (•J.)
("/o)
panel ascendant (-) (+)
Consomllflltionllolslrslvoyages

SR73: Gare son véhicule en état d'infraction (oui= -1: non= +1: autre= 0) Q73 25 25 14.1 64.8 21.1

Santilrisqru de vie lespiranu de vie

SR57: Visites pré\-enth-es chez le médecin/dentiste (oui= +1: non= 0) Q57-S8 17 20 24.6 75.4

SR68: Vaccinations non obligatoires (non= -1 :oui= +1: autre= 0) Q68 24.1 41.7 34.2

SR70: Met sa ceinture de sécurité. respecte la vitesse autorisée (non = -1: oui = + 1 : autre = 0) Q70 1.0 15.1 83.9

SR71: Désir de se priver pounivre plus longtemps (non= ·1: oui= +1: autre= 0) Q71 15 15 6.5 22.1 71.4

SR61: Souci du maintien de la forme (non= ·1 :oui= +1 :autre= 0) Q61 52.3 6.0 41.7

SR69t: Rappel vaccination pour les enfants (oui= 0: non= -1) Q69e 8.1 91.9

Travail 1 rl!llenu 1 ca"ière professionnelle


SR-I: Recherche dans un métier. la nouveauté. la responsabilité (oui= -1 :autre= 0) Q4 13 17 11.6 88.4
SR3a :A pris des risques dans son comportement professionnel (oui = .J : non = 0 ) QJa 27 38.7 61.3
SRJb: A par ses loisirs pris des risques pour sa carrière( oui= -1: non= 0) QJb 20 23 5.1 94.9
SRJc: Changements d'emploi ou professionnels risqués (oui= -1 :non= 0) QJc 12 18 27.7 72.3
SR/5: Conseille aux proches de prendre des risques professionnels
QIS Il 16 3.5 15.6 80.9
(oui=·l:non=+l :autre=O)
SRB : Changement de secteur d'activité en cas de risque économique élevé Q8 14 Il 4.5 95.5

Rdraite

SR30: Préoccupé par le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui = + 1: non = 0) QJO 10 10 48.8 51.2

SR32 : Epargne contre le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui = + 1; non = 0) Q32 59.8 40.2

SR33: Préfererait des cotisations retraite allégées et une retraite <<réduite>>


QJJ 22 21 1.0 18.6 80.4
(oui. sans épargne supplémentaire= ·1: non. trop risqué= +1: autre= 0)

Famille/fransfem intergénératlonnels

SR42a: «Le mariage est une assurance >}(non= -1: oui= +1: autre =0) Q42a 10.0 36.7 53.3

SR42b: ((Choisir un conjoint comporte des risques>> (non= ·1 :oui= +1 :autre= 0) Q42b 2.5 33.7 63.8
SR42c: ((On ne peut s"engager sans essai préalable dans un contrat comme le mariage>> 24.6
Q42< 16.1 59.3
(non = -1 : oui = + 1 : autre= 0)
SR42d: <<Avoir des enfants est une assurance pour les vieux jours>>
Q42d 24 70.4 29.6
(non=·l :oui=+l :autre=O)
SR42e: <<Décider d"avoir des enfants. c"est prendre un risque)) (non = .J :oui= +1 :autre= 0) Q4le 20.1 26.6 53.3

SR42f: <<Décider d"avoir des enfants. c·est s·engager pour la vie» (non= ·1: oui= 0) Q42f 26 2.0 98.0

SR43 : Désire protéger financièrement son conjoint en cas de disparition (non = ·1: oui = 0) Q43 9.6 90.4

SR45o : SRurvcille constamment ses enfants (non = -1 ; oui = + 1 : autre= 0) Q45a 21 22 9.6 16.1 74.3

SR45b : Inciterait ses enfants à prendre des risques (oui. tout à tàit = -1 : non = + 1 : autre = 0) Q4Sb 24 1.5 25.1 73.4

Jeux

SR72o: Joue au Pmu (très souvent ou assez souvent=-1. rarement=O.jamais=l) Q72a 16 12 2.0 81.9 16.1

SR72b: Joue au loto (très souvent=-1. assez souvent ou rarement=O.jamais=l) Q72b 7.0 49.8 43.2

SR72c: Joue aux machines à sous (très souvent ou assez souvcnt=-1. rarement=O.jamais=l) Q72< 05 85.4 14.1

SR 72d : Joue au Casino (très souvent ou assez souvent=-1. rarement=O. jamais= 1) Q72d 18 14 0.0 88.9 11.1

Autr~s

SR77: Prend ses billets à ra, ance (non=-1: hien à !"avance= +1: un peu à !"avance =0) Q77 19 13 7.5 18.1 74.4
SR78: Arrive à !"avance pour le train ou l'avion
Q78 23 19 5.0 18.6 76.4
(non= ·1: bien à ravance= +1: un peu à ravance=O)

SR8/ : Précaution contre une météo incertaine (non= -1: oui= 0) Q81 20.6 75.9 3.5

Nombre de questions 32 27 25

Alpha de Cronboch 0,51 0,53

Nombre d'obsenrations 199

Source: enquête TNS-So(res·De/ta 2002


Annexe F : Les scores dans l'enquête TNS-Sofres-Delta 2002 341

Tableau F.l
C. Fréquence des réponses et construction du score de risquopbobie pour les descendants
Rang dons Rang dans Risquopbi~ Risquophobo Noutro
Quest. 1 1
':.,':,";' d!eS:::nt T-;) ;:; (%)

ConsommationAoisirslvoJ•agt!S

SR73: Gare son véhicule en état d'infraction (oui= -1; non= +1; autre= 0) Q73 36.9 51.5 11.6

Santé/risque de vie l~pérance de vie

SR 57: Visites préventives chez Je médecin/dentiste (oui = + 1: non= 0) Q57-S8 27 49,0 51,0

SR68: Vaccinations non obligatoires (non= -1 ; oui = + 1 :autre= 0) Q68 24 24 5,0 62,7 32,3

SR70: Met sa ceinture de sécurité. respecte la vitesse autorisée (non= -1: oui=+ 1 : autre= 0) Q70 15 16 1.2 8,3 90,5

SR71: Désir de se priver pour vivre plus longtemps (non= -1: oui= +1: autre= 0) Q71 16.2 5,8 78,0

SR61: Souci du maintien de la fonne (non= -1 ; oui= +1 ; autre= 0) Q61 18.3 19.1 62,6

SR69e: Rappel vaccination pour les enfants (oui= 0: non= -1) Q69e 16 20 5,0 95.0

Travllil 1 revenu 1 carrière professionnelle


SR4: Recherche dans un métier. la nouveauté, la responsabilité (oui = -1 ; autre= 0) Q4 23 27,4 72,6

SRJa: A pris des risques dans son componement professionnel (oui= -1 :non= 0 ) QJa 10 32.4 67.6
SRJb: A par ses loisirs pris des risques pour sa carrière( oui= -1; non= 0) QJb 22 23 14.1 85,9
SRJc: Changements d'emploi ou professionnels risqués (oui= -1 :non= 0) QJe 19 26 24.9 75,1
SR/5: Conseille aux proches de prendre des risques professionnels 9,1
Ql5 12 Il 5.0 85.9
(oui= -1: non= + 1 :autre= 0)
SRB : Changement de secteur d'activité en cas de risque économique élevé QS 21 21 60.6 39,4

Retraite

SRJO Préoccupé par le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui = -.-1; non = 0) QJO 26 75,6 22.4

SR32 Epargne contre le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui = + 1: non= 0) Q32 20 94.6 5.4

SR31 Préfererait des cotisations retraite allégées et une retraite c<réduite>>


QJJ 25 25 0.8 29,9 69,3
(oui. sans épargne supplémentaire= -1; non. trop risqué=+ 1: autre= 0)

Fami/le/Transferts interg;nbationnds

SR42a :(<Le mariage est une assurance )) (non= -1 :oui=+ 1 :autre= 0) Q421 24,1 12.4 63,5

SR4Zb: «Choisir un conjoint comporte des risques)) (non= -1 :oui=+ 1 :autre-= 0) Q42b 17 7.5 21,1 71,4
SR4Zc: «On ne peut s·engager sans essai préalable dans un contrat comme le mariage,,
Q42c 4,6 51.5 43,9
(non= -1; oui= +1: autre= 0)
SR42d : c<Avoir des enfants est une assurance pour les vieux jours»
Q42d 83.8 16,2
fnon=-1 :oui=+l :autre=O)
SR42e: <<Décider d"avoir des enfants, c"est prendre un risque)) (non = -1 :oui= +1 :autre=
Q42e 13 27.4 7,9 64,7
Ol
SR42f: «Décider d"avoir des enfants. c'est s"engager pour la vie~) (non= -1 :oui= 0) Q42f 10 1.7 98,3

SR43: Désire protéger financièrement son conjoint en cas de disparition (non= -1; oui= 0) Q43 18 18 5.4 94.6

SR45a SRurveille constamment ses enfants (non= -1 :oui=+ 1 :autre= 0) Q45a 14 12 5.0 29,9 65.1

SR45b: Inciterait ses enfants à prendre des risques (oui. tout à fait= -1 : non= + 1 :autre= 0) Q4Sb 17 19 1.7 23.6 74.7

Jeux

SR72a: Joue au Pmu (très souvent ou assez souvent=-!, rarement=O.jamais= 1) Q72• Il 14 2,9 86,3 10.8

SR72b: Joue au loto (très souvent=-), assez souvent ou rarement=O.jarnais=l) Q72b 13 15 2.5 29,9 67,6

SR72c: Joue aux machines à sous (très souvent ou assez souvent=-!. rarement=O. jamais= 1) Q72c 0.8 31.1 68.1

SR72d: Joue au Casino (trés souvent ou assez souvent=-!. rarement=O.jarnais=l) Q72d 0.8 7.5 91,7

A11tres
SR77: Prend ses billets à l'avance (non= -1 ; bien à l'avance=+ 1 : un peu à J'avance= 0) Q77 12.9 23.2 63,9
SR78: Arrive à l'avance pour le train ou l'avion
Q78 7.1 20.3 72.6
(non= -1 : bien à l'avance=+ 1: un peu à l'avance= 0)

SR81 : Précaution contre une météo incertaine (non= -1: oui = 0) QSI 51.9 47,3 0.8

Nombro de questions 32 27 26

Alpha de Cronboch 0,58 0,61

Nombre d'obKrv•tions 241

Source: enquête TNS-Sofres-De/ta 2002


342 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau F.2
A. Fréquence des réponses et construction du score de préférence pour le présent : panelistes
Rang Vit au jour Prévoyant
Nature de l'indicateur jQuestim dans le lejour(%) (%) Neutre(%
score (+) (·)
Consomnwtionlloisirslvoyages

ST76: Veut réaliser une oportunité le plus vite (oui = + 1; non= 0) Q76 14 24,7 75,3
ST77: Prend ses billets à l'avance (au dernier moment= 1 ; bien à l'avance Q77 5 8,0 19,3 72,7
= -1; un peu à l'avance= 0)
ST78: Arrive à l'avance pour le train ou l'avion 4,2 20,1 75,7
Q78 7
(au dernier moment= 1; bien à l'avance= -1 ; un peu à l'avance= 0)
ST79: Différer d'un an ses vacances contre une augmentation de leur durée Q79 15 21,4 17,5 61,1
(non=+ 1; oui avec 0 ou 1 jour supplémentaire= -1; autre= 0)

Santé/risque de vie/espérance de vie

ST71: Désir de se priver pour vivre plus longtemps (oui = -1; non = + 1; Q71 9,5 9,6 80,9
6
autre= 0)
ST61: Fait du sport ou de la gym (oui régulièrement= -1; non jamais= +1; de Q61 54,4 25,9 19,7
8
temps en temps= 0 )
Travail, revenu, carrière professionneUe
ST4: Privilégie le temps libre dans le choix de la profession (oui= 1; non= Q4 12 31,5 68,5
0)
ST14: Préférerait un "service national" court aussi tôt que possible, plutôt Q14 39,7 60,3
qu'un service plus long mais étalé dans le temps (non= +1; oui= 0)

Retraite

ST30: Préoccupé par le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui = -1; 16 66,5 33,5
Q30
non =0)
ST32: Problème pour financer sa maison de retraite (oui avec épargne Q32 9 47,0 11,4 41,6
supplémentaire = -1; oui sans épargne supplémentaire = + 1; non = 0)
ST33: Préfèrerait un retrait précoce du marché du travail contre une pension Q33 13 1,4 86,3 12,3
réduite après 60 ans (non = -1; oui = + 1; autre = 0)

Famille/Transferts intergénérationnels

ST42d: "Avoir des enfants est une assurance pour les vieux jours" Q42d 80,2 19,8
(oui, totalement= -1; autre= 0)

ST42f· "Avoir des enfants, c'est s'engager pour la vie" (oui = 0; non = + 1) Q42f Il 6,5 93,5

ST43: Désire protéger financièrement son conjoint en cas de disparition Q43 4 6,8 93,2
(oui = 0 ; non = + 1 )
ST44: Les parents ont cherché à leur apprendre à épargner (oui=-1; 3 22,9 75,4 1,7
non=+ 1;autre::O) Q44
ST45c: Il faut inculquer à ses enfants jeunes ou adolescents le goût de Q4Sc 2 6,4 90,9 2,8
l'épargne (oui=-l;non=+l ;autre::O)

Autres

ST82: Sensible aux problèmes d'environnement (non= +1 ; autre= 0) Q82 1 20,8 79,2

ST84: Prêt à sacrifier son niveau de vie pour laisser une planète en bon état 10 15,4 42,3 42,3
Q84
(oui, gros efforts = -1; non = + 1; oui, quelques efforts = 0)

Nombre de questions 18 16

Alpba de Cronbacb 0,40

Nombre d'observations 2460

Source: enquête TNS-Sofres-Delta 2002


Annexe F : Les scores dans l'enquête TNS-Sofres-Delta 2002 343

Tableau F.2
B. Fréquence des réponses et construction du score de préférence pour le présent : ascendants
Rang Rang dans Vit au jour Prévoyant
Nature de l'indicateur Question dans le le score lejour(%) (%) Neutre(%
score ascendants (+) (-)
Consommation/loisirs/voyages

ST76: Veut réaliser une oportunité le plus vite (oui = + 1; non= 0) Q76 15 21,1 78,9

ST77: Prend ses billets à l'avance (au dernier moment= 1 ; bien à l'avance= Q77 7.5 18,1 74,4
-1 ; un peu à l'avance = 0)
ST78: Arrive à l'avance pour le train ou l'avion 5,0
Q78 12 12 18,6 76,4
(au dernier moment= 1 ; bien à l'avance= -1 ; un peu à l'avance= 0)
ST79: Différer d'un an ses vacances contre une augmentation de leur durée
Q79 32,2 12,1 55,6
(non= +1; oui avec 0 ou 1 jour supplémentaire= -1; autre= 0)

Santé/risque de vie/espérance de vie

ST71: Désir de se priver pour vivre plus longtemps (oui= -1; non= +1: autre
Q7l Il 10 6,5 22,1 71,4
=0)
ST61: Fait du sport ou de la gym (oui régulièrement= -1; non jamaiS=+ 1; de Q61 67,8 16,6 15,6
temps en temps= 0 )
Travail, revenu, carrière professionnelle

ST4: Privilégie le temps libre dans le choix de la profession (oui= 1; non= 0) Q4 13,6 86,4

STJ4: Préférerait un "service national" court aussi tôt que possible, plutôt
Q14 25,6 74,4
qu'un service plus long mais étalé dans le temps (non= +1; oui= 0)

Retraite
ST30: Préoccupé par le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui= -1; 48,7
Q30 4 51,3
non= 0)
ST32: Problème pour financer sa maison de retraite (oui avec épargne
Q32 14 14 32,2 20,1 47,8
supplémentaire= -1; oui sans épargne supplémentaire=+ 1; non= 0)

ST33: Préfèrerait un retrait précoce du marché du travail contre une pension


Q33 13 13 1,0 81,4 17,6
réduite après 60 ans (non = -1; oui = + 1; autre= 0)

Famille/Transferts intergénérationnels
ST42d: "Avoir des enfants est une assurance pour les vieux jours"
Q42d 70,4 29,6
(oui. totalement= -1; autre= 0)

ST42f: "Avoir des enfants. c'est s'engager pour la vie" (oui = 0; non=+ 1) Q42f 16 2,0 97,8

ST43: Désire protéger financièrement son conjoint en cas de disparition


Q43 9,6 90,5
(oui = 0 ; non = + 1 )
ST44: Les parents ont cherché à leur apprendre à épargner (oui=-!;
Q44 18,1 45,7 36,2
non=+ 1;autre=O)
ST45c: Il faut inculquer à ses enfants jeunes ou adolescents le goût de
Q45c 3.0 59,8 37,2
l'épargne (oui= -1; non=+ 1 ; autre=O)

Autres

ST82: Sensible aux problèmes d'environnement (non=+ 1 ; autre= 0) Q82 9 23,1 76.9

ST84: Prêt à sacrifier son niveau de vie pour laisser une planète en bon état
Q84 10 Il 10,1 34,7 55,3
(oui, gros efforts= -1; non=+ 1; oui, quelques efforts= 0)

Nombre de questions 18 16 14

Alpha de Cronbacb 0,44 0,47

Nombre d'observations 199

Source: enquête TNS-Sofres-Delta 2002


344 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau F.2
C. Fréquence des réponses et c011struction du score de préférence pour le présent : descendants
Rang Rang dans Vit au jour Prévoyant
Nature de l'indicateur Question dans le le score lejour(%) (%) Neutre(%
descendants (+) (-)
Consommation/loisirs/voyages

ST76: Veut réaliser une oportunité le plus vite (oui= +1; non= 0) Q76 38,6 61,4

ST77: Prend ses billets à l'avance (au dernier moment~ 1 ; bien à l'avance~
Q77 12,9 23,2 63.9
-1 ; un peu à l'avance~ 0)
ST78: Arrive à l'avance pour le train ou l'avion 7,1 20,3
Q78 72,6
(au dernier moment~ 1 ; bien à l'avance~ -1 : un peu à l'avance~ 0)
ST79: Différer d'un an ses vacances contre une augmentation de leur durée
Q79 21,6 10,0 68,..1
(non=+ 1: oui avec 0 ou 1 jour supplémentaire= -1; autre= 0)

Santé/risque de vie/espérance de vie

ST71: Désir de se prirer pourvivre plus longtemps (oui= -1; non= +1: autre
Q71 16.2 5.8 78.0
=0)

ST61: l'ait du sport ou de la gym (oui régulièrement= -1; non jamais=+ 1: de


Q61 ·B.6 34,..1 10.0
temps en temps= 0 )

Travail, revenu, carrière professionnelle


ST4: Privilégie le temps libre dans le choix de la profession (oui= 1; non=
Q4 13 13 28,2 71,8
0)
ST/4: Préférerait un "service national" court aussi tôt que possible, plutôt
Ql4 26.1 73.9
qu'un sel"\ ice plus long mais étalé dans le temps (non=+ 1; oui = 0)

Retraite

ST30: Préoccupé par le risque de finir sa vie en maison de retraite (oui= -1; 77,6
Q30 16 16 22,4
non= 0)

ST32: Problème pour financer sa maison de retraite (oui avec épargne 49,..1
Q32 15 15 2,9 47,7
supplémentaire= -1; oui sans épargne supplémentaire=+ 1; non = 0)

ST33: Préfèrerait un retrait précoce du marché du trarail contre une pension


Q33 14 14 0,8 82,6 16.6
réduite après 60 ans (non = -1: oui = + 1; autre = 0)

Famille/Transferts intergénérationne/s

ST42d: "Avoir des enfants est une assurance pour les vieux jours" 83,8
Q42d 16,2
(oui. totalement = -1: autre = 0)

ST42f: "A,oir des enfants, c'est s'engager pour la vie" (oui= 0; non= +1) Q42f 12 12 1,7 98.3

ST43: Désire protéger financièrement son conjoint en cas de disparition 5,4


Q43 Il Il 94.6
(oui= 0; non= +1 )

ST44: Les parents ont cherché à leur apprendre à épargner (oui=-1;


Q44 10 10 16.2 73,8 10.0
non=+ 1:autre=O)

ST45c: Il faut inculquer à ses enfants jeunes ou adolescents le goût de 81.7


Q45c 8.3 10.0
l'épargne (oui= -1: non= +1 : autre=O)

Autres

ST82: Sensible au' problèmes d'enrironnement (non= +1 :autre= 0) Q82 21.6 78.4

ST84: Prêt à sacrifier son niveau de vie pour laisser une planète en bon état 15.3 41,5 43.2
Q84
(oui. gros efforts= -1: non=+ 1: oui. quelques efforts= 0)

Nombre de questions 18 16 16

Alpha de Cronbach 0,39 0,39

Nombre d'observations 199

Source: enquête TNS-Sofres-Delta 2002


Annexe F : Les scores dans l'enquête TNS-Sofres-Delta 2002 345

Tableau F.3
A. Fréquence des réponses et construction des scores d'altruisme : panelistes

Rang Egoïste Altruiste


(%)
Neutre
Nature de l'indicateur Question dans le (%)
(%)
score

SA42f: "Avoir des enfants, c'est s'engager pour la vie" (oui= +1: non
Q42f 6 5,0 96,6 1,40
=-/;autre= 0)

SA43: "Désire protéger financièrement son conjoint en cas de


Q43 7 6,8 93,2
disparition (oui=O:non=-1)

SA49: Considère qu'il faut laisser à ses enfants autant que l'on a reçu
Q49 72,4 25,2 2,4
(oui= +1: non= -1: autre= 0)(2)

SA50: Pratiques d'héritage inspirée de celle de ses parents (oui = + 1:


QSO 4 52,9 47,1
non= -1)

SA51b: Pense que les parents peuvent dépenser l'argent qu'il possède
comme bon leur semble quine à ne pas laisser d'héritage (oui = + 1: QSlb 87,9 11,1 1,0
non= -1: autre= 0)

SA51e: Pense qu'il est bien que les parents se privent pour leurs
QSle 2 92,4 6,3 1,3
enfants (oui= +1; non= -1; autre= 0)

SA52a: Favorable à un allègement des droits de succession en ligne


Q52a 5,5 85,9 8,6
directe (oui= +1: non= -1: autre= 0)

SA53 : Est favorable à la liberté de tester (oui = + 1: non = -1: autre =


0) Q53 5 46.5 52,1 1,3

Nombre de questions 8 7

Alpha de Cronbacb 0,37

Nombre d'observations 2460


Source: enquête TNS-Sofres-Delta 2002
346 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau F.3
B. Fréquence des réponses et construction des scores d'altruisme: ascendants

Egoïste Altruiste
Nature de l'indicateur (%) (%) Neutre
(%)
(.) (+)
SA42f: '"Avoir des enfants, c'est s'engager pour la vie" (oui=+ 1; non=- 2,0 92,5 5,50
/;autre= 0)

SA43: "Désire protéger financièrement son conjoint en cas de disparition 9,6 90,4
Q43
(oui= 0; non= -1}

SA49: Considère qu'il faut laisser à ses enfants autant que l'on a reçu 59,3 5,0
Q49 35,7
(oui= +1; non=-/; autre= 0)(2)
SASO: Pratiques d'héritage inspirée de celle de ses parents (oui = + 1; non
=-/)
QSO 3 54.8 45,2
SASJ b: Pense que les parents peuvent dépenser l'argent qu'il possède
comme bon leur semble quitte à ne pas laisser d'héritage (oui = + 1; non QSib 3 77,4 18,6 4,0
-/;autre =0)
SASle: Pense qu'il est bien que les parents se privent pour leurs enfants 80,9 14,1 4,0
QSle 4 4
(oui = + 1; non = -1 ; autre = 0)

SA52a: Favorable à un allègement des droits de succession en ligne


directe (oui= +!;non= -/;autre= 0) 11,6

SA53 : Est favorable à la 1iberté de tester (oui = + 1; non = -1; autre = 0) 3,5

Source: enquête TNS-Sofres-Delta 2002

Tableau F.3
C. Fréquence des réponses et construction des scores d'altruisme: descendants
Rang
Rang dans
dans le Neutre
Nature de l'indicateur Question le score (%)
score (-) (+)
descendant
panel

SA42f: • Avoir des enfants, c'est s'engager pour la vie" (oui = + 1; non = - Q42f 6 1,7 83,8 1.2
6
l;autre=O)

SA43: "Désire protéger financièrement son conjoint en cas de disparition 5,4 1,2
(oui= 0; non= -1} Q43 93,4

SA49: Considère qu'il faut laisser à ses enfants autant que l'on a reçu Q49 71,4 27,8 0,8
(oui=+/; non=-/; autre= 0)(2}
SASO: Pratiques d'héritage inspirée de celle de ses parents (oui = + 1; non 4 33,2 64,3
QSO 4 2.5
=-/)
SAS lb: Pense que les parents peuvent dépenser l'argent qu'il possède
comme bon leur semble quitte à ne pas laisser d'héritage (oui = + 1: non QSlb 88,8 10,4 0,8
-1; autre= 0)

SAS le: Pense qu'il est bien que les parents se privent pour leurs enfants QSie 3 3 94,6 4,6
(oui= +1; non= -1; autre= 0)

SA52a: Favorable à un allègement des droits de succession en ligne 17,8


directe (oui= +1; non=-/; autre= 0)

SA53: Est favorable à la liberté de tester (oui=+/; non= -1; autre= 0) 1,2

Source: enquête TNS-Sofres-Delta 2002


Annexe F : Les scores dans l'enquête TNS-Sofres-Delta 2002 347

Tableau F.4
Fréquence des réponses et construction du score d'impatience
Impatient
Nature de l'indicateur Question Rang dans Posé(%)
(%)
le score
(+) (-)
Panelistes

S/74: Abandonne un livre dès les premières pages (oui=+/; non= -1; autre
Q74 28,8 71,2
=0)

S/75: Impulsif dans ses achats (oui= + 1; non = -1: autre = 0) Q75 26.5 73,5

S/76: Vouloir réaliser une opportunité le plus vite possible


Q76 24,8 75.2
(oui = + 1; non = -1; autre = 0)

Nombre de questions

Alpha de Cronbach 0,28

Nombre d'observations 2460

Rang dans Rang dans


Nature de l'indicateur( 1) le score score (%) (%)
panel ascendants (+) (-)
Ascendants
S/74 : Abandonne un livre dès les premières pages 1oui = + 1: non = -1: autre
Q74 23.1 76,9
=0)

S/75: Impulsif dans ses achats (oui=+ 1: non= -1: autre= Oi Q75 11,6 88,4

S/76: Vouloir réaliser une opportunité le plus vite possible


Q76 21,1 78,9
(oui = + 1; non = -1; autre = 0)

199

Rang dans Rang dans le Impatient Posé


Nature de l'indicateur( 1) !Question le score score (%) (%)
1
panel descendants (+) (-)

Descendants 1

S/74: Abandonne un livre dès les premières pages (oui= +1; non= -1; autre
Q74 2 2 32.0 68,0
=0)

S/75: Impulsif dans ses achats (oui= + 1; non = -1; autre = 0) Q75 1 1 32.4 67.6

S/76: Vouloir réaliser une opportunité le plus vite possible


Q76 3 3 38.6 61.4
(oui= +1; non=-/; autre= 0)

Nombre de questions 3 3 3

Alpha de Cronbach 1
0,35 0,35

Nombre d'observations 241

Source: enquête TNS-Sofres-Delta 2002


348 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Graphique F.l Graphique F.2


Scores de risque Score de préférence temporelle

15

Graphique F.3 Graphique F.4


Scores d'altruisme Scores d'impatience

40
35
30
25
20
15
10
5
0
-12 -11 -10 -9 -8 -7 -6 -5

Source: enquête TNS-Sofres-Delta 2002


Annexe G

Choix de loterie et accumulation du patrimoine


1
1. GESTION DU RISQUE ET ACCUMULATION DU PATRIMOINE

Les modèles théoriques d'épargne les plus récents s'intéressent surtout à l'étude des comportements
de précaution face à un avenir incertain. Ils ont démontré les effets des risques non diversifiables et
non assurables ("background risk") sur le montant de l'épargne de précaution: un ménage prudent dont
le revenu futur est risqué accroîtra, toutes choses égales par ailleurs, son niveau d'épargne pour se
protéger contre ce risque (Kimball, 1990). Nous étudions ici empiriquement la relation entre le
comportement d'accumulation de patrimoine et les risques du revenu en nous appuyant sur les
données de l'enquête "Patrimoine" Insee 1998.
Dans une première section, nous listons les principales prédictions de ces modèles théoriques. Nous
présentons ensuite les données utilisées et les estimations économétriques, notamment l'effet de la
variance subjective des revenus futurs (anticipée par le ménage) sur le niveau de patrimoine.

Prudence et épargne de précaution


La théorie du cycle de vie est le cadre d'analyse de référence pour étudier l'accumulation du
patrimoine des ménages. L'extension de ce modèle dans un environnement incertain permet de justifier
les comportements d'épargne de précaution générée par l'impact du "risque" du revenu futur. Plus
précisément, cette approche élargit le modèle de cycle de vie "standard" à un marché de capitaux
imparfait dans lequel le revenu du travail futur, exogène, est incertain. On suppose que ces risques ne
peuvent être ni assurés complètement ni évités. Par conséquent, 1'hypothèse d'équivalent à la
certitude n'est plus valide et les comportements d'épargne ne dépendent alors plus seulement du
revenu anticipé, mais aussi de sa variance.
Leland ( 1968), Sandmo ( 1970) et Drèze et Modigliani ( 1972) furent les premiers à souligner que
l'épargne de précaution était présente lorsque l'utilité marginale de la seconde période (u'[c]) était
convexe. La condition nécessaire et suffisante pour qu'il y ait un comportement de précaution
concerne donc la dérivée troisième de cette utilité (u'" >0). Cette condition implique que(- u") est une
fonction croissante concave comme la fonction u (si l'individu est averse au risque). Dans cette
perspective, Kimball (1990) propose qu'on applique les résultats d'Arrow-Pratt relatifs à l'aversion au
risque aux comportements face au risque : la concavité de la fonction d'utilité u implique une
aversion au risque A = - u"lu' tandis que la concavité de (- u") implique la prudence. Kimball définit
alors une mesure absolue de la prudence par le ratio p =- u'"lu". Une prudence positive justifie la
constitution d'une épargne supplémentaire et mesure l'importance du comportement de précaution: en
outre si l'individu a une prudence décroissante. l'épargne de précaution diminuera avec le montant du
patrimoine.

1
Ce texte est fortement inspiré d'un article paru dans Economie Letter (Arrondel. 2002).
350 Inégalités patrimoniales et choix individuels

La théorie de l'épargne de précaution implique que nous introduisions de nouveaux facteurs pour
expliquer 1'accumulation du patrimoine. Comme dans les modèles "standards" de cycle de vie,
l'importance du patrimoine dépend de l'âge et du revenu permanent, mais également de variables
supplémentaires telles que la variance du revenu et la prudence absolue (cf. Guiso et al., 1992).

Revenus incertains et accumulation du patrimoine


Cette étude utilise les données de l'enquête "Patrimoine 1998" de l'Insee à partir d'un échantillon
représentatif de 10 207 ménages Français. Dans cette enquête, nous disposons d'une mesure subjective
de l'exposition et de l'aversion au risque des ménages pour un sous-échantillon de 2 954 ménages (cf.
annexe A).
Pour mesurer la variance subjective du revenu futur du ménage, la méthode utilisée- qui consiste à
distribuer 100 points aux différents scénarios relatifs à l'évolution du revenu sur les 5 ans à venir-
s'inspire de celle utilisée par Guiso et al. (1992).
Pour mesurer leur aversion au risque, les individus ont été interrogés sur leur propension à prendre
des risques sur leur revenu permanent selon la méthode de Barsky et al. (1997). Ceci nous permet
d'obtenir une mesure de leur aversion relative pour le risque (en quatre groupes) en supposant a priori
que leurs préférences sont de type CRRA (aversion relative pour le risque constante).
Dans la partie économétrique, nous estimons le patrimoine de précaution en France à partir de
l'estimation de l'équation suivante (cf. King et Dicks-Mireaux, 1982)
ln(W/Yp) =/(Age, d, X, g) + e
où (W/Yp) est le ratio patrimoine/revenu permanent, d est la variance subjective du revenu futur, X un
vecteur de variables qui déterminent le profil âge-patrimoine et e le terme de l'erreur. La variable
dépendante est le logarithme du ratio patrimoine-revenu permanent, spécification qui permet de tenir
compte en partie des phénomènes d'hétéroscédasticité et de certaines hétérogénéités individuelles des
préférences. Le vecteur X inclut également le revenu permanent si on suppose que les préférences sont
non-homothétiques. La relation entre l'âge et le patrimoine net est introduite dans l'équation en
utilisant une fonction linéaire par morceaux jusqu 'à 1'âge de 60 ans, une fonction quadratique entre 60
et 75 ans et une fonction linéaire après 75 ans.
Afin de tenir compte des différences de taux d'épargne en fonction du niveau de ressources, le
revenu permanent est introduit à partir d'une fonction linéaire par morceaux dont les nœuds
correspondent à un écart type de part et d'autre de sa moyenne. En plus de l'âge et du revenu futur
incertain, nous introduisons des variables qui peuvent influencer le profil âge-patrimoine dû à des
préférences et des besoins familiaux hétérogènes (niveau de formation, statut social, statut marital,
nombre d'enfants, motifs de legs ou héritage) ou à des environnements économiques différents
(domiciliation en milieu rural ou en milieu urbain). Enfin, nous incluons aussi des variables
dichotomiques relatives aux périodes de chômage (courte ou longue durée) et de maladie (grave ou
non) pour traduire le fait que ces ménages ont une plus forte probabilité de perdre leur emploi ou de
rencontrer à nouveau des problèmes de santé dans le futur. S'ils ont puisé dans leurs réserves pour faire
face à leurs besoins de consommation, ils sont également susceptibles de détenir moins de patrimoine.
Les tableaux G.1 et G.2 présentent les estimations empiriques de ces régressions.
Nous estimerons deux équations de patrimoine : le patrimoine financier et le patrimoine net global
(qui exclut cependant la valeur des droits à la retraite). Du fait que le patrimoine soit une variable très
dispersée et que certaines observations aberrantes pourraient affecter les estimations, nous avons exclu
Annexe G : Choix de loterie et accumulation du patrimoine 351

de la régression les 2 % des extrêmes supérieure et inférieure de la distribution (dans le cas du


patrimoine net global seulement). En outre, nous avons testé la robustesse de nos estimations à partir
d'autres méthodes que les moindres carrées ordinaires ("quantile regression").
Nous avons envisagé deux séries de régressions : la première correspondant à 1'échantillon global
de l'enquête (tableau G.1) et l'autre ne concerne que les couples salariés (tableau G.2). Pour le premier
échantillon, nous avons instrumenté le revenu permanent en régressant le revenu courant des ménages
sur un ensemble de caractéristiques démographiques. Puisque le parcours professionnel et le revenu
des travailleurs salariés sont mieux connus que ceux des travailleurs indépendants, nous pouvons
mesurer plus précisément de leur revenu permanent d'après la méthode initiée par King et Dicks-
Mireaux ( 1982).
Le tableau G.l donne les résultats de 1'estimation pour 1'échantillon global de 1'enquête mais aussi
pour 1'échantillon des personnes n'étant pas contraintes par la liquidité. Les résultats sont très
similaires. Conformément aux prédictions du modèle de l'épargne de précaution, l'effet de la variance
du revenu est positif et statistiquement significatif, indiquant en conséquence, que les personnes
confrontées à un risque de revenu élevé épargnent davantage. Les effets sont les mêmes quelle que soit
la méthode utilisée - par les MCO ou par une régression quantile- ce qui tend à montrer que les
estimateurs MCO sont robustes.
Toutefois, la part de l'épargne de précaution dans l'accumulation du patrimoine reste modeste
(colonne 2) : pour le ménage moyen, le patrimoine de précaution représente entre 3,9 et 4,6% de la
richesse totale.
La colonne 4 (tableau G.l) présente les résultats des régressions pour le patrimoine financier en
adoptant la même spécification. Dans ce cas, la part du patrimoine de précaution représente entre 4,9
et 5,6 % des placements financiers.
Pour prendre en compte le fait que certains ménages, contraints par la liquidité, ne parviennent pas
à épargner, nous avons réestimé notre équation de patrimoine en la limitant aux ménages non-
contraints (colonnes 3 et 5 du tableau G.l). La part de l'épargne de précaution varie alors entre 4,8 et
5,6 %du patrimoine net total et entre 4,2 et 4,7 %du patrimoine financier.
De plus, nous avons estimé notre équation de patrimoine sur 1'échantillon des couples salariés pour
lesquels nous disposons d'un indicateur plus fiable de revenu permanent (cf Arrondel et Laferrère,
2001). La part du patrimoine de précaution (tableau G.2) est inférieure à celle mesurée sur la
population totale, estimée à environ 2,6 % pour le patrimoine net total et entre 3,9 et 4,6 % pour le
patrimoine financier.
Cependant, les estimations par MCO peuvent être biaisées (Lusardi, 1997). Concernant la variance
du revenu, certaines valeurs nulles peuvent être erronées, ce qui peut entraîner des erreurs de mesure
non négligeables. Dans ce cas, le coefficient de la variance des revenus est biaisé vers le bas et la part
du patrimoine de précaution est sous-estimée. Il se peut également qu'il subsiste un biais
d'endogénéité, si l'on considère que les ménages averses au risque ont pu choisir des emplois plus
stables, même si dans la régression, on contrôle par la variable CRRA.
Pour corriger ces effets, nous avons estimé les équations du patrimoine par la méthode des variables
instrumentales (Lusardi, 1997). En plus des variables exogènes, nous avons introduit comme variables
instrumentales, des variables régionales, l'expérience professionnelle, la catégorie sociale des parents
ainsi que la composition de leur portefeuille. Les variables régionales ont été introduites afin de tenir
compte des risques de chômage différents d'une région à l'autre. La composition du patrimoine des
352 Inégalités patrimoniales et choix individuels

parents, ainsi que leur appartenance sociale permettent de corriger certaines hétérogénéités des
préférences en matière d'épargne.
Le pouvoir explicatif des instruments reste assez faible, entre 1,7 et 2,6 %, mais les instruments sont
significatifs. En outre, les tests de sur-identification des restrictions ne nous permettent pas de rejeter
ni la spécification du modèle, ni les instruments choisis (cf. Robin, 2000). Dans tous les cas envisagés,
les tests d' exogénéité nous permettent de rejeter 1'endogénéité de la variable de la variance du revenu
pour toutes les régressions précédentes.

Conclusion
L'étude du motif de précaution dans les comportements d'épargne occupant une place
prépondérante dans la littérature théorique récente, de nombreux travaux ont tenté de quantifier son
importance (Browning et Lusardi, 1996). Néanmoins, les conclusions empiriques sont très décevantes
car les écarts de mesure sont très importants.
Skinner (1988), en utilisant la profession pour approximer le risque de revenu, ne trouve aucune
évidence en faveur de l'existence d'un motif de précaution. Guiso et al. (1992), à partir d'une mesure
du risque similaire à la nôtre, concluent que la part de l'épargne de précaution représenterait 2 % de
l'accumulation du patrimoine en Italie. Reprenant la même méthode, Lusardi (1998) s'appuyant sur
les données américaines du Health and Retirement Study, affirme que "l'importance de l'accumulation
de précaution varie entre 1 à 3,5 %".
À l'opposé, Dardanoni (1991) et Caballero (1991) suggèrent que plus de 60 % du patrimoine
s'expliquerait par des motifs de précaution. Carroll et Samwick (1998) estiment pour leur part que ces
motifs détermineraient environ 40% de l'accumulation de la richesse.
Pour notre part, les estimations empiriques issues des données françaises de l'enquête Patrimoine
1998 de l'INSEE montrent que le risque du revenu futur joue un rôle significatif dans l'explication de
l'accumulation du patrimoine mais que la part de cette épargne de précaution reste faible (5%
environ).
Annexe G : Choix de loterie et accumulation du patrimoine 353

Tableau G.l

Le patrimoi11e de précaution (population totale)

Patrimoine brut Parimoine liaancier


Ménages non Ménages non

Variables MCO contraints( 51 MCO contraints(~ 1


coef. (e.t.) coef. (e.t.) coef. (e.t.) coef. (e.t.)
Constante -2.492 (0.576) -2.848 (0.634) -3.018 (0.646) -3.024 (0.719)
Revenu Permanent""' (lOE-06)
Y Pl 1.782 (8.050) 5.611 (9.320) 5.121 (9.140) 7.144 (10.600)
YP2 -5.480 (7.960) -10.076 (9.250) -6.455 (9.000) -9.929 (10.510)
YP3 0.785 ( 1.350) 2.281 (1.310) -2.226 ( 1.620) -0.227 (1.470)
Variance du revenu (a/yp) (lOE-04) 0.247 (0.060) 0.276 (0.056) 0.303 (0.071) 0.234 (0.062)
Catégorie sociale (Indépendant=!) 0.843 (0.077) 0.798 (0.079) 0.577 (0.094) 0.650 (0.089)
Diplôme
CEP-CAP 0.350 (0.087) 0.142 (0.095) 0.346 (0.1 04) O.ü25 (0.1 08)
BEP-BEPC 0.398 (0.1 06) 0.299 (0.113) 0.561 (0.127) 0.305 (0.128)
Baccalaureat 0.585 (0.112) 0.408 (0.119) 0.666 (0.135) 0.450 (0.135)
Au-delà du Bac sauf grandes écoles 0.728 (0.124) 0.507 (0. 127) 0.775 (0.148) 0.446 (0.144)
Grandes écoles 0.842 (0.142) 0.615 (0.145) 0.900 (0.172) 0.561 (0.164)
Chômage présent 0.127 (0.170) 0.114 (0.194) -0.278 (0.200) 0.381 (0.225)
Chômage passé (longue periodes) -0.231 (0.093) -0.129 (0.099) -0.103 (0.112) -0.043 (0.113)
Petite période de chômage ou de maladie -0.268 (0.055) -0.206 (0.057) -0.228 (0.067) -0.145 (0.064)
Maladies passées (longue interruption) 0.109 (0.143) -0.053 (0.157) -0.328 (0.174) -0.293 (0.182)
Age'"
AGEl 0.131 (0.030) 0.164 (0.030) 0.074 (0.033) 0.112 (0.032)
AGE2 0.091 (0.014) 0.085 (0.014) 0.028 (0.017) 0.026 (0.016)
AGE3 O.ü20 (0.013) 0.021 (0.013) 0.012 (0.015) O.ü30 (0.014)
AGE4 0.047 (0.015) 0.050 (0.015) O.ü70 (0.018) 0.069 (0.0 18)
AGES -0.023 (0.037) -0.004 (0.038) -0.100 (0.045) -0.008 (0.044)
AGE6 -0.001 (0.003) -0.001 (0.003) 0.009 (0.003) 0.001 (0.003)
AGE? -0.126 (0.202) -0.165 (0.206) -0.442 (0.251) -0.081 (0.237)
Retraité -0.035 (0.116) -0.098 (0.124) 0.124 (0.143) -0.137 (0.143)
Situation maritale
Marié 0.499 (0.109) 0.403 (0.112) 0.413 (0.130) 0.162 (0.125)
Couple non marié (cohabitation>=5 years) 0.198 (0.161) O.ü35 (0.164) 0.115 (0.191) 0.083 (0.188)
Couple non marié (cohabitation<5 years) -0.160 (0.161) -0.216 (0.159) 0.050 (0.188) -0.177 (0.177)
Veuf 0.392 10.123) 0.368 (0.127 J 0.531 (0.149) 0.368 (0.144)
Di,orcé -0.227 10.125) -0.180 (0.131) -0.040 (0.147) -0.064 (0.150)
Nombre d'enfants au domicile -0.048 10.032) -0.029 (0.032) -0.158 (0.038) -0.096 (0.037)
Nombre d'enfants indépendants -0.038 (0.023 J -0.019 (0.025) -0.180 (0.027) -0.125 (0.028)
Héritages et donations reçus 0.506 (0.054) 0.465 (0.054) 0.492 (0.066) 0.328 (0.062)
Tran.çferts Inter \.'Îvos 0.113 (0.071) 0.091 (0.071) 0.257 (0.087) 0.207 (0.081)
Vit en zone urbaine -0.142 (0.054) -0.109 (0.055) -0.069 (0.065) 0.004 (0.062)
A.-er.;ion relative pour le risque(CRRA)'"
Pas de réponse -0.101 (0.080) -0.045 (0.082) -0.146 (0.096) O.ü30 (0.094)
2=<CRRA<3.76 0.046 (0.060) 0.031 (0.060) 0.096 (0.073) 0.094 (0.068)
l=<CRRA<2 -0.053 (0.090) -0.013 (0.090) 0.100 (0.110) 0.124 (0.102)
CRRA<I 0.058 (0.118) 0.048 (0.117) 0.033 (0.140) 0.148 (0.134)

R' 0.38 0.42 0.22 0.26


Nombre d'obsef'ations 2 154 1 719 2 328 1 805

,Votes: *Les caractéristiques Jes ménages sont celles du chef de famille. saz~f dan.'i les cas de la t·ariano: du n!\'enu et de l'aversion rdatil·e au risque qui
concerne la réponse domn;e par la pen mme sondt.;e. Le,· groupes de r~ti!ren~...·t: sont . << sans diplôme ''· << célihutaire )) el CRRA ::: 3, -r,

(I)Age:a (2) Renno permanent: YP


D,=I ifa<30 AGEI=Dl(a-15)+ 15:t',,D, YP=I48 000: o1YP)=83 000
D,= 1 if 30=<a<40 AGE2=D2ia-30) + 10 l:\, D, YPI=YP
D,~ 1 if 40=<a<50 AGE3=D3(a-40) + 10 l:'u D, YP2=YP-[YP-o(YP)]=YP-65 000(0 ifYP<65 000)
D,= 1 if 50=<a<60 AGE.J=D4(a-50) + 10 l:\_, D, YP3=YP-[YP.,.O(YP)]=YP-231 000 (0 ifYP<231 000)
o,~ 1 if 60=<a<75 AGE5~D5(a-60).,. 15 D.,
D,~I ifa>~75 .'\GE'6=D51a-60)2 + 2~5 D,
AGE7~D,.

f3J Lt: ren.'11U pennunent e.\1 ohtenu 1.!11 rJgn..:s.\Unt le rt:renu du rnàwg.: .\Ur un enst!mblt! di:! caructéristiqul!s socio-démoJ.!raphiques du ménage Li:!s
n.Jriuh/1!.\ explicari\·es .wnt l'tigl!. "-' Jiplilmt!. le sexe Ju chef dl! mJn~..Jge. le nomhn: d'c:,~kmts. /'appurlt:Jwnct! 5dJâ[J!I! dt!.)' part!nts. le putrimoint! des
pure ms. lt! stulut dt' rt!lruité. lu pn~(e.,sùm. lu .\ituution maritale. le c/ujmage (présent nu passt!J. le~ urréls maludir dt: /o. gue Jw·Je. ft! li<!u de résidenct'. L.:
R2e.\tO.r

f5J Le.' mt.;llL(i!.t!S l'rmtrainls ,·um cent dont le l't!l'l'Hll courant t'.\( égu/ tl lu ~...·unsummatiun UL'iudlt'
354 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau G.2
Le patrimoine de précaution (population des couples salariés)

Patrimoine brut Parimoine financier


MCO MCO
coef. (e.t.) coef. (e.t.)
Constante -3,062 (0,770) -4,323 (0,836)
Revenu Permanent< 2><J> (IOE-06)
YPI -4,617 (5,220) 4,526 (6,390)
YP2 5,492 (5,500) -1,545 (6,730)
YP3 -2,199 (1,550) -3,413 (1,940)
Variance du revenu (a/yp) (IOE-04) 0,100 (0,077) 0,203 (0,098)
Chômage présent 0,088 (0,184) -0,288 (0,228)
Chômage passé (longue periodes) -0,127 (0,111) -0,049 (0,139)
Petite période de chômage ou de maladie -0,215 (0,065) -0,143 (0,082)
Maladies passées (longue interruption) -0,055 (0, 178) -0,510 (0,228)
Age<ll
AGEl 0,225 (0,046) 0,186 (0,047)
AGE2 0,095 (0,0 16) 0,022 (0,020)
AGE3 0,024 (0,014) 0,021 (0,017)
AGE4 0,067 (0,015) 0,083 (0,019)
AGES -0,055 (0,042) -0,063 (0,053)
AGE6 0,004 (0,003) 0,008 (0,004)
AGE7 -0,294 (0,261) -0,642 (0,338)
Situation maritale
Couple non marié (cohabitation>=S years) -0,263 (0, 123) -0,199 (0,151)
Couple non marié (cohabitation<S years) -0,542 (0, 150) -0,302 (0,177)
Nombre d'enfants au domicile O,o20 (0,035) -0,105 (0,043)
Nombre d'enfants indépendants -0,016 (0,028) -0,138 (0,035)
Héritages et donations reçus 0,503 (0,062) 0,480 (0,080)
Transferts Inter vivos 0,031 (0,086) 0,104 (0,110)
Vit en zone urbaine -0,058 (0,061) 0,012 (0,077)
Aversion relative pour le risque(CRRA)< 4>
Pas de réponse -0,039 (0,101) 0,074 (0,128)
2=<CRRA<3.76 0,041 (0,069) 0,113 (0,087)
l=<CRRA<2 -0,036 (0, Ill) 0,163 (0,140)
CRRA<l -0,072 (0,132) 0,262 (0,165)

R" 0,43 0,25


Nombre d'observations 1 !55 1 230
Notes : * Les caractéristiques des ménages sont celles du chef de famille. sauf dans les cas de la variance du revenu et de
l'aversion relative au risque qui concerne la réponse donnée par la personne sondée. Les groupes de référence sont:
«sans diplôme », « célibataire» et CRRA ~ 3, 76.
(l)Age:a (2) Revenu permanent: YP
D1=l ifa<30 AGEl=DHa-15) + 15 ~6 '=' D, YP=160 000; o(YP)=74 000
D2=1 if30=<a<40 AGE2=D2(a-30) + 10 ~k=1 Dk YP1=YP
D 3=1 if 40=<a<50 AGE3=D3(a-40) + 10 ~\=, D, YP2=YP-[YP-s(YP)]=YP-86 000
D4=1 if SO=<a<60 AGE4=D4(a-50) + 10 ~\=s Dk (0 ifYP<86 000)
D 5=1 if60=<a<75 AGES=DS(a-60) + 15 D6 YP3=YP-[YP+s(YP)]=YP-234 000
D6=l ifa>=75 AGE6=DS(a-60)2 + 225 D6 (0 ifYP<234 000)
AGE7=D6
(3) La méthode de mesure du revenu permanent est décrite dans Arrondel et Laferrère (2001).
(4) Cf Barskyeta/. (1997).

Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.


Annexe G : Choix de loterie et accumulation du patrimoine 355

2. LOTERIE VS. SCORE :EFFETS COMPARÉS SUR LE PATRIMOINE


Le tableau G.3 considère les effets sur l'accumulation patrimoniale d'une mesure expérimentale de
l'aversion relative pour le risque (en 4 classes) proposée par Barsky et al. (1997).
Plus précisément, elle confronte les sujets à des loteries qui portent sur des choix professionnels (cf.
chapitre 5 ou annexe A). Le "jeu" consiste à déterminer séquentiellement si l'enquêté est prêt à
renoncer à son revenu actuel (supposé être le revenu sur le reste de sa vie) pour accepter d'autres
contrats plus risqués: soit une chance sur deux de doubler son revenu, mais une chance sur deux de le
voir diminuer d'un tiers (contrat A), de moitié (contrat 8), et d'un cinquième (contrat C). À partir de
cette loterie, on peut donc classer les individus en 4 catégories, des plus "risquophobes" (ceux qui
refusent les deux contrats) aux plus aventureux (ceux qui les acceptent tous deux).
L'échantillon "recto-verso" des enquêtés qui ont répondu au choix de loterie comprend finalement
2 944 observations exploitables. Les résultats s'avèrent assez décevants : seul le fait de ne pas avoir
répondu à la loterie a un effet négatif sur les patrimoines ...
Sur le sous-échantillon des 423 ménages (tableau B) ayant répondu aux deux expériences ("recto-
verso" et questionnaire méthodologique), la loterie perd toute pertinence statistique pour expliquer les
montants de patrimoine alors que le score d'attitude à l'égard du risque a toujours un effet positif et
significatif sur l'accumulation du patrimoine brut (à 5 %) et net (à JO%).
La loterie obtient cependant de meilleurs résultats pour expliquer les demandes d'actifs risqués
(Arrondel et Masson, 2003, p. 96) lorsqu'on l'estime sur l'échantillon des répondants au "recto-verso".
Par contre, sur l'échantillon commun aux deux expériences, cette mesure de l'aversion relative pour le
risque perd toute significativité, la faiblesse des effectifs (423) étant ici en cause. De fait, le score ne
fait pas mieux.
356 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau G.3
Régressions de patrimoine (loterie vs score)
A. Échantillon recto verso

Patrimoine financier (Log) Patrimoine brut (Log) Patrimoine net (Log)

Paramètre Statistique de Paramètre Statistique de Paramètre Statistique de


Variables estimé Student estimé Student
Student estimé
Aversion relative constante pour le
risque (Référence: CRRA > 3,76)

Non réponse - 0,218*** -2,74 - 0,169*** -2,3 - 0,147** -2,08

2 = < CRRA< 3,76 0,139* 1,92 0,048 0,72 0,037 0,57

1 =<CRRA<2 0,158 1,46 -0,062 -0,62 -0,001 -0,01

CRRA< 1 0,159 1,15 -0,136 - l,o7 -0,120 -0,97

Nombre d'observations 2944 2944 2944


Notes : *** : Coeffinents significatifs au seuli de 1 % ;** : Coeffictents significatifs au seuli de 5 % ; * : Coefficients significatifs au seutl de
10%.
Lecture: présenter une aversion relative pour le risque <1 injfuence positivement le montant de patrimoine financier (coefficient de 0,159).
Cet effett n'est cependant pas statistiquement significatif.
Source: enquête Patrimoine 1998,/nsee-Delta.

B. Echantillon commun (recto-verso et enquête méthodologique)

Patrimoine financier (Log) Patrimoine brut (Log) Patrimoine net (Log)

Paramètre Statistique de Paramètre Statistique de Paramètre Statistique de


Variables estimé Student estimé Student estimé Student

Aversion relative constante pour le


risque (Référence : CRRA>3.76)

Non réponse 0,151 0,62 0,122 0,50 0,064 0,27

2=<CRRA<3,76 0,104 0,59 0,136 0,78 0,092 0,53

I=<CRRA<2 -0,067 -0,26 O,QI5 0,06 -0,112 -0,45

CRRA<I 0,468 1,47 0,094 0,30 0,081 0,26

Score d'aversion au risque 0,013 1,09 0,023** 2,01 0,015* 1,68

Nombre d'observations 423 423 423

Notes : *** : Coefficients significatifs au seuil de 1 % :** : Coefficients significatifs au seuil de 5 % ; * : Coefficients significatifs au seuil de
/0%.

Lecture: présenter une aversion relative pour le risque <1 influence positivement le montant de patrimoine financier (coefficient de 0,468).
Cet effet n'est cependant pas statistiquement significatif.
Source: enquête Patrimoine 1998,/nsee-Delta.
Annexe H
,
Econométrie: l'équation de patrimoine
358 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau Hl
Équations de patrimoine brut (en logarithme)

Variables

Revenu lié à l'activité du ménage (Référence: 1er décile)

2e Décile 0.187 2.45 0,398 1.61 0.364 1.49


3e Décile 0,494 6.40 0.379 1.45 0,373 1.44
4e Décile 0,954 12,19 1,051 4,27 0,998 4.10
Se Décile 1.102 13.92 1,259 4.99 1.171 4,69
6e Décile 1.322 16.32 1,205 4.73 1.1 JO 4.39
7e Décile 1.527 18.50 1,551 6,14 1.453 5,79
8e Décile 1.724 20.55 1,758 6.59 1.715 6.47
9e Décile 1.815 20.95 1.879 7.02 1.760 6,62
JOe Décile 2.129 23.69 2,450 8.54 2.346 8,18
Âge (Référence : moins de 25 ans)
De 25 à 30 ans 0.302 2.68 0.011 0.03 0.004 0,01
De 30 à 35 ans 0.984 8.67 0,557 1.59 0.611 1.76
De 35 à 40 ans 1.367 11.94 1.344 3,80 1,326 3,79
De 40 à 45 ans 1.505 13.09 1,245 3.48 1.205 3.41
De 45 à 50 ans 1.760 15,41 1.164 3,21 1,083 3,02
De 50 à 55 ans 2.054 17,70 1,706 4,67 1,549 4.25
De 55 à 60 ans 2,122 17.79 1.747 4.62 1.576 4.18
De 60 à 65 ans 2.160 18.01 1,606 4,08 1,469 3,73
De 65 à 70 ans 2.219 18.35 2.201 5,79 2.025 5,32
De70à 75 ans 2.240 18.26 2,142 5.44 1,965 4.96
Plus de 75 ans 2.098 17.67 2,297 5,62 1.989 4.82
social de la personne de référence (Référence :
commerçant. industriel)
Agriculteur 0.076 0.99 0.068 0.23 0,070 0,24
Profession libérale -0.186 - 1.37 -0.174 -0.43 -0.237 -0.59
Cadre -0.859 - 11,58 - 1,030 -4.58 - 1.069 -4.81
Profession intermédiaire - 1.036 - 16.55 -0.962 -4.74 -0.996 -4,95
Employé - 1.221 - 19.85 - 1,268 -6,27 - 1.329 -6,60
Ouvrier qualifié - 1.192 - 19,90 - 1,479 -7.16 - 1.514 -7,37
Ouvrier non qualifié -1.373 - 19.94 - 1,577 -6.44 - 1.639 -6.73
Inactif - 1,315 -8,96 - 1,065 -2.31 - 1.237 -2,71
Diplôme (Référence aucun diplôme)
CEP-CAP 0.380 8.30 0.426 2,50 0.388 2.30
BEP-BEPC 0.655 11.26 0.617 3.22 0.555 2.90
Bac 0.667 10.51 0,604 2,91 0.522 2.50
Au-delà du Bac sauf grandes écoles 0.682 9,64 0,594 2,71 0.502 2.28
Grandes écoles 0.818 9.24 0.735 2.85 0.664 2.57
Type de ménage (Référence: personne seule)
Couple sans enfant (au domicile) 0,438 8.99 0.146 0,94
Couple avec 1 enfant (au domicile) 0.265 4.45 0,027 0.16
Couple avec deux enfants (au domicile) 0.472 7.61 0,247 1.38
Couple avec trois enfants ou plus (au domicile) 0.338 4.73 0.167 0.83
Famille monoparentale -0,289 -4,15 -0.918 -4.9

Source: enquête Patrimoine 1998, Insee-Delta.


Annexe H: Tableaux d'économétrie : L'équation de patrimoine 359

Tableau H2
Régressions de patrimoine : paramètres en tranches ( 1)

1 Patrimoine financier (Log) Patrimoine brut <Log) Patrimoine net (Log)


Scores
Paramètre Statistique de Paramètre Statistique de Paramètre Statistique de
estimé Student estimé Student estimé Student
Aversion au risque (Reférence fruble- quart1le mfeneur 1

de la d1stnbut10n)

Moyenne (2' et 3' quart1les de la d1stnbut1on) O. lM 1.43 0.178 1.43 0,153 1.23

Forte (quartile supéneur de la d1stnbut1on ) 1


0.226* 1.66 0.412** 2.56 0,238* 1.70

Préférence temporelle (Référence: forte- quartile


supérieur de la distribution)
1

Moyenne (2' et 3' quartiles de la distribution) 0.249*** 3,93 1

0.486*** 3,98 0.379*** 3.09


1

Faible (quartile inférieur de la distribution) 0.609** 2.21 0.614*** 3.65 0.525*** 3.14
1

Impatience (Référence : faible- quartile inférieur de la


distribution) 1

Moyenne (2' et 3' quartiles de la distribution) 0.059 0,60 0,066 0.62 0,167 1.60
1
1
Forte (quartile supérieur de la distribution ) 0,015 0,11 1
0,082 0.55 0.151 1.01

Altruisme familial (Référence: faible- quartile inférieur


de la distribution)

Moyenne (2' et 3' quartiles de la distribution) 0,157 1.46 0.142 1.22 0,280** 2,41

Fon (quartile supérieur de la distribution ) 0,308** 2.24 0.277* 1.87 0.381*** 2,60

Altruisme non familial (Référence: faible- quartile


inférieur de la distribution)

Moyenne (2· et 3· quartiles de la distribution) -0.045 -0.48 -0.025 -0.24 0,002 0,02

Fon (quartile supérieur de la distribution ) -0.055 -0.37 0,050 0,32 -0,042 -0.27

Échelles (2)

Aversion au risque (Référence: faible- quartile inférieur


de la distribution)

Moyenne (2' et 3' quartiles de la distribution) 0,060 0,59 -0,097 -0.88 -0,037 -0,34

Forte (quartile supérieur de la distribution ) -0,061 -0,45 -0,012 -0,08 0.008 0,06

Préférence temporelle (Référence: forte- quartile


supérieur de la distribution)

Moyenne (2' et 3' quartiles de la distribution) 0,277*** 2,62 0.274* 2,39 0.238** 2,08

Faible (25% inférieur) 0,350*** 2.90 0541*** 4.14 0,436*** 3,38

Impatience (Référence : faible - quartile inférieur de la


distribution)

Moyenne (2' et 3' quartiles de la distribution) -0,051 -0,48 -0.094 -0,81 -0,057 -0.50

Forte (quartile supérieur de la distribution ) 0,034 0,27 0,059 0.43 0,091 0,68

Note : 1. Ne d1sposant pas d'échelle pour l'altruisme. familial ou non. on a néanmoins introduit/es scores en tranches comme régressseurs. ceci à fin de
comparaison avec les scores. Les autres facteurs explicatif• introduits dans les régressions sont indiqués au tableau H 1.

Lecture: •••: coefficients siWJificatifs au seuil de 1%: ••: coefficients siWJificatifs au seuil de 5%: •: coefficients siWJificatif.• au seuil de ]Il%.
Appartenir au quartile des ménages les plus prévoyants (score) influence positivement le patrimoine net (coefficient de 0.61 -1). Cet effet est
siWJificatif à 1 %.
Appartenir au quartile des ménages les plus prévoyants (échelle) influence positivement le patrimoine net (coefficient de 0.-136). Cet effet est
.>ignificat!f à 1 %.

Source: enquête Patrimoine 1998. Insee-Delta


360 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Tableau H3
Équations de patrimoine (scores croisés en tranches)
Patrimoine financier (Log) Patrimoine brut (Log) Patrimoine net (Log)
Variables ( 1) (2)
Paramètre Statistique de Paramètre Statistique de Paramètre Statistique de
estimé Studcnt estimé Student estimé Student

Aversion pour le risque et préférence temporelle


(Référence: aventureu.x et m}ope)

Aœntureu.\ et prévoyance fone ou moyenne 0,114 0,65 0,353* 1,85 0,269 1.42
Prudence moyenne et prévoyance forte 0,529*** 2,89 0,559*** 2,81 0,495*** 2,51
Prudence forte et prévoyance forte 0.596*** 2,93 0.646*** 2,92 0,441** 2.04
Prudence moyenne et prévoyance moyenne 0,267* 1,75 0,453*** 2,72 0,415*** 2,50
Prudence moyenne et myopie 0,012 0,07 0,128 0,65 -0.034 -0,17
Prudence forte et prémyance faible ou moyenne 0.189 1.03 0.581*** 2,92 0.370* 1,87

Impatience (Référence: faible -quartile inférieur de la


distribution-)

Moyenne (50% médian) 0,049 0,50 0.038 0,36 0,153 1,47


1:-orte (25% supérieur) -0.009 -0,07 0,052 0,35 0,132 0,89

Altruisme familial (Référence faible -<juartile inférieur de


la distribution-)

Moyen (50% médian) 0,170 1.59 0,162 1,39 0,290*** 2.50


Fort (25% supérieur) 0.296** 2,14 0,305** 2,02 0,388*** 2,62

Altruisme non familial (Référence : faible -<JUartile inférieur


de la distribution-)

Moyen (50'l< médian) -0,048 -0.50 -0.013 -0.13 0.001 0.01


Fort (25% supérieur) -0.050 -0.34 0,063 0,40 -0,043 -0,27

Note : 1. Les autres facteurs explicatifs introduits dans les réRressions .w>nt indiqués dans l'annexe /.
2. Les catégories ''faible" et ''forte" correspondent approximativement aux premier et dernier quartiles approchés de la distribution des scores d'attitude
vis-à-vis du risque et du temps, la catégorie "moyenne" aux quartiles intermédiaires.
Coefficients significatifs au seuil de 1%; **: Coefficients significarifs au seuil de 5% ; *:Coefficients significatifs au seuil de J(J"/o.

Lecrure :appartenir à la caJégorie "Prudence forte er préi'O.Vance forte" influence positil'ement le montan/ de patrimoine brui dérenu (coefficient de 0,646). Cet
effel esl significaJif à /%.

Source: enquêre Patrimoine 1998. Insee-De/ra.


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TABLEAUX ET GRAPHIQUES

Chapitre 5
Tableau 5.1 : Fréquence des réponses et construction du score de risquophobie
Tableau 5.2 : Propriétés statistiques du score de risque
Tableau 5.3: Corrélations entre les scores domaine par domaine
Graphique 5.1 : Histogramme du score de risque
Graphique 5.2: ACP de l'attitude à l'égard du risque

Chapitre 6
Tableau 6.1 : A. Distribution de la population selon le score et l'échelle globale de risque(%)
B. Corrélations entre le score et les échelles de risque par domaine
Tableau 6.2: Aversion relative pour le risque en France, aux Pays-Bas et aux U.S.A. (en%
de la population)
Tableau 6.3 : Préférences et pratiques risquées (probabilités estimées)
Graphique 6.1 : Histogramme de l'échelle globale de risque
Graphique 6.2 : Histogramme des échelles locales de risque

Chapitre 8
Tableau 8.1 : Fréquence des réponses et construction du score de préférence pour le présent
Tableau 8.2 : Description des scores temporels
Tableau 8.3: Score et échelle de préférence temporelle(%)
Tableau 8.4 : Fréquence des réponses et construction du score d'impatience
Tableau 8.5: Score et échelle de d'impatience(%)
Tableau 8.6: Fréquence des réponses et construction des scores d'altruisme
Graphique 8.1 : A : Histogramme du score de préférence pour le présent
B :Histogramme de l'échelle de prévoyance
Graphique 8.2 : A : Histogramme du score d'impatience
B: Histogramme de l'échelle de patience
Graphique 8.3 : A : Histogramme du score d'altruisme familial
B : Histogramme du score d'altruisme non familial
Graphique 8.4 : ACP de la préférence temporelle
Graphique 8.5: ACP de l'impatience
Graphique 8.6: ACP de l'altruisme familial
372 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Chapitre 10
Tableau 10.1 : Corrélations entre les préférences des parents et des enfants
Tableau 10.1 : Elasticité des scores des enfants par rapport aux scores des parents
Graphique 10.1 : ACP de 1'attitude à 1'égard du risque : t1TNS
Graphique 10.2: A. ACP de l'attitude à l'égard du risque Insee: variables communes
B. ACP de l'attitude à l'égard du risque t1TNS: variables communes

Chapitre 11
Tableau 11.1 : A. Hiérarchie des R2 partiels dans les équations de patrimoine
B. Décomposition des inégalités patrimoniales (en%) : indicateur de Theil
C. Décomposition des inégalités patrimoniales (en % pour la population
salariée) : indicateur de Theil
Tableau 11.2: "Adequacy of saving" et préférences individuelles
Tableau 11.3 : Corrélations entre les attitudes à l'égard du risque et de l'avenir
Tableau 11.4 : Distribution de la population selon leurs attitudes à 1'égard du risque et de
l'avenir
Graphique 11.1 : Attitudes vis-à-vis du risque et du temps et accumulation du patrimoine
Graphique 11.2 : Attitudes vis-à-vis du risque et du temps et accumulation du patrimoine
(scores croisés)

Chapitre 12
Tableau 12.1 : Prédictions des comportements patrimoniaux selon le type d'épargnant
Tableau 12.2 : Probabilité d'appartenir aux différents types d'épargnant
Tableau 12.3: Attitudes vis-à-vis du risque et du temps et accumulation patrimoniale
Tableau 12.4: Probabilité de détention des différents actifs selon le type d'épargnant(%)
Graphique 12.1 : Distribution des différents types d'épargnant

Annexe A
Tableau Al : Structures (pondérées) des échantillons de l'enquête Comportements face au
risque et au temps (%)

Annexe C
Tableau C.l : A version relative pour le risque : qui est le moins risquophobe ?
Tableau C.2 : Score et échelle : qui est le moins risquophobe ?
Tableau C.3 : Echelles de risque selon le domaine : qui est le moins risquophobe?
Tableaux et graphiques 373

Annexe D
Tableau D.l : Scores temporels : qui voit le plus loin, qui est le plus posé, le plus altruiste ?
Tableau 0.2 : Echelles temporelles : qui voit le plus loin, qui est le plus posé ?
Tableau 0.3: Qui est le plus concerné par le "dread", le "savoring", le préengagement?

AnnexeE
Tableau E.l : Structures des échantillons (%) : TNS-Sofres-Delta 2002

Annexe F

Tableau F.l :
A. Fréquence des réponses et construction du score de risquophobie : panelistes
B. Fréquence des réponses et construction du score de risquophobie : ascendants
C. Fréquence des réponses et construction du score de risquophobie : descendants
Tableau F.2 :
A. Fréquence des réponses et construction du score de préférence pour le présent
pane listes
B. Fréquence des réponses et construction du score de préférence pour le présent
ascendants
c. Fréquence des réponses et construction du score de préférence pour le présent
descendants
Tableau F.3 :
A. Fréquence des réponses et construction des scores d'altruisme : panelistes
B. Fréquence des réponses et construction des scores d'altruisme : ascendants
C. Fréquence des réponses et construction des scores d'altruisme :descendants
Tableau F.4 : Fréquence des réponses et construction du score d'impatience
Graphique F.l : Histogrammes des scores d'attitudes vis-à-vis du risque
Graphique F.2: Histogrammes des scores de préférence temporelle
Graphique F.3: Histogrammes des scores d'altruisme
Graphique F.4: Histogrammes des scores d'impatience

Annexe G
Tableau G.l :Le patrimoine de précaution (population totale)
Tableau G.2: Le patrimoine de précaution (population des couples salariés)
Tableau G.3 : Régressions de patrimoine (loterie vs score)

Annexe H
Tableau H.l :Équations de patrimoine brut (en logarithme)
Tableau H.2: Équations de patrimoine :paramètres en tranches
Tableau H.3 : Équations de patrimoine (scores croisés en tranches)
INDEX

A
Bourguignon, 180, 271, 285, 363
Abel, 54, 361 Browning, 65, 218, 352, 362, 363
Ainslie, 179,361 Brumberg, 36, 59, 367
Akerlof, 49, 139, 310, 311, 361
Allais, 44, 75, 92,243,361, 363 c
Ameriks, 54, 77, 143, 211, 213, 216, 285,
Caballero, 352, 363
361
Caplin, 68,211,361, 363
Anderhub, 233, 361
Caroll,57,212,237,252,256,363
Andreoni, 183, 361
Carroll, 352, 363
Angrist, 223, 361
Castel, 87, 251, 363
Ansic, 126, 368
Chattopadhyay, 182, 363
Arrondel, 24, 25, 42, 52, 57, 80, 90, 91,
Chauvel, 24, 363
102, 141, 152, 181, 202, 204, 212, 217,
Chew, 92, 363
277,305,349,351,355,361,362,367
Chiappori, 180, 271, 285, 363
Arrow, 88, 222, 349,362
Cohen,44,45,47,363
Attanasio, 65, 218, 362
D
8
Dardanoni, 352, 363
Baker, 363
Deaton,39,60,61,66, 138,212,237,252
Barsky, 56, 75, 76, 77, 91, 99, 103, 115, 313,363 '
119, 120, 121, 126, 128, 129, 199, 205,
Dicks-Mireaux, 350, 351, 365
213,222,277,278,350,355,362
Dohmen, 203,363
Beck,87,362
Drèze,90,91,97,349,363
Becker, 14, 15,29,51,53,60,66, 135,
Duesenberry,54,59,67,242,363
136,137,138,180,222,249,253,271,
Duflo, 182,363,364
310,311,313,315,362,364,368
Benartzi, 211,214,369 E
Birnbacher, 145, 362
Bisin, 203, 362 Eeckhoudt, 90, 364
Blume, 74,364 Ellsberg, 47, 75, 92, 364
Bodie, 97, 362 Elmendorf, 91, 364
Bohm-Bawerk, 36, 138,310 Elster, 139, 310, 364
Bound, 363 Epstein, 43, 364
Bourdieu, 313 Ewald, 87, 251, 273, 364
376 Inégalités patrimoniales et choix individuels

F
Kreps,43,45,46,63,93,366
Falk, 363
Fisher, 36, 61, 66, 138, 177, 178,310,313, Krueger, 223, 361
364 L
Frederick, 39, 47, 136, 140, 143, 149, 244,
364 Laferrère, 351, 361
Friedman, 60, 61, 89, 364 Laibson,49, 72,139,219,244,245,366
Friend, 74, 364 Lawrance, 134, 137, 177
Lawrence, 48, 366
G Le Breton, 71, 366
Leahy,68,2l1,361,363
Ghez, 51 , 364
Leland, 349, 366
Gollier, 41, 55, 90, 364
Loewenstein, 47, 93, 140, 364, 366
Gotman, 314,315,364
Lollivier, 23, 24, 218, 229, 366
Gottfredson, 126, 364
Lowenstein, 140
Grange,202,204,361
Lundberg, 180,181,366
Guiso, 90, 119, 126, 128, 199,278,350,
Lusardi, 54, 55, 77, 211,214, 253, 351,
352,361,364,365
352,363,365,366,367
H
M
Haliassos, 90, 361, 365
Machina, 63,367
Hammond, 63, 365
Marshall, 133, 138, 310, 367
Harrod, 136, 31 0
Masson,24,25,47,48,52,53,56,57, 73,
Hausman, 365
76, 91, 134, 136, 144, 181, 202, 212,
Hirschi, 126, 364
213,217,218,229,246,251,307,355,
Hubbard, 212, 365
361,362,365,367,368
Huffman, 363
Merton, 14,15,40,362,367
Hurst, 203, 204, 205, 253, 363, 365
Miller, 14, 15
J Millet, 126, 367
Mises, 144, 311, 367
Jaeger, 363 Modigliani, 36, 59, 61, 90, 91, 97,213,
Jappelli, 90, 361, 364 252,349,363,367
Jellal, 203, 365 Moore, 48, 369
Jevons, 138 Morgenstern, 40, 88, 369
Jianakoplos, 126, 365 Muellbauer, 39, 61,363
Jullien, 89, 92, 365 Mulligan, 29, 136, 138, 222, 249, 310,
311, 315, 362
K Murphy,66, 137,253,311,313,362
Kachelmeier, 89,365
Kahneman, 14,26,46,92, 150,244,365, N
369 Nagel, 310
Kapteyn, 120, 121, 126, 128, 222, 365 Nunnally, 102, 159, 367
Kessler, 87,213,251, 273,364, 365, 368 Nyhus, 160, 367
Kimball, 41, 89, 90, 91, 349, 362, 364, 365
King,285,350,351,365 0
Knetsch, 149, 150, 151,365, 366
O'Donoghue,47,364
Knight, 23, 92, 133, 366
Index 377

p Stark, 126, 367


Starmer, 44, 45, 46, 368
Paiella, 119, 126, 128, 199, 365
Stigler, 136, 368
Parfit, 53, 67, 144,308, 313,368
Strotz, 139, 141, 368
Pollack, 180, 181, 182, 366
Sunde,363
Porteus,43,45,46,63,366
Powell, 126, 368
T
Pratt,41,88,90,349,364,368
Prelec, 140, 366 Tallon,44.45,47,363
Teppa, 120, 121, 126, 128, 222, 365
Q Thaler, 14, 93, 140,211,214,310,366,
368,369
Quiggin, 45, 91, 368
Thomas, 181, 369
R Tobin, 57, 136,310,369
Tversky,26,46,92, 150,244,365,369
Rae, 138
Ramsey,57, 136,310,368 v
Rawls, 136,308,310
Veblen, 54, 369
Robin, 352, 368
Venti, 211, 213, 369
s Verdier, 203, 362
Verger,23,24,218,229,362,366
Salanié, 89, 92, 365 Vesterlund, 183, 361
Samuelson, 39, 180, 307, 362, 368 Viscusi, 48, 98, 369
Samwick, 352, 363 von Neumann, 40, 88, 369
Sandmo, 349, 368
Savage,47,89,364 w
Schmeidler, 71, 92, 368
Weil, 44, 369
Schubert, 126,368
Williams, 144,308,312,369
Sen, 310
Wise, 21 1. 213, 369
Shebata, 89, 365
Wolff, 203, 365
Shorrocks, 253, 368
Skinner, 352, 365, 368
Spector, 79, 81, 96, 100, 101, 102, 153,
z
368 Zeckhauser,55,364,368
Zin, 43,364
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE ................................................................................................................................................................. V
REMERCIEMENTS ............................................................................................................................................... VII
PRÉFACE .................................................................................................................................................................... IX
INTRODUCTION GÉNÉRALE ................................................................................................................. l
l. PERPLEXITÉ DE L'ÉCONOMISTE EN QUÊTE DE COMPORTEMENTS RATIONNELS ET
HOMOGÈNES ..................................................................................................................................................... 4
2. LES COMPORTEMENTS DES ÉPARGNANTS : UNE SOURCE D'ÉNIGMES, UNE DIVERSITÉ
PARADOXALE ................................................................................................................................................... 5
2.1. Trop d'épargne pour les uns, trop peu pour les autres ................................................................................ 5
2.2. Des portefeuilles d'actifs peu diversifiés et très divers .............................................................................. 7
3. PRENDRE EN COMPTE LES IMPERFECTIONS DES MARCHÉS ET LES LIMITES DE
L'INFORMATION .............................................................................................................................................. 9
4. INTRODUIRE L'HÉTÉROGÉNÉITÉ DES PRÉFÉRENCES INDIVIDUELLES .. .
RATIONNELLES OU NON ............................................................................................................................ 11
4.1. Des croyances et préférences imparfaitement rationnelles ..................................................................... 12
4.2 .... jusqu'à quel point? ................................................................................................................................ 13
4.3. Comment mesurer l'hétérogénéité des préférences individuelles ? ......................................................... 15
4.4. Qui est qui? D'où viennent les préférences et varient-elles au cours du temps ?.................................. 17
4.5. En quoi les inégalités de patrimoine sont-elles dues aux préférences individuelles ? ........................... 18
4.6. Une typologie des épargnants selon leurs préférences permet-elle d'éclairer leurs choix
patrimoniaux ? ............................................................................................................................................ 18

Chapitre 1 L'épargnant face au risque et au temps ........................................................ 21


1. COMPRENDRE LES FACTEURS DE L'ACCUMULATION PATRIMONIALE .................................... 23
1.1. Expliquer les disparités résiduelles des comportements patrimoniaux ................................................... 23
1.2. Contrôler l'hétérogénéité individuelle inobservée .................................................................................... 24
1.3. Classer les épargnants selon leurs préférences face au risque et au temps ............................................. 25
2. UNE APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE ORIGINALE ............................................................................ 26
3. LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE L'ÉTUDE ............................................................................................... 27
3.1. Élaboration des scores individuels: qui aime le risque? qui voit loin? ................................................ 28
3.2. Les scores en tant que facteurs explicatifs des comportements patrimoniaux ....................................... 29
3.3. Vers une typologie des épargnants prédictive de leurs comportements ................................................ .30
4. MODES DE LECTURE POSSIBLES DE L'OUVRAGE .............................................................................. 31

PREMIÈRE PARTIE MÉTHODOLOGIE ................................................................................. 33


Chapitre 2 l)e la théorie ... ............................................................................................... 35
1. LA THÉORIE STANDARD DE L'ÉPARGNANT SUR LE CYCLE DE VIE ........................................... 35
1.1. Les caractéristiques de base attribuées au comportement d'épargne ....................................................... 36
1.2. Modèle DU (discounted utility): un seul paramètre de préférence à l'égard du temps ......................... 37
380 Inégalités patrimoniales et choix individuels

1.3. Préférences isoélastiques: l'utilité instantanée dépend d'un seul paramètre ......................................... .39
1.4. Modèle EU (expected utility): un seul paramètre de préférence à l'égard du risque ........................... .40
2. VERS UN COMPORTEMENT PLUS RÉALISTE À L'ÉGARD DU RISQUE ......................................... 43
2.1. Le critère d'utilité espérée maintenu pour les paris statiques .................................................................. .43
2.2. "Anomalies" :transformation des probabilités et aversion à la perte ..................................................... 44
2.3. Trop de paramètres de préférence pour caractériser les choix risqués de l'épargnant? ....................... .47
3. VERS UN COMPORTEMENT PLUS RÉALISTE À L'ÉGARD DU TEMPS ......................................... .47
3.1. Actualisation hyperbolique : futur proche et futur éloigné ..................................................................... .49
3.2. Utilité du loisir, allocation du temps, habitudes, phénomènes d'anticipation, etc .................................. 50
3.3. Extension de l'horizon (motif de transmission altruiste) .......................................................................... 52
3.4. Les "anomalies" des choix temporels: de nouveaux paramètres de préférence ................................... 53
4. LE RÉALISME AU PRIX D'UNE PROFUSION DE PARAMÈTRES DE GOÛTS? ............................... 54
4.1. Risques de confusion ................. ,................................................................................................................ 55
4.2. Risques de "pollution" :le cas d'une préférence pure pour le présent .................................................... 56
4.3. Une tâche impossible ? ............................................................................................................................... 51
Complément 1 : Comment interpréter les propriétés "standard" du comportement d'épargne? .................... 59
Complément 2 : A version pour le risque et élasticité intertemporelle de substitution .................................... 63
Complément 3: Variations des goûts et non séparabilités temporelles: biais de mesure du taux b .............. 65

Chapitre 3 ... à une enquête qualitative originale .......................................................... 69


1. POUR UN NOMBRE RESTREINT DE PARAMÈTRES DE PRÉFÉRENCE .......................................... 70
1.1. Un seul paramètre de préférence à l'égard du risque :
peut-il varier d'un domaine à l'autre de la vie ? ........................................................................................ 70
1.2. La préférence pour le présent "entre" l'impatience de court terme et l'altruisme ................................... 71
2. LA MÉTHODE UTILISÉE POUR ESTIMER LES PRÉFÉRENCES RETENUES ................................... 73
2.1. Les avatars des autres mesures de préférences face au risque et à l'avenir ............................................ 74
2.2. Un objectif limité : classer les individus par des mesures ordinales ....................................................... 76
2.3. Multiplier les questions concrètes, de toute nature ................................................................................. 77
2.4 .... pour en inférer des scores, indicateurs synthétiques des préférences individuelles .......................... 78
2.5. La procédure d'affectation de questions polysémiques aux indicateurs de préférence .......................... 80
2.6. Construction et validation des scores de préférence à l'égard du risque et du temps ............................. 81

DEUXIÈME PARTIE MESURES .................................................................................................. 83


A. RISQUE ET INCERTAIN .................................................................................................................... 85
Chapitre 4 Les préférences individuelles à l'égard du risque .................................................. 87
1. LES DIFFICULTÉS THÉORIQUES ............................................................................................................... 89
1.1. Utilité espérée : le problème de la gestion de risques multiples .............................................................. 89
1.2. Utilité non espérée: une définition élargie des comportements face à l'incertain ................................. 91
2. LES DIFFICULTÉS EMPIRIQUES ................................................................................................................ 93
2.1. Pluralité des interprétations possibles et effets de contexte ..................................................................... 94
2.2. Privilégier les aspirations exprimées ou les pratiques effectives? ......................................................... 95
Table des matières 381

2.3. Comment interpréter l'absence de pratique de certaines activités à risque? .......................................... 96


2.4. Exposition au risque subie ou choisie ? .................................................................................................... 96
2.5. Hétérogénéité et biais de perception des risques ...................................................................................... 97

Chapitre 5 Le score des préférences à l'égard du risque .......................................................... 99


1. MÉTHODE DE SCORING: À LA RECHERCHE D'INDICATEURS ORDINAUX ET
SYNTHÉTIQUES ............................................................................................................................................ lOl
2. UN SCORE DE RISQUE UNIQUE .............................................................................................................. l02
2.1. Les contributions des questions au score ................................................................................................ 102
2.2. Un score cohérent, représentatif de la richesse des comportements face à l'incertain ......................... 108
3. UNE MESURE ALTERNATIVE: L'ANALYSE EN COMPOSANTES PRINCIPALES ..................... llO
3 .1. Le cercle des corrélations ......................................................................................................................... 11 0
3.2. L'interprétation des axes ........................................................................................................................... lll
3.3. L'analyse en composantes principales: bilan et enseignements ........................................................... ll3

Chapitre 6 Qui prend des risques ? ............................................................................................... 115


1. L'ATTITUDE A L'ÉGARD DU RISQUE :COMPARAISONS DE TROIS TYPES DE MESURE ..... ll5
1.1. Les échelles subjectives sont-elles fortement corrélées avec le score ? ................................................ 115
1.2. Une mesure directe de l'aversion relative pour le risque ....................................................................... 119
1.3. Les mesures de préférence expliquent-elles les opinions sur les placements
risqués et les pratiques de jeu ? ................................................................................................................ 123
2. LES DÉTERMINANTS DES PRÉFÉRENCES À L'ÉGARD DU RISQUE ............................................. l24
2.1. Deux constantes : les hommes plus aventureux que les femmes,
les vieux plus prudents que les jeunes ..................................................................................................... l26
2.2. Effets de l'âge et du genre : une confirmation indirecte ......................................................................... 126
2.3. Les autres déterminants (du score) :qui prend le plus de risque? le moins ? ..................................... 127
3. REMARQUES FINALES .............................................................................................................................. l27

B. TEMPS ET HORIZON ....................................................................................................................... 131


Chapitre 7 Les préférences individuelles pour le présent... .................................................... 133
1. LE STATUT PROBLÉMATIQUE DE LA PRÉFÉRENCE POUR LE PRÉSENT.. ................................ l35
1.1. Le rejet de toute préférence rationnelle pour le présent sur le cycle de vie .......................................... 136
1.2. Une "myopie" rationnelle ? ...................................................................................................................... 137
1.3. Une priorité du présent temporellement incohérente ............................................................................. 138
2. IDENTIFIER PLUSIEURS PRÉFÉRENCES À L'ÉGARD DU TEMPS .................................................. 139
2.1. Les biais multiples des mesures existantes de la préférence temporelle ............................................... 140
2.2. Distinguer impatience de court terme et préférence pure pour le présent ............................................ 141
2.3. Préférences relatives au court terme: impatience et phénomènes d'anticipation ................................. 142
2.4. Préférence intrinsèque pour le présent: deux approches complémentaires ......................................... 143
2.5. Altruisme pour soi, pour les siens, pour les générations futures ........................................................... 145
382 Inégalités patrimoniales et choix individuels

Chapitre 8 Le scoring des attitudes à l'égard du temps .......................................................... 147


1. DIFFICULTÉS MÉTHODOLOGIQUES ET EMPIRIQUES ..................................................................... 148
1.1. Choisir entre un plaisir maintenant et un même plaisir (ou davantage) plus tard .............................. .149
1.2 .... ou poser des questions en rapport avec les projets, la conception de la vie? ................................. 151
1.3. Méthode de construction - et de validation - des scores temporels ..................................................... 15 2
2. PRÉFÉRENCE POUR LE PRÉSENT, IMPATIENCE ET ALTRUISME:
TROIS SCORES DISTINCTS ........................................................................................................................ 158
2.1. Le score de préférence temporelle :une mesure plus satisfaisante ....................................................... 158
2.2. Score et échelle d'impatience ................................................................................................................... 162
2.3. Scores d'altruisme (familial) .................................................................................................................... 165
3. DES MESURES ALTERNATIVES: L'ANALYSE EN COMPOSANTES PRINCIPALES ................. 168
3 .1. La préférence tempore Ile ......................................................................................................................... 168
3.2. L'impatience ............................................................................................................................................. 171
3.3. L'altruisme familia1 .................................................................................................................................. 173

Chapitre 9 Qui est prévoyant ? Qui est altruiste ? ................................................................... 175


1. QUELLES VARIABLES EXPLICATIVES ? .............................................................................................. 175
2. LES DÉTERMINANTS DE LA PRÉFÉRENCE POUR LE PRÉSENT SUR LE CYCLE DE VIE ....... 177
2.1. Qui vit au jour le jour, qui est prévoyant ? ............................................................................................. 177
2.2. Effets de l'âge et du genre sur la préférence temporelle :discussion .................................................... 178
3. QUI EST IMPATIENT (PRESSÉ OU IMPULSIF), PATIENT (POSÉ OU RÉFLÉCHI)? .................... 178
4. LES DÉTERMINANTS DE L' ALTRUISME .............................................................................................. 179
4.1. Qui est altruiste, égoïste au plan familial ? ............................................................................................. 179
4.2. Les femmes sont-elles plus altruistes pour leurs enfants que les hommes : discussion ....................... 180
4.3. Qui se soucie le plus du sort des générations futures? .......................................................................... 183
5. LES ANOMALIES : "DREAD", "SAVORING" ET PRÉ-ENGAGEMENT ............................................ 183
5.1. Le plaisir d'attendre (savoring) ou l'appréhension (dread) .................................................................... 183
5.2. Le pré-engagement ou le "syndrome de la sirène" ................................................................................. 185
6. CONCLUSIONS ............................................................................................................................................. 186

C. FORMATION ET TRANSMISSION DES PRÉFÉRENCES ........................................................ 189


Chapitre 10 De 1' influence des valeurs familiales et autres traits culturels ...................... 191
1. L'ENQUÊTE TNS-SOFRES-DELTA 2002: DEUX GÉNÉRATIONS INTERROGÉES ....................... 192
2. LA MÉTHODE DE SCORING EST-ELLE VALIDE? DES MESURES DE PRÉFÉRENCES
COHÉRENTES DANS LES DEUX ENQUÊTES ........................................................................................ 194
3. RELIGION, POLITIQUE, SENTIMENT D'APPARTENANCE SOCIALE:
QUELLE INFLUENCE ? ............................................................................................................................... 200
3.1. L'éducation religieuse ............................................................................................................................... 201
3.2. Les opinions politiques ............................................................................................................................ 201
3.3. Le sentiment d'appartenance sociale ....................................................................................................... 202
4. LES PRÉFÉRENCES SONT-ELLES "HERITÉES" DES PARENTS ?.................................................... 202
5. CONCLUSION ............................................................................................................................................... 206
Table des matières 383

TROISIÈME PARTIE CHOIX PATRIMONIAUX ........ ............................................................. 209


Chapitre 11 Préférences individuelles et disparités du patrimoine ..................................... 21 1
1.INEGALITÉS PATRIMONIALES: UN DÉBAT RÉCENT ....................................................................... 21 1
1.1. L'hétérogénéité des niveaux d'épargne : deux énigmes pour la théorie du cycle de vie ...................... 211
1.2. L'approche "comportementale" en question ........................................................................................... 212
2. LES MULTIPLES AVANTAGES D'UNE MESURE DES PRÉFÉRENCES PAR "SCORING" ........... 214
2.1. Résumé des épisodes précédents ............................................................................................................. 214
2.2. Notre apport au débat sur l'origine des inégalités de patrimoine ........................................................... 215
3. L'ÉQUATION DE PATRIMOINE ................................................................................................................. 217
3 .1. Les déterminants observables de l'accumulation patrimoniale .............................................................. 217
3 .2. La contribution des préférences individuelles ........................................................................................ 219
4. EFFETS COMPARÉS DES INDICATEURS DE PRÉFÉRENCE ............................................................. 220
4.1. Scores : des effets propres conformes aux prédictions .......................................................................... 221
4.2. Des scores plus performants que les autres indicateurs de préférence .................................................. 221
5. PRÉFÉRENCES ET PATRIMOINE: PROBLÈME DE CAUSALITÉ ..................................................... 222
5.1. Les scores : une collection d'instruments "naturels" .............................................................................. 222
5.2. L'endogénéité des autres indicateurs de préférence ............................................................................... 223
6. LE POUVOIR EXPLICATIF DES SCORES ................................................................................................ 223
6.1. L'influence des préférences : des écarts de patrimoine importants ....................................................... 224
6.2. Contributions relatives des scores aux inégalités de patrimoine ........................................................... 224
6.3. L'insuffisance de l'épargne accumulée pour la retraite: le rôle des préférences .................................. 230
7. LES EFFETS D'INTERACTION DES PRÉFÉRENCES ............................................................................. 231
7 .1. Les corrélations entre attitudes face au risque et à l'avenir. ................................................................... 231
7.2. Scores croisés: des effets patrimoniaux plus significatifs ..................................................................... 235
7.3. Perspectives ............................................................................................................................................... 236

Chapitre 12 Préférences face au risque et à l'avenir:


vers une typologie des épargnants .......................................................................... 239
1. RAPPEL: DEUX PARAMÈTRES DE PRÉFÉRENCE PIVOTS ............................................................... 241
1.1. Théorie standard : aversion relative pour le risque et taux d'actualisation ........................................... 242
1.2. Modèles non standard : le réalisme au prix d'une prolifération de paramètres .................................... 243
1.3. La voie moyenne et pragmatique adoptée ............................................................................................... 245
2. LES SCORES DE PRÉFÉRENCE ET LEURS EFFETS SUR LE PATRIMOINE ................................... 247
2.1. Principe de la méthode : l'élaboration de "scores" synthétiques ........................................................... 24 7
2.2. Les scores, facteurs explicatifs des comportements patrimoniaux? ..................................................... 248
3. CROISER LES PRÉFÉRENCES FACE AU RISQUE ET AU TEMPS ..................................................... 250
3.1. Une illustration: Ulysse et Achille ou l'hétérogénéité des "risquophiles" ........................................... 250
3.2. Régimes d'accumulation patrimoniale selon les préférences ................................................................. 252
3.3. Typologie provisoire en cinq groupes d'épargnants ............................................................................... 255
384 Inégalités patrimoniales et choix individuels

4. TYPES D'ÉPARGNANTS :PREMIERS TESTS EMPIRIQUES .............................................................. 256


4.1. La délimitation des 5 groupes d'épargnants ............................................................................................ 256
4.2. Qui appartient à quelle catégorie d'épargnant? ...................................................................................... 258
4.3. Quels effets des préférences sur le montant et la composition du patrimoine ? ................................... 258
5. BILAN ET PERSPECTIVES ......................................................................................................................... 262

CONCLUSIONS GÉNÉRALES ............................................................................................................. 265


1. QUESTION(S) DE MÉTHODE .................................................................................................................... 266
2. PRÉFÉRENCES: QUE MESURE-T-ON EXACTEMENT ? .................................................................... 268
3. L'INDIVIDU ET SES PRÉFÉRENCES AU SEIN DU COUPLE, DE LA FAMILLE, ET DE LA
SOCIÉTÉ .......................................................................................................................................................... 270
4. INTERPRÉTATIONS ET USAGES POSSIBLES DES TYPES D'ÉPARGNANTS ............................... 271

ANNEXES ................................................................................................................................................... 275


ANNEXE A L'ENQUÊTE INSEE-DELTA 1998 ................................................................................. 277
ANNEXE B PRÉFÉRENCE TEMPORELLE DISCONTINUE .......................................................... 307
ANNEXE C ÉCONOMÉTRIE: PRÉFÉRENCE A L'ÉGARD DU RISQUE .................................... 317
ANNEXE D ÉCONOMÉTRIE: PRÉFÉRENCE A L'ÉGARD DU TEMPS ..................................... 321
ANNEXEE L'ENQUÊTE TNS-SOFRES-DELTA 2002 .................................................................... 325
ANNEXE F LES SCORES DANS L'ENQUÊTE TNS-SOFRES-DELTA 2002 .............................. 335
ANNEXE G CHOIX DE LOTERIE ET ACCUMULATION DU PATRIMOINE ............................ 349
ANNEXE H ÉCONOMÉTRIE: L'ÉQUATION DE PATRIMOINE .................................................. 357

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 361


TABLEAUX ET GRAPHIQUES ............................................................................................................ 371
INDEX ......................................................................................................................................................... 375
TABLE DES MATIÈRES ........................................................................................................................ 379

Composé pour Economica, 49, rue Héricart, 75015 PARIS


Imprimé en France. - JOUVE, 11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS
Dépôt légal :juillet 2007 - N° 431273Y
L'obiectif principal de cet ouvrage est, à partir d 'un questionnement
multiforme, de proposer une méthode originale de mesure des
préférences des épargnants français vis-à-vis du risque et du temps.
Les enieux soulevés sont nombreux. À quoi attribuer les inégalités de
patrimoine : aux différences de goûts des individus ou au
fonctionnement même des marchés ? Peut-on « profiler » l'épargnant
selon ses préférences, des têtes brûlées aux bons pères de famille, afin
de mieux le conseiller dans sa gestion patrimoniale? Le Français est-il
à ce point incompétent ou si peu informé pour préparer sa retraite
qu'il faille au nom d 'un paternalisme nouveau, « l'éduquer »
financièrement à l'épargne? Autant de questions auxquelles ce livre
tente d'apporter des réponses . ..


• •

Luc Arrondel est Directeur de recherche au CNRS, membre du PSE


(Paris Jourdan Sciences-Economiques} et professeur associé à l' Ecole
d' Economie de Paris.
André Masson est Directeur de recherche au CNRS, Directeur
d'études à I' EHESS et membre du PSE.
Leurs travaux dans le domaine de l' épargne et du patrimoine -
séparés ou communs- sont le fruit d' une longue collaboration.

9 11~~~~ll~lllliJIJIJIJ~II ISBN 978-2-71 78-535 1-3


30 €

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