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Les idées les plus simples
sont souvent les meilleures

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Groupe Eyrolles
61, bd Saint- Germain
75240 Paris Cedex 05
www.editions- eyrolles.co111

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En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégra-
lement o u partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit,
sans autorisation de l' éditeur ou du Centre français d 'exploitation du droit de
copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© Groupe Eyrolles, 2016


ISBN : 978-2- 212-56406- 8

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Bernard Bourigeaud • Jacques Brun

Les idées les plus


simples sont souvent
les meilleures
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EYROLLES

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Nos remerciements à Marie-Paule Virard
qui nous a accompagnés dans la mise en fonne
éditoriale de nos convictions sur le management.

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Sommaire

Avant-propos .................. ................................................. ......................... 9

PARTIE 1- L'ENTREPRISE : UNE COMMUNAUTÉ MOTIVÉE


AU SERVICE DES CLIENTS

Chapitre 1
Gouvernance, on demande des administrateurs engagés !. .. 15

Chapitre 2
Stratégie, un art d 'exécution ........................................................... 23

Chapitre 3
Transformation, remise en cause et progrès .......... ....... ... ....... ... . 29

Chapitre 4
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~ Partenariat, quand l'union fait la force ................................... ...... 39
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r-i Chapitre 5
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Acquisition, l'accélérateur stratégique ... ..... ... ....... ....................... 49
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> Chapitre 6
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u Commercial, lui redonner ses lettres de noblesse .................... 65

Chapitre 7
Grands comptes, l'actif stratégique ............................................... 71
]
f Chapitre 8
~ La complexité, ou comment l'apprivoiser ............... ..................... 79
2
(.'.)
@
6 Les idées les plus simples sont souvent les meilleures

Chapitre 9
Innovation, ou comment transformer une idée en cash ......... 91

Chapitre 10
Projets corporate, pas de salut sans la connexion avec le
terrain .................................................................................................... 103

PARTIE Il - LES RESSOURCES HUMAINES: LE GOÛT DES AUTRES

Chapitre 1
Valeurs, donner du sens à l'action ................................................ 111

Chapitre 2
La confiance, une bonne raison de se lever le matin ............ 119

Chapitre 3
Le choix des hommes, la décision la plus stratégique
(et la plus difficile) ............................................................................ 129

Chapitre 4
Vl Communication interne, rien ne remplace
~
e> le contact direct ................................................................................ 139
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0 Chapitre 5
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Bien-être au travail, l'humain est de retour ..... ..... ....... ..... ..... .... 147
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PARTIE Ill - LE LEADER: VISION ET COURAGE

Chapitre 1
Leadership : on ne naît pas leader, on le devient.. ................. 157

Chapitre 2
L'exercice du pouvoir, la reconnaissance plutôt que
l'obéissance .. ................. ...................... ..... ..... ..... ...................... ........... 167
Sommaire 7

Chapitre 3
Réseau, l'atout des bonnes fréquentations ............................... 173

Chapitre 4
Le temps, ou comment l'utiliser de manière efficace ............. 181

PARTIE IV - JEUNES DIPLÔMÉS,


SEPT CONSEILS POUR ENTREPRENDRE

Index ............. .......... ..... .... .. ... ..... .................... ...... ... .. ........ ..... ..... . 195

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Avant-propos

Riches, l'un et l'autre, de plusieurs décennies de vie pro-


fessionnelle dans l'entreprise, c'est le désir de transmettre,
de faire partager notre expérience, sans donner de leçons,
de le faire le plus largement possible, qui nous a convain-
cus de nous lancer dans cette aventure éditoriale.
C'est aussi le souhait d'exprimer une conviction profonde
qui nous a toujours guidés dans nos choix professionnels :
le facteur humain est au cœur de la vie des affaires et, dans
l'entreprise, le bien-être individuel et la performance col-
lective sont intimement liés.
Il ne s'agit pas ici d'épouser l'air du temps, mais de prendre
acte du fait que les ho1nmes et les fe1nmes motivés tra-
vaillent mieux. Lorsqu'on exerce des responsabilités, quel
que soit le niveau, savoir prendre soin de ses collaborateurs,
c'est se donner les moyens d'atteindre ses objectifS : créer des
Vl
~ richesses, développer l'entreprise et assurer sa pérennité, n1ais
e> aussi jouer un rôle dans la société en favorisant l'équilibre et
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l'épanouissement de chacun. Or, aujourd'hui, on est bien
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@ obligé de constater que c'est plutôt le mal-être au travail qui
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s'installe subrepticen1ent et contribue grandement à alimen-
>
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ter cette « société de défiance » dans laquelle nous vivons.
u
La crise a accéléré le mouvement. Sommées de produire
toujours plus et nueux avec toujours moins de ressources,
les entreprises ont souvent tendance à oublier les hommes
et les femmes, parfois abandonnés sur le bord de la route.
Voilà pourquoi le désenchantem ent nous m enace, fruit
amer de pratiques n1anagériales obsolètes et de l'évapora-
tion progressive des valeurs .
10 Les idées les plus simples sont souvent les meilleures

Démotivé, chacun est tenté de se replier sur la sphère


individuelle et de se désintéresser de plus en plus du sort
des « autres »,qu'ils soient ses supérieurs hiérarchiques, ses
collègues ou ses collaborateurs. La tentation du « chacun
pour soi » gagne du terrain partout. Et pourtant, nous en
son1mes convaincus : dans les entreprises, un nouvel esprit
ne tardera pas à souffler sur le management. La prise en
compte de l'humain va faire son grand retour.
Aucune naïveté de notre part dans cette affirmation, mais
un double constat : nous touchons désormais aux limites
du système. Les fe1mnes et les hommes, à conm1.encer par
les nouvelles générations, aspirent à vivre et à travailler
autrement. Ils ne se reconnaissent plus nécessairement
dans les valeurs enseignées dans les écoles et rêvent désor-
mais d'autre chose. Les entreprises commencent à com-
prendre qu'elles ont pris du retard sur cette évolution et
qu'elles vont devoir s'adapter rapiden1ent à cette nouvelle
donne, si elles veulent préserver leurs capacités à attirer les
meilleurs, à réaliser leurs objectifs et à assurer leur avenir.
Vl
~ En nous lançant dans cette aventure éditoriale, notre
e>
UJ intention n'était pas de nous appuyer sur telle ou telle
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réflexion acadénlique, mais de puiser dans notre vécu et
@
......
nos souvenirs personnels, ceux de deux hommes issus de
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·c deux mondes différents - un dirigeant et un entrepre-
>
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0 neur-, mais qui ont en commun la passion de l'entre-
prise et de ceux qui la font. Deux dirigeants qui, chenlin
faisant, ont accompagné toutes ces mutations sans jamais
cesser de « pratiquer tous les jours »,en pilotant, rachetant,
développant ou conseillant des entreprises.
C'est à l'occasion d'une conférence professionnelle que
nous nous somn1.es rencontrés. Ce fut le début d'un
Avant-propos 11

compagnonnage fécond, rapidement doublé d'une solide


amitié. Tout en évoluant au sein de mondes professionnels
différents, nous avons souvent eu l'occasion de constater
combien nous partagions à la fois des valeurs essentielles
et des idées convergentes sur le management des hon1mes
et des entreprises. Ce partage, qui nous a si bien réussi
et qui fut l'occasion d'un enrichissement n1utuel, nous
aimerions aujourd'hui y associer le lecteur. En revisitant
notre expérience, nous espérons transn1ettre, tout sin1ple-
ment. Transmettre notamment aux nouvelles générations
qui, dans ce n1onde en profonde transformation, sont plus
que jamais en demande d'écoute et de conseil.
Dans cet ouvrage, nous n'avons pas l'intention de défi-
nir «le leader parfait ». D'autant que différentes formes
de leadership peuvent être performantes, tant l'efficacité
dépend de l'environnement, des hommes et des circons-
tances. Nous ne prétendons pas davantage dispenser des
leçons de management. Nous voulons sin1plement faire
partager nos expériences, nos convictions fortes et pro-
~
Vl
poser - modestement - des pistes de réflexion autour de
e> la pratique quotidienne, à la fois si difficile et si subtile, du
UJ
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r-i management. En invitant le lecteur à suivre notre intui-
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tion : en la matière, comme dans bien d'autres domaines,
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les idées les plus simples sont souvent les meilleures .
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Partie I

L'entreprise : une communauté


motivée au service des clients

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Chapitre 1

Gouvernance, on demande
des administrateurs engagés !

Une gouvernance de qualité constitue un outil réelle-


ment stratégique pour l'entreprise. Or, il est relativement
rare que les dirigeants la traitent comme telle et se préoc-
cupent suffisan1ment de son efficacité. Pourtant, les adn1i-
nistrateurs ne sont pas là seulen1ent pour approuver les
comptes en fin d'exercice. Ils ont un rôle de conseil très
in1portant à jouer car le dirigeant est souvent très seul
pour décider, et la collégialité dans la prise de décision est
un atout majeur.

Les conditions d'exercice de la gouvernance sont évi-


demment fonction de la nature de la détention du capi-
tal. Dans le cas d'une société familiale, la fanùlle détient
~
Vl
l' essentiel du capital, et donc aussi l'essentiel du pouvoir.
e> Il s'agit d'un cas particulier sur lequel nous ne nous appe-
UJ
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santirons pas ici. Tout juste est- il utile de signaler au pas-
N
@ sage que, dans les sociétés familiales, il est recommandé
......
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c:n d'être très prudent et très professionnel lorsqu'on décide
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d'employer des membres de la famille, ce qui, par ailleurs,
u
n'est pas illégitime .. .

La gouvernance sera également différente selon qu'on


aura affaire à une société contrôlée pratiquement à 1OO %
par un fonds de private equity, ou à une société à l'action-
nariat dispersé. Dans le premier cas, le conseil d' adminis-
tration se réunira plus souvent - au moins une fois par
1nois - et l'implication opérationnelle des m en1bres du
16 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

conseil sera beaucoup plus intense que dans une société


cotée plus classique.

La composition du board est bien sûr centrale et les diri-


geants doivent y réfléchir avec le plus grand soin. Est-il
encore utile de préciser qu'un conseil n'a p as vocation à
recaser tel ou tel naufragé du business, encore moins à
jouer le petit jeu du renvoi d'ascenseur, et doit avant tout
être con1.posé de p ersonnalités capables de p articiper acti-
vement à la définition de la stratégie ainsi qu'aux choix
des moyens de sa mise en œuvre? Quant à la gouver-
nance proprement dite, elle a besoin d'être pensée et cla-
rifiée pour jouer pleinement son rôle dans le
développem ent h armonieux de l'entreprise.

Par ailleurs, dans les entre-


prises, quelle que soit leur
' ' La gouvernance structure juridique, les pra-
a besoin d 'être pensée tiques en matière de gouver-
et clarifiée pour jouer nance dép endent aussi des
Vl
pleinement son rôle. habitudes, de la culture et des
~
e> règles juridiques en vigu eur
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dans leur pays d'origine. M ais, quel que soit le cas de
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N figure, la gouvernance est un facteur de valeur ajoutée
@
......
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pour l'entreprise, à condition que l'on resp ecte un certain
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n on1.bre de principes, dont la plupart de b on sens.
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COMPOSER UNE ÉQUIPE RESSERRÉE ET COHÉRENTE

Premier principe : il est important de n e p as avoir trop de


monde dans un conseil, au risque de p erdre en cohérence
et en efficacité. Lorsque l'on fait le choix d'un admi-
nistrateur, il faut aussi veiller à sa compatibilité avec les
Gouvernance, on demande des administrateurs engagés ! 17

autres membres du conseil car il est essentiel que l'ins-


tance fonctionne bien en équipe. Cela fait d'ailleurs partie
de la nùssion du comité de nonùnation d'interviewer les
candidats et de vérifier que chacun va former avec les
autres un groupe cohérent. Une dén1arche qui va de pair
avec l'exigence de rigueur qui doit présider à la sélec-
tion elle-même. Il serait excessif de soutenir que les pra-
tiques de « réseautage » et d'autoévaluation ont disparu,
mais les comités de nomination - de plus en plus nom-
breux - contribuent à sélectionner les candidats avec un
m aximun1 de professionnalisn1e. Faire appel à un chasseur
de têtes qui a mis en place des départen1ents dédiés au
recrutement d'administrateurs peut être une bonne solu-
tion pour évaluer l'efficacité du conseil et la performan ce
de ch acun de ses m embres .

CONTRIBUER À L'ÉLABORATION DE LA STRATÉGIE

Vl
Tout conseil a vocation à p articiper à la définition de la
~
e> stratégie. Il y consacre en gén éral chaque année une jour-
UJ
l.O
n ée entière, n1ais l'exercice reste le plus souvent sup er-
r-i
0
N ficiel, voire cosn1étique, sans que ne soient menés de
@
......
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véritables débats sur les options stratégiques fondamen-
c:n
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>
tales, parce que les n1en1bres du conseil n 'ont p as les com-
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pétences requises pour en discuter au fond, parce qu'il
n'y a pas, autour de la table, suffisamment d' administra-
teurs qui connaissent vraiment le business de l'entreprise.
D'ailleurs, cette journée est souvent à l'image de ce qui
se p asse au cours de l'année dans les conseils : beaucoup
de temps passé sur les présentations diverses et le con1pte
rendu finan cier, et pas assez sur la discussion autour des
points iinportants de la vie de la société, en particulier
18 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

' ' Dans les conseils les options stratégiques. Dans les
d'administration, il y conseils d ' adnùnistration, il y a
a souvent beaucoup souvent beaucoup d' administra-
tion et pas beaucoup de conseil.
d'administration et
peu de conseil. Pourtant, il s'agit là d'une diffé-
rence essentielle entre les boards
de qualité et les autres : il ne sert à rien pour un président
d'être entouré d'une douzaine de personnalités aux CV
éblouissants si celles-ci ne connaissent rien à son business.
Dans un conseil, il est à notre avis nécessaire que la moi-
tié des administrateurs connaisse le secteur dans lequel
évolue l'entreprise. Quant à l'autre moitié, elle doit être
composée en fonction des b esoins. Par exemple, si l'en-
treprise est en pleine phase de développement internatio-
nal, il est in1portant que la composition du conseil reflète
cette priorité.
Lorsque je suis entré au board de CGI en 2008, l'entreprise
nord-américaine souhaitait se développer en Europe et enAsie.]' ai
été, à l'époque, le premier administrateur européen.Aujourd'hui,
Vl
~ nous sommes deux Européens sur quatorze membres, ce qui est
e>
UJ d'ailleurs encore modeste, dans la mesure où CGI réalise désor-
l.O
roi
0
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mais plus de 5 0 % de son business en Europe.
@
......
..c: D e m ême, si elle amorce une diversification sectorielle .
c:n
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0
Lorsque j'étais P.-D.G. d'Atos O rigin, j'avais fait entrer un
u
assureur au conseil car je souhaitais développer nos activités dans
ce secteur, et il était utile d'avoir au board quelqu 'un qui pouvait
nous faire comprendre le domaine et nous ouvrir des portes.
D'une manière générale, toute nouvelle activité ou nou-
velle approche mérite de voir entrer au conseil un profes-
sionnel qui a déjà emprunté le m ême type de parcours.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la composition
Gouvernance, on demande des administrateurs engagés ! 19

d'un conseil ne doit pas être ' ' La composition d'un


figée, mais évoluer avec l'en- conseil d'administration
treprise.
ne doit pas être figée, mais
évoluer avec l'entreprise.

MISER SUR L'INDÉPENDANCE D'ESPRIT

La question de l'indépendance nourrit depuis quelques


années de non1breux débats consacrés à la gouvernance et
à la composition des boards. Mais de quoi parle-t-on exac-
tement ? Il y a bien sûr la définition classique qui figure
dans le petit manuel de la gouvernance : un administra-
teur indépendant est un administrateur qui n' « entretient
aucune relation de quelque nature que ce soit avec la
société, son groupe ou sa direction, qui puisse con1.pro-
mettre l'exercice de sa liberté de jugement». Une défini-
tion que l'on retrouve peu ou prou dans tous les codes de
bonne gouvernance des entreprises, en tout cas françaises,
mais qui, poussée à l'extrême, ferait qu'on ne recruterait
Vl
~ que des gens qui ne connaissent rien à l'entreprise dont ils
e> sont administrateurs.C'est pourquoi il nous paraît utile de
UJ
l.O
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clarifier ici notre propre conception de l'indépendance.
N
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Pour moi, l'indépendance, c'est le courage et, d'expérience, je
·c
>
o.. dirais que le courage n'est pas une qualité très répandue, en par-
0
u ticulier dans les très grandes sociétés cotées. Pourtant, il faut être
capable de dire quelque chose de difficile dans un conseil, sachant
qu'il existe de nombreux conseils où il est impossible d'exprimer
son point de vue.

En outre, nous ne pensons pas que la notion d'indépen-


dance fasse forcément bon ménage, comn1.e on le pro-
fesse généralement, avec le fait de n'avoir aucun intérêt
20 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

financier autre que les fameux jetons de présence dans


l'entreprise.
Je pense, au contraire, que l'on doit manifester son engagement
d'administrateur par une participation financière au capital de
l'entreprise. Quelqu'un qui n'est qu'un observateur et n'a pas
investi financièrement dans la société n'apporte pas le même
niveau d'engagement et de contribution à son conseil.

CHOISIR DES ADMINISTRATEURS COURAGEUX

Lorsqu'on con1.pose un conseil, il ne faut pas craindre


d'y faire entrer la contradiction. Au contraire. Celle-ci est
indispensable à son bon fonctionnement et à son efficacité.
Lorsque je suis sollicité pour
' ' Lorsqu 'on compose entrer dans un board,je préviens
un conseil d'administration, toujours : « Si j'accepte votre pro-
il ne faut pas craindre d 'y position, vous devez savoir que je
faire entrer la contradiction. dirai ce que je pense ! » Le véri-
~
Vl
table administrateur indépendant
e> n'est pas celui qui ne connaît rien au business de l'entreprise et
UJ
l.O
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que l'on a recruté plus ou moins au hasard pour respecter des
N
@ règles formelles, c'est celui qui a le courage d'exprimer son point
......
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c:n
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de vue sur telle ou telle question stratégique, même s'il bous-
>
o..
0
cule le consensus. Souvent, dans les conseils, les administrateurs
u
songent surtout à durer et à encaisser leurs jetons. Or, le courage
individuel jàit la qualité de la gouvernance collective. Il y a les
administrateurs qui prennent acte. Il y a ceux qui viennent en
appui de l'opérationnel, qui n'inventent rien, mais au moins
s'investissent-ils pour favoriser le succès de l'entreprise et de ses
dirigeants. Et puis il y a les administrateurs qui viennent nourrir
la stratégie, et c'est à ce niveau-là qu'il faut mettre le curseur.
Gouvernance, on demande des administrateurs engagés ! 21

PRIVILÉGIER DES ADMINISTRATEURS


PRÊTS À CONSACRER DU TEMPS

La valeur ajoutée d'un conseil est directement propor-


tionnelle au temps que chacun de ses membres accepte de
consacrer à sa mission. Or, il ne faut pas se le cacher, bien
remplir une mission d'administrateur prend du temps.
Notamment au début, lorsqu'il s'agit de se faniiliariser
avec l'entreprise, ses métiers, ses sites de production et
ses équipes. La première année, certaines entreprises pro-
posent un programme précis au nouveau 1nembre du
conseil, une sorte de « grand tour » destiné à le faniilia-
riser avec ces différents éléments, voire lui den1andent de
participer à la grande réunion opérationnelle, organisée
chaque année. La plongée dans les différentes activités
est souvent exigeante, notamment s'il s'agit d'un grand
groupe : dans l'industrie bancaire, par exemple, la ganune
des métiers, dont certains sont très complexes, requiert un
investissement en temps non négligeable.
Vl
~
e> Il est également in1portant que les membres du conseil
UJ
l.O
d'administration aient régulièrement l'occasion de ren-
r-i
0
N contrer le managen1ent. Il ne s'agit pas de tout mélan-
@
......
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ger et encore moins d'encourager les ni.embres du board à
c:n
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>
interférer dans la sphère opérationnelle, les règles doivent
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u
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être strictes sur ce point, mais les administrateurs doivent
connaître les personnes-clés
de l'entreprise avec lesquelles ' ' Les membres du
ils pourront échanger aisé- conseil d'administration
ment pour suivre, dans de
doivent régu 1ièrement
bonnes conditions, le déve-
loppement de la société et avoir l'occasion de
sur la nomination desquelles rencontrer le management.
22 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

ils seront éventuellement amenés à se prononcer un jour


ou l'autre. Or, il ne n1anque pas de sociétés où les cadres
dirigeants sont incapables de mettre un visage sur un seul
des administrateurs du conseil !

ÉVITER DE MULTIPLIER LES INSTANCES

Dans certaines entreprises, la multiplication des instances


constitue un facteur de stérilisation.Lorsqu'elles sont plé-
thoriques, la « réunionite » guette, le temps tourne, qui
aurait été mieux employé ailleurs, et, pour autant, il se
passe peu de choses essentielles dans ces différentes ins-
tances où l'on finit par ronronner de concert ... De ce
point de vue, la forn1ule du conseil d' adnunistration nous
paraît n1eilleure que celle qui n1arie conseil de surveil-
lance et directoire, dans la mesure où un seul organe est
plus efficace. Quand il y a deux instances, il y a forcément
un risque que se créent des problèmes de communication
entre les deux.
Vl
~
e> Pour éviter que le train-train ne s'installe au cœur du
UJ
l.O
board, il est également utile de songer à faire évoluer régu-
r-i
0
N lièrement la gouvernance avec l'activité de l'entreprise. Le
@
...... faire tous les deux ans environ nous paraît un bon rythme
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c:n
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>
pour s'assurer qu'elle reste en phase avec l'évolution de
o..
u
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l' activité et du n1anagement de l'entreprise.

Être administrateur, c'est comprendre les


activités et la stratégie d'une entreprise, en être
actionnaire, et ne pas hésiter à dire ce que l'on
pense. C'est un rôle responsable qui nécessite
d'y consacrer beaucoup de temps.
Chapitre 2

Stratégie, un art d'exécution


Dans l'entreprise, rien ne semble plus noble que de par-
ticiper à l'élaboration de la stratégie. La simple évocation
du mot fait del' effet. Comn1e s'il suffisait de le prononcer
pour donner de l' ainpleur à la moindre décision, pour
toucher à l'essentiel. Du coup, il arrive aussi qu'il soit mis
à toutes les sauces pour justifier telle ou telle opération ou
pour mettre, après coup, une série de décisions en cohé-
rence. Bienheureux si l' « habillage » n 'est pas tout simple-
ment le signe que l'entreprise a bougé et / ou investi sans
réfléchir !
Expression d'une vision originelle ou reformulation après
coup, la stratégie est sans conteste le privilège du diri-
geant. D ans le meilleur des cas, elle est portée p ar une
vision : celle du futur souhaitable de l' entreprise, à court,
Vl
~ moyen et long tern1e. Il arrive nlême qu'une entreprise
e> ait la chance d'hériter d 'un de ces leaders capables d 'ima-
UJ
l.O
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giner avant tout le nlonde « la » stratégie qui marquera
N
@ son avenir et celui du secteur dans lequel elle évolue. Lou
......
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Gerstner, chez IBM, par exemple, avait fait faire avant tout
>
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le monde à son entreprise le grand saut du hardware au
u
service, et avait compris il y a près de vingt ans que les
problèm es de sécurité et de données personnelles devien-
draient nlaj eurs.
M ais le succès d'une strateg1e, aussi brillante soit-elle,
dép end de bien d'autres facteurs. E t d'abord de la fai-
sabilité et de la qualité de l'exécution. Souvent, les gens
p ensent que, pour concevoir une stratégie digne de ce
24 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

nom, il suffit de mettre quelques beaux esprits autour


d'une table. Rien n'est plus faux et, la plupart du ten1ps, il
n'en sortira absolument rien ! Élaborer une stratégie effi-
cace relève surtout du bon sens et requiert compréhen-
sion et adhésion de la part de l'ensemble du corps social
qui compose l'entreprise. La stratégie n'est-elle pas avant
tout un art d'exécution ?

DÉFINIR UNE VISION

Toute stratégie doit être précédée d'une vision que l'on


peut définir comme une description d'un état futur et
désirable de l'organisation et/ ou de son environnement
qui n1otive les collaborateurs sur la durée, vision qui sera
exprimée, dans la mesure du possible, de 1nanière simple
et con1préhensible par tous : bâtir une entreprise qui a la
taille critique sur son propre marché, se donner les moyens
d'accompagner ses clients à l'international, atteindre le
Vl
milliard d'euros de chiffre d'affaires, ou encore - rêve de
~
e> toute entreprise conquérante - devenir le leader mondial
UJ
l.O
dans sa spécialité ... La stratégie proprement dite traduira
roi
0
N ensuite la manière dont cette vision sera mise en œuvre.
@
......
..c:
Il existe d'ailleurs toujours plusieurs manières d'atteindre
c:n
·c
>
l'objectif que l'on s'est fixé et c'est pourquoi la stratégie
o..
u
0
est aussi, par définition, évolutive en fonction de différents
paramètres, en particulier des besoins des clients. Une
chose est sûre, cependant : tailler dans les coûts n'a jamais
fait une stratégie. Une évidence qu'il n'est pas inutile de
rappeler quand les tueurs de coûts, omniprésents depuis
quelques années dans l'entreprise, la privent parfois de tous
ses moyens en matière d'innovation ou de développement
con1ffiercial, au risque de compromettre son avenir.
Stratégie, un art d'exécution 25

ÉLABORER UNE STRATÉGIE EN PRISE AVEC LE RÉEL

Répétons-le : la stratégie est avant tout affaire d' exécu-


tion. Rien n'est pire que de se lancer dans un projet qui
risque de s'enliser, faute de réalisme. Toute stratégie doit
être en prise avec le réel, c'est-à-dire étroiten1ent conn ec-
tée à la fois au client et aux équipes opérationnelles. Elle
doit se nourrir d'allers et retours constants entre la base et
le sorrunet. Une 1néthode qui suppose une parfaite nlaÎ-
trise des m archés sur lesquels l'entreprise est implantée,
ou souhaite s'in1planter, et surtout des attentes des clients,
afin d'être en phase avec leurs besoins présents et à venir.
L' anticipation, donc la qualité
du 1narketing strateg1que,
sont ici centrales. Or, si les ' ' La stratégie est avant
directions m arketing produits tout affaire d'exécution.
sont en général pléthoriques,
la direction m arketing stratégique est souvent négligée,
notamn1ent dans les entreprises fran çaises, alors qu' elle
constitue l'outil privilégié de tout succès stratégique.
Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N FORMULER UNE STRATÉGIE COMPRISE PAR TOUS
@
......
..c:
c:n
·c
>
D ans la plupart des entreprises, la stratégie n'est pas bien
o..
u
0
comprise. Il suffit de questionner les salariés pour s'en
rendre con1pte. Or, pour être vrain1ent opérationnelle,
elle doit avoir été assimilée par l' ensemble des collabo-
rateurs, depuis le sommet jusqu'à la b ase, ce qui suppose
que le dirigeant ait été cap able de la formuler simplem ent.
Ainsi, lorsqu'un dirigeant s'apprête à cou ch er sa stratégie
sur le papier, il faut lui conseiller de se den1ander s'il serait
capable d' expliquer chacune des phrases qu'il vient de
26 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

rédiger à n 'importe quel collaborateur de l'entreprise. Le


conseil pourra sembler trivial, mais l' expérience prouve
qu'il y a toujours de bons esprits pour prétendre que
toute stratégie digne de ce nom ne peut être formulée
que de m anière complexe, avant de tourner en ridicule
toute exhortation à la simplicité dans ce don1aine.

NE PAS DÉLÉGUER LA STRATÉGIE

La création d'une direction de la stratégie est rarem ent


une bonne idée, pas plus d 'ailleurs que le recours intensif
aux grands cabinets de conseil en stratégie qui ont trop
souvent tendance à recycler, m oyennant quelques am en-
dements, le plan qu'ils ont conco cté six m ois plus tôt pour
votre principal concurrent !
En fait, la définition d'une
' ' La création d 'une stratégie ne se délègu e ni à
direction de la stratégie est l'intérieu r ni à l'extérieur.
Vl rarement une bonne idée. C 'est au dirigeant et à son
~
e> équipe rapprochée de la défi-
UJ
l.O
nir, de la mettre en œ uvre et de la faire évoluer, si besoin,
r-i
0
N en fonction des ch angem ents et des opportunités.
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u DÉFINIR DES PRIORITÉS CLAIRES

La plus grosse difficulté en matière stratégique est sans


doute de bien définir (et d'écrire noir sur blan c) ce que
l'on n e veut pas faire et s'y tenir.Autrem ent dit, de renon-
cer une fois pour toutes à la tentation de « tout » faire.
Certaines entreprises n 'en finissent j amais de caler leur
stratégie et se perdent dans une valse-hésitation
Stratégie, un art d'exécution 27

perpétuelle entre différentes options plus ou moins


contradictoires avec, à la clé, des collaborateurs désorien-
tés et, au bout de la route, le risque de voir l'entreprise
fragilisée face à la concurrence. Mais l'entêtement straté-
gique ne vaut pas mieux que l'hésitation. Si la cible exige
un minimun1 de suite dans les idées, aucune stratégie pour
y parvenir ne doit être gravée dans le 1narbre en faisant fi
de l'évolution de l'ensemble des facteurs (marché, concur-
rence, écosystèn1e) qui influencent l'activité de
l'entreprise.

(RÉER DE LA VALEUR

Une stratégie adaptée doit créer de la valeur pour l'en-


semble des parties prenantes : clients, collaborateurs et
actionnaires. Pour notre part, nous avons tendance à placer
en tête la création de valeur pour le client. Pour une rai-
son dont l'évidence n'échappera à personne : sil' offre qui
Vl lui est faite n'est pas pour lui créatrice de valeur, le client
~
e> aura tôt fait de sanctionner cette défaillance en changeant
UJ
l.O
r-i
de fournisseur, ce qui aura un in1pact négatif sur les résul-
0
N tats économiques et le climat social. Mais collaborateurs
@
......
..c: et actionnaires ne doivent pas pour autant être oubliés :
c:n
·c
>
o..
les premiers doivent trouver la traduction de cette créa-
0
u tion de valeur sur la dernière ligne de leur fiche de paie
et dans la qualité de vie au travail ; les seconds dans la
valorisation de leur participation au capital de l'entreprise.

La stratégie, c'est l'art de l'exécution.


Elle doit être exprimée de manière simple
et claire, emporter l'adhésion de tous et être
déclinée au quotidien.
Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Chapitre 3

Transformation,
remise en cause et progrès
Aucune entreprise ne peut survivre très longtemps si elle
est incapable de se réinventer.Voilà pourquoi la capacité à
décider et à accon1pagner un plan de transformation est
probablement l'un des grands défis que tout dirigeant
doit relever un jour ou l'autre. Surtout dans un n1.onde en
perpétuelle mutation, marqué par des évolutions inces-
santes des conditions de marché et de concurrence. Il suf-
fit d'ailleurs de parler à cœur ouvert avec un dirigeant
pour que, très vite, il vous confie son projet d'engager une
transformation rendue nécessaire par l'évolution de sa
situation concurrentielle, à moins que ce n e soit en raison
d'une rupture technologique ou de l'effritement de la
marge opérationnelle de son core business. Quelle que soit
~
Vl
la raison invoquée, un plan de
e> transformation répond tou- ''
UJ
l.O
Faire coller la réalité
r-i
0
jours à une n écessité : faire
N
@ coller la réalité du terrain, du terrain, partout dans
......
..c:
c:n partout dans l'entreprise, à l'entreprise, à l'ambition
·c
>
o..
0
l'ambition stratégique et aux stratégique et aux valeurs.
u
valeurs.
Si la plupart des patrons inscrivent, un jour ou l'autre, un
projet de transforn1.ation à leur agenda, le plus dur ne reste
pas moins à faire, car la nature humaine étant ce qu'elle
est, les salariés commencent en général par être réticents
à toute initiative qui risquerait de les faire sortir de leur
zone de confort, autrement dit d'un équilibre souvent
30 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

conquis de haute lutte. C'est pourquoi toute mise en


œuvre d'un plan de transformation représente une aven-
ture n1anagériale essentielle, mais incroyable1nent difficile.
Transfonner est difficile parce que transforn1er n'est pas
simplement changer. D'un côté, on réajuste le systèn1e à
son environne1nent. De l'autre, on recherche un nouveau
paradign1e en restant ouvert à l' én1ergence de solutions
qui s'inventeront chemin faisant. D'un côté, on met en
œuvre un projet balisé pour aller d'un point à un autre.
De l'autre, on s'aventure dans un processus con1plexe et
évolutif. La transfonnation n'est pas, ou pas seulement, un
projet puisqu'elle est à la fois processus ouvert et enjeu
stratégique qui consiste à mieux faire coller la réalité
quotidienne de l'entreprise (les ho1nn1es, l'organisation, la
culture ... ) à son an1bition stratégique.
Transformer est difficile parce que c'est aussi s'attaquer,
dans un premier temps, à ce qui fait le socle même de
l'entreprise, à savoir l'organisation que l'on a eu tant de
mal à construire, y compris au prix de l'installation d'une
Vl
~ certaine routine, donc d'une certaine inertie, car tout
e> exercice d'organisation consiste à rendre l'action collec-
UJ
l.O
r-i
0 tive régulière et prévisible à l'aide de règles et de procé-
N
@
......
dures. Transformer consiste donc à vaincre cette inertie
..c:
c:n
·c
organisationnelle pour réaligner l'organisation sur son
>
o..
0 environnen1ent et les contraintes nouvelles, afin de mettre
u
en place de nouveaux modes de fonctionnement et de
nouvelles pratiques plus adaptées aux défis auxquels l'en-
treprise est confrontée.
On l'a dit, au travail comme dans d'autres circonstances
de la vie, les êtres hun1ains n'apprécient guère qu'on les
sorte de leur zone de confort. Et c'est tellen1ent vrai
qu' une enquête n1enée par The Economist en 2012 auprès
Transformation, remise en cause et progrès 31

de plusieurs centaines de dirigeants européens montre


que plus d'un plan de transforn1ation sur deux échoue, et
échoue d'abord à convaincre de l'opportunité de n1ettre
en œuvre un tel plan à tous les niveaux de l'organisation.
Et lorsqu'on interroge les n1embres du panel sur les fac-
teurs déterminants d'un tel échec, ils citent, dans l'ordre :
l'absence de planning détaillé avec des objectifs claire-
n1ent définis et aisément mesurables, le manque d' enga-
gement des dirigeants, la pauvreté de la communication
interne et la résistance au changement.

CONVAINCRE DE LA NÉCESSITÉ D'UNE TRANSFORMATION

Il est plus facile de susciter le « b esoin de transforn1ation »


dans l'ensemble du corps social d 'une entreprise dès lors
qu'il y a déjà le feu à la m aison . D ans une entreprise qui
p erd de l'argent, dont les parts de marché s'étiolent et
dont l'avenir est m enacé à plus ou moins brève échéan ce,
la transformation apparaîtra soudain comn1e un moindre
Vl
~ mal, voire une exigence parée des plus b eaux atou rs.
e>
UJ
l.O
C 'est ainsi, en tout cas, qu'un consultant américain
r-i
0
N inventa un b eau jour la métaphore de la « burning plat-
@
......
..c:
form ». Il venait de voir et d'entendre à la télévision le
c:n
·c
>
superintendant d'une plate- forn1e pétrolière en n1er du
o..
u
0
Nord raconter comment, après une explosion, il s'était
j eté dans l'eau glacée pour échapper au feu et ch oisi la
« mort probable » qu'impliquait ce saut dans l'inconnu,
plutô t qu'une « m ort certaine » s'il restait sur la plate-
forme en feu . .. Voilà comment la stratégie dite de la
« burning plaiform » est devenu e l'un des outils privilégiés
de la panoplie de tout plan de transformation. Elle per-
1net de 1nettre en exergue l'urgence de la transformation
32 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

et la nécessité d'un engagement total de chacun pour y


parvenir.

Si les craintes qui peuvent planer sur l'avenir d'une entre-


prise facilitent souvent l'acceptation d'une démarche
transformatrice, il est néann1oins préférable d'engager
le processus lorsque tout va bien, afin d'anticiper et de
garantir la pérennité de la société à plus long terme. Un
travail de conviction plutôt délicat à réussir.

Lorsque le besoin n' est pas du tout ressenti, il reviendra au


dirigeant de trouver les mots pour convaincre ses troupes
de prendre des risqu es et d'aller de l' avant. En jouant le
rôle de révélateur des points faibles, un contexte de crise
économique globale, m ême si celle-ci ne touche p as
directement l'entreprise, peut constituer en lui-mêm e une
sorte de burning plaiform. Dans l'étude de The Economist,
deux dirigeants sur trois avouaient d'ailleurs avoir pris
appui sur la crise que nous traversons pour initier une
transformation qu'il aurait été plus difficile de réaliser p ar
Vl
b eau ten1ps. De ce point de vue, la crise peut représen-
~
e> ter une opportunité, à condition qu'elle n'incite p as les
UJ
l.O
entreprises à agir trop rapidem ent, aiguillonnées par des
r-i
0
N objectifs de court terme. Un b on plan de transformation,
@
......
..c:
surtout si la m aison n e brûle pas, doit avoir comme prio-
c:n
·c
> rité d 'aider la société à se projeter sur des obj ectifs straté-
o..
u
0
giqu es à long terme.

TROUVER LE BON ANGLE D'ATIAQUE

Amélioration du taux de satisfaction clients, conquête de


p arts de m arch é ou, pourquoi pas, exaltation d'une cer-
taine fierté m étier sont des angles d 'attaque porteurs.
Transformation, remise en cause et progrès 33

Dans une entreprise sur un marché non concurrentiel et régulé où


/intervenais comme consultant, nous nous sommes posés, avec le
dirigeant, la question de la « burning platforn1 », qui ne pou-
vait venir ni d'une demande nouvelle des clients ni d'une néces-
sité économique, ni, a fortiori, d'une demande interne. Nous
avons mis en évidence que seule la fierté métier (être les meilleurs
du monde dans les métiers de l'entreprise) était un vecteur suf-
fisant pour engager un plan de transformation qui mobiliserait
vraiment les salariés.
Il arrive aussi que, dans ce travail de conviction, clients,
analystes, conseils extérieurs ou actionnaires viennent à la
rescousse du dirigeant. C'est souvent le cas, par exemple,
des sociétés de private equity qui sont naturellement des
actionnaires transformateurs. Elles ne s'intéressent p as à
un business pour ce qu'il est aujourd'hui, mais p our ce
qu'il p eut devenir demain.

DESSINER UNE VISION ET DES OBJECTIFS CLAIRS


Vl
~
e> Sans l'expression d 'une vision stratégique claire, le plan de
UJ
l.O
transformation risque de se dissoudre dans une série de
r-i
0
N projets qui ne mènent nulle part ou, ce qui revient au
@
...... même, d'entraîner la société dans une m auvaise direction .
..c:
c:n
·c
>
Les plans de transforn1ation
o..
u
0
ratés s'accompagnent tou- ' ' Le top management
jours de pléthore de projets, doit exprimer une vision du
de directives, de procédures,
futur suffisamment solide
de méthodologies, de pro-
sur le plan stratégique
gra1nn1es divers et variés,
mais on y ch erch erait en vain et qui, en même
la vision. Parfois, celle- ci est temps, fasse rêver les
tellement floue que, si vous collaborateurs.
34 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

les interrogez, les salariés d'un groupe en pleine transfor-


mation sont même incapables d'exprin1er le but de la
manœuvre en quelques mots, car ils n'en ont pas une idée
précise, ce qui n'est jamais bon signe. Il est essentiel que le
dirigeant et les principaux managers expriment une
vision du futur suffisamment forte, cohérente et alignée
pour séduire les esprits et les cœurs. Autrement dit, une
vision solide sur le plan stratégique et qui, en même
ten1.ps, soit susceptible de faire rêver les collaborateurs.

S'IMPLIQUER PERSONNELLEMENT

Inutile de non1.mer un transformateur en chef ou de


mobiliser un grand cabinet de conseil ! Après l'avoir
explicitée clairement, le dirigeant et son équipe rappro-
chée doivent s'impliquer personnellement - et du début
jusqu'à la fin - dans la mise en œuvre de la transforma-
tion. C'est fondamental.
Vl
~
e> Pour conrmencer, il ne faut pas considérer qu'une fois la
UJ
l.O
présentation du plan exposée lors de deux ou trois réu-
r-i
0
N nions, l'essentiel a été fait ! Parce qu'elle met en jeu des
@
......
..c:
aspects culturels, la mise en œuvre d'un plan de trans-
c:n
·c
>
formation exige du temps avant de porter ses fruits. Le
o..
u
0
dirigeant ne doit pas passer trop vite à autre chose, encore
moins déléguer la communication du plan (qui, par ail-
leurs, doit être très structurée) à la direction de la con1.mu-
nication. Il est indispensable que lui-même (et ses proches
collaborateurs) réaffirn1.e(nt) régulièrement les engage-
ments pris et mette(nt) en valeur les progrès réalisés, pro-
grès que l'on se sera donné les moyens de mesurer. Les
salariés ne seront en effet prêts à faire des sacrifices sur
Transformation, remise en cause et progrès 35

la durée que s'ils sont convaincus que le plan délivre des


améliorations concrètes, surtout si le plan de transforma-
tion comporte un volet « restructuration ».

FIXER DES OBJECTIFS PRÉCIS

Le plan doit être suffisamment précis et détaillé, car s'il ne


s'accon1.pagne pas d'objectifs précis et d'une mesure des
progrès accon1.plis, mais aussi de la mise en place d'une
manière de travailler ensen1.ble, la transformation ne dépas-
sera pas le stade des velléités. Lorsqu'on s'attaque au réel,
il faut entrer dans les détails, un endroit, chacun le sait, où
le diable souvent se cache ! Sans résultat à court terme, de
nombreuses personnes seraient vite tentées d'abandonner,
voire de rejoindre les rangs des résistants au changement.
Attention aux projets qui excèdent un ou deux ans, le
risque d' enlisen1.ent est réel. Il ne faut pas vouloir brûler
les étapes, mais veiller à jalonner et à pouvoir afficher des
résultats au bout de six mois, puis un an ...
Vl
~
e> Chez Atos)j)avais pris l'habitude de fixer des objectifs en chiffres
UJ
l.O
ronds) et si possible ambitieux. Par exemple) lorsque j) ai mis en
r-i
0
N place une organisation grands comptes) c) était une grande révolu-
@
......
..c:
tion au sein du groupe. Il s) agissait de former une sorte de corps
c:n
·c
>
d)élite composé d)une trentaine de personnes qui étaient maîtres
o..
u
0
du j eu en ce qui concernait certains comptes en particulier et
rapportaient directement à la direction générale) n)exerçaient pas
d) autorité hiérarchique sur l) opérationnel mais jouissaient d) une
autorité d)influence. ]) avais fixé comme objectif que la moitié de
ces comptes atteignent un chiffre d) affaires d) au moins 1OO mil-
lions d'euros en trois ans. Et) trois ans plus tard) nous avions en
portefeuille une quinz aine de comptes qui réalisaient effective-
ment plus de 1OO millions d)euros.
36 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

PEAUFINER L'EXÉCUTION

Conduire un plan de transformation quand la cible stra-


tégiqu e et opérationnelle est définie, c'est essentiellement
travailler simultanén1ent sur trois axes afin de changer la
culture de l'entreprise et d'obtenir les résultats visés avec
une réelle pérennité.
Le premier axe est celui del' organisation, c'est-à-dire l'or-
ganigramme, la définition des responsabilités, du rôle de
chacun, le choix des n1anagers. De ce premier axe, tout le
monde se préoccupe, et parfois au-delà du raisonnable ...
Certains pensent même que transfonner l'entreprise se
limite à changer d'organisation et que le reste suivra.
Le deuxième axe est celui des n1odes de fonctionnement :
comment doit fonctionner la nouvelle organisation, et en
particulier comment s'assurer que les interfaces entre les
diverses composantes de l'organisation soient optimisées.
Le troisiè1ne axe est celui des systèmes de manage1nent,
Vl des systèmes d'information, de la gouvernance. Où les
~
e> décisions vont-elles se prendre désormais, à quel moment
UJ
l.O
r-i
et avec qui ? Quels compteurs de performance, quelle
0
N structuration des réunions, quelle gouvernan ce pour
@
......
..c:
l'entreprise ?
c:n
·c
>
o..
0
Comment doivent évoluer à court et moyen terme les
u
systèm es d'information ? Une série de questions souvent
éludées.
Prenons un exemple et un contre-exemple dans deux grands
groupes français que je conseille : deux plans de transformation
quasi identiques, deux entreprises qui sont organisées en pays et
business units, et qui décident de créer un troisième axe « seg-
ment de marché ». La première investit 1OO millions d'euros
Transformation, remise en cause et progrès 37

dans la création de cette nouvelle organisation et décide d)y mettre


d)excellents éléments. Mais personne ne rijl,échit à la manière
dont les trois 01ganisations (pays) BU, segments) vont fonctionner
ensemble ni quels seront les systèmes de management à mettre en
œuvre. Trois ans plus tard) !'axe segments n)a pas trouvé sa légi-
timité et !'argent investi est loin d) avoir eu le retour escompté.
Avec un projet similaire) !'autre a rijl,échi énormément à cette
question du « travailler ensemble ») de la prise de décision et a
notamment imposé que chaque pays et chaque BU présente son
budget par segment. L) opération est un succès.
Organisation, modes de fonctionnement, systèmes de
management ... Ces trois points doivent être structurés
pour que la colonne verté-
brale de tout plan de transfor- ' ' La transformation
1nation soit solide.
est un processus évolutif
Si un plan de transformation qui nécessite un plan
doit être suffisamment précis précis qu'i 1ne faut pas
et détaillé pour réussir, il doit
hésiter à amender.
Vl
aussi pouvoir être modifié si
~
e> nécessaire. La transformation
UJ
l.O
est en effet un processus évolutif, ne serait- ce qu'en rai-
r-i
0
N son de sa durée. Pour s'engager dans une transformation,
@
......
..c:
il faut un plan. Pour la réussir, il ne faut pas avoir peur de
c:n
·c
>
l'amender. C'est bien la différence entre transformation
o..
u
0
et projet : un projet se gère en grande partie p ar l' élabo-
ration d'un planning précis, par la définition de responsa-
bilités claires, par la mise en place de routines de contrôle
qui assurent le bon pilotage de l'opération. L'incertitude
qui naît naturellement d ' un processus de transformation
requiert, en revanche, de la souplesse, de l'adaptabilité
pour faire ém erger en m archant la nouvelle organisation
et la nouvelle stratégie. Indispensables, les bilans d' étape
38 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

offrent l'occasion d'une évaluation et évitent quel' opéra-


tion de transformation ne se perde dans les sables.

VÉRIFIER QUE CHACUN S'APPROPRIE LE CHANGEMENT

Il est souvent assez facile de mobiliser le comité de direc-


tion et les managers principaux autour du plan de trans-
formation, mais cela ne doit pas être la cible unique du
dirigeant, loin de là. Si l'on veut con1battre les tentations
de résistance au changement présentes dans toute orga-
nisation, il est nécessaire de mobiliser une cible beau-
coup plus difficile à atteindre, à savoir le preniier niveau
de management. Ses me1nbres doivent comprendre
comment la transformation va améliorer leur travail au
quotidien et celui des personnes qu'ils dirigent. Définir
cette population comme cible du plan est beaucoup plus
porteur (et beaucoup plus « challenge »... ) que de se fixer
l'objectif de n1obiliser le haut management.
Vl
Il faudra ensuite vérifier que chacun s'approprie bien le
~
e> ch angement et que la culture de l'entreprise a changé en
UJ
l.O
profondeur, et non pour faire plaisir à tel ou tel dirigeant.
r-i
0
N Les enquêtes d'opinion sont souvent un bon moyen de
@
...... tester de n1anière confidentielle les états d' ân1e de la
..c:
c:n
·c
>
population. Les n1oyens modernes permettent de les faire
o..
u
0
à un coût très réduit.
Transformer, c'est entraîner les gens, leur donner
un nouvel espoir, une nouvelle motivation pour
que l'entreprise soit plus forte. Il faut tirer parti des
événements pour provoquer des changements
qui, autrement, seraient difficiles à accomplir.
Chapitre 4

Partenariat,
quand l'union fait la force

Sur le papier ou lors des nombreux colloques consacrés


au management, l'idée de partenariat est souvent mise
en valeur. Choisir un bon partenaire permet en effet de
réaliser mille choses que l'on ne pourrait, ou n'oserait,
accomplir seul : élargir son activité, défricher un nouveau
1narché, acquérir un nouveau n1.étier, un nouveau savoir-
faire, investir dans la R & D, faire preuve de flexibilité pour
répondre à la demande de la clientèle ou mieux 1naîtriser
les coûts. En outre, dans le monde de la globalisation et
d'Internet, tout ce qui fait appel, de près ou de loin, à la
philosophie collaborative est porté par les progrès de la
connectivité et l'explosion des échanges en tous genres.

~
Vl
Sur le terrain, toutefois, la démarche n'est pas toujours si
e> naturelle. Nombreux sont encore les dirigeants qui ont le
UJ
l.O
r-i
0
sentünent qu'adopter un partenariat les contraindrait for-
N
@ cément à abandonner une partie de leur pouvoir, à n1.oins
......
..c:
c:n qu'ils ne soient intimement convaincus qu'ils savent tel-
·c
>
o.. lement tout bien faire qu'ils n'ont besoin de personne. Ils
0
u
ont aussi tendance à penser, notamment lorsqu'une acti-
vité stratégique est en jeu, qu'ils doivent absolun1.ent la
maîtriser seuls, en oubliant de se demander comment, dès
lors que cette activité est précisén1.ent stratégique pour
l'entreprise, la mettre en œuvre le mieux possible.

La décision de conclure un (ou une série de) partena-


riat(s) ne va donc pas forcén1.ent de soi. Pourtant, il s'agit
40 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

souvent d'une approche créatrice de valeur, notanunent


lorsqu'il est question d'apprendre à connaître un pays et
de s'y développer, tout en partageant les coûts et en niini-
niisant les risques, notanunent dans les pays à risques poli-
tiques et écononiiques. Il y a d'ailleurs des pays -1' Arabie
saoudite, par exemple - où il est impossible de s'implan-
ter autrement. En Chine conune en Afrique du Sud, la
constitution d'une joint-venture OV) n'est pas obligatoire,
mais la formule reste le mode d'implantation privilégié.
\
A condition d) avoir bien en tête que la gestion des risques et de la
propriété intellectuelle est cruciale) et que - même si le patron est
la plupart du temps local - il vous faudra imposer votre directeur
financier, la ]V franco-chinoise peut représenter une formidable
opportunité de conquête de cet immense marché et devenir un
authentique accélérateur de développement.]) ai le souvenir de
mon implantation dans l) Empire du Milieu : en deux ans) nous
avions conquis le quart du marché chinois grâce à notre partenaire
qui nous avait ouvert les portes de tous les grands comptes. Et)
même dans des pays beaucoup plus proches et beaucoup moins
~
Vl
risqués) il est souvent irremplaçable d) apprendre le marché en
e> travaillant avec des acteurs locaux : Atos a toujours bien réussi
UJ
l.O
r-i
0
en Allemagne grâce à la courbe d)expérience que nous avions
N
@ acquise en créant des joint-ventures avec des banques locales.
......
..c:
c:n
·c
>
Un parten ariat réussi suppose toutefois d'avoir les idées
o..
u
0
claires sur les conditions requises pour réussir un compa-
gnonnage durable. Construire un partenariat stratégique
doit être une décision mûrement réfléchie, et non le fruit
d'une rencontre ou d'une opportunité, car c'est une opé-
ration complexe qui requiert un investissement en temps
conséquent, afin de choisir le ou les bon(s) partenaire(s)
et de mettre en place l'organisation destinée à traiter l'in-
tégralité du cycle de vie de cette aventure comn1une, à
Partenariat, quand l'union fait la force 41

savoir sa conception, son n1ontage, sa gestion et son déve-


loppement. Sans oublier les conditions de sortie.

NOUER DES LIENS CAPITALISTIQUES

La première condition pour qu'un partenariat soit efficace


est qu'il soit concrétisé par des liens capitalistiques. C'est
même, à nos yeux, « la )> condition préalable. En général,
tout ce qui est simple alliance commerciale, accord plus
ou moins vague de coopération, ne marche pas. La chro-
nique de la vie des affaires abonde de ces accords de
coopération conclus à l'issue d'une rencontre réussie entre
deux P-D.G., m ais restés lettres mortes parce que, des
deux côtés, les troupes ont traîné les pieds et ne se sont
jan1ais vrain1ent approprié le
projet ... Seuls les liens capita- ''
Seuls les liens
listiques associés à un engage-
ment fort du top managen1ent capitalistiques associés
sont susceptibles d'aboutir à à un engagement fort du
~
Vl
la mise sur pied d'une véri- top management peuvent
e> table joint-venture.
UJ aboutir à une joint-venture
l.O
r-i
0
N ]'ai fait l'expérience du contre- qui fonctionne.
@
...... exemple avec un grand construc-
..c:
c:n
·c
>
teur automobile qui avait décidé de découper son informatique en
o..
u
0
trois (infrastructures, tests/PC, applications) et de nous confier
la gestion de ses applications informatiques. Le directeur infor-
matique avait été séduit par mon idée de ]V, mais l'expérience
a échoué, dès lors qu'il a reculé sur les conditions de la mise en
œuvreface à la pression des syndicats qui redoutaient que les col-
laborateurs destinés à entrer dans notre orbite soient moins pro-
tégés. Nous avons bien créé une ]V, mais une ]V virtuelle, sans
la structure juridique ad h oc . R ésultat : il a fallu travailler avec
42 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

une société en double commande, dont la gouvernance n'était pas


claire, les décisions difficiles à prendre, d'autant que les interlo-
cuteurs changeaient régulièrement, et les gains de productivité
n'ont pas été aussi importants qu'ils auraient pu l'être. Voilà un
exemple de ce qu'il ne faut pas Jaire en matière de partenariat.
Autre exemple, chez Alstom : chaque fois que nous avons fait
un partenariat local, mais non capitalistique, l'aventure a tourné
court.
La création d'une joint-venture de transition peut se révé-
ler utile. Par exemple, pour gagner un contrat d' outsourcing
avec un client.
Pour La Redoute, l'informatique était une activité totalement
stratégique, mais le P-D. G. de l'époque souhaitait rationaliser le
coût de ce poste tout en redoutant les réactions que l'outsourcing
pourrait susciter sur le plan social. Nous avons eu l'idée de créer
un partenariat sous la forme d'une joint-venture de transition
~a société avait vocation à exister cinq ans, la durée du contrat)
détenue à 80 % par Atos et à 20 % par La Redoute. Cela
permettait d'expliquer aux équipes de vépécistes que Redcats, la
Vl
~ maison-mère de La Redoute, gardait la maîtrise stratégique de
e>
UJ son informatique, même si son personnel informatique passait
l.O
r-i
0
N
dans le giron d'Atos. La transformation du statut s'est opérée
@
......
en conformité avec les règles sociales et, en l'espèce, elle était
..c:
c:n
·c facilitée par le fait qu 'Atos était très implantée et très connue
>
o..
u
0 dans le nord de la France. Pour le vépéciste, l'intérêt d'une telle
opération était- outre l'aspect financier- de bénlficier du savoir-
Jaire d'une entreprise spécialisée comme la nôtre. Pour nous, le
contrôle de l'informatique d'un client constitue un atout commer-
cial considérable car, progressivement, il est plus facile d'écarter
toute concurrence et de couvrir l'ensemble de ses besoins.
Partenariat, quand l'union fait la force 43

Mais, la plupart du temps, ce qui motive un partenariat,


c'est évidemment l'idée que l'union des savoir-faire favo-
rise le développement des deux partenaires. Que l'union
fait la force, en quelque sorte.

En 1996, au moment où Axime devenait Atos, j'ai convaincu


Jean-François Théodore, le patron de la Bourse de Paris, de loger
la gestion de son informatique (c'est-à-dire à la fois la gestion
de la Bourse elle-même et des produits qu'elle commercialisait)
\

dans une société commune. A l'époque, la Bourse de Paris avait


une informatique de qualité, mais l'informatique d'une petite
entreprise. Son président a compris que, s'il voulait se développer,
il avait besoin d'un partenaire et j'ai réussi à le convaincre des
vertus d'une joint-venture.

SOIGNER SA GOUVERNANCE

La joint-venture peut représenter pour les deux parte-


naires un excellent outil de développement, dès lors
~
Vl
qu'elle est bien pensée dès le départ et que la nl.Ïse en
e> œuvre est parfaitement exécutée. Dans une association
UJ
l.O
r-i
0
client/ fournisseur, un bon partenaire est un partenaire
N
@ avec lequel vous avez une relation équilibrée. En parti-
......
..c:
c:n culier, le client ne doit jamais perdre la maîtrise straté-
·c
>
o.. gique. Il faut donc réfléchir soigneusement en amont à
0
u
la gouvernance, prévoir tous les cas de figure, y co1npris
les clauses de sortie, car c'est lorsqu'on s'entend bien qu'il
faut prévoir le pire. Il faut aussi disposer d'une structure
qui permette de régler très vite les problèmes qui ne nlan-
queront pas de surgir.

Dans la JV Atos/Bourse de Paris, Jean-François Théodore


était président du conseil de surveillance (j'étais moi-même
44 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

vice-président), il gardait donc bien la maîtrise stratégique, et son


directeur informatique fut nommé président du directoire et sala-
rié d'Atos. Dès qu'un problème survenait, nous nous parlions
I

afin de le résoudre le plus rapidement possible. Evidemment,


c'était plus facile que dans les très grands groupes où ce ne sont
pas les présidents qui vont régler les problèmes ! La transparence
sur les coûts fut un autre facteur de succès.

JOUER LE JEU DE LA TRANSPARENCE

La transparence constitue le deuxième avantage essentiel


de la joint-venture : elle est totale sur les coûts, ce qui
n'est j amais le cas dans une relation client/fournisseur.
Dans le cas de la ]V Atos /Bourse de Paris, j'avais en outre pris
un engagement sur les coûts : une réduction de 20 % du bud-
get informatique par rapport à ce qui était au départ l'objectif
de notre partenaire. Un engagement qui présentait un double
avantage : c'était évidemment un mgument très fort pour mon
Vl partenaire et cela mettait mes propres équipes sous tension.
~
e>
UJ
l.O
r-i

~
@
CHOISIR DES HOMMES DE QUALITÉ
......
..c:
c:n
·c
>
Le troisième atout d'un partena-
o..
u
0
' ' Il ne faut pas riat, c'est la qualité des ressources
hésiter à placer humaines qui sont mobilisées
des collaborateurs pour le mettre en œuvre. Il ne
de grande qualité faut surtout pas h ésiter à placer
des collaborateurs de grande
aux commandes
qualité aux comn1andes d'une
d'une joint-venture. joint-venture, notan1ffient le
patron et le directeur financier.
Partenariat, quand l'union fait la force 45

Dans le partenariat Atos /Bourse de Paris, c'est ce que nous


avions d'emblée décidé de fa ire. Par ailleurs, dans une telle opéra-
tion, il est toujours plus facile de convaincre les collaborateurs de
basculer dans une société commune où leur entreprise, en l'espèce
la Bourse de Paris, reste actionnaire, plutôt que de les contraindre
à quitter leur société, surtout s'ils s'estimaient bien protégés.
Un tel partenariat a permis à la Bourse de Paris de bénificier
de toutes les ressources et capacités d'innovation d'Atos dans
le domaine informatique, et à Atos d'acquérir une compétence
très spécifique dans le domaine des platesjormes financières, et
surtout de grandir avec son client (sur la période, la Bourse de
Paris a réalisé plusieurs opérations de consolidation en rachetant
d'autres Bourses européennes), et, qui plus est, de grandir sans
concurrence, ce qui est toujours précieux ! Ce fut pour les deux
partenaires une très belle opportunité de développement. En dix
ans, la ]V est passée de 50 à 350 millions d'euros.

ACCÉLÉRER LE DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL


Vl
~ Si toutes ces conditions sont réunies, le partenariat consti-
e>
UJ tuera une belle opportunité de développement. Pourtant,
l.O
r-i
0
N
dans les entreprises, y compris les plus grandes,la démarche
@
......
est souvent le fruit soit d'un lien personnel, soit d'une
..c:
c:n
·c occasion qui se présente. Elle est rarement suffisamment
>
o..
u
0 pensée, suffisamn1ent structurée, alors qu'elle devrait être
intégrée dans une approche commerciale globale.Y co1n-
pris dans les grands groupes, où il est finalen1ent assez
rare qu'une personne soit en charge de cette question.
Les PME sont encore plus démunies et ne pensent pas
spontanément à l'option du partenariat pour développer
leur business.
46 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

Je conseille, par exemple, une start-up spécialisée dans la régu-


lation de la consommation d'énergie électrique. Pour son déve-
loppement à l'international, l'entreprise n'avait pas rijl,échi aux
perspectives ouvertes par l'idée de bâtir des ]V avec ses propres
clients, même en étant minoritaire au capital. Ce n'était pas une
démarche naturelle. La création de joint-ventures leur a permis
de faire croître de manière spectaculaire leur carnet de commandes.

(RÉER DE LA VALEUR ENSEMBLE

À titre individuel comme dans le monde de l'entreprise,


cultiver son réseau, mettre des personnes en contact
revient forcément, de manière informelle, à créer de la
valeur. Or, les entreprises n'y pensent pas toujours. Il est
pourtant parfois plus rapide et moins coûteux de s'ap-
puyer sur des partenaires issus d 'un réseau, plutôt que de
prétendre tout mettre en œuvre en solo pour atteindre
tel ou tel objectif d'une stratégie. Une entreprise peut
Vl
gagner un temps précieux en créant et en cultivant un
~
e> excellent réseau de fournisseurs.
UJ
l.O
De mên'le, une entreprise n'lulti-
r-i
0
N
' ' Une entreprise nationale pourra peut-être plus
@
...... peut gagner un temps facilement valoriser ses compé-
..c:
c:n
·c
>
précieux en créant et tences si elle est ouverte à une
o..
u
0
en cultivant un excellent approche collaborative avec
réseau de fournisseurs. différents partenaires étrangers.
Dans un monde de plus en plus
interconnecté, l' approch e en
réseau est générale1nent très efficace. À une condition :
être capable de renoncer à vouloir décider de tout ! De
même, dans certaines professions (le conseil, par exemple),
le réseau est essentiel à la réussite et plus facile à vivre au
Partenariat, quand l'union fait la force 47

quotidien que les contraintes d'une structure d'entreprise


traditionnelle. Pour un conseil, travailler en réseau per-
met souvent de décupler les compétences dans un schéma
écononuque parfaitement n1aîtrisé.

CONSTITUER UN LEVIER DE CHANGEMENT

Enfin, il ne faut pas en négliger les vertus internes.

Lorsque je dirigeais Atos)je me souviens d) avoir eu du mal àfaire


accepter à mes équipes de développer une coopération avec celles
d)Accenture. A' cette époque) Accenture jouissait d)une position
dominante dans le conseil et il était de bon ton d'en critiquer les
méthodes ! Pourtant, ce fut très fécond pour nous. Lorsque vous
travaillez avec un partenaire) cela vous oblige à être transparent)
impeccable, rigoureux ... C'est un vecteur de discipline interne et
de rigueur sans pareil.

Un partenariat contraint tout le monde à s'organiser, à


Vl
être clair, les dirigeants à s'engager. Il oblige aussi à être
~
e> très rigoureux dans le choix des partenaires comme des
UJ
l.O
projets à partager, car on peut aussi dépenser beaucoup
r-i
0
N d'énergie dans des partenariats qui ne rapportent rien.
@
......
..c:
c:n
·c
Bien entendu, la volonté d'aller de l'avant, de collaborer, de
>
o..
0
partager des savoir-faire et des aventures commerciales ne
u
dispense pas de toute vigilance. Bien au contraire. Surtout
lorsqu'il s'agit de nouer des partenariats avec des acteurs
étrangers, qui ne partagent
pas les n1ê1nes habitudes et la ' ' 11 faut dès le départ
même culture des affaires. se donner les moyens, y
En particulier, il faut dès le compris juridiques, de
départ se donner les 1noyens, bien maîtriser les risques .
48 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

y compris juridiques, de bien m aîtriser les risqu es, qui


doivent être calculés et anticipés, et s'efforcer de ban-
nir tout an gélisme car vous donnez accès à des systèmes
d'information, à des technologies, à des savoir-faire, à des
compétences- clés, sans oublier le risqu e de se faire tout
simplem ent déb aucher ses m eilleurs collaborateurs !

Le partenariat est un moyen formidable de


développement, d'apprentissage d'un pays, de
terrain d'expérience pour les hauts potentiels.
Le partenariat permet d'apprendre en limitant
les risques, il ouvre la voie à une nouvelle forme
d'organisation des entreprises.

Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Chapitre 5

Acquisition,
l'accélérateur stratégique
Acquisition. Souvent associé au vocable « fusion » dans
le j argon entrepreneurial, le n1ot exerce une certaine
fascination. Il fait rêver la plupart des dirigeants d'entre-
prise, comme une promesse de nouveauté, de découverte,
d'aventure professionnelle aussi, à la fois individuelle et
collective. Une acquisition ressemble à une conquête
qu'il s'agit d'entreprendre à bon escient, une décision qui
engage parfois - en tout cas pour les acquisitions d'une
certaine an1pleur - jusqu'à l'avenir de l'entreprise. D'où
le sentin1ent de vivre une aventure exceptionnelle. Tous
ceux qui ont eu l'occasion d'y participer le savent : toute
acquisition d'importance apporte son lot d'excitation,
de pression positive. C'est la raison pour laquelle tout le
Vl
~ inonde ou presque rêve d'être impliqué lorsqu'une telle
e> opération se dessine.
UJ
l.O
r-i
0
N Pour autant , lorsqu 'un dirigeant décide de réaliser une
@
......
..c:
acquisition, ce n'est pas pour le plaisir de la découverte
c:n
·c
>
ni pour recevoir sa dose quotidienne d'adrénaline. Ce
o..
u
0
n'est pas non plus pour avoir siinplement la satisfaction
de voir le périmètre de son entreprise prendre de l'am-
pleur, encore moins parce qu'il s'agirait de masquer - au
moins provisoirement - une situation difficile. S'il se lance
dans une opération de ce type, c'est parce qu'il a en tête
une stratégie claire et qu'à un manient donné, il espère
que celle-ci va pern1ettre à son entreprise de franchir un
cap. Toute opération d'acquisition n 'est pas forcément
50 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

« stratégique », une expression souvent galvaudée, s'il


s'agit de dire que l'entreprise serait en péril si elle ne la
réalisait pas. En revanche, et c'est le prenlier point essen-
tiel qu'il faut souligner ici, une acquisition est en principe
un moyen d'accélérer la nùse en œuvre d'une stratégie.
C'est aussi l'occasion d'acclimater dans son entreprise une
culture du mouvement, car il n'existe rien de nlieux que
la croissance pour nourrir une dynamique collective.

CONSTRUIRE ET CULTIVER UN RÉSEAU DE RELATIONS

L'acquisition est un accélérateur de croissance sans égal,


à condition, bien sûr, de sélectionner sa cible avec le plus
grand soin et de savoir saisir une opportunité au bon
mon1ent. Pour cela, il faut être constamment en éveil,
cultiver une connaissance approfondie de son secteur
d'activité, et surtout avoir su tisser des liens avec l'en-
semble des acteurs de l'écosystème. C'est la raison pour
~
Vl laquelle, au départ, une acquisition est toujours l'affaire
e> du dirigeant. Et de lui seul. C'est lui qui, dans la durée,
UJ
l.O
r-i
pourra se donner les nîoyens d' être informé de tout ce
0
N
@
qui se passe dans son environnement « business » grâce à
......
..c:
c:n
des contacts nombreux, divers et réguliers .
·c
>
o..
u
0
Naturellement, il faut p arler avec tous ceux qui, d'une
manière ou d 'une autre, évoluent dans son environne-
ment d'affaires. Clients et fournisseurs, bien sûr, mais aussi
consultants, analystes (financiers ou métier), investisseurs,
b anquiers, même si l'expérience prouve que ces derniers
sont souvent en retard sur l'information ... Notamment
sur les PME car ils ne sont pas équipés pour attraper
dans leur radar ces perles qui, dans un secteur comnîe
Acquisition, l'accélérateur stratégique 51

l'informatique, sont susceptibles de vous apporter - à un


mon1ent donné - une idée ou une technologie inno-
"
vante. Etre bien inforn1é suppose aussi d'être à l'écoute
de ses propres collaborateurs et de faire le tri dans les
inforn1ations qu'ils font remonter de leurs contacts avec
les clients. Il est utile d'être accompagné par une ou deux
« têtes chercheuses », souvent des collaborateurs hors hié-
rarchie, qui vous rapportent directement. S'entourer de
personnalités qui ne sont pas dans le moule, cultiver la
pluridisciplinarité aide à anticiper les évolutions straté-
giques et les opportunités qui leur sont associées.

Pour réaliser une acquisition dans de bonnes conditions,


il faut non seulen1ent avoir une connaissance approfondie
de l'environnement, n1ais aussi, dans la mesure du pos-
sible, de la cible. Quoi de plus efficace, alors, que de parler
régulièrement avec ses concurrents ? L'idée pourra se1n-
bler toute simple, mais la pratique n'est pas si courante. Il
y a des secteurs où la tradition du secret reste vivace. De
non1breux dirigeants cultivent aussi la méfiance vis-à-vis
~
Vl
de leurs concurrents et redoutent de se laisser entraîner
e> à faire des confidences. Or, échanger régulièren1ent avec
UJ
l.O
r-i
0
la concurrence, même au risque de lâcher de temps en
N
@ ten1ps des informations, permet de nouer une relation qui
......
..c:
c:n se révélera peut-être décisive le moment venu. Surtout si
·c
>
o..
0
l'on préfère réaliser une opération de gré à gré, plutôt que
u
de concourir dans un appel d'offres !

Lorsque j'ai acheté Sligos, son président de l'époque vivait avec la


hantise que sa firme soit rachetée par un Américain. Nous avons
échangé pendant des années, et lorsque la vente s'est imposée à
lui, il est venu naturellement vers moi parce qu'il me connaissait.
Chez Atos, c'était d'ailleurs une règle : aucun projet n'était étu-
dié avant que j'aie rencontré le dirigeant.
52 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

OSER LE « BIG BANG »

Premier conseil inspiré de l'expérience : une fois la cible


repérée, pas question de se laisser in1pressionner par sa
taille. Beaucoup de dirigeants en ont peur, surtout si l'en-
treprise est étrangère, et sont effrayés à l'idée de perdre la
1naîtrise et le contrôle. Ils préfèrent limiter leurs ambitions
et ont tendance à ne pas entreprendre une opération en rai-
son des dimensions de leur cible potentielle. L'expérience
prouve pourtant qu'il est en réalité plus facile d'acheter
une grande entreprise qu'une PME, car les équipes sont
plus faciles à intégrer, les b ases clients sont plus complé-
mentaires et les synergies plus in1portantes. C'est plutôt
la croissance douce, à coup de rachats successifs de petites
sociétés, qui risque d'accu1nuler les h andicaps : l'acqui-
sition d 'une petite entreprise, même profitable, n'a p as
d'impact sur le résultat global. Il est toujours difficile d'y
attirer des managers de h aut niveau ; et, quelle que soit
la taille, l' équip e dirigeante
' ' Il ne faut pas avoir consommera le 1nême temps
Vl
~
peur de la taille. Il n'y de management dans l'opéra-
e>
UJ
a rien de plus difficile tion, surtout s'il s'agit d'une
l.O
r-i
0 firme étrangère. Pour to utes
N que d'intégrer un grand
@
......
ces raisons, le « big bang »
..c:
c:n
nombre de sociétés nous paraît souvent préfé-
·c
>
o..
0
de petite taille. rable aux petits pas.
u

CJ est ce que/ ai fait en 2000 en rachetant Origin (1 J7 mil-


liard d J euros de chiffre d J effaires et 2 0 000 personnes dans une
centaine de pays)) les activités informatiques de Philips. Le nou-
veau Groupe)Atos Origin, est devenu une entreprise de quelque
3 milliards d euros de chiffre d affaires.
J J
Acquisition, l'accélérateur stratégique 53

DÉCHIFFRER LES MOTIVATIONS DU VENDEUR

Lorsque le n1oment est venu d'entrer dans le vif de la


négociation, le dirigeant ne doit pas déléguer cette étape,
ou la déléguer le moins possible. Telle est en tout cas notre
conviction. Certains patrons participent peu aux opéra-
tions d'acquisition et préfèrent laisser faire les honlllles de
l'art, soit internes (lorsque la taille de l'entreprise autorise
une équipe dédiée), soit externes (les consultants). Nous
pensons, au contraire, que pour réaliser une acquisition
dans les meilleures conditions, il revient au dirigeant de
soigner chaque petit détail, et cela peut aller jusqu'au choix
du bon moment pour négocier (l'expérience montre, par
exen1ple, que l' été est souvent la belle saison pour le faire
en toute discrétion et confidentialité !) , et de s'impliquer
p ersonnellem ent du début à la fin de la négociation.

Le candidat au rachat devra, pour conllllencer, identifier


le véritable décideur. Souvent, on discute avec quelqu'un
et l'on s'aperçoit par la suite qu'il n'est que le missi domi-
~
Vl
nici du vendeur. Il faut égalen1ent cerner ses motivations
e> en nouant contact avec lui, en l'écoutant, en l' encoura-
UJ
l.O
r-i
0
geant à s'épancher, à raconter son histoire. Il est essentiel
N
@ de bien comprendre quel est son état d'esprit, sa psycho-
......
..c:
c:n logie, sa culture, les raisons qui l'animent. Connaître les
·c
>
o..
0
motivations à la fois personnelles et professionnelles du
u
vendeur est fondam ental pour réaliser un bon « deal ».
Est-il vraiment décidé à vendre ? Est-il dans une situation
financière plus ou moins délicate ? Que souhaite-t-il faire
à titre p ersonnel (partir ou rester) ? Quel est son agenda
(a-t-il du temps devant lui ou pas .. . ) ?

Je me souviens d'une acquisition que j'ai réalisée à l'été 1996.


Il s'agissait des activités d'infogérance d'une société qui avait été
54 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

rachetée par un groupe américain. Celui-ci avait mis un de ses


cadres dirigeants à la tête de l'entreprise française en lui donnant
comme consigne de céder toutes les activités qui n'étaient pas
« core business ». n était clair pour moi que ce patron de filiale
n'aurait de cesse de vendre avant la fin de l'année, satif à avoir
des comptes à rendre à la maison-mère.]'avais un avantage déci-
sif, je connaissais sa contrainte de temps. Acheter ou vendre à un
grand groupe une activité qui n'est pas « core business »,c'est
ce qu'il y a de mieux en ce qui concerne les conditions de
négociation !
En général, un vendeur cède
' ' Négocier, acheter ou bien sûr son entreprise pour
vendre à un grand groupe des raisons financières, mais
une activité qui n'est pas il a égalen1ent besoin, sur-
« core business » est tout s'il a créé l'entreprise, de
souvent une bonne affaire. sentir la vision de l'acheteur.
C'est la raison pour laquelle il
est important que celui-ci se révèle patient, tenace, qu'il
sache écouter et séduire aussi ... La plupart des acheteurs
~
Vl
potentiels ne voient pas l'intérêt de passer du temps à
e> « cocooner » le vendeur. Et pourtant, ce temps passé au
UJ
l.O
r-i départ peut avoir à l'arrivée une incidence importante
0
N
@
sur les conditions managériales et surtout financières de
......
..c:
c:n
l'opération.
·c
>
o..
0
u

NE PAS SURPAYER

Pour la valorisation et l'appréciation de la solidité finan-


cière, il existe bien entendu les audits classiques (comptable,
juridique, financier) réalisés par les cabinets spécialisés ...
Autant de diagnostics nécessaires, mais insuffisants. Les
experts vous évitent généralement les grosses erreurs, mais
Acquisition, l'accélérateur stratégique 55

c'est tout. En un mois, même une équipe compétente ne


peut prétendre poser un diagnostic approfondi sur une
entreprise. Sil' acheteur veut se forger une opinion défini-
tive sur l'opportunité du deal tout en évitant de surpayer,
il doit aussi compter sur quelques réflexes de bon sens et
sur son intuition.
Interroger discrètement les clients est central car leur
« vécu » de la relation commerciale est riche d'enseigne-
ments. Faire un tour sur le (les) site(s) de production et
dans les bureaux permet de sentir le climat qui règne dans
l'entreprise. Un exercice instructif. Tout comme l' étude
aussi approfondie que possible des éléments-clés, qu'il
s'agisse des potentialités de l'entreprise ou, au contraire,
de ceux qui peuvent poser problèm e. Ainsi, il est indis-
pensable de procéder à l' exa1nen attentif des activités ou
dép artem ents souvent considérés comme les maillons
faibles de nombreuses entreprises, notamment françaises :
qu'il soit question des performan ces du commercial, du
ratio coût/ efficacité du budget de R & D ou de la pré-
~
Vl sence d' activités non stratégiques dans le portefeuille . . .
e> D ans pratiquem ent tous les secteurs, on peut considérer
UJ
l.O
r-i
qu'en moyenne de 20 à 30 % des activités ne sont p as
0
N
@
utiles à la croissance de l' entreprise car si la plupart des
......
..c:
c:n
dirigeants adorent racheter des entreprises, ils répugnent
·c
>
o.. tout autant à vendre quoi que ce soit.
0
u
Pendant les dix -huit années passées chez Atos, j'ai vendu près
de 1, 5 milliard d'euros d'activités qui n'étaient pas « core
business ». Mais peu de dirigeants le font.
Résultat : une entreprise empile souvent les activités au
fil du temps, comme à la m aison une famille accumule
les provisions dans les arn1oires, sans j an1ais se résigner à
faire le tri.
56 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

Cet inventaire raisonné fait partie d'une revue de détail


destinée à identifier les gisements de coûts superflus : siège
social, in1mobilisations, achats, organisation de la produc-
tion, R & D ... Autant de postes sur lesquels il existe sou-
vent des marges de manœuvre in1portantes.

Une entreprise doit opérer avec un siège léger, composé de peu de


personnes très qualifiées qui visitent régulièrement les opérations.
Toute personne qui n)est pas en contact avec un client doit être
considérée comme suspecte ! Le budget de R & D fait également
partie des postes à regarder de près. On sait très bien que les cher-
cheurs constituent une des populations les plus réticentes au change-
ment. L)équipe «rachetée» aura toujours tendance à vous dire qu)il
ne faut pas toucher à son budget car c) est l'avenir de l'entreprise.
Mais lorsque vous y regardez de plus près) c) est souvent une boîte
noire autant qu) une mine d'économies potentielles !]'ai en tête, par
exemple, le budget de R & D d)unegrande entreprise du CAC 40:
sur 1 milliard d'euros, les dix projets vraiment stratégiques ne pèsent
que 25 % du total. En revanche, le reste est éparpillé sur des pistes
qui partent dans tous les sens, sans vision stratégique.
Vl
~
e> Un tour d'horizon complet, qu'on ne laisse à personne
UJ
l.O
d'autre le soin de faire, pern1ettra de se faire une idée
r-i
0
N précise de la valeur réelle de la cible convoitée et des pre-
.' .
a' engager.
@
......
..c:
rmeres actions
c:n
·c
>
o..
0
u

S'ENTOURER D'UNE ÉQUIPE LÉGÈRE

Si vous disposez d'un département dédié dans l'entre-


prise, il faut veiller à ce que cette équipe soit aussi svelte
que possible. Une grosse équipe est forcén1ent avalée par
la bureaucratie, et le temps p assé à regarder des dossiers
se révèle le plus souvent stérile. Dans la perspective d'une
Acquisition, l'accélérateur stratégique 57

opération, le dirigeant doits' entourer d'une petite équipe,


hon1ogène, dont les membres ont l'habitude de travailler
ensemble, parfois « enrichie » par une ou deux indivi-
dualités issues de l'extérieur, en fonction de telle ou telle
question spécifique posée par le deal. Quant au conseil (et
aux experts), il s'agit de les utiliser à bon escient, c'est-
à-dire de leur demander de l'aide, sur un (ou quelques)
sujet(s) précis, et plutôt après l'acquisition.
En revanche, pas question pour le dirigeant de devenir
le coordinateur qui délègue l'essentiel de l'opération aux
grands cabinets de conseil de la place. Il n'est pas davan-
tage recommandé de laisser ses propres managers s'im-
pliquer trop tôt dans une acquisition. D'abord parce que
l'opération les détourne du business opérationnel. Ensuite,
parce qu'ils seront forcément préoccupés par leur destin
p ersonnel, ce qui pourrait les inciter à peser sur telle ou
telle décision, voire risquer de faire capoter l'opération.
Chez Atos, aucun manager n'était impliqué dans les opérations
de M & A, en tout cas au début.
Vl
~
e> Enfin, au moment de conclure la négociation, il est impor-
UJ
l.O
r-i
tant de ne pas laisser juristes et / ou banquiers négocier,
0
N mais de diriger soi-même la m anœuvre et de prêter atten-
@
...... tion à la protection juridique presque toujours insuffisante,
..c:
c:n
·c
>
o..
même si l'on a l'impression d'avoir signé un document
0
u « bordé » de tous les côtés. Alors, l' essentiel reste à faire :
réussir la fusion des organisations et surtout des équipes.

RASSURER ET INFORMER CLIENTS ET SALARIÉS

Pour n1ettre la nouvelle entité sur de bons rails, il est


prioritaire de rassurer et d'inforn1er clients et salariés
58 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

rapidement. Les clients des deux entités concernées


doivent notanunent être visités systén1atiquement.

Lorsque nous avons racheté Sema, le premier jour je me suis


donné deux priorités : rencontrer le patron du Comité interna-
tional olympique (Sema avait le contrat des JO) pour l'assurer
de la continuité totale et les dirigeants de Standard Chartered
qui avaient décidé de changer de fournisseur. Je les ai convaincus
de nous donner trois semaines et nous avons finalement conservé
le contrat. Le fait que j'aie pu consolider d'emblée deux contrats
importants est apparu comme un signal très fort pour les salariés
de la nouvelle entreprise.
Si la co1nn1unication en direction des grands clients est
relativement sin1ple à mettre en œuvre, celle qui s'adresse
aux salariés des deux entités requiert beaucoup de soin.
Nous ne parlons pas ici des acquisitions où l'on se contente
d'acheter une technologie innovante ou une part de mar-
ché dans tel ou tel pays étranger, mais de celles qui trans-
forn1ent et débouchent sur la création d'une nouvelle
Vl
entreprise. Un scénario qui implique une véritable trans-
~
e> formation avec, à la clé, la modification en profondeur de
UJ
l.O
l'organisation. Rien ne serait pire que de vouloir imposer
r-i
0
N d'en haut le « modèle » d'organisation de l'acquéreur.
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u GARDER LES MEILLEURS

Tout d'abord, il s'agit de réussir la prenuère prise de


contact. Une grande partie du succès de la fusion se joue
sur la qualité de la communication interne. Lors d'une
fusion, la première réaction des collaborateurs est tou-
jours positive (« nous son1n1es désormais plus puissants,
plus forts », etc.), m ais la seconde est plus nuancée. Il y a
Acquisition, l'accélérateur stratégique 59

forcément rapidement de
l'inquiétude dans l'air: que ' ' Garder les meilleurs
va-t-il n1' arriver ? Mon boss
restera-t-il mon boss ?
doit être le premier
Aurai-je den1ain plus ou objectif d'une acquisition.
moins de responsabilités, de
perspectives de carrière qu'hier ? L'acquisition fait en
effet très peur aux salariés, même si l'on observe une
fanùliarité qui se crée au fur et à n1esure des acquisitions,
les plus protégés ayant le plus peur, mais le changen1ent
est aussi apprécié quand il est positif. Le rôle du patron est
ici de rassurer. Car si l'inquiétude n'est pas vite désamor-
cée, elle peut provoquer des malentendus, des blocages,
voire une hémorragie parmi les meilleurs éléments.
Courtisés par les chasseurs de têtes, les experts ou les res-
ponsables de grands con1ptes risquent d'être les premiers
à dénùssionner si l'entreprise n'y prend garde. D'autant
que toute entreprise qui fusionne ou est rachetée fait
l'objet d'attaques de ses concurrents. Pendant quelques
Vl
mois, elle est fragilisée.
~
e>
UJ
l.O
Perdre les n1eilleurs est souvent le premier risque d'une
r-i
0
N acquisition. Et, là encore, le rôle du dirigeant est décisif.
@
......
..c:
Bien sûr, il dispose de toute la panoplie des nouveaux
c:n
·c
>
outils de conununication, mais il doit rencontrer person-
o..
u
0
nellen1ent les salariés, certains par petits groupes, d'autres
en tête à tête, leur parler sin1plement et clairement car
rien ne remplace la présence et le contact directs. Il ne
doit pas hésiter à faire le tour des opérations, à y consacrer
du temps, à parler aux uns et aux autres afin de leur expli-
quer la stratégie, l'objectif de la nouvelle organisation
et répondre aux questions. Plus encore s'il s'agit d'une
acquisition à l'international.
60 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

BÂTIR UN ORGANIGRAMME FONDÉ SUR LA COMPÉTENCE

Ensuite, il ne faut laisser à personne le soin de choisir les


homn1es de la nouvelle organisation, en gardant bien à
l' esprit que le succès del' acquisition se joue sur ces choix.
C'est grâce à une série d'entretiens personnalisés avec le
1nanagement que l'on peut repérer les bons 1nanagers, les
hauts potentiels dont l'entreprise rachetée est forcément
pourvue. Ensuite, il faut composer la nouvelle équipe
dirigeante, dessiner les contours de l' organigranrme, pri-
vilégier coûte que coûte la compétence, quitte à prendre
des décisions difficiles, notamn1ent vis-à-vis de ses propres
collaborateurs qui ont partagé l'aventure depuis toujours,
1nais dont le profil - cela arrive - n' est pas adapté aux
besoins de la nouvelle équipe dirigeante. Et ce ne serait
pas une bonne idée de délégu er la responsabilité du cas-
ting à des consultants (audit de management), encore
moins de céder à la tentation de laisser un expert porter
éventuelle1nent le chapeau des choix douloureux.
Vl ]) ai vu dans une fu sion bancaire
~
e> ' ' S'il veut rallier des managers confirmés éva-
UJ
l.O
la confiance de ses lués par de j eunes consultants.
r-i
0
N managers, le dirigeant doit Le résultat fut catastrophique
@
......
..c:
c:n
assumer la responsabi 1ité et la démotivation générale.
·c
>
o.. de la composition Finalement) la fusion a échoué.
0
u
de son équipe. S'il veut rallier la confiance
de ses managers, le dirigeant
doit assumer la responsabilité de la composition de son
équipe. Et c'est ensemble qu'ils pourront élaborer un plan ~
d'intégration détaillé. ]-
w
o..
::J
Q
~
©
Acquisition, l'accélérateur stratégique 61

VEILLER À LA RAPIDITÉ ET À LA QUALITÉ D'EXÉCUTION

Une fusion est un processus qui débouche facilement


sur une crise d'identité. L'aspect émotionnel y joue un
rôle important. C'est pourquoi il faut révéler très vite la
composition de l'équipe dirigeante puis le reste de l' orga-
nigran1me dans les semaines qui suivent, plutôt que d'an-
noncer la création de groupes de travail pour y réfléchir !
Chaque fois que j'ai réalisé une acquisition, j'ai annoncé le jour
même la composition de l'équipe dirigeante.
Il est d'ailleurs facile de vérifier que les fusions pour les-
quelles on n'a pas été capable d 'annoncer l'équipe de tête
n'ont pratiquement j amais n1arché. Dans la foulée de la
présentation de l'organigramme, il faut dérouler le plan
d'exécution et mettre en œ uvre au plus vite les premières
étapes du plan d'intégration. Ce qui suppose d'avoir beau-
coup travaillé en an1ont. Chacun doit être pris dans le
1nouvement. Il faut, en particulier, s'appuyer sur les agents
du changement. Au-delà de la gestion du multiculturel, il
Vl
~ y a dan s tous les pays des gens qui suivent le changement ;
e> il faut s'appuyer sur eux pour faire bouger les autres. En
UJ
l.O
r-i
0
fait, les changements interviennent le plus souvent à la
N
@ faveur d'un événem ent. C'est un évén en1ent, et non une
......
..c:
c:n
·c
stratégie élaborée « à froid », qui permet de surmonter la
>
o..
0
résistance au changement et favorise la mise en place d'un
u
nouveau mode de fonctionnement. Il faut savoir en tirer
parti pour introduire des changements qui, autrement,
seraient difficiles à instaurer. À condition de soigner l'art
et la nlanière de travailler ensemble.
62 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

DONNER UN SENS AU VIVRE-ENSEMBLE

Il faut commencer par éviter la grande parade des vain-


queurs. Si l'on ne veut pas donner le sentiment qu'il y a
des gagnants et des perdants, inutile de regarder dans le
rétroviseur. La critique du passé n'est jan1ais une bonne
chose. Mieux vaut veiller à parler de la nouvelle société et
à donner un sens au vivre-ensemble.
Le premier message àjàire passer, c'est de dire qu'il s'agit d'une
nouvelle société et qu'en tant que telle, il n'y a pas d'un côté les
acheteurs, de l'autre les achetés, mais des équipes qui vont désor-
mais travailler ensemble dans un objectif commun.
Lorsque Atos racheta les activités informatiques de Philips, les
salariés qui travaillaient dans cette activité au sein du groupe
néerlandais n'appartenaient pas à une activité stratégique. Ils
se sont tout à coup retrouvés dans une entreprise où leur métier
était l'activité principale. Nous avons investi là-dessus. En outre,
j'ai immédiatement décidé d'installer le siège opérationnel de la
Vl
nouvelle entité à Amsterdam, afin d'envoyer aux salariés d'Ori-
~
e> gin le signal qu'ils étaient pris en considération et à l'ensemble
UJ
l.O
du groupe que nous étions devenus une entreprise internationale.
roi
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
PROPOSER UNE AMBITION À PARTAGER
0
u
Dans les acquisitions de transformation, il est égale1nent
important de proposer une an1bition commune qui ne se
réduise pas, si possible, à un ou quelques objectifs chiffrés,
aussi mirifiques soient-ils. Que veut- on faire ensemble ?
Quel est, très concrètement, l'objectif de l'opération ? De
non1breuses études sur les fusions montrent que les diri-
geants ont trop tendance à se focaliser sur les objectifs
Acquisition, l'accélérateur stratégique 63

économiques et financiers, et à sous-estimer les dimen-


sions organisationnelle et humaine.

Je suis frappé par le fait que, très souvent, les dirigeants qui réa-
lisent une acquisition vous parlent profits, leadership commercial,
rang mondial, mais rarement aventure humaine. Or, une acquisi-
tion, c'est avant tout une ambition à partager.

Surtout qu'il ne faut jan1ais sous-estin1er le choc des


cultures. On l'a bien vu hier avec l'échec de la fusion
Daimler-Chrysler ou Publicis-Omnicom et les difficultés
du mariage entre le français Lafarge et le suisse Holcim. À
chaque fois, l'opération bute sur des cultures, des nléthodes
de travail, très différentes. L'observateur avisé repère vite
ces petits signaux faibles, annonciateurs des grandes catas-
trophes : le nombre de groupes de travail créés (140, par
exemple, dans la fusion avortée Société Générale-Paribas),
les difficultés rencontrées dans la mise en place del' équipe
dirigeante, voire le choix d'un système de présidence
tournante (Publicis et Omnicon1). Voilà pourquoi il est
~
Vl important d'identifier et de respecter les habitudes et les
e> symboles de l'entreprise rachetée, de créer des synergies
UJ
l.O
r-i
culturelles entre les équipes afin que chacun s'y retrouve
0
N
@
et se sente valorisé, d'intégrer les bonnes idées des uns et
......
..c:
c:n
des autres, et de les nlettre en valeur le plus rapidement
·c
>
o.. possible ; et, surtout, d'éviter que la culture du vainqueur
0
u ne l'emporte sur celle du vaincu ou, pire encore, que les
cultures restent superposées à la façon d'un nlille-feuille,
induisant les nombreux dysfonctionnements qui, parfois,
conduisent tout droit à l'enlisement.

Lorsqu'elle est couronnée de succès, l'acquisition repré-


sente non seulement un accélérateur de croissance efficace,
mais aussi une magnifique opportunité de changement.
64 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

Lorsque j'ai acheté les activités informatiques de Philips, j'ai


saisi l'occasion qui m'était efferte d'introduire la gestion grands
comptes mondiale qui n'existait pas chez Atos. Dans une période
de transformation, les individus sont pris dans le mouvement,
emportés par le projet, et si vous avez bien préparé votre plan
d'exécution et que vous le déroulez sans délai, vous pourrez Jaire
bouger les choses. C'est souvent à la faveur d'un événement que
l'on peut espérer mettre en œuvre un changement dans de bonnes
conditions.
Autant de raisons qui font d 'une belle opération d'acqui-
sition un n1.on1ent unique dans l'histoire d'une entreprise.

Les acquisitions mettent l'entreprise


en mouvement. Elles la transforment,
et donnent de formidables opportunités à tous
ses collaborateurs.

Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Chapitre 6

Commercial, lui redonner


ses lettres de noblesse

Ce n'est pas une révélation : la France est réputée pour


ses succès techniques et ses échecs commerciaux. Dans la
société, dans le débat public, dans les écoles de commerce
et parfois jusque dans les entreprises, la vente n'est pas
considérée à sa juste valeur. La fonction con1merciale fait
1nalheureusement figure de maillon faible.

Une exception culturelle liée à notre histoire. Les grands


corps d'ingénieurs et d'administrateurs occupent depuis
longtemps une place éminente dans la classe dirigeante
hexagonale, y compris dans le monde des affaires. À leurs
yeux, la production, la recherche et la création représentent
les fonctions nobles, quand le commerce et le négoce sont
~
Vl
facilement considérés con1llle des activités de second rang
e> (d'ailleurs, peu d'écoles forment vraiment au métier com-
UJ
l.O
r-i
0
mercial, et encore moins au métier co1nmercial à l'interna-
N
@ tional), alors qu'elles sont le nerf de la guerre sur des marchés
......
..c:
c:n où règnent à la fois l'hyperchoix et la sélectivité, notamment
·c
>
o.. - comme c'est le cas actuellement - en période de crise.
0
u
Cette culture commerciale à la francaise , se situe aux anti-
podes de la culture anglo- saxonne qui, au contraire, adule
volontiers ces « héros » des temps modernes capables de
conquérir le cœur de leurs clients et de générer de fabu-
leux chiffres d'affaires. Or, à l'heure del' écono1nie-monde,
cette faiblesse française constitue un sérieux handicap
car le con1mercial joue un rôle stratégique dans le
66 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

développement de l'entreprise, quels que soient son sec-


teur d'activité ou ses spécialités.
Il y a urgence à remettre à l'hon-
' ' Il y a urgence à neur dans notre pays la culture
remettre à l'honneur commerciale car celle-ci est
dans notre pays la non seulement essentielle dans
culture commerciale. la conquête de nouveaux mar-
chés, la valorisation du savoir-
faire français, la création de richesses et d'emplois, nlais
elle est aussi une excellente école de managen1ent.

METIRE LE CLIENT AU CENTRE

Si la valorisation de la fonction commerciale est un élé-


ment-clé du développement de l'entreprise, l'impulsion,
comme toujours, doit partir du somn1et. C'est au diri-
geant de donner l'exemple et de mobiliser l'ensemble de
ses troupes en faisant du client LA priorité.
Vl Toute personne qui est potentiellement en contact avec un client
~
e> est un commercial qui s'ignore. Celle qui - dans le cadre d'un
UJ
l.O
roi
contrat - est amenée à séjourner chez un client est la mieux
0
N placée pour identifier les besoins et faire remonter l'information
@
......
..c: qui pourra déboucher sur une nouvelle proposition commerciale.
c:n
·c
>
o..
0
Cette priorité client signifie que tout le monde doit
u
lui consacrer du temps, à con1mencer par le sommet de
l'organigramme.

CONSTITUER UNE BONNE ÉQUIPE

Il va de soi qu'un bon commercial doit avoir une par-


faite conn aissance de son entreprise, de son produit et/ ou
Commercial, lui redonner ses lettres de noblesse 67

service et de son environnement. On ne vend pas de la


même n1.anière un produit, un service, une solution ou un
projet. La démarche commerciale sera différente, le cycle
de vente aussi. Mais pour être un bon comn1.ercial, il faut
surtout aimer exercer ce métier, avoir le respect du client,
de solides qualités d'écoute et d'analyse, et une certaine
confiance en soi. Et c'est pourquoi, lorsqu'on embauche
un commercial ou compose une équipe, il faut privilégier
les personnes qui ont le goût de la vente et ce, quelle que
soit leur évolution de carrière.

Lorsque j'étais patron de division chez Alcatel, j'ai choisi


quelqu'un qui était responsable du planning de production mais
qui avait vraiment le goût et l'esprit de la vente, et je ne l'ai pas
regretté !

Et comme vendre, c'est imaginer des solutions adaptées


aux besoins, le bon commercial devra encore cultiver une
certaine intelligence émotionnelle et être créatif. D'autant
qu'avec les nouvelles technologies de l'infonnation, le
~
Vl client potentiel est surinformé et qu'il faut vraiment le
e> surprendre, dans le bon sens du terme, donc penser « out
UJ
l.O
r-i
0
of the box », afin d'imaginer les solutions susceptibles de
N
@
répondre à ses besoins. L'acte comn1.ercial exige enfin une
......
..c:
c:n
certaine modestie car il faut être capable de surmonter les
·c
>
o.. échecs et surtout de nouer une relation de confiance avec
0
u les clients potentiels. Une qualité qui n'est pas aussi parta-
gée qu'on voudrait le croire.

La modestie n'est pas forcément


la qualité première du commercial
français qui, à l'international, ne ' ' La vente est un sport
sait pas écouter et prétend sou- qui se pratique en équipe.
vent tout connaître ! Or, pour
68 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

réussir à l'étranger, il faut savoir faire preuve de retenue et se


garder de toute foifanterie.
La fonction commerciale requiert de nombreuses qualités
qu'il s'agit de mobiliser à plusieurs, car la vente est un
sport qui se pratique en équipe.

FAIRE CONFIANCE AUX JEUNES

La composition d'une équipe de comn1erciaux est un


excellent 1noyen de tester les nouvelles recrues et de les
faire progresser. On devrait systén1atiquement faire pas-
ser un jeune potentiel qui entre dans une entreprise par
la fonction commerciale. Certaines entreprises en ont
fait leur marque de fabrique. Chez Xerox, par exemple,
on commençait par vendre des calculettes, mên1e si l'on
était programmé pour la direction générale ! La culture
commerciale constitue en effet une formidable école de
1nanagement. Or, celle-ci est souvent négligée, notam-
Vl ment dans le managen1ent des viviers de hauts potentiels.
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
CONTRÔLER L'EFFICACITÉ DU SYSTÈME
......
..c:
c:n
·c
>
Le temps consacré par les commerciaux à faire du com-
o..
u
0
mercial pur, c'est- à-dire à rencontrer clients et prospects,
est un bon indicateur pour évaluer l'efficacité d'une
équipe de commerciaux (en réalité, très peu de dirigeants
suivent et connaissent la valeur de cet indicateur). Entre
les tâches de back-office, les déplacements, les réunions, le
« reporting », il n'excède pas en moyenne ... de 20 à 25 %
de l'agenda du commercial ! Cette question de la pro-
ductivité de l'organisation commerciale est la plupart du
Commercial, lui redonner ses lettres de noblesse 69

temps à peine soulevée, en particulier dans l'industrie où


l'on a encore tendance à considérer qu'il suffit d'avoir le
meilleur produit en catalogue pour réaliser la meilleure
performance commerciale possible.

Pour améliorer la productivité des équipes, il est souhai-


table d' augn1enter sensiblement ce temps passé avec le
client. En travaillant d'abord sur l'organisation des forces
de vente, à commencer par le back-office (une excellente
manière de priver les forces de vente de toute tentation de
trouver un bouc émissaire en cas de contre-performance).
Un back-office bien organisé n'est pas une condition
suffisante de performance conlillerciale, mais c'est une
condition plus que nécessaire. Il faut ensuite et surtout se
préoccuper de nlanager vraiment des conlillerciaux sou-
vent trop livrés à eux-mên1es. Un directeur comn1ercial
devra suivre de près le travail de ses équipes en jetant
régulièrement un œil sur leurs agendas. L'agenda du com-
mercial est en effet un révélateur de performance très
simple à utiliser.
Vl
~
e> Dans la plupart des entreprises, on est trop gentil avec les com-
UJ
l.O
merciaux, alors qu'il faut être beaucoup plus impitoyable avec
r-i
0
N ceux qui ne sont pas peiformants ou, au moins, leur proposer des
@
......
..c:
solutions pour améliorer leurs méthodes de travail .
c:n
·c
>
o..
0
Sans aller jusqu'aux cas extrêmes, comme Oracle, répu-
u
tée pour « éjecter» tous les trois mois les 5 % de com-
merciaux les moins performants, il faut leur assigner des
objectifs précis et proposer une solution chaque fois qu'un
1nen1bre de l'équipe ne remplit pas sa feuille de route.

Sur les visites, il faut imposer des systèmes militaires. Et donner


l'exemple. Ainsi, il m'est arrivé d'astreindre pendant une cer-
taine période chaque membre du comité de direction à faire état
70 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

chaque semaine de ses visites. Et je me !)imposais évidemment à


moi-même. Inutile de préciser que l'exercice ne faisait pas plaisir
à tout le monde !

ADAPTER LE SYSTÈME DE RÉMUNÉRATION


POUR RÉALISER LES OBJECTIFS

Le système de rémunération constitue un élément parti-


culièrement important pour le commercial, et pour jouer
son rôle dans la n1.otivation, et donc la performance, il doit
être connecté à la stratégie de l'entreprise et évoluer avec
elle. Ce réglage fin du système de variables est crucial.
On ne peut avoir une priorité commerciale sur tel ou tel
produit ou service, tandis que le système encourage les
équipes commerciales à faire tout le contraire.
Tout repose sur le système de variables. Il peut vous permettre de
stimuler les peiformances ou) au contraire) plomber littéralement
la stratégie) donc la peiformance) commerciale. Il faut le surveil-
Vl ler comme le lait sur le feu et ne pas hésiter à le faire évoluer si
~
e> nécessaire avec la stratégie commerciale de l'entreprise) et être très
UJ
l.O
r-i
clair sur les motifs et la nature des changements. Or, c) est un
0
N élément compétitif souvent relégué au second plan parce qu)il est
@
......
..c: très difficile de modifier un système de rémunération. Il faut faire
c:n
·c
>
o..
preuve de courage et de persévérance pour le réviser régulièrement
0
u en fonction de l) évolution des priorités de l) entreprise car, dès lors
que vous vous y attaquez) vous risquez d) avoir tous les commer-
ciaux contre vous. Mais cela vaut vraiment la peine.

Le commercial est le moteur du développement


et du profit. C'est une tâche noble qui doit être
pilotée directement par la direction générale.
Chapitre 7

Grands comptes, l'actif stratégique


Tous les dirigeants le savent : certains clients, à très fort
potentiel de chiffre d'affaires, méritent une attention
particulière. C'est pourquoi les entreprises sont de plus
en plus nombreuses à se doter d'une structure « grands
comptes » afin d' accon1pagner ces clients et de leur pro-
poser les services, au sens large du term e, d'une relation
commerciale personnalisée. Ce qui évolue parfois vers
un véritable partenariat entre le client et son fournisseur
avec, à la clé, des projets d 'investissement et/ ou de R & D.
L'idéal est d 'apporter à un grand compte une offre dont
la valeur aj outée lui p ermettra de conquérir de nouveaux
clients.
Cette notion de « grand compte » peut évoluer en fonc-
tion de l' entreprise et de sa structure de clientèle, m ais le
Vl
~ terme désigne habituellem ent une grande entreprise ou
e> une adniinistration représentant un chiffre d'affaires réel
UJ
l.O
r-i
0
ou potentiel important. Le grand compte est l'actif com-
N
@ mercial p ar excellence sur lequel l'entreprise va fonder
......
..c:
c:n
·c
son développement .
>
o..
u
0
Gérer ses grands comptes avec efficacité constitue donc
un enjeu stratégique. Comment élaborer une stratégie
grands comptes efficace ? Quelle structure adopter ?
Quel est le profil rêvé d'un directeur de grands comptes
performant et comment faut-il le manager ? Autant de
questions cruciales pour toute entreprise soucieuse de se
développer sur son n1.arché avec les n1.eilleures chances de
réussite.
72 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

ÊTRE À L'ÉCOUTE DU CLIENT

Toute réflexion sur les grands comptes doit partir du client.


Qu'attend-il d'une relation « grand compte » ? Il est
essentiel d'être au clair avec l'ensemble de ses attentes. En
général, un « grand compte » aspire à réaliser des écono-
mies d'échelle substantielles grâce à un traitement global
de ses besoins. Pour ce faire, il cherche à avoir un interlo-
cuteur qui soit à son écoute, qui connaisse son métier, son
activité, son organisation, qui s'intéresse à l'évolution de sa
stratégie, soit capable de l'aider à bien définir ses besoins
et qui connaisse suffisamment sa propre organisation pour
pouvoir mettre, à tout moment, les compétences dont il a
besoin à sa disposition.

Un client grand compte souhaite aussi avoir un accès


facile à la direction générale de son fournisseur ou de son
prestataire et désire donc avoir un interlocuteur capable
de faciliter ce contact régulièrement, y compris au plus
haut niveau.
Vl
~
e> Il rêve égalen1ent d'un partenaire capable non seule-
UJ
l.O
ment de l'aider à bien définir ses b esoins, n1ais aussi de
roi
0
N lui proposer des solutions soit pour améliorer l'efficacité
@
......
..c:
de son organisation, soit pour être plus performant sur
c:n
·c
>
le plan conm1ercial, soit encore pour l'aider à « accou-
o..
u
0
cher » d 'idées nouvelles. L'équipe grands con1ptes doit
ainsi cultiver sa capacité à avoir des idées innovantes (on
lui reproche souvent une insuf-
fisance de créativité), ou au
' ' L'équipe «grands moins être susceptible, par la
comptes » doit cultiver discussion, de jouer le rôle de
sa capacité à avoir des révélateur, d'amener le client à
idées innovantes. anticiper, à réfléchir utilement
Grands comptes, l'actif stratégique 73

et à imaginer lui-même une solution à un problème pré-


cis, voire une nouvelle piste de développen1.ent pour son
business.
Enfin, le client grand con1.pte est toujours intéressé par le
benchmarking et appréciera que son fournisseur, soit parce
qu'il connaît parfaitement le secteur, soit parce qu'il a l'ha-
bitude de résoudre des problématiques de même nature,
puisse lui faire profiter de son expérience. La valeur ajou-
tée d'une relation fournisseur/ grand compte réside dans
la capacité des deux partenaires à unir leurs forces pour
créer plus de valeur que leurs concurrents respectifs.

CONCEVOIR UNE STRATÉGIE PERFORMANTE

Définir une stratégie grands co1nptes, c'est d'abord définir


un objectif de croissance du chiffre d'affaires sur le long
terme (en général, à deux ou trois ans).
Chez Atos) l) objectif difini au départ était de faire passer le porte-
Vl
~ feuille grands comptes (plus de 1OO millions d) euros de chiffre
e> d) effaires) de cinq à quinze en l) espace de deux ans.
UJ
l.O
r-i
0
N Ensuite, il s'agit de se donner les moyens d'atteindre son
@
......
..c:
objectif. Une des clés est de parvenir à une connaissance
c:n
·c
>
aussi parfaite que possible del' organigramme et de la stra-
o..
u
0
tégie du client, de l'actualité de son groupe, du circuit de
prise de décisions. Un patron de grand compte doit savoir
nouer des contacts réguliers avec le P.-D.G., son environ-
nement proche ainsi que les hauts potentiels de l'entre-
prise, mais aussi à tous les niveaux de managen1.ent-clé
dans l'entreprise. Dans une gestion grands comptes, il
est notamment utile d'établir une matrice relationnelle,
l' objectif étant de parvenir à connaître tous les décideurs.
74 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

Lorsque j'étais président d)Atos)je connaissais tous les membres


du comité exécutif de BNP-Paribas. Je considérais que) si dans
une réunion du comex de la banque un contrat avec Atos était
évoqué) chacun autour de la table devait pouvoir aussitôt faire le
lien avec moi) avec un de mes collaborateurs et avec notre offre
de services.
Pour mettre en œuvre une stratégie efficace dans la ges-
tion d'un tel compte, il est également nécessaire de bien
connaître les acteurs concurrents dans le compte, leurs
offres de produits ou services, leurs forces et leurs fai-
blesses, et con1.ment s'en différencier.
Enfin, le responsable de grands con1.ptes doit avoir suf-
fisamment d'influence pour pouvoir mobiliser prati-
quen1.ent à tout moment le président ou un membre du
comité exécutif de sa société. Cette proximité lui permet-
tra d'organiser au n1.oins une fois par an une rencontre
entre présidents ou directeurs généraux. Un rendez-vous
précieux à plus d'un titre afin de vérifier la qualité du ser-
vice, d'anticiper d'éventuels appels d'offres et ... de mettre
Vl
~ sa propre organisation sous tension. Il est très utile de faire
e>
UJ « challenger » en quelque sorte la stratégie par le client.
l.O
roi
0
N Un exemple parmi d) autres : dans une société internationale)
@
......
..c: le client attribue une note qui reflète sa satiifaction. Celle-ci va
c:n
·c
>
o..
conditionner la rémunération variable du patron du compte et est
0
u publiée dans le rapport annuel.
Enfin, il ne faut pas oublier de penser à toutes les occa-
sions de stimuler l'intérêt d'un partenaire aussi précieux :
sénunaires stratégiques, invitations informelles et festives,
publications ... Il s'agit, quoi qu'il arrive, de n e jamais
perdre le fil de la relation client.
Grands comptes, l'actif stratégique 75

SÉLECTIONNER SOIGNEUSEMENT
LES « KEY ACCOUNT MANAGERS »

En charge de clients stratégiques, le responsable grands


comptes jouit d'un statut à part au sein de l'entreprise
sans exercer toutefois de rôle managérial. Il joue plu-
tôt celui d'un homme-orchestre ou d'un chef de projet.
Diriger un grand con1pte est un métier subtil qui requiert
de non1breuses qualités. Il faut d'abord, cela va sans dire,
avoir de solides compétences commerciales ainsi que des
talents de négociateur et être capable de conclure un deal.
Il faut aussi n1aÎtriser le con1pte d'exploitation de son
client pour bien comprendre l'impact réel des décisions
pnses.

Le patron d'un grand compte doit ensuite savoir faire


preuve de leadership à travers sa capacité d'influence
sur des équipes pour lesquelles il n' exerce, la plupart du
temps, aucune autorité hiérarchique tout en cultivant l'es-
prit d 'équipe car aucun « deal » ne se gagne en solo. Un
~
Vl
manager de grand compte devra être capable de résoudre
e> les problèmes, non1breux, qui ne inanqueront pas de sur-
UJ
l.O
r-i
0
gir dans une relation au lon g cours et d'éviter le fonc-
N
@ tionnement en silos toujours don1mageable dans la durée.
......
..c:
c:n Personne n'est propriétaire du client .
·c
>
o..
u
0
En résumé, un patron de grand con1pte est un responsable
de haut niveau qui sait bâtir des relations d'affaires sur le
long terme avec ses clients, gérer des projets complexes
et des montants élevés. Il sait à la fois pousser la porte du
client qu'il a ciblé, analyser une stratégie client et créer
de la valeur en proposant davantage qu'un produit ou
un service, une offre adaptée aux b esoins de son client,
inaîtrise parfaiten1ent les subtilités du networking. . . Il sait
76 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

' ' Un patron de grand motiver une équipe, aime chas-


compte doit savoir ser sur de nouveaux territoires,
apprécie un bon repas d'affaires
bâtir des relations
lorsqu'il le faut, et surtout est
d'affaires sur le long
capable de conclure un bon
terme avec ses clients. deal. Une perle rare qu'il faut
savoir n1otiver et garder lorsque
l'on a pu vérifier l'ampleur de ses talents. C'est aussi un
profil con1.plet qui constitue un excellent tremplin vers
une fonction de direction générale.

SAVOIR MANAGER SES RESPONSABLES DE GRANDS COMPTES

On l'aura compris : la gestion d'un patron de grand


compte relève directement de la direction générale. Il
est essentiel de se donner les moyens de mesurer l' effi-
cacité d'une stratégie de ce type. Tout directeur de grand
compte a une feuille de route (un plan de compte) qui
Vl
~ précise ses objectifs de croissance et de p art de marché.
e> Elle comporte différents indicateurs destinés à m esurer
UJ
l.O
r-i
0
l' effic acité de la stratégie nuse en œuvre sur le co1npte :
N
@ taux de succès des propositions, évolution du chiffre d ' af-
......
..c:
c:n
·c
faires et de la part de marché, ainpleur du repeat business
>
o..
0
que l'on génère, réactivité et capacité d'innovation face
u
à une demande du client, nombre de rendez-vous de
niveau direction générale, capacité à convaincre le client
d'organiser un séminaire stratégique ...
Un dirigeant devra également veiller à favoriser les
échanges entre les m embres de cette tribu un peu parti-
culière, leur donner l' occasion d'être créatifs et innovants
à travers des sénunaires. Il les encouragera à ch asser de
Grands comptes, l'actif stratégique 77

nouveaux clients dans leur univers naturel en guettant la


moindre opportunité (événement nouveau tel une acqui-
sition, la nomination d'un nouveau dirigeant, la dispari-
tion d'un concurrent ... ) et il organisera au moins une
fois p ar an, voire plus, une revue des plans de con1pte
devant le coniité exécutif afin de challenger les directeurs
de compte et de favoriser l' én1ulation entre eux.

L'organisation grand compte permet au client


de ne jamais souffrir de la complexité de
l'organisation de son fournisseur. L'équipe de
direction générale doit avoir l'obsession du
service au client et y consacrer l'essentiel de
son temps. Une direction grand compte est un
passage obligé vers la direction générale.

Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Chapitre 8

La complexité, ou comment
l'apprivoiser

« La simplicité est la sophistication ultime. » Spontanément, de


nombreux dirigeants du XXIe siècle, confrontés au quoti-
dien à la complexité de leur environnement, adhéreraient
certainement à cette maxime de Léonard de Vinci, le
visionnaire. Le monde de l'entreprise est en effet devenu
si co1nplexe que « faire simple » relève de la gageure
autant que de la nécessité. Il ne s'agit pas, bien entendu, de
prétendre éliminer toute complexité (la « bonne » com-
plexité existe aussi), mais plutôt d'en gérer les excès au
nueux des intérêts de l'entreprise. De l'apprivoiser sans se
laisser donuner par elle.

La complexité est partout. L'entreprise a de plus en plus


~
Vl
de clients, leurs activités couvrent le monde entier, et ils
e> souhaitent avoir de plus en plus de choix. Elle doit donner
UJ
l.O
r-i
0
satisfaction à des actionnaires guidés par leurs exigences de
N
@ rendement, motiver des managers arrivés chacun chargé
......
..c:
c:n de sa propre histoire, sa propre courbe d'expérience, ses
·c
>
o..
0
réflexes et ses habitudes, et convaincre des salariés de plus
u
en plus n1éfiants vis-à-vis de l'entreprise. Elle doit aussi
faire face à des contraintes de toutes sortes, à la fois finan-
cières, économiques, sociales et environnementales, sans
oublier le défi lancé par les nouvelles technologies de
l'information.

La complexité est partout, n'lais de prime abord il n'y


a pas lieu de s'en plaindre : n'est- elle pas finalement la
80 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

conséquence naturelle de la réussite ? Lorsqu'une entre-


prise se développe, explore de nouveaux marchés, se lance
dans de nouvelles activités, crée de nouveaux produits et
conquiert de nouveaux clients, elle a besoin de mettre en
place une organisation qui accompagne sa croissance.C'est
alors que les difficultés commencent. Prise individuelle-
ment, chaque décision fait sens, ni.ais - une fois agrégées -
celles-ci génèrent une multitude d'interactions, souvent à
l'origine de coûts supplémentaires, de bureaucratie et de
temps passé, sinon perdu. Une récente étude montre ainsi
qu'en soixante ans, la con-iplexité dans l'entreprise a été
multipliée par un facteur de six. Un processus insidieux et
protéiforme sur lequel chacun doit exercer sa vigilance en
permanence afin que la bataille de la compétitivité ne soit
pas m enée boulets aux pieds, avec rôles et responsabilités
peu clairs, et bureaucratie à tous les étages.

ÉVITER L'OVERDOSE DE PROCÉDURES ET DE « REPORTINGS »

Vl
~ Naturellement soucieux de la bonne marche de son
e> entreprise, un dirigeant se convainc facilement que diri-
UJ
l.O
r-i
0
ger, c'est contrôler. Avec souvent la double illusion qu'il
N
@ sera ainsi en mesure de prendre les bonnes décisions et
......
..c:
c:n
·c
de prévenir toute dérive. Or, conm-ient tout savoir sur ce
>
o..
0
qui se passe dans l'entreprise en temps réel, dès lors qu'il
u
est impossible d 'être présent chaque jour sur le terrain, si
ce n 'est en ayant recours au « reporting » qui a pris depuis
quelques années une ampleur inédite dans la plupart des
entreprises. Notamment dans les grandes.
Il suffit de faire les con-iptes. Nous avons tous travaillé
dans des entreprises ou des business units qui empilaient
chaque m ois dans les annoires réelles ou virtuelles des
La complexité, ou comment l'apprivoiser 81

dizaines de rapports et de compte rendus en tous genres.


Un patron de la filiale britannique d'un groupe an1éricain
avait ainsi décidé de dresser la liste de tous les rapports
et de tous les « reportings » produits dans l'entreprise, les
obligatoires, les facultatifs, et n1ên1e ceux que les uns ou
les autres rédigeaient dans leur coin, à la main, sans rien
demander à personne... Le résultat fut saisissant : il en
dénombra des dizaines et des dizaines par mois !
Nous avons aussi fait l'un et l'autre un test intéressant : de temps
en temps, « oublier » d'envoyer le rapport au siège social. .. Nous
recevions alors immanquablement un rappel à l'ordre et, l'ayant
erifin fait parvenir à son destinataire, une question arrivait une
semaine plus tard dont la réponse était écrite noir sur blanc en
page 5, comme pour confirmer ce que nous savions déjà : le des-
tinataire était content d'avoir reçu le rapport - le process avait
été respecté - mais il s'était bien gardé de le lire !
Confirmation s'il en était besoin que, dans certaines entre-
prises, le contenu du « reporting » importe moins que le
fait que le processus ait bien été respecté. Il arrive 1nême
Vl
~ qu'après l' envoi d'un rapport dans les « hautes sphères » il
e> n e se passe absolument rien et que l'on ne reçoive m êm e
UJ
l.O
r-i
0 pas une question ! Faites le test et envoyez deux fois le
N
@
......
m êm e document, juste pour voir. .. La plupart du temps,
..c:
c:n
·c
vous n 'aurez aucun retour !
>
o..
u
0
Et pourtant, depuis quelques années, les exigen ces
du « reporting » se font de plus en plus pressantes. Pour
prendre la mesure du phénon1ène, il suffit de se livrer à
un petit exercice très simple en classant le travail accom-
pli dans votre entreprise dans trois « boîtes » de temps
distinctes : le temps passé à la planification, celui dédié à
l'action et celui consacré au « reporting ». Et de regarder
comn1ent cela a évolué avec le ten1ps : exercice simple de
82 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

' ' Le temps de travail cartographie. La v1s1on d'en-


collectif consacré au semble est en général sa1s1s-
sante. Dans un grand non1bre
« reportins » enfle
d'entreprises, on observe que la
irrésistiblement, au partie « action » reste à peu près
détriment des activités constante, tandis que le temps
liées à la planification. de travail collectif consacré au
« reporting » (réunions, comptes
rendus, documents, n1.eetings ... ) enfle irrésistiblement, au
détriment de toutes les activités liées à la planification.

] 'ai réalisé ce « mapping » en tant que consultant pour un


grand groupe américain. La colonne « reporting » était claire-
ment hypertrophiée et asphyxiait littéralement les deux autres.
Or, dans une entreprise, toutes ces tâches répétitives, qui se
résument bien souvent à compiler des inforn1.ations rela-
tives au passé, « plombent » la productivité et minent le
comporten1.ent (et le moral) des salariés. Notamment du
management de proximité. Dans certaines organisations,
Vl
des femmes et des hommes de bon niveau consacrent par-
~
e> fois plus de la moitié de leur temps de travail à remplir
UJ
l.O
des tableaux Excel, tout en sachant pertinemment qu'une
r-i
0
N partie non négligeable de cet en1.pilage ünprobable ne ser-
@
......
..c:
vira à rien ni à personne. Il y a mieux comme agent de
c:n
·c
>
n1.otivation ! Et pour ce qui concerne les processus, dans des
o..
u
0
cas extrê1nes, on trouve des firmes qui ont bâti leur philoso-
phie n1.anagériale sur la toute-puissance du dieu Processus
et n'hésitent p as à laisser entendre que leurs procédures sont
si bien pensées, si efficientes, que le choix des hommes n'a
plus guère d'importance, comme s'ils étaient devenus en
quelque sorte interchangeables ! Passons sur l'ineptie d'un
tel raisonnement, mais on ilnagine aisément l'effet produit,
n1.ên1.e inconsciemn1.ent, sur le moral des troupes !
La complexité, ou comment l'apprivoiser 83

En outre, la multiplication des processus ne garantit pas


pour autant le risque zéro. Qu'il s'agisse des contrôles mis
en place dans une centrale ou du back-up inforn1.atique
d'une grande banque, on peut être an1.ené à constater que
telle ou telle opération fondan1.entale, loin d'avoir été
sécurisée, est passée au travers des mailles du filet tissé par
les innon1.brables procédures.

Quand on conseille une entreprise, que l'on va sur le terrain et


que l'on interroge les acteurs sur les problèmes qu'ils rencontrent
dans leur travail de tous les jours, on constate paifois un goeffre
entre le nombre de procédures mises en œuvre et la réalité des
problèmes qui se posent à eux au quotidien.

Alors, que faire ? Face à la complexité croissante, la vigilance


doit s'exercer sur la pertinence et l'efficacité des contraintes
formelles que l'on se donne, car, bien calibrées elles sont
nécessaires dans la vie quotidienne de l'entreprise mais,
excessives, elles produisent d'innombrables effets pervers. Si,
déjà, les entreprises travaillaient sérieusement sur le sujet des
Vl processus et des reportings, elles gagneraient en simplification
~
e> de manière extraordinaire. Cette vigilance doit aussi s'exercer
UJ
l.O
r-i
sur tout ce qui a à voir avec la 1néconnaissance des rouages
0
N et des activités de l'entreprise, le fonctionnen1.ent « en silos »,
@
......
..c: le cloisonnement quel qu'il soit.Ainsi, rouage stratégique s'il
c:n
·c
>
o..
en est, le siège de l'entreprise doit être maigre et composé
0
u de personnes de haut niveau
qui connaissent l'opérationnel. ' ' Le siège de
Un principe auquel il ne faut l'entreprise doit être
jamais déroger. maigre et composé
Les collaborateurs du siège ne de personnes de haut
doivent pas camper dans leurs niveau qui connaissent
bureaux. D 'ailleurs, il ne faut l'opérationnel.
84 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

' ' Dans une entreprise, surtout pas leur donner des bureaux
il doit y avoir le moins trop confortables ! Lorsque je ren-
de personnes possible contre une personne du siège social,je
lui demande toujours à quel rythme
qui n'ont aucun contact
elle rend visite aux différentes filiales
direct avec le client. du groupe, si elle connaît les opéra-
tions. Ces collaborateurs ne doivent
pas rester dans leur tour d'ivoire à rédiger des processus ou deman-
der des reportings. La méconnaissance alimente la complexité.
Une bonne n1anière de lutter efficacen1ent contre la ten-
tation de la complexité est donc de placer résolun1ent le
client au centre du dispositif. ..

Un client ne doit jamais souffrir de la complexité de votre mga-


nisation et de vos processus. Cela ne l'intéresse d'ailleurs pas de
savoir pourquoi ceci ou pourquoi cela . .. Il veut pouvoir compter
sur un interlocuteur qui comprenne son métier et qui soit capable,
à tout moment, de mettre à sa disposition tous les moyens qui
correspondent à ses besoins. Avoir cette priorité en tête vous oblige
Vl
à simplifier en permanence.
~
e>
UJ
l.O
roi
0
N FERRAILLER CONTRE LA« RÉUNIONITE »
@
......
..c:
c:n
·c
>
Qui soutiendra qu'une réunion est forcément inutile ?
o..
u
0
Personne, bien entendu ! Le principe de la réunion s'iin-
pose lorsqu'il est nécessaire que les salariés reçoivent tous
une information de la même n1anière, échangent sur un
sujet précis et/ ou mettent en commun leurs expériences.
Pour autant, cette manie managériale qui consiste à mul-
tiplier les m eetings, ce que l'on appelle couran1ffient la
« réunionite », est devenue la bête noire des salariés. Et
ce, quelle que soit la forme prise : classique, conference call
La complexité, ou comment l'apprivoiser 85

ou, mieux encore, web call, très en vogue actuellement !


D'autant qu'avec les structures matricielles, le trop-plein
est garanti et le temps passé trop souvent perdu ! Selon
une enquête réalisée en 2014 par l'Ifop, neuf cadres sur
dix se sont déjà sentis inutiles en réunion, les trois quarts
d'entre eux reconnaissent y avoir déjà fait autre chose que
de se concentrer sur le sujet traité, tandis qu'un sur trois
s'était déjà déconcentré au point de quasiment s'endormir
en plein n1ilieu du n1eeting. Et pourtant ... Dans tous les
grands groupes, les n1eetings, en « live » ou connectés, se
succèdent à un rythn1e soutenu. La réunion permanente
est devenue une spécialité maison, de préférence en web
call. Chaque fois, la mise en place prend un temps infini,
il y a toujours quelqu'un pour être en retard à Pékin,
à Buenos Aires ou à Berlin. La déperdition de temps,
d'énergie et d'efficacité est flagrante.

En outre, ces réunions comptent en général trop de monde


car chacun redoute d'être marginalisé professionnellen1ent
s'il se fait excuser. Souvent, la participation à une réunion,
~
Vl
surtout si le dirigeant ou l'un de ses proches est présent, est
e> considérée comme une sorte de récompense. Or, chacun
UJ
l.O
r-i
0
sait que l'efficacité d'une réunion est inversement propor-
N
@ tionnelle au nombre de participants. À tous les niveaux, les
......
..c:
c:n managers y brûlent un ten1ps considérable, avec la désa-
·c
>
o..
0
gréable sensation de passer des journées entières à écouter
u
sans avoir le sentiment de « faire »... Une étude du cabinet
Perfony, spécialiste de la coordination en entreprise, a cal-
culé qu'un cadre passe en moyenne seize ans (sur quarante)
de sa vie professionnelle en réunion, soit 3 h 07 par jour!

Un exemple parmi tant d'autres : dans un grand groupe où nous


sommes intervenus pour améliorer l'efficacité, nous avons pris
la peine de procéder à un décompte individuel, reposant sur un
86 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

examen détaillé des agendas ; les managers consacraient 3 4 %


de leur temps de travail aux réunions. Nous avions calculé qu 1 en
travaillant un peu le sujet1 et en passant outre les divers ego1 il
était possible de ramener ce pourcentage à 16 %1 soit 18 % de
temps de travail gagné. C 1est énorme !
Pis. Certaines études, telle celle publiée en 2012 par
des chercheurs en 1nédecine de l'université américaine
Virginia Tech, défendent mêni_e la thèse que les meetings
peuvent nous rendre stupides. Le phénomène de groupe
est en effet souvent montré du doigt car propice à la
dictature de la pensée conformiste, à l'autocensure, à la
crainte de déplaire ou au sentiment de mise en compé-
tition, au point d'amoindrir sensiblement la capacité de
chacun à résoudre les problèni_es et, plus encore, à suggé-
rer des solutions innovantes.
Alors, comment ch anger ces (mauvaises) h abitudes ? Tout
d'abord en postulant que toute réunion peut représenter
une perte de temps (un échange par un e-mail efficace ou
un rendez-vous téléphonique peut suffire) et qu'il est donc
Vl
~ essentiel de favoriser celles qui portent sur des sujets précis,
e> avec un véritable ordre du jour, et un nombre de per-
UJ
l.O
r-i
0 sonnes limité (notamment au téléphone), les participants
N
@
......
devant être directement concernés par le sujet traité afin de
..c:
c:n
·c
faciliter les prises rapides de décision. A contrario, il est for-
>
o..
0 tement recommandé de bannir tout meeting surbooké, qui
u
vire au rituel et se transforme finalement en une sorte de
phénoni_ène de cour que l'on fréquente assidûni_ent pour
« réseauter », con1-ffie cela se pratique courani_ment dans
certaines grandes entreprises, tant privées que publiques.
Enfin, il est important de revalider régulièreni_ent la per-
tinence de toute réunion récurrente et d' en modifier le
format afin d'éviter que la routine ne s'installe.
La complexité, ou comment l'apprivoiser 87

]'avais décidé que tous les contrats au-dessus de 10 millions


d'euros devaient passer devant le comité exécutif. La réunion était
organisée en mode commando, quelques personnes se donnaient
rendez-vous au téléphone et une décision était rapidement prise.
A' un moment donné, le directeur financier a estimé qu'il était
temps d'organiser une réunion par semaine pour tenir ce comité.
Pour de bonnes et de moins bonnes raisons (place dans l'orga-
nigramme, préséance, etc.), le nombre de personnes conviées a
commencé à enfler, et très vite la réunion s'est enlisée, tandis
que chacun avait le sentiment de perdre son temps. Dès que
l'on formalise trop, la routine n'est pas loin et l'exercice devient
contre-productif pour tout le monde.
La bonne réunion au bon motif constitue en général la
preuve que la co1nmunication fonctionne bien dans
l'entreprise. La « réunionite » est souvent , au contraire,
révélatrice d'un manque de
communication véritable. ' ' La réunionite »
«
Dans ce domaine comme
dans bien d'autres, il revient est souvent révélatrice
~
Vl
au dirigeant de donner le la d'un manque de
e> et d'imposer les bonnes communication véritable.
UJ
l.O
r-i
0
pratiques.
N
@
......
..c:
Je me servais des clients pour briser la routine des réunions : dans
c:n
·c
>
mon agenda, la priorité absolue allait aux clients et au manage-
o..
u
0
ment des collaborateurs.

LUTIER CONTRE LA DÉRESPONSABILISATION GÉNÉRALISÉE

Le nombre de niveaux hiérarchiques alimente également


la complexité, d 'autant plus quand il faut compter avec
les ch armes de l'organisation m atricielle. On imagine m al
88 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

la confusion qui règne parfois dans les esprits. Il n'est pas


rare que, dans l'entreprise, les uns et les autres ne sachent
pas qui est responsable de tel ou tel sujet, de telle ou telle
décision, ou aient en tête celui qui était en charge dans
le précédent organigramme ! Il arrive aussi que certains
dossiers captent plus facilement l'intérêt que d'autres :
une analyse un peu approfondie du processus réel de
prise de décision n1ontrera que certains d'entre eux sont
restés orphelins, tandis que d'autres, au contraire, ont été
« adoptés » par plusieurs responsables.

Ce flou sur les rôles et les responsabilités est parfois


savamment entretenu. C'est souvent le symptôme qu'une
certaine défiance mine la gouvernance de l'entreprise, y
compris au plus haut niveau. Une défiance qui se traduit
par le fait que l'on va éclater les responsabilités entre plu-
sieurs personnes. Au sonm1et, on met en place, en toute
connaissance de cause, une organisation complexe au sein
de laquelle chacun surveille un peu les autres.

~
Vl Dans un grand groupe où nous avons réfléchi sur les problèmes
e> d'organisation, nous avons observé que le responsable d'une divi-
UJ
l.O
r-i
sion qui réalisait plus d' 1 milliard d'euros de chiffre d' effaires
0
N
@
n'avait pas pour autant la main sur la R & D, les usines et les
......
..c:
c:n
commerciaux. Bref, il ne maîtrisait pas une grande partie des acti-
·c
>
o.. vités qui concouraient au profit de sa branche ! Mais il en avait
0
u
quand même la responsabilité !

S'il y a un flottement dans la


' ' S'il y a un flottement
gouvernance, le mécanisme de
dans la gouvernance,
la prise de décision manquera
le mécanisme de la prise lui aussi de clarté. À n1oins
de décision manquera qu'il ne soit carrén1ent grippé.
lui aussi de clarté. Ainsi, de nombreuses décisions
La complexité, ou comment l'apprivoiser 89

ne sont pas prises, ou sont prises trop tard, parce qu'elles


n'en finissent plus de remonter la voie hiérarchique et
échouent quelque part, définitivement encalminées.
Et plus la taille de l'organisation est importante, plus le
risque est grand de voir s'installer un systèn1e de déres-
ponsabilisation collective. Bien souvent, les individus ne
sont pas suffisamment incités à exercer leurs responsabili-
tés. Ils sont pron1us à tel ou tel poste, parfois à un niveau
élevé, pour des raisons techniques, 1nais on ne leur a pas
appris à gérer des équipes et à assumer des décisions. La
France, dans ce don1aine, vise clairement la première place
mondiale ... Sans con1pter - pour revenir à notre sujet -
qu'une décision n 'est pratiquement jamais explorée sous
l'angle de la complexité. Il arrive en effet qu'une bonne
idée se transforme en mauvaise décision si elle contri-
bue à complexifier sensiblement le fonctionnement de
l'entreprise.

Vl SE MÉFIER DE LA MODE QUI CONSISTE


~
e> À « FAIRE TOURNER » LES MANAGERS
UJ
l.O
r-i
0
N Le manque de stabilité des managers dans l'organisation
@
...... favorise aussi la complexité. D ans de nombreuses grandes
..c:
c:n
·c
>
entreprises, la n1ode est au turnover tous les deux ou trois
o..
u
0
ans environ. Une n1anière soi-disant mûrement réfléchie
de « gérer les hauts potentiels ».

Un jour, le cadre dirigeant d'un


grand groupe que je questionnais
à l'occasion d'une mission sur
'' Le manque de
stabilité des managers
le leadership m'a dit : « Il faut dans l'organisation
un an et demi pour comprendre favorise la complexité.
90 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

le job ; ensuite, on a six mois pour agir, puis un an pour son-


ger au poste suivant ! » En fait, c'est un système pervers que
l'on retrouve aussi dans la haute administration. La plupart du
temps, les hauts potentiels passent leur carrière à changer de poste
tous les deux ans. Or, en deux ans, on n'a le temps de rien faire !
On en arrive ainsi à cette chose absurde : pendant toute une vie
professionnelle, on récompense les têtes bien faites sur l'idée que
l'on se fait de leur potentiel, pas sur ce qu'elles ont fait !
La stabilité managériale constitue un facteur de simplifi-
cation, m ais elle se fait rare.

Il y a dans chaque entreprise des réserves


considérables de productivité en travaillant
à réduire la complexité.

Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Chapitre 9

Innovation, ou comment
transformer une idée en cash
Dans un monde globalisé et ouvert, l'innovation est au
cœur de la stratégie des entreprises car elle seule peut faire
la différence et préserver la compétitivité. Or, en période
de crise, la tentation est forte de réviser à la baisse, voire de
re1nettre en cause, les budgets de recherche pour conso-
lider les comptes et privilégier les profits à court terme.
Ainsi, les dép enses de R & D, tant publiques que privées,
souffrent toujours de la crise et leur taux de croissan ce
annuelle n'a pas excédé 1,6 % depuis 2008, soit deux fois
moins que sur la période 2001-2008 , selon l'OCDE.
Toutefois, certaines entreprises continuent à privilégier
l'effort d'innovation et sont payées de retour. Selon le
Vl
dernier classement du m agazine am éricain Forbes (The
~
e> World5 Most Innovative Companies), la croissance annuelle
UJ
l.O
des cinq entreprises les plus innovantes de l'année 2014
r-i
0
N a affich é une progression comprise entre 12 % et 4 7 %
@
...... et, surtout, la « prime » accordée à ces entreprises p ar les
..c:
c:n
·c
>
investisseurs a dépassé les 60 %1. Le paln1.arès de Forbes,
o..
u
0
et c' est ce qui fait son originalité, ne s'appuie pas sur le
calcul du n1.ontant des investissements en R & D ou sur
le décompte du nombre de brevets déposés, mais sur la
capacité des entreprises à proposer des produits ou des
services de rupture, autrement dit à tran sformer les idées
en cash. Car une entreprise n e fait pas de l'innovation

1. Valeur calculée en août 2014.


92 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

pour faire de l'innovation. Elle investit pour grandir, pour


majorer la création de valeur, pour ne pas voir ses produits
se transformer en commodities et ses marges fondre conune
neige au soleil.
Si, dans l' écononlie du XXIe siècle, l'innovation est plus
que jamais une des clés de l'avantage concurrentiel,
encore faut-il s'en donner les moyens, financiers bien sûr,
n1ais aussi managériaux et organisationnels. La démarche
fait appel à un 1nélange subtil entre une certaine aptitude
à cultiver l'agilité, à rompre, à sortir du rang, et la capacité
à mettre en place l'organisation, la méthode, les moyens
et les outils nécessaires à l'expression et à la valorisation
permanente d'un« capital innovation».
Sur cette question-clé pour l'avenir des entreprises, nous
voudrions partager sept idées issues de notre expérience,
sept leviers qui nous paraissent essentiels pour faire de
l'innovation l'outil privilégié d'une performance conçue
pour durer.
Vl
~
e>
UJ IDENTIFIER SON « CAPITAL INNOVATION »
l.O
r-i
0
N
@ Il faut commencer par identifier le « capital innovation »,
......
..c:
·c
c:n un capital qui ne se résume pas aux techniques maîtrisées
>
0
o.. par l' entreprise, mais englobe aussi bien d'autres facteurs.
u
Dessiner une cartographie de la capacité innovatrice de
son entreprise en déternunant quels sont les activités
ou les domaines dans lesquels elle dispose d'un « capital
innovation » mobilisable sera un outil précieux, car dispo-
ser d'un tel outil évite de disperser ses efforts et favorise
une concentration des n1oyens indispensable au succès.
Innovation, ou comment transformer une idée en cash 93

PRIVILÉGIER L,APPROCHE GLOBALE

Dans une entreprise, l'innovation ne se résume pas aux


aspects techniques et n'est pas réservée à tel ou tel dépar-
tement, telle ou telle activité. Elle se niche potentielle-
ment partout, dans tous les domaines, non seulement les
produits, services ou technologies, 1nais aussi dans les
business models, les méthodes
de gouvernance, de travail,
de production et de vente, ' ' Les clients,
dans l'organisation de l' ap-
les partenaires et
pareil productif, la gestion les employés doivent
des ressources humaines, travailler ensemble pour
sans oublier les relations faire de l'innovation le
avec l' ensen1ble des parte- levier de création de valeur.
naires de l'entreprise, à
commencer par les clients et les fournisseurs. Cette culture
de l'approche globale est absolument essentielle si l'on
veut faire de l'innovation le levier de la création de valeur.
Vl Sur les dix-neuf initiatives du grand projet d'innovation lancé
~
e> en 2012 par une grande entreprise française que je conseille afin
UJ
l.O
r-i
de créer un milliard d'euros de profit supplémentaire, trois seu-
0
N lement sont de nature technique, les autres concernent différents
@
......
..c: domaines ou fonctions de l'entreprise.
c:n
·c
>
o..
0
On peut innover aussi bien en inventant un nouveau
u
business model qu'une nouvelle fonne juridique ou un
nouveau système de rén1unération, par exen1ple.
En matière de business model,j'ai le souvenir que, chez Atos,
nous avons été une des premières sociétés à créer des joint-ventures
avec nos clients. La formule, à l'époque, n'était pas très bien vue,
notamment des concurrents américains, car chacun voulait abso-
lument garder le contrôle à 1OO % de ses opérations. Finalement,
94 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

notre petite taille nous a incités àfranchir le pas. Nous avons créé,
nous l'avons déjà évoqué, une société commune avec la Bourse de
Paris pour la gestion de son informatique. Et nous ne l'avons pas
regretté. C'était très innovant et ce fut aussi très prefitable pour
les deux partenaires. Sur lefront de l'innovation juridique, il faut
penser aussi à des structures de coopération plus souples qu'une
fusion-acquisition pour développer un business commun à deux
firmes de nationalités différentes - par exemple, de chaque côté
de l'Atlantique - et servir ensemble des clients mondiaux. Dans
ces deux domaines - structure juridique et business model -,
le champ de l'innovation est grand ouvert. D e la même manière,
citons l'exemple d'un des meilleurs gestionnaires de réseaux au
monde, qui - ayant développé en interne des logiciels de mana-
gement de réseaux très peiformants - a mis ce savoir-faire au
service de ses confrères en créant avec eux des sociétés communes.
Une formule à la fois innovante et efficace qui permet en outre à
cette entreprise de doubler pratiquement ses prefits.
C'est dire si le champ de l'innovation est large.

Vl
~
e> MOBILISER TOUTES LES RESSOURCES
UJ
l.O
r-i
0
N Parce qu'elle n'est p as uniquement technique et/ ou
@
......
..c:
technologiqu e, et que ses enjeux dépassent largement
c:n
·c
>
le domaine de la R & D, l'aventure de l'innovation doit
o..
u
0
s'organiser à tous les niveaux de l'entreprise et mobiliser
l' ensemble des ressources nécessaires : techniques, finan-
cières et surtout hun1aines. Bien sûr, il est n écessaire de
constituer une équipe dédiée. Et c'est encore 1nieux si
celle-ci est pensée pour devenir un lieu de confronta-
tion de points de vue différents, de brassage des savoirs
et des disciplines. Depuis quelques années, les entreprises
s'appliquent d'ailleurs à composer des équipes douées
Innovation, ou comment transformer une idée en cash 95

de la capacité collective à regarder ailleurs, autrement


(scientifiques, créateurs, sociologues, « 1narketeurs », phi-
losophes ... ), et à explorer des champs nouveaux, notam-
ment du côté des usages.

Mais l'innovation est aussi l'affaire de tous et de chacun.


La mobilisation doit être à la fois top-down et bottom-up,
entraîner tous les salariés, à tous les niveaux de l'entre-
prise, dans une démarche créative. Il est important de
favoriser l' épanouissen1ent d'une culture, d'un état d' es-
prit et d'un écosystèn1e « innovation friendly » au sein de
l'entreprise. Concrètement, cela signifie que chacun doit
pouvoir espérer être écouté et voir ses idées prises en
. , ,
compte et 1ntegrees.

Aux États-Unis, la dén1arche fait partie intégrante du


génome de nombreuses entreprises et toute « trouvaille »
est particulièrement valorisante et valorisée. Chez 3M,
chez An1.azon, chez Apple, comme dans bien d'autres
groupes, celui qui va décrocher le prix de l'innovation
Vl
de l'année est assuré de devenir une véritable star. Ainsi,
~
e> le business case sans doute le plus célèbre de la planète,
UJ
l.O
popularisé par le pape du management Gary Hamel, fon-
r-i
0
N dateur de la London Business School, raconte comment
@
......
..c:
Dave Myers, un ouvrier de l'usine d'implants cardiaques
c:n
·c
>
de la société Gore, a pernus à son entreprise de conquérir
o..
u
0
un tout nouveau marché, les cordes de guitare, grâce à
sa créativité et à la spécialité maison, le polytétrafluoré-
thylène expansé. Avec quelques collègues passionnés de
guitare, Myers a eu l'idée de tester la spécialité maison
sur les cordes de guitare afin d'éviter que le son ne soit
modifié par la transpiration des doigts. En parallèle de ses
tâches quotidiennes, le petit groupe travaillera trois ans sur
le projet, en toute liberté, avant que ces nouvelles cordes,
96 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

commercialisées sous la marque Elixir, ne fassent tout


simplement de Gore le leader mondial sur ce 1narché. On
dit qu'Eric Clapton et Carlos Santana ne peuvent plus
imaginer jouer avec un autre équipen1ent. L'histoire de
Dave restera en tout cas con1ille le syn1bole de ce qui a
fait de Gore une des firn1es les plus innovantes de ces cin-
quante dernières années, une entreprise où chaque salarié
consacre 10 % de son temps de travail à ses propres projets
de développement.

Dans les entreprises françaises, la réalité n'est pas toujours


aussi glamour. Le collaborateur qui propose une idée, un
projet, a souvent bien du mal à trouver une oreille atten-
tive. Surtout si l'idée ou le projet en question sort un peu
trop du cadre !

Dans une entreprise de construction électrique que je conseille, un


collaborateur avait imaginé un procédé qui permettait de diviser
par dix le temps de câblage d'un équipement. Mais sa trouvaille
ne passionnait personne car, jusque-là, le câblage était laissé à la
~
Vl charge du client et, à première vue, ce nouveau dispositif avait
e> comme effet de changer la nature de la solution proposée et de
UJ
l.O
roi
faire grimper le prix de l'équipement complet. Alors que le fait de
0
N
@
pouvoir fournir au client un équipement déjà câblé représentait
......
..c:
c:n
un atout commercial décisif! Au final, le client a tranché, adopté
·c
>
o.. la nouvelle solution et poussé l'entreprise à la mettre en œuvre,
0
u
mais que de temps perdu pour que cette innovation s'impose !

Voilà pourquoi il est souvent utile de prévoir, dans l' orga-


nigramme, au moins une personne qui se situe hors hié-
rarchie et soit capable de percevoir très vite ce que l'on
peut faire de certaines idées « out of the box ». Quelqu'un
aussi dont chacun saura dans l'entreprise qu'il prendra le
ten1ps d'écouter.
Innovation, ou comment transformer une idée en cash 97

]'avais embauché un électron libre qui me rapportait directement.


Il consacrait du temps à écouter les uns et les autres. Si j'avais
confié certains projets à mes patrons opérationnels, ils les auraient
tout simplement tués dans l'œuf

CONSACRER DU TEMPS À LA CRÉATIVITÉ

Spontanément, et plus encore en période de crise quand la


culture du résultat à court terme se fait plus prégnante, un
dirigeant n'est p as forcément enclin à encourager ses sala-
riés à consacrer, en toute liberté et sans obj ectifbien défini,
une partie de leur temps de travail à la créativité. Et mên1e
lorsqu ' un temps de R & D est censé faire formellement
partie du contrat de travail, ce qui est souvent le cas dans
les entreprises du secteur des nouvelles technologies de
l'information par exemple, dans la pratiqu e, la gestion du
business au quotidien dévore
la totalité des agendas, quand ' '
Vl
ceux-ci ne sont pas submergés Le sentiment
~
e> par une avalanch e de tâch es de liberté stimule la
UJ
l.O
sans aucune valeur aJou- créativité individuelle.
r-i
0
N tée. Pourtant, l'expérience le
@
......
..c:
prouve : le sentiment de liberté stimule la créativité indi-
c:n
·c
>
viduelle et les entreprises les plus efficaces en matière d'in-
o..
u
0
novation savent accorder du temps à leurs salariés.

MAÎTRISER LE PROCESSUS D'INNOVATION

Si la liberté doit guider l'innovation, celle- ci ne surgit


p as pour autant de la pagaille (le « bordel ambiant »,pour
reprendre l' expression de Roland M oreno, l'inventeur de
98 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

' ' Mettre en place les la carte à puce) sans que l'en-
éléments d'un processus treprise ait pensé et installé
un processus susceptible de
d'innovation organisé
combiner volonté, organisa-
et solide permet à tion, méthodes et outils. Sur ce
celle-ci de s'épanouir. point, nous reprendrons volon-
tiers à notre compte la formule
du designer américain Peter Engel : « La créativité, loin
d'être un don accordé à quelques-uns, est un processus appris,
une manière de cultiver une bonne idée et de l'amener à porter
ses fruits. » Mettre en place les éléments d'un processus
d'innovation organisé et solide ne bride pas celle-ci, m ais
lui permet, au contraire, de s'épanouir.

MAxlMISER LA CRÉATION DE VALEUR ET LA MESURER

De la même manière qu'il ne faut pas laisser l'innova-


tion à la n1erci des seuls caprices de l'inspiration ni.ais se
donner les moyens d'en maîtriser le processus, il est éga-
Vl
~ lement n écessaire, même si cela peut paraître contraire à
e> une démarche« ouverte »,de se donner des objectifs pré-
UJ
l.O
r-i
0
cis dans un doni.aine souvent abandonné aux impressions
N
@ et autres approxünations. Mesurer la création de valeur
......
..c:
c:n
·c
par l'innovation est fondamental car - nous l'avons dit
>
o..
0
et c'est essentiel - on ne fait pas de l'innovation pour le
u
plaisir de faire de l'innovation, mais pour transformer une
idée en cash, autrem ent dit pour assurer la pérennité de
l'entreprise et l'avenir de ses salariés.
Prenons l'exemple d'un projet lancé dans un grand groupe de
construction : ils' agit de générer un profit supplémentaire affiché
et connu de tous, et le groupe en mesure régulièrement les résul-
tats. Il a déjà rapporté plusieurs centaines de millions d'euros.
Innovation, ou comment transformer une idée en cash 99

Il existe différents critères pour n1esurer la création de


valeur. Par exemple, le nombre de brevets déposés (mais
cet indicateur ne tient pas compte des innovations non
brevetées ou non brevetables), le pourcentage de clients
acheteurs de nouveaux produits, le taux de renouvelle-
ment de la gamme de produits, le pourcentage du chiffre
d'affaires réalisé par l'entreprise sur des produits récem-
n1ent lancés, ou encore la marge réalisée par les produits
nouveaux. Ainsi, l'état-major de 3M a donné con1ffie
objectif qu'en 2016, 40 % du chiffre d'affaires du groupe
soient générés par des produits lancés depuis moins de
cinq ans. Pour ce qui nous concerne, la croissance du
business nous paraît être, à bien des égards, l'indicateur le
plus simple et le plus pertinent.
Pour moi, la croissance du chiffre d' effaires est la manière la plus
simple de mesurer l'efficacité de l'effort d'innovation. J e ne vois
pas l'intérêt d'avoir dans les cartons un portefeuille de produits,
dès lors que cela ne se traduit pas par une augmentation de chiffre
d' effaires. La traniformation de l'innovation en business est fon-
~
Vl
damentale. Prenons un groupe comme le néerlandais Philips,
e> par exemple. Ses chercheurs sont certainement à l'origine d'une
UJ
l.O
r-i bonne moitié des grandes innovations technologiques de ces cin-
0
N
@
quante dernières années. Pour autant, à mes yeux, Philips n'est
......
..c:
c:n
pas forcément un modèle en la matière car le groupe afinalement
·c
>
o..
0
trop rarement réussi à transformer les trouvailles de ses collabora-
u
teurs en business prefitable.

SURFER SUR LA VAGUE DE L'OPEN INNOVATION

À l'heure de la mondialisation et du digital, les entreprises


innovantes travaillent de n1oins en moins repliées sur elles-
mê1nes et cherchent à optimiser la création de valeur en
100 L'entreprise : une communauté motivée au service des clients

développant des liens avec leurs partenaires, notanunent


avec leurs fournisseurs, partenaires privilégiés. Selon une
enquête parue en 2013 et réalisée auprès d'un panel de
directeurs d'achats européens et américains, publiée par
Tendances Achats) près d'un sur deux considère l'innova-
tion fournisseurs conune la priorité des priorités, notam-
ment pour tout ce qui concerne l'innovation produit.

Toutefois, les obstacles à une telle démarche restent nom-


breux : faible implication des « achats » dans le processus
d'innovation ; absence d'une culture collaborative entre la
direction achats et ses fournisseurs fondée sur la confiance,
l' échange et le partage de compétences ; absence d'indi-
cateurs de performance liés à l'innovation, tant du côté
des fournisseurs que des directions achats ; absence de
nlanagement de la perforn1ance et d'outils de partage
des connaissances ; inanque de forn1ation des acheteurs
à ces enjeux. B eaucoup reste donc à faire pour capitaliser
sur les perspectives offertes par une véritable innovation
collaborative avec les fournisseurs.
Vl
~
e> Hier encore contrôlée par l'entreprise en amont du pro-
UJ
l.O
duit, l'innovation est aussi de plus en plus dépendante de
r-i
0
N l'aval, c'est-à-dire de la façon dont les clients/ consonuna-
@
......
..c:
teurs vont s'approprier le produit et prendre part à un pro-
c:n
·c
>
cessus ouvert et contributif. En exprimant des besoins qui
o..
u
0
font abstraction des contraintes techniques, les consom-
mateurs ouvrent en effet aux créatifs des perspectives
nouvelles. À tout moment, l'entreprise travaille désormais
à concevoir l'offre que le client a dans la tête (simple,
fiable, conviviale, durable, etc.) et part des rêves, des désirs,
des attentes, pour innover, proposer des avancées vécues
comme autant de progrès dans la vie quotidienne.L'essor
des nouvelles technologies accélère l' émergence de cette
Innovation, ou comment transformer une idée en cash 101

innovation ouverte (open innovation) vers de nombreux


partenaires. Dans un univers hyperconnecté qui marie
capacités des individus, données ni.assives et puissance de
calcul, il appartiendra de plus en plus à une communauté
d'intérêts réunie autour d 'un produit ou d'un service
de cocréer les prochaines vagues d 'innovation. En p ar-
ticulier, comni.e le dit Tim Brown, « le design thinking
[l'innovation de l'innovation] est une discipline qui utilise la
sensibilité, les outils et les méthodes des designers pour permettre
à des équipes pluridisciplinaires d'innover en mettant en corres-
pondance attentes des utilisateurs, fiabilité technologique et via-
bilité économique1 ».

Innover pour vendre plus en faisant vendre plus


à ses clients, innover pour améliorer l'efficacité
interne. L'innovation, partie intime de la culture
de l'entreprise.

Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u

]
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o.
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2
(.'.)
@ 1. Tim Brown, "D esign Thinking", H arvard Business R eview, juin 2008.
Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Chapitre 10

Proiets corporate, pas de salut


sans la connexion avec le terrain
Dans les entreprises, les projets corporate n'ont pas forcé-
ment bonne presse. On se méfie des idées mirobolantes
descendues du siège et concoctées par une équipe de diri-
geants qui, parfois, ont perdu de vue depuis longtemps la
réalité du terrain. La tendance actuelle est d'ailleurs plutôt
à la décentralisation et au sur-mesure calibré au plus près
des opérations, une évolution favorisée par les nouvelles
technologies.

Malgré tout, et quoiqu'en disent les adeptes du « tout-dé-


centralisé »,les projets corporate sont souvent indispensables
à l'entreprise. En effet, certains projets ne peuvent être
menés qu'à l'échelle d'un groupe tout entier et doivent
~
Vl
être mis en œuvre à partir du somn1et, qu'il s'agisse
e> d'un plan de transformation qui concerne l'ensemble
UJ
l.O
r-i
0
de l'entreprise, par exen1ple, ou de certains projets dans
N
@ les domaines ressources humaines ou financiers, notam-
......
..c:
c:n ment tous ceux qui touchent à l'évolution des systèmes
·c
>
o.. de contrôle, dont l'efficacité dépend du fait qu'ils seront
0
u
mis en place de la même inanière partout, même dans la
plus petite unité du groupe.

Si de tels projets restent indispensables, d'autant qu'il ne


faut pas négliger (à petites doses) leurs vertus fédératrices,
dès lors qu'ils sont bien conçus et bien exécutés, ils n'en
doivent pas nloins être sélectionnés avec le plus grand soin.
Dans ce domaine, la modestie de la fonction « corporate »
104 L'entreprise: une communauté motivée au service des clients

(dans tous les sens du terme) fait figure de premier atout :


le siège doit être - comn1e nous avons déjà eu l'occasion
de le souligner - aussi éconon1e de ses nloyens et de ses
projets que possible. Un gage de succès pour toute entre-
prise qui souhaite rester gouvernable.

SÉLECTIONNER UN PROJET MOBILISATEUR

Un projet corporate doit évidemment être mobilisateur et il


est plus facile de nlobiliser sur un projet positif, qui favo-
rise la croissance de l'entreprise et dont on peut aisément
mesurer le résultat. Ainsi sera-t-il plus facile de créer une
dynan1ique sur la nlise en place d'une direction grands
comptes ou le lancement d'un projet RH, que sur la mise
en place d'un nouveau système de contrôle interne.

Je me souviens que Schlumberger avait composé un groupe de


cinquante jeunes hauts potentiels auquel il avait adjoint une
dizaine de hauts potentiels envoyés par ses partenaires afin de
~
Vl
réaliser un gigantesque audit de l'entreprise. Pendant une année
e> complète, les soixante se sont promenés partout dans le monde,
UJ
l.O
r-i
0
ont tout passé en revue et produit un rapport (conditions de
N
@ travail, priorités stratégiques, etc.) nourri de recommandations de
......
..c:
c:n toutes sortes qu'ils ont présenté lors d'un grand show d'une jour-
·c
>
o.. née. C'était là une idée très stimulante et très féconde.
0
u
Ajoutons enfin qu'un bon projet corporate est un projet
dont la pédagogie est bien faite dès le départ et dont on
veillera à préserver la simplicité originelle : tout projet de
ce type a naturellen1ent tendance à se complexifier au
fur et à nlesure qu'il descend dans l'organigramme. Pour
éviter le syndrome du diamant lancé à toute vitesse sur la
pente neigeuse (à l'arrivée en bas, bien malin celui qui le
Projets corporate, pas de salut sans la connexion avec le terrain 105

verrait encore briller de mille feux), il faut être très atten-


tif à conserver la simplicité du départ.

FAIRE ADHÉRER L'ENSEMBLE DU COMITÉ DE DIRECTION

Trop de projets corporate sont perçus d' en1blée comme les


«projets du président». Un handicap toujours difficile à
surn1onter car s'il n'est pas porté par l'équipe dirigeante
tout entière, un projet de ce
type aura toutes les chances
de ne jamais franchir la bar- ' ' Tout projet
rière du comité directeur corporate doit emporter
et d'être discrètement mais la conviction profonde
sûrement étouffé dans l' œuf
du comité de direction.
par certains collaborateurs
directs du président. Pour avoir une ch ance de su ccès, tout
projet corporate doit einporter la conviction profonde du
comité de direction, et il est critique de bien s'en assurer
Vl
au démarrage.
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N CONNECTER LE PROJET AU TERRAIN
@
......
..c: ET BIEN CHOISIR SON PATRON DE PROJET
c:n
·c
>
o..
u
0
M ême si, par définition, un projet corporate part du som-
met de la pyramide pour se diffuser jusqu'à la b ase, il
doit être très rapidement connecté à la réalité du terrain,
notamment aux n1étiers de l'entreprise. Ce qui suppose
de se donner les moyens des allers et retours nécessaires
pour que les mesures prévues soient passées au tamis de
l'opérationnel. Pour les mêmes raisons, il est toujours
souhaitable de confier la direction d'un tel projet à une
106 L'entreprise: une communauté motivée au service d es cl ients

personne qui bénéficie dans l'entreprise d'une crédibi-


lité opérationnelle. D'une 1nanière générale, il est tou-
jours fructueux de m ettre en place des passerelles entre le
corporate et l'opérationnel. Certains groupes, réputés pour
leur n1anagement RH de pointe (Schlumberger encore),
s'in1posent con1llle règle une circulation dans les deux
sens. Les opérationnels expérin1entent à un moment ou
à un autre une fonction du siège (notamment dans les
RH) et, réciproquement, les « corporate » circulent dans les
opérations un peu partout dans le monde. Une philoso-
phie propice au succès des projets venus du siège.

INSCRIRE LE PROJET DANS LE TEMPS •••


MAIS L'ÉVALUER RÉGULIÈREMENT

La plupart des dirigeants ont tendan ce à pen ser que, dès


lors qu'ils ont décidé, forn1ulé, exprimé un projet corporate,
Vl
mis en place une nouvelle organisation, installé le respon-
~
e> sable du proj et dans son fauteuil, l'essentiel est accompli !
UJ
l.O
Ils n'ont souvent qu'une vague notion du temps qu'il faut
r-i
0
N pour vaincre l'inertie de l'organisation (parfois, il p eut y
@
......
..c:
avoir quelques centaines de sites dans le n1onde à m ettre
c:n
·c
>
en mouvem ent!) et m ettre le proj et en œ uvre dans de
o..
u
0
bonnes conditions. Les plus entreprenants (ou les plus
inconscients) passent déj à au projet suivant, lequel ne va
p as m anquer de venir p arasiter l'exécution du précédent.
Il faut laisser du temps au temps ne veut pas dire que l'on
ne doit pas se fixer des jalons, rendez-vous permettant
d' évaluer les résultats. Au contraire. Les proj ets qui durent
longtemps risqu ent de finir par s' enliser sil' on n'a p as pris
soin de se donner des obligations inter médiaires strictes.
Projets corporate, pas de salut sans la connexion avec le terrain 107

Je suis opposé aux projets pluriannuels, c'est une conviction très


forte. Tout ce qui dure plus d'un ou deux ans, à mon avis, court le
danger de ne jamais aboutir. Mais comme il est vrai qu'un projet
corporate a souvent besoin de temps pour se déployer, il faut
s'imposer une grande discipline, découper le projet en tranches
successives, poser des jalons et pouvoir montrer régulièrement des
résultats.

Les projets corporate sont à utiliser à bon


escient et donc à petites doses, et doivent être
portés par une équipe corporate de grande
qualité et en petit nombre.

Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
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Partie Il

Les ressources humaines :


le goût des autres

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0
u
Chapitre 1

Valeurs, donner du sens à l'action


Aujourd'hui, dans l'entreprise comme ailleurs, le mot
« valeurs » est souvent galvaudé. Elles s'affichent sans
complexe sur les sites Internet, investissent plaquettes et
rapports annuels, brillent de mille feux dans les journaux
d'entreprise. . . Mais cette « mise en valeur » ne corres-
pond pas toujours à une démarche de fond et se résume
souvent à une simple opération de communication.
Poudre aux yeux, slogan ? Dans bien des entreprises, les
valeurs constituent surtout un vecteur de communication
superficiel, plus qu'un véritable levier de réflexion et de
'
progres.
Il ne suffit pas, en effet, de quelques belles formules ins-
crites noir sur blanc dans une charte éthique pour qu'elles
aient vraiment leur raison d' être ! Encore faut-il qu'au
Vl
~ quotidien les salariés aient le sentin1ent qu'il existe bien
e> un lien entre les valeurs affich ées et les actes qui n1arquent
UJ
l.O
r-i
0
la vie de la société. Entre les valeurs « officielles » et les
N
@ valeurs « réelles ». Sinon, ils auront tendance à mettre en
......
..c:
c:n
·c
doute la sincérité de la démarche et à garder leurs dis-
>
o..
0
tances. L'entreprise se prive alors d'un véritable levier de
u
management, surtout dans un univers professionnel où
la différence se fait de plus en plus sur les compétences
comportementales et sur la capacité de chacun à s'inscrire
dans un collectif.
Issues de l'histoire et de la culture del' entreprise, y com-
pris avec ce que cela comporte de symbolique et d'imagi-
naire, les valeurs constitu ent en effet des repères forts dans
112 Les ressources humaines: le goût des autres

lesquels chaque collaborateur doit pouvoir se reconnaître.


À l'intérieur, cet ensemble de principes fondamentaux,
de croyances partagées con1pose le socle identitaire com-
mun qui inspire les comportements de l'ensemble des
salariés, les n1odes de pensée et les choix stratégiques, car
elles représentent ce qu'il y a d'essentiel, au sens strict
du tenne, dans l' ADN de l'entreprise. À l'extérieur, elles
nourrissent la réputation de l'entreprise auprès de ses
clients et partenaires.

OPTER POUR DES VALEURS FORTES ET SIMPLES À LA FOIS

Inutile de faire appel aux conseils d'un gourou ou autre


spécialiste du management : le choix des valeurs est l' af-
faire des dirigeants. Et elles doivent être choisies avec le
plus grand soin. Attention aux mots et autres formules
toutes faites, trop vagues pour pouvoir être réellement
opérationnelles. Le choix doit se limiter à quelques items
~
Vl forts, inutile d'introduire de la con1plexité dans ce qui se
e> veut être une démarche pragmatique. Ils doivent expri-
UJ
l.O
r-i
mer simplement et clairement une identité qui parle à
0
N
@
l'ensemble des salariés et qui corresponde à des enjeux
......
..c:
c:n
stratégiques pour l'avenir de l'entreprise. Il s'agit de mon-
·c
>
o.. trer qu'il existe en permanence une cohérence entre la
0
u vision, les objectifs stratégiques et les objectifs individuels.

Nous avions chez Atos cinq valeurs. D'abord, le client : prio-


rité absolue, aimer son client. Ensuite, l'engagement personnel.
Chaque personne, quel que soit son niveau dans l'entreprise,
depuis la réceptionniste jusqu'au patron de pays ou de business
unit, a un rôle à jouer et doit tenir ses engagements. Troisième
valeur : la convivialité. Cet aspect pourra sembler secondaire
Valeurs, donner du sens à l'action 113

mais, à mes yeux, elle est très importante. En général, dans les
entreprises, on travaille beaucoup et, si l'on veut être efficace, il
faut avoir du plaisir à travailler ensemble. Quatrième valeur :
entrepreneuriat et esprit d'équipe. Enfin, la profitabilité. On m'a
beaucoup critiqué sur ce point (pour certains, la profitabilité ne
peut être une valeur), mais j'ai toujours tenu bon car le jour où
vous ne gagnez plus d'argent, il n'y a plus d'entreprise!

PUISER LES VALEURS DANS L'ADN DE L'ENTREPRISE

Il est pertinent de puiser les valeurs dans l' ADN de l'en-


treprise, c'est-à-dire dans ce qui la caractérise de plus
essentiel. Cela est d 'autant plus in1portant que, lorsqu'on
s'enquiert de ce qui constitue vraiment le génome de la
société, il est frappant de constater qu'il s'agit d'un suj et
sur lequel tout le monde est en gén éral d'accord. Dès lors,
pourquoi se priver de puiser dans cet élément fédérateur
pour définir les valeurs ?

Vl
La plupart du temps, les dirigeants que je conseille se réferent peu
~
e> ou pas du tout à l'ADN de l'entreprise, alors qu'il s'agit d'un
UJ
l.O
élément structurant de consensus.
r-i
0
N
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......
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>
TENIR COMPTE DES CULTURES LOCALES
o..
0
u
D ans les entreprises internationales, il est essentiel de res-
pecter les différentes cultures. Les valeurs retenues doivent
revêtir un caractère universel et parler à tous, quel que soit
le pays concerné.
Un groupe comme Atos, par exemple, n'a cessé de se développer
et de grandir, notamment par acquisitions en France et aussi à
l'étranger, et nous avons dû en permanence adapter nos valeurs
114 Les ressources humaines: le goût des autres

et intégrer des cultures différentes, mais nous avions notre tronc


commun composé de nos cinq valeurs fondamentales.
Il faut tenir compte des cultures mais jusqu'à un certain
point. Il arrive, dans certaines fusions, que les salariés de
chaque unité soient arc-boutés sur leur culture d'entre-
prise et se refusent obstinément à« faire société » avec les
salariés des autres entités.
Je me souviens, chez Alstom, de la difficulté que j'ai eue àfédérer
un tant soit peu les cultures entre celle d'Alstom, celle de GEC
et celle d'AEG, cultures très fortes et historiques qui se refusaient
à être solubles dans les autres. . . La solution a été de réaliser
un projet commun en rupture que nous avons appelé « From a
collection of units ta a worldwide leader », lequel a aligné tout
le monde et favorisé l'émet:gence d'une culture nouvelle unique.
Lorsqu'on grandit par acquisitions dans le cadre d'une
stratégie cohérente, il est nécessaire en effet d'intégrer les
différentes entités le plus rapidement possible, ce qui sup-
pose de préserver les traditions, mais aussi d'aligner tout le
Vl monde autour d'un système de valeurs unique.
~
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UJ
l.O
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N NE NÉGLIGER AUCUN SYMBOLE
@
......
..c:
c:n
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Dans une entreprise, il y a toujours des symboles et le
>
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corps social qui la compose a besoin de s'y rattacher, qu'il
u
s'agisse de lieux historiques ou de traditions de la vie
quotidienne. Chaque usine, chaque filiale, chaque pays a
ses traditions. Il faut les respecter et en tenir compte dans
le choix des valeurs.
Dans chaque entreprise, il y a au moins un, voire plusieurs,
lieux historiques et il faut absolument prendre le temps d'y aller
pour rencontrer l'ensemble du personnel et lui montrer que l'on
Valeurs, donner du sens à l'action 115

s'intéresse à l'histoire de l'entreprise. Un des moyens de le faire,


est de respecter les traditions. Cela peut être de fêter les anniver-
saires ou, comme c'était la tradition chez Atos aux Pays-Bas, de
faire une fête et d'offrir un cadeau à son client lorsqu'on décroche
un contrat !
Pour une entreprise nouvelle, le choix du logo est aussi
une manière d' exprin1er d'emblée ses valeurs.

Nous avons fait au départ le choix d'opter pour un logo qui ferait
riférence à quelque chose de concret, comme la pomme d'Apple.
Et puis, un jour, lors d'une réunion client, un professeur autri-
chien spécialiste des poissons nous a fait un cours sur le poisson
chirurgien, un poisson qui ne se mange pas (autrement dit, per-
sonne ne croquerait jamais Atos !), nageur hors pair, y compris
dans les courants contraires (emblème de la capacité de résistance
du groupe face à la concurrence), et en même temps très pacifique
qui ne déploie ses épines aussi aiguisées que des scalpels que s'il
est attaqué ... Avec ces éléments, on pouvait construire un récit
autour de notre aventure collective.
Vl
~
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INCARNER LES VALEURS AU QUOTIDIEN
0
N
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......
..c:
La fonction d'exemplarité est majeure. Si l'on veut que
c:n
·c
>
les valeurs soient appropriées par l'ensemble du corps
o..
u
0
social de l'entreprise, les diri-
geants doivent évidemment ' ' Les dirigeants
les incarner au quotidien. Le
doivent incarner les
« big boss » plus que tout autre.
Cela bannit les comporte-
valeurs au quotidien.
ments personnels qui tradui-
raient aux yeux de tous un double langage entre les valeurs
affichées et la réalité quotidienne, au point de ruiner la
116 Les ressources humaines: le goût des autres

crédibilité du management et l'engagement de l'ensemble


des salariés. Comment faire confiance à une direction ou
un n1anage1nent qui fait le contraire de ce qu'il de1nande
aux autres dans une charte affichée, à la vue de tous ? Bien
entendu, il est égalen1ent important que cette incarnation
touche l'ensemble de la chaîne de commanden1ent.

Lorsque je procède à une analyse sur ce sujet) je regarde atten-


tivement à deux niveaux : au niveau du top management et
à celui de la toute première ligne de management. Si ces deux
niveaux incarnent les valeurs) l) expérience prouve que le reste est
au diapason.
Une fois les valeurs définies, la bonne pratique consiste
à les afficher à l'entrée de l'usine ou du bureau. Un bon
moyen de les invoquer le plus souvent possible, ce qui sera
d'autant plus facile que l'on aura choisi des valeurs très
concrètes, connectées au business. Chacun doit pouvoir
se les approprier et, dans tout processus d'appropriation,
la mécanique de répétition est importante.
Vl
~
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roi
EN FAIRE UN OUTIL DE MANAGEMENT
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Si elles sont précises, claires, donc efficaces, les valeurs
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>
doivent être déclinées en pratiques professionnelles
o..
u
0
observables et être intégrées
' ' Les va leurs doivent dans une politique d' évalua-
être déclinées en tion (fin de période d'essai,
fin d'une mission, évaluation
pratiques professionnel les
annuelle, entretien de ges-
observables et être tion des carrières ... ) , de pro-
intégrées dans une motion, voire, le cas échéant,
politique d'évaluation. dans une décision de sanction.
Valeurs, donner du sens à l'action 117

Certaines entreprises vont jusqu'à indexer une part des


augmentations de salaire sur le respect de leurs valeurs.
Si l'on souhaite faire des valeurs un véritable levier de mana-
gement, elles doivent constituer un des critères d'évaluation, de
promotion, voire éventuellement de sanction. Ainsi, dans l'éva-
luation annuelle, certaines entreprises dans lesquelles j'inter-
viens travaillent sur deux axes, un axe peiformance et un axe
valeurs. Et le second prend de plus en plus le pas sur le premier :
on pardonnera l'absence de peiformance si les valeurs sont au
rendez-vous, mais on ne pardonnera pas la situation inverse.
Et, pour en arriver au diagnostic individuel, ces entreprises ont
mis au point une méthodologie rigoureuse avec utilisation du
360 degrés. Ce n'est pas le dirigeant qui décide tout seul dans
son coin de la pondération des différents facteurs qui vont entrer
dans l'évaluation.

Les valeurs, simples et fortes, comprises


et pratiquées par tous les employés,
sont un levier très puissant de motivation
et de développement.
Vl
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Chapitre 2

La confiance, une bonne


raison de se lever le matin

« Sans la c01efiance, nous serions fous de nous lever le matin


dans ce monde incertain. » La forn1ule du sociologue alle-
mand Niklas Luhmann résume en quelques mots simples
l'in1portance que revêt la relation de confiance entre les
individus, et notanunent - c'est ce qui nous intéresse
ici - dans les entreprises. Comn1ent, en effet, imaginer
se rendre chaque 1natin au travail sans être motivé par la
perspective d 'y retrouver l'ambiance, le clünat, qui per-
mettra à ch acun de se sentir bien et de donner le meilleur
de lui-même ? N'est-ce pas, en tout cas, ce dont rêve cha-
cun d'entre nous ?

Vl
La confiance est absolument indispensable au bon fonc-
~
e> tionnement de l'entreprise. Pour une raison qui tient de
UJ
l.O
l'évidence : dans une entreprise, et quelle que soit sa taille,
r-i
0
N chaque manager, chaque responsable doit déléguer un
@
......
..c:
certain nombre de tâches, et donc, par définition, faire
c:n
·c
>
confiance. C'est une nécessité opérationnelle (a contrario,
o..
u
0
l'hypercentralisation débouche souvent sur l'inefficacité,
et n1.ême, dans certains cas, sur la paralysie). C'est aussi
un puissant facteur de motivation individuelle et collec-
tive. Les entreprises qui fonctionnent bien sont en général
celles qui permettent à chaque collaborateur - quel que
soit son niveau de responsabilités - de se sentir pleine-
ment impliqué et associé à la vie et à l'avenir de l'en-
treprise. Donner de la confiance est encore le meilleur
120 Les ressources humaines: le goût des autres

n1oyen d'en recevoir, un cercle vertueux qui joue son rôle


dans la bataille de la con1pétitivité.

Si cet élément intangible que l'on appelle « confiance »


constitue une des clés de la performance, comn1ent expli-
quer que l'on ne s'en préoccupe pas plus que cela dans de
non1breuses entreprises ? Nous y voyons plusieurs raisons.

Tout d'abord, la confiance est un système de management


pourtant excellent, mais dont les dirigeants ne raffolent
pas. Il suppose d'être sûr de ses choix sur le plan humain
et des qualités que l'on a su (ou pas) détecter chez ses
collaborateurs. De nombreux dirigeants doutent de leur
propre juge1nent. Ils ont aussi du mal à déléguer parce
qu'ils ont alors le sentiment d'abandonner un petit bout
de leur pouvoir (toujours trop à leur goût). Ils redoutent
même parfois de perdre le contrôle, voire de mettre leur
entreprise en danger, alors que déléguer ne dispense pas
de contrôler, mais suppose
' ' La confiance est un plutôt de contrôler à bon
Vl système de management escient, c'est-à-dire après
~
e> excellent, mais dont les avoir fait confiance et laissé
UJ
chacun prendre sa part de
l.O
r-i dirigeants ne raffolent pas.
0
N responsabilité.
@
......
..c:
c:n
·c
Par ailleurs, la confiance est une vertu qui n'est pas tout à
>
o..
0
fait dans l'air du ten1ps, ou plutôt qui revêt désormais une
u
signification bien particulière. Depuis une trentaine d'an-
nées, on a en effet surtout mis l'accent sur la confiance ...
en soi dans une société - et notan1ment un univers pro-
fessionnel - où le monde se diviserait en deux catégories,
les winners (qui pensent n'avoir besoin de personne pour
réussir) et les los ers (qui auraient la naïveté de croire aux
vertus de la confiance et de la coopération). Con1me si la
La confiance, une bonne raison de se lever le matin 121

confiance se réduisait à une compétence personnelle qu'il


suffirait de cultiver pour faire partie des gagnants.

Enfin, nous ajouterons à ces éléments de réflexion que


notre société est aujourd'hui facilement paralysée par la
peur de tout ce qui échappe ou pourrait échapper au
contrôle. Cette obsession a progressivement conduit à la
mise en place de dispositifs de contrôle en tous genres que
nous connaissons tous, conm1e le recours systématique à
l'usage d'indicateurs ou de
tableaux de bord. Ce retour à ' ' Ce que nous avons
une forme de rationalisation,
gagné en performance
qui présente des analogies
avec le « scientific management »
individuelle, nous
cher à Taylor, a tendance à l'avons perdu sur le
transformer les individus en terrain du collectif.
acteurs timides et peureux, à
anéantir tout esprit d'initiative et toute créativité.Ainsi, ce
que nous avons gagné en performance individuelle, nous
l'avons perdu sur le terrain du collectif, con1me si la
~
Vl
« main invisible » de cette nouvelle forme de gouver-
e> nance avait pris le pouvoir sur les hommes. L'expérience
UJ
l.O
r-i
0
1nontre pourtant que les entreprises les plus innovantes
N
@ sont celles qui incitent leurs collaborateurs de tous niveaux
......
..c:
c:n
·c
à se faire mutuellement confiance pour libérer la réserve
>
o..
0
de créativité qui sommeille dans toute entreprise.
u
Comment mettre l'individualisme à distance et retrou-
ver le goût de travailler ensemble ? Nous ne nous situons
pas ici dans le registre du beau discours pour chefs d'en-
treprise en quête d'une posture avantageuse, mais bien
dans celui de l'efficacité écononuque. La formule popu-
larisée en 1937 par le président des États-Unis Franklin
D. Roosevelt reste d'actualité : « Nous avons toujours
122 Les ressources humaines: le goût des autres

su que l'égoïsme insensible était moralement mauvais. Nous


savons maintenant qu'il est économiquement désastreux. » Si la
confiance ne se décrète pas, elle se construit dans la durée,
pour peu que l'on s'en donne les moyens.

INSPIRER MOTIVATION ET ENGAGEMENT

Chacun a besoin qu'on lui fasse confiance et qu'on la lui


manifeste concrèten1ent.Y compris dans les petites choses
de la vie de tous les jours. Faire confiance, c'est fabriquer
de la motivation, de l' engage1nent, de la créativité.
]'avais un proche collaborateur, très costaud professionnellement,
mais lorsque quelqu'un sortait de son bureau, quel que soit son
niveau de responsabilité, il lui envoyait aussitôt une note pour lui
repréciser en détail ce qu'il était censé faire ... Plus d'une fois je
lui ai dit qu'il était incongru d'envoyer une note en quatre points
à un type de ce niveau ! En réalité, il ne fa isait confiance à per-
sonne. Mais, résultat, ceux qui travaillaient avec lui n'étaient pas
du tout inspirés. Je ne crois pas aux systèmes centralisés. Celui
Vl
~ qui a l'âme d'un dirigeant fait le pari de la conj1ance.
e>
UJ
l.O
r-i
D'autant qu'en faisant confian ce aux autres, on les révèle.
0
N
@ Nous sommes tous pareils : nous sommes tous là où nous sommes
......
..c:
c:n
·c
parce qu'à un moment donné quelqu'un nous a fait confiance !
>
o..
0
Et cette confiance que l'on nous a donnée, un jour, c'est comme
u
un cadeau que l'on rendra à notre tour un jour ou l'autre à
quelqu'un d'autre.
Les j eun es sont particulièrement sen sibles à ce style de
managen1ent car leur niveau de n1otivation et d' engage-
ment est directement proportionnel au degré d' autono-
1nie et de délégation.
La confiance, une bonne raison de se lever le matin 123

Si, aujourd'hui, les jeunes rechignent souvent à aller travailler


dans une grande entreprise, c'est justement parce qu'ils ont le
sentiment qu'on ne leur fait pas suffisamment confiance, qu'on
ne leur c01efie pas de projet ... La plupart aspirent très tôt à l'au-
tonomie, et l'autonomie va de pair avec la confiance.

ACCEPTER QU'UN COLLABORATEUR


PRENNE DES SOLUTIONS DIFFÉRENTES

Faire confiance, c'est aussi accepter que plusieurs chemins


mènent à l'objectif. Conserver l'équilibre entre savoir
ce que fait le collaborateur
et le laisser entièrement seul
est difficile, c'est un contrôle ' ' Faire confiance,
de bon aloi car la confiance c'est accepter que
n'exclut pas le contrôle ... plusieurs chemins
Dans l'action de ce contrôle,
mènent à l'objectif.
savoir écouter le collabora-
teur qui explique les raisons
Vl
~ de ses choix et, s'ils sont différents de ceux que nous
e>
UJ aurions faits mais ne présentent pas de risque inconsidéré,
l.O
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0
N
prendre le risque de croire en lui.
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
u
0 ASSUMER LE RISQUE DE SE TROMPER .. .

Un collaborateur auquel on accorde notre confian ce peut


s'avérer ne pas être au bon niveau, et planter l'affaire. Il
ne le fera qu ' une fois, mais il faut assumer ce risque : le
couvrir pousserait à vérifier en pern1anence ce qu'il fait,
ce qui va à l'encontre de la confiance.
124 Les ressources humaines: le goût des autres

. . . ET CELUI D'ÊTRE PARFOIS TRAHI

Bien entendu, cela signifie qu'il ne faut pas se tromper sur


les hon1n1es, ou en tout cas se tromper le moins possible.
Mais aussi qu'il faut accepter par avance l'idée que l'on
peut ... être trahi. Ainsi Rousseau excluait-il la possibilité
de rapports humains fondés sur la confiance car, disait-il,
il n'existe pas de « cœurs constants » ! Nous ne suivrons
pas le grand philosophe des Lumières sur ce terrain, nlais
il est certain que l'acte de faire confiance représente une
sorte de pari, un saut dans l'inconnu 1néritant dans une
société qui déteste de plus en plus l'incertitude et prétend
tout maîtriser. Mais c'est un pari payant.
Nous le savons tous : lorsqu) on fait confiance à quelqu'un)
celui-ci priférera mourir debout que de nous décevoir ! Sur ce
terrain) on peut compter sur plus de 9 5 % de réussite. Du coup)
ce n) est pas grave d) avoir à gérer éventuellement les 5 % d) erreur.
Le bilan reste formidablement positif.
Faire confiance procure infiniment plus de satisfactions
~
Vl
que de désillusions.
e>
UJ
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0
N
PRATIQUER SES PROPRES VALEURS. ÊTRE CRÉDIBLE
@
......
..c:
c:n
·c
La parole du dirigeant n e doit pas se faire trop rare et doit
>
o..
0
aussi être crédible. Les salariés sont parfaiten1ent capables
u
et ce, quel que soit leur niveau
de responsabilités, de perce-
' ' Seul un dirigeant
voir si le con1portement de
dont les actes suivent
leurs managers et dirigeants
les paroles saura donner est en ligne avec leur discours.
la vraie confiance à Si les actes suivent les paroles.
toute son entreprise. Si l'honnêteté intellectuelle
La confiance, une bonne raison de se lever le matin 125

fait partie des valeurs cultivées au sommet de la hiérarchie.


Ce qui mine et finit par détruire la confiance, c'est le
mensonge, l'incapacité à dire les vérités qui blessent, à
prendre et à annoncer les décisions difficiles. . . Seul un
dirigeant de valeur et de valeurs saura donner la vraie
confiance à toute son entreprise, cela vaut la peine, elle le
lui rendra au centuple.

FAIRE CONFIANCE AUX HOMMES


PLUTÔT QU'AUX PROCÉDURES

En faisant confiance aux procédures plutôt qu'aux


hon1n1es pour assurer la performance opérationnelle,
bien des entreprises ont fait passer, de 1nanière subli-
1ninale, le n1essage qu'elles ne faisaient plus confiance à
leurs employés. Et, sous couvert de favoriser la compé-
titivité, on a ainsi détruit progressivement ce qui fonde
la confiance au sein d'un groupe de travail : la qualité de
la coopération et de la coordination, n1ais aussi une cer-
Vl
~ taine permanence dans les modes de fonctionnement et
e>
UJ l'organisation.
l.O
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0
N Dans une société du domaine des télécoms, il y a vingt ans,
@
......
..c: quelqu'un m'a dit un jour: «Demande dans n'importe quel
c:n
·c
>
o..
service ou business unit un organigramme et regarde attenti-
0
u vement la date qui y est associée, tu constateras qu'il a moins
de six mois ! » Et je sais que vingt ans plus tard, c'est toujours
pareil !
126 Les ressources humaines: le goût des autres

ASSIGNER DES OBJECTIFS AMBITIEUX

La motivation se nourrit aussi de l'exigence car assigner


des objectifs an1bitieux, à condition bien entendu qu'ils
soient atteignables, c'est envoyer un signal à son colla-
borateur et lui exprin1er qu'on le pense capable de les
atteindre. La « bonne » pression est incitative et nourrit la
confiance.

D eux fois par an, notre équipe de direction s'enfermait pendant


trois ou quatre jours pour passer en revue les grands comptes du
groupe, soit une trentaine de comptes, qui représentaient environ
50 % du chiffre d'affaires. C'était un exercice très exigeant,
très dur pour chacun des managers concernés mais ils étaient
très motivés parce que, pendant ces quelques jours, ils avaient
l'attention de toute l) équipe de direction au grand complet, ce
qui est rare dans une entreprise de cette taille. Et là, les objec-
tifs qu) on donnait étaient costauds ! Quelqu'un ne pouvait pas
amener un budget de grand compte sans proposer une crois-
sance plus forte que la moyenne, parce qu'on partait du principe
~
Vl
que lorsqu'on s)occupe d'un compte on doit grandir plus vite
e> que quand on s) en occupe moins ! C'était dur, mais les gens
UJ
l.O
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0
étaient très contents. Il ne faut pas hésiter à donner des objectifs
N
@ ambitieux.
......
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c:n
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>
Après de non1.breuses années de crise, la plupart des
o..
u
0
dirigeants sont heureusement de plus en plus convain-
cus qu'individualisme et défiance rin1.ent avec baisse des
performances. Après avoir épuisé tout ce qui touche de
près ou de loin à la rationalisation des organisations et
des coûts, ils savent que leurs collaborateurs ont besoin de
sortir de cette mélancolie qui mine toute motivation et
qu'il ne suffira pas de quelques espèces sonnantes et tré-
buchantes suppléinentaires pour leur redonner confiance
La confiance, une bonne raison de se lever le matin 127

et les motiver. Les bénéfices associés à la coopération et à


la confiance, qu'il s'agisse de l'augmentation de l' efficacité
du travail ou du partage et de la capitalisation des 1neil-
leures pratiques, sont à portée de main. Le facteur humain
est de retour et, avec lui, la quête d'une nouvelle « société
de confiance ».

On ne peut pas diriger une entreprise sans la


confiance, c'est-à-dire la délégation motivée
et la prise de risque en testant notamment les
jeunes collaborateurs à haut potentiel.

Vl
~
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Chapitre 3

Le choix des hommes,


la décision la plus stratégique
(et la plus difficile)
Est-il besoin de l'écrire noir sur blanc ? Recruter un col-
laborateur est un des actes les plus importants de la vie
d'une entreprise. Et, à ce titre, ce choix ne doit en aucun
cas être délégué car il s'agit d'une décision stratégique.
Et pourtant. Il arrive bien souvent que le dirigeant se
décharge de cette tâch e auprès d'un professionnel pour se
réserver le seul choix final quand un « tri » sévère a déjà
été opéré sans lui.
Je suis vraiment choqué de constater que certains patrons
délèguent le choix de leurs collaborateurs à de grands cabinets de
recrutement. Le cabinet va présenter trois candidats et, après un
~
Vl
entretien d'une heure, le dirigeant se contentera de choisir celui
e> qui, dans le trio, lui plaira le mieux. Eh bien, désolé, on ne peut
UJ
l.O
r-i
0
pas appeler cela un recrutement !
N
@
......
..c:
C'est le prenlier point que nous voulons absolument
c:n
·c
>
réaffirmer avec force : recruter ne s'apparente pas à un
o..
u
0
processus léger, un détail de l'histoire del' entreprise ; c'est
un acte stratégique auquel le dirigeant lui-mên1e, en tout
cas pour les postes in1portants, ne doit pas craindre de
consacrer du temps. On se trompe souvent en voulant
aller trop vite ou en embauchant quelqu'un sans réflé-
chir, sous prétexte qu'il a été recommandé par un pair ou
par une relation d'affaires. Et l'erreur est généralement
lourde de conséquences car l'expérience montre qu'en
130 Les ressources humaines: le goût des autres

cas de méprise, un manager est presque toujours trop lent


à réagir et à prendre une décision. Tout simplen1ent parce
que, c'est humain, il aura toujours du ni.al à admettre qu'il
s'est troni.pé. Résultat : les erreurs de recrutement sont de
celles qui sont les plus difficiles à corriger. Raison de plus
pour ni.ettre toutes les chances de son côté. Que l'on se
décide pour une promotion interne ou pour un recrute-
ni.ent à l'extérieur.

VEILLER À L'EFFICACITÉ DE LA DRH


Interne ou externe, tout recrutement de qualité passe par
une DRH qui joue son rôle, c'est- à-dire qui ne reste pas
claqueni.urée dans son bureau, mais va régulièreni.ent sur
le terrain, comprend parfaitement les métiers de l'en-
treprise, est capable d 'analyser la personnalité de chacun
mais aussi, au-delà des qualités personnelles, de percevoir
si la personne sélectionnée saura s'intégrer dans l'équipe
à laquelle on la destine. Il n'est pas rare, en effet, de ren-
Vl
~ contrer des cas où la p ersonne présente le profil parfait
e> pour le poste, ni.ais n'est pas intégrable dans une équipe
UJ
l.O
r-i
0
et, dès lors, sur certains postes il faudra s'abstenir de la
N
@ choisir. Surtout, un(e) bon(ne) DRH doit avoir su établir
......
..c:
c:n
·c
une relation de confiance avec les managers. Une tâche
>
o..
0
difficile car la plupart d'entre eux pensent qu'ils n'ont pas
u
besoin des RH pour recruter qui que ce soit !
Si, lorsqu'il rencontre un problème de recrutement, un patron
de division ou de pays appelle le P-D. G. mais n'appelle pas
le DRH, ce n'est pas bon signe. Cela signifie qu'il y a un pro-
blème de confiance et que le DRH ne remplit pas pleinement son
rôle, ce qui - dans certains cas - prive l'entreprise de la capacité
d'optimiser un recrutement.
Le choix des hommes, la décision la plus stratégique (et la plus d iffici le) 131

C'est dire l'importance stratégique de la première


embauche. Celle du (ou de la) DRH. Un recrutement
délicat car un bon DRH doit bien con1.prendre la straté-
gie de l'entreprise pour être capable de mettre en place
/\

les bonnes ressources hun1aines. Etre prêt à défendre de


fortes convictions RH tout en intégrant totalen1.ent les
enjeux business et opérationnels de l'entreprise. Et ce
n'est pas si fréquent dans un écosystème où, par ailleurs,
la fonction DRH n'est pas tellen1.ent valorisée. Dans un
groupe con1.me Schlumberger, la plupart des cadres diri-
geants passent, à un n1.oment ou à un autre de leur vie
professionnelle, par la DRH. Une exception intéressante,
mais une exception ...
Il est tout à fait anormal qu)il n)y ait jamais un DRH qui
devienne président d'un groupe, en tout cas je n'ai pas d)exemple
en tête !

DÉNICHER LES TALENTS EN INTERNE


Vl
~
e> La capacité d'une entreprise à faire le m eilleur choix pos-
UJ
l.O
sible en matière de ressources hu1naines doit d 'abord, tout
r-i
0
N n aturellement, s'exprimer en interne. Pour ce faire, l' en-
@
......
..c:
treprise a un certain nombre d'outils à sa disposition afin
c:n
·c
>
de faire émerger les talents potentiels. À comn1.encer par
o..
u
0
l'évaluation annuelle. À condition, toutefois, que celle- ci
soit réalisée avec soin et (on y revient) quel' on y consacre
suffisamn1.ent de temps. Il ne suffit p as, pour réaliser une
évaluation féconde, pour l'avenir de l' entreprise comme
pour l'évolution d'un collaborateur, de ren1plir - comn1.e
c'est bien souvent le cas - les cases de quelques documents
sous forme de grilles. Encore faut-il que le rendez-vous
d'évaluation soit l'occasion d'un éch ange approfondi où
132 Les ressources humaines: le goût des autres

l'on prend le temps de revenir sur l'année qui vient de


s'écouler et sur les aspirations exprimées. Rien à voir avec
l'entretien expédié entre deux coups de fil dont le prin-
cipal intéressé risque de sortir sans aucune perspective
positive. Certaines personnes en ressortent complètement
démotivées !

Pour toutes ces raisons, les talents n' éinergent pas forcé-
1nent de la cérén1onie des évaluations annuelles. Et 1nê1ne
dans une entreprise où le processus d'évaluation est de
qualité, celui-ci ne permet pas toujours de faire émer-
ger et évoluer les talents. Notamment parce que certains
managers peuvent céder à la tentation de garder les meil-
leurs éléments pour eux ! Il faut donc aussi se donner les
moyens de détecter les potentiels autrement.

Il y a les occasions « organisées », comn1e les universités


d'entreprise. Une excellente opportunité pour le P.-D.G.
et sa garde rapprochée de rencontrer leurs collaborateurs
dans un cadre différent. Surtout s'ils consacrent du temps
Vl
à participer eux-mên1es au cursus de forn1ation.
~
e> Chez Atos, l'université des hauts potentiels appelée «programme
UJ
l.O
r-i
0
gold », et qui existait chez Origin, comptait chaque année une
N
@ promotion de 70 à 80 personnes venant du monde entier. Le
......
..c:
c:n
·c
cycle courait sur une année pendant laquelle ils travaillaient tout
>
o..
0
en faisant un break pour une session de formation de deux
u
semaines chaque trimestre. Il s'achevait par un projet présenté
devant un jury. J e faisais partie de l'équipe des formateurs tout
comme le top management auquel je demandais de participer.
Là, on voyait émetger des personnalités que l'on n'aurait pas
forcément détectées autrement.
De nlanière encore plus informelle, il est utile de saisir
toutes les occasions de rencontrer les uns et les autres hors
Le choix des hommes, la décision la plus stratégique (et la plus d iffici le) 133

hiérarchie. Une démarche qu'en général les managers


intermédiaires n'apprécient pas beaucoup, mais à laquelle
il ne faut pas renoncer pour autant.

Par exemple, lorsqu'on travaillait sur un grand compte, il m 'ar-


rivait de faire venir l'ensemble de l'équipe qui planchait sur ce
compte et de faire parler tout le monde, y compris les plus jeunes.
\

A cette occasion aussi, on peut voir les talents émerger.


Autant de chances de ne pas se limiter aux systèmes clas-
siques d 'évaluation qui ont tendance à aller de pair avec
des procédures en principe bien balisées pour gérer les
1nutations, les promotions ... Il faut parfois savoir dépla-
cer les lignes et prendre le risque de confier un poste
à quelqu' un qui n'est pas con1plètement dans le moule,
mais dont o n pense qu'il a le potentiel pour assumer cette
évolution. Bien sûr, il y a les candidats « naturels » à l'as-
cension dans la hiérarchie. À commencer p ar les cadres
dirigeants ou les hauts potentiels identifiés comme tels
dès leur arrivée. Mais il ne faut pas renoncer pour autant à
Vl
faire én1erger aussi des personnalités qui n' avaient pas été
~
e> « programn1ées » au départ pour telle ou telle évolution.
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c: JOUER PERSONNELLEMENT LES CHASSEURS DE TÊTES
c:n
·c
>
o..
u
0
Il y a aussi des recruten1ents stratégiques qui nécessitent
d'aller chercher un profil à l'extérieur. On peut tou-
jours compter sur une campagne de recruten1ent clas-
sique, voire sur les candidatures spontanées. Mais, pour se
donner le maximum de chances de succès, le dirigeant et
l'équipe de direction doivent aussi avoir su entretenir leur
propre « vivier » en se tenant à l'affût des « valeurs mon-
tantes » du secteur.
134 Les ressources humaines: le goût des autres

Lorsque je constatais qu'un concurrent avait une excellente per-


formance commerciale, je me demandais toujours quelle était la
personne responsable de cette activité chez lui, et je trouvais en
général le moyen de la rencontrer.
Cela peut être un prestataire que l'on a l'occasion de voir
travailler ou un professionnel dont on a repéré les com-
pétences. L'option s'in1pose si l'on manque en interne
du profil adapté ou si l'on estime nécessaire d'enrichir
l'équipe de 1nanagers, voire de la « challenger » en faisant
appel à une personnalité venue de l'extérieur.
]'ai recruté la patronne du conseil financier d'un grand cabinet
d'audit anglo-saxon pour diriger le grand compte BNP d' Atos.
]'ai pris cette décision pour provoquer un électrochoc en interne,
en montrant qu'il fallait avoir un profil de très haut niveau pour
être directeur de compte dans le Groupe Atos. ]'ai dû faire face
à de nombreux commentaires car elle était mieux payée que ses
alter ego, mais elle afait passer le compte BNP de 5 0 à 1OO mil-
lions d'euros ! C'était un argument imparable.
Vl D'une manière générale, il ne faut pas hésiter à s'intéres-
~
e> ser de près aux professionnels qui, dans un écosystème
UJ
l.O
r-i
donné, sont susceptibles de vous rejoindre un jour. Il y a
0
N des entreprises qui observent ainsi longuen1ent leur cible
@
......
..c: potentielle avant de la recruter, éventuellen1ent des mois,
c:n
·c
>
o..
voire des années plus tard. Et, pour ce faire, elles n'hésitent
0
u pas à organiser, dans la durée, plusieurs rencontres infor-
melles avec telle ou telle personnalité qui les intéresse.

S'AITACHER À LA PERSONNALITÉ DU CANDIDAT

Pour un poste d'un certain niveau, le bagage technique


est rarement un problème (le tri a été fait en amont). Le
Le choix des hommes, la décision la plus stratégique (et la plus difficile) 135

cursus professionnel peut aussi fournir des éléments qui


favoriseront le choix.

Pour nommer quelqu'un destiné à une fonction de direction


générale, j'imposais qu'il ait travaillé dans un pays qui n'était
pas le sien. Lorsque vous vous installez dans un pays étranger,
vous devez changer vos habitudes. C'est un élément qui favorise
la capacité d'adaptation.
Mais davantage encore que le CV ou le cursus profession-
nel stricto sensu, c'est la personnalité qui compte, en tout
cas à un certain niveau.

Dans un entretien d'embauche, j'ai toujours attaché très peu


\

d'importance au CV A un certain niveau, lorsque vous êtes


amené à rencontrer un candidat, il y a déjà eu une présélec-
tion en amont. La question des compétences techniques ne se
pose pas. En revanche, ce qui est essentiel, c'est la personnalité.
Souvent,je prlfere rencontrer un candidat sans avoir vu son CV
et découvrir à travers l'entretien sa personnalité et ses aspirations
professionnelles.
Vl
~
e> Il ne faut pas hésiter également à recruter des personnalités
UJ
l.O
qui ont du caractère, des idées et ne craignent pas d' expri-
r-i
0
N mer leur point de vue, voire de contester éventuellement
@
......
..c:
telle ou telle orientation stratégique (dès lors, bien sûr,
c:n
·c
>
qu' une fois la décision prise au somn1et, la loyauté rin1era
o..
u
0
avec solidarité dans l' exécution). Le courage d 'exprimer
une opinion constitue en effet à nos yeux une qualité
essentielle, mais rare. Il n e faut
jamais priver l'entreprise de
la valeur ajoutée des salariés à
' ' Il ne faut jamais priver
forte personnalité, m êm e s'ils l'entreprise de la valeur
sont généralement plus diffi- ajoutée des collaborateurs
ciles à intégrer et à n1anager. à forte personnalité.
136 Les ressources humaines: le goût des autres

L'honnêteté intellectuelle et la loyauté sont aussi des


qualités particulièrement appréciables et que l'on attend
a priori de toute nouvelle recrue. Un dirigeant cherchera à
tester la première lors de l'entretien d'embauche, comme
il se méfiera d'un candidat qui a passé son temps à chan-
ger de job dans sa carrière. Enfin, en fonction de sa propre
sensibilité, un manager aura tendance à regarder de près
tel ou tel élén1ent de personnalité.
Pour ma part, à profils comparables, je choisirai toujours la per-
sonne qui pratique un sport, en particulier un sport d'équipe, car
je pense que cela révèle souvent une capacité à l'effort, au dépas-
sement ainsi qu'un bon esprit d'équipe.
On l'a dit, pour certains postes, il est essentiel de choisir
une personnalité dont on suppose qu'elle pourra s'inté-
grer sans problèn1e à l' équipe avec laquelle elle est censée
travailler. Pour autant, cela ne veut pas dire qu'il n'est pas
utile, et même recommandé, de recruter parfois un pro-
fil atypique, à condition justem ent de ne p as chercher à
l'intégrer.
Vl
~
e> ]'avais recruté une sorte de gourou d'Internet, une personnalité
UJ
l.O
r-i
impossible à intégrer, mais auquel j'ai fait appel en électron libre.
0
N
@
fl étudiait les projets un peu hors normes qui arrivaient et que
......
..c:
c:n
je n'aurais pu confier à la hiérarchie du groupe. Il était excellent
·c
>
o..
sur les projets business, mais, en revanche, peu pertinent dans sa
0
u capacité de jugement sur les hommes et, sur ce terrain-là, je ne
suivais jamais ses conseils.

ORGANISER LE PROCESSUS D'INTÉGRATION

En gén éral, lorsqu'on procède à un recrutement, c'est


parce qu'il y a un job à pourvoir, une« case »à ren1plir. Et
Le choix des hommes, la décision la plus stratégique (et la plus d iffici le) 137

lorsque la mission est accomplie, on est heureux d'avoir


déniché la personne qui correspond au profil souhaité
et s'acquittera, a priori sans problèn1e, des obligations du
poste. Mais dès que l'heureux élu est embauché, on se
dépêche de l'installer dans son job sans prévoir le moindre
parcours d'intégration.
Dans la plupart des entreprises où j'interviens, le processus de
recrutement est plutôt de qualité, mais le processus d'intégration
est médiocre, voire inexistant. Or, il est clé pour l'efficacité du
recrutement.
Dès le jour de l'arrivée, quelqu'un doit consacrer du
temps à l'accueil et pas seulen1ent pour expliquer com-
ment remplir les divers papiers adni.inistratifs. Pourquoi
ne pas commencer p ar le (la) mettre à l'aise en l'invitant
à déj euner ? Ensuite, il faut lui proposer un parcours ini-
tiatique qui soit adapté à son profil, à sa personnalité, à sa
mission future dans l'entreprise. La démarche paraît rele-
ver de l'évidence m ais, dans la plupart des entreprises, elle
n'est pas pour autant à l'ordre du jour.
Vl
~
e> Tout le monde n'est pas obligé, comme le Groupe Bouygues me
UJ
l.O
r-i
l'a demandé à une certaine époque, de pousser le rituel d'inté-
0
N gration jusqu'à devoir ramper jusqu'à la pointe de la flèche de la
@
......
..c: plus grande grue ou faire le tour du floculateur flottateur, énorme
c:n
·c
>
o..
cuve bordée d'un mur en béton très étroit ! Mais le parcours
0
u d'intégration a son importance. Lorsque j'ai intégré Fiducial
pour occuper le poste de patron de la division Fournitures de
bureau, mon patron m'a donné trois mois pour faire le tour de
l'entreprise.]'ai pratiqué la plupart des métiers de l'entreprise,
transporté des palettes de papier chez les clients,fait de la saisie
informatique. Connaître la « vraie réalité » de l'entreprise fut
une expérience formidable pour la transformer ensuite.
138 Les ressources humaines: le goût des autres

Le choix des femmes et des hommes


est la décision la plus critique pour toutes
les entreprises, et les dirigeants doivent
y consacrer le plus de temps possible.

Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Chapitre 4

Communication interne,
rien ne remplace le contact direct
Avez-vous un plan de con1munication interne ? La ques-
tion pourrait paraître étrange, mais l'expérience prouve
qu'elle n'est pas si incongrue. L'absence de ce qui peut
ressembler, de près ou de loin, à un tel plan, à la fois pensé
et structuré, se révèle, sur le terrain, plus fréquente qu'on
le croit.
\

A l'occasion d)un échange avec un dirigeant) vous êtes très sou-


vent surpris de constater qu )il évoquera facilement son plan stra-
tégique, son plan financier, son plan productivité, son plan RH,
mais qu'en revanche il n'a pas vraiment songé à se doter d'un
plan de communication interne, comme si ce point était secondaire,
y compris lorsque l'entreprise aborde une étape importante de son
Vl
histoire, comme une acquisition ou un plan de transformation !
~
e> Et pourtant, on ne le dira jamais assez : la qualité de la
UJ
l.O
r-i
communication interne est essentielle à l'épanouisse-
0
N
@
1nent des salariés comn1e au développement de l'entre-
......
..c:
c:n
prise ; notamment lors de toute période sensible de la
·c
>
o.. vie d'une entreprise car celle- ci doit à la fois relayer la
0
u
stratégie, susciter l'adhésion, créer du lien et favoriser le
développen1ent d'une culture con1n1une. Voilà pourquoi
un dirigeant n e peut se contenter d'improviser n1ais doit,
au contraire, avoir un plan et s'investir lui-même dans
tous les mon1ents forts.
140 Les ressources humaines: le goût des autres

NE PAS HÉSITER À RÉPÉTER LES MESSAGES IMPORTANTS

Le manager de proximité est le vecteur privilégié de la


communication interne au quotidien, nlais le président
et les membres de la direction générale doivent aussi y
consacrer du ten1ps. Souvent les dirigeants sous-commu-
niquent parce qu'ils ont tendance à penser qu'il suffit de
s'exprimer une fois sur un sujet pour que leur message
soit passé et co1npris de tous. O r, rien n 'est plus faux. Il
ne faut pas hésiter à répéter les messages importants et/ ou
à les délivrer sous différentes formes car il y a forcément
un monde entre le jeune qui
' ' Bien communiquer, vient d'arriver et le collabo-
c'est répéter régulièrement rateur d 'expérien ce qui par-
tage le destin de l'entreprise
et à tous les niveaux les
depuis de n ombreuses années,
messages importants.
p arfois des décennies, ou
entre l'équipe de produ ction
de tel ou tel atelier et tel ou tel collaborateur du siège.
Ce temps p assé n'est p as du temps perdu. La qualité des
Vl
~ échan ges avec l' ensen1ble du personnel, à tous les niveaux,
e>
UJ sera centrale dans le nlanagement et le développement
l.O
r-i
0
N
d' une entreprise dans la durée.
@
......
..c:
c:n
·c
>
o.. COMMUNIQUER DIRECTEMENT AVEC TOUS
0
u
Bien entendu, la communication intern e, qu'elle soit
locale, nationale ou globale, dispose de nombreux outils
(revue, intran et, bulletins divers ... ) , et il est important que
leur contenu soit p ensé en fonction d'une coh érence d'en-
semble et leur publication (locale, nationale ou mondiale)
bien orchestrée. M ais rien n e ren1place le contact, la relation
directe qu'un dirigean t doit nouer avec ses collaborateurs.
Communication interne, rien ne remplace le contact direct 141

Il ne se passait pas une année sans que je visite systématique-


ment la plupart des sites du groupe. Si nous réalisions une grosse
opération de fusion-acquisition, par exemple, je faisais la tournée
très rapidement. Lorsque nous avons racheté Origin, /ai fait le
tour de la planète en trois mois et enchaîné les moments passés
avec les équipes de direction, les visites aux clients, mais aussi
les rencontres avec l'ensemble des personnels eftn d'expliquer la
stratégie du groupe et de répondre à toutes les questions.
On n'entreprend pas une opération de fusion-acquisition
tous les jours, mais d'autres événements marquants pour
l'histoire de l'entreprise 1néritent égalen1ent que l'on se
préoccupe d'organiser la communication interne autour
d'eux. Surtout s'ils sont positifs. Il peut s'agir de la signature
d'un gros contrat, du lancement d'un nouveau produit ou
service stratégique, de la mise en place d'une nouvelle
équipe de direction ou d'une opération de réorganisation.
Chaque fois, il ne s'agit pas de tout dire à tout le n1onde,
ou en tout cas de tout dire de la n1ême manière, n1ais il est
important de ne pas « oublier » tel ou tel groupe de sala-
~
Vl
riés, car chacun, quels que soient sa position et son niveau
e> hiérarchique, doit se sentir
UJ
l.O
r-i
0
associé aux projets de l'en- ' ' Toute visite
N
treprise. Ainsi, toute visite du
@
......
du dirigeant doit être mise
..c: patron doit être mise à profit
c:n
·c
> pour rencontrer le plus grand
à profit pour rencontrer
o..

nombre de collaborateurs le plus grand nombre de


0
u

possible, sans oublier juste- collaborateurs possible.


ment ceux qu'il n'a jamais
eu l'occasion de rencontrer. En réalité, toute personne de
l'entreprise, mê1ne dans les plus grandes, devrait avoir eu
un contact direct avec l'équipe de direction générale.
142 Les ressources humaines: le goût des autres

CULTIVER LA SIMPLICITÉ RELATIONNELLE

Les dirigeants du monde moderne, qui ont pourtant à


leur disposition des outils beaucoup plus performants que
leurs aînés, sous-comn1uniquent de manière systématique.

«]'ai fait un roadshow et j'ai expliqué notre nouvelle organi-


sation, c'est clair pour tout le monde », me disait un chef d'en-
treprise que je conseillais et qui pensait réellement avoir fait son
devoir, alors que la plupart des managers de l'entreprise, et par-
ticulièrement les managers de premier niveau, vrais relais d'un
plan de traniformation, n'avaient compris ni le pourquoi ni le
comment de ses décisions.
Car bien communiquer, c'est nouer une relation de qua-
lité dans la durée avec l'ensemble du corps social de l'en-
treprise, pas seulement avec la garde rapprochée que l'on
a généralement ch oisie avec soin, mais à tous les niveaux.
La perte de ce que l'on pourrait appeler la sin1plicité
relationnelle - c'est-à-dire, en fait, la capacité à s'intéres-
Vl
ser concrètement au travail de ses collaborateurs et à leur
~
e> en donner régulièrement la preuve - est particulièren1ent
UJ
l.O
ressentie au niveau du prenùer échelon hiérarchique,
r-i
0
N niveau absolun1ent crucial pour déternùner l' an1biance
@
......
..c:
dans l'ensemble de l'organisation. La motivation et le
c:n
·c
>
niveau d'engagement à tous les niveaux en dépendent.
o..
0
u

SAVOIR FAIRE SIMPLE ET ÊTRE HONNÊTE

Dans la con1n1unication interne, comme dans la commu-


nication en général, les dirigeants doivent évidemment
jouer la carte de l'honnêteté, dire la vérité et ne laisser
à personne le soin d'annoncer les mauvaises nouvelles.
Communication interne, rien ne remplace le contact direct 143

Ils ne doivent pas craindre de


faire passer des messages très
' ' Les dirigeants ne
simples. Lorsque la co1nn1u-
doivent pas craindre
nication devient trop compli- de faire passer des
quée, les salariés perdent le fil messages très simples.
et décrochent. Désorn1ais, les
« séances » de communication se font souvent à base de
« présentations » surchargées de nombreuses slides qui se
substituent de plus en plus à une intervention classique.
Il existe deux types d'orateurs : ceux qui présentent des
PowerPoint et ceux qui parlent à leurs salariés. Et cela fait
une différence !

JOUER LA CARTE DE LA CONVIVIALITÉ

La conm1unication interne est naturellen1ent centrée sur


le business, sur la stratégie de l'entreprise, n1ais elle doit
aussi se préoccuper du clin1at qui règne dans l'entreprise,
Vl
du lien qui se tisse au quotidien. Indispensables à la vie de
~
e> tous les jours, les espaces de détente ne servent pas seu-
UJ
l.O
lement à faire un break) ce sont aussi des lieux privilégiés
r-i
0
N pour con1muniquer dans une atn1osphère détendue où
@
......
..c:
la hiérarchie s'efface le temps d'une pause. Les meilleures
c:n
·c
>
idées ne naissent-elles pas parfois autour d'une machine
o..
u
0
à café ou aux manettes d'un baby-foot, et bien souvent
dans la tête d'une personne qui passait par là ? Pour les
mêmes raisons, il est utile d'organiser au moins une fois
l'an une manifestation où tous les salariés du groupe et
leurs fanulles sont invités et où la convivialité est à l'hon-
neur ; où chacun a l'occasion de rencontrer le président et
les men1bres de la direction générale, en dehors de toute
relation hiérarchique.
144 Les ressources humaines: le goût des autres

Chaque année, nous louions un stade pour organiser une journée


à laquelle je participais, et les familles étaient conviées, avec toutes
sortes de jeux et une grande fête le soir. Cela créait une compré-
hension de l'entreprise et une adhésion accentuée des participants.

METIRE EN VALEUR LES SAVOIR-FAIRE ET LES TALENTS

La communication interne, ce n'est pas seulement un flux


à sens unique, de l'information diffusée depuis le sommet
en direction des salariés ; c'est aussi le moyen de donner
la parole aux salariés sur ce qu'ils font. Une n1.anière de
1nettre en valeur les savoir-faire et de créer de la fierté
autour des produits ou services conçus dans les bureaux,
les ateliers et les laboratoires. Dans un groupe internatio-
nal, cette mise en valeur des talents des différentes entités
installées un peu partout dans le n1.onde est une bonne
manière de nourrir une culture commune et un climat
stin1.ulant entre les équipes. Une dén1.arche facilitée par les
nouvelles technologies de l'information.
Vl
~
e> ]'avais mis en place chez Alstom un journal hebdomadaire que
UJ
l.O
r-i
chacun, dans la langue du pays, recevait sur son mail ou son poste
0
N de travail. Chaque article était rédigé par un salarié et toujours
@
......
..c: sur une « success story ». Rien de tel pour que le Chinois
c:n
·c
>
o..
se fasse une idée de ce que fait le Polonais, ou le Canadien ...
0
u Ces messages positifs, qui tombaient chaque semaine, étaient très
utiles pour créer un climat de con.fiance et d'émulation.
Elle permet aussi de nourrir le sentiment d'appartenance
à une large con1.munauté à laquelle sont associés clients et
fournisseurs .
Lorsque je dirigeais une unité de production chez Alcatel,j'orga-
nisais des journées portes ouvertes au cours desquelles nos clients
Communication interne, rien ne remplace le contact direct 145

venaient dans l'usine présenter aux ouvriers les produits finis


dont ils fabriquaient des sous-ensembles. L'initiative a eu beau-
coup de succès. Nous avions en quelque sorte humanisé la chaîne
de production en rapprochant nos salariés et nos clients.

FAIRE BON USAGE DU NUMÉRIQUE

Les nouvelles technologies de l'information permettent


une communication efficace, à condition de ne pas faire
n'importe quoi. Ainsi, l'e-mail est devenu le premier
mode de con1munication en entreprise, y compris entre
collègues installés dans des bureaux contigus ... Chaque
jour, chacun d'entre nous en reçoit en 1noyenne une qua-
rantaine et parfois bien davantage encore. Cette inflation
peut devenir un obstacle à l'efficacité car le flot continu
suscite une certaine charge psychique (l' e-n1ail s'invite
sans crier gare) et dévore un temps précieux passé à gérer
la boîte de réception. Résultat : si l'e-mail facilite la vie, il
fabrique aussi de la pression, du stress et de l'isolen1ent qui
Vl
~ peuvent affecter tant l'équilibre individuel que l'efficacité
e> collective.
UJ
l.O
r-i
0
N Ce n'est pas un hasard si des entreprises, de plus en plus
@
......
..c:
non1breuses, se préoccupent de poser des règles afin de
c:n
·c
>
sensibiliser leurs collaborateurs aux excès de la petite
o..
u
0
boîte électronique. Qu'il s'agisse de se ménager des
moments de déconnexion, d'éviter les clics intempestifs
ou d'inciter chacun à être plus ou moins sélectif en fonc-
tion de la nature de l'information à diffuser. Lorsqu'il y a
un problè1ne à résoudre ou un litige à régler, il est inutile
d'envoyer des e-mails dans toutes les directions. Il s'agit
avant tout de résoudre le problème ! En revanche, si l'en-
treprise a décroché un gros contrat, pourquoi ne pas en
146 Les ressources humaines: le goût des autres

faire largement la publicité ? Même à l'heure du numé-


rique, savoir communiquer de vive voix reste un facteur
d'équilibre indispensable.
La communication digitale fait désormais partie du pay-
sage, mais il est nécessaire d'apprendre à en faire bon usage.
Et ce qui vaut pour l'intranet vaut, afortiori, pour l'en-
semble des réseaux sociaux. Il
ne faut jamais perdre de vue
' ' Même à l'heure la nécessité de bien nlaÎtriser
du numérique, savoir la communication de l'entre-
communiquer de vive . " ~
pnse pour ne pas etre amene
voix reste un facteur à révéler inconsidérément des
d'équilibre indispensable. informations destinées à res-
ter confidentielles.

Privilégier le contact physique et communiquer


sur le terrain est indispensable pour passer
les messages forts de l'entreprise, inspirer
et motiver les gens qui y travaillent.

Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Chapitre 5

Bien-être au travail,
l'humain est de retour
Chacun d'entre nous a pu en faire récemment l' expé-
rience. Il suffit aujourd'hui d'arpenter les couloirs d'une
entreprise pour constater que les salariés ne nagent pas
tous dans le bonheur, loin s'en faut . On le ressent à mille
petites choses de la vie quotidienne, depuis l'ambiance
nlorose souvent perceptible dès la réception jusqu'au
1nalaise qui déborde tout à coup au détour d'une conver-
sation en tête à tête, comme avec ce directeur comn1ercial
expérin1enté qui fond subiten1ent en larmes au cours d'un
entretien d'évaluation ... Autant d'indices, de « signaux
faibles »,corroborés par une récente enquête sur le moral
des salariés : un sur trois seulement se rend chaque matin
à son travail avec plaisir et ils sont près d'un sur deux à
Vl
~ considérer que leur entreprise ne se préoccupe pas (ou
e> pas suffisan1ment) du bien-être au travail.
UJ
l.O
r-i
0
N Il existe pourtant, dans chaque entreprise, d'importantes
@
......
..c:
réserves d'énergie qui ne de1nandent qu'à être mobilisées
c:n
·c
>
pour dispenser leurs bienfaits, tant sur le plan individuel
o..
u
0
(épanouissement personnel, qualité du lien social, estin1e
de soi) que collectif (productivité, performance). Car, pour
être efficace collectivement, il faut se sentir bien indivi-
duellement. De plus en plus de dirigeants commencent à
le comprendre et le bien-être au travail, loin d'être seu-
lement le dernier sujet dont on cause dans les médias et
chez les consultants, prend doucement nlais sûrement la
place qui lui revient dans l'entreprise. Et, plus in1portant
148 Les ressources humaines: le goût des autres

encore, pour ce qui concerne la France, il a tendance à


s'émanciper des seules questions de souffrance au travail
et autres burn-out pour se décliner en positif, à l'instar de
ce qui se fait dans d'autres pays, conu11e les pays nordiques
en pointe depuis longten1ps sur le sujet.
Cette din1ension très qualitative du management corres-
pond à une attente, notamment des jeunes générations,
qui ne se reconnaissent plus forcément dans les valeurs
prônées par leurs aînés et exprin1ent d'autres aspirations
autour de la créativité, de la liberté, du lien social et de la
qualité de vie au travail.

(RÉER LES CONDITIONS DU BIEN-ÊTRE

Pour la plupart des salariés, le bien-être au travail a besoin


d'avancer sur trois pieds. D'abord, le fait de connaître le
projet d'entreprise et de faire confiance à des dirigeants
qui ont su faire partager leur vision. Cette première condi-
Vl
tion peut paraître évidente, n1ais ne l'est pas tant que cela :
~
e> la plupart du temps, les salariés ne savent pas vraiment où
UJ
l.O
va leur entreprise (sauf, peut-être, si elle va dans le mur !) .
r-i
0
N Ensuite, le bien-être dépend beaucoup de la qualité de
@
......
..c:
la relation que chacun a pu tisser avec les autres, et en
c:n
·c
>
particulier avec ses collègues. Il est important de garder
o..
u
0
cette deuxième condition à l' esprit car la relation à l'autre
a plutôt tendance à se dégrader depuis quelques années,
en raison de la complexité des organisations, du n1anque
de clarté qui caractérise souvent la définition des rôles et
des responsabilités, sans oublier l'âpreté de certaines luttes
de pouvoir. Enfin, et surtout, le bien-être au travail est
étroitement lié à l'intérêt du travail, aux satisfactions qu'il
procure au quotidien, mais aussi à sa rémunération et à
Bien-être au travail, l'humain est de retour 149

ses perspectives d'évolution. La frustration qui naît d'une


rémunération jugée insuffisante favorise rarement l' épa-
nouissen1.ent au travail.
Le rôle du dirigeant est de veiller, en prenant les bonnes
décisions, à ce que ces conditions - savoir où l'on va,
qualité de la relation aux autres, intérêt du travail - soient,
dans la mesure du possible, réunies. Et ce n'est pas si
compliqué si l'on veut bien y prêter quelque attention,
sachant que ces aspirations partagées n'empêchent pas les
nuances dont il faudra tenir compte. Ainsi, en matière de
bien-être, les hommes mettront davantage l'accent sur la
position hiérarchique, les possibilités d'évolution au sein
de l'entreprise et le développement professionnel, quand
les femmes prêteront souvent plus d'attention à l' équi-
libre de vie personnelle et professionnelle et à la convivia-
lité du milieu de travail. Par ailleurs, dans une entreprise
multinationale, il est important de respecter les cultures :
d'un pays à l'autre, la conception et le vécu du bien-être
peuvent être très différents.
Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
VIVRE LE BIEN-ÊTRE AU QUOTIDIEN
0
N
@
......
..c:
Si, tout au long de l'année, vos collaborateurs ne se
c:n
·c
>
sentent pas bien dans l'entreprise, ce n'est pas parce que
o..
u
0
vous organiserez un séminaire une fois ou deux fois par
an que le climat en sera tout à coup illuminé. C'est la
qualité de la vie quotidienne au travail qui compte, une
attitude collective faite d'une organisation adaptée et de
conditions de travail susceptibles de garantir à chacun, à
son niveau, une certaine maîtrise de ce qu'il vit, avec le
moins possible de règles et de processus, le plus possible
d' autononùe et de liberté.
150 Les ressources humaines: le goût des autres

Lorsque je gérais des usines de production chez Alstom, j'avais


décidé que l'on serait meilleurs que nos concurrents sur les délais
de livraison et qu'ils ne dépasseraient pas dix jours, alors que les
concurrents affichaient un à deux mois. Cela, quel que soit le
produit et quel que soit le pays du monde. Nous nous sommes
rendu compte que, pour avoir une chance d'atteindre cet objectif,
il n'était pas possible que la commande client passe par un service
administratif et nous avons décidé que le client allait envoyer sa
commande par fax ou par e-mail directement à l'ouvrier sur la
ligne de production. Ce fut une initiative formidable pour les
ouvriers concernés, qui ont trouvé là matière à bien-être dans
le travail et à motivation. Le fait de se savoir responsabilisés a
complètement modifié leur vécu au travail et leur comportement.
Un modèle, lui aussi, plutôt fondé sur la confiance que
sur le contrôle.

Chez Axime, j'avais fait installer une porte automatique avec


une carte. Ce contrôle a créé un malaise et était inadapté à une
activité de services informatiques. Il faut être très vigilant dès
Vl
qu'il s'agit d'imposer une obligation, une contrainte. Ne pas se
~
e> sentir contrôlé, pouvoir organiser son temps comme on le souhaite,
UJ
l.O
aller prendre un ccifé si l'on en a envie fait partie intégrante du
r-i
0
N bien-être au travail.
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u ENVOYER LES BONS SIGNAUX

Au travail, le bien-être passe aussi par ces petits signes


qui expriment l'intérêt et la reconnaissance des dirigeants
pour l' engage1nent de chacun. D'où l'in1portance des
attentions manifestées tout au long de l'année à l' occa-
sion de tel ou tel événement collectif: la réunion annuelle
des vœux, une remise de n1édaille du travail ou un départ
Bien-être au travail, l'humain est de retour 151

à la retraite, voire l'organisa-


tion d'une manifestation où ' ' La quête du bien-être
tout le monde a l'occasion de au travail n'est pas un coût,
se retrouver avec sa famille. mais un investissement.
Autant de petits et grands
événen1ents auxquels le patron doit participer person-
nellen1ent chaque fois que possible. Et pas question de
supprimer telle ou telle petite fête, sous prétexte que les
résultats semestriels sont moins bons que prévu, conune
on l'observe régulièrement, sous prétexte que c'est la
crise ! Le message envoyé est vite désastreux. La quête
du bien-être au travail n'est pas un coût, n-iais un inves-
tissement dont le retour dépasse souvent celui de bien
d'autres projets.

ÊTRE À L'ÉCOUTE DE SES COLLABORATEURS


/\

Etre à l'écoute de ses collaborateurs, c'est d'abord leur


montrer que l'on se préoccupe de ce qui, dans le cadre de
Vl
~ leur activité professionnelle, peut concrètement représen-
e> ter un facilitateur de bien-être. Leurs aspirations en matière
UJ
l.O
r-i
0
de formation professionnelle, par exemple. Celles-ci
N
@ sont souvent négligées dans les entreprises, alors qu'elles
......
..c:
c:n
·c
constituent un élén-ient important en tennes d' en-iploya-
>
o..
0
bilité et offrent à chacun des perspectives d'avenir.
u
S'intéresser sincèren-ient à ses collaborateurs, c'est aussi
apprendre à repérer les symptômes d'une difficulté qui
peut être d'ordre professionnel mais aussi personnel,
car il est impossible de déconnecter totalement l'un de
l'autre. Certes, cette sollicitude exige retenue et subtilité,
car il n'est pas question de s'imn-iiscer dans la vie privée,
mais un dirigeant doit être à l'écoute de ses salariés et
152 Les ressources humaines: le goût des autres

s'intéresser suffisamment à chacun pour être capable de


sentir s'il est confronté à des soucis graves d'ordre privé.
Il arrive n1ême, et c'est souhaitable, qu'il ait à accompa-
gner discrèten1ent un de ses collaborateurs confronté à
une épreuve personnelle majeure.

AMÉNAGER DES LIEUX D'ÉCHANGE

Une vache géante, une tour Eiffel, un baby-foot, des jeux


vidéo, un minigolf sur le toit, une salle de conférences
« Brigitte Bardot »,un billard ... Dans les 1nagazines, on a
tendance à réduire le bien-être en entreprise à l'existence
d'un lieu de travail convivial et ludique où les installa-
tions ressembleraient au décor des bureaux de Google à
Paris ... ou ailleurs. S'il ne faut pas surestimer le rôle du
gadget dans la culture du bien-être en entreprise, il est, en
revanche, utile qu'il existe des lieux d'échange conviviaux
et ludiques. Toutes les entreprises qui se sont lancées dans
ce type de projet ont d'ailleurs bien compris que l' essen-
~
Vl
tiel des échanges porte sur le travail et contribue donc,
e> in fine, à son efficacité. Et lorsqu'ils ne parlent pas travail,
UJ
l.O
roi
0
les salariés apprennent à se connaître, à s'apprécier et col-
N
@ laboreront ensuite d'autant plus facilement car la qualité
......
..c:
c:n de la relation est au cœur du travail d'équipe .
·c
>
o..
0
u

CULTIVER LA BONNE HUMEUR

Si, en arrivant le matin dans son entreprise, le dirigeant est


de bonne hun1eur, celle-ci rejaillira forcément sur l'hu-
meur collective. En revanche, s'il fait la tête, il y a fort
à parier que la mauvaise hun1eur se répandra dans tous
les étages car les collectivités de travail sont ainsi faites
Bien-être au travail, l'humain est de retour 153

que le mimétisme y règne souvent en maître : le patron


ne doit-il pas être un modèle en toute chose ! ? Ce qui
est vrai à propos d'un élén1.ent aussi trivial que l'humeur
ambiante se vérifie en effet dans bien d'autres don1.aines :
le patron donne le la, alors autant que ce soit pour le
meilleur!

Les employés heureux et motivés


sont les employés les plus productifs.

Vl
~
e>
UJ
l.O
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0
N
@
......
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c:n
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>
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Partie Ill

Le leader : vision et courage

Vl
~
e>
UJ
l.O
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......
..c:
c:n
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>
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......
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c:n
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>
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0
u
Chapitre 1

Leadership : on ne naît pas


leader, on le devient

Pour le définir, Warren Bennis, l'un des papes de la


recherche conten1poraine sur le leadership, disparu à l'été
2014, avait volontiers recours à la métaphore «Leadership
is like beauty : it's hard to define but you know it when you see
it. » Une comparaison qui suggère, à juste titre, à la fois
l' évidence mais aussi le côté un peu mystérieux de cet
« incontournable » de l'art du managen1ent.

Le leadership, en effet, ne se résume pas à une définition


qui conviendrait à tous. Il en existe différentes formes,
en fonction des hon1mes, de l'environnement et des cir-
constances, et chacun d'entre nous a sa petite idée sur ce
Vl
qu'être un bon leader veut dire .. . Il ne s'agit donc pas ici
~
e> d'en dessiner avec précision les contours. D'ailleurs, nous
UJ
l.O
ne croyons pas une seconde aux formules toutes faites,
r-i
0
N aux recettes préfabriquées qui abondent dans la littérature
@
......
..c:
consacrée au sujet (il suffit de taper le mot « leadership »
c:n
·c
>
sur Google pour obtenir quasi instantanément environ
o..
u
0
500 millions de réponses !). Nous ain1erions plutôt faire
partager (modestement) notre expérience de dirigeants
qui ont eu, au cours des dernières décennies, de nom-
breuses occasions d'exercer un leadership, quitte à l' ap-
privoiser en marchant. Le leadership relève en effet de la
courbe d'expérience personnelle, car, s'il est une certitude
que nous pouvons tous partager, c'est bien celle- ci : on ne
naît pas leader, on le devient.
158 Le leader : vision et courage

CULTIVER LE GOÛT DES AUTRES

Commençons par une preniière affirmation qui fera sûre-


ment sourire plus d'un lecteur, voire sera perçue com1ne
une provocation, mais que nous ne tenons pas moins à
exprimer en préambule : pour être un bon leader, il faut
aimer les autres. Cette conviction est loin de faire l'una-
ninùté dans l'univers professionnel où l'on a vite fait de
penser que cette profession de foi soit relève d'une sorte
de dén1agogie douce, soit qu'elle est à tout le moins inap-
propriée dans l'entreprise.

Dans un grand groupe, le P-D. G., qui souhaitait inclure le


verbe « aimer » (ses collaborateurs, ses clients .. .) parmi la liste
des valeurs de l'entreprise, a dû renoncerface à l'incompréhension
générale de collaborateurs très réticents. Aimer n'est pas considéré
comme un verbe qui convient au monde de l'entreprise.
Pourtant, il n'y a ni angélisme ni démagogie dans notre
affirmation, plutôt l'expression d'une conviction pro-
Vl
fonde : écouter ses collaborateurs, quels qu'ils soient
~
e> (pas seulement les membres de sa garde rapprochée), se
UJ
l.O
préoccuper de leur vécu, de leurs aspirations, est indis-
r-i
0
N pensable pour qui prétend diriger une organisation avec
@
......
..c:
quelques chances de succès. Une personne qui n'aime pas
c:n
·c
>
les gens ne peut espérer entraîner, encore n1oins inspirer,
o..
u
0
l' ensen1ble d'un corps social comn1e l'entreprise, et est
à notre avis inapte à diriger quoi que ce soit. Dans une
entreprise, comn1e dans toute
comn1unauté humaine, il est
' ' Une personne qui indispensable de s'intéresser
n'ai me pas les gens est aux autres, à leur projet pro-
à notre avis inapte à fessionnel bien sûr, mais aussi
diriger quoi que ce soit. - sans intrusion déplacée - à
Leadership : on ne naît pas leader, on le devient 159

leur vie personnelle dans la mesure où celle-ci participe


du bien-être et de l'équilibre de chacun.
Si vous croisez quelqu)un dans un couloir et que vous êtes inca-
pable de sentir que la personne ne va pas bien) vous n)êtes pas
fait pour diriger !
Il est naturel qu'un dirigeant, quel que soit son niveau
hiérarchique, se soucie des personnes avec lesquelles il
travaille au quotidien, tout comme chaque salarié sera
sensible au fait que le big boss le salue dans un couloir ou
aime échanger deux mots personnels avec lui dans l'as-
censeur ou ailleurs ... Tout cela, bien sûr, sans que cela
tourne pour autant à la posture artificielle, encore moins
- comme on l'observe parfois aux États-Unis - à l'éva-
luation du n1ode de vie, voire du train de vie de chacun !
Avoir la chance de diriger une ou plusieurs entreprises
offre l'opportunité d'une carrière très riche sur le plan des
relations humaines.
Ce qui reste d)une carrière professionnelle) ce n)est pas - contrai-
Vl rement peut-être à ce que l) on pourrait croire - les réalisations
~
e> que 11on a menées à bien) c) est la qualité des relations que l) on a
UJ
l.O
r-i
réussi à nouer avec les personnes.
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o.. PARTAGER UNE VISION
0
u
La plupart des spécialistes du managem ent sont d'accord
sur ce point : un leader doit avoir une vision, c'est-à-dire
être capable de formuler, d' exprimer et de faire partager
une représentation à la fois réaliste, attractive et convain-
cante de ce que l' entreprise a vocation à devenir sur le
long terme. Cette vision doit être simple et compréhen-
sible par tous, afin que chaque salarié puisse comprendre
160 Le leader : vision et courage

le rôle qu'il sera an1ené à jouer dans la partition globale. Il


sera ainsi motivé et se mobilisera pleinen1ent sur le projet
collectif. La vision, plutôt que le projet, est ce qui permet
de rassen1bler les morceaux, de donner une cohérence,
non pour imposer mais pour avancer ensemble.

SAVOIR ÉCOUTER

Il est iinpossible d'entraîner un groupe dans une aven-


ture commune si l'on n'est pas aussi doté d'une grande
capacité d'écoute. Il arrive souvent que, dès lors qu'un
1nanager prend du pouvoir, grimpe dans la hiérarchie, il
ait tendance à prendre ses distances, à se protéger à tra-
vers une série de filtres divers, voire à s' enfern1er dans sa
tour d'ivoire. Or, le lien tissé avec le dirigeant, et cela à
tous les niveaux, y compris à celui du managen1ent inter-
médiaire, est irremplaçable. Et com1ne dans bien d'autres
don1aines, c'est au big boss qu'il revient de veiller à ce
que cette capacité à écouter l'autre, à échanger avec lui,
Vl
~ fasse réellen1ent partie de l 'ADN de l'entreprise. C'est à
e> lui de montrer que chacun, quelle que soit sa fonction,
UJ
l.O
r-i
0
sa responsabilité, compte dans l'entreprise. Il ne doit pas
N
@ y avoir un seul groupe, une seule personne à qui l'on ne
......
..c:
c:n
·c
parle jamais !
>
o..
u
0
Je me souviens que lorsque je suis arrivé chez Axime, j'avais
à cœur d'aller au-devant de l'ensemble des salariés pour leur
expliquer que nous allions devoir licencier un tiers des collabora-
teurs ! Et j'ai surpris tout le monde en précisant que je voulais
notamment rencontrer les équipes de nuit. Le patron du centre
ùeformatique m'a accompagné, mais c'était la première fois qu'il
allait voir l'équipe de nuit ! n y a paifois dans une entreprise des
populations, des groupes, auxquels on ne parle jamais !
Leadership : on ne naît pas leader, on le devient 161

Celui qui a la capacité de comprendre que chacun, à son


poste, est important dans l'entreprise et qui se n1.et sincè-
re1nent à l'écoute de ses subordonnés capitalise sur ce que
l'on appelle l' « intelligence collective » et se donne les
moyens de prendre ses décisions de n1.anière plus éclairée.
A fortiori en cas de crise, ce n 'est p as avec un Pow erPoint
re1npli de chiffres que vous rassurerez les équipes, n1.ais par
l'écoute et la confiance.

ÊTRE CAPABLE DE GÉRER L'INCERTITUDE

Dans une entreprise, la plupart des collaborateurs, y co1n-


pris au plus h aut niveau , ont du m al à affronter l'incerti-
tude, quand un leader est, au contraire, stimulé, aiguillonné
p ar les projets, les opportunités n1.ais aussi les risques, voire
les menaces, associés à la vie de toute entreprise, à un
moment ou à un autre. Il est donc là pour les rassurer
et leur proposer, quel que soit le contexte, une direction
Vl
claire. M ais, en ce qui le con cerne, c'est le fait de réduire
~
e> son champ d'action aux seuls élém ents qu'il peut m aî-
UJ
l.O
triser et contrôler qui constituerait un risqu e. Il doit, au
r-i
0
N contraire, être disponible, ouvert à l'imprévu qui, si l' on
@
......
..c:
n'y prend garde, sera susceptible de bouleverser, voire de
c:n
·c
>
ren1.ettre en cause, l'avenir de son entreprise. Sans l' aiguil-
o..
u
0
lon de l'incertitude, la vigilance, la concentration et l'ap-
plication nécessaires à l'exercice du leadership diminuent
sensiblement. Il faut avoir le
goût d'affronter l'imprévu
dans un esprit créatif, laisser ' ' Il faut avoir le goût
parler son intuition qui, dans d'affronter l'imprévu dans
certains cas, pourra se révéler un esprit créatif, laisser
plus féconde que la raison. parler son intuition.
162 Le leader : vision et courage

Si le leader est rongé d'inquiétude parce qu'il y a des


menaces économiques ou autres, c'est probablement qu'il
n'est pas fait pour le job.

SE REMETTRE EN CAUSE

Savoir dire ce qui ne va pas, mais aussi être capable de se


questionner soi-mên1.e, de se ren1.ettre en cause, surtout
dans un grand groupe où, lorsqu'on arrive au sommet,
il est fréquent d' être entouré de personnes qui vont vous
répéter inlassablement ce que vous avez envie d'entendre.
Il y a d'innombrables manières de le faire. Pour ma part, lorsque
j'étais P-D. G. d'Atos Origin,j'avais toujours un jeune diplômé
à mes côtés. Pendant un an, il me suivait partout. C'est précieux,
car voilà quelqu'un qui n'est pas encore «contaminé» par les
jeux et les enjeux de pouvoir, et qui parle vrai. Agir à longueur
de journée sous le regard d'un jeune collaborateur vous force aussi
à avoir un comportement exemplaire.

~
Vl
En tout cas, il faut savoirs' entourer de quelques personnes
e> en qui on a toute confiance, qui vont vous dire la vérité
UJ
l.O
r-i car, dans l'entreprise, le courage est une qualité rare parmi
0
N
@ les salariés, notanm'lent parmi les cadres dirigeants.
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u AVOIR LE COURAGE DE DIRE ET DE DÉCIDER

Si vous avez des remarques encourageantes ou, au contraire,


des remontrances à exprimer, faites-le sans attendre et sans
détour. Peu de gens font preuve de ce courage, y compris
au plus haut niveau de la hiérarchie. Et c'est bien dom-
mage car celui-ci fait partie des qualités d'un bon leader,
au inême titre que l'honnêteté intellectuelle, l'éthique ou
Leadership: on ne naît pas leader, on le devient 163

l'attachement à l'entreprise. Autant de qualités qui faci-


litent l'annonce de n1.auvaises nouvelles et permettent de
relever les défis difficiles. Sans oublier la capacité de mon-
trer l'exemple. On ne gère pas, en effet, une entreprise à
coup de notes. C'est à travers son comportement person-
nel, sur le terrain et au quotidien, qu'un leader marque
de son en1.preinte et impose ses valeurs. Les collabora-
teurs admirent et font confiance à ceux qui sont capables
de faire ce qu'ils de1nandent aux autres. Ils suivent aussi
volontiers les leaders qui, non seulement ont la passion de
ce qu'ils font, mais savent ... prendre des décisions. Cela
peut paraître une évidence. Et pourtant c'est très rare, sur-
tout dans les grandes entreprises.
Et encore ... Le big boss prend quelques décisions, mais juste en
dessous de lui, au niveau n - 1, là il n'y a plus personne qui
décide. Je les appelle les tampons encreurs !

DISPENSER DE L'ÉNERGIE
Vl
~
e> Un leader a besoin d'avoir lui-mê1ne beaucoup d'énergie,
UJ
l.O
r-i
à la fois mentale et physique, pour faire le job et pour la
0
N transn1.ettre aux autres. En général, le collaborateur qui
@
......
..c: vient vous voir est à la recherche d'une solution à un
c:n
·c
>
o..
problème qu'il ne parvient pas à résoudre. Il doit avoir le
0
u sentiment que la force est avec vous !
Quand vous vous promenez dans les couloirs, vous rencontrez
des collaborateurs, vous leur parlez. Si vous sentez qu'ils ne sont
pas en forme, c'est le moment d'avoir un échange avec eux, de
leur transmettre votre énergie, une énetgie positive.
D'une n1.anière générale, un leader doit savoir diffuser
beaucoup d'énergie à ses collaborateurs.
164 Le leader : vision et courage

AVOIR LE SENS DE L'HUMOUR

Ce trait de caractère ne vient pas forcément spontané-


ment à l'esprit lorsqu'on réfléchit à la carte génétique du
leader, et pourtant l'humour est aussi une de ses qualités.
Les patrons les plus respectés se servent souvent à bon
escient de l'humour pour détendre l'atmosphère, capter
l'attention de leur auditoire ou faire baisser la tension
lors d'un événement délicat à gérer sur le plan humain.
Ils sont capables de traiter les
situations difficiles avec un
' ' Faire bon usage de certain recul, de les dédrama-
l'humour contribue à tiser, de rire d'eux-nièmes le
fabriquer de la confiance. cas échéant, et de créer une
ambiance de travail qui amé-
liore la qualité de la com1nunication et favorise la créati-
vité. À condition d'être naturel, de n e pas forcer la note,
de ne jamais confondre hun1our et moquerie ou sarcasme,
de l'utiliser pour mettre les personnes à l'aise, non pas
Vl
pour les embarrasser, faire bon usage de l'humour contri-
~
e> bue à fabriquer de la confiance.
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c: COMMUNIQUER CLAIREMENT ET SIMPLEMENT
c:n
·c
>
o..
u
0
La recommandation pourra paraître simple, voire siin-
pliste, et pourtant peu de managers, y compris au plus haut
niveau, sont vraiment capables de gérer une communica-
tion qui réponde à ces critères de b ase. Aujourd'hui, on
se focalise trop sur les techniques de co1nn1.unication (ah,
les inévitables slides !) , et pas assez sur le contact humain,
l'éch an ge avec l'autre. Or, sur le terrain, on a vite fait de
faire la différence entre les managers grands spécialistes
Leadership: on ne naît pas leader, on le devient 165

des « présentations » et ceux qui savent tout simplement


établir le contact. Le message doit être simple et direct. Il
ne s'agit pas de paraître intelligent, ce qui incite inévita-
blement à complexifier le propos, mais de faire passer un
ou deux messages-clés. C'est tout ce qui importe.
]'avais l'habitude d'arriver dans une de mes usines avec ma série
de slides. Et puis un jour, au Brésil, la machine est tombée en
panne.]' ai parlé sans slides pendant une heure et jamais, peut-
être, je n'avais réussi à installer une telle qualité d'échange. Ce
fut une réunion de grande tenue ! Depuis,j'ai pris l'habitude de
parler sans béquille avec seulement un slide récapitulatif à la fin.
La con1munication ne s'improvise pas. Il faut y réfléchir,
s'y préparer et pratiquer régulièrement.
Il est frappant de constater que les fonnations qui
concernent le savoir-être ne sont pas prodiguées dans les
écoles de management, restées le plus souvent scotchées
sur le « savoir » ou éventuellement le « savoir faire ». Les
managers sortent de notre système éducatif élitiste en
Vl étant persuadés qu'ils savent, éventuellement savent faire,
~
e> mais n'ont pas de repères sur le savoir-être. Quand ils évo-
UJ
l.O
r-i
luent ensuite au sein d'une organisation de type matriciel
0
N qui a remplacé la prise de risque par les process et vit sous
@
......
..c: l'empire de la pression du court terme, ils montent peu en
c:n
·c
>
o..
compétence dans ce domaine.
0
u
Quand on cumule tous ces handicaps, il est difficile de voir émer-
ger des leaders dans l'entreprise et si - sur un malentendu - un
tel profil pointe le bout de son nez , il sera aussitôt rejeté par le
système. Certaines organisations sont en fait incapables de géné-
rer un vrai leader.

Le leadership, ou la passion des autres.


Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Chapitre 2

L'exercice du pouvoir,
la reconnaissance plutôt
que l'obéissance

L'exercice du pouvoir est de plus en plus subtil et déli-


cat car le niveau d'exigence des collaborateurs, toutes les
enquêtes réalisées auprès des salariés le n1ontrent, ne cesse
d'augmenter. Les salariés n'ont peut-être jamais eu autant
besoin de n e pas être seuls face au travail, besoin de mana-
gers disponibles qui leur consacrent vraiment du temps.
Mais leurs attentes évoluent aussi. Les modèles d'autorité
qui prévalaient jusqu'à une période récente faisaient une
large place à la fonction hiérarchique. Or, la confiance
et l'attach ement aux institutions, quelles qu'elles soient,
déclinent, et l'entreprise n'est pas à l'écart du mouve-
~
Vl
ment. Les anciens sch émas de pouvoir sont obsolètes. En
e> revanche, apparaît, dans la société comme dans l'entre-
UJ
l.O
r-i prise, une forte demande d'autorité et de direction. Ce
0
N
@
qui est sensible1nent différent.
......
..c:
c:n
·c
>
Aujourd'hui, les salariés, nota1nment les plus jeunes, n'ont
o..
u
0
plus envie d'un pouvoir qui iinpose, mais recherchent
l'autorité qui va leur permettre de grandir, leur appor-
ter quelque chose. Le pouvoir contraint, l'autorité fait
croître au sens étymologique du terme (le mot « auto-
rité » vient du latin « augere » qui signifie « augmenter ») .
On parle moins ici d'obéissance et davantage de recon-
naissance. Une mutation favorisée p ar la diffusion des
nouvelles technologies de l'information qui organisent
168 Le leader : vision et courage

la diffraction du savoir et du
' ' L'entreprise a besoin
pouvoir. Impossible, désor-
d 'équipes qui adhèrent.
mais, de tout imposer d'en
C'est aujourd'hui tout haut. Et, pour un manager,
l'enjeu de l'exercice c'est moins la position hié-
du pouvoir. rarchique qui compte que
la capacité individuelle à
faire valoir ses compétences, à aider les autres à s' enri-
chir (au sens développem ent du terme), à susciter l'adhé-
sion autour de soi. Or, l'entreprise a besoin d'équipes qui
adhèrent. C'est aujourd'hui tout l'enjeu de l'exercice du
pouvoir.

MÉRITER LE POUVOIR

Le pouvoir transforme les individus dans le bon ou dans


le mauvais sens. Lorsqu'on recrute un collaborateur qui,
quel que soit le niveau, va exercer son autorité sur une
Vl
équipe, on le voit tel qu'il est, mais il faudrait aussi l'ima-
~
e> giner tel qu'il va devenir ! Et ce n 'est pas le plus facile.
UJ
l.O
En tout cas, lorsqu'on nomme quelqu'un à un poste de
r-i
0
N pouvoir, il est n écessaire de passer du ten1ps avec lui pour
@
......
..c:
réfléchir ensemble à la nlanière dont il va exercer ses pré-
c:n
·c
>
rogatives et enraciner son autorité ; notamment de véri-
o..
u
0
fier qu'il est conscient du fait que le pouvoir ne procède
pas du titre dont il peut se prévaloir, mais de la légiti-
mité qu'il sera capable d'acquérir. Des chances de suc-
cès qui reposent moins sur la qualité de ses relations avec
les « hautes sphères », que sur la solidité de celles qu'il
saura tisser avec ses pairs et avec les échelons du dessous.
Le pouvoir appelle en effet l'obéissance ; l'autorité, la
reconnaissance.
L'exercice du pouvoir, la reconnaissance plutôt que l'obéissance 169

Le pouvoir n'est pas donné. Il se mérite parce que l'on a su


conquérir une légitimité en consacrant du temps à ses collabora-
teurs, à tous les niveaux, en les motivant, en leur déléguant des
tâches intéressantes.
On nomme souvent les gens pour de mauvaises raisons
(excellence technique, performance commerciale) sans
vérifier leur capacité à diriger et sans les y préparer.

UTILISER SON POUVOIR À BON ESCIENT

Si l'on accepte une position de pouvoir, ce n'est pas


seulement pour le plaisir de contempler sa place dans
l'organigramme ou pour l' augn1entation de revenus qui
l' accon1pagne, mais pour participer à la nlise en œuvre de
la stratégie de l'entreprise et à son développen1ent. Toute
organisation (à ne pas confondre avec l'organigramme)
est nécessairen1ent mouvante, faite de coopérations, de
rapports de force, de deals implicites, qu'il s'agit d'appri-
Vl voiser au quotidien dans l'intérêt de chacun et de tous.
~
e> Faire bon usage de son pouvoir, c'est, d'une manière ou
UJ
l.O
r-i
d'une autre, être à l'écoute afin de jouer, à son niveau de
0
N responsabilité, un rôle de facilitateur, d'agent d'adaptation
@
......
..c: et de changen1ent .
c:n
·c
>
o..
0
u

NE PAS INFANTILISER SES COLLABORATEURS

De nombreux managers confondent encore pouvoir,


autorité et autoritarisme, et ne se complaisent que dans
le surcontrôle. Dans certaines entreprises, tout salarié doit
demander la permission d'engager la plus petite dépense,
voire de faire la moindre chose. Il y a encore des usines, y
170 Le leader : vision et courage

compris chez nous, où les opérateurs doivent quémander


l'autorisation d'aller aux toilettes ! Quand toute action
dans l'entreprise requiert une autorisation, on fabrique
une culture où plus personne ne réfléchit. Plus personne
ne prend ses responsabilités. En revanche, le n1anagement
intern1édiaire perd un temps précieux à organiser la police.

SAVOIR DÉCIDER

Il arrive que les dirigeants eux-mêmes ne sachent plus


prendre une décision. Le pouvoir est tellement morcelé
que l'on ne sait plus vraiment qui décide, qui l'exerce
vraiment.
On en arrive à organiser une réunion de managers pour décider
du plus petit détail de la vie quotidienne !
Dans les grands groupes, en particulier, il y a de plus en
plus une dilution du pouvoir, et de n1oins en moins de
managers préparés à décider. Qui ne participe pas régu-
Vl
~ lière1nent à une de ces réunions où la principale décision
e> prise est de refaire une réunion ? Dans une négociation,
UJ
l.O
r-i
0
il est de plus en plus fréquent d'être incapable de savoir
N
@ quelle est la capacité de décision du cadre dirigeant qui
......
..c:
c:n
·c
est en face de vous. Souvent, elle est limitée, voire nulle,
>
o..
0
car, quel que soit son niveau hiérarchique, il doit d'abord
u / J:"'
en re1erer ...
Je me souviens d'un séminaire
' ' Le carriérisme va chez IBM. . . On me demande
souvent de pair avec une ce que j'attends de notre par-
tenariat. Je réponds qu'en tant
grande frugalité en matière
que P-D. G. d'Atos, lorsque
de prise de décision. j e prends une décision, elle est
L'exercice du pouvoir, la reconnaissance plutôt que l'obéissance 171

immédiatement exécutoire, et que je souhaite, lorsque je parle


à quelqu'un d'IBM, avoir en face de moi quelqu'un qui puisse
également décider. Ils ont tous éclaté de rire !
Dans les groupes, le pouvoir fait peur et la préservation
d'une position hiérarchique va souvent de pair avec une
grande frugalité en 1natière de prise de décision.

PARTAGER LE POUVOIR

Non1breux sont ceux qui pensent que le pouvoir se réduit


comme peau de chagrin lorsqu'on le partage. C'est une
erreur fondan1entale qui surdétermine souvent la relation
que l'on a aux autres. Au contraire, le pouvoir grandit
lorsqu'on pratique à bon escient ce que nous appellerons
la délégation positive. Il est souvent plus fécond pour tout
le nlonde de garder la responsabilité d'un dossier, d'une
mission, d'un projet, tout en le (la) déléguant à un colla-
borateur que l'on estime, à ce mon1ent-là, mieux placé
Vl pour le (la) mener à bien dans les nleilleures conditions.
~
e> Pratiquer la délégation positive, c'est libérer les énergies,
UJ
l.O
r-i
valoriser à plein le potentiel de ses équipes et se donner
0
N ainsi du ten1ps pour valoriser le sien.
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u TRANSMETTRE LE POUVOIR

Un manager ne doit jan1ais oublier qu'il ne doit avoir


qu'un seul objectif: être remplacé un jour pour prendre
d'autres responsabilités. Dès lors, son rôle est de pro-
mouvoir les talents, d'aider ses collaborateurs à évoluer,
de faire en sorte que de « m anagés » ils deviennent eux-
mêmes managers. Plus ils gagneront en autonomie, plus
172 Le leader : vision et courage

il valorisera lui-n1ême sa fonction d'autorité, formelle et


inforn1elle, pour légitimement aspirer à en exercer une
autre, plus importante encore pour l'entreprise.

Le pouvoir ne vient pas du titre que vous


portez, mais de la reconnaissance des autres.
Les gens accèdent souvent au pouvoir pour de
mauvaises raisons et sans vérification de leur
capacité à l'assumer.

Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Chapitre 3

Réseau, l'atout des bonnes


fréquentations

Construire son réseau fait partie intégrante du manage-


ment d'une carrière, et il est recommandé de comn1en-
cer le plus tôt possible. Depuis toujours, il est in1portant
de cultiver les « bonnes fréquentations », celles qui - tout
au long d'une vie professionnelle - vous permettront de
soigner votre visibilité, d'être inforn1é des opportunités,
d'échanger sur tout ce qui touche à votre métier et de
vous épanouir à titre personnel. Construire un réseau est
enrichissant, c'est l'occasion de rencontrer des personnes
très différentes et, pour certaines, de s'en faire des ainies.
Bien sûr, il est possible de fréquenter, en fonction de ses
aspirations et à condition de les choisir judicieusement,
Vl
quelques réseaux existants, structurés, organisés autour
~
e> d'un objectif commun, d'affinités partagées ou d'une caté-
UJ
l.O
gorie socioprofessionnelle. Mais le plus important reste de
r-i
0
N
développer et de faire vivre son propre réseau relationnel.
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u COMMENCER TRÈS JEUNE

Il n'est jamais trop tôt pour acquérir le réflexe « réseau » et


prendre l'habitude de créer du lien. Cela con1n1ence avec
les can1arades d'école, puis avec ceux de l'Université, du
sport, et se poursuit avec les premiers stages et emplois. La
plupart des jeunes n'y pensent pas spontanément, à moins
qu'ils rechignent à y consacrer un temps qu'ils estiment
174 Le leader : vision et courage

réservé à la vie personnelle.


' ' Il n'est jamais trop tôt
Pourtant, il faut prendre très
pour acquérir le réflexe
tôt l'habitude de créer des
« réseau » et prendre liens, sans être obnubilé par
l'habitude de créer du lien. la volonté de séparer absolu-
ment vie professionnelle et
vie personnelle, car souvent le réseau évolue à mi-chemin
entre les deux. Le plus souvent d 'ailleurs, le temps consa-
cré au « réseautage » est modeste. Il s'agit surtout d'avoir
le réflexe de faire le petit geste qui convient à telle ou telle
occasion : penser à solliciter le conseil d'un « ancien »
(maître de conférences ou patron de stage) ; envoyer un
message de félicitations à une relation professionnelle qui
change de job, ou d'encouragement à celui qui perd le
sien ; n1ettre en relation deux personnes susceptibles de
faire professionnellement un bout de chemin ensen1ble.

S'ASTREINDRE À UNE DISCIPLINE

~
Vl Pour n1ener une carrière professionnelle, il ne suffit pas
e> de côtoyer ses collègues de bureau. Il faut sortir, rencon-
UJ
l.O
r-i
trer, échanger, baigner dans un écosystème. Et pour que
0
N
@
l'investissement soit utile, il est iinportant de le faire de
......
..c:
c:n
manière organisée. Premier conseil qui tombe sous le
·c
>
o.. sens : il ne faut pas oublier de se manifester à l'occasion
0
u de dates rituelles. À commencer par les vœux.
Il ne faut pas hésiter à marquer certaines dates-clés. Pour les vœux,
je déteste la formule du mailing standard. J'écris chaque année
plusieurs centaines de cartes à la main ajln d'adresser à chacun
des vœux personnalisés pour lui souhaiter une bonne année.
Il est également conseillé de se donner les moyens de
repérer chaque jour les petites nouvelles, les événements
Réseau, l'atout des bonnes fréquentations 175

qui méritent que l'on se manifeste auprès de tel ou tel par


un petit mot, un message de félicitations ou d' encourage-
ment. Il est aussi utile de prendre des notes à l'issue d'une
rencontre afin de garder la trace de ces petits détails per-
sonnels qui permettront de renouer facilen1ent le fil lors
d'un prochain rendez-vous et exprimeront ainsi à notre
interlocuteur l'intérêt qu'on lui porte. Les plus organisés
créeront une base de données nourrie de tous ces petits
fragments de vie. C'est important lorsqu'il s'agit de célé-
brer un événement positif (changen1ent d'entreprise, pro-
motion, etc.) et plus encore, peut-être, en cas de revers
professionnel.

Si quelqu)un a été remercié) il est d) autant plus important de se


manifester que 9 5 % de ses connaissances ne bougeront pas parce
qu) elles estimeront qu )il ne peut plus rien leur apporter. Après sa
traversée du désert, cette relation se souviendra de ceux qui ne lui
auront pas tourné le dos dans un moment difficile.
D'une manière générale, rendre visite à quelqu'un lors-
Vl
qu'on n'a rien à lui vendre n'a pas de prix. Surtout si,
~
e> effectivem ent, celui-ci est en pleine traversée du désert.
UJ
l.O
Il ne peut douter que vous faites ce geste exclusivement
r-i
0
N pour lui et y sera particulièrem ent sensible. En 1natière de
@
......
..c:
réseautage, commencer par donner aujourd'hui est une
c:n
·c
>
bonne n1anière de recevoir demain, que ce soit dans les
o..
u
0
relations professionnelles ou à
travers telle ou telle démarche ''
comme une intervention Rendre visite à
dans une grande école ou quelqu'un lorsqu'on n'a rien
à l'Université. Intervention à lui vendre n'a pas de prix.
qui donne la satisfaction de
transn1ettre un savoir- faire et permet en n1ême temps de
repérer des jeunes à fort potentiel.
176 Le leader : vision et courage

CONSTRUIRE DANS LA DURÉE

Un réseau n'est j amais «fini », jamais constitué une fois


pour toutes. Il vit et se développe dans la durée, au gré
d'un itinéraire professionnel et des contacts que l'on est
amené à nouer au fil d'une carrière. Le réseau prospère en
fonction des circonstances, n1ais aussi et surtout à la faveur
des choix et des rencontres que l'on fait et du temps que
l'on y consacre ...

Je me souviens d'un directeur financier que j'avais fait entrer au


Club des Trente (le club des grands directeurs financiers). Ce club
organisait notamment un dîner par mois. n y a participé deux
fois, puis a cessé de s'y rendre parce que sa femme était contrariée
qu'il soit absent un soir par mois ...
Un grand classique du dilen1IDe qui peut n aître parfois de
la collision entre vie professionnelle et vie privée ! Soigner
son réseau impose en effet d'y consacrer du temps pris sur
sa vie personnelle. Dans la « vraie vie », d'ailleurs, les deux
Vl
se n1êlent assez naturellement.
~
e> J'ai construit mon réseau à partir de personnes que j'aime bien,
UJ
l.O
r-i
0
que j'apprécie, avec lesquelles j'ai des affinités à la fois person-
N
@ nelles et professionnelles. J e ne cloisonne pas. Il est plus facile de
......
..c:
c:n cultiver dans la durée un réseau de personnes que l'on apprécie,
·c
>
o.. plutôt que de se forcer sur une base strictement professionnelle.
0
u
Enfin, un bon réseau personnel doit être le reflet de ses
propres valeurs. Il est inutile et même contre-productif
de choisir des personnes dont
' ' Un bon réseau le système de valeurs ne vous
personnel doit être le reflet correspond pas. Co1nme tout
organisme vivant, il doit évo-
de ses propres valeurs.
luer au fil du temps et des
Réseau, l'atout des bonnes fréquentations 177

événements. Il ne faut pas hésiter à couper une branche


si vous avez l'occasion de constater que le comportement
professionnel de tel ou tel est inapproprié.

CULTIVER LA FORCE DES « LIENS FAIBLES »

Très souvent consultés par les recruteurs, les réseaux


sociaux professionnels (Viadeo, Linkedln) et personnels
(Facebook) occupent désonnais une place très impor-
tante dans toute démarche de construction d'un réseau
à vocation professionnelle. Et, avec leur montée en puis-
sance, la théorie de « la force des liens faibles », popu-
larisée dès les années 1970 par le sociologue américain
Mark Granovetter, prend une autre dimension grâce aux
opportunités offertes par le digital. Selon lui, un réseau
se compose en effet de liens forts et de liens faibles . Les
liens forts - ceux que l'on a tissés avec les m embres de sa
faniille et ses aniis proches - correspondent à des relations
~
Vl soutenues et fréquentes. À l'inverse, les liens faibles sont
e> faits de simples connaissances avec lesquelles les relations
UJ
l.O
r-i
sont plus épisodiques, mais ils sont dits « forts » dans la
0
N
@
mesure où, plus diversifiés, ils donnent accès à un réseau
......
..c:
c:n
plus étendu, n1oins redondant, qui accroît par conséquent
·c
>
o.. les chances d'obtenir de nouvelles informations. C'est la
0
u richesse et la puissance des liens faibles que de nous per-
mettre d'accéder à d'autres informations que celles dont
disposent nos proches (informations qui sont souvent déjà
en notre possession) .

Désormais essentiels dans toute démarche destinée à com-


poser et à faire vivre un réseau professionnel, il n'en est
pas n1oins recomn1andé de gérer ses comptes avec soin,
178 Le leader : vision et courage

notamment de mettre les informations à jour, mais aussi


de limiter les contenus trop personnels. Quant à l'usage
que l'on en fait, ils sont devenus indispensables pour
prendre contact ou être contacté, mais il ne faut pas pour
autant oublier de passer du virtuel au réel pour rencontrer
ses contacts et bâtir une véritable relation personnelle.

SÉLECTIONNER LE(S) BON(S) RÉSEAU(X)

Même si là n'est pas l'essentiel, il est également utile


de choisir un club, une organisation, une communauté,
au sein desquels, tout en se sentant à l'aise, on pourra
participer à des débats et réfléchir utilement. Il ne s'agit
pas de devenir un professionnel des cocktails et autres
dîners-débats, mais plutôt de sélectionner avec soin , sans
en faire trop, un non1bre liniité de réseaux organisés.
Mieux vaut s'investir pleinement dans un réseau que l'on
a choisi en fonction de ses affinités et/ ou des personnes
~
Vl
que l'on a envie de rencontrer, que de fréquenter plus ou
e> moins assidû1nent diverses conununautés. La démarche
UJ
l.O
roi
0
peut prendre la forn-ie de dîners où, dans la convivialité,
N
@ on partage son expérience. Elle peut égalen-ient être une
......
..c:
c:n immersion dans un séminaire consciencieusement choisi
·c
>
o.. où, pendant quelques jours, le dirigeant va s'extraire de
0
u
la gestion courante pour s'oxygéner intellectuellement,
prendre le pouls de l'économie et de la société, échan-
ger des idées avec d'autres dirigeants issus d'univers très
différents.
Lorsqu)on est président d)une société) participer au forum de
Davos) c)est chaque année saisir l)opportunité de sortir pendant
quelques jours de la gestion courante) de s) oxygéner Fesprit) de
Réseau, l'atout des bonnes fréquentations 179

tester des idées ... Il }' a ainsi, dans une année, de nombreuses
occasions qu'il faut sélectionner avec soin en fonction de ses affi-
nités et des personnes que l'on a envie de rencontrer.

Ce qui reste d'une vie professionnelle, c'est


la qualité de la relation avec les autres, peu
importent l'âge, la formation, la situation
professionnelle et la surface financière .

Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Chapitre 4

Le temps, ou comment l'utiliser


de manière efficace

À une époque où la vitesse est devenue une valeur en soi,


et où l'aspiration à retrouver des rythmes différents est
réelle, notamment dans l'entreprise, le temps est un sujet
de management plus in1-portant qu'il n'y paraît. Un actif
précieux qu'il s'agit de gérer avec le plus grand soin car il
est le seul à pouvoir réconcilier deux logiques : d'un côté,
celle du business, très liée à la vitesse (Time is money), et,
de l'autre, celle de l'humain, qui reste associée à la lenteur,
à l'expérience, à l'apprentissage par l'échec, à la répétition,
à l'influence du passé, à la culture . ..
Dans l'entreprise, penser, réfléchir, inventer, préparer
l'avenir n'est p as toujours con1-patible avec la dictature de
Vl l'instant présent. La manière dont ch acun gère son temps
~
e> exprime ainsi une volonté et dessine une capacité à faire
UJ
l.O
r-i
des choix et à fixer des limites, pour que le temps de cha-
0
N cun soit réellement mis au service du projet collectif.
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u NE LAISSER À PERSONNE LE SOIN DE GÉRER SON TEMPS

Il y aura toujours des personnes pleines de bonnes inten-


tions qui voudront gérer votre agenda à votre place,
autrement dit qui trouveront naturel de vous imposer
leur propre tempo au n1.otif que leur ten1-ps est au n1-oins
aussi précieux que le vôtre. Face à de telles tentations,
la résistance s'impose. Il faut toujours garder la maîtrise
182 Le leader : vision et courage

de son temps. Pas question de subir l'agenda des autres,


quels qu'ils soient. Pas question non plus de déléguer les
décisions sur la gestion de son propre agenda. Mên1.e à sa
fidèle assistante !
]'avais un patron qui laissait son assistante remplir son emploi
du temps mais se réservait toujours le loisir de modifier son
agenda à la dernière minute en fonction de ce qu'il considérait
comme ses priorités.
In fine, il s'agit de se n1.énager, à tout mon1.ent, la liberté
de faire ou de n e pas faire ... Un agenda est bien entendu
tout à fait nécessaire à l'organisation de la semaine, mais
n'est jamais qu'un scénario qui doit pouvoir évoluer avec
les événe1nents.
]'ai toujours été capable de bouleverser mon agenda en cas de
besoin. Si j e considère qu'une priorité surgit, je le chamboule
sans état d'âme.

~
Vl RÉSISTER À LA PRESSION o'où QU'ELLE VIENNE
e>
UJ
l.O
D'une m anière générale, il faut toujours veiller à ne pas
r-i
0
N subir la pression extérieure, qu'elle vienne d'un collègue
@
......
..c:
ou d'un collaborateur un p eu trop « présent », des e-mails
c:n
·c
>
que l'on s'évertue trop souvent à gérer au fil de leur arri-
o..
u
0
vée, de la sonnerie du téléphone ou de la dernière alerte
reçu e sur les réseaux sociaux . Si le zapping pern1.anent
peut parfois donner l'illusion de travailler beaucoup tout
en étant très disponible, il se traduit souvent, en réalité,
par une perte de temps, interdit le recul et stérilise la
réflexion. À l'heure des nouvelles technologies, le mana-
ger doit faire preuve d 'une rigueur à toute épreuve pour
ne pas être submergé par les innombrables sollicitations
Le temps, ou comment l'utiliser de manière efficace 183

qui surgissent de partout. Il doit aussi savoir prendre de


la distance et ne pas avoir peur de s'isoler pour traiter un
dossier délicat, tout en restant accessible en cas d'urgence.

PLANIFIER SON TEMPS DANS SA GLOBALITÉ

En dépit des aspirations de nombreux salariés, notamment


les plus jeunes, nous ne pensons pas qu'il est possible (ni
même souhaitable) de distinguer temps professionnel et
temps personnel. Le temps se gère de n1anière globale, il
est impossible de le découper en tranches.
Nous avons tous connu un jour
ou l'autre un patron qui trans- ' ' Le temps se gère
formait sa journée en une suc- de manière globale, il
cession de quarts d'heure et avait est impossible de le
contracté la maladie du call ! Le découper en tranches.
dirigeant ou le manager qui, à
8 heures du matin, a déjà participé à deux c01iférences télépho-
Vl niques et s'apprête à dépiler ses e-mails entre deux nouveaux
~
e> calls risque de ne rien faire de bien.
UJ
l.O
r-i
0
Impossible aussi d'être en permanence sur la brèche : il est
N
@ indispensable de se ménager des périodes de respiration.
......
..c:
c:n
·c
Il faut savoir se réserver du temps pour l'imprévu, mais
>
o..
0
aussi pour prendre du recul face aux événen1ents et pour
u
se donner les moyens de mener une vie équilibrée, qui
tienne compte de ses aspirations à la fois professionnelles
et personnelles. Un équilibre qui portera ses fruits dans
l'exercice de responsabilités professionnelles.
]'ai toujours été très occupé, mais je me suis toujours ménagé des
moments pour faire du sport. C'est un facteur d'équilibre qui
m'est indispensable. Vous rencontrerez toujours des gens qui vous
184 Le leader : vision et courage

diront qu)ils n)ont pas le temps de faire du sport ! Quelqu)un


qui vous dit qu) il n) a pas le temps ne sait pas gérer son temps.

ÉCRIRE SA « TO DO LIST »

Pour gérer son temps sans stress ni à-coups particuliers,


il est important de faire ce que l'on a à faire dans le bon
ordre et au bon moment. Chaque chose en son temps,
dirait le bon sens commun. Et, pour cela, il faut établir
tout simplement une liste, par exemple pour la semaine,
afin de ne rien oublier d'essentiel et de pouvoir repé-
rer facilen1ent les choses urgentes et importantes à faire.
On peut choisir d'utiliser les moyens 1nodernes que la
technologie met à notre disposition ou tout simplement
écrire sa liste à la main. Une « to do list » qui pourra être
acco1npagnée utilement d'une vision à plus long terme,
par exen1ple sur l'année à venir, forcément rythmée par
un certain no1nbre de rendez-vous progranunés à l'avance
Vl
(notamment pour les dirigeants et managers des grands
~
e> groupes internationaux). Deux horizons qui se com-
UJ
l.O
plètent et facilitent la hiérarchisation dynamique, tant à
r-i
0
N court terme qu'à long terme.
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u CONSACRER BEAUCOUP DE TEMPS AU CLIENT

Hiérarchiser et gérer efficacen1ent son temps, c'est savoir


se donner des priorités. Dans les grands groupes en parti-
culier, le gâchis en temps inutile est souvent vertigineux.
Entre le reporting) les meetings de toutes sortes, les projets
corporate) les conjerence calls) difficile de ne pas perdre de
vue les priorités ... Et pourtant ! Une radioscopie critique
Le temps, ou comment l'utiliser de manière efficace 185

des agendas est souvent instructive : on y constate que les


managers n'ont même plus de temps à consacrer à leurs
clients ! Si tel est le cas, le voyant rouge doit s' allun1er
immédiaten1ent.
Lorsque j'étais patron d'Atos, mon agenda donnait la priorité
au client.J'avais d'ailleurs pour slogan« Un client par jour ».Je
les rencontrais systématiquement et consacrais beaucoup de temps
aux opérations.
Le casse-tête des managers qui se demandent tous les
jours con1Il1ent faire tenir autant de priorités dans leur
agenda a donc un début de réponse : « Clients first » !

GÉRER LES PRIORITÉS

Donner du temps, c'est bien ; donner du temps de qua-


lité, c'est encore mieux ! Lors d'un rendez-vous de travail
ou d'une réunion, combien de fois n'avons-nous pas été
exasp érés de constater que notre interlocuteur avait l'es-
~
Vl
prit occupé à autre chose, pianotait sans retenue sur son
e> outil digital dernier cri, consultait et répondait à ses mes-
UJ
l.O
r-i
0
sages tout en prêtant une oreille distraite à la discussion ?
N
@ Compte tenu des sollicitations de toutes sortes auxquelles
......
..c:
c:n
·c
chacun est désormais exposé, il est indispensable de veiller
>
o..
0
à donner aux autres - clients, collaborateurs, interlocu-
u
teurs divers - du ten1ps de qualité. Donner du ten1ps de
qualité, c'est consacrer toute notre attention à l'autre. Le
multitâche, vu souvent comme une marque d'efficacité,
n'a pas sa place dans une bonne gestion du temps.
186 Le leader : vision et courage

RESPECTER LE TEMPS DES AUTRES

De la même n1.anière, le ten1.ps des autres est fait pour être


respecté. Qu'il s'agisse d'être à l'heure à un rendez-vous
ou à une réunion de travail, ou de ne pas appeler au télé-
phone un collaborateur ou un interlocuteur, quel qu'il soit,
à n'importe quel moment, à n'in1.porte quelle heure. Des
principes simples et de bon
sens qu'il n'est pas toujours
' ' Le temps des autres facile de respecter et de faire
est fait pour être respecté. respecter, notamment lors-
qu'on travaille au sein d'une
entreprise n1.ultinationale. Une affaire de culture, aussi.
Tous ceux qui ont travaillé un jour dans un grand groupe
américain, par exemple, savent qu'il est inutile d'attendre
de tels égards d'un patron américain qui trouvera normal
d'appeler un de ses collaborateurs dans le monde entier
à l'heure qui correspond à son propre fuseau horaire, y
compris pour un motif plus ou moins futile. Mais ce n'est
pas une raison pour que le mimétisme impose sa loi.
Vl
~
e>
UJ
l.O
roi
0
N
DÉLÉGUER POUR GAGNER DU TEMPS
@
......
..c:
c:n
·c
La gestion optimale de son propre temps passe plus sou-
>
o..
0
vent qu'on le croit par une délégation de telle ou telle
u
tâche décidée à bon escient. Un exercice qui exige parfois
de prendre sur soi car il suppose de faire preuve d'une
certaine humilité, de renoncer à tout contrôler et de
comprendre que déléguer ne rime pas forcément avec
abandonner.
Pratiquer la délégation positive, c'est-à-dire confier telle ou telle
tâche à quelqu'un d'autre parce que cette personne est, à ce
Le temps, ou comment l'utiliser de manière efficace 187

moment-là, la mieux placée pour la mener à bien dans les meil-


leures conditions, c'est valoriser le potentiel de chaque membre
de l'équipe et retrouver du temps pour optimiser son temps dans
l'intérêt de l'entreprise.

DONNER DU TEMPS GRATUIT

Nombreux sont les managers qui ne veulent entendre


parler que de temps efficace, sachant que, dans leur esprit,
le te1nps efficace, c'est le temps compté. Qui n'a pas eu un
jour un n1anager qui, en préambule à tout entretien avec
un de ses collaborateurs, annonçait le ten1ps prévu de la
conversation, convaincu qu'il avait p ercé là le secret de
l'efficacité managériale ? Ce sont souvent les m êmes qui
se soun1ettent à la dictature de la vitesse et du « tout, tout
de suite » et ne supportent p as d'avoir le sentünent d'un
instant perdu, d'un temps qu'ils considèrent comme vide,
inutile. Or, passer du ten1ps avec ses collaborateurs, sans le
Vl
compter, constitue un facteur de motivation qu'il n e faut
~
e> surtout pas n égliger. Sauf à prendre le risque de p erdre ...
UJ
l.O
en efficacité collective.
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
FEUILLETER SON AGENDA
0
u
Qu'ai-je fait de mon temps dans les semaines passées?
L'exercice est riche d'enseignements. Un rapide coup
d' œil à l'agenda p ern1et de visualiser le déroulem ent réel
des journées, de m ettre en évidence tous les temps perdus
ou qui auraient pu être bien nùeux gérés. R ep enser à froid
à la n1anière dont on a géré son temps permet de corriger,
si nécessaire, les dérapages pour l'avenir. L'exercice peut
188 Le leader : vision et courage

aussi être très stimulant, dès lors que l'on choisit de se


mettre en tête, dès le lundi, les rendez-vous intéressants,
les moments agréables, progran1n1és pour les jours à venir.
Une manière légère mais appétissante d'apprivoiser son
ten1ps, de le mettre de son côté.

Si l'on sait gérer les priorités, on dispose


d'énormément de temps.

Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Partie IV

Jeunes diplômés,
sept conseils pour entreprendre

Vl
~ L'entrepreneuriat séduit de plus en plus les jeunes. En
e>
UJ France, un créateur d'entreprise sur quatre n'est pas
l.O
r-i
0
N
encore trentenaire et leur nombre a triplé en dix ans,
@
......
selon l' Association pour la création d'entreprise. Chaque
..c:
c:n
·c année, quelque 125 000 jeunes Français se lancent ainsi
>
o..
u
0 dans l'aventure pour être libres de leurs décisions, expri-
mer leur potentiel, mettre en œuvre une idée en laquelle
ils croient et être leur propre patron. Avec, dans la tête
et dans le cœur, les exploits de leurs illustres « anciens » :
Bill Gates (Microsoft), Mark Zuckerberg (Facebook),
Larry Page et Sergey Brin (Google) et autres Steve Jobs
(Apple) ... Tous figures de la réussite contemporaine, tous
créateurs stars à moins de vingt-cinq ans.
190 Les idées les plus simples sont souvent les meilleures

Cet engouement pour l'entrepreneuriat est réconfortant.


Il montre qu'en dépit de toutes les idées reçues sur le
désenchantement des jeunes et sur leurs difficultés de
toute nature à s'investir dans la vie professionnelle (ou
peut-être à cause de ces difficultés, notan1ment écono-
miques), ils sont de plus en plus nombreux à franchir le
pas. Voici les sept conseils que nous aimerions donner à
ceux qui désirent créer ou reprendre une entreprise. Sept
conseils qui ont pour but de leur faire partager notre
conviction profonde : les idées les plus simples sont sou-
vent les n1eilleures et les faire siennes dès le départ repré-
sente un atout pour débuter une (belle et longue) vie de
serial entrepreneur !

1. SAVOIR CE QUE L'ON VEUT FAIRE

Dans la vie professionnelle, le plus difficile est d'abord de


définir ce que l'on a envie de faire et avec qui on a envie
Vl
de le faire. Il ne faut pas hésiter à consacrer le temps néces-
~
e> saire à cette réflexion mais, lorsqu'elle a été menée à bien,
UJ
l.O
il faut poursuivre son projet avec détermination. Ensuite,
r-i
0
N si - dans les premières années - vous côtoyez un manager
@
......
..c:
ou un patron qui vous inspire, il ne faut pas laisser passer
c:n
·c
>
la chance de faire un bout de chemin à ses côtés. Chacun
o..
u
0
dans une carrière a en tête une ou quelques personnes qui
l'ont ainsi marqué et aidé à progresser. Un bon mentor
est toujours un cadeau du ciel. En revanche, lorsqu'on
est en début de carrière, il est conseillé de ne pas rester
longtemps dans des situations qui ne vous conviennent
pas. Mieux vaut alors prendre le risque de bouger, même
si le conseil est plus facile à donner qu'à recevoir lorsque
le chômage se fait pressant.
Jeunes diplômés, sept conseils pour entreprendre 191

2. S'INTÉRESSER AUX AUTRES

C'est une des qualités fondan1.entales, peut-être la plus


importante, pour n1anager une équipe et devenir un jour
un dirigeant. S'intéresser aux autres, instaurer avec ses
collègues une relation professionnelle et personnelle de
qualité, c'est la preuve que l'on est capable de les aider à
s'épanouir et à donner le meilleur d'eux-mêmes dans le
cadre d'un projet collectif.
Toute personne qui n'aime pas les autres est inapte à diriger
quoi que ce soit. Lorsque j'ai racheté les activités informatiques
de Philips et que j'ai réuni pour la première fois les trois cents
premiers managers du groupe, un jeune manager m'a interpellé :
comment devient-on président ? Je lui ai répondu : « En étant
déterminé et en se préoccupant toujours des gens qui travaillent
pour vous car votre succès dépend entièrement d)eux ! »
Aimer les autres est aussi pour soi-même une source de
satisfactions inépuisable.

Vl Maintenant que j) ai quitté A tos) il m)arrive d'être contacté par


~
e> d'anciens salariés et rien ne peut me faire plus plaisir. La qualité
UJ
l.O
r-i
de mes relations avec les autres, notamment avec les salariés des
0
N entreprises que j'ai dirigées,fut vraiment l)un des grands moteurs
@
......
..c: de ma vie professionnelle.
c:n
·c
>
o..
0
u

3. CULTIVER L'ENGAGEMENT, L'HONNÊTETÉ


INTELLECTUELLE ET LE COURAGE

S'il fallait choisir trois qualités, trois valeurs essentielles, à ne


pas perdre de vue et à cultiver tout au long d'une vie pro-
fessionnelle, ce serait celles-là. D'abord, toujours tenir ses
en gagements ; quel que soit le niveau que l'on occupe dans
192 Les idées les plus simples sont souvent les meilleures

l'entreprise, que l'on soit jeune ingénieur, patron de pays,


directeur conunercial ou président, tout engage1nent pris
doit être tenu. Et cette discipline est parfois bien difficile à
respecter. Ensuite, il faut toujours faire preuve d'honnêteté
intellectuelle (autrement dit, dire quel' on ne sait pas quand
tel est le cas ... ) , de loyauté et de courage. Or, l'expérience
montre que plus les entreprises grandissent, plus les per-
sonnes courageuses se font rares.Ayez toujours du courage !

4. DÉVELOPPER SON ÉNERGIE PERSONNELLE

Lorsqu'on est manager ou chef d'entreprise, on a besoin


de mobiliser une énergie physique et mentale. Pour faire
face à ses obligations et responsabilités, et aussi pour la
communiquer aux autres.
]'ai toujours fait du sport pour entretenir cette énergie et je ne sau-
rais trop conseiller aux jeunes futurs managers d'en Jaire autant,
car le sport est un facteur d'équilibre dans la vie professionnelle.
Vl
~
~ 5. APPRENDRE À COMMUNIQUER
UJ

Vous pouvez être un professionnel brillant, mais tous


......
..c:
les talents du nîonde n e vous serviront à rien si vous ne
c:n
·c
>
savez pas conîmuniquer, faire partager vos projets et vos
o..
u
0
convictions à ceux qui sont autour de vous. La qualité
de la communication représente un « plus » qui peut
faire la différence. La plupart des dirigeants anglo-saxons
communiquent beaucoup mieux que les Français car les
secrets d'une bonne cormnunication font généralement
partie de leur cursus édu catif, ce qui n'est pas le cas chez
nous. Il est donc essentiel d'apprendre à conîffiuniquer
clairement et sünplenîent, à l'écrit comme à l'oral.
Jeunes d iplômés, sept consei ls pour entreprendre 193

6. PARIER SUR LE COMMERCIAL

Pour un jeune diplôn1é, l'option commerciale se révèle


souvent porteuse. Sur ce terrain , les bons compétiteurs
sont rares, y compris dans le vivier des hauts potentiels, et
dans une optique de leadership elle représente un atout
incontestable car le patron est le prenlier con1n1ercial, le
prenlier « vendeur» de son entreprise. En outre, la culture
commerciale constitue une forn1idable école de n1anage-
ment, un moyen de compenser les faiblesses des cursus de
l'enseignement supérieur car peu d'écoles forment vrai-
ment au m étier comn1ercial, et encore moins au métier
commercial à l'international.

7. JOUER LA CARTE DE L'INTERNATIONAL

Au cœur de l'écon omie mondialisée, parler plusieurs


lan gu es représente et représentera un avantage comp é-
titif, souvent le préalable à une expérience à l'étranger
~
Vl
qui contribue à l'ouverture
e> d'esprit et constitue prati-
UJ
' ' Saisissez la première
l.O
r-i quen1ent toujours un accélé-
0
N opportunité de vivre
@ rateur de carrière. Saisissez la
première b onne opportunité une expérience à
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
de vivre une expérience à l'international !
u
l'international !

Essayez, le plus tôt possible, de créer votre


entreprise et recommencez si nécessaire.
Vous verrez, c'est passionnant.
Vl
~
e>
UJ
l.O
r-i
0
N
@
......
..c:
c:n
·c
>
o..
0
u
Index

A - mode! 93
- opérationnel 57
Accenture 4 7
- unit 36, 80
actionnaire 22, 27, 33, 45, 79
adaptabilité 37
ADN del' entreprise 112, c
113,160 CGI 18
AEG 114 Chrysler 63
Alcatel 67, 144 clauses de sortie 43
à l'international 24, 46, 59, c01nité
65, 193 - de direction 38, 69,
Alstom 42, 114, 144, 150 105
Am.azon 95 - de nomination 17
Apple 95, 115, 189 con1ffiunication 22, 142, 165
Atos 35,40,42,43,47,51, - digitale 146
55,57,62,64, 73,74,93, - interne 31, 58, 139,
112, 113, 115, 132, 134, 140, 143
Vl
170, 185, 191 compétitivité 80, 91, 120,
Cl)

e> Atos Origin 18, 52, 162 125


UJ autonomie 122,149,171 concurrence 29, 42, 51
l.O
r-i
0 Axin1e 43, 150, 160 conference cal! 84
N
@
...... confiance 67, 116, 11 9, 123,
..c:
c:n
·c B 150
>
o..
0 - en soi 67, 120
u henchmarking 73
confidentialité 53
Bennis Warren 157
convivialité 112, 143, 149,
bien-être 147, 148
178
Bourse de Paris 43
coopération 41, 47, 94, 120,
Brin Sergey 189
125
Brown Tim 101
core business 29, 54, 55
hurning plaiform 31
corporate 103, 105
business
196 Les idées les plus simples sont souvent les meilleures

courage 19,20, 70, 135, 162, entrepreneuriat 113


191 entreprise
créativité 97, 121, 148, 164 - du CAC 40 56
crédibilité 106, 116 - du secteur des
culture 16, 53, 63, 149 nouvelles technologies de
anglo-saxonne 65 l'information 97
com1nerciale 65, 193 - familiale 15
de l'entreprise 36, 101 - multinationale 46, 149,
des affaires 4 7 186
du bien-être 152 - nouvelle 58,62,115
du n1ouvement 50 esprit 193
du résultat à court - d'équipe 75, 113, 136
terme 97 - d'initiative 121
- locale 113 exen1plarité 115

D F

Daimler 63 Facebook 177, 189


Fiducial 13 7
délégation 122, 127, 186
fusion-acquisition 94, 141
- positive 171, 186
dén1otivation 60
Vl
~
déresponsabilisation 87 G
e>
UJ design thinking 101 Gates Bill 189
l.O
r-i
0
N GEC 114
@
...... E Google 152, 157, 189
..c:
c:n Gore 95
·c
>
o.. Elixir 96
u
0 Granovetter Mark 177
énergie 47, 85, 147, 163, 192
- positive 163
engagen1ent 32, 112, 122, H
191 Hamel Gary 9 5
d' adnunistrateur 20 Holcim 63
- du top 1nanagement 41 honnêteté intellectuelle 124,
- sur les coûts 44 136, 142, 162, 191
enlise1nent 35, 63 hun1our 164
Index 197

hypercentralisation 119 motivation 53, 70, 117, 119,


hyperchoix 65 122, 187
Myers Dave 95

N
IBM 23, 170
incertitude 37,124,161 négociation 53, 54, 57, 170
indépendance 19 networking 7 5
innovation 24, 76, 91, 93, 99
- friendly 95
0
- juridique 94
- produit 100 Omnicom 63
- technologique 99 open innovation 99, 101
1ntu1tion 55, 161 Oracle 69
Origin 52, 62, 132, 141
J out ef the box 67, 96
j oint-venture 40, 44, 93 outsourcing 42
de transition 42
- virtuelle 41 p
vi
~ Page Larry 189
e> L
Paribas 63, 7 4
UJ
l.O
r-i
0
Lafarge 63 pédagogie 104
N
@ La R edoute 42 Philips 52,62,64,99, 191
......
..c:
c:n liberté 148, 182 plan
·c
>
o.. - de jugement 19
u
0 - de transformation 29,
logo 115 31 , 33, 36,103, 139
Luhmann Niklas 119 - d'exécution 61, 64
- d'intégration 60
M PME 45, 50, 52
Microsoft 189 private equity 15, 33
1nodestie 67, 103 profitabilité 113
Moreno Roland 97 Publicis 63
198 Les idées les plus simples sont souvent les meilleures

R - de rémunération 70, 93
- de valeurs 176
R&D 39,56,91,97
- d'évaluation classique
recrutement 129, 130, 133,
133
136
- de variables 70
Redcats 42
- d'information 36, 48
rémunération 74, 148
- éducatif élitiste 165
repeat business 76
reporting 68, 80, 184
réseautage 1 7, 174 T
résistance au changement Taylor Frederick Winslow
31,38,61 121
réunionite 22, 84, 87 Théodore Jean-François 43
Roosevelt Franklin D. 121 3M 95, 99
turnover 89
s
savoir-faire 39, 42, 4 7, 66, V
94,144, 175 valeurs 111,112, 148,176,
Schlumberger 104, 106, 131 191
sdentifi.c management 121 vision 24, 33, 56, 112, 148,
sélectivité 65 159
Sema 58
Sligos 51
X
Société Générale 63
souplesse 3 7 Xerox 68
Standard Chartered 58
start-up 46 z
système
- de déresponsabilisation zone de confort 29, 30
collective 89 Zuckerberg Mark 189
- de management 36,
120

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