Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Collaborateurs et collaboratrices
Merci à Étienne Beaulieu, CRHA, associé – stratégie et transformation organisationnelle, Humance, pour sa
collaboration à la révision de ce guide.
Merci à Denis Chênevert, D. Sc., CRHA, professeur titulaire et directeur du Pôle santé à HEC Montréal, pour sa
collaboration à la révision de ce guide.
Merci à Geneviève Desautels, CRHA, présidente, Amplio Stratégies, pour sa collaboration à la révision de ce guide.
Merci à Christine Corbeil, CRHA, présidente et consultante, Kalibre conseil Inc., pour sa collaboration à la révision
de ce guide.
Droits d’auteur
La reproduction, la publication et communication de ce document dans son intégralité sous quelque
forme ou par quelque moyen (électronique, mécanique ou autre, y compris la photocopie,
l’enregistrement ou l’introduction dans tout système informatique de recherche documentaire) est
interdite sans le consentement écrit de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.
Par contre, pour les CRHA ǀ CRIA ainsi que les abonnés au Carrefour RH, il est permis d’utiliser les
exemples contenus dans ce document avec les adaptations nécessaires sans autorisation de l’Ordre.
Avis d’utilisation
Dans le cadre de sa mission de protection du public, l’Ordre des conseillers en ressources humaines
agréés vous propose cet outil. Ce dernier doit toujours être adapté selon le contexte, les besoins de
votre organisation ainsi qu’en tenant compte de l’ensemble des parties prenantes. Il ne constitue en
aucun cas un avis juridique.
Si vous êtes un professionnel agréé, vous devez toujours vous référer à votre code de déontologie, aux
normes professionnelles, ainsi qu’aux lois et règlements en vigueur et consulter un conseiller juridique
au besoin.
Par ailleurs, les propos qui y sont exprimés n’engagent que leur auteur et l’Ordre des conseillers en
ressources humaines et en relations industrielles agréés décline toute responsabilité à leurs égards.
Introduction
Pourquoi un tel guide?
Pendant les 20 dernières années, de nombreux rapports ont documenté les préoccupations des
dirigeants. Un constat s’impose clairement. Le développement de la prochaine génération de leaders est
régulièrement en tête de liste. La logique des dirigeants est simple : pour faire face à tous les autres
défis et à la complexité grandissante du monde du travail (compétition globale, virage numérique ou
croissance économique), il faut d’abord avoir mis en place un solide programme de développement de
leaders qui seront capables de faire face à la situation.
Malheureusement, et comme nous allons le constater un peu plus loin, tous les signaux indiquent que
les façons de faire en matière de développement des leaders ont un urgent besoin d’être revues et
améliorées. L’approche classique prônant le développement de compétences spécifiques chez les
leaders ne semble pas suffisante pour amener des changements durables dans leurs façons de faire.
Ce guide suggère une démarche qui vous permettra de mettre en place une solution durable, adaptée à
votre organisation et aux personnes à développer.
Ce document s’adresse principalement aux professionnels CRHA/CRIA qui ont le mandat de répondre
aux besoins de relève dans leur organisation. Il peut aussi intéresser les concepteurs et formateurs qui
développent des parcours de formation ainsi que les dirigeants soucieux de se poser les bonnes
questions et d’optimiser leurs interventions auprès des leaders en développement.
Mise en garde
1. Par souci de variété, nous utilisons les termes « leaders en développement », « aspirants leaders »
et « leaders potentiels » pour qualifier ceux qui sont la cible des efforts de développement. Nous
voyons ces termes comme des synonymes.
2. Ce guide est structuré autour de dix bonnes pratiques concernant le développement des leaders.
Celles-ci ne sont pas toujours possibles ou applicables dans tous les contextes. Il vous revient alors
de faire un tri pour bâtir votre propre stratégie, selon ce qui convient le mieux à votre mandat, en
tenant compte des ressources dont vous disposez. À cet effet, même si elles sont applicables, les
pratiques devront sans doute être adaptées ou ajustées pour être en cohérence avec votre contexte
organisationnel.
4. Ce guide se veut un outil flexible et une référence utile pour vous permettre de répondre à divers
mandats et besoins en tant que professionnel CRHA/CRIA :
Plusieurs sondages récents, effectués auprès de dirigeants et de professionnels RH, ont investigué
l’impact des pratiques de développement des leaders. Le constat est alarmant 1 : nos façons de faire
semblent dépassées et peu efficaces; elles ne réussissent pas à combler l’écart grandissant entre les
leaders dont les organisations ont besoin et ceux dont elles disposent présentement 2.
Mais le pire, c’est que ce constat n’est pas nouveau. Malgré les nombreux signaux lancés au fil des deux
dernières décennies, nous n’avons pas su réagir à la hauteur de l’enjeu. À la fin d’août 2008, un groupe
de 37 dirigeants s’était réuni sous l’égide du journal Les Affaires, avec d’autres partenaires, pour
réfléchir aux défis de leadership au Québec. De cette rencontre est né un rapport intitulé « Urgence
Leadership 3 » qui soulevait déjà des pratiques déficientes telles que des initiatives isolées ou
fragmentées, ou l’absence de liens avec la stratégie d’affaires. Ces constats indiquent qu’il est nécessaire
de se poser les bonnes questions pour rendre nos programmes les plus utiles possibles, mais également
pour que ceux-ci soient adaptés aux différents contextes organisationnels dans lesquels ils sont mis en
place.
Or, en dépit de ces appels, les réponses à trois questions – quoi, comment et qui développer – ne
semblent pas avoir progressées au même rythme que les besoins sans cesse croissants, tant en quantité
qu’en diversité. C’est du moins la principale conclusion de quatre sondages récents.
1 Voir Note 1 pour la liste des textes ayant traité des résultats décevants des efforts de développement des leaders.
2 Voir Britten, Leslie, Jane. The Leaderhip Gap – What You Need, And Still Don’t Have, When It Comes To Leadership Talent, white
paper, Center for Creative Leadership, 2015, 16p.
3
Urgence Leadership – Des enjeux, des solutions; Les Affaires et Knightsbridge, Octobre 2008, 22p.
https ://www.lesaffaires.com/uploads/references/262_DesEnjeuxDesSolutions.pdf.
Depuis 2001, le Conference Board du Canada publie régulièrement un rapport intitulé Leadership
Outlook 5. En 2017, cet organisme a procédé à une analyse comparative entre les résultats de 2001 et
ceux de 2014. Voici deux constats :
› La capacité des organisations à bâtir une capacité de leadership n’a progressé que de 5 %,
passant de 26 % à 31 %;
› Seulement 37 % des dirigeants ont donné une note positive à l’efficacité du programme de
développement des leaders de leur organisation, visant plus particulièrement les cadres
intermédiaires.
Selon le rapport Global Leadership Forecast 2018 6, un consortium composé des firmes DDI, EY et du
Conference Board, qui a sondé les opinions de plus de 25 000 leaders issus de 2 488 organisations dans
54 pays et 26 secteurs d’activité :
Selon The 2018 State of Leadership Development Report 7, un rapport réalisé par Harvard auprès de 734
répondants :
Les critiques à l’égard du développement des leaders ont mis en évidence de nombreuses pratiques
déficientes. Vous trouverez une liste de ces déficiences à l’annexe 1. Voyez-vous certaines de ces
déficiences au sein de votre organisation?
Bien identifier ce qui ne va pas est un premier pas vers une amélioration de la situation. Ce guide vous
ouvre des pistes (ressources, conseils, solutions) à cet égard.
4 Fernandez-Araoz, Claudio, Andrew Roscoe et Kentora Aramaki. « Turning Potential into Success: The Missing Link in Leadership
Development », Harvard Business Review, novembre-décembre 2017, p. 86-93.
5 The Leadership Outlook – Leadership Perspectives From The Middle, Conference Board of Canada, avril 2017, 56p.
6 Global Leadership Forecast 2018 – 25 Research Insights to Fuel Your People Strategy, DDI, EY et Conference Board of
Canada, 58p.
7 The 2018 State of Leadership Development Report, Harvard Business Publishing, 2018.
Comme il s’agit d’un phénomène complexe, plusieurs approches et théories ont été proposées au fil du
temps, et il est parfois difficile de bien les distinguer. Si le concept de leadership ne vous est pas familier,
nous vous conseillons deux excellents livres 8 assez récents qui vous permettront de démêler cette vaste
littérature.
Notez toutefois que ce n’est pas le concept de leadership qui nous intéresse dans le présent guide.
Notre attention est plutôt dirigée vers son développement chez les leaders potentiels. Étonnamment,
cette préoccupation est demeurée marginale et relativement récente dans tout ce qui s’est écrit sur le
leadership. Un livre récent 9, écrit par deux auteurs importants du domaine, aborde cette question.
Destiné aux leaders en développement, cet ouvrage propose de nombreuses activités d’autocoaching.
Et étant très accessible, cela peut être une lecture que l’on suggérera aux participants d’un programme
de développement sur le leadership.
Cette section vous invite donc à prendre un certain recul afin de réfléchir à la façon dont vous allez
aborder votre mandat. Nous vous proposons trois façons complémentaires d’articuler ce que vous
comptez faire, ainsi que la manière dont vous vous y prendrez.
Dans un premier temps, il importe que vous précisiez les a priori ou croyances sur lesquelles votre
démarche sera fondée. Nous vous proposons ici huit croyances qui sont cohérentes avec une
perspective développementale du leadership. À vous de voir lesquelles correspondent le mieux à votre
démarche.
MISE EN GARDE
Certaines de ces croyances peuvent s’opposer à des positions de leadership fortement ancrées
dans votre organisation. Dans un effort d’alignement, cette liste peut servir de base à une belle
discussion avec les membres du comité de direction de votre organisation.
8 Northouse, Peter G. Leadership – Theory and Practice, 8e édition, Sage, 2019; et Yulk, Gary A. Leadership in Organizations, 8e
édition, Pearson, 2017.
9 Kouzes James M. et Barry Z. Posner. Learning Leadership, Wiley, 2016, 248p.
10 Luc, Édith. Le leadership partagé, 2e édition, Les presses de l’Université de Montréal, 2010.
7. Le leadership est sujet à de nombreux biais. Jusqu’à récemment, cette croyance était quasiment un
angle mort dans le développement des leaders. Mais les mouvements récents (#MoiAussi, Black
Lives Matter, racisme systémique) en faveur de la diversité et de l’inclusion ont veillé à ce que la
question des biais inconscients fasse désormais partie du cursus des aspirants leaders. Ces biais
concernent autant les femmes et les personnes racisées que les membres des groupes LGBTQ+. De
nombreux travaux indiquent encore que la stature, le ton de la voix, la force physique perçue sont
des caractéristiques qui facilitent l’accès à des rôles de leader. Certaines de ces caractéristiques sont
pourtant aussi associées à des styles de leadership qui causent plus de tort que de bien dans les
environnements où ils évoluent.
8. Développer le potentiel de leadership chez des personnes n’est pas la même chose que
développer le leadership. Si cette dernière croyance semble peu évidente de prime abord, notre
vision actuelle du leadership et les pratiques de développement qui en découlent mettent
essentiellement l’accent sur le développement d’aspirants leaders, donc sur le niveau individuel. Or,
on peut élargir sa vision et se donner comme mission de développer le leadership au niveau
organisationnel. Cela ouvre un tout autre chantier, plus près des questions de culture du leadership,
où celui-ci est distribué et partagé de façon fluide et continue au sein des équipes elles-mêmes, ou
dans une constellation (réseau) de leaders, à différents niveaux, qui se reconnaissent et regroupent
leur capacité d’influence pour transformer l’organisation 12. Cette vision pourrait être
avantageusement intégrée dès l’étape de conception des programmes de développement. Pour y
arriver, il faudra toutefois que vous vous employiez à développer un climat de confiance et de
sécurité psychologique au sein de votre entreprise. Cette condition est nécessaire pour que les
leaders émergents apprennent à se connaître, acceptent de se faire entendre et se permettent
d’essayer des choses nouvelles sans craindre de se faire pointer du doigt.
Les efforts de développement se résument trop souvent à l’exercice de l’influence du leader auprès des
membres de son équipe. L’accent est alors mis sur des thèmes telle la reconnaissance, la cohésion de
l’équipe ou le storytelling. Tout cela est certainement pertinent et utile, mais il ne faut pas oublier que le
leadership est multiniveau 13. Son développement peut donc s’effectuer à au moins quatre niveaux
différents (voir figure).
Le développement du
leadership est multi-niveaux
Contexte Leader global
13 Hougaard, Rasmus et Jacqueline Carter. The Mind of the Leader: How to Lead Yourself, Your People, and Your Organization
For Extraordinary Results, Harvard Business Review Press, 2018.
Logique horizontale
Je contribue en diversifiant mes
compétences hors de ma zone de confort
Il faut leur faire comprendre qu’au fur et à mesure où ils progressent, être l’expert de contenu
devient moins essentiel pour avoir de l’impact dans l’organisation. Cela dit, renforcer l’expertise
reste important dans le développement de jeunes leaders ou de leaders émergents, car il en va de
leur crédibilité auprès de leur équipe, laquelle est souvent plus près du terrain. Il faut tenter
toutefois de maintenir un équilibre en laissant aux gestionnaires qui débutent dans leur rôle le
temps de s’établir en tant que leaders, de développer des réflexes, etc. Il est erroné de penser qu’en
Tel qu’indiqué à l’annexe 2, l’aspirant leader a alors tout avantage à équilibrer ses efforts de
développement entre deux pôles : maîtriser l’organisation et son contexte, puis maîtriser l’ensemble
des habiletés de gestion.
En d’autres termes, l’horizontal peut s’apprendre (remplir d’eau un verre vide) alors que le vertical
impose un défi d’un autre ordre (agrandir le verre). Comme on peut le voir dans le cas de la jeune
étudiante universitaire de l’encadré ci-dessous, le développement vertical est transformationnel.
Mettez-vous à la place d’une jeune étudiante universitaire de 20 ans qui a vécu à Laval toute sa
vie et qui s’engage dans un échange étudiant de 5 mois à Singapour. Imaginez maintenant
l’énorme différence entre la personne qu’elle était au moment de son départ et celle qui revient
de ce séjour en Asie. Cette différence n’a presque rien à voir avec les cours qu’elle a suivis et ce
qu’elle en a retenu : c’est l’expérience personnelle qu’elle a vécue lors de ce séjour qui a
transformé le regard qu’elle porte sur elle-même, sur son milieu familial et sur ses amis d’avant.
Par-delà les nouvelles connaissances qu’elle a acquises, c’est toute sa façon de lire son contexte,
de l’interpréter et d’y réagir qui a évolué. Elle n’est plus la même. Voilà la promesse du
développement vertical.
La logique verticale est basée sur des travaux portant sur les stades de développement chez
l’adulte 14. Il n’est pas possible de traiter en profondeur de cette piste prometteuse dans le cadre de
ce guide. Disons seulement que chaque stade de développement chez l’adulte correspond à une
compréhension différente du monde, et que la progression d’un stade à l’autre est lente et peut
stagner. Ainsi, le développement vertical n’arrive pas naturellement et l’aspirant leader peut rester
bloqué dans une logique du « je suis ce que je suis ». Il faut alors lui faire poser des gestes concrets
qui demandent beaucoup d’efforts pour que la progression s’enclenche (ex. : cesser de dépendre de
l’opinion des autres et assumer ses propres convictions).
Jusqu’ici, la logique verticale apparaît très peu intégrée aux programmes de développement des
leaders en organisation. Pour parvenir à une telle intégration, trois types d’actions sont à
considérer : exposer les aspirants leaders à des défis qui bousculent et remettent en question leur
façon de voir le monde; provoquer des rencontres avec des gens qui ont des perspectives et points
de vue différents des leurs; leur procurer des moments de réflexion, soutenus si possible par un
coach ou un mentor, pour les aider à mieux appréhender ces notions et à noter quand leurs
tendances naturelles ou visions déjà ancrées reprennent le dessus.
L’exemple de la démarche effectuée par la Police de Longueuil est instructif à cet égard.
15 Touzin, Caroline et Martin Tremblay. « Projet immersion : district Longueuil », La Presse, 18 janvier 2020.
Il est fréquent de voir des programmes de développement de leaders conçus à l’interne ou offerts par
différents fournisseurs externes se succéder dans le temps, au fil des changements de priorités ou de
dirigeants. Chaque fois, on a l’impression de repartir à zéro, de parcourir le même chemin et de répéter
les mêmes messages. Ceci contribue à nourrir un certain cynisme à l’égard du développement du
leadership dans les organisations.
Il est donc important d’analyser d’abord la situation de départ, ne serait-ce que pour disposer d’une
base d’informations suffisante pour vous permettre de démontrer ensuite les améliorations apportées
et les gains effectués.
Voici quelques suggestions concernant les choses à faire en tout premier lieu :
› Documenter les efforts de développement des trois dernières années auprès de la clientèle visée.
Quel est le parcours des aspirants leaders? Ont-ils bénéficié d’un programme? Quel en était le
contenu? Qui y a participé? Quels en ont été les impacts (encore faut-il les avoir mesurés)? Une
bonne façon de répondre à ces questions est de procéder à des groupes de discussion avec un
échantillon représentatif de personnes concernées. Cette initiative offre l’avantage d’amorcer et de
pousser la réflexion sur l’expérience passée, et de constituer un groupe d’ambassadeurs pour le
programme à venir. Ajouter à cela une rencontre avec le comité de direction sur les mêmes
questions est certainement un complément utile, voire indispensable pour créer un contexte et des
conditions favorables pour la suite des choses. Cette rencontre avec le comité de direction devrait
aussi servir à ancrer la vision et la définition de ce qu’est le leadership pour l’organisation. Si le
programme ne répond pas à cette vision, il sera difficile d’y faire adhérer les exécutifs pour qu’ils
agissent à titre de sponsors.
› Documenter les besoins de développement perçus. Profiter de ces groupes de discussion et de la
rencontre avec la direction pour analyser le contexte organisationnel et cerner les besoins et enjeux
qui en découlent. Ceci peut également faire l’objet d’une enquête plus vaste auprès de l’ensemble
de la clientèle visée.
› Définir les compétences requises chez les leaders à développer. Il faut aller au-delà des besoins
actuels définis dans un référentiel de compétences et tenir compte de ceux qui sont nécessaires
pour réussir à plus long terme, soit au cours des cinq prochaines années. La stratégie de
développement du leadership devrait être intimement liée à la planification stratégique de
l’organisation, ou du moins y trouver des extensions. À quoi ressemblera le « leader de demain »? Il
serait par exemple judicieux qu’un leader inclusif, sensible à la diversité, fasse partie des
compétences recherchées. L’habileté à gérer du personnel à distance ou en mode hybride est aussi
devenue une compétence quasi incontournable.
Nous avons mentionné plus tôt les critiques exprimées à l’égard des retombées décevantes des
programmes de développement des leaders. Ajoutons ici que tous les maux ne sont pas nécessairement
imputables au programme lui-même. On souhaite qu’un programme change à lui seul le contexte
organisationnel alors que l’on devrait peut-être envisager l’inverse, c’est-à-dire travailler à changer le
contexte avant de démarrer un programme. En effet, se développer, c’est changer, mais cela exige des
conditions préalables propices.
Avant de démarrer un programme, il serait opportun de considérer en premier lieu les secteurs ou
unités d’affaires qui ont :
› Un soutien visible et sans réserve de leurs dirigeants. Des leaders qui travaillent eux-mêmes en
équipe, qui s’engagent ouvertement dans des changements d’attitude, de comportement ou autres,
et qui servent de modèles au type de leadership que l’on recherche. À cela s’ajoute la présence d’un
climat de travail sain et de leaders capables d’accompagner les personnes en développement.
› Une direction stratégique claire. Cela implique une mission inspirante, une vision attrayante, des
valeurs bien définies quant aux comportements attendus sur lesquels on évalue les gestionnaires et
les employés, une documentation disponible sur les enjeux et opportunités de l’organisation, des
choix stratégiques qui précisent la direction à prendre et des priorités auxquelles on peut se
rattacher.
› Un climat de sécurité psychologique qui permet le droit à l’erreur et la prise de risque. Un tel
climat est nécessaire pour que les participants au programme acceptent de s’ouvrir devant les
autres, de se remettre en question eux-mêmes ou de remettre en question les actions et décisions
de l’organisation, et de se rendre vulnérables en osant dire et faire autrement.
› Une logique transversale bien vivante qui fait contrepoids aux silos. Pour plusieurs, le leadership
s’exprime par une logique verticale, du haut vers le bas. Aujourd’hui, les organisations ont
probablement encore plus besoin d’une logique horizontale qui crée de la valeur en insufflant entre
collègues une loyauté latérale basée sur un esprit de collaboration, d’entraide et de partage des
connaissances, des idées et des meilleures pratiques.
16 Gosselin, Alain. « Sachez découvrir les talents cachés », Gestion, vol. 45, no 3, automne 2020, p. 46-49.
Le secret du succès d’un programme de développement des leaders est probablement attribuable en
bonne partie au leadership lui-même, c’est-à-dire au soutien visible de la direction. Les dirigeants
doivent se sentir personnellement responsables et s’impliquer activement dans le parcours de
développement des aspirants leaders.
Une bonne façon d’aller chercher cet appui est de démontrer la cohérence et l’alignement du
programme aux enjeux de l’organisation, à sa stratégie et à sa culture. Les dirigeants ont besoin
d’entendre de bons arguments pour adhérer à la stratégie de développement des leaders que vous
proposez, et pour vous appuyer avec un investissement conséquent en temps et en argent.
Voici quelques arguments auxquels ils pourraient être sensibles :
1. Contribuer à la performance financière de l’organisation par la création de valeur et le
développement d’avantages concurrentiels distinctifs. Différentes études 17 démontrent que les
entreprises qui se démarquent par leur capacité à se donner un bassin de leaders suffisant pour
répondre à leurs besoins à court et à long terme ont également une performance financière
nettement supérieure. Toutefois, ce lien positif entre leadership et performance peut aussi aller
dans l’autre sens, à savoir que les entreprises plus à l’aise financièrement sont en mesure de
développer davantage leurs leaders. Bien sûr, ces deux positions se renforcent l’une et l’autre,
n’étant pas mutuellement exclusives.
2. Créer un bassin de champions pour prendre en charge des initiatives stratégiques. Pour actualiser
son plein potentiel de mobilisation et d’engagement, une mission organisationnelle inspirante doit
s’appuyer sur des leaders reconnus ou émergents à tous les niveaux. Des leaders qui sont capables
de véhiculer les bons messages et de les renforcer par leurs comportements exemplaires au
quotidien. Leur présence facilite le déploiement d’une compréhension partagée et d’un sentiment
d’urgence face au contexte, en plus de permettre une meilleure maîtrise des enjeux, des priorités et
de la culture de l’organisation.
3. Faciliter un changement culturel. Un programme de développement des leaders est souvent utilisé
comme levier d’une transformation culturelle. Une telle initiative est fréquente avec l’arrivée d’un
nouveau dirigeant. Mettre à niveau les compétences de leadership est perçu comme une façon
efficace de sensibiliser tout le monde à des exigences renouvelées et d’aligner leurs efforts dans une
nouvelle direction.
4. Renforcer l’attraction, l’engagement et la fidélisation des individus de talent. Des recherches
récentes de la firme Gallup 18 révèlent que 51 % des gestionnaires américains se sentent
déconnectés de leur emploi et de leur employeur, tandis que 55 % sont à la recherche
d’opportunités ailleurs. En ayant une vision claire du leadership, en offrant de vraies opportunités
de développement et d’évolution au sein de l’entreprise, en investissant dans le développement de
leur leadership, une organisation renforce sa marque employeur, donc sa capacité d’attraction,
consolide l’engagement et fidélise les gens de talent. Il faut aussi rappeler que le succès des
individus provenant de l’interne est plus élevé que chez ceux qui sont issus de l’externe. Par contre,
le fait d’avoir un programme opaque, qui fait miroiter des possibilités d’avancement sans que rien
ne se concrétise, risque d’avoir l’effet inverse et d’inciter les gestionnaires à quitter.
17 « Why Is Leadership Development Important? », Center for Creative Leadership, octobre 2020; The Leadership Outlook:
Leadership Driving Organizational Performance, Conference Board of Canada, janvier 2016, 112p.
18 Fernandez-Araoz, Claudio, Andrew Roscoe et Kentora Aramaki. « Turning Potential into Success: The Missing Link in Leadership
Development », Harvard Business Review, novembre-décembre 2017, p. 88.
6. Faire du développement une source d’innovation. C’est une bonne pratique que d’inclure des
opportunités d’apprentissage dans l’action, et qui sont basées sur des préoccupations de la
direction, soit sous forme de questions ou de projets à réaliser en équipe. Les individus qui
participent au programme de développement peuvent alors devenir des sources d’idées nouvelles
visant à résoudre des défis ou des problèmes réels dans l’organisation. C’est aussi par ce type
d’expérience que l’on peut stimuler la collaboration entre des leaders provenant de différents
secteurs pour ainsi les amener à sortir de leur rôle d’experts.
7. Accélérer l’inclusion et la progression des groupes sous-représentés. Les organisations sont de plus
en plus nombreuses à se soucier de l’inclusion des femmes ou des personnes issues des minorités
visibles, et elles cherchent à leur procurer des occasions de développer leur plein potentiel. Un
programme de développement du leadership qui accorde à ces groupes une place particulière est
un puissant levier d’accélération qui contribuera à assurer leur présence et le développement de
leur potentiel.
8. Réduire les risques associés aux ruptures dans la relève. Les prochaines années seront marquées
entre autres par le départ massif des baby-boomers à la retraite. Assurer un flux continu de
personnes intéressées et aptes à prendre le relais tout en minimisant les ruptures dans les savoirs
critiques et la performance est un enjeu majeur. Pour réussir cette transition, l’on doit bâtir des
bassins de candidats compétents et engagés à plusieurs niveaux, sans oublier de mettre à
contribution ceux qui détiennent de l’expertise à transférer dans des domaines clés.
9. Renforcer l’impact perçu de la fonction RH. Travailler avec la direction de l’entreprise sur le
développement de la prochaine génération de leaders améliore le positionnement de la fonction
RH. Selon le Global Leadership Forecast 2018 (p. 9), en pareil contexte les dirigeants sont deux fois
plus susceptibles de considérer les membres de l’équipe RH comme des partenaires stratégiques.
Pour y arriver, il faut que votre préparation préalable vous ait permis, à titre de représentant du
secteur RH, de vous approprier les enjeux d’affaires de l’organisation et des unités et d’ajuster votre
langage pour démontrer que vous maîtrisez bien ces défis et que le programme déployé pourra y
répondre.
L’éventail et la diversité des moyens disponibles pour développer les leaders ne cessent de grandir sous
la pression des technologies qui multiplient les possibilités d’accéder, à distance et en continu, tant au
contenu qu’aux formateurs et autres personnes-ressources offrant de l’accompagnement (coach,
mentor, etc.).
19 The 2018 State of Leadership Development Report, Harvard Business Publishing, 2018.
20 Global Leadership Forecast 2018 – 25 Research Insights to Fuel Your People Strategy, DDI, EY et Conference Board of
Canada, 58p.
21 Scott, Stef et Owen Ferguson. New Perspectives on 70:20:10, 2e édition, Good Practice, octobre 2016
(https://emeraldworks.com/research-and-reports/strategy/new-perspectives-on-70-20-10-2nd-edition).
À cela s’ajoute une autre suggestion : les deux partenaires, soit l’organisation et l’individu, doivent être
actifs et engagés.
› Les deux composantes du haut (programme de formation et accès libre à des ressources
complémentaires) sont principalement sous la responsabilité de l’organisation. Il revient au leader
en développement d’en profiter et de s’y investir totalement.
› Les trois composantes du bas (plan de développement, accompagnement et livrables) placent
l’apprenant « au volant » et le responsabilisent vis-à-vis de son propre développement.
L’organisation n’en est pas pour autant dégagée de toute responsabilité : il lui revient de faciliter et
de soutenir l’apprenant dans ses démarches, et de lui offrir des outils et des opportunités
appropriées.
Bien que de nombreuses organisations adhèrent aujourd’hui à la règle du 70-20-10, les programmes de
formation formelle (sur quelques jours, en classe, avec des cohortes et des experts internes et externes)
demeurent l’approche de développement des leaders la plus fréquente. Le rôle marginal (10 %) que la
norme établie par le CCL accorde à la formation ne doit toutefois pas mener à la conclusion qu’un tel
investissement est malavisé, bien au contraire.
Les organisations ont besoin d’un levier pour que tous les leaders entendent les mêmes messages,
partagent un langage et une compréhension communes des enjeux, des priorités, des stratégies et des
éléments clés associés à la culture de l’organisation. Ils ont en effet la responsabilité de mobiliser,
d’aligner et d’accompagner les équipes à tous les niveaux. Dans cet esprit, l’élaboration d’un
programme de formation relativement standardisé, centralisé et commun à tous offre plusieurs
avantages.
Vous pourriez toutefois renforcer l’impact réel d’un tel programme en amenant les participants à
documenter leur parcours, à recenser les occasions où ils ont su faire une différence, à en extraire du
sens sur le plan de leur leadership et à dégager une vision des prochains chapitres de leur parcours.
Limites de l’approche
Miser exclusivement sur un programme de formation comme seule initiative pour développer le
leadership ne sera probablement pas suffisant pour produire un impact durable sur celui-ci. Un
programme standardisé et commun à tous repose sur des hypothèses implicites difficiles à respecter.
Ceux qui participent au programme :
› Partagent les mêmes besoins;
› Répondent au même profil de compétences;
› Ont les mêmes motivations à l’égard du programme et de leur avenir professionnel;
› Bénéficient du programme au bon moment dans leur vie professionnelle.
La meilleure façon de se rapprocher de ces critères est de concevoir non pas un, mais différents
programmes plus ciblés en fonction de clientèles spécifiques. Généralement, la segmentation s’effectue
en suivant une logique hiérarchique (cadres de premier niveau, cadres intermédiaires, direction), mais
on peut aussi imaginer une autre segmentation qui se base sur le niveau de maturité des personnes sur
le plan du leadership (de base, avancé, élite).
Certaines organisations envisagent même de miser essentiellement sur une approche de ce type en
laissant les leaders potentiels s’autoformer et se responsabiliser à l’égard de leur propre
développement. C’est un pari qui semble risqué et qui demande à être validé.
Limites de l’approche
Considérant que cette approche repose sur une base volontaire, il faut voir si les efforts déployés pour
créer les référentiels de connaissances sont justifiés par le degré d’utilisation que l’on en fait dans la
durée. Comme c’est le cas pour les communautés d’apprentissage, la qualité de l’animation sera
sûrement ici un facteur de succès incontournable.
Il faut aussi souligner que lorsqu’on l’utilise seule, cette approche est d’une efficacité limitée et offre
peu d’uniformité d’apprentissage entre les participants sur le plan de leur développement. C’est souvent
le prix à payer pour obtenir les gains associés à une plus grande personnalisation de la démarche.
22 Cruz-Riendeau, Marie-Ève, Sarah Dow-Jodoin et Alain Gosselin. L’État de la gestion des talents au Québec, document inédit,
HEC Montréal, 23 octobre 2013. (Contacter alain.gosselin@hec.ca pour en obtenir une copie.)
23 Pour des ressources permettant d’encadrer cette réflexion, voir note 3.
24 Gosselin, Alain. « L’expérience comme levier du développement des gestionnaires », dans Dominique Bouteiller et Lucie Morin
(éditeurs), Développer les compétences au travail, Gestion, 2009, p. 380-387.
25
Byham, William C. et al. Grow Your Own Leaders, Prentice Hall, 2002.
La principale limite se trouve dans la capacité limitée d’offrir à tous les leaders en développement un
accès à des expériences significatives. Cela demande souvent une flexibilité dans les assignations
temporaires ou permanentes qui n’est pas souhaitée ou soutenue par le patron de l’aspirant leader.
Une autre contrainte vient de la difficulté à bien jauger le niveau d’adversité à intégrer dans
l’expérience. L’apprentissage sera marginal si l’assignation ne sort pas suffisamment l’aspirant leader de
sa zone de confort. Ce sera aussi le cas si l’assignation impose un degré de difficulté trop élevé et est
source d’anxiété et d’échec. Il faut donc y aller au cas par cas en fonction du candidat et des
opportunités disponibles.
Devenir un véritable leader est l’œuvre d’une vie. Ce n’est jamais vraiment terminé, car le contexte dans
lequel le leadership s’exerce change constamment. Conséquemment, les leaders en développement ont
tout intérêt à renforcer leur capacité à apprendre en adoptant un état d’esprit ou une mentalité de
croissance qui passe notamment par la prise de recul, la remise en question de leurs façons de penser et
d’agir, la confrontation de leurs limites et l’expérimentation de nouveaux comportements pour acquérir
plus d’agilité.
En tant que responsable RH, vous avez un rôle important à jouer dans le maintien d’une culture qui
privilégie l’apprentissage et stimule cet esprit d’amélioration continue, et dans le soutien des aspirants
leaders dans leur parcours de développement (voir l’annexe 8 pour des suggestions à cet égard). Si les
politiques, les évaluations de la performance et les interactions avec la direction ne font que l’éloge de
la performance, il sera difficile de favoriser cette culture d’apprentissage. Il faut donc éviter de
stigmatiser les erreurs commises de bonne foi pour montrer aux leaders émergents que l’erreur peut
être source d’apprentissage.
Limites de l’approche
Nous aimons tous l’idée de changer et d’en obtenir les avantages, mais en général nous apprécions
moins l’important travail sur soi que cela exige. Nous pouvons tous témoigner des efforts que nous
avons déployés en vain pour réaliser les engagements que nous avons pris envers nous-mêmes, ou pour
changer certaines de nos habitudes (ex. : se mettre en forme, écouter au lieu de parler, mieux équilibrer
sa vie).
Fournir du soutien et accompagner un aspirant leader dans son développement exige bien sûr du temps
et des ressources, souvent professionnelles, qui ne sont pas à la portée de toutes les organisations. Une
solution alternative réside souvent dans un programme de mentorat interne ou externe.
Chaque thème abordé dans un programme de formation, chaque activité prévue dans un plan individuel
de développement, chaque requête (ou devoir) qu’un coach demande peut conduire à ou se traduire
par un « livrable ». Ceux-ci seront disséminés tout au long du parcours de développement.
› Ils facilitent la consolidation des apprentissages tout au long du parcours (ex. : un one-pager sur
une division autre que la sienne dans le cadre d’un module portant sur la pensée stratégique);
› Ils servent de jalons ou marqueurs de progression dans le parcours de développement (ex. :
marquer le passage entre deux sections d’un programme de formation – fermer une porte avant
d’en ouvrir une autre);
› Ils servent à démontrer les acquis du leader en développement (ex. : un diagnostic de l’état de la
collaboration dans son secteur);
› Ils contribuent au partage et à l’articulation de points de vue (ex. : prise de position dans un
débat du genre « j’aurais réussi ma carrière si… »);
› Ils invitent les aspirants leaders à soumettre des idées d’amélioration (ex. : le résultat d’un
atelier de design thinking).
Limites de l’approche
Deux conditions sont essentielles – mais rarement présentes – au succès de cette approche : la
responsabilisation, et la discipline.
Les Liste de questions fréquentes concernant la gestion d’un programme de développement des
leaders :
Plusieurs milléniaux ont déjà commencé à occuper des postes de gestion. Les jeunes leaders émergents
valorisent l’apprentissage, les expériences significatives, le fait de prendre en main leur propre
développement et d’avoir de la flexibilité dans l’accès aux moyens de développement 27. Il faut donc
prévoir qu’une approche individualisée sera en forte demande.
27 Kruse, Kevin. « Top 5 Leadership Development Trends for 2020 », Forbes.com, janvier 2020.
De façon générale, la recommandation dominante est de cibler les transitions qui jalonnent le parcours
d’un individu dans une organisation 28 (voir figure ci-dessous). En termes de développement, il n’y a pas
de meilleurs moments dans le parcours d’un leader car celui-ci est déjà en mode développement, ses
besoins ont fait l’objet d’une discussion, l’organisation a un intérêt évident à investir en lui et l’occasion
de transfert sera immédiate. Ces transitions représentent également un moment privilégié de lui
procurer un accompagnement adéquat, principalement durant sa première année en fonction.
28
Charan, Ram, Stephen Drotter et James Noel. The Leadership Pipeline, Jossey-Bass, 2001, 248p.; Dotlich, David et al. Leadership
Passages, Jossey-Bass, 2004, 232p.
Ces suggestions et les autres que contient ce guide seront-elles suffisantes pour répondre aux besoins
actuels et futurs?
Un article récent paru dans la revue Harvard Business Review 29 a abordé la question du futur du
développement des leaders. Les auteurs plaident en faveur d’une approche plus personnalisée,
partagée, contextualisée et flexible, ce qui est assez cohérent avec les positions préconisées dans ce
guide.
29 Moldoveanu, Mihnea et Das Narayandas. « The Future of Leadership Development », Harvard Business Review, mars-avril
2019, p. 40-48.
En attendant ces nouveaux développements, il est urgent de proposer une stratégie qui peut répondre à
la principale préoccupation des dirigeants, qui est de réduire l’écart entre les leaders dont les
organisations ont besoin et ceux dont elles disposent présentement. Nous espérons que ce guide vous
permettra d’échafauder une réponse appropriée à votre contexte.
Note 1 Textes sur les résultats décevants des efforts de développement des
leaders
› Beer, Michael, Magnus Finnström et Derek Schrader. « Why Leadership Training Fails – and What to
Do About It », Harvard Business Review, octobre 2016.
› Conger, Jay A. « Mind the Gaps : What Limits the Impact of Leadership Education », Journal of
leadership Studies, vol. 6, no 4, 2013.
› Fernandez-Araoz, Claudio, Andrew Roscoe et Kentora Aramaki. « Turning Potential Into Success: The
Missing Link in Leadership-Development », Harvard Business Review, novembre-décembre 2017, p.
86-93.
› Feser, Claudio et al. « What’s Missing in Leadership Development? », McKinsey Quarterly, août
2017.
› Global Leadership Forecast 2018 – 25 Research Insights to Fuel Your People Strategy, DDI, EY et The
Conference Board of Canada, 58p.
› Gurdjian, Pierre et al. « Why leadership-development programs fail », McKinsey Quarterly, janvier
2014.
› Kaiser, Robert B. et Gordy Curphy. « Leadership development: The failure of an industry and the
opportunity for consulting psychologists », Consulting Psychology Journal: Practice and Research,
vol. 65, no 4, 2013.
› Pfeffer, Jeffrey. Leadership BS, Harper Business, 2016.
› Ready, Douglas A. et Jay A. Conger. « Why Leadership-Development Efforts Fail », MIT Sloan
Management Review, printemps 2003.
› Rowland, Deborah. « Why Leadership Development Isn’t Developing Leaders », Harvard Business
Review, 14 octobre 2016.
› The Leadership Outlook: Leadership Perspectives From The Middle, The Conference Board of
Canada, avril 2017, 56p.
› Garvey Berger, Jennifer et Zafer Gedeon Achi. « Understanding the leader’s ‘identity trap’: Personal
growth for the C-suite », McKinsey Quarterly, janvier 2020.
› Kegan, Robert et Lisa Laskow-Lahey. Immunity to Change, Harvard Business Review Press, 2009.
› Petrie, Nick. « Vertical Leadership Development –Part 1 », white paper, Center for Creative
Leadership, 2014.
› Petrie, Nick. « The How-To of Vertical Leadership Development –Part 2 », white paper, Center for
Creative Leadership, 2015.
› Barsh, Joanna et Johanne Lavoie. Centered Leadership, New York : Crown Business, 2014, 316p.
› Berstein, Ethan et Kristin Lynde. « Developing Yourself as a Leader: A Framework For Millennial High
Potentials & Emerging Leaders », Harvard Business School, case 9-419-045, 15 mai 2019, 14p.
› Christensen, Lisa, Jake Gittleson et Matt Smith. The most fundamental skill: Intentional learning and
the career advantage, McKinsey & Company, août 2020.
› Desautels, Geneviève. Oser le monde en soi, Béliveau Éditeur, 2012, 234p.
› Kouzes, James M. et Barry Z. Posner. The Leadership Challenge Workbook, Jossey-Bass, 2003.
› McKee, Annie, Richard Boyatzis et Frances Johnston. Becoming a Resonant Leader: Develop Your
Emotional Intelligence, Renew Your Relationships, Sustain Your Effectiveness, Harvard Business
Review Press, 2008, 229p.
Parmi les pratiques à transformer suivantes, lesquelles sont présentes dans votre organisation?
Le développement des leaders est une initiative distincte des besoins stratégiques de
l’organisation;
Le programme de développement des leaders a un contenu générique et propose des concepts
qui peuvent sembler abstraits aux leaders potentiels;
La plus grande partie du programme de développement vise le développement de
compétences plutôt que la consolidation ou la transformation de la vision du leadership des
participants (ex. : « Je suis un leader » comparativement à « Tout le monde peut faire preuve
de leadership »);
Le programme en place demande surtout d’assister à des ateliers et il n’y a pas d’exigence
spécifique de mise en pratique à l’extérieur des ateliers;
Les investissements en temps et en ressources (ex. : argent, coaching) sont épisodiques et
souvent limités à quelques jours;
Les investissements en temps et en ressources (ex. : argent, coaching) s’adressent surtout aux
gestionnaires de niveau exécutif;
Le développement des leaders potentiels ne tient pas compte de leur degré de préparation –
on y va avec le plus petit dénominateur commun;
Il existe un écart entre les compétences développées (ex. : coaching de la performance) et
celles que recherche l’organisation (ex. : courage, vision);
L’argent et le temps sont consacrés à l’apprentissage de nouvelles compétences, très peu est
prévu pour le transfert dans l’action et les moments de réflexion;
Le programme de développement des leaders potentiels n’est pas bien intégré aux autres
pratiques RH (ex. : mobilité interne, évaluation de la performance, rémunération, programme
de coaching);
Très peu de personnes en développement disposent d’un plan de développement
personnalisé;
Il y a peu de suivi des personnes en développement;
La mesure des résultats des efforts consacrés au développement des leaders ne permet pas de
juger de leur efficacité;
Ce qui est valorisé au sein de l’organisation, c’est d’évoluer dans un poste de gestion plutôt que
de valoriser l’influence et l’impact des employés sur la mission et le fonctionnement des
équipes et de l’organisation.
1. Mieux comprendre l’organisation et agir sur elle, et la situer adéquatement dans son contexte.
› Le quadrant « transversal » est utile pour élever son niveau de jeu en étant capable d’entrer en
interaction avec tous les secteurs ou fonctions de l’organisation.
› Le quadrant « stratégique » est utile pour penser, décider et agir comme un stratège dans un
contexte complexe et turbulent.
› Le quadrant « efficace » permet à la personne en développement de livrer d’excellents résultats
tout en misant sur son équipe.
› Le quadrant « influent » touche plus directement au leadership, donc à la capacité d’inspirer les
autres autour de soi et d’établir des relations interpersonnelles constructives et durables auprès
d’un réseau interne et externe de collaborateurs.
› Faire intervenir des dirigeants (des modèles de leadership) en mode entrevue afin de leur donner
l’occasion de partager leur parcours de leadership et les leçons qu’ils ont apprises. Ces invités
peuvent provenir de l’organisation même ou de l’externe. L’exercice est profitable à la fois aux
participants et aux invités.
› Plusieurs études se sont penchées sur les cas de leaders mondialement connus (ex. : Churchill,
Gandhi) ou de personnes plus près de nous (ex. : Sophie Brochu, Pierre Lavoie). De tels cas peuvent
être la base de belles discussions en groupes.
› Diviser le programme en sections distantes de 2 à 3 semaines maximum afin de maintenir un
rythme qui cadre avec les horaires chargés d’aujourd’hui. Cela permet surtout aux participants de
s’engager dans des actions successives de préparation à la prochaine étape, et de transfert à leur
retour au travail (voir plus bas pour la notion de livrable). Cette approche renforce la
responsabilisation des participants, car ils doivent à la fois contribuer au contenu et rendre compte
de leurs progrès auprès des collègues.
› Encourager les participants à créer des synergies entre ce qui est présenté dans les ateliers et leur
contexte. Vous pourriez par exemple clore chaque atelier par une discussion ou un moment de
réflexion qui permettra au participant d’identifier des occasions de transfert et de s’engager à agir
sur une situation concrète.
› Demander aux participants de produire des éléments de contenu en documentant leur vision
personnelle du leadership, leur parcours de leader (expériences marquantes ou personnes
significatives), leur position dans un débat, des incidents critiques qu’ils ont vécus et dont ils
peuvent discuter en groupe, ou encore des enjeux réels auxquels ils sont confrontés et qu’ils
aimeraient partager avec leurs collègues en mode de codéveloppement.
› Favoriser l’apprentissage dans l’action en misant sur un type de pédagogie inversée où les
participants sont invités à s’investir dans un mandat ou projet spécifique. Chaque participant
pourrait par exemple initier un changement substantiel dans son propre secteur d’activité sur une
période de 3 mois. Une journée pourrait ensuite être consacrée au partage des « expériences
vécues » et à la coconstruction d’un ensemble de leçons apprises en matière de gestion du
changement. L’impact sera certainement supérieur à une simple formation donnée par un expert
sur le thème abordé.
› La participation à des jeux sérieux (ex. : simulation) apporte souvent une bonne dose d’énergie dans
un parcours de développement, en plus d’être une source d’apprentissages utiles. Visez à mettre en
place certains jeux qui permettent de développer les compétences interpersonnelles des
participants.
› Intégrer dans le parcours des tests ou questionnaires (ex. : traits de personnalité, valeurs, forces)
qui génèrent des rapports individuels et une forme de rétroaction. Certains de ces tests sont
gratuits ou peu dispendieux, et sont facilement accessibles sur le Web.
› Accompagner la démarche de réflexion personnelle de l’aspirant leader sur les cinq points suivants :
o Ce que j’ai fait (ex. : retour sur mon parcours, mes expériences, les individus qui ont été
marquants pour moi, les leçons que j’ai apprises);
o Qui je suis (ex. : traits de personnalité, valeurs, intérêts, mission personnelle);
o Ce dont je suis capable (ex. : bilan de compétences, forces, talents, limites et dérailleurs
potentiels);
o Ce à quoi j’aspire (ex. : ambition, objectifs de carrière);
o Comment je pense contribuer (ex. : l’impact sur l’équipe, l’organisation, etc.).
› Enrichir la réflexion personnelle par des conversations en dyade avec le patron, un conseiller
interne, un coach, un mentor, etc.;
› Encourager et soutenir la participation à diverses formations sur des compétences ciblées, offertes à
l’externe, incluant l’accès à des certifications reconnues;
› Offrir un budget de formation décentralisé au niveau des unités ou départements pour plus de
flexibilité dans l’attribution des ressources;
› Offrir un soutien pour les frais liés à la poursuite d’un diplôme en formation continue, ou pour
l’appartenance à une association ou un ordre professionnel,
› Stimuler la curiosité en faisant circuler des livres et des revues professionnelles;
› Utiliser une approche de « rétroaction à 360 degrés » (ou simplement quelques rencontres avec des
personnes de confiance bien ciblées) pour donner de la perspective ou un certain recul et faciliter la
remise en question;
› Encourager la participation à des groupes de codéveloppement ou à une communauté de pratique;
› Inciter l’élaboration de démarches d’autoformation de type microapprentissages (livres/articles,
vidéos, tutoriels, baladodiffusions).
› Dans la suite de la réflexion personnelle, dresser une liste assez exhaustive des besoins de
développement qui ont émergé, mais en cibler un nombre très limité à la fois. Il est
recommandé de commencer par des objectifs exigeants mais atteignables, et qui ont un bon
potentiel d’impact en tant que leader (ex. : développer un lien de confiance avec chaque
membre de mon équipe).
› Intégrer les objectifs de développement à l’ensemble des objectifs qui seront considérés dans
l’évaluation de la performance de l’aspirant leader.
2. Obtenir de la rétroaction
› Utiliser l’approche 70-20-10 pour diversifier et équilibrer le plan d’action (ex. : repérer des
collègues qui peuvent servir de bons modèles et les rencontrer pour un partage d’expériences;
rencontrer chaque membre de mon équipe au moins une fois par 3 mois pour obtenir une
rétroaction constructive; lire deux articles sur le concept de confiance).
› Se servir du contexte spécifique de l’aspirant leader pour forcer le transfert (identifier des défis
relationnels potentiels à régler dans l’équipe ou dans des projets; profiter de l’exercice de
planification stratégique de l’organisation ou de sa révision pour demander aux aspirants
leaders de favoriser une adhésion sectorielle à la stratégie; etc.);
› Préciser la séquence de réalisation et déterminer un échéancier.
› Aborder la question des ressources et conditions (ex. : soutien) nécessaires pour réaliser le plan
de développement.
› Identifier les obstacles ou embûches qui pourraient limiter la réalisation du plan, et identifier
proactivement des moyens de leur faire face.
5. Documenter la progression
› Planifier des rencontres de suivi pour obtenir une rétroaction continue sur les nouveaux
comportements et leur impact sur les personnes et l’équipe.
› Déterminer si le besoin de développement est suffisamment comblé. Si oui, passer à un autre
objectif.
Formulez votre objectif en y intégrant le libellé de la compétence spécifique ciblée. Indiquez dans
quel contexte ou pour quel mandat vous prévoyez utiliser ou démontrer cette compétence. Précisez
également les connaissances à acquérir, ainsi que les comportements à adopter (), à cesser () ou à
maintenir ().
Développer et démontrer une pensée stratégique quand je participe au comité de direction, ainsi
qu’à des rencontres ou projets intersectoriels.
Commencer à faire
2. Écouter davantage, poser des questions et chercher à comprendre les enjeux et défis des
autres directions lors des rencontres multidisciplinaires.
3. Me réserver une heure chaque semaine pour me concentrer sur des questions à moyen ou
long terme. Au besoin, déléguer davantage et responsabiliser mon équipe pour me dégager
des opérations.
À cesser/éviter
1. Rester centré(e) sur ma perspective des choses et négliger le point de vue des autres.
2. Me positionner comme le représentant d’un secteur et définir les enjeux et les solutions en
fonction des besoins et particularités de ce secteur au lieu de me centrer sur une stratégie
globale cohérente pour l’établissement.
À démontrer plus souvent
1. Prendre le temps de développer une vision critique et stratégique des problèmes et des
enjeux qui surviennent à l’intérieur de ma direction.
Identifiez le type d’activités et de moyens que vous comptez utiliser pour Échéancier
atteindre vos objectifs d’apprentissage. Identifiez également les livrables qui
Précisez la date de
démontreront l’atteinte de votre objectif.
début et de fin.
Précisez la séquence de réalisation des activités individuelles ou collectives
projetées.
Patrons
2 Assumer la résolution d’un problème ou d’un irritant majeur, sans nécessairement détenir
d’autorité. Résoudre une situation conflictuelle entre divers groupes où la collaboration fait
défaut.
Responsabilités accrues
3 Augmenter ou diversifier ses responsabilités; en assumer de nouvelles et des différentes par
rapport à celles déjà assumées par le passé, sans attendre d’obtenir une promotion.
Déplacement latéral
4 Être transféré dans une autre unité ou direction, ou être admis dans un programme de
rotation permettant d’accéder à un autre emploi ou une autre fonction, sans changer de
niveau hiérarchique.
Rôle d’influence
5 Jouer un rôle d’influence auprès de personnes clés ou de parties prenantes critiques, sans
détenir d’autorité formelle (pairs, dirigeants, clients, fournisseurs, etc.).
Nouvelles initiatives
7 Instaurer un nouveau produit, service, système, processus ou une nouvelle technologie.
Créer une nouvelle unité d’affaires. Piloter un projet de changement.
Diversité culturelle
10 Vivre et travailler à l’étranger. Gérer une équipe multiculturelle ou collaborer avec des
intervenants ou parties prenantes issus de différentes cultures, ou basés dans différents
pays.
Employés difficiles
12
Gérer des employés à défis (ex. : manquant d’expérience, à distance, sous-performants,
ayant une personnalité difficile, défiant l’autorité ou résistant aux changements).
Accompagnement et formation
13 Coacher quelqu’un ou devenir mentor, encadrer et former de nouveaux employés,
poursuivre des études avancées, dispenser de la formation, obtenir une certification dans un
domaine d’expertise, etc.
Pour aider des aspirants leaders à réussir, vous pouvez agir sur les trois fronts suivants :
1. Renforcer le besoin de pratiquer de façon délibérée
Changer, c’est beaucoup de travail et ça fait peur. C’est donc une bonne idée que de réduire nos
défenses en présentant le changement non pas comme quelque chose de définitif, mais comme une
occasion d’expérimenter, de s’amuser à explorer des versions différentes de nous 30. Bref, y aller par
essai et erreur et un petit pas à la fois. Il faut donc aussi valoriser l’erreur, développer une culture
d’apprentissage et conscientiser les participants au fait qu’il y aura potentiellement des « rechutes »
avant que le changement se consolide.
Pour changer, les leaders doivent bénéficier de suffisamment de soutien et d’encouragement pour
persister au fil du temps. Une pratique désormais courante consiste à s’assurer qu’ils ont accès à
différentes personnes significatives qui auront le mandat de les accompagner au bon moment dans
leur développement. Ce peut être :
› Un coach externe ou une ressource professionnelle qui aura le mandat formel de travailler avec
le leader sur un enjeu spécifique (obligation de résultat, échéancier, parcours de
développement défini à l’avance);
› Un coach interne (pas le supérieur immédiat ni quelqu’un dans sa ligne hiérarchique) qui peut
avoir un mandat similaire au coach externe, mais dans une relation non contractuelle;
› Un groupe de soutien impliquant des collègues (internes ou externes) qui partagent les mêmes
préoccupations (ex. : codéveloppement, communauté de pratique);
› Un mentor formel ou informel qui désire être à la disposition de l’aspirant leader pour l’écouter,
échanger sur leurs expériences respectives, partager les leçons qu’ils ont apprises et répondre à
ses questions.
› Un passeur (pont) qui va connecter le leader à un réseau plus large à l’interne et/ou à l’externe.
30 Ibarra, Herminia. « The Most Productive Way to Develop as a Leader », Harvard Business Review, 27 mars 2015.
Une initiative de
info@ordrecrha.org ordrecrha.org
(514) 879-1636 1 800 214-1609