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P S Y C H O S U P

Psychologie du travail
et des organisations
Domaines de recherches
et d’interventions

Claude Lemoine
© Dunod, Paris, 2012
ISBN 978-2-10-058592-2
Table des matières

AVANT-PROPOS : PSYCHOLOGIE DANS LE TRAVAIL X

CHAPITRE 1 LA PERSONNE ET LE TRAVAIL 1

1. Spécificité de la démarche : centration


sur les personnes 3
2. L’orientation professionnelle continue 4
2.1 De l’orientation scolaire à l’orientation professionnelle 4
2.2 L’entrée, l’installation dans l’entreprise et l’évolution
professionnelle 6
2.3 Le chômage et les emplois mobiles 8
2.4 La seconde partie de la vie professionnelle 10
3. Le bilan de compétences 12
3.1 Caractéristiques du bilan de compétences 12
3.2 Effets et utilité du bilan de compétences 13
3.3 L’autoconnaissance des compétences 14
3.4 Qualité du bilan de compétences et dispositifs d’accueil 16
4. Représentations, valeurs du travail, identité
professionnelle 19
4.1 Les représentations du travail 19
4.2 Les valeurs liées au travail 20
4.3 L’identité professionnelle 21
5. Motivation et implication au travail 22
5.1 Les théories classiques 22
5.2 Usages variés de la motivation au travail 25
5.3 Motivation et valeur perçue : données issues du terrain 27
5.4 Nouvelles perspectives sur les processus de motivation 28

CHAPITRE 2 LES SALARIÉS DANS L’ORGANISATION 31

1. L’organisation comme système 33


1.1 Individu, système et changement 33
VI Psychologie du travail et des organisations

1.2 Styles d’organisation, culture et climat d’entreprise 34


1.3 Conflits, négociations, concertation 37
2. Autorité, pouvoirs, emprise 38
2.1 Diriger ou manager les ressources humaines 38
2.2 L’autorité, leaders et méthodes 39
2.3 Vers des modes de management renouvelés 41
2.4 L’évaluation continue, les contrôles automatiques
et l’autonomie 43
2.5 L’engagement organisationnel, fidélisation
et investissement personnel 46
3. La logique des compétences et la formation
professionnelle 46
3.1 De la logique de postes à la logique des compétences 46
3.2 La formation professionnelle et le développement
des compétences 48
3.3 La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences 51
4. Les équipes de travail 52
4.1 Une nouvelle façon de travailler 53
4.2 Autonomie et interdépendances 53
5. L’évaluation 54
5.1 De l’évaluation des personnes à l’analyse des situations 54
5.2 Le recrutement 57
5.3 Présentation de soi et employabilité 59
5.4 Les bilans d’année et l’évaluation du personnel 62
5.5 Les processus induits par l’évaluation d’autrui 63

CHAPITRE 3 LES CONDITIONS DU TRAVAIL : CONTRAINTES ET DÉVELOPPEMENT 65

1. L’analyse du travail, risques et prévention 67


1.1 Analyse du travail, écart à la norme et psychologie
ergonomique 67
1.2 Prévention des risques, accidents et santé au travail 70
2. Le stress et le mal-être 73
2.1 Le stress et les conditions de travail 73
Table des matières VII

2.2 Les effets du stress et le burn-out 74


2.3 Stress et style d’organisation 75
2.4 Les réactions au stress et le coping 76
2.5 Agressions, violence et comportements antisociaux 77
2.6 Le harcèlement moral au travail 78
3. La qualité de vie au travail et le bien-être 80
3.1 La qualité de vie au travail 80
3.2 Le bien-être au travail 83
4. Les populations en difficulté 84

CHAPITRE 4 VOIES D’ÉVOLUTION RÉCENTES ET NOUVELLES PROBLÉMATIQUES 87

1. Nouveaux métiers ou petits boulots, le néotaylorisme 89


1.1 La rotation des métiers 89
1.2 Le travail intérimaire 89
1.3 Le travail à distance 91
1.4 Les centres d’appel 92
2. Les créations d’entreprises et l’innovation 93
2.1 Représentations de l’entrepreneuriat 93
2.2 Création d’entreprise et innovation 94
3. Accueil et services aux clients 97
3.1 Exemples de situations d’accueil 97
3.2 Le travail en milieu hospitalier et l’aide à autrui 98
3.3 Une conception nouvelle : du salarié au client 99
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

4. Vers un autre rapport au travail ? 100

CHAPITRE 5 LE CONSEIL ET L’INTERVENTION : MÉTHODES ET DÉONTOLOGIE 103

1. Intervention et recherche : l’emprise analytique 105


2. Insertion de l’observation et enjeux perçus 110
2.1 Le sens de la démarche pour les acteurs 110
2.2 Conséquences organisationnelles et scientifiques 112
2.3 Conséquences sur le statut des méthodes 113
VIII Psychologie du travail et des organisations

2.4 Les tests : vers un lieu d’interaction renouvelée 113


2.5 Apprendre les méthodes pour analyser sa situation 114
3. Le conseil et la place du psychologue 116
3.1 Le conseil en entreprise 116
3.2 Le conseil personnalisé 117
3.3 La qualité de l’intervention psychologique 118
4. Déontologie et participation des intéressés 119
5. L’interdisciplinarité 122
5.1 Un domaine de la psychologie 122
5.2 Les disciplines proches de la psychologie du travail 123

CHAPITRE 6 PSYCHOLOGUE DU TRAVAIL ET DES ORGANISATIONS :


UNE PROFESSION À VISAGE MULTIPLE 125

1. Les domaines d’intervention et de recherche 127


2. Les compétences professionnelles 130
3. La formation en psychologie du travail
et des organisations 130
3.1 L’organisation de la formation à l’université 130
3.2 Exemple de maquette de formation
pour les psychologues du travail 132
À consulter sur le sujet 133
4. L’originalité des démarches en psychologie
du travail et des organisations 134
4.1 L’apport des modèles et des méthodes 134
4.2 La démarche sur le terrain et la prise en compte
du contexte organisationnel 134
4.3 Une préoccupation importante : l’attention
aux personnes 136
4.4 Des méthodes qui donnent une place aux acteurs :
d’observés à participants 137
4.5 L’analyse des conditions et des effets de l’intervention 137
4.6 Modification du rôle du psychologue 138

CONCLUSIONS 141
Table des matières IX

ANNEXE : Liste des masters 2 de Psychologie du Travail


et des Organisations (2011) 145

BIBLIOGRAPHIE 147

INDEX DES NOTIONS 161

INDEX DES AUTEURS 163


Avant-Propos : Psychologie dans le travail

Le titre est symbolique : passer de la notion courante de la « psycho-


logie du travail » à celle de « psychologie dans le travail et les orga-
nisations » n’est pas anodin. Cette modification a plusieurs sens. Elle
rappelle d’abord qu’il n’est de psychologie que des personnes ou des
êtres vivants complexes. On ne peut donc étudier la psychologie du
travail au sens strict, mais seulement celle de ceux qui travaillent, s’y
préparent ou ont travaillé, et qui se représentent cette activité et ses
relations avec leur vie personnelle, familiale, sociale.
Mais le changement de préposition permet surtout de rompre avec
une configuration qui cloisonne la psychologie. Il souligne qu’il n’y a
pas, d’un côté, une psychologie qui serait fondamentale, s’occupant
des aspects nobles tels que la cognition, et, de l’autre, une psychologie
dite appliquée qui serait limitée à des techniques et à une population
subalterne qui travaillerait, par opposition à celle qui penserait ou gou-
vernerait. De là, nous soutenons que les modèles théoriques s’élaborent
en interaction avec l’observation des situations quotidiennes et non
indépendamment d’elles, ce qui oblige à en construire de nouveaux. La
psychologie scientifique s’intéresse ainsi à différents secteurs de l’acti-
vité humaine, dont celui du travail.
« Dans le travail » signifie aussi que l’on ne s’occupe pas seulement du
travail lui-même, mais de l’ensemble des cognitions et des interactions
liées aux activités réalisées dans le cadre du travail. Aussi prend-on en
compte les organisations dans lesquelles travaillent les gens. Il ne s’agit
pas d’étudier l’individu isolé et sa façon de travailler hors contexte,
mais de considérer sa conduite à l’intérieur d’un système avec lequel
il interagit. Selon le cas, cette organisation soutiendra la réalisation du
travail et l’accomplissement des objectifs personnels ou, au contraire,
empêchera de les atteindre et alourdira les procédures. Cette interac-
tion entre les individus et l’organisation sera vue sous plusieurs angles :
celui de la personne face au système, mais aussi celui de l’organisation
considérée comme la résultante des interventions de chacun. C’est une
perspective à double sens, puisque le sujet humain est à la fois pris dans
une situation déjà là et acteur agissant afin de la contester, de la main-
tenir ou de la construire.
Dans cette logique, les ressources humaines ne sont pas réductibles à
une force de production ou à une réserve d’énergie au même titre que les
ressources naturelles, mais elles se définissent par une reconnaissance
de l’humain, personne entreprenante, digne de respect, susceptible de
Avant-Propos : Psychologie dans le travail XI

se réaliser et de se dépasser en cherchant à atteindre ses objectifs. Pour


cela, nous œuvrons pour une psychologie des relations humaines qui
ne vise pas à faire travailler plus, mais recherche les conditions du déve-
loppement humain dans l’activité de travail et dans les entreprises, en
vue d’associer et non d’opposer progrès technique et progrès humain.
Le plan de l’ouvrage en découle, soulignant que le travail est à la fois un
lieu de contraintes et de réalisation pour la personne dans un système
d’organisation et de relations avec les autres. Cette dualité pousse à
revoir la place du sujet dans les méthodes d’observation et d’interven-
tion du psychologue sur le terrain social.
L’ouvrage, qui fait suite à celui paru dans « Les Topos » en 2003, a été
revu, mis à jour et augmenté, tout en gardant sa structure initiale.
Le premier chapitre, « La personne et le travail », situe le point de vue
de la psychologie du travail et des organisations en plaçant la personne
au centre des préoccupations et en traitant la manière dont elle consi-
dère le travail. Il commence par l’orientation professionnelle, qui ne
se limite plus à une orientation initiale mais se prolonge toute la vie et
pose la question de la formation et de l’insertion professionnelle. C’est
à la fois une source d’ouverture puisque cela signifie qu’on n’est pas rivé
à un même et unique métier, mais c’est aussi un défi plus important car
cela indique qu’il faut s’adapter, renouveler ses compétences, vivre des
situations de plus grande incertitude. Le bilan de compétences, disposi-
tif offert aux salariés et mis à leur service, vient en partie répondre à ces
préoccupations puisqu’il leur permet de faire le point, de réfléchir à leur
situation et de construire un projet. Il est logiquement lié à une aug-
mentation de la motivation et de l’implication au travail. Ces notions
soulignent que la mobilisation des individus est de plus en plus solli-
citée, les organisations s’appuyant sur eux et leur demandant de plus
en plus de s’investir tout en augmentant les contraintes, et les salariés
souhaitant être plus autonomes, gérer et maîtriser leurs activités, ce qui
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demande aussi un investissement personnel plus important. Mais en


même temps, le travail change, il devient de plus en plus un coût, et un
produit financier considéré comme une charge, alors qu’il était encore
déclaré en 2000 et en 2005 par la Commission européenne comme une
ressource, une chance pour le développement et le progrès humain. Dès
lors les représentations et les valeurs du travail sont sans doute en train
de se modifier, dans un double mouvement paradoxal et simultané : le
travail est perçu comme de plus en plus indispensable et il est vu aussi
comme un boulet à porter par rapport auquel il est préférable de se dis-
tancier. La construction de l’identité personnelle par l’identité profes-
sionnelle se trouve ainsi à la croisée des chemins.
XII Psychologie du travail et des organisations

Le chapitre 2 s’occupe des salariés dans leur organisation, avec,


d’abord, un détour par les facteurs d’organisation qui déterminent sa
structure, plus ou moins pyramidale, et les conditions de vie au travers
des styles d’organisation, de son climat social et de sa culture. L’orga-
nisation est considérée comme un système où les différentes parties
interagissent entre elles. Elle est aussi un lieu d’autorité, de pouvoir et
d’emprises multiples. Il y est apparu, en plus de la ligne hiérarchique
directe, un troisième pôle constitué par l’analyse scientifique et l’obser-
vation d’autrui, source d’évaluations en chaîne et de contrôles renforcés
au moment même où l’on invoque l’autonomie, la fidélité et l’enga-
gement organisationnel qui supposeraient la confiance plutôt que la
soumission. Le management par objectifs renforce ainsi les exigences
et place le travail comme un produit, dominé par la seule performance
financière. Pourtant, le souhait d’améliorer les conditions de vie au tra-
vail est important et sa réalisation passe par une gestion des ressources
humaines qui donne toute sa place aux salariés, via notamment l’inter-
vention du psychologue du travail. Dans ce cadre la logique des compé-
tences s’est imposée peu à peu, dépassant la logique de poste et incitant
au développement des compétences et à leur gestion prévisionnelle.
Mais que deviennent la formation professionnelle des salariés, ses struc-
tures et sa pertinence s’il suffit d’aller chercher ailleurs des compétences
ad hoc supposées disponibles ? Car la compétence s’élabore aussi dans
les équipes de travail qui apportent une nouvelle façon de travailler,
en alliant interdépendance et autonomie. Enfin ce chapitre aborde la
question des évaluations qui se sont multipliées à tous les niveaux,
à l’embauche bien sûr, mais aussi dans les bilans d’année, les bilans
professionnels, pour les structures elles-mêmes, et au quotidien par les
contrôles automatiques des machines, des vidéos et des ordinateurs.
Vivre sous observation et sous jugement d’autrui devient monnaie cou-
rante, mais ne remplace pas la nécessaire analyse des situations de tra-
vail que pourrait avantageusement développer chaque salarié.
Le chapitre 3 porte sur la délicate question des conditions de travail.
Bien sûr et en priorité, celle de la prévention des risques et des acci-
dents pour préserver la santé. Mais plus encore aujourd’hui, la mon-
tée du stress et du mal-être au travail. Car la santé n’est pas seulement
l’absence de maladie, elle est aussi recherche de bien-être. Comment
alors, dans ces contextes incertains, développer la qualité de vie au tra-
vail et cultiver le plaisir de travailler ? Quels sont donc les facteurs,
organisationnels, relationnels et personnels à réunir pour y arriver ? La
question se pose aussi différemment selon les populations et notam-
ment celles en difficulté d’insertion sociale par le travail.
Avant-Propos : Psychologie dans le travail XIII

Le chapitre 4 s’intéresse aux évolutions récentes : les nouveaux


métiers, les formes de mobilité, le travail intérimaire, le travail à dis-
tance, l’impact des techniques de communication immédiate par
ordinateur, la montée en charge des centres d’appel. C’est aussi le déve-
loppement de l’entrepreneuriat, des créations d’entreprises, avec leur
dynamisme, mais parfois leur revers à défaut de préparation suffisante.
Là encore le psychologue du travail peut intervenir pour permettre aux
nouveaux créateurs d’entreprise de se préparer davantage et de réussir
mieux dans leurs projets. Cette vitalité autour des professions et des
compétences nouvelles, des jeunes entreprises, côtoie les difficultés ren-
contrées dans le travail et les organisations. Les images du travail sont
multiples et contradictoires. Comment alors est en train de se dessiner
un autre rapport au travail ?
Le chapitre 5 est consacré à la place et à l’intervention du psychologue
du travail et des organisations. On y propose une réflexion sur les enjeux
des méthodes, que ce soit pour la recherche ou pour l’activité profes-
sionnelle. Dans chaque cas, il est nécessaire de travailler sur le terrain,
avec les différents acteurs en présence, directions comme salariés. C’est
même une des originalités et des spécificités de la profession : se trouver
au centre des questions à faire évoluer, intervenir comme intermédiaire
de communication là où, à l’époque d’Internet, les différents acteurs
ne se connaissent plus, ne se comprennent plus, notamment dans des
multinationales éclatées rassemblant des structures et des professions
très diverses. Il est donc indispensable que le psychologue du travail se
fasse accepter, puis se fasse entendre, pour éviter d’être rejeté ou de se
retrouver entre deux feux. La pertinence des modèles théoriques et des
méthodes peuvent y contribuer. Mais là encore, il faut se rappeler que
toute méthode peut être utilisée à des fins variées, à l’avantage d’une
partie ou d’une autre. Comment rester objectif au milieu de ces enjeux
divers ? Comment utiliser les méthodes disponibles ? Comment mesu-
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rer les effets de ses interventions ? L’orientation proposée, préservant


à la fois l’autonomie d’intervention et la défense déontologique des
personnes analysées ou observées, va dans le sens d’un travail réalisé
avec les acteurs et non pas sur eux, ni bien sûr contre eux. Transformer
l’usage des méthodes qui imposent un savoir, renforcent une emprise
unilatérale, en un usage qui permet de progresser vers l’accès à une
autoanalyse, par l’intéressé même, tel est le défi mais aussi l’origina-
lité et l’efficacité d’une intervention en psychologie du travail. Donner
les moyens pour mieux comprendre les situations dans lesquelles on
est impliqué, passer des évaluations couperets à une connaissance des
facteurs en jeu, permettre aux gens d’accéder aux informations qui les
XIV Psychologie du travail et des organisations

concernent sont autant de façons d’utiliser les méthodes en les mettant


au service de ceux qui sont impliqués par elles. C’est donc une exigence
de professionnalisme qui s’appuie sur une formation scientifique et une
réflexion approfondie sur l’insertion des méthodes dans les milieux du
travail.
Pour terminer, le chapitre 6 passe en revue la diversité des activités
et des interventions du psychologue du travail et des organisations. Il
décrit les compétences nécessaires et donne quelques informations pra-
tiques sur les formations universitaires existantes. Cet ouvrage souhaite
donc apporter un éclairage panoramique à la fois sur la cohérence de
l’activité du psychologue du travail et des organisations et la diversité
de ses formes d’insertion professionnelle. Il montre les exigences mais
aussi le dynamisme d’une profession qui doit encore s’affirmer pour se
faire pleinement reconnaître dans la société, et une société en mutation
rapide.
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LA PER SONNE
ET LE TRAVAIL
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1. Spécificité de la démarche : centration


sur les personnes ........................................................................ 3
2. L’orientation professionnelle continue ................................... 4
3. Le bilan de compétences ......................................................... 12
4. Représentations, valeurs du travail, identité
professionnelle ........................................................................ 19
5. Motivation et implication au travail ....................................... 22
La personne et le travail 3

1. Spécificité de la démarche : centration


sur les personnes

En tant que psychologie, la psychologie dans le travail et les organi-


sations est centrée sur les personnes, leur activité, leurs conduites et
leurs représentations en relation avec le travail. La dénomination clas-
sique « du travail et des organisations » délimite le champ à un sec-
teur d’activité et aux rapports entre l’individu et son milieu, qui est
celui des organisations. L’approche se distingue de celles de la gestion
et de la sociologie au sens où elle ne part pas d’abord du fonctionne-
ment d’un système d’organisation en lui-même mais des individus qui
le composent et qui évoluent dans ce cadre.
Dans l’entreprise, le psychologue s’occupe donc des personnes qui y
travaillent ou souhaitent y travailler. Il cherche à saisir comment elles
vivent leurs relations avec les autres et avec elles-mêmes dans l’orga-
nisation et en rapport à elle. Et il intervient pour que ces relations se
modifient, s’améliorent ou soient redéfinies par les intéressés. Dans les
structures sociales, il intervient auprès des personnes qui souhaitent
travailler et recherchent un soutien pour mieux définir leurs intérêts,
leurs compétences et leurs possibilités.
L’intervention peut devenir le support d’une recherche ou s’appuyer
sur elle. Les problèmes posés se trouvent en partie dépendants des
questions d’actualité qui émergent dans les entreprises. Pourtant, ils
apportent de nouvelles perspectives à la recherche, poussée à traiter des
processus en situation. Aussi les recherches sont-elles liées à l’activité
professionnelle. Elles se développent sur le terrain social et offrent aux
organisations des analyses et des méthodes pour gérer des situations
complexes. C’est pourquoi la séparation n’est pas toujours nette entre
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l’intervention professionnelle du psychologue et la recherche.


Dans les deux cas, il s’agit d’abord de définir la question posée, de
l’analyser, de repérer les enjeux et de prendre du recul pour éviter d’en
rester à un niveau commun ou stéréotypé qui prédétermine la réponse.
La référence à des modèles théoriques et le souci de la vérification sont
des moyens de saisir les facteurs en jeu et de les traiter avec méthode.
La double référence à la recherche en psychologie et à l’évolution des
organisations permet de comprendre les orientations de la psychologie
du travail. On peut classer les thématiques actuelles en cinq ensembles
principaux qui forment la structure de l’ouvrage : la personne face au
travail, les salariés dans l’organisation vue comme un système d’emprise,
4 Psychologie du travail et des organisations

les contraintes et les apports du travail sur l’équilibre individuel, les


voies récentes d’évolution, et les questions de méthode et de déonto-
logie associées à la recherche et au conseil en entreprise.

2. L’orientation professionnelle continue

2.1 De l’orientation scolaire


à l’orientation professionnelle
Avant même d’accéder à un emploi ou à un métier, se pose la question
du choix et de la construction d’un projet clair et réalisable. Cependant,
les recherches ont montré qu’il ne suffisait pas de choisir en fonction
des résultats scolaires ou d’intérêts professionnels qui existeraient à par-
tir d’une simple information sur quelques professions. C’est la concep-
tion même de l’orientation qui a évolué en donnant plus de place aux
personnes et en couvrant tout le parcours professionnel (Guichard et
Huteau, 2001).
D’une part, l’orientation se centre de plus en plus sur les indivi-
dus qui cherchent à se réaliser en élaborant des choix professionnels
et s’adaptent en fonction des conditions du milieu et des interactions
développées au cours des expériences vécues successives. Se développe
une orientation personnalisée et gérée par l’intéressé plus que par son
milieu. Mais cette tendance, favorable à la personne au sens où elle peut
choisir, lui fait aussi supporter la charge psychologique de ses choix,
dans une société qui tend à renvoyer l’individu à lui-même.
D’autre part, l’orientation ne se limite plus à une étape décisive pré-
cédant l’entrée dans la vie active, ce qui détermine toute la suite et
réduit les évolutions possibles. Elle se poursuit tout au long de la vie
et s’élabore ainsi progressivement au gré d’événements mais aussi de
choix réalisés peu à peu, avec des inflexions possibles dans le temps. Il
n’y a donc plus un seul moment décisif, déterminant et donc lourd de
conséquences, mais une série de touches qui définissent un ensemble
que l’intéressé vise à construire dans une certaine cohérence.
Toutefois, cette évolution tient aussi aux transformations rapides sur
le plan des organisations, et donc aux nouvelles compétences requises
au travail ou à l’obsolescence des autres. Elle n’est donc pas seulement
une recherche de développement venant des personnes, mais elle est
souvent imposée par des ruptures, des changements externes et des
contraintes économiques. Dans cette instabilité croissante, l’orienta-
La personne et le travail 5

tion professionnelle continue devient ainsi une nécessité afin de pré-


server les équilibres psychologiques.
Les recherches comme les phases de conseil portent sur des moments
différents de ce parcours à étapes multiples et s’intéressent aux passages
clés, appelés phases de transition. Si la formation scolaire initiale reste
une étape importante pour l’orientation, elle n’est plus la seule. D’autres
moments deviennent des objets d’étude et s’ouvrent sur des possibilités
d’intervention et de soutien psychologique, ainsi des phases d’insertion
professionnelle, de chômage, d’évolution et de fin de carrière.
Cependant, l’orientation scolaire reste une période clé qui déter-
mine pour une part importante l’orientation professionnelle, le niveau
d’étude étant, en France notamment, une référence de base pour le
niveau d’accès à l’emploi. Elle a été le centre, ces dernières années,
d’attentions soutenues en raison d’une demande sociale importante et
de difficultés au niveau des parcours d’étude dans l’Éducation natio-
nale. Elle a joué en partie le rôle de bouc émissaire face au nombre
élevé de jeunes quittant le système scolaire sans diplôme. En effet, étant
à l’interface entre l’institution scolaire et le monde du travail, elle se
trouve critiquée des deux côtés : l’une reporte sur elle des échecs de sco-
larité supportés par des élèves se retrouvant dans des filières peu adap-
tées, restant sans projet d’avenir et n’étant pas préparés aux normes de
l’entreprise ; l’autre souhaite trouver sur le marché du travail des jeunes
immédiatement employables, sans toujours leur donner des conditions
favorables d’accueil. Et les jeunes eux-mêmes hésitent parfois à faire
appel à ses services par crainte d’être évalués négativement ou d’être
orientés sans tenir compte de leur avis.
Face à ces demandes croisées, le service public de l’orientation est
apparu peu convaincant et peu soutenu par l’institution pour répondre
à l’ensemble de la population scolarisée, et non seulement à quelques
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cas difficiles qui sont d’ailleurs en augmentation. Dans cette configu-


ration, l’orientation scolaire se limite le plus souvent à une orienta-
tion en fonction des notes obtenues et intervient à l’envers : ceux qui
réussissent moins doivent choisir plus vite des voies moins longues et
moins nobles, sans y être préparés, tandis que les meilleurs peuvent
continuer dans le système et reporter leur décision.
Et le fait que les enseignants, déjà surchargés, soient maintenant
appelés à s’occuper de l’orientation sans avoir reçu la moindre forma-
tion et sans moyens n’améliore pas la donne. À ce sujet, il n’est pas sûr
que l’école doive orienter vers un emploi plutôt que d’apporter une
formation fondamentale qui donne ensuite la possibilité de réaliser un
large panel de professions. On retrouve ici un problème ancien quant
6 Psychologie du travail et des organisations

à ce qui est entendu par « orientation » : être orienté en fonction des


contraintes sociales et économiques ou permettre à chacun de s’orienter
selon ses choix, ses possibilités d’évolution, ses objectifs personnels.
Dans la période actuelle, où le chômage des jeunes augmente tandis
que les moyens publics diminuent, les interventions se situent trop sou-
vent après coup, quand la situation d’échec est déjà patente. Et ce n’est
pas en se limitant à une documentation numérique sur les métiers exis-
tants qu’on réglera les problèmes, même si un premier niveau d’infor-
mation est nécessaire. Il en résulte que les dispositifs palliatifs d’insertion
professionnelle se sont multipliés sans avoir les moyens de parvenir à des
résultats sensibles : il est toujours plus difficile et plus coûteux d’interve-
nir après un échec que de le prévenir et de réussir dès le départ.
L’accueil des jeunes en difficulté à la sortie du système scolaire est
donc devenu indispensable, mais la multiplicité des structures, l’impos-
sibilité de résoudre les problèmes dans l’urgence, qui ne sont pas seule-
ment ceux du non-emploi, et la diversité de formation des conseillers
n’aident pas à trouver des solutions adaptées. Dans ce cadre, le psycho-
logue du travail, qui n’intervient pas en milieu scolaire, se trouve en
concurrence avec des conseillers, souvent d’un niveau d’étude moins
élevé, qui ont à gérer l’animation de groupes et qui sont pressés par
l’objectif de trouver rapidement pour leur client une formation dispo-
nible ou le premier emploi venu.
Il est alors difficile d’appliquer des méthodes du conseil personna-
lisé, de promouvoir une démarche d’orientation comme celle qui est
prévue dans les bilans de compétences et qui demande une méthode
précise, même si elle doit être transposée pour des élèves qui n’ont pas
encore d’expérience professionnelle. Le but de la psychologie du tra-
vail est d’apporter le cadre théorique et les méthodes applicables afin
de permettre la réalisation par l’intéressé d’une orientation préparée
et réfléchie. La difficulté vient cependant de l’extension à tous, et non
à un nombre restreint ; cela demanderait une intervention du service
public en amont, plutôt qu’une multiplication des agences extérieures
à l’école, publiques ou privées, quand il est déjà trop tard.

2.2 L’entrée, l’installation dans l’entreprise


et l’évolution professionnelle
Cette étape concerne notamment l’accès au premier emploi avec la
transition formation-entreprise, où interviennent parfois des passages
progressifs comme la formation en alternance (Cohen-Scali, 2000) ou
La personne et le travail 7

encore des périodes de stage de plus en plus répandues. Les études


portent sur le sentiment d’incertitude lié à l’accès à l’emploi, mais aussi
sur la découverte des valeurs en entreprise qui diffèrent en partie de
celles de l’école, et sur les conditions de l’adaptation entre les jeunes et
le milieu du travail.
Des travaux récents, liés à la formule par l’alternance formation-
emploi, concernent le rapport au savoir dans l’apprentissage qui
dépend notamment du sens donné à l’expérience d’apprenant, sou-
vent par opposition aux situations d’échec vécues antérieurement
pendant la scolarité (Courtinat-Camps et Fourchard, 2011 ; Favreau
et Capdevielle-Mougnibas, 2011). Plus largement, la période de tran-
sition et de chevauchement entre les études et le travail est l’objet de
recherches sur la socialisation pour et par le travail, et sur la construc-
tion d’une identité en relation aux expériences professionnelles qui
sont loin d’être toujours positives pour les jeunes accédant à l’emploi
(Cohen-Scali, 2010).
Cette adaptation nécessaire n’est pas à voir seulement du côté du
nouvel arrivant et de ses caractéristiques, mais aussi du côté de l’accueil
organisationnel qui lui est réservé et qui favorise ou non l’insertion dans
l’entreprise et l’apprentissage de nouvelles normes. C’est lorsque l’écart
est trop grand entre les deux pôles et que les tentatives d’embauche se
soldent par des échecs successifs que l’on parle de nécessité de sociali-
sation ou de resocialisation. Mais il faut aussi étudier les facteurs qui
poussent à rejeter davantage certaines catégories de population, et aider
à faire évoluer les représentations trop souvent stéréotypées à leur égard.
C’est le cas, par exemple, pour des handicapés qui, malgré les lois exis-
tant en leur faveur, ne sont pas toujours admis.
La phase suivante est logiquement celle de l’intégration et porte sur
les conditions du sentiment d’appartenance à l’organisation, appelé
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aussi engagement professionnel envers l’entreprise. Là encore, il est


nécessaire de considérer les deux parties. Selon le type de métier, le
salarié sera plus ou moins attaché à son entreprise ou en changera à
la première occasion, surtout si ses compétences sont très demandées.
C’est notamment le cas de métiers de haute technicité. De l’autre côté,
l’entreprise mettra en place des conditions de travail et donnera des
perspectives plus ou moins attractives pour garder son personnel ou, au
contraire, développera des stratégies de rotation rapide pour réduire ses
coûts salariaux. La psychologie du travail s’intéresse à ces deux versants
d’une même réalité complexe relative à l’appropriation de l’espace de
travail, à l’attachement et à l’engagement organisationnel ou inverse-
ment à la rotation plus ou moins rapide du personnel.
8 Psychologie du travail et des organisations

Une fois installé dans l’entreprise, le salarié se trouve poussé à déve-


lopper de nouvelles compétences, soit pour se maintenir, soit pour assu-
rer son évolution professionnelle et sa promotion, ce qui correspond
au développement de la carrière. Celle-ci peut se réaliser en interne,
en transformant son activité dans la même entreprise et en accédant à
d’autres responsabilités. Elle peut aussi se poursuivre en externe soit en
changeant d’organisation dans le même secteur, soit en passant d’un
métier à un autre. Les personnes concernées ont ainsi à gérer plusieurs
types de mobilité : changement de région, d’entreprise, de profession
ou de niveau de responsabilité.
Mais parfois, tout en restant dans la même fonction, elles ont à faire
face à des modifications de l’activité, à des horaires nouveaux et à des
méthodes de travail différentes. C’est ce qu’on désigne par la flexibilité,
qui tend à s’accroître. Là encore cette notion est présente sous plusieurs
angles : d’une part, elle est associée à un enrichissement des tâches qui
s’oppose à une organisation mécanique et répétitive du travail ; mais,
d’autre part, elle demande davantage d’adaptation face aux exigences
nouvelles et fait appel à plus de compétences et à plus de mobilisation
dans le travail.
Face à ces situations fluctuantes, plusieurs problèmes se posent :
comment aider les personnes à prendre leurs décisions, à les assumer,
comment faciliter la connaissance des compétences et leur évolution,
quelles répercussions ces changements ont-ils sur la vie personnelle,
familiale, sociale ? Et, vu du côté de l’entreprise, comment gérer ces
questions en gardant un personnel motivé et efficace ? Ce sont autant
de champs de recherche et d’intervention pour les psychologues du
travail.

2.3 Le chômage et les emplois mobiles


Mais l’évolution souhaitée est parfois empêchée par des événements
extérieurs : licenciement, fermeture d’entreprise, délocalisation, etc. On
trouve alors une mobilité de maintien ou de survie ou encore une impos-
sibilité de solution stable : emplois intermittents ou précaires, périodes
de chômage plus ou moins longues, reconversion obligée, changement
de région sont le lot de beaucoup, accompagné quelquefois d’une rup-
ture de socialisation par marginalisation.
L’une des notions utilisées à ce propos est l’employabilité. Au sens
strict, elle indique que les demandeurs d’emploi doivent avoir des
compétences mais aussi des dispositions qui se définissent par l’acquis
La personne et le travail 9

de normes sociales comme le respect des conventions de ponctualité ou


d’habillement, pour augmenter leurs chances de trouver du travail. Ils
ont donc intérêt à les acquérir s’ils ne les ont pas ou s’ils les ont perdues.
Cependant, cette conception a l’inconvénient de supposer que l’accès
à un emploi ne dépend que du demandeur, et de faire peser sur lui seul
la responsabilité d’un échec. Or il faut aussi considérer l’autre pôle et
les exigences parfois trop élevées, idéales ou simplement erronées qu’il
attend. Par exemple, en matière de handicap, il apparaît que des repré-
sentations négatives non fondées viennent empêcher le recrutement,
alors même que des avantages sociaux y sont associés. Il y a là un travail
très important de psychologie à développer pour faire évoluer ces repré-
sentations du côté des employeurs.
La psychologie du travail adapte les notions issues de la psychologie
sociale comme celles de préjugés, de stéréotypes (Pohl et Klein, 2006) et
de stigmatisation (Herman, Bourguignon, Liénard, 2006) afin de traiter
de difficultés liées au chômage, surtout quand il est de longue durée, et
de dégager les spécificités relatives à des situations concrètes vécues sur
le terrain. Elle montre ainsi comment le regard des autres devient un
obstacle spécifique qui accentue encore la rudesse des situations écono-
miques, et elle propose des stratégies de défense pour y faire face, comme
l’action collective ou la restructuration des objectifs personnels.
Ces situations difficiles à vivre et les actions sociales pour y remédier
au mieux font de plus en plus appel à l’intervention psychologique, que
ce soit par le suivi ou le soutien individuel, par la réinsertion sociale, ou
à partir de stages où les personnes repèrent leurs compétences, en déve-
loppent de nouvelles et construisent ou reconstruisent un projet pro-
fessionnel. Dans ce cadre, les dispositifs de « bilans de compétences »
jouent un rôle important, car ils permettent à chacun de s’orienter en
s’appuyant sur une meilleure connaissance de ses compétences, source
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de dynamisation psychologique et de perspectives nouvelles.


Parmi celles-ci on peut citer la mobilité professionnelle. C’est une
donnée sociale en nette augmentation en fonction de contrats de tra-
vail peu durables. Selon le cas, elle devient une contrainte quand il
faut se déplacer pour travailler ou acquérir de nouveaux savoirs pour
garder son emploi. Elle perturbe les relations familiales et le mode de
vie, notamment chez les jeunes qui sont amenés à repousser l’âge de la
procréation. Mais elle peut aussi être vécue positivement quand elle est
choisie. Elle correspond alors à une diversification des activités et elle
apporte un sentiment d’autonomie plus grand. Mais elle correspond à
une mentalité plus nomade à laquelle les salariés ne sont pas toujours
préparés.
10 Psychologie du travail et des organisations

On voit ici que la psychologie du travail ne se limite pas à la sphère


de l’entreprise, mais s’occupe aussi des personnes qui sont en dehors
tout en souhaitant y entrer ou qui n’ont pas trouvé d’insertion stable,
ainsi que des relations entre le champ du travail et les dimensions per-
sonnelles. Cet ancrage a la spécificité de ne pas se situer sur le plan du
médical (il ne s’agit pas de guérir) ni sur le plan du social (le but n’est
pas de prendre en charge ou de faire rentrer dans la légalité), mais il
vise à donner les moyens aux gens de gérer leur vie professionnelle ou
d’accéder à un emploi, ce qui met en avant des interventions en termes
de formation, de repérage des compétences et de développement de
projets sur le plan de la profession.

2.4 La seconde partie de la vie professionnelle


Actuellement l’incertitude n’est plus réservée à la période d’entrée dans
l’entreprise et les personnes expérimentées, dans la seconde moitié de
leur carrière, se trouvent également mises en difficulté ou remerciées.
C’est le cas des seniors qui voient l’âge de la retraite s’éloigner mais qui
se trouvent soit déphasés dans le style de travail, soit mis sur la touche.
La place des seniors dans les entreprises se pose ainsi et donne lieu à
des travaux sur la formation (Gelpe et Debril, 2008) et sur leurs compé-
tences (Hellemans, 2008).
Étant donné les courbes démographiques, c’est sans doute un secteur
promis à prendre de l’ampleur. Il ne concerne pas seulement la prépa-
ration à la retraite et la façon de passer ce cap en douceur, mais il porte
sur les problèmes rencontrés par les salariés dans leur seconde moitié
de carrière : cela concerne ce qu’on appelle le « mitan » de la vie, selon
la formule québécoise, mais aussi les périodes associées à un plafonne-
ment professionnel, voire à une diminution de l’influence et du statut
ou encore à une mise à l’écart. Mais ces termes recouvrent en fait des
réalités assez différentes.
Le mitan renvoie à une réflexion sur son parcours professionnel en
fonction de la prise de conscience de son âge, sans grande précision
sur celui-ci qui peut varier de 40 à 50 ans. La question porte alors sur le
sens de son travail, notamment chez des personnes qui se sont données
beaucoup jusque-là pour leur activité professionnelle.
Associée à une modification dans le travail ou à un changement dans
la vie familiale comme le départ des enfants qui ont grandi, une ques-
tion assez existentielle peut surgir (Morin, 1997). Elle remet en cause
un mode de vie, mais aussi les valeurs qui y sont attachées comme le
La personne et le travail 11

lien entre niveau de vie et travail. Cela peut relever d’un spleen passa-
ger, d’une dépression, ou mener à un changement de cap, par exemple
celui de limiter son engagement professionnel et de se donner d’autres
objectifs prioritaires.
Mais inversement, cette période de transition peut aussi être l’occa-
sion de reprendre un travail différent après un temps d’incertitude ou,
pour les femmes par exemple, après avoir élevé leurs enfants. Il peut
s’agir d’un nouveau départ avec des options reconfigurées où la réalisa-
tion de soi devient plus centrale.
Le plafonnement de carrière provient davantage des transformations
de l’entreprise qui s’accompagnent pour plusieurs d’une certaine dis-
qualification. Le problème est celui de la reconnaissance et de la capa-
cité d’adaptation demandée afin de se maintenir au niveau atteint
auparavant. Il tient pour une part importante à la culture de l’organisa-
tion : selon le cas, les personnes expérimentées, donc plus anciennes,
sont considérées comme une référence, une richesse et une source de
stabilité des valeurs de l’entreprise. Mais dans des périodes plus ten-
dues de restructuration rapide, elles peuvent être vues comme un frein
à l’installation de nouvelles méthodes ou comme un lieu de résistance
aux normes à instaurer.
Plusieurs types d’interventions sont utilisés par les organisations
pour atténuer les effets négatifs du plateau de carrière, comme la mobi-
lité latérale ou la formation à de nouvelles compétences (Lamoureux
et Morin, 1998, p. 326). Mais parfois, les solutions sont plus radicales
et débouchent sur un licenciement ou une mise en préretraite, ce qui
déplace les difficultés de l’entreprise à la collectivité.
Mais l’on se trouve sans doute à l’aube d’une extension du problème
dans la perspective d’une retraite repoussée, alors que les pratiques
d’entreprise ont surtout joué sur les départs anticipés pour gérer la rota-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tion de leur personnel, ce qui est paradoxal. Toutefois, le plafonnement


peut aussi parfois être compris comme une alternative plus favorable
que le licenciement et devenir une façon de se préparer au départ en
retraite et de l’accepter plus facilement.
La mise à l’écart n’est pas non plus toujours liée à l’âge, même si celui-
ci est souvent invoqué comme justification. Elle n’est pas forcément le
résultat d’une baisse de compétences ou de performance et peut même
advenir pour des personnes très impliquées dans leur travail mais qui
ne se montrent pas assez souples pour accepter des changements de
méthode dans l’organisation du travail. Ainsi des responsables d’équipe
très attachés à un mode de fonctionnement peuvent-ils se trouver mis
12 Psychologie du travail et des organisations

en difficulté à l’occasion d’une réorganisation du mode de manage-


ment. On touche là à des problèmes de pouvoir dans l’entreprise.
Dans ces différentes phases de transition, que ce soit pour les salariés
confirmés, les jeunes ou les demandeurs d’emploi, la réponse en termes
d’orientation initiale ou en cours de carrière a pris la forme de conseils
individuels (François, 2000), notamment mais pas seulement dans le
cadre des « bilans de compétences ».

3. Le bilan de compétences

3.1 Caractéristiques du bilan de compétences


Le bilan de compétences est un dispositif officiel et labellisé, accessible
à toute personne travaillant ou cherchant du travail, lui permettant de
faire le point sur ses compétences, d’identifier ses possibilités avec un
conseiller et de construire un projet professionnel ou personnel avec ou
sans formation préalable (Lemoine, 2009). Il se situe dans le cadre de la
loi sur la formation professionnelle pour les salariés (voir chapitre II) et
fait maintenant partie des stages proposés par Pôle Emploi (ex-ANPE)
qui gère le plan d’aide au retour à l’emploi (PARE).
Le bilan de compétences n’est pas un lieu d’évaluation ou de recrute-
ment. Il ne s’agit pas d’y être comparé à d’autres, ni d’être placé devant
une situation à résoudre ou une mise à l’essai. Il s’agit plutôt d’une
activité d’orientation, mais au sens où c’est l’intéressé qui va s’orien-
ter. Pour cela, le bénéficiaire repère ses compétences avec l’aide d’un
conseiller qui l’accompagne, et il élabore un projet personnel ou pro-
fessionnel réalisable.
Plusieurs différences distinguent également le bilan de compétences
d’une orientation scolaire : s’adressant à des adultes ou à des jeunes
cherchant un emploi, il ne part pas du niveau de réussite scolaire ou de
l’intérêt pour tel ou tel cours et ne se limite pas à apporter de l’infor-
mation sur des métiers ou des emplois. Il invite à porter attention à son
parcours professionnel, à définir et à clarifier ses compétences et ses
possibilités, à valoriser ses acquis et à construire une démarche person-
nelle sous forme de projet.
Le bilan de compétences comprend trois phases réalisées avec l’aide
personnalisée d’un conseiller professionnel : un temps d’accueil et
d’information où le bénéficiaire est mis en confiance et s’engage dans la
démarche en connaissant les objectifs et les moyens mis en œuvre, un
La personne et le travail 13

temps de recueil des informations sur soi et sur la situation d’ensemble


en rapport à l’emploi, et un temps de synthèse comprenant la rédaction
d’un document personnel sur les compétences mises en évidence et
l’élaboration d’un projet concret et précis portant sur des aspects person-
nels, professionnels ou passant par une formation (voir tableau 1.1).
Tableau 1.1 – Les trois temps du bilan de compétences

Temps 1 : Accueil et information


sur la démarche
– Confidentialité et mise en confiance
– Analyse de la demande par entretien personnalisé
– Définition des objectifs et des méthodes

Temps 2 : Recueil des informations sur soi


– Identification des intérêts, aptitudes, compétences
– Méthodes choisies en concertation selon la question

Temps 3 : Synthèse et élaboration


d’un projet précis
– Accès aux informations en retour et réflexion sur soi
– Rédaction d’un document de synthèse
– Vérification de l’appropriation du bilan

3.2 Effets et utilité du bilan de compétences


Les recherches principales portent sur les effets et les processus mis en
úuvre dans le bilan de compétences. À côté des effets positifs sur la for-
mation et sur l’emploi (voir par exemple Ferrieux et Carayon, 1998),
des évolutions psychologiques ont été mises en évidence : dynamisa-
tion, estime de soi, autoconnaissance de ses compétences, capacité à
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

formuler un projet (Gaudron, Bernaud et Lemoine, 2001). Ces travaux


sont confirmés par des recherches plus récentes (Gaudron et Croity-
Belz, 2005 ; Piller et Bangerter, 2007 ; Blanchard, 2008). Ruffin-Beck
et Lemoine (2011) montrent l’importance de l’accès à une meilleure
connaissance de soi et la nécessité d’une proactivité pour des publics
de faible niveau de qualification en demande d’emploi. Et sur le plan
des pratiques du conseiller, on a constaté l’extension d’une demande
professionnelle en psychologie et une réflexion approfondie sur les
méthodes de conseil et la place du psychologue.
En effet, l’intéressé est associé à la démarche, le conseiller l’accom-
pagne en apportant un cadre méthodique, et les informations obte-
nues sont mises à la disposition du bénéficiaire. Ces options tranchent
14 Psychologie du travail et des organisations

avec le présupposé scientiste que le sujet ne peut accéder au savoir


et que l’expert détient seul la connaissance. Elles suscitent aussi des
recherches sur les conditions d’appropriation des informations sur soi,
ce qui s’oppose au fait de les subir ou encore de se sentir évalué, ainsi
que des travaux sur les tests et questionnaires pris comme moyens de
communication générant une attention à soi et une prise de conscience
plutôt que comme des techniques de prélèvement d’information sur
autrui (Lemoine, 1997a, b).
Le bilan de compétences fait partie du système de la formation pro-
fessionnelle qui permet aux salariés d’acquérir de nouvelles qualifica-
tions et de s’adapter aux évolutions du travail. Mais il se situe en amont
pour y préparer et pour permettre de choisir la formation adéquate, ce
qui est une étape importante pour favoriser la réussite de la formation
entreprise. Au moment où se met en place une logique des compétences
dans les entreprises, il permet aussi aux salariés de faire le point sur leur
évolution professionnelle et de mieux gérer leur carrière en fonction
des fluctuations de la demande provenant des organisations.

3.3 L’autoconnaissance des compétences


La démarche réalisée en bilan de compétences peut se rapprocher de
plusieurs courants théoriques.
Elle se rapporte au courant de l’orientation scolaire et professionnelle :
le suivi est personnalisé, et les potentialités et les domaines d’intérêt
sont repérés. Mais elle s’en distingue en donnant plus d’importance à
l’expérience antérieure, au lieu de privilégier la réussite scolaire, et en se
centrant sur les compétences. Il s’agit, en outre, d’une démarche active
où l’intéressé porte attention à lui et à ses compétences plutôt que de se
référer à une comparaison à autrui qui renforce l’évaluation.
Le bilan s’apparente à une démarche clinique dans la mesure où elle
est fondée sur l’écoute, mais s’en démarque par le fait qu’il ne s’agit pas
de soigner un patient. Il apporte surtout une aide structurante dans le
cadre d’une communication interactive.
Le bilan de compétences n’est pas non plus une évaluation. Il ne
s’agit pas de savoir si une personne est valable ou non, à la suite d’une
expertise que l’on attendrait avec crainte. On se trouve davantage dans
un courant de psychologie pédagogique où l’intéressé est invité à parti-
ciper à la démarche.
Mais dans la mesure où le bénéficiaire du bilan découvre des compé-
tences et des informations sur lui à partir de la relation établie avec le
La personne et le travail 15

conseiller, il est possible de se référer au modèle de l’emprise analytique


(Lemoine, 2002a et voir encadré 1). Cette notion traite des situations
où une personne est analysée dans sa conduite ou ses opinions, ce qui
génère une connaissance nouvelle sur elle et crée par là un enjeu diffé-
rent selon que ce savoir est approprié par autrui ou par l’intéressé. Dans
ce dernier cas, on obtient une boucle de rétroaction issue d’une atten-
tion portée à soi ou à des aspects de soi, ce qui augmente le savoir sur
soi, par exemple en matière de compétences.

Encadré 1
Le modèle théorique de l’emprise analytique (Lemoine, 1994a)
Prélever des informations sur autrui, par questionnaire, test, entretien,
observation de la conduite, ou encore apporter des résultats scientifiques
qui définissent l’image de l’autre sont des opérations qui créent des interac-
tions spécifiques et correspondent à deux phases de ce qu’on appelle une
emprise analytique (EA) ou détermination d’autrui par analyse et connais-
sance scientifique. Dans le schéma minimum, on distingue deux pôles en
présence reliés par la relation EA : la source (S), qui prend l’information ou
qui dispose des résultats, et la base (b) qui subit la situation. S et b sont le
plus souvent des individus de même nature et se situent dans un système
plus large induisant des contraintes institutionnelles et pesant sous une
autre forme d’emprise sur la situation S-EA-b. L’emprise évaluative associe
en général des éléments d’EA et un jugement de valeur sur l’ensemble de la
personne.
La base b est active aussi et tente souvent de réduire l’EA venant de S en
exerçant une contre-emprise E’ en direction de S, soit bE’S. b devient ainsi
S’ pour S, qui subit à son tour E’. Par exemple, la base b évitera de s’impli-
quer, limitera l’information donnée par des réponses évasives ou attendues
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

socialement si elle perçoit un risque pour elle, tel le danger d’être dessaisie
de ses informations ou de les voir utilisées contre elle. Mais elle pourra aussi
s’exprimer mieux si elle se sent en confiance et si elle sait qu’elle pourra
s’approprier les informations venant d’elle, comme dans le bilan de compé-
tences. Il s’ensuit que l’information obtenue ne provient pas seulement de
la relation EA, mais de la résultante EA-E’, ce qui permet d’expliquer une part
importante des variations de réponses et des distorsions selon les situations
et les formes d’emprise provenant de S.
Une découverte centrale issue de ce schéma d’emprise porte sur le fait que,
placée sous observation ou analyse, la base b s’observe également et exerce
par là une autoemprise analytique à partir d’une autoattention induite par
l’emprise analytique venant de la source S.
À
16 Psychologie du travail et des organisations

Â
On a montré que cette autoattention induite pouvait être dérégulatrice de la
conduite, notamment dans un premier temps, lorsqu’elle portait sur la glo-
balité de la personne et qu’elle était produite dans des situations d’emprise
aversives où donner de l’information sur soi est un enjeu important pour le
sujet et risque d’avoir des conséquences pour lui.
À l’opposé, une autoattention focalisée sur quelques éléments précis, et
la connaissance par la base b des indices correspondants, associées à une
emprise évaluative réduite et à une position d’analyste permettant une
appropriation des opérations d’analyse, favorisent la connaissance et la prise
en compte de dimensions impliquantes et entraîne une capacité d’interven-
tion sur soi appelée autoemprise.
Ainsi avoir les moyens d’une observation analytique précise sur des élé-
ments de soi, moyens apportés par exemple sous forme de méthode ou
de démarche par un conseiller, permet-il à l’intéressé de découvrir et de
s’approprier des informations sur soi, d’en opérer une restructuration et,
selon le cas, de maîtriser davantage des aspects de sa conduite ou des repré-
sentations de soi, ce qui contribue à une construction personnelle. Une situa-
tion favorable à ces opérations peut se rencontrer dans le cadre du bilan de
compétences mais est susceptible d’être développée là où il est possible que
les intéressés analysent leur situation, que ce soit sous la forme d’analyse de
sa formation ou d’analyse de son travail.

3.4 Qualité du bilan de compétences et dispositifs


d’accueil
L’appropriation de connaissance acquise par une centration de l’atten-
tion à soi dépend des caractéristiques de l’interaction avec le conseiller
ou la source S qui réalise la prise d’informations. Elle n’est pas toujours
possible, notamment en cas d’évaluation ou d’analyse unilatérale.
Le bilan de compétences a l’avantage de rassembler des conditions
favorables à l’émergence d’une analyse et d’une appropriation des infor-
mations sur soi. Ces conditions renvoient aux trois temps du bilan (voir
supra, tableau 1.1) ; elles permettent de mieux connaître ses compé-
tences et par suite de préparer un plan d’action ou un projet profession-
nel ou personnel qui a plus de chances de réussir.
– L’accueil permet au bénéficiaire du bilan d’avoir connaissance
des finalités de la démarche et d’apprendre que les informations
recueillies lui sont destinées. Il se trouve ainsi mis en confiance
pour progresser dans l’analyse de ses compétences. Cette opéra-
tion demande une prise en charge personnalisée et non la seule
La personne et le travail 17

utilisation d’un logiciel de recherche d’emploi ou même une ani-


mation collective. Elle établit une relation de soutien qui permet
de s’exprimer librement, sans crainte d’un rapport transmis à une
administration. Elle permet au conseiller de s’adapter à la situation
de l’intéressé. L’analyse de la demande réalisée par le conseiller en
interaction avec le bénéficiaire a l’intérêt de définir ensemble les
questions à traiter et d’opter pour la méthode la plus pertinente. On
note que cette démarche clinique vise à faire participer la personne
concernée et s’oppose par là aux protocoles des tests qui essaient
de cacher ce qui est entrepris et observé. Elle s’éloigne de l’attitude
d’expert qui rend dépendant du savoir venu d’ailleurs et invite à
découvrir par soi-même, avec une aide méthodique, les éléments
ciblés qui peuvent débloquer la situation. Dès le départ, l’exigence
de qualité du bilan de compétences est repérable par cette façon de
commencer qui demande un conseiller expérimenté.
– La phase d’investigation est elle aussi explicitée, ce qui permet
une participation à la démarche et la mise en place d’une situa-
tion moins dissymétrique. Le questionnement prend du sens et
suscite une autoattention focalisée sur des aspects précis. Les ins-
truments d’analyse ne restent pas des objets extérieurs dont on ne
sait rien mais deviennent le moyen d’acquérir des informations sur
soi. Cette phase demande du temps pour mettre en úuvre les outils
de recueil des informations personnelles. Plusieurs expériences
(Lemoine et Akotia, 2006) ont montré que les données ne deve-
naient utiles que si la personne concernée pouvait y accéder et se
les approprier, c’est-à-dire les intégrer à son schéma de pensée et à
sa propre réflexion.
– Les résultats sont également transmis à l’intéressé, ce qui crée une
rétroaction lui permettant de réfléchir sur eux et de construire
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

un projet dans une perspective évolutive. Ils induisent donc une


autoréflexion plutôt que d’apporter un verdict à partir d’un pro-
fil statique. Dans la pratique, il est préférable de transmettre les
informations au cours des échanges, sans attendre une synthèse
finale. C’est de beaucoup plus profitable pour assurer leur intégra-
tion et c’est le signe que le conseiller ne cache pas des données et
joue la transparence. Les résultats ne sont plus une conclusion qui
tombe toute faite mais l’expression même de l’interaction et de la
réflexion consciente qui suit.

Cet accès progressif aux données facilite la construction d’un projet


personnel ou professionnel à partir d’une connaissance plus claire de
18 Psychologie du travail et des organisations

ses compétences. La notion de projet est sans doute plus adéquate que
celle de bilan, celle-ci renvoyant peu ou prou à une idée d’évaluation,
de jugement de valeur chiffré, de verdict final. Au contraire le projet
ouvre sur l’avenir, offre des perspectives, signifie qu’il existe des solu-
tions possibles. Il permet de sortir du carcan de l’évaluation qui est
toujours une mise en cause, et il donne la main au sujet qui passe par
là d’une situation subie à la possibilité de construire ses objectifs, de
maîtriser la situation, de donner du sens à son action.
Cependant, le terme « projet » est lui aussi polysémique (Lemoine,
2002b). Il renvoie à l’idée de projet personnel, de projet de vie, d’inten-
tion délibérée (Guichard et Huteau, 2007), et signifie que la personne
se met en situation de décider de son avenir, de se prendre en main,
d’exercer une emprise sur son environnement et sur elle-même. Mais il
est aussi utilisé socialement comme une contrainte, voire une obliga-
tion, et correspond en fait à un concours, ainsi des projets de recherche
qu’il faut élaborer mais qui n’ont qu’une chance sur dix d’être reconnus
et soutenus. C’est en cela que le projet est devenu une véritable « dic-
tature » (Botteman, 1997), facteur d’exclusion pour tous ceux qui ne
passent pas par ses exigences ou ne sont pas dans les normes.
Le bilan de compétences revêt le même type d’ambivalence. Il est
parfois compris comme une évaluation, au même titre qu’un bilan
d’année en entreprise ou un bilan professionnel, alors qu’il est un lieu
permettant de faire le point sur ses compétences, sur ses possibilités,
et de construire un projet personnel ou professionnel. C’est pourquoi
nous préférons la dénomination « analyse de ses compétences » ou plus
largement encore « analyse méthodique de sa situation personnelle »
pour indiquer la spécificité de la démarche.
Il reste que le dispositif bilan de compétences permettant aux per-
sonnes de découvrir mieux leurs potentialités suppose que les condi-
tions de la démarche soient respectées. On peut le considérer comme
un modèle de référence pour toutes les démarches d’orientation car il
rassemble les composantes nécessaires permettant à chaque personne
de progresser dans la clarification de ses acquis, de ses possibilités et de
son orientation, et ce avec le soutien méthodologique d’un conseiller
qui sait s’adapter à une démarche personnalisée.
Mais les multiples dispositifs existant dans le domaine mettent sou-
vent l’accent sur la recherche immédiate d’un emploi et, faute de temps
et de moyens, ne respectent pas l’ordre de progression indispensable à
la maturation d’un projet concret et viable (Lemoine, 2009, chapitre XI).
À côté des bilans de compétences proprement dits, on trouve donc sur
le marché une diversité de dispositifs qui n’assurent qu’un palliatif
La personne et le travail 19

insuffisant pour permettre aux personnes en difficulté d’orientation de


rebondir. Le plus souvent ces dispositifs induisent une évaluation et un
contrôle de dimensions personnelles, se limitent à fournir de l’informa-
tion, ce qui est nécessaire mais très insuffisant pour redonner confiance
et envie de s’y mettre, et en arrivent à donner des recettes ou des direc-
tives, ce qui va à l’encontre d’une démarche personnelle. À l’opposé, le
dispositif bilan de compétences assure à la fois un espace d’autonomie,
une méthode et une démarche interactive permettant de progresser par
soi-même, ce qui ne saurait être réalisé en restant seul.

4. Représentations, valeurs du travail,


identité professionnelle

4.1 Les représentations du travail


Parmi les processus qui rendent compte de la relation de la personne à
son travail et qui relèvent à la fois de la culture globale, organisation-
nelle et individuelle, il faut noter les représentations et les valeurs atta-
chées au travail. Ces deux notions expriment aussi la centralité donnée
au travail, mais l’une renvoie plus aux images associées, tandis que
l’autre concerne surtout le côté affectif, l’implication et l’importance
attribuée au travail.
Les représentations du travail sont multiples et contradictoires. D’un
côté, le travail est vu comme une source de développement person-
nel, de réalisation de soi et de revenus. À ce titre, il est indispensable
pour obtenir ou garder un niveau de vie satisfaisant et pour se sen-
tir intégré dans la société. Ceux qui en manquent sont en difficulté, y
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aspirent souvent et le valorisent (Moutou et Blanch, 1998). Ceux qui en


ont y passent une grande partie de leur vie, s’y attachent, en font une
composante de leur personnalité au point de ne pas savoir s’en déga-
ger facilement. Mais, d’un autre côté, le travail produit également des
contraintes importantes, et les salariés souhaitent aussi le réduire soit
en temps, soit en intensité, tandis que ceux qui en cherchent ne sont
pas toujours prêts à en supporter les exigences. On recueille ainsi un
discours polydoxe, multiple, où des sentiments opposés sont présents
simultanément, ce qui relève du paradoxe.
Malgré ces difficultés, les représentations du travail ou des élé-
ments qui le constituent sont souvent recherchées dans les entretiens
ou les questionnaires afin d’obtenir des informations sur les relations
20 Psychologie du travail et des organisations

qu’entretiennent les salariés avec leur travail. On rejoint ici les courants
distincts de la psychologie sociale et de la psychologie cognitive. On
obtient alors des « cartes cognitives » interactives (Cossette, 1994) qui
apportent une configuration générale à partir des mots clés utilisés et
des liaisons formelles entre ces « concepts ».
Si elles permettent des comparaisons intéressantes entre individus,
entre groupes et entre organisations, elles sont à traiter avec précaution,
car elles varient selon les conditions de passation et selon les attentes et
les sentiments de ceux qui s’expriment. En ce sens, les représentations
indiquent moins des cognitions que des images évaluatives en relation
avec les situations vécues.
En psychologie du travail, on est porté à passer par les discours et
donc par les perceptions verbalisées et les sentiments exprimés pour
approcher les réalités vécues. La notion de représentation sert ainsi de
référence. Elle ne doit pas être prise pour la réalité brute ou objective et
gagne à être confrontée à des données issues des observations directes
ou des comparaisons entre groupes ou entre situations. Cela conduit à
privilégier une pluralité de méthodes qui confortent les résultats quand
les données vont dans le même sens.

4.2 Les valeurs liées au travail


Les valeurs liées au travail diffèrent selon les professions et les niveaux
hiérarchiques. Plusieurs typologies existent. Celle proposée par Curie
(2000) et son équipe compare la sphère du travail aux autres domaines
d’activité et permet de montrer en quoi un domaine en soutient un
autre ou interfère avec lui, ce qui crée des tensions. Par exemple, le tra-
vail peut entrer en compétition avec la sphère familiale ou inversement
des personnes peuvent trouver une aide des proches face aux difficultés
professionnelles. La flexibilité du travail et la mobilité professionnelle
et géographique accentuent l’obligation de choisir entre les domaines,
ainsi les jeunes adultes amenés à se déplacer pour travailler repoussent-
ils souvent la période d’installation familiale, voire l’arrivée des enfants.
La typologie de Perron (1997) ordonne différentes dimensions du tra-
vail selon l’importance qui leur est donnée, comme gagner de l’argent,
occuper un poste élevé, avoir une activité intéressante, avoir des respon-
sabilités, chercher la sécurité ou être entreprenant, etc. On notera que
ces aspects ne sont pas exclusifs les uns des autres, mais peuvent être
plus ou moins prégnants. Ils se trouvent aussi l’objet de choix opposés
en fonction du style de vie accepté ou au contraire recherché.
La personne et le travail 21

Dans une période où les fluctuations de l’emploi s’accentuent, la réfé-


rence explicite aux valeurs devient aussi une façon de se donner des
repères et de redéfinir le sens du travail (Morin, 1997). Joulain (1997)
souligne que les valeurs de développement personnel au travail vont en
s’accentuant. Cela comprend, par exemple, l’autonomie de réalisation,
la non-monotonie, les contacts interpersonnels, le sentiment d’utilité.
On peut remarquer que l’appel explicité aux valeurs du travail n’est
pas indépendant d’une évolution sociale où celui-ci est remis en ques-
tion soit par le chômage, soit par la recherche d’un mode de vie moins
exclusivement dépendant de l’activité salariée. Wach (2001) étudie les
relations entre les valeurs de la personne et les dimensions profession-
nelles.

4.3 L’identité professionnelle


L’appropriation et l’intégration des valeurs liées au travail font partie
des éléments qui constituent l’identité professionnelle, aspect parti-
cipant plus ou moins au sentiment d’identité personnelle et à la façon
de se percevoir. Se définir par rapport à sa profession est une façon de
se situer socialement et de se construire personnellement. Cela renvoie
à une référence au groupe professionnel, qui devient une partie de soi à
partir du sentiment d’appartenance, et à une référence personnelle en
termes de profession exercée et investie. Celle-ci se décline notamment
par le sentiment de compétence, le sentiment d’efficacité (François,
2012) et le sentiment d’estime de soi en lien avec le travail ou le métier.
Elle est aussi reliée au niveau d’attente, de reconnaissance et d’insertion
professionnelle.
D’autres secteurs de la vie personnelle et sociale contribuent égale-
ment au sentiment d’identité (Baugnet, 1998) et à l’image de soi. Mais
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’identité professionnelle a une place relativement grande selon l’impor-


tance donnée à la sphère du travail, et varie en fonction du statut, de sa
stabilité ou de sa précarité.
On peut suivre l’évolution de cette identité au cours des phases de
transition qui sont aussi des moments de restructuration (Guichard et
Huteau, 2001). Il en est de même pour le passage en formation pro-
fessionnelle, qui est un moment de restructuration personnelle et de
construction de soi (Lagabrielle, 2000). La formation par alternance,
phase qui se situe entre l’école et le premier emploi, est aussi le lieu
d’une socialisation dans le travail et d’une possibilité de connaissance
de soi (Cohen-Scali, 2000, 2010). Les situations de stage peuvent appor-
22 Psychologie du travail et des organisations

ter également le moyen d’une acculturation et favoriser ainsi une dyna-


mique identitaire (Mary et Costalat-Founeau, 2010).
Il reste que la notion d’identité est difficile à définir. Dans le sens
commun, elle évoque ce qui est le fondement de l’individu à la fois pour
lui et pour les autres. En psychologie sociale, elle est définie comme une
image ou une perception de soi, qui varie selon les références adop-
tées.
Dans le monde du travail, on pourrait se limiter à une définition par
le rôle joué ou la fonction sociale remplie. Mais ce serait minimiser la
complexité de l’être humain. D’un côté, le travail étant prenant, l’indi-
vidu peut s’identifier à lui, s’approprier certaines de ses dimensions
et se percevoir comme ayant investi son rôle. Mais, de l’autre, il peut
aussi s’en démarquer et considérer qu’il n’est pas réductible à sa profes-
sion. Dans ce cadre, l’identité professionnelle peut être vue comme une
composante de l’identité s’appuyant sur la sphère professionnelle que
l’individu investit et s’approprie pour se constituer.

5. Motivation et implication au travail

5.1 Les théories classiques


Les valeurs liées au travail correspondent assez bien aux facteurs qui
définissent la motivation au travail et on peut y retrouver ceux qui dis-
tinguent la motivation intrinsèque de la motivation extrinsèque (selon
le modèle de Herzberg, 1966), comme le fait de se réaliser dans son tra-
vail ou de prendre des initiatives par opposition au salaire et au statut,
aspects extérieurs au travail lui-même. Mais la notion de motivation,
passée dans le langage courant, est trop souvent prise pour un trait de
personnalité ou, au contraire, comme un moyen de pression pour faire
travailler plus et pour mobiliser, alors qu’elle dépend beaucoup du type
de travail et de ses caractéristiques.
Définie au départ comme une force qui pousse à agir, sans que cette
force soit précisée, la motivation a été étudiée d’abord dans le cadre
des théories de l’apprentissage comme une stimulation sous forme
de récompense ou de punition qui oriente le comportement, surtout
lorsque l’organisme est en état de besoin. Nombre de situations sociales
semblent encore fonctionner de cette façon, tel l’attrait d’un gain ou
d’une prime que l’on trouve dans le domaine commercial ou la crainte
d’une sanction dans celui des pénalités légales.
La personne et le travail 23

Mais ce modèle a ses limites, que ce soit pour le travail scolaire ou le


travail salarié. Les besoins associés aux incitations externes ne suffisent
souvent pas. Si c’était pertinent, ceux qui sont en manque développe-
raient leur économie et ceux qui ne sont pas formés chercheraient à
s’instruire. Mais c’est le contraire qui se passe : les plus développés tra-
vaillent et consomment davantage, et les plus formés demandent tou-
jours plus de formation. Et si la motivation dépendait des besoins, on
peut même penser que, par satiété, leur satisfaction conduirait à l’arrêt
de l’activité, alors même que l’entreprise demande un travail régulier et
continu. La conception courante est donc à revoir.
Face à ces théories naïves, communes et tenaces, d’autres modèles
ont été proposés (voir Morin, 1996). L’un d’eux fonde la motivation sur
la poursuite d’un objectif (Locke et Latham, 1990). Il se trouve en paral-
lèle à la théorie des attentes (Vroom, 1964) et à celle de l’anticipation
de la réussite et du sentiment de compétence (Bandura, 2003), reprise et
développée en France par François (2008). Un autre fait appel à l’impres-
sion de justice perçue, dans la mesure où un sentiment d’injustice est
particulièrement démotivant (Adams, 1963).
Toutefois, le modèle de Herzberg, assez ancien, garde tout son intérêt
en distinguant ce qui revient à l’activité elle-même de ce qui y est asso-
cié, tels le salaire, les primes ou le statut. La motivation est ainsi liée non
plus à des caractéristiques personnelles mais à des aménagements du tra-
vail. Il en ressort qu’un travail intéressant et diversifié, une certaine auto-
nomie et la possibilité de développer ses capacités sont des facteurs de
motivation, y compris dans le secteur public (Duvillier et al., 2003). Ces
composantes associent une satisfaction personnelle au travail bien fait,
ce qui permet à chacun des pôles, salariés et entreprise, d’y gagner.
Dans cette perspective, la notion de motivation fait place de plus en
plus à la notion d’implication au travail, qui renvoie à celles d’attache-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ment et d’appropriation (Lemoine, 2004). S’approprier son travail, le


faire sien, en avoir la maîtrise constituent des processus qui augmentent
l’implication, en donnant la possibilité de se réaliser dans son travail,
activité qui devient alors un lieu de construction de sa personne et de
son identité.
Ces composantes dépendent à la fois des dispositions des salariés et
des situations qui leur sont fournies par l’entreprise, ce qui ouvre un
espace pour l’intervention en psychologie non seulement auprès des
personnes mais sur le plan de l’organisation des ressources humaines.
Ainsi l’implication varie-t-elle selon le style d’organisation et la qualité
de vie au travail, même si d’autres facteurs, comme le fait d’avoir un
emploi dans un contexte de chômage, peuvent jouer aussi.
24 Psychologie du travail et des organisations

Encadré 2
Facteurs de motivation au travail selon les modèles théoriques
Les sources de motivation ne se limitent pas à des incitations ou stimulations
externes, qui se réfèrent au schéma béhavioriste, et s’apparentent à des
moyens de manipulation pour forcer à travailler davantage. Elles proviennent
aussi de l’interaction sociale où les pôles présents sont mutuellement impli-
qués. Dans ce cas la motivation d’un pôle dépend de celle de l’autre, ce qui
incite à revoir les relations direction-employés : l’incitateur doit être perçu
comme participant au travail commun pour obtenir un effet sensible.
Dans le modèle de Herzberg (1966) on distingue les facteurs intrinsèques et
extrinsèques par rapport au travail. Les premiers renvoient au travail en lui-
même, tandis que les seconds portent sur les conditions sociales associées.
Les aspects intrinsèques comprennent : le travail intéressant en soi, l’occa-
sion d’apprendre, la diversité des tâches (versus leur monotonie), l’autono-
mie ou marge de manœuvre dans l’accomplissement du travail, l’équilibre
entre capacités et exigences et, selon les modèles, les relations interperson-
nelles.
Les aspects extrinsèques portent sur le salaire, les primes, les promotions, la
sécurité de l’emploi, les heures et les horaires, les conditions de travail.
D’autres facteurs sont aussi à prendre en compte, comme le sentiment
d’appartenance à un groupe, l’estime, le développement personnel, la quête
de valeurs morales, tel le sentiment de justice, et le sens donné au travail.
Le modèle de Vroom (1964) fait intervenir trois facteurs multiplicatifs, ce qui
annule la motivation quand l’un d’eux est égal à zéro : la valence ou valeur
affective qui est attribuée à l’objet recherché, l’instrumentalité ou rapport
perçu entre l’action et son résultat (par exemple sous forme de rémunéra-
tion), et l’expectation ou estimation de la possibilité d’atteindre le but visé
et attendu.
Parmi les aspects intrinsèques du travail qui renvoient davantage à la notion
d’implication, on peut encore citer la considération du personnel, le fait de
partager les valeurs et les objectifs de l’organisation, le contrôle ou la maî-
trise qu’on a sur elle, l’appropriation de son travail. Ces deux derniers fac-
teurs se retrouvent sous la notion d’emprise (Lemoine, 1994a) qui distingue
et oppose nettement le fait d’être sous l’emprise d’autrui et celui d’exercer
son emprise sur un objet, une personne, une organisation ou son travail. On
rejoint ici le modèle de Deci et Ryan (2000) qui, sur l’axe des motivations,
place au sommet l’automotivation provenant d’une autorégulation ou
détermination par soi-même de sa conduite, ce qui s’apparente à la notion
d’autoemprise, qu’elle soit analytique ou plus large.
À l’inverse, le stress systématique, le risque de licenciement ou le sentiment
d’injustice organisationnelle réduisent la motivation et vont même jusqu’à
À
La personne et le travail 25

Â
susciter une antimotivation par les résistances induites, sous forme de
contre-emprise. L’antimotivation, que nous introduisons (Lemoine, 2008)
pour compléter le modèle de Deci et Ryan, va plus loin que l’amotivation
qu’ils proposent indiquant l’absence de, ou motivation au niveau zéro. Elle
signifie que, comme pour la contre-emprise, on peut se trouver en pré-
sence d’une motivation inverse, négative ou contraire qui va à l’encontre
d’une motivation positive à réaliser un travail ou une activité et la dépasse
en intensité. Cela inclut les freins, les blocages, les résistances variées qui
empêchent ou contrecarrent l’activité demandée. C’est donc l’opposé d’une
automotivation où la personne se motive elle-même, se détermine, et décide
d’exercer sur elle-même une autoemprise pour concrétiser son projet.

5.2 Usages variés de la motivation au travail


Une difficulté pour le psychologue du travail vient du fait que la moti-
vation est passée dans le langage commun et utilisée à tout propos
comme dans les « lettres de motivation » pour indiquer un état géné-
ral. Son utilisation courante est ainsi fonction de la demande sociale et
s’associe à l’attribution de responsabilité. Inobservable directement, elle
tend à expliquer le niveau d’activité d’un individu et à le situer par là
socialement tout en l’incitant à s’activer davantage (Lemoine, 2008).
La notion de motivation s’émancipe ainsi des modèles théoriques
classiques ou ne s’y réfère que lorsqu’ils sont eux-mêmes intuitifs et
en accord avec les stéréotypes communs. C’est ainsi que la notion de
besoins perdure malgré ses incohérences : par exemple la satisfaction
d’un besoin devrait arrêter la motivation à le rechercher, ce qui serait
contre-productif, surtout si on l’applique à l’obtention ou à la réalisa-
tion d’un travail. Inversement, ceux qui sont loin des milieux du travail
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ne savent pas comment s’y prendre et perdent la motivation pour obte-


nir un emploi alors que le besoin est important.
Une deuxième utilisation de la « motivation » correspond en fait à
une pression externe afin d’atteindre un niveau donné de performance.
Cela montre à nouveau que le besoin issu de l’intérieur ne suffit pas.
Il faut donc le créer par toutes sortes d’incitations et d’injonctions, ce
que les publicitaires ont compris depuis longtemps en passant de l’idée
de besoin à la notion de demande, qui est suscitée par l’offre provoca-
trice des attentes. On se retrouve donc dans une théorie de l’influence.
Mais celle-ci est loin d’être toujours efficace. Il n’est pas sûr par exemple
que l’obtention d’une prime fasse travailler plus. Francès (1998) montre
qu’elle n’élève pas le rendement à coup sûr. L’effet prime peut même
26 Psychologie du travail et des organisations

devenir négatif car il instaure un système d’évaluation pesant (Romano,


1998) qui détériore le climat social en transformant les équipiers en
concurrents. De même l’attribution de primes au mérite demande un
système clair et considéré comme équitable (Vacher, 1995), ce qui se
retrouve également pour le recrutement (Steiner, 2000). À défaut, elle
suscite contestation et zizanie. Ces incitations externes conduisent
ainsi, comme l’indiquait Herzberg (1966), à des insatisfactions liées à
des motivations extrinsèques, et altèrent le travail sous contrat, à for-
fait, qui s’oppose au travail à la pièce connu avant les lois sociales. On
obtient donc une contre-emprise qui peut devenir plus importante que
l’emprise (voir Lemoine, encadrés 1 et 2), et qui crée une antimotivation
d’autant plus que cette stimulation comportementale risque d’être per-
çue comme une manipulation, source de résistance.
Les méthodes de management actuelles ne prennent pas en compte
ces processus et y font appel dans le but d’augmenter les pressions pour
produire plus et plus vite. Elles utilisent également les conditionne-
ments négatifs qui, au lieu des primes, font planer la crainte du licen-
ciement, l’incertitude sur le mode de travail et sa localisation. Elles
augmentent aussi la charge de travail de façon excessive en jouant sur
des variables psychologiques, comme l’image de soi mise sur la sellette
par le risque de perdre une compétition (Lemoine et Masclet, 2007). Il
en résulte une augmentation sensible du stress au travail pouvant aller
jusqu’à l’épuisement professionnel, ce qui n’est guère favorable pour
motiver et obtenir un travail efficace.
Un troisième usage de la motivation renvoie à l’idée d’un homme
rationnel et calculateur, fonctionnant sur un plan économique en fonc-
tion de ses seuls intérêts. Son niveau d’activité serait modulé à partir
du gain espéré. Si ce modèle peut s’appliquer dans certains contrats de
travail, il est loin de pouvoir expliquer le mode de relation au travail et
bon nombre d’activités qui ne relèvent pas directement de l’intérêt éco-
nomique individuel. Il ne prend en compte ni le service rendu à autrui
associé souvent à l’utilité sociale perçue, ni les facteurs affectifs liés au
goût de l’activité et du travail bien fait, ni encore les aspects norma-
tifs et moraux du travail. Le bénévolat notamment n’entre pas dans ce
schéma de l’intérêt économique. La notion d’intérêt, en fait peu utilisée
pour traiter de la motivation, correspond de plus à des assertions diver-
gentes : tantôt au bénéfice attendu, tantôt au penchant pour une acti-
vité donnée. Dans les deux cas il décrit un individu uniquement dans
sa composante égotique, cherchant un plus pour lui-même, et imper-
méable à tout altruisme. On retrouve ici l’image d’un individu calcula-
teur, rétif au travail, à mener par conditionnement, qui est décrit dans
La personne et le travail 27

le type X de McGregor (1969), par opposition au type Y, personne qui


aime son travail et à qui on peut faire confiance.
Comme avec la notion de besoin, il est toujours possible de décliner
les explications en termes d’intérêt, ce qui rend la notion irréfutable, et
donc non pertinente scientifiquement.
On peut aussi rapprocher la notion d’intérêt du modèle de l’enga-
gement envers l’organisation de Meyer, Allen et Smith (1993), qui
distingue l’engagement affectif, normatif, et calculé, ce dernier étant
associé au gain estimé en échange du travail fourni. Si le salarié y trouve
son compte, il s’engagerait tandis que s’il ne le trouve pas, il quitterait
l’entreprise sans état d’âme ou réduirait son activité. On voit par là que
ce calcul est à l’opposé d’un engagement proprement dit, sachant de
plus que l’estimation positive ou négative peut varier selon le temps et
les types de critères.
Cela nous amène à distinguer l’engagement envers l’organisation de
l’implication dans le travail. Si les deux peuvent aller de pair, ils peuvent
aussi parfois s’opposer : soit l’implication pour le métier l’emporte
comme dans le cas de compétences rares et recherchées, et l’engage-
ment pour l’entreprise devient faible, le salarié choisissant celle qui lui
convient le mieux, soit dans d’autres cas, l’emploi est peu gratifiant
mais l’engagement pour l’entreprise est important, le salarié étant par
exemple fier d’y appartenir.
Il en résulte que gérer l’attachement à l’organisation uniquement à
partir de l’intérêt perçu risque d’être source de déconvenue tandis que
les aspects affectifs et normatifs, liés aux valeurs partagées, tendent à
favoriser la fidélisation. Cependant, là encore, ces choix varient selon
les types d’organisation, certaines entreprises visant le plus long terme
en cherchant à garder leurs salariés, tandis que d’autres s’accommodent
du turnover ou rotation rapide du personnel, voire la recherchent pour
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éviter par exemple les coûts liés à l’ancienneté.

5.3 Motivation et valeur perçue :


données issues du terrain
Afin de vérifier comment est perçue la motivation en dehors des notions
théoriques, savantes ou communes, une enquête exploratoire a été réa-
lisée auprès de jeunes de 18-20 ans en lycée, de techniciens supérieurs
(bac + 2) et d’étudiants en psychologie (bac + 3) avec un mode de ques-
tionnement identique (n = 84). Il comprenait trois questions ouvertes
permettant des associations spontanées : écrire tous les mots qui vous
28 Psychologie du travail et des organisations

viennent à l’esprit à partir du mot « motivation » ; évoquer une situa-


tion ou une expérience où vous êtes motivé(e) ; évoquer une situation
où vous n’êtes pas du tout motivé(e) (Lemoine, 2008).
Les résultats, analysés par catégories de réponse, varient peu selon
les groupes et il est possible d’en relever les tendances générales. Elles
indiquent en premier lieu la détermination, la volonté, l’effort, à rap-
procher de l’implication, de l’entrain, de l’énergie, qui donnent une
place essentielle à l’activité du sujet lui-même. Elles soulignent aussi
l’importance des aspects positifs affectifs comme l’envie, la passion, le
souhait d’une activité que l’on aime. La formulation de projets, d’objec-
tifs, et les résultats à atteindre qui y sont associés, vont dans le sens de la
théorie de Locke et Latham (1990). Parmi les situations motivantes, on
trouve la réalisation d’une activité agréable et choisie, et la réalisation
d’un projet, tandis que les situations non motivantes renvoient aux
tâches obligées ou désagréables. On trouve donc les thèmes « travail,
implication, projet, passion » qui renvoient au couple « projet, travail »
(Goguelin et Krau, 1992, Lamoureux et Morin, 1998) et au couple « pas-
sion, implication » (Vroom, 1964, François, 1998).

5.4 Nouvelles perspectives sur les processus


de motivation
Plusieurs perspectives peuvent ressortir de ces résultats. D’une part
on constate que la motivation varie selon les activités, les objets et les
cultures et qu’une même activité peut être motivante pour certains,
comme par exemple tel sport ou telle orientation artistique, et non moti-
vante voire repoussante pour d’autres. Les études et le travail rentrent
aussi dans cette diversité de conception, étant parfois recherchés et par-
fois vus comme négatifs. Cette perception peut varier selon le contexte
social, le travail pouvant être considéré comme plus ou moins central
et attractif selon les références culturelles existantes. Pour les uns un
travail sera attractif, tandis qu’il sera vu comme une contrainte pour
d’autres (Bernaud et Lemoine, 2012, p. 459). Cela signifie qu’une même
activité peut être motivante ou non motivante selon la place qui lui est
accordée. Dans le même sens une personne peut être motivée pour une
activité et non motivée pour une autre. Elle n’est donc pas motivée ou
non en soi, ce qui éloigne motivation et personnalité, association sté-
réotypée bien ancrée socialement. Enfin, cela laisse la possibilité de dis-
socier activité et motivation, chacun pouvant assurer un travail, même
en l’absence de motivation.
La personne et le travail 29

D’autre part, il apparaît que la motivation s’apparente à une source


d’énergie mobilisable. Sur un plan psychologique, il en ressort que
l’activité humaine est très modulable. Elle peut s’annuler ou se décu-
pler. Il s’agit ainsi d’un phénomène fluctuant, non continu et à durée
limitée, comme on peut le noter dans les compétitions sportives. Ce
modèle est cependant peu adapté au travail, qui demande une activité
soutenue dans le temps. Il ne répond pas à une détermination à long
terme que l’on retrouve dans la poursuite d’un but. Mais il faut cepen-
dant que l’objectif à atteindre soit précis et atteignable. C’est ce que
l’on trouve dans le cadre de la construction de projet. Cependant, là
encore, pour qu’un projet soit motivant, il est nécessaire qu’il puisse
être réussi. À défaut, on en revient à une stimulation négative qui gèle
l’activité. C’est important de le souligner quand les projets administra-
tifs ou de recherche se transforment actuellement en concours, ce qui
entraîne l’échec de tous les projets non retenus. La motivation devient
alors négative et les potentialités s’évanouissent. On obtient l’inverse
de l’objectif escompté. La thèse de Bandura (2003), où le succès est sus-
cité si l’on y croit, se retourne, ce qui indique que l’on n’est pas sorti de
la logique du conditionnement, qui est seulement intériorisé. Dans ce
cas le projet peut devenir une tyrannie (Botteman, 1997) et une source
d’antimotivation.
Il résulte de cette perspective que l’augmentation de l’activité est à
relier à l’image positive ou négative des buts visés et à la possibilité de
les réaliser. Sont-ils valorisés ou non, attractifs ou non ? Cette question
conduit à la valeur attribuée en fonction du milieu, au sentiment de
valeur normative (Paillé, 2002) et d’utilité sociale perçue. La motivation
peut être considérée comme une intention en fonction d’une finalité
vue comme attractive. Elle n’est donc plus à définir comme le fruit
d’une influence ou d’une manipulation mais fait appel à une démarche
construite par l’intéressé lui-même en fonction des buts qu’il recherche.
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Ainsi, il « se motive ».
Cette dernière conception est difficilement acceptée sur un plan scien-
tifique. Celui-ci tend par principe à traiter le sujet humain comme un
objet qui réagit aux variables du milieu, alors qu’il est aussi quelqu’un
capable d’intervenir sur lui-même, de décider, de se déterminer, de
prendre des initiatives. Cette capacité renouvelle en partie la notion de
motivation à partir des notions d’autorégulation et d’autoemprise.
À ce sujet, il faut distinguer entre autoemprise et autocensure. Cette
dernière est acquise par intériorisation de normes sociales extérieures et
s’apparente à une forme de soumission, tandis que l’autoemprise corres-
30 Psychologie du travail et des organisations

pond à un essai de maîtrise de la situation par régulation de la conduite


à partir d’une autoattention qui focalise le sujet sur sa conduite et la
rend plus consciente (Lemoine, 2007). Cette opération n’a rien d’auto-
matique et s’apprend. Il ne s’agit donc pas d’opposer une détermina-
tion externe à une autonomie qui serait préexistante. Goguelin (1992)
a montré la nécessité de se former pour passer d’un rôle d’exécutant à
celui d’« auteur », de décideur. L’accès à l’autoemprise demande ainsi
des conditions sociales favorables pour émerger, afin de permettre au
sujet d’analyser sa situation, comme on l’a étudié à partir du bilan de
compétences (Lemoine, 2009) : en analysant ses compétences et en éla-
borant son projet, il augmente sa capacité d’intervention sur soi et sur
son milieu, et assure un gouvernement de soi, source de dynamisation.
On se situe ici à l’opposé d’une soumission à une causalité extérieure
ou même d’un effet d’autosuggestion, forme d’autopersuasion pour
obtenir une image positive de soi. On trouve ici les fondements d’une
motivation redéfinie qui s’appuie sur les notions de capacité d’autoré-
gulation, d’autonomie et d’appropriation d’éléments de soi. Les inter-
actions sociales favorisent ou empêchent l’émergence de ces processus
qui, sans la nécessité de passer par le besoin, l’influence subie ou les
traits de personnalité, renvoient à des variables intrinsèques comme la
réalisation de ses compétences, source d’implication dans le travail.
À partir des réponses spontanées à l’idée de motivation, on a donc
mis en avant des variables qui soutiennent l’activité, comme la perspec-
tive d’un projet, la valeur donnée à un travail, l’implication person-
nelle liée au sentiment d’appropriation, d’autonomie, d’autoemprise
contribuant à la réalisation de soi. La motivation relève ainsi d’une
dynamique interne, soutien d’une structuration personnelle par appro-
priation de son travail.
2
Cha
pi
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LES SALA RIÉS DANS


L’ORGA NI SATION
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1. L’organisation comme système ............................................... 33


2. Autorité, pouvoirs, emprise ................................................... 38
3. La logique des compétences et la formation professionnelle ... 46
4. Les équipes de travail .............................................................. 52
5. L’évaluation ............................................................................. 54
Les salariés dans l’organisation 33

Dans ce chapitre, on ne part plus de l’individu dans sa relation au


travail, mais on l’envisage comme participant à une organisation avec
laquelle il interagit.

1. L’organisation comme système

1.1 Individu, système et changement


Ce qui est sans doute le plus typique des conceptions actuelles rela-
tives aux individus dans les organisations est de les considérer à la fois
comme déterminés et déterminants : ils sont, en effet, pris par le sys-
tème et en même temps éléments moteurs de son changement. Comme
le souligne notamment le modèle de l’emprise (Lemoine, 1994a), la
« source » d’emprise individuelle, collective ou organisationnelle subit
aussi une emprise venant de la « base », pôle également individuel ou
structurel placé sous l’emprise de la source. Chaque pôle, source ou base,
émet une emprise plus ou moins forte vers l’autre pôle et se trouve lié à
l’autre, donc interdépendant.
Ce schéma permet de revoir la conception descendante classique
direction-dirigés ou encore organisation-individus où ceux-ci ne sont
que des jouets du système. Il atténue aussi la conception inverse selon
laquelle les individus construisent de toutes pièces les structures orga-
nisationnelles. Il permet de chercher à repérer le poids respectif de
chaque pôle, soit sa marge d’autonomie ou de manœuvre, en fonction
des emprises qu’il génère et de celles qu’il subit. L’aspect structurel est
ainsi à la fois un donné et un construit : il s’impose aux individus, mais
il dépend aussi d’eux et peut être modifié par eux dans certaines condi-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tions.
Un autre intérêt de ce modèle est d’insister sur le côté relationnel,
au sens psychosocial, de l’emprise. Cela signifie que les éléments tech-
niques et organisationnels sont considérés comme des relais de commu-
nication, ou de non-communication, et non seulement comme des
objets ou des structures toutes faites. Il en ressort qu’un changement
de technique est aussi une source de modification du système de rela-
tions en place, ce qui permet de comprendre les résistances associées.
Inversement, il peut aussi induire un changement organisationnel sans
que celui-ci apparaisse comme tel, en focalisant l’attention sur l’attrait
opératoire, ce qui modifie le système de fait en s’appuyant sur la justifi-
cation de la nécessité technique.
34 Psychologie du travail et des organisations

Le psychologue du travail participe comme conseil à ces transfor-


mations, même s’il est parfois demandé lorsqu’elles posent problème.
Il sait analyser les différents enjeux qui se développent entre les divers
pôles concernés et repérer les blocages, notamment en instaurant un
dialogue et en recueillant les attentes des uns et des autres. Il contribue
ainsi à prendre en compte les dimensions humaines qui sont au centre
des processus de changement. De multiples recherches et interventions
se développent sur la gestion du changement dans les organisations et
sur leur capacité à évoluer (voir Karnas et al., 2003).

1.2 Styles d’organisation, culture


et climat d’entreprise
Avant d’intervenir, le psychologue du travail se donne les moyens d’étu-
dier les modes d’organisation du travail et la culture d’entreprise, afin
de comprendre comment s’articulent les différents sous-systèmes et les
modes de communication entre eux (voir Louche, 2012). Il s’appuie
sur des modèles formels, comme celui de Mintzberg (1990), qui pro-
pose une typologie des organisations (voir tableau 2.1), mais il construit
aussi des instruments pour mesurer les dimensions principales d’une
entreprise et définir son climat et sa culture, c’est-à-dire les normes et
les valeurs qui servent de référence.
Deux courants principaux ont été élaborés pour expliquer le fonction-
nement des organisations. Le premier correspond aux modèles structu-
raux qui insistent sur l’importance des infrastructures et des structures
de communication qui déterminent le fonctionnement des individus
et leurs modes de relations. Outre le système des organigrammes qui
dessinent formellement les types de relations et indiquent la place de
chacun dans le schéma, des catégorisations comme celle de Mintzberg
(1990) permettent de repérer les structures des organisations qui varient
selon leur taille mais aussi selon un axe allant de la rigidité (bureaucra-
tie) à la souplesse ou flexibilité (adhocratie).
Le second courant met en avant les échanges entre les membres de
l’organisation, qui varient selon leurs références culturelles. La culture
est définie par l’ensemble des valeurs et des normes d’un groupe social
(Linton, 1945) qui modèlent les échanges entre ses membres. Le cou-
rant culturaliste, développé notamment par Schein (1985) et Hofstede
(1980), se réfère aux études anthropologiques sur des sociétés non occi-
dentales. Il prône la suprématie du symbolique sur les infrastructures
matérielles. La culture de groupe est porteuse de sens (Morin et Aubé,
Les salariés dans l’organisation 35

2007), elle fournit les symboles communs qui donnent un cadre de


référence aux individus et assurent un sentiment d’appartenance et
d’identité. Le travail joue ce rôle (Sainsaulieu, 1977) et l’organisation
élabore sa propre culture interne.

Tableau 2.1 – Typologie des organisations selon Mintzberg

H. Mintzberg propose cinq formes d’organisation :

1. L’organisation de structure simple


Elle correspond aux petites entreprises ou aux entreprises
récentes, avec un groupe fonctionnant selon un mode
de super vision directe.

2. L’organisation mécaniste (bureaucratie industrielle)


Elle comprend une standardisation des procédés et des postes
spécialisés où la compétence est restreinte.

3. La bureaucratie professionnelle
Elle est fondée sur les compétences normalisées de professionnels
qui gardent une grande latitude opératoire.

4. L’organisation divisionnelle
Elle comprend une direction générale qui contrôle des unités de
produits différents qui s’additionnent, comme dans les grands
groupes industriels ou de ser vice qui gèrent des activités multiples.

5. L’adhocratie
Elle comporte une structure souple permettant des ajustements
par communication informelle dans des secteurs de haute
qualification.
Ultérieurement, Mintzberg a ajouté deux autres catégories :
l’organisation missionnaire, centrée sur des normes et croyances
culturelles fortes, et l’organisation politique, caractérisée par des
conflits de pouvoir.
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La notion de culture a l’inconvénient de découper la société en groupes


particuliers plus ou moins étanches et de produire des catégorisations
qui risquent de se transformer en idéologie communautaire excluant
tout individu extérieur. Mais elle a l’intérêt d’introduire des variables
psychologiques absentes dans les modèles structuraux et de valoriser
les représentations et les opinions des membres de l’organisation. Elle
gagne à être considérée non comme une donnée statique mais comme
un modèle dynamique qui se construit avec les acteurs qui y participent.
La question revient alors de savoir comment elle évolue et comment les
groupes de différents niveaux de grandeur s’articulent entre eux : société
d’ensemble, organisation ou entreprise, service ou atelier.
36 Psychologie du travail et des organisations

Proche de ce courant, on peut citer le groupe de recherche Focus qui,


à partir du modèle de Quinn (1988), classe les organisations selon deux
variables croisées, le niveau de contrôle versus l’autonomie et l’orienta-
tion vers le fonctionnement intérieur ou vers le marché et les clients.
On obtient quatre styles dominants qui renvoient à des courants théo-
riques (voir van Muijen, 1994 ; Lemoine, 1998a) :
– Le style « soutien » s’apparente au courant des relations humaines.
Il correspond à une centration sur l’organisation et à une auto-
nomie fondée sur la confiance. Les relations hiérarchiques sont
directes et personnalisées. La priorité est donnée au maintien d’un
bon climat relationnel provenant de l’attention et de la confiance
de la direction envers le personnel.
– Le style « règles » comprend une orientation vers l’intérieur de
l’organisation et un haut niveau de contrôle. Le travail se réalise
en suivant la procédure. Les règles sont écrites et formalisées. Elles
organisent les relations hiérarchiques et toutes les étapes de la pro-
duction. Ce style est très développé dans le système bureaucra-
tique, où le respect des procédures sert de contrôle dans un mode
d’organisation centrée sur elle-même.
– Le style « objectifs » est centré sur l’efficacité en alliant contrôle
et adaptation au marché. L’orientation vers l’extérieur de l’organi-
sation vise la recherche de la satisfaction des clients, l’adaptation
au marché et aux techniques nouvelles. Le niveau de contrôle est
très élevé et les évaluations sont fréquentes afin de mesurer la qua-
lité de la production, et de ce fait la qualité du travail des salariés.
La performance y tient une place importante, avec tension sur les
résultats. Ce style correspond au modèle néorationaliste.
– Le style « innovation » associe une orientation vers l’extérieur et
un faible niveau de contrôle. L’autonomie, le changement et la
nouveauté sont encouragés, ainsi que la flexibilité et la prise de
risque. La centration sur le client est importante. Ce style est carac-
téristique des entreprises en développement rapide.

La traduction de ces axes en questionnaires recueillis à différents


niveaux hiérarchiques permet de définir un climat et une culture
générale d’entreprise. Le climat renvoie surtout aux normes et aux
habitudes de fonctionnement, tandis que la culture rassemble plu-
tôt les valeurs partagées dans l’organisation ou dans l’un de ces sous-
ensembles. Cette méthode permet de poser un diagnostic rapide
d’ensemble, avant une recherche plus approfondie par observations
de terrain et entretiens.
Les salariés dans l’organisation 37

Elle a été utilisée notamment pour étudier une culture mixte dans
une entreprise étrangère installée en France (Lemoine, 1994b) et pour
préparer une intervention tenant compte des sous-systèmes et des
sous-cultures. Elle permet de repérer le style dominant ainsi que les
tensions entre les niveaux hiérarchiques. Les scores faibles et les écarts
de réponses indiquent l’existence et le type de problèmes à traiter, en
particulier lors de restructurations dans l’organisation ou de fusions
avec modification du style dominant. Par exemple le passage du style
« règles » au style « objectifs » crée souvent des difficultés car les critères
de référence et les valeurs liées au travail changent. Le style « objectifs »,
qui se trouve à l’opposé du style « soutien », conduit aussi à augmenter
la fréquence des évaluations et à réduire l’attention portée au person-
nel, ce qui provoque des insatisfactions. Le psychologue du travail et
des organisations peut détecter ces tensions et proposer des aménage-
ments afin de les limiter.

1.3 Conflits, négociations, concertation


Une autre facette d’intervention porte sur les problèmes relationnels
rencontrés dans l’organisation. Le travail est, en effet, un lieu de contra-
dictions où les différentes personnes n’ont pas toujours le même inté-
rêt mais doivent collaborer pour réaliser leurs objectifs respectifs. Cela
entraîne des conflits qui demandent la mise en place de négociations. Il
arrive que le psychologue du travail organise la concertation et joue le
médiateur en proposant un cadre de discussions. Mais, le plus souvent,
il y participe et intervient comme expert en apportant une analyse de
la situation. En effet, les différents partenaires n’ont pas souvent la
même perception d’une réalité sociale, et, parfois, certains ne peuvent
exprimer leur point de vue. Dans ce cadre, une enquête ou une suite
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’entretiens peuvent jouer un rôle d’écoute et d’ouverture, et faciliter la


communication et l’intercompréhension des problèmes.
Ces méthodes par entretiens ou par questionnaires sont déjà de fait
des moyens d’ouvrir une concertation. Mais le psychologue doit se gar-
der de prendre parti ou de soutenir un des pôles, ce qui peut dépendre
de la façon même de poser le problème. La première démarche est donc
d’analyser la situation en prenant contact avec les différents parte-
naires et de connaître les lois, les règlements et les normes usuelles qui
encadrent les négociations. Toutefois, il ne s’agit pas de traiter l’orga-
nisation comme un système extérieur aux acteurs mais de s’y insérer,
de comprendre les problèmes des différents pôles en interaction et de
proposer des méthodes pour organiser la façon de travailler.
38 Psychologie du travail et des organisations

Une autre fonction possible du psychologue du travail est d’accom-


pagner les processus de changement en cours. Par exemple, lors d’une
transformation technique qui modifie la forme de travail, il est impor-
tant de suivre et d’analyser les difficultés rencontrées avec les acteurs en
présence. Le recueil des attentes peut aussi permettre l’organisation de
stages de formation ou l’apport d’informations qui ne sont pas passées.
C’est à ce niveau une forme de régulation du travail et de prévention
des insatisfactions. Pour cela, il faut être sur le terrain au contact des
salariés afin de saisir les problèmes qu’ils rencontrent dans la réalisation
de leur travail.

2. Autorité, pouvoirs, emprise

2.1 Diriger ou manager les ressources humaines


Le commandement est devenu un mot à connotation souvent péjora-
tive. Pourtant, Thiébaud et Rousson (1989) en donnent une définition
éclairante : c’est « une activité stratégique visant à résoudre des pro-
blèmes de coopération nés de l’obligation d’atteindre des objectifs dans
un environnement structuré et changeant ». Elle met en avant qu’il
s’agit d’une coopération pour atteindre un but. On est loin de la simple
transmission d’un ordre à un exécutant.
Le terme manager atténue aussi l’idée de diriger, qui évoque le mot
« directif ». D’ailleurs on ne dirige plus des gens mais des ressources
humaines, ce qui fait tout de suite plus « humain », même s’il y a le
risque d’être pris pour de simples ressources qu’on mobilise ou qu’on
épuise. Mais l’aspect direct des relations tend à s’estomper, au moins
dans le langage. Même si les contraintes sont fortes, elles s’expriment
moins de cette façon.
Et de nouveaux termes, plus psychologiques, viennent remplacer
les anciens. Il s’agit de motiver, d’animer, d’organiser, et cela dans un
organigramme aplati où la relation d’autorité semble réduite. Le contre-
maître est remplacé par un leader ou un chef d’équipe qui se trouve sur
le terrain en contact direct avec les opérateurs (voir encadrés 3 et 4).
Le leader transformationnel qui stimule et pousse au changement rem-
place le leader transactionnel qui assurait le contrôle. L’objectif est donc
de coopérer dans une relation plus réciproque et moins inégalitaire.
Pourtant, le travail est toujours à effectuer et les exigences augmentent
même, ainsi que le rythme. C’est que plusieurs processus étudiés notam-
Les salariés dans l’organisation 39

ment par la psychologie des organisations viennent relayer la relation


d’autorité.
Les documents élaborés par la direction permettent de dégager une
définition nouvelle du rôle de chef d’unité et de sa place dans une équipe
(Lemoine et Fresnois-Flandre, 1996). La maîtrise exerce le commande-
ment en restant moins à l’extérieur et en donnant moins d’ordres géné-
raux de façon anonyme. Elle s’appuie sur des éléments de référence
précis : plan d’action, analyse et contrôle de la progression d’un tra-
vail, suivi des opérations en fonction des objectifs. On se trouve davan-
tage dans une animation d’équipe comprenant conseils, transmission
d’informations, évaluation des compétences. Le côté directif se réduit
au profit d’une direction d’équipe gérant l’analyse des progrès, le suivi
des procédures, le contrôle de la qualité. Et le chef d’unité est lui-même
impliqué avec ses équipiers dans les tâches à assurer.

Encadré 3
Exemple de réduction de la ligne hiérarchique

Ligne hiérarchique

Chef d’atelier Chef d’atelier


// //
Contremaîtres (80-100) Chefs d’unité (10-18)
// //
Chefs d’équipe (40-50) Opérateurs (P1-P3)
//
Opérateurs (OS-P1)
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Le chef d’unité est en contact direct avec ses équipiers, moins nombreux
(Lemoine et Fresnois-Flandre, 1996).

2.2 L’autorité, leaders et méthodes


Pendant longtemps, des études de psychologie sociale ont visé à trou-
ver le bon leader à partir d’une personnalité ad hoc, mais elles n’ont
pas abouti : il y a autant de personnalités que de leaders et les corréla-
tions sont quasi nulles. Cela montre au moins que plusieurs types de
personnes peuvent assurer un poste de direction, ce qui est plutôt ras-
surant. Il faut en convenir, même si le stéréotype persiste, la relation
40 Psychologie du travail et des organisations

d’autorité n’est pas d’abord une question de personnalité. C’est plutôt


une affaire de statut, de reconnaissance institutionnelle, et c’est aussi
un problème de méthode et de style d’organisation.

Encadré 4
Attributions du chef d’unité : l’activité de direction cède
le pas aux moyens d’analyse

Nombre de verbes d’action du livret de compétences


indiquant les attributions du chef d’unité

Analyser, traiter les indicateurs de qualité : 20


Contrôler, veiller à, suivre : 7

Évaluer : 3
Connaître les techniques : 4
Connaître les règles, les procédures : 13

Animer, proposer, développer : 5


Planifier, élaborer des projets : 6
Écouter, conseiller, informer : 5

Faire appliquer des règles : 6


Diriger, organiser, coordonner : 11

On peut avancer que les formes d’autorité dépendent des modes


d’organisation. Par exemple, si l’on se réfère au modèle Focus (voir
supra), on vérifie que les types d’autorité varient selon l’importance des
contrôles et des préoccupations. Pour un opérateur, il s’agit davantage
de suivre les procédures dans le système « règles » (selon la division clas-
sique du travail : commander-exécuter), d’atteindre le résultat dans le
système par « objectifs », de se sentir encouragé par le supérieur dans le
système « soutien », et d’avoir beaucoup d’autonomie tout en prenant
en charge le travail dans le système « innovation ». Il en résulte que
le leader devra adapter sa fonction selon l’entreprise où il se trouve et
apprendre à gérer son autorité en se référant au style existant.
Pourtant le style d’organisation n’explique pas tout, et les manières
de diriger dépendent aussi des méthodes qui y sont associées. On peut
évoquer ici les méthodes par objectifs, par évaluation et par engage-
ment, chacune d’elles renvoyant à des processus psychologiques spé-
cifiques et à une architecture élaborée en termes de management. Ce
Les salariés dans l’organisation 41

sont de nouvelles façons de gérer les difficiles relations d’autorité tout


en évitant des tensions excessives.

2.3 Vers des modes de management renouvelés


Le management par objectifs consiste à indiquer clairement les objec-
tifs à atteindre tout en laissant une certaine autonomie au niveau des
moyens pour les réaliser. Il s’harmonise bien avec le style d’organisation
par objectifs centré sur la recherche de résultats et de performances dans
un environnement de compétition. Il s’appuie sur la motivation liée à
une perception claire des buts, selon le modèle de Locke et Latham
(1990). Mais il peut renvoyer aussi au niveau d’efficience soutenu par
la connaissance des résultats intermédiaires. L’information en retour
permet au salarié de savoir où il en est, de corriger son travail et de
réguler son activité en lui donnant la possibilité de mieux la maîtri-
ser, ce qui augmente sa marge d’autonomie. Mais cette information en
retour demande la mise en place d’un système de mesures et de suivi de
l’activité. Elle n’est pas utilisée que pour l’intéressé et sert également à
contrôler son travail, ce qui augmente le sentiment d’évaluation.
D’autres formes de management ont essayé de résoudre les diffi-
cultés venant d’un style directif direct et ont visé à mettre en place des
modèles participatifs et coopératifs. Dans le sillage de Lewin (1939),
qui opposait les styles autocratique, laisser-faire et démocratique, on
trouve les Bales (1958), Likert (1961), Blake et Mouton (1969), McGregor
(1969), qui ont chacun mis l’accent sur le climat, l’ambiance et les
styles relationnels. Mais les recherches ont aussi dépassé la personne
du leader pour traiter des modes d’organisation et rendre acceptables
les contraintes imposées. Parmi ceux-ci on peut citer (voir Lemoine et
Masclet 2007) :
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– L’enrichissement des tâches : il ne s’agit pas seulement d’augmen-


ter la variété des tâches pour rompre leur monotonie, mais, au sens
anglais de l’empowerment, d’augmenter le pouvoir d’intervention
des opérateurs.
– L’organisation apprenante : ce terme signifie que l’organisation
favorise l’apprentissage des salariés, qui est vu comme un inves-
tissement organisationnel. Cette orientation est liée à une culture
d’entreprise qui mise sur la motivation, l’adaptation et la valorisa-
tion de ses membres. Elle correspond aussi à ce qu’on appelle une
organisation qualifiante, car elle promeut le développement des
ressources humaines et leur qualification par des formations qui
débouchent sur un diplôme et permettent la promotion sociale.
42 Psychologie du travail et des organisations

– Le management participatif : pour dépasser les tentatives limitées


des « cercles de qualité » et des boîtes à idées, qui ne changent
pas suffisamment les rapports sociaux, Goguelin et Mitrani (1994)
ont proposé une méthode pour passer d’un mode directif à un
style participatif. En effet, devenir plus autonome, se gérer col-
lectivement, communiquer de façon réciproque ne se décrète
pas et demande une formation sur un plan organisationnel avec
recherche de consensus. D’autres formes de participation ont éga-
lement été tentées, notamment à partir d’équipes semi-autonomes
où les objectifs sont donnés tandis que les moyens et les méthodes
sont gérés en autonomie à l’intérieur de l’équipe. Mais la mise en
place s’avère souvent plus difficile que souhaitée, à l’instar des
expériences du fouriériste Godin, dès le xixe siècle, qui proposait
à ses ouvriers une quasi-autogestion alors qu’ils n’y étaient pas
préparés (Vacher et Lemoine, 1995), ce qui a suscité des conflits
internes par manque d’apprentissage culturel et de définition
claire des rôles de chacun.
Un des apports importants pour comprendre le fonctionnement des
organisations et intervenir sur elles est venu du courant misant sur la
détention et la gestion de l’information, vue comme une source de
pouvoir (March et Simon, 1954 ; Crozier, 1963). Garder l’information
revient à préserver ou à renforcer son pouvoir, il en est de même si l’on
contrôle une zone d’incertitude ou si l’on crée de l’incertitude pour
autrui. Cette analyse est pertinente pour comprendre le jeu stratégique
des relations entre les acteurs sociaux qui détiennent chacun une part
d’action et de contrôle. L’organisation n’est plus considérée comme
une structure mais comme un lieu d’échanges entre acteurs (Crozier
et Friedberg, 1977) dans un modèle systémique où chaque partie inter-
vient sur l’ensemble et modifie les équilibres, notamment par la négo-
ciation (voir Petit et Dubois, 1998).
Si l’information permet de maîtriser les relations sociales dans les
organisations, les moyens de l’obtenir sont encore plus importants.
L’observation d’autrui, source d’évaluation et d’analyse scientifique sur
les conduites, produit une connaissance sur autrui et de ce fait une
emprise qui devient un enjeu, tant pour les individus (voir encadré 1
p. 15) que dans le gouvernement des organisations (Argyris, 1968 ; Pagès,
1986 ; Lemoine, 1994a). Le recueil d’informations systématiques sur
autrui, facilité par les mémoires d’ordinateurs, et l’utilisation des résul-
tats issus des méthodes de cette prise d’informations par des moyens
directs comme les entretiens et les questionnaires, ou indirects comme
l’informatique, créent une emprise qui modifie les relations de travail.
Les salariés dans l’organisation 43

Ces sources de connaissances sur autrui accentuent et systématisent


notamment les évaluations et les contrôles. Et cela à tel point que ces
méthodes d’observation et d’évaluation sont devenues des nouveaux
moyens de management. Ils ont l’avantage de réduire le commande-
ment direct et de placer les individus dans une emprise permanente
provenant de la connaissance de leurs opinions, de leurs conduites et
de leurs actions. On a pu ainsi repérer et construire un nouveau style de
direction qui passe par le contrôle systématique de l’activité (Lemoine,
1994b). L’organisation utilise l’analyse psychologique pour renforcer
son autorité, et l’enjeu porte sur l’appropriation de ces informations
analytiques, et aussi des critères permettant de les recueillir, comme les
référentiels de compétences, les catégories d’évaluation, les modes de
calcul des données.

2.4 L’évaluation continue, les contrôles automatiques


et l’autonomie
L’autre versant de la direction par objectifs consiste à démultiplier les
contrôles et les évaluations à tous les stades de la production, notam-
ment à partir de référentiels, de grilles de mesure ou encore de maté-
riels informatiques. L’impulsion ne prend plus la forme d’ordres directs
dans une interaction de face-à-face, mais passe par des instruments de
notation qui rendent la relation indirecte, et partant perçue comme
moins autoritaire. On retrouve ici un phénomène rencontré à partir
de directives venant d’un écran d’ordinateur selon lequel l’obligation
de faire qu’il impose paraît moins contraignante et moins discutable
qu’un ordre transmis sous forme orale.
On obtient différentes formes d’évaluation continue qui visent à
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

intensifier le travail ou à obtenir un niveau de qualité élevée. Cette


tendance à l’application de procédures est déjà présente dans le style
bureaucratique et se retrouve accentuée lorsqu’on passe à une gestion
par objectifs qui est aussi plus centrée sur la performance.
Cependant, cette pression constante par évaluation perd de son effet
dans le temps ou suscite des réticences contre-productives en réduisant
de fait l’autonomie sur les moyens. Elle a tendance à se généraliser en
passant incidemment de l’évaluation du travail à l’évaluation des per-
sonnes. Cela entraîne des effets de comparaison sociale, le sentiment
d’être contrôlé de façon permanente et donc d’être suspecté à chaque
instant, ce qui réduit aussi le sentiment de confiance réciproque pour-
tant indispensable. L’évaluation alourdit aussi le climat, crée un esprit
44 Psychologie du travail et des organisations

de compétition contraire à un travail en équipe et modifie la relation au


travail, puisque tout le monde est amené à compter.
On trouve là un des effets négatifs adjacents du passage aux 35 heures
qui a parfois conduit à remettre en service des systèmes de pointeuses,
de badges ou de minuteries afin de vérifier que les horaires étaient res-
pectés. Mais par contre-emprise, chacun est aussi amené à compter et
à ne plus dépasser l’horaire exigé. Ce système de contrôle purement
comptable induit ainsi insidieusement de nouveaux rapports au tra-
vail : l’attention est focalisée sur le temps et, par contrecoup, il l’est
moins sur l’intérêt intrinsèque du travail.
Dans d’autres cas, le tableau de comparaison des performances entre
salariés qui avait été mis en place pour accroître l’esprit de compétition
et pointer du doigt les performances de certains et les manquements
des autres a été enlevé. Il suscitait plus de problèmes que d’efficacité,
en perturbant les relations de travail dans les équipes et en créant un
climat de tension permanente, contourné par un désintérêt porté au
tableau et une régulation interne du groupe vers la norme moyenne
pour diminuer les écarts interindividuels et les effets de zèle.
Ces systèmes d’évaluation et de contrôle ont conduit à mettre en
place de nouvelles formes de management qui vont à l’encontre du
courant des relations humaines, réduisent le soutien assuré aux sala-
riés et font appel à des processus psychologiques jusque-là non utilisés
dans les entreprises. En s’ouvrant sur l’extérieur, en travaillant selon les
objectifs et en devenant dépendantes du marché mondialisé, les entre-
prises ont augmenté les exigences du travail, tenues qu’elles sont par
les injonctions financières de rentabilité. Pour y faire face, de nouvelles
méthodes de management, plus agressives, sont apparues. Il ne s’agit
plus de mobiliser les salariés sur des dimensions psychologiques qui
leur permettent de s’épanouir mais de les placer en situation pour qu’ils
deviennent plus performants (Lemoine et Masclet, 2007).
Plusieurs techniques de management sont repérables pour mobili-
ser les opérateurs, y compris à leur insu. La principale est sans doute la
mise sous tension psychologique, notamment à partir d’une logique de
la peur, de la déstabilisation et de l’incertitude. Les moyens sont mul-
tiples : augmentation de la sélectivité à l’embauche, politique de gra-
tifications sous conditions drastiques de conformité à la demande par
appel d’offres, contraintes liées à la mobilité des emplois et des lieux
de travail, surcharges et urgence dans la réalisation d’une mission, exi-
gences de l’excellence, individualisation des performances, crainte des
évaluations couperets, etc.
Les salariés dans l’organisation 45

Masclet (2004) a présenté ces méthodes utilisées dans les organisa-


tions actuelles. On peut en indiquer quelques-unes :
– Le downsizing indique un « plan social » associé à une diminution
des effectifs pour dégager des gains de productivité et réduire les
coûts du personnel. Le nom commun connu est celui de « dégrais-
sage ». Les raisons invoquées sont celles de l’allégement bureau-
cratique et de la modernisation. Fréquente dans le secteur privé,
cette méthode est appliquée aussi dans les fonctions publiques,
étatiques, territoriales et hospitalières. Elle va de pair avec des
restructurations, des fusions d’entreprises ou de services, et des
mutualisations consistant à rassembler les moyens en un seul
endroit. Elle a comme corollaire d’insuffler la crainte de perte du
poste occupé. À l’expérience, il n’est pas sûr qu’elle atteigne ses
buts d’augmentation de la motivation et des performances. Mais
elle a tendance à rendre le travail moins attractif et risque d’entraî-
ner une réévaluation négative de l’attachement et de l’engagement
envers l’organisation. Et elle altère la santé, les conditions de tra-
vail, ainsi que l’image médiatique de l’entreprise ou de l’adminis-
tration.
– Le benchmarking consiste à rechercher en permanence les
meilleures pratiques afin de les adopter pour être plus compétitif,
s’améliorer et devenir le meilleur. Il s’appuie sur la comparaison
à autrui. En cela il n’est pas éloigné d’autres formules comme
la méthode des « champions » qui vise l’excellence, celle du
reengineering, qui cherche le juste-à-temps pour réduire les coûts
et augmenter la productivité, le « tableau de bord prospectif »
mesurant la performance financière mais aussi la satisfaction du
client, ou encore la recherche de la « qualité totale » qui demande
des procédures très définies et une implication de la direction
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

dans son pilotage.


Il ressort que ces différentes méthodes de management exigent une
mobilisation psychologique importante issue des demandes para-
doxales comme l’« obligation d’autonomie » et de responsabilité accrue.
Elles instaurent un climat de pression et de compétitivité y compris en
interne, augmentent le niveau d’exigence et laissent sur le côté ceux
qui réussissent moins. Le coût psychologique est donc important. Il est
source de stress, parfois de violences au travail, d’addictions diverses
ou de harcèlement dans le travail, ce qui peut conduire à l’épuisement
professionnel ou burn out, voire, dans des configurations négatives, au
suicide.
46 Psychologie du travail et des organisations

2.5 L’engagement organisationnel, fidélisation


et investissement personnel
Une autre forme de management repose sur le détournement ou la
manipulation de processus qui à l’origine sont des dimensions valori-
santes, comme le sentiment d’engagement ou le souhait d’autonomie.
Ces dimensions sont sollicitées mais au profit de l’entreprise, de sorte
qu’elles deviennent des obligations pour les personnes qui se trouvent
mises en première ligne et sont responsabilisées sans soutien du sys-
tème et à sa place. Gangloff (2012) décrit cet asservissement masqué qui
s’appuie sur une internalisation des règles, et Masclet (2000) souligne
que ce mode de management mobilisant des dimensions psycholo-
giques pour augmenter la performance entraîne aussi un accroissement
sensible du stress au travail.
L’engagement devient une notion à plusieurs facettes. D’un côté,
sur le plan organisationnel, il est recherché pour fidéliser le personnel
(Vandenberghe et al., 2003), réduire les absences et les départs (turnover)
et assurer un travail de qualité. De l’autre, il relève d’un investissement
personnel, qui tantôt peut devenir un piège en créant un sentiment
d’obligation à travailler toujours plus, tantôt s’apparente à une réali-
sation de soi. Mais, dans ce dernier cas, il est préférable d’employer la
notion d’implication au sens où la personne s’approprie son travail.
Le psychologue du travail se doit d’être attentif à ces différentes formes
de pouvoir, d’emprise et de contraintes qui prennent des allures plus psy-
chologiques, comme le sentiment de vivre sous observation, y compris
de machines automatiques, ou le sentiment de responsabilisation per-
sonnelle. Sa vigilance peut l’amener à proposer de réintroduire davan-
tage de soutien individuel, ne serait-ce que pour éviter des tensions ou
du stress permanent, qui sont en définitive nuisibles à chacun et qui
altèrent même l’efficacité tant recherchée.

3. La logique des compétences


et la formation professionnelle

3.1 De la logique de postes à la logique des compétences


L’un des changements organisationnels concernant les salariés porte
sur la mise en place de la logique des compétences. Il s’agit de passer
d’une définition du travail par postes à une gestion des compétences en
Les salariés dans l’organisation 47

fonction de la demande de production. L’intérêt est de ne plus être atta-


ché à un poste donné et d’avoir un travail plus diversifié à l’intérieur
d’une équipe visant un objectif. Mais la difficulté vient de la flexibilité
demandée et du flou relatif en termes de définition des compétences,
remplaçant la notion de qualification et les grilles de salaires correspon-
dantes (Thionville et Gilbert, 2012).
Les compétences ne font plus seulement référence aux diplômes mais
couvrent l’ensemble des capacités mises en œuvre pour résoudre un
problème. Au sens strict, elles ne peuvent donc être vérifiées qu’une fois
le travail réalisé, ce qui ne permet aucune inférence prédictive.
Dans la pratique, elles intègrent des dimensions difficilement quanti-
fiables et repérables par observation, comme le sens des responsabilités,
les valeurs liées au travail ou la motivation. Leur évaluation est ainsi
approximative, car associée à des jugements contestables, d’autant plus
que l’efficacité d’un travail dépend aussi des contraintes de l’organisa-
tion et ne peut donc être imputable au seul salarié. Il est possible, par
exemple, que quelqu’un ne puisse exprimer toutes ses compétences en
raison d’un climat de travail tendu, d’une évaluation continue peu sup-
portable ou d’un mode de travail trop parcellaire. Il est rare aussi qu’un
travail réussi dépende d’une seule personne car c’est souvent une coopé-
ration d’équipe qui intervient tandis que la récompense reste le plus
souvent individuelle, ce qui crée des injustices et des insatisfactions.
Les psychologues du travail sont sollicités pour réduire cette
approximation relative au repérage des compétences et pour fournir
des méthodes d’évaluation. Dès l’extension de la notion, Gilbert et
Thionville (1990) ont analysé cette demande et proposé des méthodes
qui passent par l’analyse du travail, la définition des compétences pour
chaque emploi, l’utilisation de tests standardisés et d’entretiens ciblés.
En fait il apparaît que cette notion de compétences, qui ne vient pas de
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la psychologie, répond à des demandes multiples qui vont de la sélec-


tion des candidats en cours d’embauche à la redéfinition des postes, et
à l’appréciation annuelle des salariés, leur mobilisation et leur orien-
tation en cours de carrière pour définir à la fois formation et promo-
tion. Pour tout cela, la notion est devenue centrale. Elle permet aussi de
mesurer l’écart entre compétences normatives requises et compétences
réalisées, donc de déceler les formations nécessaires, y compris pour
les cadres qui ont à acquérir des compétences managériales (Gilbert et
Thiébaud, 2004).
Les compétences entrent tout à fait dans le cadre de la gestion des
ressources humaines où il faut faire face aux imprévus en mobilisant le
personnel (voir Aubret, Gilbert et Pigeyre, 2002). Elles demandent donc
48 Psychologie du travail et des organisations

un niveau de formation suffisant pour résoudre les problèmes et être


performant (Lemoine, 2002a).

3.2 La formation professionnelle et le développement


des compétences
Le développement des compétences dépend notamment de la poli-
tique de ressources humaines des organisations. Il s’obtient par l’expé-
rience professionnelle et l’analyse des composantes du travail (Gilbert
et Thionville, 1990), mais il demande aussi le soutien d’un plan de for-
mation de l’entreprise.
Depuis 1971, le système de formation professionnelle réalisée sur le
temps de travail est implanté en France (loi Delors). Il offre des forma-
tions longues à partir du congé individuel de formation (CIF) ou des
formations plus courtes, soit organisées en interne par l’entreprise dans
le cadre de son plan annuel de formation, soit assurées par des centres
de formation publics, privés ou associatifs. Il permet une adaptation
aux changements techniques et organisationnels (Goguelin, 1995) ; il
contribue aussi à l’évolution des carrières et donne parfois au person-
nel le sentiment d’être plus associé au projet de l’entreprise, ce qui peut
favoriser, par ailleurs, le climat relationnel.
Les psychologues du travail, attachés aux services des ressources
humaines, y interviennent à plusieurs niveaux : pour repérer les attentes
et analyser les demandes de formation des salariés, pour organiser les
stages et le plan de formation, pour évaluer ce dernier et assurer le suivi
des stagiaires après la formation. Ils accompagnent ainsi le dévelop-
pement des compétences dans l’entreprise, aident à la préparation de
la validation des acquis de l’expérience et permettent aux salariés de
mieux piloter leur formation et leur parcours professionnel.
Le succès du dispositif et les changements économiques ont sus-
cité une évolution sensible de la place de la formation profession-
nelle. Considérée au départ comme un moyen de promotion sociale
et comme une seconde chance donnée aux salariés pour augmenter
leur niveau d’études, elle a favorisé les mutations, a permis l’adaptation
des compétences aux transformations techniques et a épaulé le passage
du travail agricole aux emplois industriels. Même lorsque la formation
ne débouchait pas sur une promotion, elle était perçue positivement,
apportait une ouverture et favorisait indirectement le climat social et
la motivation au travail. Ce sont des effets indirects non négligeables
(Lemoine, 1993).
Les salariés dans l’organisation 49

Par exemple, une banque proposait une formation de psychologie de


l’enfant. À première vue cela semble éloigné du travail des préposées au
guichet. Pourtant l’analyse du système a permis de mettre en évidence
une régulation interne jouée par cette formation, chaque partie étant
gagnante : les personnels très majoritairement féminins y trouvaient
une façon de concilier leur travail et leur statut de jeunes mères, et de
diminuer la tension entre ces deux valeurs opposées ; et la direction
montrait qu’elle se souciait de ses employées tout en n’ayant pas à gérer
une demande de promotion que la formation ne permettait pas. Au
final, cette formation était satisfaisante pour tous et tendait à améliorer
le climat de travail.
Cependant, en fonction de la situation économique et du problème
récurrent de l’emploi, la formation d’adultes a été amenée à jouer de
nouvelles fonctions et, notamment, celle de traitement social du chô-
mage. Elle a été alors associée à une activité d’attente ou de soutien pour
personnes en difficulté, et son image s’en est trouvée moins valorisée.
En outre, la conjoncture a permis aux entreprises de trouver plus faci-
lement sur le marché des compétences nécessaires sans passer par le
détour de la formation en interne.
Enfin, la pression de la rentabilité a accentué ce phénomène et a
contribué à considérer de plus en plus la formation comme un inves-
tissement ordinaire dont il faut réduire les coûts et optimiser les béné-
fices. Ces différents facteurs ont conduit à repositionner les formations
en entreprise sur des objectifs à court terme, à les limiter dans le temps
tout en les spécialisant sur des dimensions nouvelles et à les évaluer afin
de vérifier leur niveau de transfert et d’efficacité en entreprise (Lemoine,
2000b). La formation d’adultes est donc devenue un produit marchand
et subit de ce fait les fluctuations du monde économique.
Malgré ces changements de perspective, la formation reste une source
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d’adaptation aux changements. Si elle doit répondre plus étroitement


aux demandes de l’entreprise, on sait aussi que sa transférabilité dépend
pour une part importante du mode d’organisation qui doit permettre
son application. Dans ce cadre, la gestion par les compétences peut
redonner une place de choix aux formations en entreprise, à condition
que celles-ci soient finalisées et choisies avec les intéressés dans le cadre
d’un projet d’entreprise mais aussi personnel. On retrouve ici l’intérêt
des bilans de compétences comme préparation à l’accès à une formation
bien ciblée et correspondant à la fois à l’attente du salarié et à l’intérêt
de l’organisation. C’est sans doute la condition d’une appropriation du
savoir professionnel et d’une réussite de la démarche engagée.
50 Psychologie du travail et des organisations

Actuellement, la formation continue, appelée aussi « formation tout


au long de la vie », se trouve dans une phase peu propice à son déve-
loppement. Plusieurs facteurs ont limité son extension, l’apogée du
nombre d’heures de formation en France renvoyant à 1995. Les restruc-
turations et les nouvelles formes de management ont donné priorité
à la recherche de personnels déjà formés, pris en intérim, en contrat
à durée déterminée ou demandés chez des sous-traitants, plutôt qu’à
la formation en interne dans le cadre d’une promotion. L’absence de
vision à long terme des entreprises, l’accroissement des licenciements
liés aux crises successives, et l’image négative venant d’une gestion par-
fois contestée et d’une impossibilité de mesurer les gains immédiats ont
limité l’accès à la formation professionnelle et accentué les formations
courtes et non diplômantes au détriment des autres.
Cependant la demande de formation reste forte, mais elle est davan-
tage renvoyée au niveau des décisions des individus. La loi sur le droit
individuel à la formation (DIF) de 25 heures par an, pris en charge par
l’entreprise, est à la fois une reconnaissance de la nécessité de se former
et une confirmation des limites actuelles. C’est aussi le cas pour la vali-
dation des acquis de l’expérience (VAE), qui peut rentrer dans un plan
de formation d’entreprise mais qui demande un engagement person-
nel important hors temps de travail. Il n’est pas si facile de repérer ses
compétences, de les présenter et de les transformer en diplôme (Aubret
et Gilbert, 2003). Cela entraîne des abandons par manque de soutien et
d’accompagnement (Bernaud, Ardouin, Leroux et Declercq, 2009).
Des recherches en psychologie du travail ont également pour but
de déceler les facteurs qui facilitent l’entrée en formation profession-
nelle, en termes de projet et de décision, dans le cadre du modèle du
comportement planifié (Lagabrielle, Vonthron et Pouchard, 2008). Des
variables de motivation intrinsèque et d’automotivation se combinent
à des éléments de contextes plus ou moins favorables comme les résul-
tats attendus dans le travail sous forme de performance ou d’évolu-
tion du statut (Battistelli, Lemoine et Odoardi, 2007). D’autres études
mettent en évidence les facteurs qui contribuent au maintien en forma-
tion (Vonthron, Lagabrielle et Pouchard, 2007) en fonction de détermi-
nants motivationnels et sociaux. Les difficultés viennent souvent d’un
manque de soutien institutionnel. Il est ainsi nécessaire de se motiver
par soi-même, ce qui est typique des situations d’autoformation (Sylin
et Jamaoui, 2008).
D’autre part, des travaux en psychologie du travail sont réalisés autour
du passage entre les études initiales et le milieu professionnel. Un pre-
mier type d’études porte sur les situations mixtes où l’étudiant doit tra-
Les salariés dans l’organisation 51

vailler pendant son cursus mais où il découvre aussi l’entreprise par les
stages, cherche à s’orienter sur le plan professionnel et construit peu à
peu son identité en fonction des expériences dans le travail (Cohen-
Scali, 2010). Un second champ d’études concerne une possibilité qui se
développe : la formation en alternance, pendant laquelle l’apprenti est
déjà engagé à mi-temps dans l’entreprise tout en étant inscrit en for-
mation. Se posent notamment les questions de l’évolution de l’identité
professionnelle (Cohen-Scali, 2000) et du rapport à l’apprentissage et
au savoir pour des personnes souvent en échec auparavant (Courtinat-
Camps et Fourchard, 2011).

3.3 La gestion prévisionnelle des emplois


et des compétences
Les essais actuels montrent que l’ajustement des compétences ne peut
se limiter à une adaptation technique. Il s’appuie sur une organisation
souple, qui est capable de promouvoir de nouveaux apprentissages et
qui pousse à l’investissement des personnes. On l’appelle parfois orga-
nisation « apprenante », mais c’est au sens où elle incite les salariés
à apprendre, et à accroître leurs compétences. Il s’agit de construire
des savoirs en situation de travail, notamment à partir du tutorat, les
tuteurs transmettant leurs acquis pour professionnaliser les autres, et à
partir d’une analyse des pratiques qui permette l’autoformation.
Toutefois, si le modèle est séduisant et semble réduire les coûts de
formation, il faut éviter de croire à la pierre philosophale. Les tuteurs
deviennent peu à peu formateurs et changent de métier et de statut,
ce qui n’est pas gratuit. Et apprendre l’autoanalyse des pratiques ne
s’invente pas. Il faut s’en donner les moyens méthodologiques (voir cha-
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pitre V) et apprendre à analyser ses compétences sur site. Cela demande


aussi de cultiver certaines valeurs comme la confiance, l’autonomie, un
climat de soutien, et dépend d’un choix d’organisation qui limite les
contrôles permanents. Toutes ces conditions ne sont pas très souvent
observées.
En fait, la gestion des emplois s’est surtout développée ces dernières
années à partir de la prise de conscience de la pyramide des âges. Pour-
tant, la gestion prévisionnelle des compétences ne peut se réduire à
cela. Elle demande d’abord de répertorier les compétences mises en
œuvre dans le travail, ce qui suppose une analyse fine de l’activité réelle
et une définition des objectifs opérationnels. Cette information peut
aider à mieux répondre aux problèmes quotidiens, mais elle reste insuf-
52 Psychologie du travail et des organisations

fisante pour prévoir les évolutions qui dépendent de facteurs largement


extérieurs au mode d’organisation en place.
La gestion des compétences à moyen et long termes devient de plus
en plus une source de préoccupation en fonction de la perspective des
départs d’une tranche d’âge importante en nombre et de l’aménage-
ment de l’accès à la retraite. Cependant, il n’est pas sûr que les organisa-
tions, même importantes, sachent gérer le long terme. Par exemple, les
pratiques bien ancrées en France depuis la crise économique de 1973 et
le recul de l’industrie lourde (mines de charbon, sidérurgie) ont consisté
à développer les départs anticipés sous différentes formes. On se trouve,
par conséquent, devant un paradoxe selon lequel il est utopique de trou-
ver un emploi après 50 ans au moment où il est question de rééchelon-
ner les départs à la retraite. Parfois la gestion prévisionnelle des emplois
et des compétences (GPEC) est utilisée pour restructurer les emplois
et les réduire en nombre afin de diminuer des coûts, plutôt que pour
mettre en place les compétences nécessaires. Au lieu de voir chez les
salariés une somme de ressources humaines, l’orientation managériale
consiste à les considérer comme un coût financier, ce qui nuit à l’image
de la GPEC, qui devient alors un moyen détourné de licencier.
Dans un sens proche, une étude réalisée récemment dans un sec-
teur « recherche » de la Fonction publique fait apparaître que les pré-
occupations portent plus sur la gestion actuelle des plus anciens, leur
mode d’insertion et le maintien des équipes que sur l’anticipation des
départs, ce qui indique la difficulté de se projeter dans un avenir à
moyen terme. Sans doute ces problèmes complexes et tributaires de la
conjoncture économique donneront-ils lieu à des modifications sen-
sibles dans la façon même de concevoir le travail et d’assurer les transi-
tions transgénérationnelles.

4. Les équipes de travail

Les entreprises se modifient également en organisant le travail en équipe,


ce qui change le système d’autorité et réduit la ligne hiérarchique, tout
en augmentant la diversité des tâches, le sentiment d’autonomie sur les
moyens et la coopération entre les salariés. Pour la direction, le principe
général est de fixer les objectifs et de permettre l’organisation interne
de l’équipe sur les procédures. Le responsable ne reste plus extérieur,
mais anime l’équipe de l’intérieur et veille à coordonner les activités et
à assurer les approvisionnements. Il utilise aussi des référentiels et des
Les salariés dans l’organisation 53

évaluations pour suivre le déroulement des opérations et atteindre les


normes de qualité, ce qui évite une relation directe de commandement
(Lemoine et Fresnois-Flandre, 1996).

4.1 Une nouvelle façon de travailler


Les équipes de travail présentent plusieurs avantages. Pour l’entreprise,
elles permettent une augmentation de l’efficacité et un rendement plus
élevé (Savoie et Brunet, 2012). Elles renouvellent les rapports d’autorité,
limitent l’absentéisme car l’équipe doit s’organiser en interne pour réali-
ser les objectifs fixés, et suppriment le travail par poste, chaque équipier
devenant polyvalent. Pour les salariés, elles apportent une diversifica-
tion des tâches, une meilleure perception des objectifs communs et un
climat de solidarité dans l’équipe (Brunet et Savoie, 1998). Il en résulte
que l’organisation repose moins sur des règles formelles et davantage
sur des relations informelles internes. On obtient ainsi plus de soutien
et plus de motivation dans le travail, chaque opérateur étant porté à
tenir sa place dans l’équipe.

4.2 Autonomie et interdépendances


Cependant, cette forme d’organisation, fondée sur des équipes semi-
autonomes, n’a pas que des avantages. Elle demande d’abord que les
équipiers sachent se coordonner, ce qui suppose une formation, et
n’entrent pas en conflit entre eux. La recherche d’un objectif commun
peut y contribuer mais n’est pas toujours suffisante, et les études avan-
çant la réussite du système ne peuvent tenir compte que des équipes qui
fonctionnent, les autres n’existant plus.
En dehors de cela, le système semble paradoxal : s’il est exact qu’il
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induit davantage d’autonomie dans le travail par une diversité des


tâches, une entraide plus grande et une réduction de la ligne hiérar-
chique, il accroît aussi les exigences et l’interdépendance entre les
membres, qui se sentent obligés de travailler plus pour préserver leur
équipe. On peut ainsi avancer que cette formule déplace la question de
l’autorité en induisant plus de régulations internes à l’équipe et moins
d’ordres venant de l’extérieur.
Le fonctionnement fondé sur les équipes de travail demande aussi
d’assurer une formation pour les chefs d’équipe. Ceux-ci ne sont plus
des contremaîtres qui restent extérieurs au travail des opérateurs, mais
deviennent des animateurs qui coordonnent l’activité à l’intérieur même
54 Psychologie du travail et des organisations

de l’équipe. Ils se trouvent donc directement sur le terrain et peuvent


interagir avec les opérateurs, qui trouvent ainsi un interlocuteur immé-
diat. Mais, de ce fait, ils sont aussi dans une situation moins protégée,
ils doivent répondre aux demandes des équipiers et gérer les relations
interpersonnelles au jour le jour. Par ailleurs, ils ont aussi à s’adapter à la
gestion par objectifs qui s’appuie sur l’utilisation de grilles et de référen-
tiels à remplir pour assurer les contrôles. Ce fonctionnement qui réduit
les interactions verbales directes tend à réintroduire, voire à accentuer,
les procédures à suivre et les normes à respecter.
Par exemple, dans une entreprise de construction de voitures, la
mise en place progressive de petites équipes de travail vise à diversifier
les tâches, à assurer les remplacements en cas d’absences, et à motiver
l’équipe. Mais il reste cependant difficile de supprimer le système de
chaîne et le travail par poste, même si une certaine polyvalence est ren-
due possible.
D’autre part, l’efficacité d’une équipe dépend aussi de l’entente
interne. Il est donc nécessaire d’assurer une formation à la gestion
d’équipe. Par exemple, dans une comparaison entre deux équipes de
formation, il est apparu que le niveau d’expérience et de qualification
individuelle plus importante de chacun n’était pas associé à un niveau
plus élevé de coordination et d’échange dans l’équipe. La compétence
individuelle ne suffit pas à garantir une compétence d’équipe (Cléty et
Lemoine, 2008).
Le psychologue du travail peut intervenir de plusieurs manières à
propos des équipes de travail, soit auprès des responsables en termes
de formation à la direction d’équipe, soit auprès du groupe afin de le
suivre et d’analyser avec lui le niveau de coopération dans le travail, ce
qui assure une rétroaction régulatrice, soit encore auprès des individus
pour les aider à gérer leurs problèmes personnels.

5. L’évaluation

5.1 De l’évaluation des personnes à l’analyse


des situations
Le thème de l’évaluation est récurrent actuellement : dans le recrute-
ment, les bilans d’année, les normes de qualité, les processus de pro-
duction, la mesure des performances, la formation, le travail en équipe.
Les salariés dans l’organisation 55

Cela demande aux psychologues non seulement de construire des ins-


truments de mesure, des référentiels ou des tests, informatisés ou non,
mais aussi de traiter le problème dans son ensemble.
La demande d’évaluation est liée à un souci de performance. Elle
va de pair avec la compétition et la comparaison à autrui, qui portent
directement sur les personnes et non seulement sur les produits. Inhé-
rente au style d’organisation par objectifs, elle est associée à un accrois-
sement des contrôles. Cependant, si elle tend à aiguillonner l’activité,
elle provoque aussi des réactions en retour, ou contre-emprises, qui
visent à limiter les contraintes, et elle risque de détériorer le climat et
les relations de coopération. Dès lors, elle est à manier avec précaution,
d’autant plus qu’elle se cache derrière des observations systématiques
et continues.
Depuis quelques années les procédures d’évaluation augmentent en
fréquence. Il apparaît une nouvelle classe d’intervenants : les experts,
qui ont comme caractéristique principale de se placer au-dessus des
autres et de les juger dans leur activité ou dans leur institution. Ils sont
en général désignés par la hiérarchie et de ce fait prennent un ascendant
sur leur milieu et exercent une emprise d’autant plus importante qu’ils
émettent des rapports ayant une incidence directe sur l’existence même
des structures et des emplois qu’ils évaluent. Là où fonctionnait une
collégialité horizontale prend place une nouvelle forme de hiérarchie
qui médiatise l’organigramme existant, protège le pouvoir en place et
le renforce en le légitimant. Les temps ont changé : les mêmes milieux
psychologiques qui fustigeaient les activités de recrutement pour cause
du tabou de la sélection, dans les années 1970, sont devenus les adeptes
du tout évaluatif, ce qui leur permet d’établir leur supériorité et de
maintenir leur pouvoir sur autrui, par le truchement des évaluations de
structures qui retombent en fait sur les personnes qui les animent.
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Par rapport à ces situations nouvelles qui se sont répandues notam-


ment dans la gestion des administrations (hôpitaux, écoles, universités,
laboratoires, instances centrales et territoriales) le psychologue du tra-
vail se doit de distinguer encore davantage les processus d’évaluation
et d’analyse qui sont le plus souvent associés mais différents, dans les
processus comme dans les effets.
L’analyse d’une situation consiste à repérer les différents facteurs
qui interviennent et donc à augmenter le niveau d’information et de
connaissance des processus en jeu. Elle peut être l’occasion d’échanges
où les divers acteurs apportent des éléments pour mieux comprendre ce
qui se passe. Dans la mesure où cette analyse est partagée et réciproque,
56 Psychologie du travail et des organisations

elle aide à la communication et à la coopération dans le travail pour


mieux atteindre un but. Elle induit aussi une information en retour sur
l’activité réalisée et facilite ainsi sa régulation.
Mais cette démarche d’analyse méthodique est trop souvent associée
à celle d’évaluation qui entraîne un jugement de valeur sur les per-
sonnes et conduit à rechercher la faute, soit le responsable. L’analyse
est alors en quelque sorte détournée de son but ; elle est utilisée pour
comparer les gens entre eux ou par rapport à une norme donnée. Cette
prégnance de l’évaluation conduisant à distribuer des notes, bonnes ou
mauvaises, des récompenses ou des sanctions, produit des effets contre-
productifs. Alors qu’elle est supposée accroître la motivation au travail,
elle entraîne des phénomènes spécifiques négatifs.
Se trouver sous observation systématique, se voir prendre des infor-
mations sur sa façon de travailler ou sur ses caractéristiques personnelles
comme ses compétences concerne directement la personne, la met en
cause et produit des conduites qui tendent à réduire ou à invalider cette
emprise par investigation. C’est encore plus net lorsque la finalité per-
çue de l’opération n’est pas claire ou comporte un risque pour l’image
de soi (Lemoine, 1994a). Cela débouche sur diverses tentatives pour
limiter l’emprise évaluative, et, finalement, le sentiment d’être contrôlé
en permanence produit des tensions, des insatisfactions et des perfor-
mances moindres.
On a montré notamment que c’est moins l’évaluation elle-même qui
améliore le niveau d’activité que les informations en retour et la prise
de conscience, par autoattention, de la façon dont on obtient les résul-
tats (Lemoine, 1995a). Il est donc important de dissocier ce qui relève
de l’évaluation (par exemple, donner une prime pour un bon travail)
et ce qui concerne l’analyse des situations ou des pratiques, qui facilite
les communications et apporte de l’information sur la méthode de tra-
vail.
L’un des facteurs qui distingue l’analyse de l’évaluation est la connais-
sance des critères. À défaut, l’observation devient générale et induit
l’impression d’un jugement de valeur sur l’ensemble de la personne. La
centration sur un ou quelques critères focalise l’attention sur un élément
de la conduite et permet de le maîtriser davantage. Un autre facteur
favorable à l’analyse est de mettre les personnes en situation d’obser-
vateurs dans le but de décrire l’activité visée, ce qui déplace l’attention
et limite l’aspect affectif global. Mais encore faut-il aider à réaliser cet
objectif en apportant un schéma d’analyse méthodique sur les points à
observer. Ces conditions ont été expérimentées dans des stages de for-
mation (Lemoine, 1998b) et ont permis de constater un niveau d’acqui-
Les salariés dans l’organisation 57

sition plus élevé associé à plus d’aisance, plus de confiance et moins


d’inquiétude et de contraintes. On rejoint ici la nécessaire formation
à la réflexion sur soi et sur ses pratiques que l’on trouve en acte dans
la démarche des bilans de compétences et qui apporte une meilleure
connaissance de ses conduites.

5.2 Le recrutement
Le recrutement est souvent perçu, y compris chez les psychologues,
comme une activité de sélection, connotée négativement et sujette à
erreurs. Il faut, néanmoins, dépasser ces idées trop simples faisant croire
qu’il suffit de supprimer les tests pour éliminer le problème. Le recrute-
ment est, au contraire, à considérer comme une activité stratégique qui
permet d’associer de nouveaux collaborateurs apportant des compé-
tences nécessaires au développement de l’entreprise.
Il s’ensuit que le recrutement se prépare par une analyse détaillée de
la demande de compétences nouvelles. Celle-ci peut alors être satis-
faite soit par une promotion des compétences en interne, soit par la
recherche de personnes extérieures. Dans ce cas, la situation de recru-
tement varie sensiblement en fonction du nombre de candidats, et le
niveau d’emprise peut s’inverser en faveur de l’un ou de l’autre pôle : il
est favorable à l’employeur si l’offre de compétences est abondante, et
au candidat s’il propose des compétences très recherchées. Cela signifie
que le rapport n’est pas toujours unilatéral. Il gagne même à être réci-
proque, car si l’employeur cherche un nouveau collaborateur, étudie ses
compétences et prend le risque de choisir une personne qui semble cor-
respondre au profil souhaité, le candidat doit aussi recevoir des infor-
mations sur l’entreprise pour savoir si l’emploi proposé va lui convenir.
Un entretien d’embauche est donc un échange avant contrat et non
une prise d’informations évaluatives par un seul des pôles en présence.
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De même, l’image du recrutement ne peut se limiter à une passation


de tests. Il s’agit en fait, pour chacun des pôles, de vérifier si le couple
« emploi offert – compétences proposées » convient. Il faut noter que
cette opération réciproque a tout intérêt à se gérer au niveau des compé-
tences et non de la personnalité : l’objectif n’est pas de savoir si l’on va
bien s’aimer en fonction de son caractère, mais il est de réaliser un tra-
vail et de coopérer.
Afin de vérifier si ces conditions sont remplies, il est souhaitable de
faire appel aux services d’un professionnel de la psychologie. Celui-ci,
après une étude de poste, pourra s’appuyer sur une batterie de tests pour
s’assurer des compétences des candidats. Dans ce cadre, les tests restent
58 Psychologie du travail et des organisations

des instruments de mesure qui ont l’avantage de se référer à des critères


explicites, définis et vérifiables. Ils évitent aussi de réaliser des choix au
jugé ou liés à des relations préétablies, et de se fier aux apparences en
fonction de stéréotypes sociaux. Malgré leurs limites et les distorsions
possibles, souvent étudiées en psychologie (Delobbe, 2003), ils sont plus
fiables que des méthodes ésotériques ou que la graphologie, employée
presque uniquement en France, là où les tests ont été le plus contestés.
Les recherches en psychologie du travail portent sur des thématiques
multiples (voir Laberon, 2011). Les unes concernent la validation des
procédures et la validité des techniques d’évaluation, d’autres explorent
les distorsions de perception d’autrui liées aux théories implicites, aux
stéréotypes et aux normes sociales dominantes qui sont susceptibles
d’entraîner des discriminations (par exemple Desrumaux, 2005). On
peut citer la norme d’internalité, la norme d’allégeance, la norme de
beauté. Il est en effet important que l’apport des psychologues puisse
réduire ces erreurs afin de montrer l’intérêt de leur intervention et de
leur conseil, et assurer une justice procédurale (Steiner, 2000 ; Steiner et
Touzé, 2004). Des études sur les pratiques des recruteurs, sur les profils
recherchés ou rejetés (Laberon et Vonthron, 2008) et sur les méthodes
utilisées permettent de prendre conscience des pratiques et de les amé-
liorer. Il faut notamment dépasser l’attirance pour les profils de per-
sonnalité, souvent stéréotypés et peu efficaces, et préférer l’analyse des
emplois et de la demande, et la centration sur les compétences recher-
chées pour assurer les fonctions attendues.
Il est donc nécessaire, pour identifier les enjeux et les objectifs du
recrutement, d’aller à l’encontre d’idées trop répandues, de sortir des
représentations trop négatives sur les tests et sur l’activité de recru-
tement en général. Celle-ci ne se réduit pas à choisir le profil idéal,
mais consiste à repérer les personnes qui conviennent le mieux pour
un emploi donné, sachant qu’en définitive, c’est l’employeur et non
le conseiller ou le psychologue qui décide. Elle s’intègre à une poli-
tique d’entreprise, prend en considération les personnes et leur permet
même, dans des conditions favorables, de mieux se situer en précisant
leurs compétences.
Le conseil en recrutement comprend plusieurs facettes et concerne
différents types de populations : selon le cas, il s’agit de trouver des gens
pour un travail spécialisé, de repérer les compétences pour une mission
donnée ou même de rechercher de nouveaux postes pour un groupe de
personnes en licenciement (ce qu’on appelle l’outplacement).
Et l’intervention du conseiller ne s’achève pas avec la fin du recru-
tement. Il faut encore permettre l’intégration du nouvel arrivant, ce
Les salariés dans l’organisation 59

qui suppose lui faire une place, l’associer à une équipe, lui proposer un
travail ayant du sens, etc. Il n’est pas pertinent, en effet, de dépenser
beaucoup d’argent pour trouver la personne supposée idéale si elle ne
reste pas en raison d’un manque d’intégration !
Il apparaît donc qu’une opération qui n’est en rien réservée aux psy-
chologues – tout le monde peut embaucher – gagne en efficience si le
repérage des compétences attendues se prolonge, à l’arrivée, par leur
gestion en fonction de leur adéquation à l’emploi offert. Il s’agit ainsi
d’une démarche qui se prépare par analyse de l’emploi et de la demande,
se gère sur des objectifs clairs, et se poursuit par une phase d’intégration
où il est tenu compte des points de vue des différents partenaires, sala-
rié et entreprise.

5.3 Présentation de soi et employabilité


D’autre part, de nombreux travaux portent sur les situations qui font
appel aux méthodes psychologiques, tests, entretiens, questionnaires
ou encore quelquefois à la présentation orale de soi.
On peut se placer du côté de l’évaluateur, des difficultés qu’il rencontre,
des précautions qu’il prend pour éviter les distorsions et les biais systé-
matiques, de ses erreurs d’appréciation et des critères qu’il élabore pour
les réduire (voir Guingouain, 1999 ; Bernaud, 2007). En particulier, il faut
penser à deux types d’erreur : celle qui consiste à prendre quelqu’un qui
ne convient pas, la plus disponible à l’esprit, mais aussi celle qui revient
à ne pas prendre une personne qui convient, qui correspond à l’erreur de
type bêta en statistiques et se trouve trop souvent oubliée.
On peut aussi se placer du côté de l’évalué et des moyens dont il se
sert pour se présenter d’une façon normative ou valorisée, pour détecter
les critères pertinents en jeu ou pour avoir un discours personnalisé. On
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se trouve, en effet, dans une situation d’emprise où chacun cherche à


savoir ce que l’un pense de l’autre.

Encadré 5
Recherche d’indices
On a vérifié, par exemple, que le sujet recherchait quel sens avait ce qu’on
lui demandait et comment répondre pour donner une image positive de lui
(Lemoine, 1995b). Dans une expérience mettant en œuvre une illusion per-
ceptive, il est apparu que le sujet faisait attention à sa conduite quand celle-ci
était évaluée et indiquait une dimension de sa personnalité, ce qui augmentait Á
60 Psychologie du travail et des organisations

Â
sensiblement le temps de réponse. Mais cet allongement ne permettait
d’améliorer la réponse dans le sens d’une meilleure image de soi que si l’inté-
ressé connaissait le critère pertinent. Dans une autre partie de l’expérience,
il apparaissait que le sujet n’attendait pas de recevoir cet indice, mais recher-
chait par lui-même ceux qui étaient disponibles. Aussi, en repérant l’existence
d’un chronomètre, il réduisait son temps de réponse, pensant que la vitesse
était un critère et qu’elle valorisait le répondant. Ainsi, dès qu’une informa-
tion est disponible, il tente d’autoréguler sa conduite en s’appropriant le sens
supposé de la mesure afin de maîtriser l’image de lui qu’il donne à autrui.
Cependant, dans d’autres situations moins favorables, où l’intéressé était
invité à se présenter en donnant des informations orales sur lui, on a montré
que le sujet se décontenançait, ne savait comment s’y prendre et multipliait
les hésitations et les ruptures dans le discours, au point de ne plus savoir le
poursuivre.

Ces recherches portent à reconsidérer la façon de gérer les situa-


tions de présentation de soi, comme elles peuvent exister au cours d’un
recrutement. En effet, il n’est pas sûr qu’il soit préférable de mettre les
gens en difficulté, ce qui arrive lorsqu’on ne leur donne pas d’informa-
tion sur les critères utilisés. Cette situation difficile change la donne et
n’aide pas à observer la conduite en situation habituelle. Elle permet
seulement de vérifier que la personne y est sensible et qu’elle perd ses
capacités de réponse, ce qui n’est pas l’objectif principal recherché.
Plusieurs expérimentations ont montré que les sujets placés sous
observation cherchaient à améliorer leur présentation devant autrui
mais que ce n’était pas possible s’ils ne savaient pas sur quoi porter
leur attention et qu’ils étaient encore plus déstabilisés quand ils rece-
vaient une évaluation négative sur eux : le discours est plus hésitant et
s’arrête plus vite (Lemoine, 1989). Ils étaient en revanche plus à l’aise
en s’exprimant davantage et en corrigeant un aspect formel de leur dis-
cours quand ils avaient eu connaissance de cet élément à gérer.
Dans une autre expérience (Lemoine, 1997b), des étudiants de filière
technico-commerciale (bac +2), amélioraient sensiblement leur présenta-
tion de soi s’ils avaient répondu auparavant à un questionnaire les invi-
tant à réfléchir sur des critères formels du discours observés dans un clip
du même genre, par comparaison au seul visionnement. Ils formulaient
plus de propositions personnalisées, organisaient davantage leur discours
par des liens logiques et imitaient moins la vidéo. La régulation de l’auto-
attention à partir de l’appropriation des critères placés dans le question-
naire a permis de mieux élaborer le discours et de le personnaliser.
Les salariés dans l’organisation 61

D’autre part, une étude plus ciblée (Lemoine et Vivien, 2004) oppo-
sait, dans deux questionnaires différents remplis avant présentation de
soi, des questions évaluatives globales portant sur l’appréciation de sa
propre personnalité à des questions analytiques précises sur des aspects
formels du discours d’autoprésentation, tandis qu’un groupe témoin
n’avait pas de questionnaire à remplir. Là encore la focalisation de
l’attention sur la forme de son discours a entraîné une diminution des
hésitations et de l’embarras verbal, des phrases plus complètes et un
plus grand nombre d’informations données.
Ces expériences montrent à la fois que la situation consistant à se
présenter est difficile à vivre et à gérer, mais qu’elle peut être améliorée
et mieux maîtrisée lorsque des indices analytiques ciblés sont acces-
sibles, tandis qu’elle est plus déstabilisante sous emprise évaluative.
Cette réflexion ouvre sur une autre question : que cherche-t-on à
montrer de soi quand on doit se présenter à autrui ? Si c’est une image
qui correspond aux attentes sociales en matière de compétences, il vaut
mieux alors en tirer parti et considérer la capacité d’adaptation, plutôt
que de se plaindre d’un biais de désirabilité. Dans ce cas, il serait mieux
d’indiquer explicitement les critères plutôt que d’essayer de les cacher, ce
qui permettrait d’observer le niveau d’adaptation et non plus de recher-
cher une illusoire constante de la personnalité, qu’on sait être altérée
par la difficulté de présentation de soi. Cette information permettrait
aux personnes de se préparer, d’être plus à l’aise et de montrer comment
elles ont intégré les critères en question. L’observation recueillie devien-
drait alors pertinente à la situation, et l’exercice demandé répondrait
davantage aux exigences des normes déontologiques. C’est dans ce sens
que Pasquier (2004) propose une « évaluation dynamique » qui n’est
plus un diagnostic couperet mais le lieu d’un apprentissage permettant
à l’intéressé de repérer ses propres compétences, y compris sa capacité
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à apprendre.
Il en résulte que ces situations impliquantes de présentation de soi
sont un lieu privilégié pour étudier les conduites. Elles sont aussi sus-
ceptibles d’être préparées par les intéressés si on les aide à focaliser leur
attention sur des critères pertinents, et deviennent dès lors un temps
d’apprentissage et de clarification de la relation à soi dans une rela-
tion sociale. Cela nous renvoie à la démarche étudiée dans les bilans de
compétences.
Maintenant, si l’on vise à vérifier un niveau d’employabilité, notion
contestable car elle dépend aussi de l’offre qui existe plus ou moins, il
faut introduire des critères de socialisation et de normalisation et non
62 Psychologie du travail et des organisations

plus seulement de compétence professionnelle. Quant aux critères de


personnalité, on sait qu’ils sont très peu corrélés avec les caractéristiques
des emplois (Bernaud, 1998), qu’ils sont fluctuants et donc souvent peu
pertinents tout en étant difficiles à saisir. Il reste, cependant, à chercher
les raisons pour lesquelles on les prise autant.

5.4 Les bilans d’année et l’évaluation du personnel


Les bilans d’année sont aussi des moments qui font appel aux proces-
sus d’évaluation. Ce sont des dispositifs internes à une entreprise qui
mettent en contact les salariés avec le niveau supérieur (n + 1), afin de
discuter sur le travail, les difficultés rencontrées, la définition des tâches
et l’évolution de leur carrière.
Le problème vient surtout de la multiplicité des objectifs visés. Le
risque principal est de cumuler l’analyse des situations de travail et
l’évaluation des personnes. De ce fait, la communication et les avan-
tages d’une information en retour pour chacun des deux pôles en
présence sont altérés par les questions d’évaluation associées aux
primes potentielles, aux augmentations de salaire ou au changement
de catégorie. Comment, en effet, coopérer à l’étude d’une procédure
de travail à améliorer si l’on se demande comment on va être évalué à
partir de ce que l’on dit ? Et le supérieur évaluateur risque à son tour
d’être évalué.
Ces rencontres sont souvent problématiques pour tous. Le supérieur,
qui n’est pas un spécialiste de l’entretien, cherche surtout à éviter de
mécontenter l’évalué, avec qui il va encore devoir travailler par la suite.
Et celui-ci craint d’être noté ou de perdre une prime, ce qui ne favo-
rise pas la communication et l’échange serein des informations sur la
méthode de travail ou les difficultés rencontrées (voir Romano, 1998).
La difficulté est surtout liée à la crainte d’une évaluation au mérite. A
priori, il est en effet préférable que ceux qui travaillent davantage soient
récompensés selon leurs mérites, afin qu’ils continuent à travailler plus.
Mais c’est méconnaître certains processus psychologiques. D’abord,
c’est supposer que les gens qui travaillent bien le font pour obtenir une
récompense. La prime vient alors dénaturer leur investissement dans le
travail (Lemoine, 2003). Ensuite, elle est rarement associée à une acti-
vité spécifique et elle est trop décalée dans le temps, ce qui annule son
effet. Enfin, elle introduit la question difficile du sentiment d’équité.
La juste répartition des primes est source de jugements différents qui
provoquent d’importantes difficultés relationnelles (Vacher, 1995). Si
Les salariés dans l’organisation 63

ces divers problèmes ne sont pas résolus dans une concertation appro-
fondie, on comprend que la répartition égalitaire et administrative soit
souvent la solution retenue car moins problématique, même si elle sup-
prime la différenciation initialement recherchée.
Il est par conséquent nécessaire de dissocier les objectifs d’évaluation
et d’analyse et de se centrer sur la communication réciproque, qui per-
met seule de réguler la façon de travailler en se coordonnant. Si tel est
l’objectif, il est alors préférable de ne pas attendre une année pour faire
le point, discuter sur les améliorations du travail à envisager et analyser
les pratiques. Il reste donc à prévoir d’autres réunions pour gérer les évo-
lutions, les modifications de postes, les compétences et les carrières.
On retrouve ce même genre de réflexion chez des professionnels de
l’évaluation annuelle du personnel. Face à une insatisfaction quasi géné-
rale de ces dispositifs, DRH et salariés compris, Riffle (2005) rappelle que
l’évaluation du personnel remplit des fonctions contradictoires et des
finalités différentes qui entraînent conflits et frustrations. Il constate
également une grande variabilité des fréquences, des moyens, et des
critères de mesure qui ne permettent ni le consensus ni la clarté des
procédures, ce qui réduit sensiblement son intérêt pour les différents
acteurs concernés, évaluateurs comme évalués. Il propose la mise en
place d’un ensemble de conditions favorables. Parmi elles on peut rete-
nir notamment la définition claire et partagée d’objectifs limités et non
contradictoires, la construction d’une grille d’évaluation, ce qui revient
à expliciter des critères formels d’analyse, une formation des acteurs et
un pilotage qui indique l’intérêt perceptible de cette évaluation pour
tous les acteurs. Cela conduit donc en d’autres termes à distinguer des
buts et des rôles non compatibles, comme administrer le personnel en
l’évaluant, versus collecter et analyser des informations pour travailler
mieux dans un contrat managérial de développement organisationnel.
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5.5 Les processus induits par l’évaluation d’autrui


Sous la notion d’évaluation, d’autres processus psychologiques sont
encore présents. Outre ceux de compétition et de comparaison à autrui,
qui jouent sur l’estime de soi, on note ceux relatifs à la représentation
d’autrui et de soi-même et aux catégorisations sociales que celle-ci
entraîne. Ces représentations proviennent aussi parfois de connais-
sances scientifiques considérées comme acquises et déterminantes,
alors qu’elles ne sont que des formes de catégorisation, comme l’âge ou
la profession du père, ou des savoirs partiels, comme le niveau d’intel-
64 Psychologie du travail et des organisations

ligence. Pourtant, ces informations considérées comme scientifiques


fournissent souvent le support à des évaluations sans appel pour ceux
qui les subissent.
Par ailleurs, l’évaluation des personnes induit également des senti-
ments de justice ou d’injustice. Leurs effets peuvent être très importants
et sont actuellement étudiés à partir de la gestion des recrutements. Là
encore, les critères de justice diffèrent selon les situations. Ils sont asso-
ciés tantôt à l’idée d’égalité de traitement ou de droits (par exemple, cha-
cun a le même tarif ou suit la même règle), tantôt à celle de proportion
(le prix d’un objet varie selon le revenu ou le statut) ou encore à celle
de surcompensation, comme dans le cas de la discrimination positive,
où certains emplois sont réservés à telle catégorie de personnes. Il est
donc important de connaître les critères de référence pour comprendre
les sentiments qui sont associés à une situation donnée.
Enfin, si l’on se réfère à la distinction évaluation-analyse, on peut
étudier comment les évaluations d’autrui s’appuient sur des analyses
scientifiques de la conduite ou sur des représentations scientifiques
d’autrui invoquées, et en quoi l’observation d’autrui, souvent réalisée
maintenant par des automates, crée des effets spécifiques (voir Lemoine,
1994a). Ces travaux prennent une acuité renouvelée dans cette période
où les évaluations des structures, des personnes et des résultats se démul-
tiplient dans tous les sens et servent de fondements aux décisions qui
modifient les conditions de travail, touchent directement l’image de soi
des salariés, et parfois suppriment des emplois ou des projets.
3
Cha
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LES CONDI TIONS
DU TRAVAIL :
CONTRAINTES
ET DÉVE LOP PE MENT
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1. L’analyse du travail, risques et prévention ............................ 67


2. Le stress et le mal-être ............................................................. 73
3. La qualité de vie au travail et le bien-être ............................. 80
4. Les populations en difficulté .................................................. 84
Les conditions du travail : contraintes et développement 67

1. L’analyse du travail, risques et prévention

Après avoir pris le point de vue de la personne face au travail (premier


chapitre), puis vu le travail à partir des organisations (chapitre II), il
reste encore à étudier comment les gens vivent leurs conditions de tra-
vail et comment celles-ci sont appréhendées en psychologie.
Comme le travail comprend plusieurs facettes, les unes portant sur
le sentiment de contrainte et de pénibilité, les autres traduisant les
possibilités de développement personnel et de réalisation de soi par
l’activité entreprise, il nous faut maintenant les examiner successive-
ment.

1.1 Analyse du travail, écart à la norme


et psychologie ergonomique
La psychologie et l’ergonomie se rejoignent lorsqu’il s’agit d’observer
et d’analyser les situations de travail (Leplat, 1997). On distingue classi-
quement le travail à effectuer de l’activité déployée elle-même. Le pre-
mier correspond à la tâche prescrite, qui renvoie aux normes formelles,
aux procédures prévues, aux organigrammes officiels, aux notices et
aux règlements qui indiquent comment le travail doit être réalisé et qui
organisent les étapes par lesquelles il faut passer, soit pour assurer une
rationalité et une efficacité maximales, soit pour réduire les risques et
les accidents. La seconde provient de l’observation en situation et ana-
lyse l’activité réelle, c’est-à-dire celle qui est effectivement réalisée et
comment elle l’est.
Il s’agit donc de regarder et de comprendre comment les gens s’y
prennent dans la pratique pour arriver au but recherché. Suivent-ils
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la notice à la lettre, ou le règlement, ou prennent-ils une certaine lati-


tude par rapport à la prescription et laquelle ? Cet écart à la norme est
particulièrement intéressant à étudier. Tout comme en psychologie
différentielle ou en psychologie de la perception, selon lesquelles on
ne voit que par contrastes ou par différences, c’est lui qui apporte le
plus d’informations à la fois sur les personnes, mais aussi sur les situa-
tions de travail et les façons dont elles sont organisées et appréhen-
dées.
On distingue, en général, l’analyse de la tâche de l’analyse de l’activité
(Karnas, 2002). La première apporte une description du travail sous la
forme des tâches à effectuer et conduit à mettre en place des normes à
68 Psychologie du travail et des organisations

suivre selon un schéma rationnel et un ordonnancement des sous-tâches


successives, ce qui décrit les différentes étapes du travail à réaliser.
Les méthodes permettent de rassembler les connaissances et les
compétences nécessaires pour assurer tel ou tel poste. Elles servent, de
ce fait, de référentiel dans le cadre du recrutement pour rechercher les
personnes adéquates ou les compétences demandées. Elles font appel à
plusieurs processus psychologiques permettant d’évaluer la charge et le
type de travail à assurer : le niveau de connaissances, les informations à
traiter, la dextérité, l’attention exigée, l’utilisation d’appareils, d’outils
ou de machines, la planification du travail, les décisions à prendre, les
relations de coopération, la dangerosité du travail, etc.
L’analyse de l’activité répond, quant à elle, à la question du « comment »
le travail est effectué. Elle s’appuie sur des méthodes d’observation
directe permettant, par exemple, de suivre les différentes phases d’une
activité réalisée par un salarié pendant un temps donné, et sur des ver-
balisations qui consistent à lui demander d’expliciter ce qu’il est en
train de faire, soit au cours de l’activité même, soit juste après pour évi-
ter de gêner trop le déroulement habituel.
Ces méthodes descriptives, parfois utilisées sur une seule personne,
ont l’avantage d’être les plus précises possible en s’appuyant sur des
grilles standardisées et détaillées, mais n’échappent pas au problème
des hypothèses spontanées formulées plus ou moins implicitement
en fonction du contexte déjà connu et des normes de l’entreprise ser-
vant de référence. Elles visent à comprendre de quelle façon le salarié
réalise son travail, quelle formation lui serait nécessaire, quelles diffi-
cultés il rencontre et quels risques il prend. L’objectif est, en général,
de repérer les dysfonctionnements pour améliorer la sécurité ou aug-
menter le rendement, selon le cas, et il peut aussi permettre d’amé-
nager le travail, soit en adaptant les machines à leur utilisateur, soit
en organisant mieux l’environnement du travail en vue de réduire sa
pénibilité.
Ces deux derniers objectifs sont les plus connus dans la perspec-
tive ergonomique et ont donné lieu à des évolutions importantes de
cette discipline, d’une part en termes d’ergonomie des systèmes et des
machines, d’autre part en fonction des nouvelles formes de travail liées
au développement de l’informatique et au passage progressif du tout
manuel au travail presse-bouton, en termes d’ergonomie cognitive.
Nombre d’études ont ainsi porté sur les problèmes de gestion des
ordinateurs, de fatigue mentale, de stratégie de résolution des diffi-
cultés, de communication homme-machine et de traitement de l’infor-
Les conditions du travail : contraintes et développement 69

mation. La complexité des situations et la multiplicité des solutions


possibles ont conduit à passer d’une analyse linéaire monocausale à des
analyses pluricausales et plus systémiques au sens où une cause devient
à son tour un effet dans une configuration complexe.
On peut noter, cependant, que la centration sur les observations
sans modèle théorique spécifique a amené à reprendre des courants de
recherche existants et à les revisiter dans une optique ergonomique.
Ainsi les travaux sur les écarts à la norme, très pertinents, peuvent-ils
se rapprocher de ceux sur les modèles implicites versus explicites dans
les organisations ou les groupes, et de ceux sur le conformisme versus la
différenciation en psychologie sociale.
Selon le point de vue adopté, les différences ou les fonctionnements
implicites sont à étudier en fonction de la norme dominante et sont
donc des écarts à la règle qu’il faut combattre ou réduire, ce qui se
trouve notamment dans les organisations très formalisées et centrées
sur les procédures. À l’opposé, cette variété de conduites peut être consi-
dérée comme le signe d’une souplesse, d’une capacité d’adaptation,
d’une autonomie reconnue, notamment dans les systèmes d’organisa-
tion fluides où la fonction contrôle est peu développée. Ainsi l’informel
peut-il être compris, selon la référence adoptée et selon le type d’orga-
nisation, comme une contestation du système en place ou comme une
source de régulation (Lemoine, 1995c).
Parmi les évolutions récentes de la psychologie ergonomique, on peut
encore souligner plusieurs orientations qui ont comme point commun
de s’intéresser à des dimensions moins « manuelles » du travail, tels
l’ergonomie cognitive, le travail en groupe ou en équipe appelé parfois
« collectif », et l’activité des agents de maîtrise et des cadres qui vient
compléter la centration sur les opérateurs.
On y trouve l’intérêt de suivre les transformations actuelles de l’orga-
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nisation du travail, comme le passage à des tâches peu définies qui


demandent une autonomie plus grande mais aussi la capacité à l’assu-
mer et à gérer les contraintes multiples provenant de l’exigence de la
performance à atteindre, ce qui ne supprime pas pour autant l’existence
de travaux d’exécution très minutieux et très contraignants. Toutefois,
l’extension de la logique des compétences qui tend à remplacer la rela-
tion classique – un homme, un poste, une machine – et à promou-
voir une organisation plus souple où le travail est diversifié, flexible et
mobile limite les prescriptions liées à l’exécution d’une seule tâche et
pousse à étudier les capacités d’adaptation à des activités multiples réa-
lisées en équipe.
70 Psychologie du travail et des organisations

1.2 Prévention des risques, accidents


et santé au travail
L’un des domaines où la psychologie du travail et l’ergonomie se
complètent concerne la gestion des risques au travail. L’originalité
majeure dans ce domaine est d’intervenir avant l’accident afin de le
prévenir, ce qui n’est pas toujours facilement bien perçu dans la mesure
où le risque n’est souvent pris en compte qu’après coup. C’est aussi la
difficulté principale puisqu’il faut convaincre les responsables ou même
les intéressés directs que telle ou telle façon de travailler ou d’organi-
ser le travail comporte un risque important, pouvant effectivement se
produire. Et même l’accident une fois arrivé, il n’est pas encore évident
de modifier les pratiques dans la mesure où celles-ci dépendent de
contraintes, d’habitudes, voire de croyances qui empêchent de les adap-
ter pour réduire les sources d’accident.
L’analyse fine du travail et des processus par lesquels il est réalisé
permet d’identifier les étapes susceptibles de provoquer des incidents
ou des accidents. Ceux-ci peuvent venir de causes multiples. Parfois, ils
arrivent lorsque les règles de sécurité ne sont pas respectées, et il faut
alors se demander les raisons qui poussent à ne pas les suivre. Mais, par-
fois, ils viennent du fait que les règlements sont trop bien appliqués : la
prescription suivie à la lettre, prévue pour le cas général, peut en effet
être inadaptée à une situation particulière et provoquer un dysfonction-
nement préjudiciable.
On peut distinguer deux grands domaines d’intervention : celui de la
prévention et celui de la gestion des accidents.
¼ La prévention des accidents
Elle passe par l’analyse des conditions de réalisation d’un travail à
effectuer. Celle-ci concerne bien sûr l’étude de la succession des gestes
ou des actions réalisées par les opérateurs, mais elle ne s’y limite pas.
Elle comprend aussi les déterminants organisationnels, comme la fiabi-
lité des machines ou l’exigence de rapidité pour accroître la rentabilité,
ce qui est l’une des sources de l’augmentation des risques et de l’appari-
tion d’erreurs, d’incidents ou de défaillance humaine.
Mais la prévention passe également par l’étude de la représentation
du risque par les acteurs eux-mêmes. On a remarqué, par exemple, que
la perception n’était pas la même selon que l’on est un observateur exté-
rieur ou un acteur en situation, ou que l’on est expérimenté ou novice.
Un risque peut ne pas en être un pour quelqu’un d’habitué à réaliser
certains gestes, car il maîtrise davantage les contraintes, mais, inver-
Les conditions du travail : contraintes et développement 71

sement, une situation trop connue peut entraîner une augmentation


du risque, si l’opérateur oublie de prendre les précautions minimales
nécessaires. Souvent, il arrive que certaines règles ne soient pas suivies,
car elles compliquent la réalisation de la tâche et elles sont même sus-
ceptibles de provoquer des difficultés nouvelles. Par exemple, le port de
gants protecteurs peut gêner la réalisation d’une manipulation précise
si les gants empêchent un contrôle venant de la sensibilité du toucher.
Dans d’autres cas, la protection n’est pas perçue comme indispen-
sable et gêne le mouvement.
Il ne s’agit pas ici d’excuser la non-application de règles mais de
comprendre les conditions dans lesquelles une règle est appliquée ou
ne l’est pas, et de saisir la logique de fonctionnement des acteurs eux-
mêmes. Notamment, plusieurs expériences ont montré qu’une règle
non comprise par eux n’était pas suivie d’effet, tandis qu’une règle
mise en place et étudiée par les acteurs eux-mêmes était généralement
adoptée. On se trouve donc devant un processus d’appropriation d’une
norme de conduite qui est en partie fonction du diagnostic réalisé par
les intéressés et de la conscience qu’ils en prennent. Cependant, des
conditions extérieures de travail peuvent aussi venir perturber le dispo-
sitif de sécurité, particulièrement lorsqu’une surcharge de travail, une
nécessité de rapidité ou un changement de programme apparaissent.
Les actions de prévention se fondent le plus souvent sur des pro-
cessus d’influence ou sur la crainte de sanctions afin de convaincre de
la nécessité de suivre une règle de sécurité. Néanmoins, on sait que le
niveau de réussite de ces incitations est en général très faible et limité
dans le temps. Pour cette raison, d’autres méthodes commencent à
être mises en place. Elles se fondent sur la perception du risque par les
acteurs et sur le fait de tenir compte de leur culture et de leurs croyances
(Kouabénan, 2012). Plutôt que d’imposer des règles de l’extérieur, il est
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préférable et plus efficace de partir de la logique des acteurs et de leur


permettre de construire une représentation adéquate de la situation de
risque. Un autre moyen consiste à intégrer la gestion du risque dans un
ensemble d’objectifs de travail qui se définissent en termes de qualité.
¼ La gestion des accidents
L’autre versant de l’intervention porte sur la gestion des accidents
et leur explication, c’est-à-dire ce qui se passe après que l’accident est
arrivé.
La gestion de l’accident demande principalement à penser à dimi-
nuer ses conséquences et tout au moins à ne pas les aggraver. Cela n’est
pas évident quand on regarde les suites de plusieurs catastrophes, telle
72 Psychologie du travail et des organisations

celle d’un pétrolier en péril. Des décisions successives peuvent augmen-


ter la gravité d’un accident plutôt que la réduire. Dans d’autres cas, il
faut prévoir des effets de contamination ou encore d’affolement de la
population, qu’elle soit concernée directement ou non. Plusieurs ques-
tions se posent dans le cas d’accidents d’envergure : faut-il évacuer une
population en raison d’un nuage indéterminé provenant d’une usine,
faut-il donner l’alerte et confiner les gens chez eux, ou faut-il minimi-
ser l’accident et ne rien dire ? On pressent que ces différents scénarios
de crise dépendent de l’information disponible sur place, de la fiabilité
du diagnostic, mais aussi de la représentation des développements pos-
sibles et de choix quasi politiques pris dans une certaine incertitude.
Une gestion bureaucratique, des décisions successives opposées, une
absence de vérification sur site sont des facteurs cumulatifs qui aug-
mentent le risque de « solutions » aggravantes (voir Pauchant, 1998).
En outre, après un accident, plusieurs processus sont mis en œuvre.
Il faut bien distinguer entre la recherche d’explications causales et celle
d’attribution de responsabilités, ce qui correspond à la distinction entre
processus d’analyse et processus d’évaluation (voir supra). Dans la pra-
tique, ce ne sont pas les mêmes experts qui interviennent.
D’un côté, il faut chercher à retracer l’enchaînement des causes qui
ont provoqué l’accident. Par exemple, dans le cas d’un accident d’avion,
plusieurs facteurs sont pris en compte, comme les aspects techniques,
humains, les interactions homme-machine et les conjonctions de cir-
constances qui ont provoqué l’événement. On recherche ainsi l’arbre
des causes selon le modèle de Cuny (1992). Celles-ci peuvent venir
d’une erreur humaine mais aussi des conditions de gestion de l’action
données par l’organisation. Plus récemment, Kouabénan (2012) a pro-
posé de partir des explications naïves des individus en tenant compte
de leur culture, afin de comprendre comment ils avaient perçu la situa-
tion, et trouver ainsi les moyens de prévenir les accidents futurs.
De l’autre côté, on vise à évaluer les responsabilités, ce qui est assuré
par l’enquête judiciaire. Il s’agit moins de comprendre les enchaîne-
ments que de vérifier si les règles ont été respectées, autant au niveau de
la construction et de la maintenance des appareils qu’à celui de l’acti-
vité des différents postes de travail. C’est même seulement dans ce cas
qu’il faudrait à bon escient parler d’attribution, terme traitant des res-
ponsabilités supposées ou réelles.
Enfin, il ne faut pas limiter la réflexion aux accidents circonscrits dans
un espace-temps restreint, mais envisager également les phénomènes
à plus long terme, qui se répercutent sur la santé des salariés. Le cas de
l’amiante est typique à ce niveau, puisque le risque vient surtout de la
Les conditions du travail : contraintes et développement 73

répétition d’une situation de travail qui, prise isolément, est peu dange-
reuse. Il en est de même pour le risque de radiations qui jouent par accu-
mulation d’expositions. On entre là dans un domaine proche qui est celui
de la santé au travail et des conditions de son maintien dans le temps.
Dans le domaine de la maladie professionnelle, c’est le médecin du tra-
vail qui intervient légalement. Mais la coopération entre les disciplines
peut être fructueuse. En particulier, la présence du psychologue du travail
peut permettre d’introduire la recherche des conditions de la bonne santé
plutôt que d’intervenir seulement après coup pour soigner. On aborde là
les conditions mêmes du travail susceptibles de provoquer du stress, de
la fatigue et des maladies, et qu’il serait souhaitable de modifier afin de
prévenir plutôt que de guérir. Quand on sait les sommes importantes qui
sont dépensées pour traiter un accident ou une maladie professionnelle,
il n’est pas inutile de s’occuper de ces conditions déclenchantes, comme
s’y intéresse la psychologie du travail. Il s’agit ainsi d’anticiper le risque,
sans toutefois le voir partout, et de mettre en place une prévention qui
parte des acteurs, sans renforcer abusivement des normes qui seraient
elles-mêmes susceptibles de générer du risque par leur rigidité.

2. Le stress et le mal-être

2.1 Le stress et les conditions de travail


On sait que le travail manuel provoque de la fatigue physique. Pour-
tant, un travail de type tertiaire, comme celui de secrétariat, entraîne
aussi de la fatigue, mais ce n’est pas la même. Elle serait « nerveuse »,
dans le langage courant, ou psychologique, et provient d’une tension
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liée à la charge de travail. La notion de stress a repris cette idée de se


trouver sous pression pour exécuter une tâche. Elle vient des travaux de
laboratoire où l’on stimulait les individus (animaux ou humains) pour
les faire réagir, pour voir s’ils s’activaient, se motivaient, ou pour leur
faire apprendre quelque chose, par exemple en leur envoyant des chocs
électriques. On peut retenir que les individus ne pouvaient échapper à
ce stress, d’où l’idée d’emprise analytique, qui depuis a pris différentes
formes (voir p. 15).
Le travail peut ainsi être stressant, mais c’est surtout les conditions de
travail et son mode d’organisation qui provoquent le stress, par exemple
en exigeant une rapidité plus grande. Mais d’autres stresseurs existent,
tels le sentiment d’incertitude sur la perspective de garder son emploi
74 Psychologie du travail et des organisations

ou d’en trouver un, le fait de se savoir observé, surveillé et contrôlé pen-


dant son travail, le risque d’accident envisagé, la concentration conti-
nue sur une tâche délicate, etc.
On remarque que le stress comprend une dimension psychologique
liée au fait d’être perçu, voire anticipé, et qu’il est issu d’une situation
difficile de laquelle on ne peut sortir. Nous pouvons prendre comme
image l’âne de Buridan (philosophe du XIVe siècle) qui, ayant aussi faim
que soif, hésitait entre une botte de foin et un seau d’eau placés à égale
distance de lui, et mourut de faim et de soif. Elle évoque bien avant son
temps la double contrainte de l’école de Palo Alto ou encore la difficulté
d’obéir à des ordres contradictoires.
D’une manière générale, le stress correspond à toute action venant
de l’extérieur qui demande un effort intense ou produit une tension
élevée de l’organisme, ce qui renvoie, pour le domaine du travail, aux
contraintes qui en ressortent. Par exemple, Clot (2012) mentionne les
situations où un conducteur de train se trouve stressé, car, d’un côté il
cherche à arriver à l’heure, mais, de l’autre, il doit respecter les signaux
qui le forcent à s’arrêter. Il « ronge son frein » au sens littéral, ne pou-
vant réaliser l’action prévue qui correspond aux valeurs de son métier.
Ainsi les contraintes d’un métier ou d’un mode d’organisation du tra-
vail sont-elles sources de stress.
Selon l’enquête Eurofound (Parent-Thirion, 2010), certaines évolu-
tions révèlent une dégradation des conditions de travail parmi lesquelles
on note une intensification moyenne du travail, avec des délais de réa-
lisation de plus en plus courts, une augmentation de la charge de tra-
vail avec des rythmes accélérés et des injonctions de performance. Une
autre forme d’altération concerne la sécurité de l’emploi au cours des
cinq dernières années, plus de salariés craignant de perdre leur emploi
et étant inquiets face à l’avenir. Quelques améliorations portent sur une
diminution de l’exposition au bruit, aux températures élevées, mais les
risques physiques ont augmenté ainsi que les actes de violence phy-
sique et psychologique. Il en est de même pour les horaires décalés.

2.2 Les effets du stress et le burn-out


L’une des premières réactions au stress est d’élever le niveau d’activité,
mais si le stress devient trop intense ou continuel, il entraîne des consé-
quences fâcheuses. Il provoque la fatigue puis, s’il se prolonge, l’épui-
sement de l’organisme. Un stress professionnel chronique engendre le
développement du burn-out (Truchot, 2004). Le burn-out correspond à
un épuisement professionnel. Il a d’abord été étudié auprès de salariés
Les conditions du travail : contraintes et développement 75

s’occupant de l’aide aux personnes en situation difficile : infirmières,


aides soignantes, travailleurs sociaux, secouristes, enseignants, etc. Le
burn-out est une réponse émotionnelle qui donne la sensation de ne
plus avoir d’énergie, de ne plus avoir de contact avec l’autre et de ne
plus être capable de réagir aux situations rencontrées.
Cela conduit à un désengagement par rapport au travail, à de l’absen-
téisme, à des plaintes liées à la santé, et probablement à des maladies
cardio-vasculaires. Mais d’autres symptômes apparaissent aussi, comme
l’insatisfaction professionnelle, la dévalorisation de la tâche, les troubles
du sommeil, la dépression, l’abus d’alcool ou de médicaments.
L’épuisement professionnel peut être considéré comme un processus
ou un état. En tant que processus, il s’installe peu à peu en plusieurs
stades. Le modèle de Cherniss (1980) comprend trois étapes, un déséqui-
libre entre les exigences du travail et les ressources de l’individu, une
réponse en termes de tension et d’anxiété, qui demande de l’énergie et
use l’organisme, puis une phase d’apathie, de pessimisme, de détache-
ment dans les relations, de fuite de travail, d’indifférence. Pour Bakker,
Demerouti et Verbeke (2004), la fatigue et l’épuisement professionnels
proviennent d’un stress issu des exigences du travail. Celles-ci ont un
impact sur la santé, sur le sentiment d’épuisement et sont un prédicteur
de l’absentéisme. L’épuisement vient aussi de la disponibilité des res-
sources qui favorise l’implication au travail et le surinvestissement, ce
qui, par manque de soutiens sociaux, induit le burn-out.

2.3 Stress et style d’organisation


En dehors de conditions générales de la vie qui peuvent fournir des
sources de stress (accidents, perte d’un proche, dissensions familiales,
maladie), les modes d’organisation du travail peuvent constituer des
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sources de stress répétées. Karasek (1990) les rassemble en deux dimen-


sions : le niveau élevé d’exigence dans le travail et la faible latitude
laissée pour maîtriser ou contrôler son travail. La conjonction de ces
dimensions augmenterait le niveau de stress.
Cependant Rascle, Cosnefroy et Quintard (2009), dans une recherche
sur les enseignants, ne mettent pas en évidence l’effet tampon du modèle
demande-contrôle-soutien de Karasek, mais confirment l’effet cumulé
des variables contrôle-soutien sur l’accomplissement personnel, et
trouvent chez les enseignants français des niveaux d’épuisement émo-
tionnel supérieurs à la moyenne de leurs collègues européens. Truchot
et Borteyrou (2010) indiquent l’importance de la prise en compte spéci-
fique du contexte organisationnel et, dans une recherche auprès d’infir-
76 Psychologie du travail et des organisations

miers en cancérologie, montrent l’existence de quatre facteurs prédisant


l’épuisement émotionnel : les exigences organisationnelles et celles des
patients, versus le soutien et le contrôle.
D’une façon plus large, on peut considérer que les modes d’organisa-
tion du travail génèrent plus ou moins de stress. Par exemple, une orga-
nisation par les objectifs qui demande d’atteindre des performances dans
une situation de compétitivité et de comparaison sociale risque de susci-
ter davantage de stress qu’un travail routinier et monotone. Mais celui-ci
peut devenir stressant s’il est vécu comme un empêchement de prendre
des initiatives. Le contenu de l’activité et son contexte organisationnel
sont des facteurs de burn-out bien identifiés (Truchot, 2004) : le rythme
des tâches, la pression sur le temps, la surcharge de travail sont des fac-
teurs favorisant le burn-out. D’autres situations sont également stressantes,
comme les conflits de rôles, les menaces sur le travail, la surveillance
continue, les évaluations, le sentiment d’injustice. L’incertitude sur l’ave-
nir et les formes actuelles de management sont des facteurs aggravants.
Elles renvoient la personne à ses peurs, la conduisent à se surinvestir, à
voir augmenter sa tension intérieure, et finalement à s’épuiser.
Certains styles de management actuels font délibérément appel à la
mobilisation des individus, soit en les responsabilisant dans leurs per-
formances, soit en les poussant à obtenir puis à garder une image de
soi élevée associée à l’excellence, soit en survalorisant l’action par des
emplois du temps chargés ou des problèmes à résoudre dans l’urgence,
soit encore en jouant sur des possibilités de promotion rapide en fonc-
tion des exigences commerciales (Masclet, 2000). Ce sont des méthodes
de management qui sont agressives.
Des pressions sur les individus peuvent aussi prendre d’autres formes,
notamment en créant de l’incertitude sur le travail et en faisant peser
sur les personnes des charges revenant à l’organisation sous prétexte
d’autonomie. Trop d’autonomie et d’incertitude peuvent ainsi entraî-
ner des conséquences négatives, alors même que ces dimensions sont
recherchées, souhaitées et considérées comme bénéfiques dans des
contextes où les règles et les procédures sont dominantes. Cela confirme
qu’un bien poussé à bout et rendu obligatoire n’en est plus un et abou-
tit même à une désorganisation de l’individu.

2.4 Les réactions au stress et le coping


De nombreuses études ont montré que les gens étaient différentiellement
sensibles au stress, certaines personnalités résistant mieux que d’autres.
Mais le plus souvent, les travaux ont porté sur les moyens de faire face
Les conditions du travail : contraintes et développement 77

(ce qui s’appelle le coping) par l’adoption de stratégies multiples. Parmi


celles-ci, on peut retenir que le soutien social apporté par les collègues
ou les supérieurs modère les contraintes du travail.
Sur le plan personnel, Folkman (1986) distingue deux types de méca-
nismes adaptateurs, une appréciation cognitive de la situation et une
gestion des déséquilibres : essai de modifier la situation, prise de dis-
tance par rapport à elle en minimisant sa signification, essai de contrô-
ler ses sentiments, recherche d’un soutien social, réaménagement
positif de la perception du problème, autoaccusation en se rendant res-
ponsable du problème ou fuite et évitement de celui-ci. Il apparaît que
les stratégies centrées sur le problème sont plus fréquentes en situation
de travail et dans le cas où il semble possible de changer les choses.
Dionne-Proulx (1998) propose pour sa part une classification du coping
en trois mécanismes : la centration sur le problème, l’évitement et la
centration sur soi.
On peut considérer le burn-out comme une somme de réactions
inadaptées aux stress prolongés. Borteyrou, Truchot et Rascle (2009)
identifient six facteurs qui sont autant de stratégies de coping pour faire
face au stress : faire une coupure (prendre un congé), se désengager
de son travail (prendre de la distance), relativiser les problèmes (uti-
liser l’humour), se distraire (se ressourcer, faire du sport), verbaliser et
s’exprimer, chercher un soutien social (ex. voir un psychologue). Une
méta-analyse d’Halbesleben (2006) souligne que le soutien social au tra-
vail atténue l’effet des demandes sur l’épuisement, et que le soutien
hors travail limite la dépersonnalisation et compense le manque de réa-
lisation de soi.

2.5 Agressions, violence


et comportements antisociaux
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Il est possible d’insérer les conduites agressives, violentes et antisociales


dans le cadre du stress dans la mesure où les victimes subissent bien une
situation perturbatrice avec atteinte physique ou psychologique à leur
intégrité ou à leur identité.
Il faut d’emblée dissocier ce qui revient à des agressions extérieures
venant d’un braquage ou encore d’un client mécontent ou peu sociable
de ce qui relève des violences entre les membres de l’organisation. La
littérature médiatique donne une large place aux premières et fait appel
à l’écoute et au soutien psychologique aux victimes une fois que l’agres-
sion a eu lieu, mais ne traite que rarement les secondes, qui passent le
plus souvent inaperçues en interne, sauf quand il y a plainte et procès.
78 Psychologie du travail et des organisations

Le problème de l’explication des agressions au travail est traité au travers


de plusieurs théories. La plus ancienne est celle de la frustration-agression
de Miller et Dollard (1941), l’une étant supposée entraîner l’autre, dans
le travail ou ailleurs. Mais il se trouve que toute frustration ne déclenche
pas une agression, ce qui est heureux mais doit être expliqué. Un autre
modèle renvoie à l’attribution d’une injustice perçue qui serait insuppor-
table et provoquerait une agression en retour. Dans le cadre du travail,
le modèle le plus saillant associe les agressions au climat de travail ou au
style d’organisation. Un climat relationnel tendu ou un mode de fonc-
tionnement très autoritaire susciterait des tensions et des agressions entre
les membres ou envers les supérieurs, et serait aussi lié à des dégradations
de locaux ou de matériels (Courcy, Savoie et Brunet, 2003).
Cependant, il faut se demander comment définir les agressions et
les comportements antisociaux. Si certains actes sont flagrants, d’autres
peuvent poser problème comme ceux qui relèvent d’une certaine
déviance par rapport au groupe dominant. Une même conduite peut
être appelée antisociale ou non selon le contexte et les références cultu-
relles, et toute déviance ne peut pas être qualifiée d’antisociale sous
peine de ne reprendre que la définition du groupe imposant ses règles.
Pour répondre à cette question, l’équipe de Savoie différencie les
comportements antisociaux au travail (CAAT) en CAAT anti-individuels
et antiorganisationnels. Ceux-ci portent sur l’appropriation ou la dété-
rioration de biens de l’entreprise, sur la diminution du travail en quan-
tité ou en qualité et sur la résistance passive aux règles et procédures
de l’organisation. Sur le plan individuel, trois facteurs émergent : les
railleries et intrusions dans la vie privée confinant au harcèlement, les
agressions physiques et les provocations ou médisances diverses, qui
représentent autant d’incivilités.

2.6 Le harcèlement moral au travail


Le harcèlement est le thème typique qui s’est développé récemment sur
le plan social et qui commence à être étudié, ce qui montre l’ouverture
et l’adaptation de la psychologie du travail aux questions d’actualité,
mais demande aussi la construction de nouveaux modèles.
Le harcèlement moral au travail (HMT) consiste non seulement à
mettre une personne à l’écart, comme cela se fait pour un déviant, mais à
l’empêcher de réaliser son travail et à la déstabiliser psychologiquement,
alors même qu’elle est compétente et bien intégrée. On ne se trouve pas
dans un modèle de groupe étudié par Lewin, avec des essais visant à faire
adopter les normes par le déviant pour le réintroduire, avant de l’exclure
Les conditions du travail : contraintes et développement 79

s’il résiste, mais dans une boucle infernale qui est renforcée par chaque
action de l’un ou de l’autre. Desrumaux (2009) le définit comme un pro-
cessus psychologique en milieu de travail qui porte atteinte à l’intégrité
du salarié. Il est repérable par des agissements qui l’empêchent de s’expri-
mer, de réaliser son travail, qui isolent la victime, la déconsidèrent auprès
de ses collègues et la discréditent dans son travail, et ce jusqu’à compro-
mettre sa santé, y compris par des menaces ou des agressions physiques
et psychologiques. Les aspects majeurs sont la durée, la répétition, l’iso-
lement de la victime par coupure de la communication et mise à l’écart,
et l’absence d’aide de l’entourage professionnel. La rétention d’informa-
tions, les critiques incessantes, le dénigrement et les brimades portent
atteinte directement à l’identité du salarié et le déstabilisent.
Des enquêtes ont d’abord visé à circonscrire les phénomènes et à
caractériser les profils des victimes et des harceleurs (Viaux et Bernaud,
2001). Contrairement à certaines attentes, les victimes sont assez sou-
vent des personnes compétentes, qualifiées, qui gênent le pouvoir en
place par leurs qualités ou par opposition à des normes formelles ou
informelles. On trouve plutôt des femmes, des salariés ayant de l’expé-
rience. Les harceleurs sont en majorité des supérieurs hiérarchiques, qui
se donnent les moyens de faire craquer leurs victimes.
Desrumaux (2011) cherche les déterminants du harcèlement moral
au travail, à la fois au niveau individuel, en fonction des caractéris-
tiques des victimes et des harceleurs, au niveau organisationnel, en
fonction des styles de management, et au niveau sociétal, en termes
de dominance de l’individualisme, de la recherche de l’excellence, du
libéralisme, des normes d’internalité et d’efficacité. L’auteur montre
aussi les processus sous forme de paradoxes et de boucles infernales. Par
exemple, la victime n’ose pas en parler et, si elle s’exprime, elle accen-
tue le phénomène qu’elle révèle et aggrave son cas. Les témoins, tout
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en sachant l’autre en souffrance, n’interviennent pas ou s’habituent


aux pratiques agressives des harceleurs. Et les organisations les plus tou-
chées sont paradoxalement celles qui apportent des services aux per-
sonnes : hôpitaux, éducation, services sociaux, administrations. Il est
donc nécessaire de passer à une analyse systémique pour comprendre la
spirale négative qui se développe.
Si les premières hypothèses ont été d’abord émises sur la personnalité
du harcelé et du harceleur, dans une perspective clinique, comme pour
d’autres questions telle celle du leader (voir supra), il semble que les fac-
teurs d’organisation soient déterminants dans l’apparition des modes
de relations conflictuelles qui poussent au harcèlement (Desrumaux,
Lemoine et Mahon, 2003). Un style directif avec une centration sur la
80 Psychologie du travail et des organisations

production et un contrôle élevé favorisent son apparition et surtout


sa légitimation par une condamnation moindre, alors que son accep-
tation paraît moins évidente dans un climat fondé sur des valeurs de
confiance et d’ouverture. Faux (2009) souligne que l’expansion du har-
cèlement moral au travail s’accompagne d’un accroissement des méca-
nismes de domination, d’autorité et d’emprise. Son intensification est
révélatrice des tendances de la modernité où les formes d’organisation
ne prennent plus en charge la régulation sociale, qui est transférée vers
les individus, l’individualisation croissante y aidant.
En dehors d’un traitement juridique qui a augmenté face au harcèle-
ment moral au travail, les recherches et les interventions en psychologie
du travail et des organisations montrent une double évolution : celle de
la discipline, qui est attentive aux questions actuelles et cherche à les
comprendre et à les modéliser pour mieux les traiter, celle de l’interven-
tion qui passe surtout par des centres d’écoute et de soutien hors entre-
prise. Dans les organisations, les directions des ressources humaines
commencent à se préoccuper du phénomène dans la mesure où la légis-
lation les en rend responsables. Dans la société, le problème devient
plus fréquent et plus connu, ce qui peut conduire à le confondre avec
un conflit du travail, un climat relationnel tendu ou même une mésen-
tente entre salariés. Il se situe dans le contexte plus large de durcisse-
ment des relations dans le travail, ce qui va dans le sens d’une évolution
du rapport au travail, où les personnes se trouvent tiraillées entre le
rejet d’un travail de plus en plus aléatoire et déstructurant et l’aspira-
tion à développer des compétences et à se réaliser par le travail.

3. La qualité de vie au travail et le bien-être

3.1 La qualité de vie au travail


En contrepoint du travail pénible ou aliénant, il faut aussi considérer
ce qu’il apporte et en quoi il est aussi une source de développement
personnel, son image étant plurielle comme celle qui se trouve dans
les déclarations polydoxes des gens, qui tout à la fois l’aiment et ne
l’aiment pas.
Là aussi, la notion de qualité est un thème à la mode, ce qui signifie
qu’il est de retour. On loue la qualité des produits ou des services, on
se rappelle le travail bien fait des artisans et des compagnons d’antan,
amoureux du bel ouvrage. On met en place des normes de qualité et on
Les conditions du travail : contraintes et développement 81

imagine que le travail peut apporter tous les bienfaits possibles : il per-
met de s’insérer dans la société, d’acquérir un niveau de vie plus élevé,
de développer ses compétences, de montrer que l’on sait maîtriser des
techniques avancées, de se construire une image positive de soi et une
identité professionnelle.
On peut cependant se demander si la qualité des produits va de pair
avec la qualité de vie au travail.
La réponse est non, si l’on considère que l’atteinte des normes de qua-
lité renforce les contrôles, le juste-à-temps, la nécessité d’une attention
apportée à chaque élément et à chaque instant. Ces exigences de qualité
demandent plus de performances, plus de ressources personnelles, plus
de formation et plus d’évaluation des façons de travailler, donc plus de
contraintes. Il est d’ailleurs intéressant de constater la distorsion entre
l’image d’innovation d’une entreprise commerciale qui change souvent
ses produits, et ses pratiques de management qui demeurent stables et
fondées sur les anciens principes tayloriens. Dans le même sens, la qua-
lité offerte aux clients en termes de services demande en contrepartie
des horaires plus souples et plus larges pour les magasins et des inter-
ventions plus à l’heure et plus complètes en matière de soins.
Mais la réponse devient oui, si la qualité du service ou du produit
augmente la qualité du travail et, par suite, la considération reconnue à
ceux ou à celles qui l’assurent. Réaliser un travail de qualité apporte, en
effet, plus de responsabilité, plus d’autonomie pour pouvoir s’adapter
aux circonstances au lieu de suivre une règle à la lettre, et plus de satis-
faction liée au résultat obtenu et à l’image de soi valorisée.
Dans ce sens, il est intéressant de noter que les valeurs augmentant
la qualité de vie au travail sont les mêmes que celles relatives à la moti-
vation intrinsèque : la réalisation de soi dans un travail intéressant, le
choix de sa façon de travailler, l’appropriation de son espace de travail,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

le climat relationnel agréable, l’expression de ses compétences, le sen-


timent de rendre service et d’être utile aux autres, celui de réussir une
performance ou d’obtenir un résultat. Ces dimensions permettent de
tabler sur une forme de travail et de management qui rende possible
la coexistence d’une tâche à accomplir et de la satisfaction, voire de la
fierté, de l’avoir réalisée (Desrumaux et Lemoine, 2012).
Sur le plan des recherches et des interventions, la qualité de vie au
travail a suscité un intérêt pour les questions en relation avec la qualité
d’organisation, et en particulier avec l’aménagement des horaires et du
temps de travail, du moins en France. Le passage aux 35 heures a permis
une centration sur des aménagements du travail qui ne concernent pas
82 Psychologie du travail et des organisations

seulement les horaires. Derrière la notion de la flexibilité, qui se rap-


porte aussi aux formes de l’activité et qui inclut les questions d’horaires
atypiques, décalés, continus ou, au contraire, fragmentés, se sont pro-
filés d’autres problèmes. On peut citer celui de l’équilibrage entre la
sphère travail et la sphère personnelle ou familiale, le rapport entre les
rôles des hommes et des femmes, et même une interrogation sur les
valeurs attribuées au travail. La question de savoir s’il faut passer plus
ou moins de temps au travail est en effet liée à celle de savoir si le tra-
vail est une charge à réduire ou s’il est le lieu d’une certaine réalisation
de soi.
Mais la qualité de vie au travail dépasse les problèmes des horaires et
des congés qui, a contrario, font plutôt porter l’attention sur les aspects
négatifs du travail, puisqu’il faudrait s’en échapper le plus possible. Il
serait donc préférable de se demander comment mieux vivre son travail.
Les moyens sont relativement connus, même s’ils ne sont pas sou-
vent mis en œuvre. Ils dépendent notamment du mode d’organisation
du travail, qui permet ou non de renforcer la motivation intrinsèque et
l’intérêt du travail. Le fait de pouvoir s’approprier son travail et sa façon
d’agir, d’avoir un peu plus d’autonomie sans devenir seul responsable
de toutes les difficultés, de connaître les objectifs et l’utilité sociale de
son activité sont des facteurs qui rendent le travail intéressant et qui
contribuent au développement des personnes. On pourrait aussi mon-
trer que l’organisation s’y retrouve sur le plan économique et qu’il n’y
a donc pas contradiction entre les objectifs respectifs.
Il faudrait sans doute ajouter à ces facteurs le sentiment d’estime de
soi lié à un travail de qualité. Cette notion, qui renvoie à la fois à une
image de soi et à la valeur que l’on s’attribue ou qui est attribuée par
autrui, joue un rôle important. Elle varie en fonction de l’évaluation
positive ou négative dont on est l’objet et se trouve en liaison avec la
confiance donnée aux personnes. Elle est aussi un indice général de la
relation positive ou négative que l’individu entretient avec lui-même,
notamment à partir des expériences sociales qu’il a vécues antérieure-
ment. En ce sens, il serait pertinent que l’organisation s’en préoccupe
davantage si elle vise à soutenir son personnel et à ce qu’il soit dans de
bonnes conditions pour travailler.
On ne peut évoquer la qualité de vie sans aboutir à la notion de
satisfaction. Celle-ci a été beaucoup étudiée en relation avec la moti-
vation, chacune pouvant induire l’autre, même si la corrélation entre
satisfaction et performance est assez faible. C’est sans doute que la satis-
faction renvoie à des processus différents. On peut en effet la définir
par rapport à une norme ou à un but : on est satisfait si l’on a atteint
Les conditions du travail : contraintes et développement 83

l’objectif attendu. Mais elle peut être liée à une comparaison à autrui :
on est satisfait si l’on croit que l’on est mieux que d’autres. Et elle peut
aussi être associée à l’image que l’on se fait de soi et d’un certain équi-
libre personnel que l’on a acquis, ce qui se réfère aux notions d’estime
et de réalisation de soi, qui peuvent être obtenues par le travail mais
aussi par d’autres voies.

3.2 Le bien-être au travail


Pour décrire une qualité de vie au travail, on retrouve donc les fac-
teurs liés aux motivations intrinsèques (voir supra). Et la terminologie
à la mode aidant, les termes récents évoquent le bien-être au travail, la
santé psychologique, et l’ancienne notion de satisfaction. Dans tous les
cas on se situe au niveau subjectif, c’est-à-dire ressenti et autoapprécié,
même si ces sentiments sont généralement en lien avec des situations
existantes et marquantes. Il n’est ainsi pas très surprenant que la santé,
comprise selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS, 1946, 2005),
non comme une absence de maladie mais « comme un état de bien-être
total, physique, social et mental de la personne », soit liée à une qualité
de vie suffisante, y compris au travail. Mais ce terme « suffisant » indique
qu’il est difficile de mesurer une appréciation globale, aux dimensions
peu définies, et variable selon les individus et les contextes sociaux. Et
ce d’autant plus que l’évocation du bien-être s’amplifie quand les temps
sont difficiles et que l’on n’y accède pas.
Le bien-être dépasse largement la sphère du travail. On le trouve
autant dans l’activité, notamment celle qui est choisie, que dans la
méditation. Elle renvoie souvent à un équilibre entre des extrêmes, une
sorte de juste milieu, aussi variable qu’introuvable. La psychologie a
développé plusieurs modèles dans ce sens, comme le modèle de l’équi-
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libre de Heider (1958) ou celui de la congruence dans les groupes. Pour


le travail, on retrouve le modèle de l’équilibre entre les demandes et les
ressources comme facteur et indicateur de santé et de bien-être (Bakker
et al., 2004). Pour sa part, le modèle du système des activités (Curie et
Dupuy, 1994) traite de l’équilibre entre les sphères de vie, personnelle,
familiale, sociale, et de travail. Ce modèle a un intérêt renouvelé dans
une période où le travail pose problème : soit par le chômage, qu’il faut
compenser grâce aux autres sphères, soit par les surcharges d’activité,
qu’il faut concilier avec les autres domaines de la vie (Guilbert, Lancry,
Paltrier et Lourel, 2011), soit encore par le travail à domicile, qui se
développe avec les ordinateurs de poche et qui rend plus perméables les
limites entre le temps de travail et le temps personnel ou familial.
84 Psychologie du travail et des organisations

Le bien-être a aussi plusieurs dimensions : physique (avoir la santé),


psychologique (être en forme), matérielle (avoir un bon niveau de vie),
sociale (être ensemble), personnelle (avoir une image positive de soi, se
réaliser). Il s’oppose dans tous les cas à la misère, à la maladie, à la souf-
france, à l’absence de liberté et, pour le travail, à la pénibilité, au stress,
à la contrainte, à l’incertitude, au manque de reconnaissance sociale.
L’individu trouve plusieurs sources de bien-être en travaillant : d’abord
dans l’activité elle-même, en réalisant un ouvrage par son métier, en
assurant un travail utile socialement, en apprenant par l’expérience,
en ayant une emprise sur la situation, en s’impliquant dans l’activité,
en exerçant son autodétermination. On rejoint ici les travaux de Ryan
et Deci (2001) affirmant que le bien-être subjectif est vu comme la
présence d’un plaisir (hédonisme) mais aussi comme la recherche de
diverses formes d’autodétermination (eudémonisme ; François, 2010).
Une deuxième source de bien-être vient de l’intérieur de l’individu
lui-même, quand il cultive une image positive de soi (Bandura, 2003),
quand il développe un sentiment de compétence et d’efficacité person-
nelle, quand il donne du sens à son travail (Morin, 2010). Cela renvoie
également aux travaux de Diener (1996) insistant sur les facteurs de per-
sonnalité. Le bien-être relève alors d’un sentiment intérieur.
Une troisième source dépend pour beaucoup de l’entourage, du
contexte et du milieu : la confiance accordée dans l’organisation (voir
le modèle Focus, p. 36), le soutien de la direction, le pouvoir d’agir
(Clot, 2012), la perception des finalités (Locke et Latham, 1990),
la participation aux changements, le climat de travail favorable, la
compréhension des situations par analyse. Ce sont autant de facteurs
qui concourent à générer du bien-être, à trouver du plaisir à travailler
(Lemoine, 2010), et qui relèvent de la qualité de vie au travail.
Cependant, cette notion de bien-être ne se limite pas au travail, elle
concerne tous les registres de l’activité, personnelle et sociale et, plus
qu’un résultat, n’est-elle pas davantage un projet de vie (Goguelin et
Krau, 1992), une quête, un style de vie que l’on construit ?

4. Les populations en difficulté

Les psychologues du travail sont souvent sollicités pour intervenir


auprès de différentes populations qui sont déclarées en difficulté, aussi
bien sur le plan du travail que sur celui de l’insertion sociale. L’idée
Les conditions du travail : contraintes et développement 85

d’une réinsertion par le travail reste dominante et se comprend dans la


mesure où il assure un statut, un revenu et une reconnaissance sociale.
La liste de ces populations est longue : les demandeurs d’emploi, les
jeunes, les femmes, les handicapés, les plus de 50 ans, les expatriés, les
immigrés, etc. Mais cette nomenclature a l’inconvénient de ne pas cor-
respondre à des groupes homogènes ou constitués et de ne représenter
que des catégories générales qui amalgament des situations très diffé-
rentes. Elle brouille plutôt les questions qu’elle ne les éclaire et induit
incidemment des représentations stéréotypées qui classent les gens et
les enferment dans des rubriques administratives. Il est donc nécessaire
d’éviter cet étiquetage et de regarder de plus près la spécificité des situa-
tions des uns et des autres.
Ainsi le chômage sera-t-il vécu différemment selon que la personne
est seule ou soutenue par son entourage, selon que le travail est plus ou
moins central, selon que ses compétences professionnelles lui donnent
plus ou moins la perspective d’accéder à un métier qui lui convienne.
Dans le même sens, les problèmes à gérer ne sont pas identiques. Pour
les uns, il faudra d’abord définir un objectif, revaloriser l’image de soi et
retrouver des repères sociaux ; pour d’autres, il sera important d’intégrer
leur handicap avant de penser à retravailler ; pour d’autres encore, il
sera nécessaire de trouver une formation adaptée ou de savoir comment
et par quelles étapes on s’intègre dans un milieu professionnel.
Face à ces différentes questions, les fonctions des psychologues du
travail peuvent être multiples. Ce peut être d’abord de prendre contact
avec ces populations afin de définir les problèmes, de repérer leurs
attentes et de comprendre la logique dans laquelle chacun se trouve.
Ce peut être d’intervenir de façon personnalisée afin d’accueillir les
personnes en difficulté, de les accompagner, de repérer avec elles leurs
possibilités et de les aider à construire leur projet personnel ou profes-
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sionnel, comme dans le cadre des bilans de compétences. Ce peut être


aussi en gérant des dispositifs sociaux, en organisant des plans de for-
mation adaptés, en animant des groupes de soutien et en assurant le
suivi et l’évaluation des projets en cours.
Actuellement, des textes législatifs et des plans d’action sont mis en
place pour faciliter l’accès au travail de différentes populations parti-
culièrement touchées par le chômage. Des dispositions en faveur des
personnes handicapées favorisent l’installation de postes adaptés mais
obligent aussi les entreprises à embaucher jusqu’à 6 % de handicapés,
sous peine de contribution financière compensatoire. Ces mesures inci-
tatives sont positives et aident à valoriser l’image du handicap, mais elles
86 Psychologie du travail et des organisations

concernent surtout les handicapés les plus valides et, par contrecoup,
transfèrent ailleurs la question du chômage.
Le chômage est croissant actuellement mais particulièrement pour les
seniors de plus de 50 ans, qui se trouvent dans la situation paradoxale de
devoir travailler plus longtemps pour obtenir une retraite mais qui sont
les premiers à être licenciés. Les plans jeunes pour l’emploi se succèdent
également, notamment en fonction du problème récurrent des sorties
du système scolaire sans diplôme et sans qualification. La formule de la
formation en alternance (voir p. 6) est l’une des voies actuelles, à côté
de la sensibilisation des élèves et des étudiants à la question de l’orien-
tation professionnelle. Dans ce cadre, les psychologues du travail sont
sollicités pour intervenir sur l’orientation, le placement à l’embauche
ou le reclassement, notamment via les bilans de compétences, mais ces
missions sont aussi attribuées à d’autres acteurs sociaux, y compris des
enseignants, pas ou peu formés à ces fonctions.
Les jeunes dans leur ensemble sont touchés par les difficultés d’inser-
tion dans le travail, y compris ceux qui ont obtenu des diplômes. Cela
se traduit par des stages longs, peu ou pas rémunérés, des emplois
précaires, des missions à durée limitée, des déplacements lointains et
fréquents, des conditions difficilement compatibles avec une installa-
tion pérenne. Des recherches portent aussi sur les discriminations liées
au genre, les femmes étant moins reconnues et moins rémunérées en
moyenne que les hommes. On peut citer sur ce thème de l’insertion les
recherches concernant les stéréotypes relatifs aux emplois atypiques,
ceux assurés par un genre peu représenté dans la profession, femmes
dans les métiers du bâtiment ou du transport (Lagabrielle, Vonthron,
Pouchard et Magne, 2011), ou encore hommes assurant la profession
d’aides-soignants par exemple.
4
Cha
pi
tre
VOIES D’ÉVO LU TION
RÉCENTES
ET NOU VELLES
PRO BLÉ MATIQUES
aire
m
So m

1. Nouveaux métiers ou petits boulots, le néotaylorisme ........ 89


2. Les créations d’entreprises et l’innovation ........................... 93
3. Accueil et services aux clients ................................................ 97
4. Vers un autre rapport au travail ? ......................................... 100
Voies d’évolution récentes et nouvelles problématiques 89

1. Nouveaux métiers ou petits boulots,


le néotaylorisme

1.1 La rotation des métiers


Comme science d’observation, la psychologie du travail se doit de
suivre les évolutions des professions. D’une part, les métiers se modi-
fient en interne en fonction du progrès technique et des modes d’orga-
nisation du travail, par exemple avec le remplacement de la machine à
écrire par l’ordinateur ; d’autre part, ils changent radicalement : certains
disparaissent, tandis que de nouveaux métiers se développent. Le mou-
vement va dans le sens du passage du secondaire au tertiaire : moins
d’emplois ouvriers fondés sur les charges physiques, plus d’emplois de
bureau et surtout de services aux personnes.
Cependant, cette évolution ne signifie pas que l’on constate une amé-
lioration générale dans le travail. La fatigue nerveuse remplace la fatigue
physique, et surtout des emplois précaires ou intermittents se sont mul-
tipliés, sans compter les stages, qui deviennent quelquefois une aubaine
pour les entreprises. Des organisations fondent leur management sur
une rotation rapide de leur personnel, par exemple, en prenant des sala-
riés de niveau d’étude trop élevé qui ont une probabilité faible de rester
longtemps. Évidemment, cette méthode a quelques revers, comme le
fait de devoir trouver sans cesse des remplaçants et de leur assurer une
formation minimale mais, dans la mesure où le marché du travail est
abondant, le système fonctionne.

1.2 Le travail intérimaire


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On note aussi un accroissement sensible du travail intérimaire. Il est


demandé par les entreprises qui y gagnent en souplesse et qui évitent de
s’occuper du recrutement et de la gestion de ce personnel. Il est appré-
cié par des salariés, qui y trouvent une variété de missions et un certain
choix des périodes de travail.
Cependant, les situations sont variées, et on peut repérer plusieurs
catégories de demandeurs de travail intérimaire. Les uns sont des pro-
fessionnels recherchés et deviennent parfois des salariés permanents de
l’agence. Les autres sont des habitués qui visent un travail non continu.
D’autres encore sont des occasionnels ou des demandeurs de travail,
nouveaux dans le système, qui doivent trouver leur créneau et qui
aspirent à un emploi plus stable.
90 Psychologie du travail et des organisations

De leur côté, les agences sont en train d’affiner leurs méthodes à


partir d’une demande plus soutenue du marché : il ne suffit plus, en
effet, d’enregistrer quelques paramètres administratifs individuels
pour repérer les possibilités des intérimaires candidats ou déjà dans le
fichier. De plus en plus, c’est toute une filière de ressources humaines
qui se met en place où les psychologues du travail peuvent se faire
apprécier.
En amont, le contact avec les entreprises clientes tend à dépasser
l’aspect administratif ou commercial pour intégrer une analyse de la
demande, du poste à pourvoir et des attentes correspondantes, afin que
le salarié proposé réponde au mieux à la mission et connaisse pour cela
ce qui lui est demandé.
En aval, il ne suffit plus de répertorier le personnel en fonction de ses
disponibilités. Pour les nouveaux candidats notamment, il est impor-
tant de connaître leurs compétences et leurs intérêts professionnels,
afin de s’assurer à la fois qu’ils répondront à la situation problème et
qu’ils trouveront un travail qui leur convient.
On se trouve ainsi dans une situation d’orientation professionnelle
qui peut s’apparenter à un début de bilan de compétences. Dans le
même sens, la mission nécessite un suivi qui permette d’analyser les
problèmes rencontrés et de faire le point avec l’intérimaire. C’est aussi
l’image d’accueil et de professionnalisme de l’agence qui est en jeu.
Le travail intérimaire continue à se développer, de même que le
travail à temps partiel. Et il existe encore une autre formule en expan-
sion dans les grandes entreprises multinationales, la sous-traitance.
L’intérêt pour les grands groupes est de minimiser les risques des fluc-
tuations économiques en externalisant le plus possible le personnel.
Ainsi, ce sont les entreprises sous-traitantes qui ont la charge de gérer
les salariés et qui forment une sorte de coussin de protection et un
gage de flexibilité : quand l’activité baisse, ce sont elles qui sont tou-
chées en premier et doivent licencier, et non la maison mère ; quand
elle augmente, la charge se reporte aussi sur les sous-traitants. Mais
parfois des entreprises sous-traitantes croissent et peuvent imposer à
leur tour leurs exigences sous peine de rupture de pièces indispen-
sables, surtout dans le système du travail à flux tendu, sans stocks,
comme dans l’automobile. La répercussion du développement de la
sous-traitance conduit à des emplois moins stables, à une augmen-
tation des contrats à durée déterminée et à une exigence de mobilité
professionnelle et géographique.
Voies d’évolution récentes et nouvelles problématiques 91

1.3 Le travail à distance


Une autre forme de travail se développe également à partir des nou-
velles possibilités de communication à distance, c’est le télétravail ou
encore le travail à domicile. Le principe est simple : un ordinateur relié
à l’entreprise permet de réaliser chez soi, ou dans un centre spécialisé
pour éviter l’isolement, le travail à effectuer. Plusieurs aspects peuvent
être analysés (voir Armellino et Montandreau, 1995).
Sur le plan personnel, l’organisation du travail demande une capacité
d’autonomie et de gestion du temps afin de réaliser seul les objectifs
à atteindre. En particulier, la délimitation entre le travail et les autres
activités risque de devenir plus floue et variable, chaque zone pouvant,
selon le cas, déborder sur l’autre. Il apparaît cependant un sentiment
de confort plus grand lié à une gestion du temps plus autonome et à la
réduction des transports, même si les échéances en termes de perfor-
mance doivent être tenues.
Sur le plan de l’entreprise, des contacts réguliers doivent être main-
tenus avec l’organisation (Kouloumdjian, 2012), et il faut montrer que
l’on travaille au moins autant chez soi. Peuvent se poser des questions
d’interaction, notamment avec les supérieurs, et d’intégration à l’entre-
prise, ce qui peut induire une difficulté d’identité professionnelle.
L’un des problèmes porte sur le niveau de lien avec l’entreprise et le
cadre réglementaire relatif à ces personnels. Le sentiment d’apparte-
nance à l’entreprise est à préserver ou même à développer, et cela passe
notamment par des droits identiques à ceux qui travaillent dans les
locaux de l’entreprise, tel l’accès à la formation. Mais d’autres aspects
sont aussi à prendre en compte, tels que la mise à disposition et l’entre-
tien du matériel ou, sur un plan plus psychologique, la gestion du temps
de travail, des échéances imposées qui risquent de se répercuter sur la
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vie privée, des soutiens interactifs visant à réduire l’isolement. C’est un


nouveau cadre de travail qui se développe ; il demande à être étudié et
pris en charge dans ses différentes dimensions et notamment dans ses
aspects psychologiques.
Les tendances récentes accentuent les déréglementations du travail,
les missions à l’étranger y compris dans des pays éloignés, et l’utili-
sation des matériels portables qui rendent joignables les salariés à toute
heure et en tout lieu. Les conséquences directes se traduisent en diffi-
cultés accrues, notamment pour les trentenaires, d’obtenir un emploi
stable, de s’installer et de fonder une vie de famille durable. Et l’indivi-
92 Psychologie du travail et des organisations

dualisation du travail peut aller jusqu’à une déstabilisation de l’identité


professionnelle, un sentiment de stress permanent, et un rapport au
travail paradoxal, à la fois vu comme indispensable et dégradé.
D’autre part, la disponibilité totale issue des moyens de commu-
nication informatiques demande une gestion du temps plus rigou-
reuse sur le plan personnel, afin de ne pas se laisser envahir par les
urgences et de préserver une vie personnelle et sociale. La règle de ne
pas envoyer des courriers électroniques à toute heure avec exigence
de réponse immédiate commence à se mettre en place dans certaines
entreprises. Elle fait écho aux récentes interdictions d’utiliser le por-
table ou la vidéo en conduisant, pratique fréquente et jugée indis-
pensable dans certains métiers, mais qui est à l’origine de nombreux
accidents de la route.
Un autre aspect en mutation concerne les différents types de mobi-
lité. Celle-ci peut être interne ou externe, souhaitée et choisie ou impo-
sée. Elle comprend les déplacements fréquents à partir d’un lieu fixe ou
les changements de région ou de pays à plus long terme. Elle inclut éga-
lement les modifications de fonctions, voire de métier, ce qui demande
une compétence élargie ou une adaptation rapide, avec ou sans forma-
tion. Ces changements brutaux et souvent imprévus risquent d’avoir
pour effet le sentiment d’être considéré comme un objet transférable
sans ménagement et comme un produit polyvalent, perdant par là son
professionnalisme. Dans les cas les plus favorables, la mobilité peut
être vue comme une occasion de promotion et une diversification des
compétences.

1.4 Les centres d’appel


De nouveaux prolongements du travail à distance se sont mis en
place avec l’accroissement des communications commerciales à partir
d’appareils électroniques. Des plates-formes de travail ont été créées et
regroupent les opérateurs dans des centres d’appel. Deux formes d’acti-
vité sont à distinguer :
– celles consistant à recevoir des messages de consommateurs (genre
service après-vente, demande d’information ou de dépannage à
distance), où il faut répondre et trouver une solution en ligne, c’est
l’appel entrant ;
– et celles visant à rechercher de nouveaux clients en présentant un
produit (voyage, cuisine ou assurance par exemple), c’est l’appel
sortant.
Voies d’évolution récentes et nouvelles problématiques 93

L’ensemble du dispositif repose sur l’échange téléphonique, et il est


donc nécessaire de rendre le contact performant.
Paradoxalement, ces centres d’appel qui utilisent les techniques les
plus modernes ont instauré des modes de fonctionnement très tayloriens
et obtiennent un taux de rotation très élevé de leur personnel. Une ana-
lyse du travail fait apparaître plusieurs types de problèmes. D’une part,
les tâches elles-mêmes sont fastidieuses : répétition des appels, insatis-
faction des clients, qui rendent les contacts difficiles, voire agressifs, dif-
ficulté de trouver la solution à distance ou de convaincre pour vendre
un produit quelconque. D’autre part, l’organisation du travail accentue
le stress par le système de primes à la rapidité ou au chiffre de vente.
Mais le malaise vient aussi de l’écart entre les exigences du travail, qui
demande un niveau verbal élevé et une stabilité psychologique à toute
épreuve, et ce qui est offert en termes de rémunération et de statut. Ce
qui était acceptable pour un travail transitoire et à court terme comme
emploi d’étudiants ne l’est plus lorsque l’activité s’accroît et demande
la formation de professionnels compétents et stables. Peut-on penser
que la pénurie relative de candidats ayant les compétences requises va
entraîner un remodelage de l’organisation du travail dans un sens plus
acceptable et plus humain ? Une tendance commence à apparaître avec
davantage de travail en équipe, une diversification des tâches et la pro-
messe de promotion future sur un autre poste. En attendant, le système
indique que le travail associé à des techniques avancées et centré sur des
objectifs de rentabilité maximale va à l’encontre d’un climat de soutien,
d’un développement de soi dans l’activité et d’un progrès sur le plan
des relations humaines.

2. Les créations d’entreprises et l’innovation


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Une question qui intéresse à la fois la recherche et l’intervention en


psychologie du travail concerne la création d’entreprise. Plusieurs pro-
blématiques apparaissent.

2.1 Représentations de l’entrepreneuriat


D’un côté, il s’agit de s’intéresser aux personnes qui portent un projet
ou qui l’ont déjà réalisé. Par exemple, on peut rechercher les caractéris-
tiques qui augmentent les chances de réussir ou, inversement, repérer
94 Psychologie du travail et des organisations

les personnes qui n’ont pas les compétences nécessaires afin de leur
permettre de construire un projet réaliste, de s’orienter sur des forma-
tions adéquates et de les accompagner dans les différentes étapes de la
réalisation, ce qui se pratique dans des « pépinières » d’entreprises ou
autres centres du même genre.
La première idée est de rechercher ceux qui auraient un profil de créa-
teurs. Mais là encore, il n’y a pas de profil type, et ceux qui créent sont
très différents les uns des autres, heureusement. Il est plus pertinent de
rassembler les conditions qui favorisent la création d’entreprise et qui se
retrouvent le plus souvent. On peut citer notamment : avoir un projet
précis, choisir un secteur innovant dans lequel on a déjà des compé-
tences, commencer avec quelques personnes souhaitant travailler
ensemble et savoir s’organiser pour gérer les contraintes financières.
Une recherche sur les représentations liées à l’entrepreneuriat a
exploré les valeurs associées à la création d’entreprise chez des étudiants
et des créateurs, d’autre part elle a repéré les compétences préparant
des étudiants à se lancer dans ce projet (Lemoine et Danvers 2010).
On trouve des résultats proches et concordants avec ceux obtenus par
Odoardi (2008) où l’ordre des motivations est le même : motivation
à la réussite professionnelle, motivation prosociale, puis motivation à
l’innovation et à la réussite sociale. L’image de l’entrepreneur créateur
est aussi positive : il est compétent, engagé, capable de saisir les occa-
sions qui se présentent, et bienfaiteur au sens où il crée des emplois. Les
étudiants ont cependant une représentation plus généreuse et moins
réaliste que celle trouvée dans les milieux de l’entreprise. Ils ont par
exemple une image de l’entrepreneur exploiteur plus marquée que celle
des créateurs. D’autre part, l’étude ne montre pas d’évolution des repré-
sentations en fonction des années d’études universitaires, comme si la
formation n’avait pas d’effet sur ce registre.
Mais des recherches plus approfondies restent nécessaires sur ce
thème, et aussi pour mettre en évidence le poids des facteurs familiaux
et de l’entourage immédiat dans l’émergence du projet de création
d’entreprise et de l’intention d’entreprendre.

2.2 Création d’entreprise et innovation


D’un autre côté, il est nécessaire d’étudier et de suivre les processus
par lesquels se développe une organisation récente et de rechercher
s’il existe des phases ou des points d’inflexion qui reviennent de façon
régulière, ainsi que des facteurs qui favorisent ou empêchent la réussite
Voies d’évolution récentes et nouvelles problématiques 95

à court et à moyen terme. La connaissance des modes de développe-


ment des organisations devient alors une aide pour éviter des erreurs
qui risquent de mettre en péril l’entreprise.
Cette orientation de travail est encore trop peu étudiée, sans doute
parce qu’il est plus difficile de s’occuper de petites structures, qui plus
est en changement rapide. Les méthodes statistiques qui demandent des
effectifs importants sont peu adéquates, et il est nécessaire de s’investir
sur des méthodes longitudinales et plus qualitatives, ce qui demande
plus de temps et de moyens. Mais l’objectif en vaut la peine, sachant
le nombre important de créations de petites entreprises et leur impact
sur le développement de l’emploi, plus conséquent que celui des grands
groupes, où la tendance est plutôt à réduire le personnel.
En effet, il ne suffit pas de commencer, il faut encore tenir et se déve-
lopper dans le temps. Cela demande non seulement de s’adapter au
marché, mais surtout de s’organiser en interne pour grandir sans alté-
rer le mode de fonctionnement et, in fine, la satisfaction des clients.
Or une croissance rapide s’accompagne par nécessité d’une division du
travail plus importante : ce n’est plus la même personne qui peut gérer
la commande, sa réalisation et le suivi de gestion. Les rôles tendent à
se spécialiser, ce qui oblige les créateurs à s’appuyer sur de nouveaux
collaborateurs et donc à limiter leur sphère d’intervention. C’est l’un
des problèmes des artisans qui augmentent leur clientèle à partir d’une
prestation de qualité mais qui doivent ensuite mettre en place une
autre organisation, avec délégation de compétences, pour répondre à la
demande. Ce passage est un obstacle au développement et peut mettre
en cause la survie même de l’entreprise.
Une recherche sur les styles d’organisation réalisée à partir du modèle
Focus (Lemoine, 1998a) permet de diagnostiquer le climat et les valeurs
culturelles d’une entreprise afin de repérer les problèmes à résoudre
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avant intervention. Elle se fonde sur deux axes définis en termes de


niveau de contrôle et d’orientation vers l’intérieur de l’organisation ou
l’extérieur, c’est-à-dire le marché et les clients. Elle donne quatre styles
dominants mais non exclusifs correspondant aux principaux courants
théoriques du management : la centration sur les règles, les objectifs, le
soutien ou l’innovation.
Utilisée pour étudier les jeunes entreprises, elle portait à avancer
l’hypothèse d’organisations centrées sur le marché. Or il est apparu
que ce n’est pas ce modèle qui ressort en premier. L’importance est
d’abord donnée au soutien, au relationnel associé à un faible niveau
de contrôle (Fraccola et Lemoine, 2003). Des entretiens approfondis
96 Psychologie du travail et des organisations

et des observations directes ont permis de confirmer que la cohésion


d’équipe et un climat amical passaient avant une organisation de type
néorationaliste fondée sur les contrôles et le marché à tout prix. Le
relationnel et la confiance entre les membres d’une petite équipe sont
essentiels et le fondement même d’une création d’entreprise et de sa
structuration.
Les recherches ont ensuite visé à suivre l’évolution de ces organisa-
tions dans le temps et leur passage progressif à un système plus gestion-
naire faisant une place plus grande aux évaluations, avec l’hypothèse
d’un changement de style mais aussi un repositionnement des créateurs
d’origine (Fraccola, Lemoine et Faure, 2005). La dominante « soutien »
avec échanges directs et peu formalisés fait place à une division du tra-
vail plus poussée, à une augmentation du contrôle gestionnaire, à une
centration sur les objectifs de performance et de rentabilité, et conduit
à une structure hiérarchique plus affirmée. Les valeurs culturelles créa-
trices deviennent moins centrales et sont relayées par des valeurs liées
au contrôle et à la gestion. Il est clair que ce genre de recherche en
psychologie des organisations est directement lié à des interventions
de conseil en entreprise qui permettent d’assurer une régulation du sys-
tème et le maintien de sa réussite.
Quand une entreprise devient plus importante les formes d’innova-
tion changent. Ce n’est plus sa structure entière qui est orientée vers la
créativité, mais des services spécialisés sous forme de bureau d’étude et
de développement. C’est ainsi qu’à partir du questionnaire « Focus »
(Lemoine, 1998), on a pu distinguer ce qui relevait de l’innovation
managériale ou de l’innovation en termes de produits. Ainsi une grande
entreprise très exposée à la compétitivité varie-t-elle ses produits, et elle
développe pour cela une réelle inventivité et un dynamisme constant,
mais cela ne change en rien le style de management en interne qui
fonctionne selon des règles, une rationalisation et un contrôle impor-
tants et immuables au niveau du personnel. Il faut alors se demander
comment innover et réintégrer du lien, du soutien et du relationnel
dans une structure centrée sur les objectifs et le marché (Lemoine et
Fraccola, 2008). L’une des pistes renvoie aux pratiques de formation
dans l’entreprise, avec enrichissement des tâches, montée en compé-
tence et travail en équipe, mais le style de formation dépend lui aussi
des types d’entreprises : une étude tunisienne montre ainsi que les
entreprises nationales, plus centrées sur les règles et moins sur le climat
d’innovation, sont aussi plus portées sur l’acquisition de compétences
techniques et moins sur les compétences humaines (Chebbah Ammar
et Lemoine, 2008).
Voies d’évolution récentes et nouvelles problématiques 97

3. Accueil et services aux clients

L’une des orientations actuelles du travail réside dans le développement


des emplois de service aux clients. Cette tendance va dans le sens d’une
amélioration de la qualité et d’une organisation davantage centrée sur
l’extérieur et sur la satisfaction du client, par opposition à un fonc-
tionnement plus administratif où l’on s’occupe plus des dossiers que
des personnes. Mais, dans le même temps, un observateur rigoureux
ne peut se limiter à des effets d’annonce qui parfois cachent ce qui ne
fonctionne pas selon l’objectif souhaité.
Dans ce domaine, les premières études systématiques sont surtout
descriptives et portent sur des aspects fonctionnels du travail, utilisant
plusieurs méthodes complémentaires, telles que l’observation d’un
agent pendant son travail à partir d’une grille minutée, le recueil et
l’analyse des discours qu’il émet en situation et l’entretien sur site pour
obtenir sa façon de percevoir son activité.

3.1 Exemples de situations d’accueil


On peut relever plusieurs sortes d’accueil. L’une prend la forme d’aide
à la gestion de dossiers ou de procédures parfois informatisées dans
le cadre d’administrations qui reçoivent le public, telles la SNCF ou
La Poste. L’étude porte alors sur l’activité précise de l’accueillant, les
contacts qu’il noue avec l’usager et les relations qui s’établissent avec
les autres salariés. D’un côté, on peut suivre et analyser finement
comment s’élabore un échange verbal en vue de résoudre un problème
du client qu’il faut commencer par identifier puis traduire dans le lan-
gage de l’organisation. De l’autre, on peut observer comment s’effec-
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tue la division du travail, notamment entre des agents qui n’ont pas le
même statut, et comment apparaît une coordination des tâches ou, au
contraire, une concurrence entre des acteurs qui cherchent surtout à
protéger leurs pratiques de travail habituelles. On peut alors établir des
recommandations pour améliorer le système, le rendre plus performant
et augmenter la satisfaction des usagers.
Mais les situations d’accueil peuvent aussi correspondre à des relations
d’aide par téléphone, que ce soit sous forme d’écoute, pour répondre à
des situations de harcèlement ou de dépression, ou pour apporter une
information technique sur l’utilisation d’un logiciel. Dans les deux cas,
toutes les interactions passent exclusivement par le canal verbal, et il
est propice d’étudier séquence par séquence comment se construit le
98 Psychologie du travail et des organisations

discours de chaque partenaire. À partir d’une démarche d’analyse pré-


cise des interactions linguistiques, on peut alors mettre en évidence
la dynamique de l’échange, les représentations de chacun des interlo-
cuteurs qui s’élaborent dans la conversation et comprendre comment
les professionnels de l’écoute peuvent donner satisfaction à ceux qui
appellent.
La relation au client peut être analysée selon deux points de vue,
celui du client, mais aussi celui du salarié qui l’accueille et de l’organisa-
tion qui est mise en place et où il travaille. Par exemple, les guichetiers
de la poste (Caroly et Weill-Fassina, 2010) ont vu évoluer leurs missions
avec l’introduction de nouvelles contraintes commerciales, ce qui para-
doxalement transforme une relation de service à un usager, au sens de
rendre service, en une relation commerciale avec un client à qui il faut
vendre un « service », comme une enveloppe pré-timbrée ou un produit
financier, alors même que l’usager n’est pas demandeur. Cela change le
mode de relation.
Les outils informatiques viennent également médiatiser les relations
de service et les communications internes à un service. Dans ce sens,
Retour, Dubois et Bobillier-Chaumon (2010) ont analysé l’impact des
outils bancaires informatiques à la fois sur le rôle et les compétences du
chargé de clientèle et sur l’acquisition de compétences techniques par
le client. D’autre part, Guilbert, Leduc, Valléry et Demailly (2010) ont
étudié les effets de l’implantation d’une messagerie électronique sur la
circulation des informations dans une gendarmerie, ce qui a suscité à la
fois une augmentation de la rapidité des transmissions mais aussi une
exigence de réactivité plus grande et un sentiment de contrôle accru.

3.2 Le travail en milieu hospitalier et l’aide à autrui


En France, ce secteur se montre assez contradictoire. Alors que les pro-
blèmes de gestion humaine des services se font plus pressants en fonc-
tion de l’augmentation des charges de travail associée à une réduction
des horaires et du manque de personnel, l’administration de la Santé
reconnaît encore difficilement le statut de psychologue du travail, pre-
nant surtout en compte les psychologues au chevet du patient. Pour-
tant, il serait bien nécessaire de gérer différemment au quotidien le
travail et les relations qu’il induit, tant en termes d’équipes de travail
que de service aux clients.
Les études qui peuvent déboucher sur des réaménagements du travail
se développent pourtant, la demande étant forte. On peut citer l’organi-
Voies d’évolution récentes et nouvelles problématiques 99

sation du travail en équipe, la transmission des informations au chan-


gement de poste, le respect des normes de qualité qui augmentent les
contraintes, la gestion des tensions entre les tâches techniques et rela-
tionnelles ou la demande de reconnaissance des personnels en fonction
de leur implication dans le travail. On retrouve ici les questions du tra-
vail par objectifs qui demandent de se préoccuper aussi des moyens mis
en œuvre et des personnels qui assurent le service.
D’autres thèmes apparaissent aussi comme les questions liées à la
qualité des services offerts, où intervient la perception différentielle des
soignants et des patients.
Par exemple Leroux et Lemoine (2005) ont analysé la qualité des
soins et des services auprès de patients à domicile par comparaison à
un service hospitalier et montré les attentes respectives des soignants et
des soignés. Il ressort que la demande de qualité relationnelle domine,
surtout chez les patients à domicile, tandis que la qualité technique est
importante chez les soignants, y compris à domicile, car elle marque
l’identité professionnelle.
Dans une autre recherche réalisée dans le cadre d’aide à domicile,
Valléry et Leduc (2010) ont recueilli les avis à la fois des aides et des
personnes âgées. Ils ont montré les compétences sociales et techniques
appréciées différentiellement et le rôle de soutien et d’accompagnement.
D’autres travaux ont porté sur les comparaisons de climat entre des uni-
tés centrées sur les soins intensifs ou sur les soins palliatifs, ou encore sur
les problèmes d’organisation relatifs au suivi des malades à la sortie de
l’hôpital. Il ressort que le psychologue du travail, à partir des études qu’il
assure, peut faciliter la compréhension des processus en cours chez les
différents personnels et appuyer ainsi ses interventions pour améliorer
le travail, sa qualité et les aspects relationnels qui y sont associés.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

3.3 Une conception nouvelle : du salarié au client


Dès lors que l’on s’intéresse aux clients, on ne peut rester indifférent
à la psychologie du consommateur, à ses demandes et attentes, et aux
moyens de les satisfaire. La psychologie du consommateur est sans
doute un domaine trop peu étudié et laisse le champ libre aux théories
économiques qui lui font peu de place, comme si l’économie n’était pas
une science humaine. Salengros et Boogaerts (2012) invitent à traiter ce
thème à partir d’analyses typologiques des réponses aux enquêtes et de
l’introduction du concept d’implication de familles de consommateurs
vis-à-vis d’un produit.
100 Psychologie du travail et des organisations

Cette incursion dans la psychologie économique nous ramène, bien


sûr, à la psychologie du travail et aux stratégies de production et de
présentation de produits nouveaux en fonction des images qui y sont
associées.
À ce titre, il peut être fructueux de pousser le parallèle entre consom-
mateurs et producteurs, au sens où l’on y retrouve finalement les
mêmes personnes, chacun pouvant être considéré sous un angle ou un
autre. Cela arrive fréquemment déjà dans les chaînes de fabrication où
chaque unité de travail est à la fois le consommateur de produits réali-
sés en amont par d’autres et le pourvoyeur d’une production pour les
suivants. Il ne faut pas, en effet, considérer seulement le consommateur
final mais l’ensemble des échanges qui se réalisent dans tout le circuit
de production sur le modèle fournisseur-consommateur.
Il reste à revoir nos représentations en remplaçant le couple direction-
production par le couple fournisseur-consommateur. Pourquoi, en effet,
ne pas considérer le salarié comme un client ? Cela pourrait modifier
son statut, lui apporter plus de reconnaissance et d’attention et renou-
veler les relations de travail. C’est tout un programme.

4. Vers un autre rapport au travail ?

S’il est toujours difficile d’anticiper les évolutions, on peut tenter de


repérer des orientations qui se dessinent dans le domaine du travail.
Elles semblent aujourd’hui assez contradictoires.
D’un côté, le travail reste une référence importante dans nos socié-
tés développées et une activité qui se trouve au centre d’un réseau de
conséquences positives en chaîne : apport de revenus, conditions du
niveau de vie et de l’insertion sociale, sentiment de réussite et de réa-
lisation de soi. La profession caractérise la personne et la situe sociale-
ment, en même temps qu’elle la modèle, par l’importance qu’elle prend
dans la vie et par l’allongement des formations qui y préparent. Il suffit,
à l’inverse, de constater les difficultés rencontrées par ceux qui perdent
leur emploi pour des raisons économiques pour se rendre compte de la
place que tient le travail dans nos sociétés. Peut-on dissocier travail et
source de bien-être ?
Mais d’un autre côté, il apparaît que le travail est ressenti de plus en
plus comme une charge qu’il faut réduire en temps et à laquelle il faut
échapper dès que possible. Une hypothèse à ce sujet peut être formu-
lée : cette pénibilité perçue peut être mise en relation avec les exigences
Voies d’évolution récentes et nouvelles problématiques 101

élevées demandées aux salariés dans un temps plus restreint. Plus le


temps est limité, plus la minute est chargée, et plus les méthodes de
contrôle et d’évaluation se font pressantes. Les modes de management
actuels accentuent cette tendance en faisant appel à plus de compé-
tences, à plus de mobilisation psychologique et à plus de flexibilité.
Cela accroît l’impression que les personnes ne sont que des ressources
passagères à gérer, à contrôler puis à délaisser, ce qui produit l’effet
inverse de la motivation tant recherchée. Le salarié ressemble un peu
à un sportif professionnel qui doit obtenir des résultats élevés dans un
temps donné, dans un système où la rationalité des procédures est en
augmentation et l’avenir incertain.
L’impression qu’on ne peut plus s’échapper de ce tourbillon sous
peine d’être exclu semble alourdir le sentiment de pénibilité et pousser
à donner plus d’importance aux aspects instrumentaux du travail au
détriment des satisfactions intrinsèques, ce qui irait dans le sens d’une
modification des valeurs données au travail, notamment chez les plus
jeunes.
Cette pression ressentie, qui se traduit paradoxalement par un retrait
sur l’individuel au détriment du bien commun au moment où l’on
appelle à la responsabilité, creuse aussi le fossé entre le travail et les autres
temps de vie pour une même personne, et entre les personnes qui tra-
vaillent et les autres. La question des retraites gagnerait peut-être à être
considérée à partir de ce point de vue pour mieux comprendre les évo-
lutions. Est-il si sûr par exemple que la solidarité transgénérationnelle
collective soit tellement recherchée par les salariés ? Et si la retraite est
tant attendue, si son report pose tant de problèmes, ne serait-ce pas
aussi parce que les conditions de travail se sont détériorées sensible-
ment depuis les années deux mille ?
Les images du travail sont donc multiples (Lemoine, 2010). Le travail
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

est considéré en même temps comme contraignant et indispensable. Il


est le lieu de la réussite, la source du pouvoir d’achat pour le plus grand
nombre, le moyen de se réaliser mais, paradoxalement, les conditions
et le climat actuels freinent ces objectifs et ces attentes. La relation au
travail est complexe et polydoxe, et il n’est pas sûr que le rapport au
travail ne soit en train de changer, si l’on compare les discours entre les
générations. À la question sur l’importance donnée au travail dans la
vie, les réponses sont sans doute variées et il est possible que la généra-
tion plus jeune ne donne pas une orientation homogène, si l’on prend
en compte la diversité des situations entre ceux qui sont désorientés et
échouent avant même la sortie de l’école et ceux qui étudient longue-
ment et durement en espérant réussir…
5
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LE CONSEIL
ET L’INTER VEN TION :
MÉTHODES
ET DÉON TO LOGIE
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1. Intervention et recherche : l’emprise analytique ................. 105


2. Insertion de l’observation et enjeux perçus ......................... 110
3. Le conseil et la place du psychologue .................................... 116
4. Déontologie et participation des intéressés ......................... 119
5. L’interdisciplinarité ................................................................ 122
Le conseil et l’intervention : méthodes et déontologie 105

1. Intervention et recherche :
l’emprise analytique

L’intervention et le conseil psychologiques dans les organisations se


développent, que ce soit pour le recrutement, l’évaluation du travail, la
formation ou plus largement dans le cadre de la gestion des ressources
humaines.
La demande est souvent liée à un problème déjà posé ou à des restruc-
turations en projet ou en cours. Elle porte en priorité sur l’élaboration
d’instruments techniques afin de mesurer des caractéristiques relatives
au travail. Elle comprend ainsi à la fois un appel à la scientificité et une
attente de contrôle accru qui correspond à une organisation par objec-
tifs et à un souhait de plus grande rationalité.
On pressent déjà que ces mesures n’ont pas seulement pour objet
d’établir un diagnostic sur un état donné mais visent à intervenir sur lui
et à le modifier, par exemple en l’organisant ou en le contrôlant davan-
tage, comme si le résultat allait venir de la mesure même, et non de ce
qui est mesuré.
Face à cette demande assez ambiguë qui mélange aisément rigueur
scientifique et rigueur des procédures rationalisées, l’intervenant doit
commencer par découvrir les éléments de la situation, alors qu’ils lui
sont présentés comme évidents ou acquis.
Pour cela, il va s’appuyer sur une démarche méthodique, gage de
son sérieux, mais il ne pourra pas toujours la mettre en œuvre pour de
multiples raisons pratiques : le personnel n’a pas le temps de répondre
ou ne peut être dérangé dans son travail, il est difficile de l’observer
durant son activité par raison de sécurité, ou bien le responsable du
service va lui indiquer ce qui se passe. Si bien que l’observation même
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

reste souvent impossible, limitée ou non représentative de l’ensemble


des situations.
On se trouve ainsi en présence d’une résistance à l’observation scien-
tifique ou systématique. Pour des raisons différentes, elle peut venir
aussi bien des supérieurs demandant l’intervention que des personnels
à observer qui se demandent ce qui va leur arriver.
Cette situation n’a rien d’exceptionnel. Elle peut être analysée à
partir du modèle théorique de l’emprise analytique (Lemoine, 1994a,
2002b), qui permet de prendre en compte les attentes et les craintes de
chacun des pôles en présence vis-à-vis du savoir scientifique. Mais la
relation d’emprise analytique (SEb = Source-Emprise-base, voir p. 15),
106 Psychologie du travail et des organisations

qui correspond à une relation de détermination d’un pôle sur l’autre,


s’accompagne d’autres types d’emprise, par exemple économique,
managériale, technique, et se trouve dans un champ plus large exerçant
une emprise sur la triade SEb.
Les emprises par observation, évaluation et analyse scientifique réa-
lisées sur autrui entrent dans le jeu des relations de travail et peuvent
être considérées comme de nouveaux enjeux qui s’élaborent autour
des méthodes de recueil d’information et des connaissances qui s’en-
suivent, selon l’idée que plus de savoir sur autrui donne davantage de
pouvoir ou, au sens strict, de capacité pour intervenir sur lui.
On retrouve donc que b produit à son tour une emprise d’E’ vers S,
souvent pour réduire l’emprise de S ou s’en protéger, si bien que l’effet
final observé est la résultante des emprises et des contre-emprises et non
le seul effet de S, ce qui permet d’expliquer qu’une emprise forte puisse
avoir un effet faible si E’ est grand.
Mais dans une organisation, le schéma minimal se complique un peu
par un système à trois pôles où S se dédouble. La source S est réalisée,
d’un côté, par la direction D lorsqu’elle observe, surveille ou contrôle le
personnel P, qui tient alors la place de la base b, de l’autre côté, par un
observateur ou un conseiller extérieur C qui peut exercer une emprise
d’observation sur l’ensemble, direction et personnel ou seulement sur
une partie, le plus souvent les salariés.
Ces trois pôles peuvent chacun exercer des emprises différentes et
mutuelles quoique de grandeurs variées, l’emprise venant de la direction
D étant en général plus importante et créant une relation dissymétrique.
À partir de là, on peut passer en revue différents cas de figures issus
de l’emprise d’observation et d’analyse qui se joue entre les trois pôles
D, C et P.

Encadré 6
Différents types d’emprise par observation et analyse en entreprise
(D = Direction ; C = Conseiller ; P = Personnel)
Par exemple, D souhaite obtenir de l’information sur P en passant par C.
Mais cette emprise par observation va renforcer l’emprise globale de D sur
P, déjà présente, et modifier l’état des relations antérieures, d’équilibre par-
fois précaire.
Il s’ensuit que P va essayer de limiter cette nouvelle emprise, notamment en
réduisant l’information donnée ou en la transformant, à partir du moment
À
Le conseil et l’intervention : méthodes et déontologie 107

Â
où il se rend compte de l’enjeu qui se noue. Cette contre-emprise de P vise
à limiter l’effet de l’observation réalisée par C. Elle peut même l’annuler
ou être à l’origine de distorsions systématiques, trop souvent mises sur le
compte d’erreurs techniques des méthodes ou des instruments de mesure.
C devient donc le centre d’un enjeu dont il risque de faire les frais. D’un côté,
il doit répondre à la demande de D ; de l’autre, il doit obtenir des informa-
tions crédibles de P, dont il dépend pour cela.
Plusieurs solutions sont possibles pour C, qui sont aussi des options d’ordre
déontologique. Soit il prend délibérément le parti de D ; il doit alors trou-
ver les moyens d’obtenir des informations de P, soit sur ordre, soit à son
insu, soit en apportant quelques garanties de pure forme, soit encore en lui
faisant penser qu’il n’y a pas de problème et en donnant confiance, ce qui
relève d’une certaine manipulation. L’étude de la motivation (Levy-Leboyer,
1998), lorsqu’elle se traduit par la question « comment faire travailler plus ? »,
est un exemple de prise de position en faveur de D.
Soit C souhaite associer P. Ce peut être par conviction ou par profession-
nalisme, en sachant qu’une emprise dissymétrique trop forte produit des
effets inverses dommageables pour tous. C doit alors négocier avec D des
conditions de l’étude ou de l’intervention afin que P trouve sa place dans le
processus et en tire profit aussi, cela pour que le système ne soit pas désta-
bilisé mais au contraire puisse progresser.
C doit encore gérer avec D un autre problème potentiel, celui de sa place
dans les décisions. Il ne faut pas, en effet, que l’information détenue par C le
conduise à faire prévaloir ses vues de façon unilatérale, sous prétexte de scien-
tificité. D pourrait ne pas accepter cette initiative, alors même que, par ailleurs,
il demande à C de trouver des solutions. Mais il est important que ce soit D
qui les prenne, sans avoir l’impression d’être mené par un conseiller. Cela est
d’autant plus sensible que C peut être conduit à étudier aussi les conduites de D
et à les amener à s’infléchir en fonction des résultats issus des relations D-P.
Par exemple, pour induire un changement demandé par D, C peut en arri-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ver à conclure que D doit aussi changer ou participer au changement, sans


attendre tout de P. Ainsi, Rondeau, Lemelin et Lauzon (1993) montrent-ils le
rôle important à tenir par le vice-président aux ressources humaines dans la
mobilisation du personnel. Il est ici crucial qu’une relation confiante et posi-
tive se soit installée entre P et C pour faire aboutir le projet.
En outre, C a tout intérêt à établir également un climat de confiance avec P.
On a montré que c’était une condition pour vaincre les réticences et obtenir
sa coopération. Mais cela signifie aussi que cette confiance ne doit pas être
déçue, sous peine de contre-emprise forte. C’est possible si P participe à la
démarche, comprend son objectif et s’y trouve associé.
Dans ce cas, P accède aussi à l’information qu’il a contribué à générer,
s’approprie des éléments de l’analyse en cours et peut les utiliser pour Á
108 Psychologie du travail et des organisations

Â
améliorer son propre travail. L’information en retour qu’il obtient crée un
système en boucle, appelé autoemprise, qui, à partir de l’analyse, permet de
maîtriser davantage la façon de travailler.
Il en résulte que C ne conseille pas seulement D mais apporte aussi à P des
moyens nouveaux pour qu’il gère mieux son activité.
Bien entendu, cette solution optimale qui permet à chacun des trois pôles de
tirer parti de l’analyse d’une situation de travail n’est pas toujours possible
et demande que soient remplies plusieurs conditions. Elle montre au moins
la complexité du rôle de conseiller en psychologie et l’éclairage apporté par
un modèle théorique qui ne relève pas de la psychologie appliquée mais de
recherches fondamentales réalisées en liaison avec le terrain social.

Cette modélisation issue du schéma de l’emprise par analyse scienti-


fique (Lemoine, 1994a) reste générale. S’y ajoute l’introduction des trois
pôles D, C, P. Mais les fonctions de C restent à préciser, et ce d’autant plus
que l’emprise de l’observateur C ne se réalise pas dans un vide contextuel
mais s’insère toujours dans une structure déjà existante qui peut aussi
exercer une emprise sur C et sur la relation C-P. Comme on l’a vu, ce
tripôle DCP tend à se substituer au bipôle DP (direction-personnel) qui
forme la ligne hiérarchique classique. Le pôle C, analyste ou observateur,
joue ainsi un rôle de plus en plus important dans le système de mana-
gement et de décision. Il constitue un élément clé pour la configuration
théorique d’une nouvelle forme de fonctionnement d’une organisation.
Aussi est-il nécessaire de regarder de plus près les fonctions possibles
et distinctes remplies par C, sachant que l’activité d’analyse se couple
le plus souvent avec d’autres, le conseil, l’observation évaluative ou
l’évaluation-jugement, ou encore l’expertise qui oriente les décisions.
Dans le modèle DCP, le pôle C peut en effet jouer plusieurs fonctions
très différentes :
– C peut être un conseiller, psychologue du travail, à qui la direc-
tion D a demandé de rassembler de l’information sur le personnel
P. Le modèle DCP peut définir les formes d’intervention de C, avec
selon le cas un travail réalisé au profit de D ou, en associant P, au
profit des deux pôles à la fois, dans un schéma gagnant-gagnant.
Par exemple, C, à partir des observations de terrain, va construire
un référentiel de compétences qu’il pourra mettre à la disposition
de D et de P, afin de définir mieux les types d’activités, les moyens
nécessaires et les compétences mises en œuvre. C joue alors un
rôle d’intermédiaire permettant de faire circuler l’information.
Dans une entreprise de grande dimension, la direction générale D
Le conseil et l’intervention : méthodes et déontologie 109

connaît peu les pratiques existantes au niveau du terrain et les pro-


blèmes du personnel P, son information restant surtout théorique
ou étant saturée par d’autres préoccupations, financières entre
autres. C permet donc de faire remonter de l’information venant
du terrain social. Inversement, les méthodes de C, largement
fondées sur le verbal, ont aussi l’intérêt de donner la parole au
personnel P. C’est l’un des effets premiers des entretiens et des ques-
tionnaires, avant même d’obtenir des données. Ce n’est pas tous
les jours que l’on écoute le personnel et, depuis l’étude de Mayo
(1933) à la Western Electric, tout psychologue sait que s’occuper
du personnel augmente à la fois sa motivation et son rendement. C
devient un intermédiaire pour faciliter la communication interne,
dans les deux sens, par l’utilisation des méthodes psychologiques.
– C peut aussi être consulté comme conseiller à qui il est demandé ce
qu’il faut décider ou réaliser. C’est une situation avantageuse mais
qui fait courir le risque de se trouver exposé en étant mis en avant
ou, à l’opposé, de se voir reprocher d’empiéter sur les prérogatives
de la direction. Il est donc préférable, sous la dénomination de
consultant, de proposer des pistes ou des recommandations offrant
des choix fondés à partir des analyses de terrain effectuées, pour
éclairer la direction plutôt que de répondre à la demande piégeante
d’apporter des solutions toutes faites.
– C peut encore être amené à jouer un rôle d’évaluateur. C’est d’autant
plus fréquent que le jugement sur autrui est monnaie courante,
avec ou sans spécialiste de l’évaluation. Là encore, il est judicieux
de ne pas mélanger les rôles et de ne pas remplacer ceux qui ont à
trancher. Il faut sans doute expliquer les enjeux de l’évaluation, ses
effets consécutifs possibles, la place de l’analyse et de l’analyste par
rapport au système en place, et parfois, quand c’est possible, faire
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évoluer le système pour éviter qu’il alourdisse le climat et crée des


difficultés gênant le fait de travailler ensemble, comme devront
continuer à l’assurer les évaluateurs tout autant que les évalués.
– Depuis la prolifération des évaluations en tout genre, concernant
aussi bien le mérite personnel que le palmarès des structures, C
peut être employé comme expert. Cette fonction en extension
n’est pas réservée au psychologue du travail, mais celui-ci peut
y être associé quand il s’agit de traiter des personnes. Les enjeux
se situent en amont même de l’expertise demandée, d’une part
avec le choix des experts, souvent désignés dans un réseau étroit
de proximité et formant, par leur pouvoir, une classe supérieure à
celle des expertisés, et d’autre part avec le choix des critères. Quand
110 Psychologie du travail et des organisations

c’est possible, et en fonction de l’argument de professionnalisme, il


est nécessaire d’exiger l’explicitation et la transparence des critères
afin de limiter le flou des appréciations et de rééquilibrer un petit
peu les échanges entre les parties. Mais il faut se rappeler que la
position d’expert conduit à recueillir des informations normatives,
pose des questions déontologiques et crée une nouvelle hiérarchie,
implicite ou non, où la capacité d’analyse et de savoir sur autrui se
couple avec le pouvoir en place.
Face à ces pratiques, le psychologue du travail a intérêt à éviter de se
laisser enfermer dans des demandes qui ne correspondent pas à ses fonc-
tions principales. S’il doit se situer comme un expert ou un ingénieur
pour se faire reconnaître socialement (Ballouard, Lemoine, 1995), il lui
reste à prendre ses distances par rapport à la technocratie évaluative et
aux expertises couperets pour mieux développer ses propres pratiques.
Il lui faut montrer qu’il est expert en relations humaines, non pour
classer et hiérarchiser, mais pour avancer et amorcer la réflexion de cha-
cun avec méthode, et pour faciliter la mise en place de cette analyse
réflexive, selon l’expression du « tenir conseil » de Lhotelier (2001) qu’il
propose pour le bilan de compétences.

2. Insertion de l’observation et enjeux perçus

2.1 Le sens de la démarche pour les acteurs


Les travaux sur l’emprise analytique et la pratique du recueil d’informa-
tions scientifiques sur le terrain ont permis de repérer des conditions
nécessaires ou utiles pour insérer l’activité de conseil, de consultant ou
de recherche, celle-ci faisant partie intégrante de la démarche de conseil
dès lors qu’elle s’appuie sur des méthodes rigoureuses.
L’insertion d’une étude ou d’une recherche dépend, d’une part, des
caractéristiques du terrain social d’accueil, d’autre part, de la façon de
gérer la démarche (Lemoine, 1981).
¼ Côté terrain
Du côté du terrain d’accueil, il est apparu que le niveau d’acceptation
d’une intervention par expérimentation, enquête, entretiens ou obser-
vations variait selon plusieurs facteurs :
– une organisation qui permet une variété des conduites favorise
aussi la possibilité de comparaisons ou même d’expérimentations.
Le conseil et l’intervention : méthodes et déontologie 111

C’est le cas des systèmes en mutation rapide qui se trouvent dans


une phase de mobilité ou d’instabilité et acceptent une gamme
plus grande de conduites possibles que lors de phases plus régle-
mentées. Cela l’est aussi des sociétés qui ont intégré l’idée de chan-
gement, plus disposées ainsi à introduire des variations et à les
observer, et de celles qui sont complexes et diversifiées par opposi-
tion aux systèmes plus rigides. La marge d’acceptabilité dépend de
la gamme des conduites existantes ou permises ;
– la possibilité d’une étude est favorisée si elle entre dans les objec-
tifs de l’organisation et si elle ne se trouve pas en contradiction
avec ses normes habituelles. Des variables telles que l’efficacité, la
performance ou la productivité sont, en général, bien acceptées,
voire demandées par des entreprises cultivant ces valeurs, mais en
éclipsent d’autres en contrepartie, ce qui crée une sélection des
thèmes étudiés. Parfois aussi, les retombées possibles d’une étude
risquent d’aller à l’encontre des préoccupations du moment. Par
exemple, des enquêtes sur la formation d’adultes ou sur le climat
d’entreprise ont été refusées ou reportées en période de difficultés
sociales : elles n’étaient pas vues comme opportunes par la direc-
tion car risquant de susciter des demandes nouvelles ;
– mais l’accord de la direction ne suffit pas toujours. Il faut aussi
obtenir celui des responsables intermédiaires et en définitive celui
des personnes observées, enquêtées ou interviewées. À défaut, dans
l’impossibilité d’un refus poli, on obtient des discours de façade
bien tempérés ou édifiants et des réponses normalisées, désirables
ou évasives, comme cela a été enregistré sur site et vérifié de façon
expérimentale (Lemoine, 1994a).

¼ Côté recherche
Du côté de la recherche, il est important en conséquence d’associer
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

les différents acteurs à la démarche prévue et de veiller à ce qu’elle aille


dans le sens de leurs attentes afin de s’assurer de leur coopération et
d’éviter d’obtenir des conduites factices ou convenues.
Cette attitude qui consiste à prendre en considération les personnes
concernées commence par le fait de donner de l’information sur les
objectifs de la recherche ou de l’intervention, ce qui tranche avec des
pratiques de laboratoire où la règle est de ne rien dire aux sujets. Elle se
poursuit en leur donnant accès à la connaissance des résultats et, quand
c’est possible, en élaborant une partie de la démarche avec eux.
Dans ce cas, les différents acteurs peuvent s’approprier le sens de l’inter-
vention et participer activement à sa réussite, y compris en analysant à
112 Psychologie du travail et des organisations

leur tour la situation et en prenant conscience de certains phénomènes


qu’ils vivent et pour lesquels des changements sont souhaitables.
Il en ressort que la gestion de l’information scientifique sur autrui ne
se limite pas à un prélèvement, mais amène à organiser des consulta-
tions qui associent les différents acteurs à la réflexion en cours et aux
changements en perspective.

2.2 Conséquences organisationnelles et scientifiques


Sur le plan organisationnel, cette perspective ouvre une réflexion sur
les effets de l’utilisation des méthodes en sciences humaines. Des buts
implicites peuvent susciter des représentations négatives sur les finali-
tés de la recherche et des craintes sur les risques d’être évalué dans son
travail (Lemoine, 2002a).
Et un apport d’information auprès d’un seul des pôles, soit la direc-
tion, est susceptible d’augmenter la dissymétrie des emprises déjà exis-
tante, de renforcer les moyens d’intervention de la hiérarchie et de
justifier des normes nouvelles imposées en référence à une connais-
sance scientifique.
Inversement, si l’on souhaite que l’ensemble des acteurs participe
aux changements, il est nécessaire de faire circuler l’information sur les
finalités, de sensibiliser à la démarche et aux méthodes scientifiques,
et de mettre à disposition des différents acteurs les résultats, afin que
ceux-ci puissent leur servir de réflexion sur la situation sous forme de
rétroaction et être utilisés par eux pour leur travail, ce qui correspond à
un processus d’appropriation des résultats.
Sur un plan scientifique, il s’agit de concevoir la démarche en reconsi-
dérant la place des sujets et leurs possibilités. Ils ne sont plus seulement
des objets d’observation mais deviennent des partenaires, contribuent
au mode d’information recueillie et participent même à l’élaboration
des données.
Celles-ci, en effet, ne sont plus conçues comme des faits préexistants
mais comme le résultat d’une interaction spécifique au cours de laquelle
les intéressés découvrent par eux-mêmes des dimensions qu’ils vivent
mais dont ils n’avaient pas clairement conscience. Cette clarification des
éléments de la situation étudiée profite ainsi à la fois à l’enquêteur mais
également à l’enquêté, dans la mesure où il est amené à focaliser son
attention sur eux. Et si ces éléments le concernent, ils lui apportent une
information nouvelle sur lui, ce qu’on appelle une autoconnaissance.
Le conseil et l’intervention : méthodes et déontologie 113

2.3 Conséquences sur le statut des méthodes


Dans cette perspective, les méthodes changent également de statut.
Elles ne sont plus considérées comme des techniques qui prélèvent
une information toute faite qu’il faut extraire avec le moins de dis-
torsions possible. Elles deviennent le lieu d’une interaction spécifique
qui dépend du mode de relation d’emprise analytique établie entre la
source S et la base b.
Selon le mode d’emprise exercée, elles apportent plus ou moins
d’informations et permettent à b soit de donner des réponses mini-
males, soit de découvrir des dimensions jusque-là non évidentes. C’est
pour cette raison que le bilan de compétences est un dispositif privilégié,
car il peut rassembler les conditions relationnelles pour que l’intéressé
puisse dégager des informations nouvelles sur lui-même, les structurer
et les organiser à sa manière.
Il en résulte que le questionnement portant sur des aspects impliquants
de la personne est susceptible de lui permettre de focaliser son attention
sur eux et d’en prendre conscience (Lemoine, 1997a).
On a montré que la mise à disposition de questions ciblées avait un
effet de préparation avant une situation de présentation orale de soi.
On a émis l’hypothèse que l’induction d’autoanalyse induite par les
questions permettait au sujet de s’approprier les critères disponibles et
d’organiser mieux sa conduite, ce qui est vérifié à partir de variables ver-
bales comme un nombre d’hésitations moindre, un niveau plus élevé
de construction des phrases et un discours plus personnalisé (Lemoine,
1997b).
Dans une autre expérience, il s’agissait d’expliciter son projet profes-
sionnel et de préciser ses objectifs par écrit. On a constaté également
que répondre antérieurement à un questionnaire sur les valeurs don-
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nées au travail facilitait l’expression écrite par l’obtention de réponses


plus fournies, plus pertinentes et plus précises.

2.4 Les tests : vers un lieu d’interaction renouvelée


Si l’on transpose le même raisonnement sur les méthodes verbales aux
tests, on modifie aussi sensiblement leur mode d’utilisation et la repré-
sentation qu’on peut en avoir.
À ce sujet, il faut rappeler qu’un test n’indique jamais qui on est,
mais classe seulement un résultat par rapport à une population parente,
114 Psychologie du travail et des organisations

c’est-à-dire supposée avoir les mêmes caractéristiques sur un ensemble


donné d’autres variables. Il indique ainsi que tel sujet se place dans
tel ou tel décile, ou tranche de 10 %. C’est par cette comparaison qu’il
induit un sentiment élevé d’évaluation plutôt que d’apporter une ana-
lyse sur les processus qui ont abouti à ce résultat. Dans ce cadre, le test
est un instrument technique qu’il faut appliquer de façon standardisée,
ce qui est utile pour égaliser les conditions, mais ce qui entraîne aussi
une rigidité dans la relation établie à partir de consignes qui créent de
fait un rapport dissymétrique d’autorité.
Lorsque le test est employé dans une autre optique, il devient possible
de revoir le mode de relations qu’il induit, notamment en associant le
sujet à la construction du résultat. L’option est alors de commencer
par lui indiquer les raisons et le but du test, au lieu d’essayer de lui
cacher ce que, peu ou prou, il pressent ou anticipe. Cette introduction
a l’avantage d’éviter le jeu de cache-cache du chat et de la souris et sur-
tout d’établir une relation entre partenaires et non plus entre testeur et
testé.
Ensuite, il s’agit de lui expliquer la démarche et de l’inviter à réfléchir
sur les questions afin qu’il indique à partir d’elles comment il les perçoit
et ce qu’elles lui suggèrent afin d’amorcer un processus d’attention à soi
sur des points précis.
Enfin, les résultats deviennent non plus un verdict général ou la
réception d’un profil figeant une image imposée, mais à nouveau le
point de départ d’une réflexion sur soi et d’une synthèse personnelle
encadrée par un professionnel.
Cette perspective de fonctionnement, qui vise à permettre à la per-
sonne concernée une centration sur soi et une appropriation des fac-
teurs analysés, a commencé à déboucher sur des travaux expérimentaux
dans le cadre du bilan de compétences. Elle essaie de répondre à la ques-
tion de savoir par quels moyens et jusqu’où une personne non spécia-
liste peut découvrir des dimensions relatives à ses composantes ou à sa
situation.

2.5 Apprendre les méthodes pour analyser


sa situation
La logique d’ensemble de cette démarche part du constat que les per-
sonnes observées ou analysées dans leurs conduites ou leurs opinions
cherchent à ne pas rester dans ce statut, qui correspond à la base b, et
à devenir elles-mêmes sources d’emprise sur le plan de l’analyse, soit S.
Le conseil et l’intervention : méthodes et déontologie 115

Elles veulent accéder au statut d’analyste, et cela d’autant plus que les
dimensions étudiées les concernent.
La question est alors de savoir comment elles peuvent acquérir les
moyens de cet objectif, à supposer que la relation d’emprise soit réver-
sible sur le plan social, ce qui est en partie reconnu légalement par le
droit de connaître les informations qu’autrui détient sur soi et celui
d’accéder à des données personnelles.
Cette interrogation se pose en premier lieu pour les dimensions
constitutives du soi, comme les compétences ou les aspects de la per-
sonnalité, mais également pour la capacité à analyser des éléments de
la situation dans laquelle on se trouve. Est-ce qu’une approche objec-
tive est réservée exclusivement à des tiers qui auraient seuls l’accès au
savoir scientifique parce qu’ils seraient extérieurs à la situation étu-
diée ?
On notera que cette question dépasse le champ de la psychologie et
s’étend à toute information concernant l’humain. C’est le cas en pre-
mier lieu en médecine et en biologie humaine, où il devient peu à peu
acquis que le patient a le droit de savoir, mais a aussi la possibilité de
se faire entendre dans la mesure où il connaît son état, parfois de façon
plus pertinente qu’un médecin. Le débat entre les tenants de l’écoute
et les adeptes du diagnostic extérieur du seul ressort du spécialiste n’est
pas clos, mais il fait écho à l’exigence socialement croissante du droit
des patients à gérer leur situation.
Si l’on se réfère au schéma d’emprise, il ressort que l’observateur S
n’est pas extérieur au système. Il s’en rend extérieur par les connais-
sances et les méthodes qu’il possède, tandis que l’observé en est privé.
C’est cela qui fonde l’objectivité et non le seul fait de l’extériorité qui,
poussée à l’extrême, empêcherait toute compréhension.
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L’option épistémologique revient ici à permettre l’acquisition et


l’appropriation de ces méthodes par les personnes concernées afin
qu’elles puissent aussi participer à l’analyse des situations dans les-
quelles elles se trouvent. Toutefois, cette compétence n’est pas acquise
d’avance, et il faut apprendre à analyser sa propre situation, ce qui est
un des rôles du psychologue à partir des méthodes qui aident son inter-
locuteur à faire le point sur des objets qui l’impliquent (Lemoine, 1990).
Pour acquérir cette capacité d’analyse de situations impliquantes, il est
nécessaire de se trouver en position d’observateur, et non d’observé,
de pouvoir accéder aux outils et aux méthodes pour se les approprier,
d’avoir une réflexion théorique sur les critères d’observation afin d’évi-
ter les jugements d’évaluation. Cette démarche rejoint également
116 Psychologie du travail et des organisations

l’« analyse des pratiques », qui permet aux psychologues eux-mêmes


de prendre de la distance et de réfléchir sur leurs modes d’intervention
auprès de personnes gravement atteintes ou dans des situations diffi-
ciles à vivre.
On voit qu’il ne s’agit pas de faire appel à l’introspection, terme encore
tabou, mais d’organiser les relations analystes-analysés ou observateurs-
observés, afin que les seconds puissent s’approprier des informations sur
eux-mêmes avec le soutien professionnel des premiers, ce qui conduit
à modifier la relation d’emprise entre S et b, pour que b devienne aussi
analyste ou observateur.
C’est en cela notamment que la psychologie « dans » le travail n’est
pas une science appliquée, mais une démarche fondamentale où la psy-
chologie progresse à partir d’une réflexion sur les conditions de l’ana-
lyse scientifique dans les situations de travail.

3. Le conseil et la place du psychologue

Le conseil en psychologie varie selon qu’il s’effectue en entreprise ou


auprès des individus et selon son objectif, qui dépend de celui à qui il
est adressé.

3.1 Le conseil en entreprise


En entreprise, le conseil porte d’abord sur la façon d’organiser les rela-
tions de travail et les répercussions sur le plan de l’entreprise et de ses
acteurs. L’objectif est une aide à la gestion des relations humaines afin
de favoriser l’organisation du travail (voir Lancestre, 2012).
Dans ce cadre, il est important de réaliser une observation multi-
facettes en recueillant les avis des différents pôles en présence. Il arrive
que les points de vue et les objectifs soient antagonistes ou paraissent
tels. Mais si l’on considère que l’amélioration des résultats d’entreprise
passe par une gestion des relations humaines et qu’elle ne peut que
s’appuyer dessus, il est alors nécessaire d’associer les différentes par-
ties concernées plutôt que de renforcer les oppositions. C’est aussi une
façon de donner du pouvoir ou d’habiliter les partenaires (empowerment
en anglais).
C’est donc miser sur la coopération et la médiation plutôt que sur le
renforcement des règles, des sanctions et des contrôles qui durcissent
Le conseil et l’intervention : méthodes et déontologie 117

les relations et les conditions de travail. Bien entendu, cette option est
à négocier avec les responsables d’entreprise au niveau de la définition
même de l’intervention et des modalités de sa mise en place.
On a vu que les effets de l’appel à des méthodes scientifiques étaient
susceptibles de varier selon le style d’organisation. Mesurer unilatéra-
lement des dimensions du travail à partir d’indices et de référentiels
ad hoc tend à renforcer l’évaluation et le système de contrôle, ce qui va
à l’encontre d’une confiance donnée au personnel. Mais mesurer les
mêmes aspects peut se faire en associant les intéressés. Ceux-ci accèdent
alors à la position d’observateur et s’approprient les résultats qu’ils ont
eux-mêmes contribué à obtenir, générant par là une source de régula-
tion de leur travail.
Bien sûr, on peut penser qu’il s’agit là d’un stratagème pour don-
ner l’impression d’être responsable et pour mieux intégrer les règles à
suivre et leur être soumis. Cependant, il ne faut pas confondre cette
intériorisation des normes avec la capacité accrue de maîtrise des situa-
tions obtenue à partir de la possibilité de savoir les analyser. Cette opé-
ration contribue, au contraire, à une prise de conscience de son activité
dans une situation donnée et permet de mieux réguler sa conduite en
connaissance de cause.
Mais le conseil en entreprise ne se limite pas à la gestion de l’orga-
nisation du travail, il passe aussi par un conseil individualisé auprès
des différents salariés, y compris ceux de la direction, et en acquiert les
caractéristiques.

3.2 Le conseil personnalisé


La réflexion entreprise sur la place du conseiller porte à reconsidérer
son style d’intervention. S’il est important qu’il soit reconnu comme
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

un expert au sens de ses compétences professionnelles, son rôle


consiste moins à expertiser en donnant des conclusions qu’à organiser
la démarche, au niveau de l’entreprise comme au niveau individuel. Il
n’est plus celui qui dit ce qu’il faut faire mais plutôt celui qui apporte une
méthode pour permettre aux intéressés de progresser par eux-mêmes.
À cet effet, il favorise l’émergence des informations pertinentes, clarifie
les objectifs et développe les échanges. On se trouve donc davantage
dans un rôle de facilitateur, de soutien et d’accompagnement permet-
tant une coconstruction de la problématique avec les différents acteurs
du système. Le conseiller ne donne donc pas de conseils à suivre mais
suscite une réflexion méthodique.
118 Psychologie du travail et des organisations

À partir souvent d’une demande de solution, le conseiller arrive à


une démarche de diagnostic, mais celle-ci, élaborée avec les différents
acteurs, génère une analyse des éléments venant du système ou des per-
sonnes, créant un accroissement de connaissance pour les intéressés.
Dans cette logique, il reste que l’intervention comme la recherche
se réalisent de façon de plus en plus personnalisée, en prêtant une
attention particulière à chacun et en se gardant des généralisations
hâtives sur des ensembles larges ou des moyennes impersonnelles
qui risquent de réintroduire des images stéréotypées sous couvert de
scientificité.

3.3 La qualité de l’intervention psychologique


Peu de recherches portent sur l’activité effective des conseillers comme
moyen de progresser sur un plan professionnel. On peut noter celle de
Bernaud et Leblond (2005) par exemple, qui étudie l’impact des d’infor-
mations sur soi données par l’interviewer pour réduire l’effet d’emprise
unilatérale. Sans doute est-ce l’effet de la difficulté d’observer des psy-
chologues dans leur activité même alors qu’ils ont plus l’habitude d’être
observateurs, difficulté qui peut se doubler de celle d’une analyse rétros-
pective sous forme d’autoanalyse, qui ne s’improvise pas et demande
un tiers extérieur apportant méthode et relation de confiance, comme
on l’a vu dans le schéma d’autoemprise analytique ou dans le cadre des
bilans de compétences.
Cette démarche de recherche sur l’activité du psychologue semble
cependant nécessaire, à la fois pour que celui-ci se renouvelle dans sa
profession et pour qu’il puisse la valoriser socialement à l’extérieur. Il
est donc important de définir les modes d’intervention du psychologue
et le cadre dans lequel elle se réalise.
Dans le domaine du conseil, qu’il porte sur les personnes ou sur les
organisations, la démarche du bilan de compétences et les références
conceptuelles et méthodologiques associées peuvent constituer un
modèle d’intervention de qualité. On y retrouve un condensé des pra-
tiques les plus avancées en matière de conseil (Lemoine, 2009) :
– L’accueil personnalisé est un atout majeur. D’autres dispositifs y
tendent, comme dans l’Éducation nationale ou dans les accueils
pour demandeurs d’emploi, mais n’y arrivent pas en raison du
temps nécessaire à dégager et donc des budgets à prévoir. Cet
accueil vise à dépasser les prestations standardisées pour accéder
au sur-mesure, comme dans certaines formations professionnelles.
Le conseil et l’intervention : méthodes et déontologie 119

Il permet de mettre en confiance en assurant la confidentialité,


d’analyser la demande spécifique et d’informer sur les objectifs et
les étapes prévus afin d’associer la personne à la démarche propo-
sée, en établissant une alliance interactive avec elle.
– La prestation proprement dite comprend elle aussi un temps suf-
fisant pour permettre la maturation de la réflexion et assurer un
travail en profondeur. Les méthodes choisies par le conseiller et
adaptées à la demande et aux objectifs sont explicitées afin que
l’intéressé puisse s’y retrouver et participer à la construction des
informations qu’il fournit. Cette participation peut prendre plu-
sieurs formes : l’information sur les méthodes, la délimitation
claire des domaines traités, avec par exemple une centration sur
les compétences à analyser plutôt que sur la personnalité ou sur
la recherche directe d’emploi, l’accès aux résultats personnels et
l’explicitation des informations obtenues, ceci pouvant aller jus-
qu’à une construction et à un approfondissement en commun des
dimensions explorées.
– Le suivi commence par une synthèse des conclusions, et se pour-
suit par un cadrage du projet élaboré, une vérification avec l’inté-
ressé des avancées et de l’appropriation des éléments traités, et un
soutien à la réflexion personnelle dans le temps.
L’ensemble de ces caractéristiques garantit la qualité relationnelle
d’une démarche de conseil s’appuyant sur des méthodes objectivées,
dans un cadre organisationnel assurant les conditions de réalisation
prévues. L’intéressé n’est donc pas considéré comme un produit ou un
objet à étudier, mais comme un partenaire qui, par un soutien et une
méthode bien circonscrite, apprend à découvrir des éléments qui lui
appartiennent et à mieux gérer ses dimensions personnelles.
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4. Déontologie et participation
des intéressés

Si l’on se réfère au schéma à trois pôles (voir supra), les questions de


déontologie portent sur deux des relations : celle entre le psychologue
et son employeur, et celle concernant les personnes dont le psycho-
logue s’occupe. Il faut défendre, d’un côté, les droits et l’autonomie de
travail du psychologue, de l’autre, ceux des particuliers ou utilisateurs
de services, sachant qu’ils n’en sont pas toujours les demandeurs. On
120 Psychologie du travail et des organisations

ne se trouve donc pas, comme en clinique libérale, dans une simple


relation duelle praticien-patient, mais dans une relation tripartite où,
par convention, le client est l’employeur tandis que la prise d’informa-
tion demandée au psychologue porte sur un tiers.
Les exigences à assurer sont triples, sachant par ailleurs que, dans le
domaine du travail, le psychologue n’a pas d’actes réservés et qu’il se
trouve en concurrence avec d’autres intervenants. Il doit en effet donner
satisfaction à son employeur, assurer la protection des personnes objets
de son intervention et s’assurer lui-même de préserver son emploi et
son autonomie.
La réflexion actuelle en psychologie du travail porte à résoudre ces
différents problèmes non pas tant en brandissant frileusement un texte
protecteur qui risque de devenir contraignant, mais plutôt en gérant
les problèmes à partir de la notion de compétences professionnelles.
Cela entre facilement dans le cadre d’un contrat de service qui assure
des normes de qualité, voire un label certifiant que le service répond à
certaines clauses, fondées d’ailleurs sur le droit commun à l’intégrité,
la dignité et la liberté (Lemoine, 2000a). Il ne s’agit donc pas d’une
morale défensive limitée au précepte de ne pas nuire à autrui, même si
cette condition minimale reste valable, mais d’un engagement à rendre
un service.
L’une des questions les plus difficiles vient du fait que les inté-
rêts peuvent s’opposer entre l’employeur et la personne concernée
par l’intervention du psychologue. C’est le cas, par exemple, dans le
recrutement, souvent lié à une demande de connaissance du dossier
par l’employeur, qui pense spontanément aux aspects de personnalité
comme critère de choix.
C’est là que peuvent intervenir la compétence du psychologue et sa
façon de gérer la situation. Celui-ci peut d’abord montrer l’intérêt d’une
étude de poste, s’appuyer sur des critères de compétence, plus valides
que les tests de personnalité, et souligner que la gestion du dossier
indique aussi le type d’accueil proposé par l’entreprise, aspect de son
image sociale. Il ne devient donc plus utile ni central de transmettre
des informations sur la personnalité. Cette approche professionnelle a
l’intérêt de résoudre un problème déontologique dans une prestation
globale où l’employeur trouvera le collaborateur souhaité, où les per-
sonnes proposées trouveront un travail correspondant à leurs compé-
tences, et où les candidats pourront avoir accès à leur dossier et aux
raisons des choix réalisés.
Le conseil et l’intervention : méthodes et déontologie 121

Dans la mesure où l’activité psychologique porte prioritairement


sur des informations concernant des personnes et crée donc une
emprise analytique, voire évaluative, on peut repérer les moments
clés où peuvent inter venir les compétences du psychologue du tra-
vail.
¼ La connaissance des finalités
Avant l’investigation, il est important de bien définir le cadre, les
enjeux et les finalités de l’intervention afin d’en informer les intéres-
sés. On sait en effet que l’absence de connaissance et de perception
des objectifs augmente les craintes et détériore le recueil des données.
Informer sur les buts est aussi le signe de la considération portée aux
personnes.
¼ La compréhension de la démarche
Au cours du prélèvement d’information, les méthodes employées
peuvent être commentées pour les intéressés. Dans certains cas plus
favorables comme les bilans de compétences, il est possible d’élabo-
rer la démarche d’investigation avec la personne et de lui indiquer ce
qu’elle peut en attendre. Cet accès à la démarche est le signe que le
sujet est considéré comme capable de comprendre quelque chose de ce
qui le concerne. Il s’ensuit que les instruments de mesure ne peuvent
plus s’appliquer de façon unilatérale et qu’ils deviennent des « relais de
communication interactive entre les deux pôles en présence ».
¼ L’accès aux résultats et la gestion de leurs effets
Il devient de plus en plus fréquent que les résultats d’analyse soient
mis à la disposition des intéressés, même si ce n’est pas encore le cas
partout. Il est logique, en effet, que chacun sache quelles informations
ont été recueillies sur lui. Cependant, il est parfois possible de ne pas
en rester à une simple restitution, mais de développer un travail de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

réflexion à partir des résultats, ce qui permet à la personne de se les


approprier davantage et de mieux les intégrer. On se place alors dans
une perspective de formation personnelle à partir de l’analyse conjointe
des informations en retour.
Ces réflexions d’ordre déontologique se réfèrent ainsi à une analyse
précise des situations et s’appuient sur les compétences professionnelles
des psychologues et leur souhait de proposer des prestations de qua-
lité. Elles proposent de créer les conditions permettant aux individus de
savoir comment ils sont analysés, de s’approprier des connaissances sur
eux-mêmes et même de participer à leur élaboration.
122 Psychologie du travail et des organisations

5. L’interdisciplinarité

5.1 Un domaine de la psychologie


La psychologie du travail et des organisations, comme partie prenante
de la psychologie sur le plan professionnel et sur celui de la recherche,
a des liens importants avec les autres domaines de la discipline. Elle y
puise et elle y apporte aussi des modèles et des méthodes, notamment
ceux issus de l’observation et de l’intervention sur le terrain et en situa-
tion. Elle est aussi confrontée aux réalités changeantes du travail et, de
ce fait, amenée à traiter de nouvelles questions. On peut repérer trois
secteurs plus étroitement interconnectés avec elle : la psychologie ergo-
nomique, la psychologie sociale et la psychologie différentielle.
L’ergonomie, notamment dans sa partie psychologique, développe
plusieurs secteurs privilégiés qui sont en liaison avec l’évolution rapide
des techniques, comme l’analyse du travail, les communications
hommes-ordinateurs, la conception et l’utilisation de logiciels et les
systèmes hommes-machines. Les questions de stratégie cognitive et
de charges mentales consécutives sont aussi des aspects très étudiés.
Une sensibilité particulière est portée sur l’adaptation des techniques
à l’homme plutôt que l’inverse, ainsi qu’aux conditions et effets de la
fatigue au travail.
La psychologie sociale fournit des cadres de référence théoriques et
des méthodes pour étudier les interactions et les représentations sociales.
Souvent maintenant, les enseignants-chercheurs le sont à la fois en psy-
chologie sociale et en psychologie du travail et des organisations. Cela
se comprend pour l’étude des individus en relation avec leur milieu, au
niveau organisationnel ou à celui des équipes de travail.
La psychologie différentielle, qui traite des variations interindivi-
duelles et des comparaisons de facteurs dans des situations variées, s’est
beaucoup développée sur les questions d’orientation professionnelle.
Elle apporte des méthodes de comparaison et de traitement et a un rôle
important dans la validation des tests. Elle s’est aussi orientée dans le
sens de la psychologie cognitive, que ce soit en termes d’aptitudes intel-
lectuelles et de stratégies de résolution de problèmes ou en liaison avec
l’utilisation de l’informatique.
D’autres parties de la psychologie s’intéressent au domaine du tra-
vail. La démarche clinique permet de gérer des entretiens individuels,
de promouvoir l’écoute et les études de cas particuliers. La psychopa-
Le conseil et l’intervention : méthodes et déontologie 123

thologie et la psychophysiologie s’occupent de thèmes liés au stress, au


tonus, à la fatigue et à la santé. La psychologie du développement traite
des évolutions et des involutions temporelles, à partir des méthodes
transversales ou longitudinales. Les questions de vieillissement, par
exemple, ne sont pas réductibles à des facteurs physiologiques, mais
sont aussi dépendantes des conditions de vie et de travail.

5.2 Les disciplines proches de la psychologie


du travail
La psychologie du travail est également proche d’autres disciplines qui
sont parfois complémentaires et parfois concurrentes. Certaines offrent
surtout des méthodes de traitement de données, comme la statistique,
l’informatique ou la psycholinguistique.
Les sciences de la gestion se trouvent sur un domaine très proche et
proposent des modèles bien spécifiques qui s’appuient sur les sciences
économiques, le droit et la sociologie. Les questions de gestion du per-
sonnel, de ressources humaines, de management sont très développées
dans les sciences administratives et de gestion des entreprises.
La sociologie des organisations propose des modèles structurels qui
insistent davantage sur les facteurs organisationnels, même si les cou-
rants récents accordent désormais une place conséquente aux acteurs
sociaux. Les notions de règles et de normes sont, en général, au cœur
des thématiques de recherche et d’intervention et, de ce point de vue,
ne sont pas éloignées de l’approche ergonomique. Mais l’approche psy-
chologique considère davantage l’individu au centre du système et étu-
die plus les processus de son point de vue.
Enfin, la médecine du travail a quelquefois des liens intéressants avec
la psychologie du travail pour traiter de la relation entre conditions de
travail et santé. Toutefois, la tendance est plutôt à médicaliser l’activité
humaine et à se limiter à porter attention aux effets négatifs plus qu’à
s’occuper préventivement des conditions visant à garder la santé.
6
Cha
pi
tre
PSY CHO LOGUE
DU TRAVAIL ET DES
ORGA NI SATIONS :
UNE PRO FES SION
À VISAGE MULTIPLE
aire
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So m

1. Les domaines d’intervention et de recherche ...................... 127


2. Les compétences professionnelles ....................................... 130
3. La formation en psychologie du travail
et des organisations ............................................................... 130
4. L’originalité des démarches en psychologie
du travail et des organisations .............................................. 134
Psychologue du travail et des organisations : une profession à visage multiple 127

On peut souligner la diversité des domaines de la psychologie du travail


et des organisations (PTO) par le fait qu’ils sont en prise avec les réalités
présentes et avec les questions actuelles de la société et des milieux du
travail. Cela rend ce secteur innovant, au cœur même de l’élaboration
scientifique, mais explique aussi les difficultés et les contraintes ren-
contrées, en termes de reconnaissance des recherches par exemple, ce
qui demande une exigence de rigueur particulière.

1. Les domaines d’intervention et de recherche

Appuyée sur des recherches scientifiques, la psychologie du travail et


des organisations se développe dans plusieurs secteurs et offre autant
de type d’interventions et de recherches. Les professionnels peuvent
se spécialiser dans un des domaines ou rester généralistes comme on le
rencontre dans certains cabinets conseil qui s’adaptent en fonction des
variations de la demande.
Les voies principales d’activité, que l’on retrouve d’ailleurs dans
certaines formations en M2 comme à Lille, portent sur les domaines
suivants :
¼ Pour les entreprises, administrations et systèmes de travail :
– Le développement des ressources humaines dans les organisations,
la gestion stratégique et l’évaluation des systèmes organisation-
nels, l’accompagnement des changements et restructurations.
– Les relations dans l’entreprise, le climat social, l’intervention et le
conseil dans les organisations.
– La gestion du personnel, le recrutement, l’analyse et l’évaluation
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

des emplois et des compétences.


– La prévention des risques, du stress et le développement de la qua-
lité de vie au travail.

¼ Pour les individus, dans ou en dehors de l’entreprise :


– Le conseil, l’orientation et l’insertion professionnelle, y compris
dans les bilans de compétences.
– L’accueil des publics en difficulté, en lien avec le licenciement, le
harcèlement, le stress au travail.
– Le soutien psychologique, en relation avec le sens du travail,
l’investissement et l’implication.
128 Psychologie du travail et des organisations

– La formation professionnelle continue, le développement des


compétences.
– L’intervention auprès des publics fragilisés, peu ou pas insérés
dans les milieux du travail.
Les thèmes d’intervention et de recherche dans ces secteurs sont égale-
ment nombreux. Ils renvoient de fait aux chapitres précédents. On peut
cependant les lister ici sous forme de synthèse. On notera notamment :
– L’investissement, l’implication dans le travail, les valeurs et le sens
du travail, comme soutien aux personnes.
– Les facteurs des conditions de la qualité de vie au travail.
– L’analyse des compétences, soit pour définir les emplois, soit pour
éclairer les salariés.
– Les effets psychologiques de la formation continue, dans ses dis-
positifs comme dans ses contenus.
– Le conseil dans les trajectoires de carrière, et les types d’entretiens
spécifiques à développer.
– Les facteurs facilitant la construction d’une identité positive.
– L’intervention sur l’organisation des changements et leurs effets
sur les personnes.
– L’organisation des équipes de travail, l’innovation et l’efficacité
organisationnelle.
– Les effets des analyses et des évaluations, sur les salariés comme
sur le fonctionnement des organisations.
– Les mobilités et les nouvelles formes de travail.
– L’étude critique des méthodes afin de les améliorer.
On peut rassembler dans le tableau 6.1 les principaux types d’inter-
ventions en psychologie du travail et des organisations.

Tableau 6.1 – Les grands domaines d’intervention et de recherche en PTO

– L’inter vention en gestion du personnel et des ressources humaines.


– L’orientation professionnelle et le conseil de carrière, l’aide à la décision, l’inter ven-
tion personnalisée qui se prolonge par les questions relatives à l’identité profession-
nelle, les valeurs et les représentations du travail, et par l’analyse des emplois et des
compétences.
– La formation continue et le développement des compétences, personnelles et orga-
nisationnelles.
– L’organisation des relations dans le travail, les équipes de travail, l’analyse des
formes de management, le suivi du changement organisationnel, les conditions de tra-
vail, le climat et la culture d’organisation, l’évaluation des systèmes d’organisation.
­
Psychologue du travail et des organisations : une profession à visage multiple 129

­
– La mise en place de référentiels de compétences.
– Le champ du recrutement, de l’affectation des personnels et la gestion des emplois,
qui posent le problème de l’évaluation des personnes et de la validité des méthodes,
l’aide à l’insertion professionnelle dans l’entreprise.
– L’évaluation et l’analyse des situations, où l’on peut distinguer les processus d’éva-
luation des personnes et des systèmes de ceux d’analyse réalisée au profit des bénéfi-
ciaires, comme en bilan de compétences.
– La prévention des risques et des accidents du travail, du stress au travail, et le déve-
loppement de la qualité de vie au travail, ce qui comprend aussi les questions d’inter-
action : conflits et négociation, harcèlement moral, attitudes sociales ou antisociales.
– Le suivi et l’accompagnement des personnes en difficulté (handicap, etc.).

Le tableau 6.2 indique les dénominations des professionnels qui


varient selon les secteurs d’activité et les organisations qui emploient
des psychologues du travail et des organisations.
Tableau 6.2 – Types d’emploi et de dénomination

Psychologue du travail et des organisations, consultant d’entreprise, conseiller auprès


des personnes (conseil en insertion professionnelle, conseil de carrière), responsable
de ressources humaines, responsable en formation continue, responsable de recru-
tement, analyste des emplois et des compétences, psychologue en bilans de compé-
tences, audit organisationnel et en climat relationnel, restructurations et changements
organisationnels.

Le tableau 6.3 résume les types de structures où interviennent des


psychologues du travail et des organisations.

Tableau 6.3 – Secteurs d’activité en PTO

– Grandes entreprises (tous secteurs).


– Entreprises en croissance rapide.
– Entreprises d’intérim.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

– Cabinets conseil.
– Institutions territoriales (mairies, conseils régionaux, conseils généraux).
– Centres hospitaliers.
– Centres de bilans de compétences.
– Centres d’insertion professionnelle.
– Centres de formation professionnelle continue.
– Associations de formation, de conseil, de soutien aux personnes (handicaps, harcè-
lement, chômage, etc.).

Code des fiches métiers ROME les plus proches :


32121 : responsable de la gestion prévisionnelle des ressources humaines ;
32122 : responsable emploi formation.
130 Psychologie du travail et des organisations

2. Les compétences professionnelles

À partir des différents types d’interventions, on peut résumer un


ensemble de compétences qui caractérisent l’activité d’un psychologue
du travail (voir tableau 6.4). Cette liste se trouve notamment dans le
référentiel de compétences du master de Psychologie du Travail et des
Organisations (université Lille 3).

Tableau 6.4 – Liste des principales compétences utiles en psychologie du travail


et des organisations

Sur le plan de l’intervention :


– Analyser les composantes d’une situation, personnelle ou organisationnelle.
– Définir les problèmes à résoudre, en coopération avec les acteurs du système.
– Construire un plan d’inter vention ou de recherche.
– Gérer les effets des résultats et assurer le suivi personnalisé.
– Établir les contacts avec les différents acteurs pour se faire accepter.
– Analyser les facteurs variés en jeu pour accompagner un changement.
– Rédiger une synthèse des informations rassemblées.
– Définir des préconisations et recommandations fondées…

Sur le plan des méthodes :


– Mettre en œuvre une méthodologie appropriée.
– Se référer à des notions théoriques, à des outils de mesure.
– Assurer les conditions déontologiques de leur mise en œuvre.
– Savoir mettre en place des méthodes scientifiques quantitatives et qualitatives.
– Réaliser des entretiens personnalisés (écoute, mise en confiance, confidentialité).
– Réaliser des enquêtes et assurer les conditions du recueil des réponses.
– Savoir faire passer des tests, les analyser, et présenter les résultats.
– Construire un plan de comparaison ou un plan d’expérience.
– Analyser des données.
– Conduire une réunion, travailler en équipe…
Psychologue du travail et des organisations : une profession à visage multiple 131

3. La formation en psychologie du travail


et des organisations

3.1 L’organisation de la formation à l’université


Pour accéder à ces différentes compétences, simultanément variées
et spécifiques, il est nécessaire d’avoir une formation à la fois généra-
liste, qui permette de s’adapter à plusieurs domaines, et spécialisée, qui
apporte des compétences ciblées de niveau professionnel.
La formation généraliste est celle d’un psychologue, qui peut s’appuyer
sur des connaissances scientifiques, sur des modèles théoriques et des
méthodes vérifiables. Elle correspond à la formation de base en psycho-
logie proposée en licence. Elle comprend une formation théorique, une
formation méthodologique, une formation à partir de la recherche en psy-
chologie. Elle se complète par une introduction aux différents domaines
de la psychologie et par les apports de sciences connexes : physiologie,
neurologie, informatique, statistique. Une ouverture sur d’autres sciences
humaines comme l’économie et le droit du travail est souhaitable. Elle se
poursuit en master 1 (M1), où il s’agit aussi de construire une probléma-
tique de recherche et d’utiliser les instruments et les méthodes.
La formation plus spécifique, traitant directement des questions
liées aux milieux du travail et des organisations se trouve surtout en
master, même s’il serait nécessaire qu’elle soit davantage présente, à
titre d’introduction, dès les années précédentes. En effet le domaine de
la psychologie du travail n’est pas une simple application de connais-
sances générales comme certains le pensent encore. Par la confronta-
tion aux terrains multiples d’insertion, il apporte des problématiques
et des conceptions nouvelles, interroge les modèles anciens et fait pro-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

gresser la connaissance scientifique. Par exemple les modalités d’inter-


vention, la prise en compte des éléments du contexte organisationnel,
la définition même de la place et des méthodes du psychologue sont des
éléments qui viennent moduler les résultats et modifier la façon même
de générer des connaissances nouvelles.
Cette formation plus spécialisée en psychologie du travail, commence
en M1 et continue en M2. Une formation préliminaire en licence est
souhaitable dans le cadre d’une connaissance générale qui intègre le
domaine de la PTO et prépare la formation spécialisée. Elle comporte
une connaissance des domaines de la psychologie du travail et des
organisations et une connaissance des modèles théoriques et des acquis
des recherches et des interventions. La réalisation d’un stage (en M1)
132 Psychologie du travail et des organisations

permet la découverte des entreprises, de leur mode de fonctionnement


relationnel et des problèmes à résoudre. À celui-ci s’ajoute un stage
préprofessionnel en M2 qui est susceptible de déboucher sur un emploi,
sur place ou plus souvent dans le même secteur d’activité. L’année de
M2 vise à savoir analyser les modalités d’insertion sur le terrain, les
enjeux, la demande, les effets des mesures, des observations et des inter-
ventions sur site. Elle permet aussi d’approfondir la connaissance des
méthodes, de savoir les adapter, d’analyser ses pratiques, de se situer
professionnellement et de présenter ce que l’on apporte.
La formation en psychologie du travail est ainsi identifiable en deux
grands moments : une formation générale de base suivie d’une forma-
tion dans le domaine plus spécifique.

3.2 Exemple de maquette de formation


pour les psychologues du travail
La professionnalisation est fondée sur des connaissances scientifiques,
des méthodes validées, une analyse du milieu organisationnel et une
pratique en stage professionnel. La maquette dans son ensemble (celle
de l’université Lille 3) comprend un noyau central, des options péri-
phériques, un stage avec mémoire et soutenance.
En M1 (ex. maîtrise), la maquette s’organise autour d’un tronc commun
et d’options spécifiques. Le tronc commun porte sur la statistique, l’informa-
tique, la méthodologie de l’examen psychologique, une langue vivante. Les
séminaires de formation à la recherche, le stage en situation et le mémoire
de recherche se trouvent dans le tronc commun mais s’organisent dans la
spécialité. Les options comprennent une unité d’enseignement (UE) au
choix, dont une en Psychologie du Travail et des Organisations, et deux
autres UE au choix, dont une en Psychologie du Travail et Ergonomie. Il
existe aussi une UE libre. Au semestre 2, deux options sont à prendre, dont
la Qualité de vie et Organisation, les Handicaps, etc.
En M2 (ex. DESS), quatre ensembles forment le noyau central de la
formation spécifique et s’organisent autour de quatre domaines :
– La psychologie et le développement des ressources humaines dans
les organisations, la gestion stratégique des ressources humaines,
l’évaluation des organisations et des systèmes de travail.
– Les relations dans l’entreprise, le climat social et l’intervention en
psychologie du travail.
– La gestion du personnel, le recrutement, l’évaluation des compé-
tences.
Psychologue du travail et des organisations : une profession à visage multiple 133

– La formation et le développement des compétences dans les orga-


nisations.
La formation se complète par une UE relative à l’épistémologie et
à la déontologie de la pratique professionnelle et quatre UE option-
nelles conseillées portant sur l’ergonomie de l’entreprise, l’économie de
l’entreprise, le droit du travail et les relations professionnelles, les tech-
niques de marketing faisant le lien entre production et consommation.
Enfin, une UE importante comprend la méthodologie de l’insertion sur
le terrain, l’étude des tests et des méthodes de mesure, la conduite de
réunions, ainsi que la validation d’un stage d’insertion professionnelle
avec mémoire et soutenance.
Il reste que, dans une société en changement, la formation initiale
ne peut être une formation complète, elle se doit d’être continuée tout
au long de la vie, afin que chacun puisse mettre à jour ses connais-
sances, analyser ses pratiques et s’adapter aux situations nouvelles. Il
est donc nécessaire de penser à mettre en place des dispositifs de forma-
tion continue, notamment pour les psychologues du travail. Actuelle-
ment les congrès et les colloques jouent en partie ce rôle, par exemple à
partir d’associations, comme l’AIPTLF ou l’AFPTO1, qui organisent des
congrès, ou de réseaux plus ou moins formalisés, telles les associations
des anciens étudiants. Les publications d’ouvrages et de revues spécia-
lisés comme Psychologie du travail et des organisations2 fournissent un
autre support et un contact suivi avec les recherches récentes.

À consulter sur le sujet


COHEN-SCALI V. (2004). Les Métiers en psychologie sociale et du travail, Paris,
In-Press.
LEMOINE C. (2009). Se former au bilan de compétences, Paris, Dunod,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

e
3 édition.
LOUCHE C. (2007). Introduction à la psychologie du travail et des organisa-
tions, Paris, Armand Colin.
SARNIN P. (2007). Psychologie du travail et des organisations, Bruxelles,
De Boeck.

1. AIPTLF : Association internationale de Psychologie du Travail de Langue française. AFPTO :


Association française de Psychologie du Travail et des Organisations (université Bordeaux 2).
2. Revue internationale de langue française : Psychologie du travail et des organisations. Site
Web : www.revue-pto.com.
134 Psychologie du travail et des organisations

4. L’originalité des démarches en psychologie


du travail et des organisations

4.1 L’apport des modèles et des méthodes


La psychologie du travail et des organisations a l’intérêt de s’appuyer
sur des modèles, sur des méthodes et des techniques, c’est ce que n’ont
pas les gestionnaires, les juristes, les ingénieurs, qui en demandent, par
exemple pour évaluer. Cependant, il nous faut réfléchir à l’utilisation
sociale de ces méthodes. Quand on nous demande de construire un
référentiel des emplois, des compétences, une évaluation sur critères de
différentes aptitudes au travail ou encore de mesurer un résultat, quel
rôle social jouons-nous ? Les réponses peuvent être variées et dépendre
de l’orientation des chercheurs et intervenants. Certains favoriseront
plutôt l’activité de la direction, d’autres penseront d’abord à aider l’acti-
vité des salariés. Ce sont des choix personnels, politiques ou idéolo-
giques, qui n’entrent pas directement dans le champ scientifique, mais
sur le terrain, dans la pratique, chacun doit se positionner et définir le
rôle qu’il peut jouer. Par exemple, le psychologue essaiera de concilier
les pôles différents en cherchant à montrer que ce qui est positif pour
l’un l’est aussi pour l’autre, comme un climat de travail supportable
favorisant à la fois la performance de l’entreprise et le bien-être des
salariés. Mais cela signifie que les méthodes scientifiques induisent des
enjeux relationnels entre les différentes parties en interaction et qu’il
faut savoir les analyser (Lemoine, 2002a).

4.2 La démarche sur le terrain et la prise en compte


du contexte organisationnel
Les modèles théoriques ont aussi leurs limites par rapport aux problèmes
rencontrés. S’ils sont un atout par rapport à l’extérieur, par rapport à
nous-mêmes il faut se poser des questions sur leur pertinence. C’est
l’intérêt de la confrontation et de l’aller-retour entre les modèles, abs-
traits, et les situations de terrain, les nouveautés que nous rencontrons
tous les jours. Nous sommes là au centre de l’innovation scientifique. Ce
sont les nouveautés rencontrées sur le terrain, les problèmes difficiles à
résoudre d’emblée, qui vont alimenter la réflexion théorique. L’échange
avec le terrain nous permet d’améliorer un modèle, de le revoir, de
l’abandonner parfois, ou d’en construire un autre. Cela est vraiment
spécifique de notre démarche, qui est toujours une démarche de terrain.
Psychologue du travail et des organisations : une profession à visage multiple 135

Par là elle s’oppose aux démarches de laboratoire ou de bureau, comme


celle des mathématiciens de l’économie, qui élaborent des modèles sans
se préoccuper de la façon dont les gens fonctionnent.
Une autre limite des modèles, qui permet aussi de situer notre spé-
cificité, y compris par rapport à d’autres sphères de la psychologie, est
leur prétention à la généralisation. Or, comme nous l’avons vu, la prise
en compte du contexte organisationnel et de sa variété ne permet pas
de généraliser facilement. Des cultures et des groupes variés ne fonc-
tionnent pas comme d’autres, des gens se conduisent différemment,
des situations entraînent des effets divers. Les réalités sont multiples, et
il est préférable d’éviter les généralisations hâtives. Comme l’a avancé
P.-H. François (2004), même le modèle de Bandura n’est pas universel.
C’est une difficulté mais c’est aussi un atout : cela évite de simplifier,
de réduire et, sous couvert de loi générale pour tous, d’aller vers une
société du conformisme, de la norme et de la pensée unique. À ce sujet,
il faudrait sans doute mieux définir la notion d’égalité, qui ne signifie
pas être tous pareils, mais avoir des droits et des devoirs identiques, ce
qui est très différent.
Et, c’est le 3e point, difficile pour les chercheurs comme pour les inter-
venants, ils utilisent des mots du sens commun. C’est heureux d’ailleurs
pour communiquer, mais les mots du sens commun sont polysémiques,
ils sont ambigus. La notion de motivation par exemple était une notion
scientifique mise en place pour sortir d’une théorie insuffisante, celle
du schéma stimulus-réponse S-R : on s’est rendu compte qu’avec un
même stimulus on avait plusieurs réponses. Une notion intermédiaire,
la motivation, a été construite pour expliquer qu’il se passe quelque
chose entre S et R. Cela a tellement bien pris qu’elle est devenue une
notion du sens commun, il y a eu naturalisation : tout manager utilise
ce terme pour son personnel, tout recruteur parle de motivation, etc.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Elle est devenue un terme polysémique, utilisé par chacun, et non plus
une notion scientifique précise. Pour la notion de compétences, c’est
encore plus compliqué car elle n’était pas scientifique au départ, elle
l’est devenue sur certains points définis, et puis finalement elle a été
reprise partout, sans référence à un modèle scientifique. Il ne faut pas se
sentir coupable si nous employons ce terme pour parler avec les gens,
mais en même temps il faut savoir qu’il véhicule quelques présupposés
idéologiques, et qu’il n’est pas neutre d’utiliser l’idée de compétences
plutôt que celle de qualifications. Tantôt la notion de compétences peut
mettre en question des construits antérieurs et apporter de l’incerti-
tude, mais tantôt elle peut aussi ouvrir de nouveaux espaces pour le
développement de l’individu.
136 Psychologie du travail et des organisations

Nous avons donc des modèles, ce sont des outils pour penser la réa-
lité, ne les rejetons pas, mais travaillons sur eux et à partir d’eux pour les
améliorer ou pour les revoir. Pour cela il est nécessaire d’avoir une prise
de recul, de savoir prendre une distance par rapport au système dans
lequel nous nous trouvons forcément, ce qui permet de ne pas s’enfer-
mer dans une pratique sociale et de se garder des idéologies ambiantes,
quelles qu’elles soient.

4.3 Une préoccupation importante :


l’attention aux personnes
Un autre aspect nous caractérise, par rapport aux sociologues, aux ges-
tionnaires, et même par rapport à certains chercheurs en psychologie,
c’est la préoccupation de l’attention aux personnes dans leur contexte
organisationnel. C’est vraiment très important en tant que perspective.
Face à un demandeur d’emploi en difficulté, nous savons que nous ne
pouvons pas changer le système dans son ensemble, mais s’il sort de
l’entretien en ayant un peu plus confiance, en ayant un projet, en pen-
sant qu’il a des compétences et qu’il peut s’en servir, c’est déjà quelque
chose de gagné. Mais cela, nous l’ignorons souvent, parce que c’est dif-
ficile à évaluer. Il faut cependant penser que le psychologue a un rôle
social important, même s’il n’en voit pas les effets immédiatement.
C’est un peu comme l’enseignant qui, parfois, dix ans après, rencontre
un ancien élève qui a réussi alors qu’il était insupportable en classe, et
qui est ravi de revoir son professeur. Mais dans beaucoup de cas nous
ne savons pas ce que deviennent les gens, et ce n’est pas évaluable par
une administration.
L’important, c’est l’attention aux personnes : favoriser le déve-
loppement de leur identité, être à l’écoute de l’autre. L’écoute n’est
pas réservée aux cliniciens. Sans se limiter à cela, il faut aussi savoir
s’en servir, surtout quand on est face à des modèles économiques ou
managériaux qui font fi de l’humain. Devant des modèles d’organisa-
tion qui pressent l’humain, nous avons à nous positionner, c’est un
engagement social qui est inhérent à notre profession, il est impor-
tant de le valoriser : montrer par exemple que ce n’est pas en mettant
les gens en situation d’incertitude, de risque ou d’échec qu’ils vont
travailler plus ou mieux. Même en restant dans la norme de l’effica-
cité qui est imposée, nous pouvons montrer qu’améliorer les condi-
tions de vie et de travail des individus va servir aussi à l’entreprise,
y compris aux actionnaires, qui ne s’occupent pas des conditions de
travail. C’est leur montrer que si cela n’est pas pris en compte, finale-
Psychologue du travail et des organisations : une profession à visage multiple 137

ment ils vont gagner moins. Ils nous comprennent à ce moment-là,


lorsque nous adoptons un langage économique compréhensible pour
des non-psychologues.

4.4 Des méthodes qui donnent une place aux acteurs :


d’observés à participants
Des méthodes qui donnent une place différente aux acteurs, c’est nou-
veau aussi, on ne nous l’a pas appris à l’école, où l’on parlait de cobayes.
Les acteurs ne deviennent pas seulement des gens observés mais des
participants. Et nous allons plus loin : il faut leur donner les méthodes.
Nous avons réalisé cela avec des jeunes par exemple : ils avaient une
grille d’observation, ils sont devenus observateurs. C’est remarquable
comme ils ont observé avec sérieux, parce qu’ils avaient changé de sta-
tut et qu’ils avaient une méthode pour fonctionner. Nous avons obtenu
des effets étonnants, positifs.
Cela veut dire que le sujet a droit aussi à l’appropriation du savoir,
et du savoir sur lui. C’est aussi un positionnement professionnel. Mais
le seul retour de résultats ne suffit pas. Quelles sont donc les situations
à mettre en place pour lui permettre d’accéder à une appropriation de
ses résultats et à une meilleure connaissance de lui-même ? C’est ce que
nous avons commencé à étudier (Lemoine et Goby, 2003).

4.5 L’analyse des conditions et des effets


de l’intervention
Afin de mieux repérer nos spécificités et nos apports, il est nécessaire
de porter attention à nos propres modes d’intervention. Il faudrait ici
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

parler des effets de l’analyse scientifique, tant pour les observés que
pour les observateurs (voir Lemoine, 2002a). Nous avons à travailler
sur notre propre mode de fonctionnement pour savoir ce que nous
induisons auprès des autres dans l’interaction, et aussi sur notre rôle.
C’est penser que l’observateur ou l’intervenant fait partie du système,
qu’il n’y est pas extérieur, même s’il doit chercher à prendre de la dis-
tance. Cette analyse conduit à l’idée que la démarche scientifique va
générer de l’information nouvelle. Cette information devient un objet
d’interaction et peut être échangée. Se pose alors la question de la façon
de l’utiliser : au profit du bénéficiaire, à notre profit, pour réaliser une
thèse ou un rapport par exemple, ou à celui d’un tiers ? Voilà une ques-
tion importante. L’analyse des conditions et des effets de l’intervention
138 Psychologie du travail et des organisations

se retrouve au niveau individuel, dans le conseil (voir Bernaud, 2012),


ou au niveau des organisations (voir Savoie et Brunet, 2012).

4.6 Modification du rôle du psychologue


La définition des démarches en psychologie du travail a pour consé-
quence une interrogation sur le rôle et le positionnement social du psy-
chologue. Cela est déjà apparu dans les réflexions précédentes.
Si l’on prend par exemple la notion de performance, il ressort, en
France du moins, que l’on y est assez réticent, tout n’étant pas quanti-
fiable et transformable en unité monétaire. C’est le cas des services. Cela
entraîne des conflits internes, car on est poussé à évaluer les autres sur
leurs performances alors que l’on n’est pas tout à fait d’accord ; donc on
est contraint par les systèmes à faire ce que l’on ne souhaite pas trop.
On le fait quand même sans le faire vraiment en se contorsionnant un
peu, et comme on n’est pas très satisfait de cela, on voudrait trouver des
solutions pour répondre à ces situations contradictoires et paradoxales.
Cependant, en se centrant sur son métier, on peut se positionner favo-
rablement. Voyons quelques pistes.
¼ Développer des pratiques objectives, valides et impartiales
Il s’agit d’abord de développer des pratiques objectives et impartiales.
C’est une garantie même si l’on sait qu’elles ne sont pas évidentes à
mettre en place sur le terrain et qu’elles vont parfois à l’encontre des
habitudes. Mais il faut se rappeler que l’objectivité n’est pas la réalité
en soi, c’est se servir de méthodes répliquables qui, utilisées de la même
façon par d’autres, vont donner le même résultat dans les mêmes condi-
tions. On va donc essayer de construire des méthodes valides, comme
en matière de recrutement (voir Desrumaux, 2005 ; Laberon, 2011).
¼ Construire une réalité avec les acteurs et à leur profit
On va aussi chercher à construire une réalité avec les acteurs et à leur pro-
fit, et donc essayer de détecter les facteurs favorables pour la construire.
On notera que cette opération renouvelle la question de l’objectivité
externe en se focalisant sur l’obtention d’informations non présentes
avant l’interaction et sur leur saisie par l’intéressé lui-même.
¼ Moins savant ou expert et plus accompagnateur ou révélateur
Dans ce cadre, le psychologue se situe alors moins comme un savant ou
un expert qui apporte un résultat donné. Toutefois il faut aussi mon-
trer aux autres que l’on est savant et expert afin d’être reconnu. Mais
l’expertise consiste justement à ne pas jouer à l’expert. Dans la pratique
Psychologue du travail et des organisations : une profession à visage multiple 139

professionnelle, il est préférable de se situer comme conseil, mais là


encore sans indiquer ce qu’il faut faire, pour éviter d’influencer les gens
sur le contenu ou de modeler leur opinion. On en arrive à du conseil
sans conseils, et à réfléchir sur cette pratique. On a alors glissé vers
une nouvelle notion, celle d’accompagnateur, depuis quelques années,
avec les bilans de compétences. Mais elle peut aussi évoquer des images
inadéquates, comme celle de soutien pour éviter de tomber. On peut
ici envisager une nouvelle notion, celle de révélateur, qui consiste à
donner une méthode, des outils afin que l’intéressé puisse réaliser la
démarche par lui-même. À moins que l’on préfère celle de facilitateur,
qui consiste à donner l’impulsion, à déclencher une mise en route. Cela
revient à un changement de statut ou de perspective d’intervention,
qui porte sur le cadre et sur la méthode plus que sur les contenus.
Il s’agit donc aussi d’un changement important dans la gestion des
méthodes, qui deviennent des relais spécifiques d’interaction, et sont
à étudier comme tels.
Conclusions

Il est toujours difficile de dresser un panorama d’un domaine sans


oublier telle ou telle composante, et encore plus de prévoir les orien-
tations futures sans jouer au devin. Aussi nous en tiendrons-nous à la
description de quelques spécificités de la psychologie du travail et des
organisations qui nous paraissent plus particulièrement saillantes et
peut-être prometteuses.
¼ Sur le plan thématique, il faut noter une diversité importante qui
correspond à la multiplicité des situations de travail dans lesquelles
les recherches et les interventions sont possibles et demandées.
Cette caractéristique porte en elle à la fois un atout et sa limite :
elle souligne la capacité d’adaptation de la discipline et son atten-
tion portée aux évolutions rapides du terrain économique et
social des entreprises et des organisations. Mais le risque, si l’on
n’y prend garde, est de s’éparpiller sur des thèmes passagers, à
la mode ou du moins dépendants des préoccupations majeures
d’une époque. Cependant, une science peut-elle se développer en
vase clos, sans lien avec les demandes venant de la société ? La dif-
ficulté est peut-être d’abandonner l’image idéalisée d’une science
du général au profit d’une complexité et d’une diversité des pro-
cessus et d’une variété possible des points de vue.
¼ Sur le plan des méthodes, on constate l’utilisation de démarches
croisées, complémentaires, qui s’appuient sur une multiméthodo-
logie, comme si l’on avait intégré que tout instrument de mesure
n’apporte qu’une information partielle et limitée à son registre.
L’approche multifacettes, la vérification d’un résultat par une
autre méthode, l’association de données quantitatives et qualita-
tives pour mieux cerner une réalité complexe sont des dominantes
qui indiquent le souci de rigueur, le niveau d’esprit critique et la
prise de distance prudente face à toute démonstration trop unila-
térale. Ces précautions supposent aussi la multiplicité des facteurs
à l’articulation des niveaux individuel et organisationnel.
¼ Sur le plan conceptuel, trois axes forts apparaissent, qui contri-
buent à une théorie de la méthode et de la conception de l’acti-
vité scientifique en sciences humaines.
– C’est d’abord le passage d’une causalité linéaire à une conception
plus systémique où les explications sont multiples, les processus
en forme de cloche à maximum et de phases variées non régulières
142 Psychologie du travail et des organisations

plutôt que de droites monotones simples. Le côté systémique


vient aussi de l’interchangeabilité du statut des variables, cha-
cune pouvant tout à tour devenir cause puis effet, et cela d’autant
plus que les résultats eux-mêmes jouent un rôle de rétroaction et
deviennent le point de départ d’autres processus en boucle.
– Mais c’est surtout la place faite aux personnes observées qui évo-
lue. Elles ne peuvent plus n’être que le jouet des lois scientifiques.
Elles ont acquis une place d’acteurs et ont la possibilité, comme
tout chercheur ou tout intervenant, de construire des représen-
tations scientifiques des situations étudiées où elles se trouvent.
Elles peuvent se construire un savoir objectif pour peu qu’elles
apprennent et utilisent les méthodes de l’analyse scientifique.
– Par contrecoup, l’observateur n’est plus le savant extérieur qui
apporte la seule bonne lecture des choses. Il est aussi à l’intérieur
du système et ne peut plus fonder son objectivité sur l’extériorité
pure. Il doit expliciter ses critères et les confronter aux réalités pour
les valider aux yeux des personnes concernées. Il devient donc
plus un organisateur de démarche scientifique qu’un expert en
théorie. C’est donc une autre façon de concevoir l’activité scienti-
fique en sciences humaines. Ce n’est pas une révolution, mais cela
peut commencer à y ressembler…

¼ Sur le plan professionnel, le psychologue du travail peut interve-


nir dans plusieurs domaines possibles. Il s’occupe principalement
des personnes dans le milieu du travail et des organisations. Sa
formation est celle d’un psychologue : licence en psychologie,
3 ans, puis master spécialisé en psychologie du travail, 2 ans, ce
qui lui permet d’obtenir le titre de psychologue.
Ce qui le distingue de l’idée la plus fréquente associée au psychologue
est qu’il s’intéresse à l’activité des personnes en relation au domaine
du travail, sans les considérer comme des cas pathologiques. Il se situe
ainsi davantage sur le plan de la prévention et il intervient sur des ques-
tions liées au travail comme le conseil, la formation, l’accès à l’emploi,
le climat de travail, etc.
Si l’on se réfère au statut professionnel, plusieurs formes existent :
ce peut être celle de salarié dans une entreprise, dans une association,
dans la fonction publique ou territoriale, ou encore dans un cabinet
conseil qui s’adresse soit aux entreprises, soit aux particuliers. Mais
le psychologue du travail peut aussi intervenir en libéral ou créer son
entreprise.
Conclusions 143

Mais quel que soit son statut, le psychologue du travail, homme


ou femme, s’appuie sur une formation et des méthodes scientifiques
et fonde ses interventions sur des observations et des connaissances
qu’il rassemble méthodiquement à partir du terrain social où il évo-
lue. Pour cela il est amené à réaliser des études et recherches prépara-
toires aux réponses ou aux recommandations qui lui sont demandées.
Il n’y a donc pas rupture mais plutôt complémentarité entre recherche
et intervention professionnelle. Cependant les formes de recherche se
distinguent des recherches de laboratoire car elles se situent générale-
ment dans un milieu en fonctionnement avec ses habitudes culturelles
et ses contraintes locales. Et elles demandent aussi de considérer les
personnes concernées non comme des cobayes mais comme des par-
tenaires, que leur statut et leur capacité d’action soient plus ou moins
élevés que ceux de l’intervenant.
En fonction de cela, qu’il soit chargé d’études ou d’interventions
plus immédiates, auprès des personnes ou dans le cadre d’une organi-
sation, son activité professionnelle comprend une part importante de
contacts, de travail en coopération avec d’autres professionnels, et de
temps de négociation afin d’insérer ses démarches et de leur permettre
de réussir.
Annexe : Liste des masters 2 de Psychologie
du Travail et des Organisations (2011)

Aix-Marseille 1 Psychologie Sociale du Travail


et des Organisations
Psychologie de l’Orientation et de l’Insertion
Amiens Dynamiques sociales, Travail et Organisation
Besançon Intervention psychosociologique, Travail
et Santé
Bordeaux 2 Psychologie du Travail
Caen Psychologie sociale, du Travail
et des Organisations
CNAM-INETOP Psychologie du Travail et des Transitions
Psychologie et Pratiques de l’Orientation
professionnelle
Dijon Psychologie du Travail : Management
des Relations humaines et des Communications
Grenoble 2 Psychologie du Travail : Changement, Sécurité,
Mobilisation des ressources
Lille 3 Psychologie du Travail et des Organisations
Lyon 2 Psychologie du Travail et des Organisations
Metz Nancy 2 Psychologie du Travail
Montpellier 3 Psychologie du Travail et des Organisations
Nantes Psychologie Sociale et du Travail : Pratiques
d’intervention dans les organisations
Nice Psychologie Sociale et du Travail et Ingénierie
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Index des notions

A D-E
accidents : 70, 71 déontologie : 119
analyse d’une situation : XI, 3, emplois mobiles : 8
16, 30, 37, 54-56, 62, 67, 108- employabilité : 59
109, 114-116, 121, 129, 130 emprise analytique : 15, 73, 105,
analyse du travail : 67, 70, 93, 110, 113, 118, 121
122 engagement : 46
appropriation : 7, 13-14,16, 21, entrepreneuriat : 93
23-24, 30, 43, 49, 60, 71, 78, 81, équipes de travail : 38, 39, 42, 44,
112, 114-115, 119, 137 47, 52-54, 59, 69, 93, 95, 96, 98,
auto-attention : 15-17, 56 99, 122, 128
autoconnaissance des ergonomie : 67
compétences : 13-14, 112 estime de soi : 63
autorité : XI, 38-41, 43, 52, 53, évaluation : XI, XII, 12, 14, 16,
80, 114 18, 19, 26, 36, 37, 39-44, 47,
53-56, 58, 60-64, 72, 76, 81, 82,
B-C 85, 96, 101, 105, 106, 108, 109,
bilan de compétences : 6, 9, 12- 114, 115, 117, 127-129, 132,
13, 16, 18, 49, 57, 61, 85-86, 134, 137
118, 121, 127, 129, 139 évolution professionnelle : 6
chômage : 5-6, 8-9, 21, 23, 49, 83,
85-86, 129 F
client : 6, 36, 45, 77, 81, 90, 92-
formation des psychologues :
93, 95, 97-100, 120
130
climat : XI, 26, 34, 36, 41, 43-49,
formation professionnelle : XI,
51, 53, 55, 78-81, 84, 93, 95-96,
12, 14, 21, 46, 48, 50, 128, 129
99, 101, 107, 109, 111, 127-129,
gestion prévisionnelle : 51
132, 134, 142
compétences : 46-52, 130
concertation : 37
H-I
conflits : 37 harcèlement moral : 78
conseil : 4-6, 12-13, 34, 39, 58, identité professionnelle : 21
96, 103, 105, 108-110, 116-119, implication : X, 19, 22-24, 27, 28,
127-129, 138, 139, 142 30, 45, 46, 75, 99, 127, 128
créations d’entreprises : XII, 94-96 innovation : 93
culture : 34 interdisciplinarité : 122
162 Psychologie du travail et des organisations

L-M R
leader : 39 rapport au travail : 100
management : 38-42 recrutement : 9, 12, 26, 54, 55,
méthodes : X, XII, XIII, 3, 6, 8, 57, 58, 60, 64, 68, 89, 105, 120,
11, 13, 20, 26, 37, 39, 40, 42-45, 127, 129, 132, 138
47, 58, 59, 68, 71, 76, 90, 95, représentations du travail : 19,
97, 101, 103, 106, 109-115, 117, 128
119, 121-123, 128-134, 137-143 ressources humaines : IX, 48
motivation : X, 22-30, 41, 45, 47,
48, 50, 53, 56, 81-83, 94, 101, S
107, 109, 135 santé : 70
stress : XI, 24, 26, 45, 46, 73-77,
N-O 84, 92, 93, 123, 127, 129
négociations : 37 style d’organisation : 23, 34, 40,
objectifs : 36 41, 55, 75, 78, 95, 117
observation : 110 système : 33
organisation : 33
orientation professionnelle : X, 4, T-V
5, 86, 90, 122, 128 temps de travail : 81,82
test : 113
P-Q travail à distance : 91
place du psychologue : 13, 116, travail en milieu hospitalier : 98
138 travail intérimaire : 89
plafonnement de carrière : 10 valeurs : 20
présentation de soi : 59
qualité de vie au travail : X, 23,
80-84, 127-129, 132,
Index des auteurs

A Clot : 74, 84
Cohen-Scali : 6, 7, 21, 51, 133
Adams : 23 Cossette : 20
Akotia : 17 Cosnefroy : 75
Allen : 27 Costalat-Founeau : 22
Ardouin : 50 Courcy : 78
Argyris : 42 Courtinat-Camps : 7, 51
Armellino : 91 Croity-Belz : 13
Aubé : 34 Crozier : 42
Aubret : 47, 50 Cuny : 72
Curie : 20, 83
B
Bakker : 75, 83 D
Bales : 41
Ballouard : 110 Danvers : 94
Bandura : 23, 29, 84 Debril : 10
Bangerter : 13 Deci : 24, 25, 84
Battistelli : 50 Declercq : 50
Baugnet : 21 Delobbe : 58
Bernaud : 13, 28, 50, 59, 62, 79, Demailly : 98
118, 138 Demerouti : 75
Blake : 41 Desrumaux : 58, 79, 81, 138
Blanch : 19 Diener : 84
Blanchard : 13 Dionne-Proulx : 77
Bobillier-Chaumont : 98 Dollard : 78
Boogaert : 99 Dubois : 42, 98
Borteyrou : 75, 77 Dupuy : 83
Bourguignon : 9 Duvillier : 23
Botteman : 18, 29
Brunet : 53, 78, 138 F
Faure, 96
C Faux : 80
Capdevielle-Mougnibas : 7 Favreau : 7
Carayon : 13 Ferrieux : 13
Caroly : 98 Folkman : 77
Chebbah Ammar : 96 Fourchard : 7, 51
Cherniss : 75 Fraccola : 95, 96
Cléty : 54 Francès : 25
164 Psychologie du travail et des organisations

Francois : 12, 21, 23, 28, 84, 135 Lancestre : 116


Fresnois-Flandre : 39, 53 Lancry : 83
Friedberg : 42 Latham : 23, 28, 41, 84
Lauzon : 107
G Leblond : 118
Gangloff : 46 Leduc : 98, 99
Gaudron : 13 Lemelin : 107
Gelpe : 10, Lemoine : 12, 13, 14, 15, 17, 18,
Gilbert : 47, 48, 50 23, 24, 25, 26, 28, 30, 33, 36, 37,
Goby : 137 39, 41, 42, 43, 44, 48, 49, 50,
Goguelin : 28, 30, 42, 48, 84 53, 54, 56, 59, 60, 62, 64, 69, 79,
Guichard : 4, 18, 21 81, 84, 94, 95, 96, 99, 101, 105,
Guilbert : 83, 98 108, 110, 111, 112, 113, 115,
Guingouain : 59 118,120, 133, 134, 137
Leplat : 67
H Leroux : 50, 99
Levy-Leboyer : 107
Halbesleben : 77
Lewin : 41, 78
Heider : 83
Lhotelier : 110
Hellemans : 10
Liénard : 9
Herman : 9
Likert : 41
Herzberg : 22, 23, 24, 26
Linton : 34
Hofstede : 34
Locke : 23, 28, 41, 84
Huteau : 4, 18, 21
Louche : 34, 133
J Lourel : 83

Jamaoui : 50 M
Joulain : 21
Magne : 86
K Mahon : 79
March : 42
Karasek : 75 Mary : 22
Karnas : 34, 67 Masclet : 26, 41, 44, 45, 46, 76
Klein : 9 Mayo : 109
Kouabenan : 71, 72 McGregor : 27, 41
Kouloumdjian : 91 Meyer : 27
Krau : 28, 84 Miller : 78
Mintzberg : 34, 35
L
Mitrani : 42
Laberon : 58, 138 Montandreau : 91
Lagabrielle : 21, 50, 86 Morin E. : 10, 11,21, 23, 28, 34,
Lamoureux : 11, 28 84
Index des auteurs 165

Moutou : 19, 41 S
Muijen van : 36
Sainsaulieu : 35
O Salengros : 99
Sarnin : 133
Odoardi : 50, 94
Savoie : 53, 78, 138
P Schein : 34
Simon : 42
Pagès : 42 Smith : 27
Paillé , 29 Steiner : 26, 58
Paltrier : 83 Sylin : 50
Parent-Thrion : 74
Pasquier : 61 T
Pauchant, 72
Thiebaud : 38, 47, 48
Perron : 20
Thionville : 47
Petit : 42
Touzé : 58
Pigeyre : 47
Truchot : 74, 75, 76, 77
Piller : 13
Pohl : 9 V
Pouchard : 50, 86
Vacher : 26, 42, 62
Q Vallery : 98, 99
Vandenberghe : 46
Quinn : 36
Verbeke : 75
Quintard : 75
Viaux : 79
R Vonthron : 50, 58, 86
Vroom : 23, 24, 28
Rascle : 75, 77
Retour : 98 W
Riffle : 63
Wach : 21
Romano : 26, 62
Weill-Fassina : 98
Rondeau : 107
Rousson : 38
Ruffin-Beck : 13
Ryan : 24, 25, 84

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