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La première partie développe une analyse critique de la mesure de la performance telle qu’elle est
pratiquée aujourd’hui. Elle apporte notamment des réponses aux questions : pourquoi la mesure de la
performance est-elle encore un outil de coercition ? Comment démasquer les mesures maquillées ?
Comment éviter les indicateurs inadaptés et donc trompeurs ?
La seconde partie détaille, exemples à l’appui, les sept étapes de la démarche pour bâtir les tableaux
de bord de l’organisation innovante : concevoir des stratégies coopératives ; identifier collectivement
les objectifs tactiques ; instaurer un climat de confiance, premier pivot de la démarche ; pratiquer la
reconnaissance, second pivot de la démarche ; sélectionner les indicateurs pertinents ; construire
l’aide à la décision ; développer la prise de décision en équipe.
Alain Fernandez est depuis plus de trente ans consultant indépendant spécialiste de la
mesure de la performance. Il conçoit pour les entreprises, en France comme à l’étranger,
des systèmes de tableaux de bord de pilotage et d’aide à la décision, en utilisant la
démarche décrite dans cet ouvrage. Enseignant et formateur, il est aussi l’auteur de
plusieurs livres de référence sur le thème du management de la performance vendus à
plusieurs milliers d’exemplaires.
Alain Fernandez
Introduction
Avant-Propos
Première partie
Pourquoi le management de la performance freine l’innovation
Deuxième partie
Comment y remédier : la démarche
Troisième partie
Pour conclure…
Bibliographie
Index
INTRODUCTION
POURQUOI LE MANAGEMENT DE LA
PERFORMANCE FREINE L’INNOVATION
La méfiance règne…
Depuis les débuts de l’industrialisation, l’humain a toujours été considéré
comme la partie subsidiaire du processus. On aimerait bien s’en passer,
mais ce n’est pas possible, donc il faut faire avec. En revanche, il faut
s’assurer que les salariés ne s’approprient pas un espace de pouvoir non
prévu par les strictes nécessités de la tâche allouée. Frederick Winslow
Taylor, initiateur de l’organisation scientifique du travail, n’avait guère
d’autres ambitions. Il affichait ouvertement son manque total de confiance
envers les employés qui, d’après lui, cherchaient toujours le moyen d’en
faire le moins possible.
Et aujourd’hui ?
On prône l’autonomisation et la prise de responsabilités. Pour faire face à la
complexification des métiers et à l’incertitude des marchés, il n’existe guère d’autres
solutions que de se reposer sur la capacité des femmes et des hommes à affronter de
telles situations.
En résumé
Ce modèle d’efficacité, multipliant les centres de décision au plus près du terrain, est par
définition le mieux adapté aux exigences actuelles d’organisation flexible et réactive en
environnement complexe et incertain. Il répond aussi aux aspirations des salariés qui
ont soif de responsabilité, d’une hiérarchie allégée et de relations horizontales plus
aisées.
Et aujourd’hui ?
Comme le note Vineet Nayar auteur de Les Employés d’abord, les clients ensuite5,
ceux qui créent la valeur rendent des comptes à ceux qui n’en créent pas. Là est le
paradoxe de la dérive bureaucratique des entreprises actuelles.
Avec la course à la rentabilité maximale que l’on nomme par euphémisme
« l’efficacité », le pouvoir des gestionnaires est sérieusement renforcé aux
dépens des opérationnels. Le succès de l’entreprise semble aussi passer par
une automatisation et une standardisation absolues. Au cours des dernières
décennies, les outils de gestion informatisés se sont généralisés et
systématisés. Dotée du pouvoir d’imposer le rythme et les modes de travail,
cette gestion instrumentalisée joue un rôle de premier plan toujours plus
contraignant6.
Et aujourd’hui ?
La stratégie est et restera la chasse gardée de la direction. C’est un résumé sans
concession, mais qui reflète bien le comportement totalement schizophrénique d’une
large majorité d’entreprises contemporaines.
Fin de l’entretien.
Bref, business as usual. Pour conclure, j’aurais peut-être dû effectivement faire comme
les collègues, fermer ma grande gueule et reporter ma colère sur les miens, sur mes
voisins, sur mon chien, ou tout garder en moi quitte à développer les pathologies du
stress… « Have fun » qu’ils nous disent…
Commentaire
L’importance prise par la loi du chiffre dans la société actuelle conduit irrémédiablement
à une occultation de la notion de compétence, de l’expertise du professionnel et du sens
du travail bien fait. Chacun se doit de devenir individuellement un centre de profit dont la
valeur ajoutée est directement perceptible en espèces sonnantes et trébuchantes. Les
cost killers occupent le terrain, et les « normalisateurs », trop loin des réalités du terrain
pour les comprendre, disposent d’un pouvoir absolu pour imposer des modes de travail
standardisés. C’est là toute la difficulté du salarié pris au piège comme dans un étau
entre des règles imposées aussi rigoureuses qu’inadaptées, des objectifs trop flous, des
indicateurs astreignants et la nécessité d’accomplir la tâche dévolue dans les meilleures
conditions1. Dans cette entreprise, comme dans bien d’autres, la mesure semble avoir
pris le pas sur toutes les autres préoccupations.
Le reporting n’est qu’une lucarne translucide, on
distingue vaguement quelques formes mais on
ne voit pas les détails
Le processus de reporting empêche
60 % des acteurs de la finance de dormir.
En attendant le tout-numérique
Cet échange a réellement eu lieu, pas tout à fait en ces termes mais en
substance, le sens du propos est bien respecté. Cela dit, ce contrôleur de
gestion n’a pas tout à fait tort. Les outils de production, machines,
ordinateurs, tablettes et smartphones sont déjà connectés. D’ici peu, on
finira par connecter et centraliser tous les objets. Les puces RFID (Radio
Frequency IDentification ou la lecture d’étiquettes à distance) sont déjà là et
l’Internet des Objets (IdO)3 se déploie à vitesse grandissante. Les rapports
seront donc tous générés automatiquement afin de tenter de tout chiffrer
avec un taux d’intervention humaine quasi nul. Comme nous l’avons déjà
brièvement évoqué, dans le monde de l’entreprise, nous sommes entrés
depuis déjà quelques décennies dans un modèle managérial de type
cybernétique.
Le modèle cybernétique qui pêchait jusqu’alors par le manque de fiabilité
de sa boucle de rétroaction atteindrait ainsi son apogée pour servir au mieux
l’amélioration continue de la productivité. C’est bien par l’avènement de ce
modèle parfait au sens de ses concepteurs que l’on s’autorise aujourd’hui à
imaginer remplacer l’humain par des robots pour une large majorité de
fonctions. C’est une pure fiction. Les promoteurs de ces prospectives n’ont
vraiment aucune idée de la réalité du travail sur le terrain, des ajustements
des procédures que chaque acteur réalise au quotidien, des indispensables
décisions ad hoc prises au pied levé, sans lesquelles toutes les tâches un peu
complexes, et elles le sont pratiquement toutes aujourd’hui, seraient
impossibles à réaliser.
L’idée derrière tout cela est particulièrement claire : diminuer encore et plus
les coûts en réduisant l’exigence de compétences par un recours
systématique à la technologie. C’est aussi cela l’objectif du tout-numérique.
En tout cas, pour le moment et selon l’enquête Tagetik citée en exergue de
ce paragraphe, 95 % des répondants utilisent Microsoft Excel pour rédiger
leurs rapports toujours plus chronophages. Les directions sont en effet
friandes d’annotations pour expliquer les chiffres transmis. On les
comprend !
Parfois, les anagrammes révèlent bien plus que l’on ne pourrait le supposer.
« Résumer » est la parfaite anagramme de « Mesurer », et cela tombe bien,
une mesure est toujours réductrice. Aussi bien choisie soit-elle, elle ne
présente qu’une seule dimension d’un objet, d’un phénomène ou d’une
activité. Cette information est utile lorsqu’elle est judicieusement choisie et
étalonnée en étroite relation avec l’objectif poursuivi. Elle apporte alors une
information essentielle sur le déroulement des actions engagées, et offre
ainsi une précieuse aide à la décision. Sortie de ce contexte, son utilité est
plus que limitée. Dans bien des cas, elle est même trompeuse. Une mesure
peut être un indicateur de performance pour celui qui l’a sélectionnée. Il
vise un objectif bien précis, et un seul aspect de l’activité sous contrôle
l’intéresse. Cette mesure ne reflète en rien une imaginaire performance
globale de l’activité ou du processus, si tant est qu’elle puisse exister. Il est
inutile, voire parfois néfaste, de la collecter pour tenter de l’intégrer dans
quelque chose de plus général, loin des préoccupations de ceux qui
l’utilisent au quotidien.
Et aujourd’hui ?
Avec le big data, nous sommes prêts, technologiquement parlant, pour l’entrée dans
un monde ultraconnecté où tout est identifié, pisté et mémorisé pour des analyses
toujours plus pointues.
Exemple
Un pour cent d’erreurs sur un million de clics de visiteurs sur une boutique en ligne, ce
sont dix mille clics qui risquent de fausser notre interprétation. Le risque est insignifiant
puisqu’il nous reste tout de même neuf cent quatre-vingt-dix mille clics justes pour
modéliser les comportements. En revanche, un pour cent d’erreurs sur dix mille fiches
produit, ce sont tout de même cent fiches produit erronées. Le risque et ses
conséquences sont tout autres.
Et aujourd’hui ?
La préparation des données représente une part plus que conséquente d’un projet
d’aide à la décision de business intelligence. Il s’agit en effet, de vérifier chaque
donnée afin d´éliminer les valeurs aberrantes, de mettre au même format les données
issues de sources hétérogènes, voire de combler les données absentes afin que le
modèle ait un sens. Une tâche titanesque et donc très coûteuse. Gare à celui qui ne la
juge pas à sa valeur !
Quelle que soit la technique, chaque individu est ainsi transcrit en une série
de données chiffrées censées exprimer sa valeur selon une grille bien
spécifique. Cette grille n’est jamais assez fine pour noter les compétences
mises en œuvre, entre autres pour toutes les raisons que nous avons
énoncées dans le paragraphe précédent. Au mieux et vraiment au mieux,
comme l’exprime Christophe Dejours, on ne mesure que le résultat du
travail réalisé. Toutes les difficultés pour accomplir une tâche
particulièrement ardue sont masquées, tout comme la qualité du travail
réalisé.
Dans une société idéale, l’évaluation ne devrait exister que pour fournir à
chacun un feedback sur ses propres performances. C’est l’occasion de faire
un point précis sur ses compétences, savoir-faire et savoir-être, afin de
mieux progresser ou se réorienter le cas échéant. C’est là où l’évaluation du
type 360º trouve toute sa substance. Elle propose en effet un éclairage à
large spectre des performances personnelles en collectant l’avis de
l’ensemble des relations professionnelles. L’évaluation est un instrument
indispensable de l’aide au développement professionnel. Elle n’est en rien
le mécanisme de la machine à trier de l’entreprise. Mais nous ne sommes
pas dans une société idéale.
Il est intéressant de comparer ce jugement avec cet extrait de La Jungle écrit en 1905 :
« L’entreprise Durham appartenait à un homme dont le seul but était de s’enrichir autant
qu’il le pouvait quels que soient les moyens. Au-dessous de lui, on trouvait les cadres,
organisés selon une hiérarchie toute militaire, avec en tête les directeurs suivis des
chefs de service puis des contremaîtres, chacun commandant celui qui était à l’échelon
directement inférieur et essayant de tirer de lui le maximum. Tous les salariés d’un
même grade étaient mis en concurrence : comme on tenait une comptabilité séparée
pour chacun, ils vivaient dans la terreur d’être renvoyés si l’un de leurs collègues
obtenait de meilleurs résultats. Du haut jusqu’en bas de l’échelle, l’usine était un
véritable chaudron, bouillonnant de jalousies et de haines. Il n’y avait place ni pour la
loyauté ni pour le respect : ici un dollar avait plus de valeur qu’un être humain. »
LA JUNGLE22, UPTON SINCLAIR
Un peu d’espoir…
On peut tromper tout le monde durant un temps,
on peut tromper quelques-uns tout le temps,
mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps.
Il n’est pas bien difficile de faire dire tout et son contraire aux indicateurs.
Mais où s’arrête l’information et où commence la manipulation pour un
parfait enfumage ?
Moi, qui consacre une bonne part de mon temps à promouvoir l’usage des
indicateurs de performance, je me sens un peu mal à l’aise lorsque j’entends
ce type de discours.
Il est temps de faire une mise au point.
Il est vrai que les indicateurs ont envahi notre quotidien. Dévoyés de leur
rôle initial, ils sont bien pratiques pour servir d’explication incontestable à
un peu tout et n’importe quoi. Ainsi, il devient coutumier dans l’entreprise,
comme dans la vie publique, de justifier les décisions prises ou à prendre
par la publication d’un indicateur, à l’intitulé ronflant, appuyant
l’argumentation et coupant court à toutes objections : « Vous voyez bien que
j’ai raison d’agir ainsi, c’est l’indicateur qui le dit, il n’y a pas
d’alternative. »
En fait, tout est dans l’intitulé de l’indicateur et le discours l’accompagnant.
C’est un peu l’histoire du verre à moitié vide et du verre à moitié plein.
Étudions deux interprétations trompeuses d’un même groupe d’indicateurs
de performance selon l’intérêt poursuivi par le manipulateur.
Exemples
Premier cas
« Voyez nos indicateurs, nos résultats ne sont pas au niveau de nos prévisions, et nous
n’avons pas atteint les objectifs fixés. Il faut aussi reconnaître que la concurrence est
rude. Pour sauver l’entreprise, nous devons recentrer nos activités sur notre cœur de
métier… »
En d’autres termes, celui-ci veut licencier…
Second cas
« Depuis que je suis aux commandes, la barre est maintenant redressée. Voyez donc
les indicateurs ! Nous venons de loin ! Mais attention, la route est encore longue,
unissons nos efforts pour franchir ce cap difficile… »
En revanche, celui-là tient à garder sa place.
Bref, c’est de la manipulation classique, un vrai tour de passe-passe. Le prestidigitateur
du moment attire notre attention vers l’objet visible, l’indicateur, afin de masquer la
réalité de l’entourloupe.
L’idée étant d’éviter que notre capacité de réflexion entre en action, et de ne s’adresser
qu’à notre cerveau limbique, voire reptilien, qui lui ne réagit qu’en émotion primaire,
comme la peur notamment qui entraîne la soumission.
LE PETIT ROBERT.
Exemple
Si l’on cherche à gagner quelques minutes sur un processus, c’est bien en mesurant
des temps que l’on y parviendra. En revanche, si l’on vise à améliorer la conformité des
livraisons, ce ne sera pas en comptant des quantités produites ou en évaluant des
variations de coûts unitaires que l’on atteindra le but fixé. Il faudra trouver une autre
unité.
Exemple
Si A obtient de meilleurs résultats que B, on ne pourra que constater que A est plus
performant que B, et l’on déduira abusivement que A est donc meilleur que B. Le
jugement de valeur est immédiatement formulé en conséquence de ce constat.
Les limites de la mesure sur la définition du travail réel que nous avons
évoquées au chapitre précédent sont déjà plongées bien au fond des
oubliettes de la raison. On oublie les difficultés rencontrées qui justifient un
résultat plus modeste. Seule la mesure affichée compte. Comme le
chronomètre pour un coureur de vitesse, le chiffre est devenu loi. Il ne
s’agit plus d’une mesure de progrès mais bien d’une évaluation, c’est-à-dire
l’action d’exprimer par un nombre la valeur de quelque chose ou de
quelqu’un.
Et aujourd’hui ?
C’est là le fondement de la course à la performance que nous vivons d’une manière
outrancière depuis déjà plusieurs décennies. La compétition est désormais la
principale composante du management tel qu’il est pratiqué au sein de l’entreprise et
de toutes les organisations publiques actuelles.
Sans pour autant les approuver, on peut comprendre aisément les raisons
qui poussent les moins scrupuleux à manipuler un tant soit peu les résultats
afin de mieux servir leurs intérêts.
CONSEIL
Ne jamais perdre de vue que même au sein de la meilleure ambiance d’entreprise, chacun
poursuit ses propres intérêts3.
Une manipulation n’est pas toujours volontaire. Bien des contresens ne sont
que la conséquence d’erreurs involontaires autant lors de la sélection des
données que du mode de calcul ou du choix de présentation.
C’est dit !
Comme partout ailleurs, la bêtise chronique sévit en entreprise, mais on préfère
utiliser l’euphémisme d’incompétence pour la désigner.
L’incompétence étant un sujet bien trop vaste, nous limiterons cette courte
étude aux seuls vrais manipulateurs qui savent très bien ce qu’ils font, et
pourquoi ils agissent ainsi. Procédons dès à présent à un inventaire des
techniques de manipulation. Bien qu’il ne puisse être exhaustif,
l’ingéniosité des manipulateurs étant sans limites, cet inventaire est bien
suffisant pour comprendre et prévenir les chausse-trappes qui guettent les
plus candides d’entre nous.
Exemples
Une entreprise qui souhaite montrer auprès de ses clients et de ses concurrents son
dynamisme et son carnet de commandes bien rempli affichera ostensiblement son
besoin de recrutement en publiant le nombre de postes vacants et d’offres d’emploi
proposées. Elle prendra soin d’oublier d’indiquer le nombre de démissions, de
ruptures conventionnelles, de licenciements bruts et de départs à la retraite. Les
entreprises à fort turnover telles que les sociétés de services informatiques utilisent
ce subterfuge.
Un directeur commercial peut présenter fièrement un indicateur affichant les ventes
records d’un nouveau produit sans pour autant préciser que ledit nouveau produit
remplace une gamme plus ancienne dont les ventes étaient déjà au même niveau.
Une ministre de l’Éducation nationale peut annoncer la création de 500 nouvelles
formations professionnelles sans préciser le nombre de sections plus anciennes
fermées pour l’occasion9.
Le nombre de chômeurs
« Les chiffres de ce soir manifesteront une amélioration de la situation, avec une baisse
tendancielle de l’augmentation du nombre de chômeurs. Cette augmentation sera assez
modérée. » affirmait ainsi Nicolas Sarkozy tentant de masquer les chiffres
catastrophiques du chômage en 2012. Le geste à l’appui cinq fois répété renforçait l’idée
de baisse et donc d’amélioration alors que les chiffres portaient une tout autre
information10.
Exemples
Imaginez un bar de quartier fréquenté par des salariés des entreprises
environnantes à l’heure du café, et Bill Gates entre dans ce même bar. Par le calcul
de la moyenne, toutes les personnes présentes sont devenues milliardaires !11
Lorsqu’on annonce le salaire moyen net mensuel des Français, 2 225 euros en
201712, et que l’on se flatte de sa progression d’une année sur l’autre, on ne
procède guère différemment. Ce chiffre n’apporte aucune information. Il masque la
distribution particulièrement étendue des salaires.
Une entreprise augmente ses tarifs de 2,5 % par an depuis dix ans, sauf cette année
où les prix de vente ont fait un bond de 18 %. Il est évidemment préférable de
présenter la moyenne des augmentations sur dix ans, soit 4,05 % pour faire passer
la pilule.
Pour bien des situations, le calcul de la médiane est bien plus porteur
d’information. La médiane marque le juste milieu de la distribution.
Cinquante pour cent des valeurs sont inférieures à la médiane et 50 % des
valeurs sont supérieures. Le salaire médian français en 2017 est de 1 770
euros. Donc 50 % des salariés gagnent moins que cette somme et 50 %
gagnent plus. On comprend aisément que si l’on veut modérer un tant soit
peu le sentiment d’inégalité, il est préférable d’annoncer publiquement le
salaire moyen.
La valeur modale est aussi intéressante pour mieux saisir le déséquilibre
d’une distribution. Pour mémoire la valeur modale pointe sur la valeur la
plus fréquente d’une distribution.
En exemple, la table des salaires d’une entreprise fictive :
Salaires 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500
Employés 23 145 65 34 21
Employés 23 25 24 19 18
La moyenne des salaires proposés dans cette entreprise est de 3 021 euros.
Pourtant, on constate à la lecture de ce tableau que 2 000 euros sont le
salaire le plus couramment versé.
Exemples
Vous gérez une boutique en ligne et une entreprise marketing vous propose un outil
miracle, fruit de longues recherches, qui augmentera sans coup férir le taux de clics
d’un produit précis de… 100 % ! Incroyable ! Bon, si le taux de clics n’était que de
0,1 %, on risque de beaucoup dépenser pour le voir seulement passer à… 0,2 % !13
En 2015, la plupart des grands organes de presse publiaient un article
particulièrement anxiogène ainsi titré : « La consommation de viande rouge ou de
viande transformée (charcuterie) augmente le risque de cancer !!14 »
Le lecteur inquiet cherche rapidement des éléments chiffrés. De combien le risque est-il
donc augmenté, quel est le taux ? Et là, le couperet tombe : 18 % d’augmentation du
risque de cancer colorectal ! Ces articles sont sourcés. Il s’agit des résultats d’une
enquête officielle conduite par le Centre international de recherche sur le cancer
(CIRC)15. Comme la plupart des articles n’approfondissent pas plus avant l’analyse des
chiffres, ces résultats sont particulièrement angoissants. En fait, cet accroissement du
risque ne concerne que les gros mangeurs de viande. Soit 25 % de la population tout de
même. Ensuite le taux de 18 % ainsi présenté ne signifie pas grand-chose. On parle
d’un accroissement du risque pour une population donnée. Encore faut-il connaître le
taux de risque de cancer auquel est soumise la population concernée. Ainsi, si cas
d’école, pour une population adulte donnée le risque est de 0,002 %, les gros
consommateurs de viande rouge ou de charcuterie, soit 25 % de la population, sont,
eux, soumis au même risque augmenté de 18 % soit : 0,00236 %. Nous sommes loin de
la panique et on peut continuer à déguster les plaisirs de la table16.
Exemple
Il vaut mieux parler d’un taux de pauvreté de 14,3 % plutôt que d’annoncer le nombre de
9 millions de personnes contraintes de vivre avec moins de 1 000 euros par mois.
Exemples
Compte rendu commercial de fin de mois : « Ce mois-ci, j’ai doublé mes ventes ! »
Bravo ! Enfin, si le mois précédent vous n’avez réalisé qu’une seule vente, ce mois-
ci vous en avez donc réalisé deux. Si ce sont des usines clés en main, on peut
féliciter le commercial. En revanche s’il s’agit de stylos-billes…
En décembre 2015, l’Agence France-Presse (AFP) transmet l’information suivante :
« Dans le cadre de la solidarité européenne, le grand-duché du Luxembourg a
décidé de doubler son effectif militaire au Mali. Ils dépêcheront donc un second
militaire.17 »
Abusez sans retenue de la précision des nombres proposés
Dans toutes statistiques, l’inexactitude du nombre
est compensée par la précision des décimales.
Il est vrai que les nombres trop ronds ont quelque chose d’irréel pour le
sens commun. Un commercial qui annonce que ce mois-ci il a concrétisé les
ventes de 1 000 produits risque de croiser quelques regards sceptiques.
Mille ? Ce n’est pas possible. Ne serait-ce pas plutôt 987 par hasard ou
quelque chose comme cela ? Pourtant d’un point de vue arithmétique rien
ne différencie ces deux nombres. Ils ont la même probabilité de
correspondre au nombre de ventes du mois réalisées par ce vendeur. Mais
voilà, un chiffre bien rond ça ne semble pas assez réel, c’est trop vague. Un
chiffre trop rond ressemble plus à un chiffre volontairement arrondi pour
améliorer l’effet sur son public. Il est donc tout à fait judicieux pour le
manipulateur de profiter à son avantage de cette idée reçue. Plutôt que de
faciliter la compréhension d’une mesure en arrondissant le nombre, il va au
contraire ajouter les caractéristiques de la précision : des décimales.
Jusqu’à maintenant, on accusait les instituts de sondage de pécher par excès
de précision en proposant un classement ordonné des résultats, sans tenir
compte de la marge d’erreur théorique qui est tout de même d’environ 3
points en moyenne. Si le premier du classement bénéficie d’un score de
22 % et le second de 21 %, on peut aisément les inverser sans pour autant
fausser le résultat du sondage18.
Exemple
Oui 40 %
Non 25 %
Ne se prononce pas 35 %
Si l’on espère une réponse positive franche et massive, autant omettre de citer tous
ceux qui ne se sont pas prononcés. Il est ainsi assez courant de rétablir par une simple
règle de trois les proportions en ne considérant que les deux premiers cas. Le « oui »,
61,5 % des votes exprimés, est alors très nettement majoritaire, ni vu ni connu21. C’est
d’ailleurs le principe retenu pour traiter les bulletins blancs lors des consultations
électorales22.
Cas pratique
Un sondage proposé par l’institut Odoxa (26-27 mai 2016) révèle que 67 % des Français
ont une mauvaise opinion du secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. La presse
relaie l’information en citant parfois même 7 Français sur 10. Or, ce n’est pas tout à fait
cela que révèlent les chiffres de ce sondage. Les 67 % représentent uniquement le
pourcentage d’avis négatif des personnes qui se sont exprimées. 32 % des Français
sondés ont précisé ne pas le connaître suffisamment pour formuler une opinion. Si l’on
intègre cette catégorie, les Français qui ont une mauvaise opinion de Philippe Martinez
ne sont en réalité que : 45 %23.
Un bon schéma vaut mieux qu’un long discours dit-on, cela tombe bien
je n’ai pas du tout envie d’expliquer à quoi correspondent ces chiffres…
Cas pratique
Durant la campagne électorale espagnole de 2016, un porte-parole du Partido Popular
(Parti populaire) n’avait pas hésité à présenter dans une émission de télévision et sur
Twitter le graphique suivant des dépenses sociales annuelles :
Figure 7 : Un exemple de graphique manipulé pour laisser croire à une
progression continue
Cas pratique
Durant la campagne des élections présidentielles américaines, Donald Trump avait
publié sur Twitter le graphe suivant :
Figure 8 : Un exemple de discordance entre la taille des barres et les valeurs
représentées
Un petit 2 % seulement sépare les deux candidats. Pourtant la différence de taille entre
les deux barres laisse supposer un écart bien plus important. Le procédé est
particulièrement efficace. Tout naturellement le lecteur du graphique se focalise sur la
différence de longueur des barres et ne prend pas en compte la faible différence entre
les deux scores. L’échelle n’est d’ailleurs pas affichée2.
Exemple
Imaginons un service commercial qui a sensiblement augmenté ses ventes d’un
trimestre à l’autre, et qui cherche à faire bonne impression auprès de sa direction. il
affiche donc le graphe suivant sur son tableau de bord :
Figure 9 : En décalant l’origine de l’échelle, la progression semble
particulièrement conséquente
En réalité l’accroissement des ventes est relativement modeste. Mais en choisissant une
échelle ne débutant pas à 0, un effet de loupe amplifie la différence.
Figure 10 : la différence entre les chiffres est minime malgré le message porté
par les deux barres
Avec une échelle démarrant à 0, l’augmentation des ventes est très nettement moins
impressionnante.
Figure 11 : Avec une échelle commençant à zéro, les proportions sont
rétablies
Exemple
Un responsable d’atelier, ne souhaite pas que l’augmentation drastique du nombre de
défauts enregistrés au cours de la fabrication soit mise en évidence. Il utilise donc une
échelle logarithmique de ce type :
Exemple
Imaginons un chef des ventes régional d’un réseau de succursales automobiles qui
aimerait bien que son action à ce poste ne passe pas inaperçue auprès de la direction
générale lors de la présentation annuelle. Il propose donc les images suivantes pour
bien visualiser l’augmentation significative des ventes d’une année sur l’autre.
Mais ce graphique est totalement faux. La surface des images matérialisant les ventes
de 2016 et de 2017 est fortement exagérée. En réalité, si l’on respecte les chiffres
annoncés, la représentation fidèle ressemble plutôt à ceci :
Figure 15 : La surface des représentations de véhicules est maintenant
proportionnelle aux nombres affichés
Comparez l’incomparable
Comparaison n’est pas raison, dit-on…
Cas pratiques
Cas pratique
Le graphique est juste, mais il présente une image trompeuse du taux de chômage6. En
effet, le chiffre du chômage est en hausse de 2,5 % pour l’année 2015. Le lecteur du
schéma, non initié aux outils statistiques, voit pourtant une baisse. Dans ce cas précis,
cet outil est vraisemblablement utilisé pour donner l’impression d’une tendance à la
baisse bien que la courbe soit en hausse quasi continue.
Figure 19 : Les mêmes chiffres du chômage présentés sur une courbe linéaire
Il importe que l’auditoire soit focalisé sur la tendance baissière et ne cherche pas à
visualiser une représentation linéaire telle que ci-dessus…
Le procédé fonctionne nettement mieux si le manipulateur prend soin d’enfumer un peu
son public à l’aide d’un bla-bla adapté riche en termes positifs : « stabilisation,
progression, amélioration, reprise, favorable, croissance etc. ». C’est exactement le
procédé exploité par le ministère du Travail dans ce cas précis7 !
Exemple
Vous pensez à votre ami Laurent, le téléphone sonne… C’est Laurent ! Incroyable !
Transmission de pensée, télépathie involontaire, le destin ? Ou plus prosaïquement des
probabilités mal comprises ? Les deux événements ont chacun leur propre causalité, ils
sont totalement indépendants l’un de l’autre. C’est le pur hasard qui les a fait se
rencontrer. Mais les coïncidences sont toujours troublantes et le pur hasard est bien la
dernière explication que l’on considérera.
Pour le manipulateur averti, il est alors aisé de faire passer des corrélations
pour de pures causalités. Un outil de choix pour justifier ses décisions.
Il existe tout même quelques règles, théoriquement on ne peut pas tout faire
dire à propos des corrélations.
Le calcul de l’indice de Pearson8 permet de juger de la vraisemblance de la
corrélation. Si ce coefficient est proche de la valeur « 1 », les deux
phénomènes sont dits « fortement corrélés ».
Google propose un outil, « Trends/Correlate » pour explorer son big data et
rechercher les corrélations. C’est ce dernier outil que nous allons utiliser
ici : https://www.google.com/trends/correlate
Exemples
Commençons par une première corrélation, assez évidente, d’ailleurs l’indice est très
proche de la valeur maximale 1.
Figure 20 : Corrélation entre les termes : « été » et « Juan-les-Pins »
Poursuivons avec deux corrélations assez logiques qui confirment d’ailleurs les deux
premiers chapitres de cette étude. L’indice de corrélation est là aussi quasi au
maximum.
Il est tout à fait possible de trouver un lien de causalité entre ces deux recherches.
Mais que dire de celle-ci ?
Figure 24 : Corrélation (curieuse) entre « frites » et « après-shampooing »
Exemples
Une entreprise d’équipements industriels recrute un nouveau responsable de
l’organisation. Ce dernier, issu du monde de la grande distribution, est un grand
« fan » des méthodes de Jack Welch, et plus particulièrement du « destaffing », une
technique bien connue qui consiste à éliminer toutes les personnes qui ne sont pas
jugées « nécessaires »10. Ce n’est pas pour rien que durant les années 1980, Jack
Welch était surnommé « Neutron Jack » en référence à la bombe à neutrons qui
élimine tous les humains sans toucher aux constructions. Bref, notre nouveau
responsable décide de réduire drastiquement le personnel de la plupart des
services, notamment de l’administratif, des études et du commercial. Cette
entreprise travaille sur des contrats assez conséquents et les commandes sont
enregistrées plusieurs mois à l’avance. Les projets d’innovation sont à longue
échéance et, de surcroît, le carnet de commandes est bien rempli. Durant plusieurs
mois, cet adepte des méthodes radicales peut pavoiser en affichant des résultats
records : une activité équivalente et des frais drastiquement réduits. Ce n’est que
l’hystérésis. L’entreprise est sur sa lancée. Les effets négatifs de ses décisions
draconiennes ne sont pas encore perceptibles11.
Exemples
Un responsable commercial pourra se vanter auprès de sa direction du chiffre
d’affaires réalisé auprès de ses clients fidèles, le stock, tout en évitant d’aborder la
question du piètre taux du nombre de prospects transformés en clients sur la même
période, le flux.
Un chef d’entreprise pourra se féliciter de la rentabilité de ses produits phares,
véritables « vaches à lait », le stock, sans pour autant aborder la question de la
pauvreté du portefeuille de nouveaux produits en cours de développement, le flux.
Cas pratique
En France, en matière d’emploi, le contrat à durée indéterminée (CDI) est « la forme
normale et générale de la relation de travail » pour reprendre l’assertion du
gouvernement.
Si l’on raisonne en logique « stock », un ministère du Travail et de l’Emploi peut
s’enorgueillir du nombre de CDI. En effet 85 % des salariés sont liés à leur
employeur par un contrat de ce type.
Si, en revanche, on raisonne en termes de « flux », 86 % des nouvelles embauches
sont réalisées sous contrat à durée déterminée (CDD) dont 70 % sont des contrats
d’une durée inférieure à un mois12. Le bilan est alors moins glorieux et laisse
présager un avenir un peu plus sombre.
Exemples
Pour justifier le bien-fondé d’une mesure de réduction drastique mais temporaire des
cotisations sociales, un gouvernement se targuera d ’un accroissement significatif du
nombre d’embauches de salariés d’une certaine catégorie socio-économique. Il
prendra soin d’éviter d’aborder la question de l’estimation du nombre de chefs
d’entreprise qui auront judicieusement choisi de précipiter une embauche déjà
planifiée afin de bénéficier de la réduction, de l’effet d’aubaine. Au cours de la
période suivante, bien évidemment, ces embauches déjà effectives ne seront pas
comptabilisées.
Un chef des ventes pourra mettre en avant les bienfaits sur le chiffre d’affaires
mensuel d’une remise commerciale temporaire, tout en prenant soin d’éviter de
décompter les clients réguliers qui ont opportunément augmenté le volume d’achats
sur la même période pour bénéficier de la remise. C’est aussi l’effet d’aubaine. Les
produits achetés à l’avance sont déjà stockés chez le client, le chiffre d’affaires de la
prochaine période sera vraisemblablement inférieur à celui réalisé habituellement.
Il n’y a rien de plus inutile que de faire avec efficacité quelque chose
qui ne doit pas du tout être fait.
Depuis déjà bien des années, la généralisation des normes qualité ISO au
sein des entreprises s’est traduite par une profusion d’indicateurs de
performance. Les normes ISO recommandent avec raison une mise sous
contrôle systématique des processus clés de l’entreprise. Mais dans un
mouvement de cause à effet, les indicateurs de performance se sont alors
multipliés comme des petits pains. Il semble que nous soyons passés d’une
logique : « Je poursuis un objectif de performance et je choisis
soigneusement un indicateur pour baliser le chemin » à la logique plus
discutable : « Je place des indicateurs dits de performance pour être en
conformité avec la norme et je m’imagine ainsi ou, en tout cas, je donne
l’impression que tout est sous contrôle. »
Les entreprises qui ont privilégié la conformité aux normes qualité ISO, aux
dépens des démarches stratégiques plus originales exploitant la nature
même de l’organisation, sont les principales victimes de cette dérive.
Commentaire
Si une hirondelle ne fait pas le printemps, l’indicateur ne fait pas le pilotage. L’indicateur,
c’est l’instrument de navigation. Si vous ne savez pas où vous souhaitez aller,
l’indicateur ne sert à rien. Si vous n’avez pas la volonté d’atteindre le but fixé, l’indicateur
n’est guère plus utile. Il faut commencer par définir avec précision des objectifs réalistes.
C’est-à-dire en parfait accord avec la stratégie poursuivie et les actions que l’on peut
réellement engager à ce niveau d’intervention. Ensuite, on peut choisir et fabriquer les
indicateurs. En suivant ce déroulement, on est sûr de définir de vrais indicateurs. Cela
dit, si comme dans ce cas précis, le chef du projet tableau de bord est tenu à l’écart de
l’élaboration des plans stratégiques, il ne peut deviner les ambitions de sa direction. Il
n’est pas responsable de l’excès de discrétion de sa hiérarchie.
Les indicateurs bien choisis sont les instruments de mesure du progrès mais
quand ils sont mal choisis, c’est un peu le grand n’importe quoi qui
pervertit la mesure de la performance et son rôle de soutien stratégique.
Passons en revue les dérives les plus courantes afin de mieux les prévenir.
Au cours de cet inventaire de « ce que l’on ne devrait pas faire », on
abordera autant la question des indicateurs que celle des objectifs. Elles
sont étroitement liées et toutes deux particulièrement sensibles aux funestes
dérives si l’on n’y prend garde. Plusieurs de ces dérives ne sont pas
uniquement des erreurs de conception, mais bien des actes volontaires
visant des desseins inavouables et généralement inavoués mais que l’on
devine assez aisément. Quoi qu’il en soit, tout cela ne simplifie pas la tâche
du concepteur de système de performance.
Cas pratique
Dans le film L.627 (1992) coécrit avec un ancien enquêteur judiciaire, Bertrand Tavernier
décrit le quotidien d’une brigade de police aux prises avec la délinquance et les trafics
de stupéfiants. Il cherche avant tout à dénoncer le manque de moyens, la lourdeur
bureaucratique et une administration obsédée par les statistiques. Une scène de ce film
est assez caractéristique de la dérive de la mesure de la performance.
Nota : le paragraphe contenu entre les deux mots « spoiler » révèle le dénouement
d’une scène du film.
« SPOILER ON »
L’équipe d’inspecteurs « planquait » depuis déjà pas mal de jours pour arrêter un gros
fournisseur et démanteler ainsi un réseau de trafic de stupéfiants. Ils avaient pris en
filature un petit dealer en quête de ravitaillement et attendaient que la transaction se
réalise. Mais le chef de groupe, joué par Jean-Paul Comart, ne poursuit qu’un seul but :
être bien noté par ses supérieurs. Il n’hésite pas à interrompre la planque et à la surprise
de l’équipe, il procède à l’arrestation du petit dealer saccageant ainsi un long travail de
repérage et anéantissant les ambitions de détruire le réseau en totalité. Son argument
est simple : que ce soit un petit ou un gros dealer, de toute façon, c’est une barre en plus
sur mon rapport mensuel.
On comprend alors que les équipes sont notées selon le nombre d’arrestations réalisées
sans tenir compte de l’importance du délit. On peut pourtant deviner que l’objectif initial
poursuivi n’est autre que de freiner l’expansion du trafic de stupéfiants. Mais le système
de mesure inadaptée conduit à ce type de comportement totalement contre-productif.
« SPOILER OFF »
Ce sont là les effets pervers d’une « culture du résultat » pour qui seul le
chiffre compte. Et selon la valeur de ce chiffre, ce sera une récompense ou
une punition, la carotte ou le bâton.
Chercher à améliorer le chiffre tout en respectant les règles établies pour
décrocher la récompense et éviter la punition semble tomber sous le sens.
Toute règle a une faille et il ne faut guère de temps à un cerveau humain
pour se l’approprier. Ce sont les conséquences d’une méthode de
management infantilisante, fondée sur la déresponsabilisation des femmes
et des hommes. Ce phénomène est d’ailleurs fortement amplifié dans une
société qui prône le « mérite » comme seule clé d’incitation à la
performance. Pourquoi consacrer du temps et de l’énergie à soigner
l’exécution de tâches dont le résultat n’est pas perçu à sa juste valeur par le
système de mesure ?
Les conséquences sur la qualité du travail en équipe ne sont pas non plus
anodines. Dans un système de mesures parcellaires, la carte de
l’individualisme est toujours la plus payante.
En résumé
La mesure oriente les comportements. Si l’on veut changer les comportements, il faut
donc changer la manière dont on mesure la performance.
Le classement de Shanghai
L’influence prise par le classement des universités mondiales en termes d’efficacité, dit
classement de Shanghai, est assez troublante. Depuis quelques années ce classement,
officiel de fait, incite les organisations universitaires mondiales à se structurer afin de
mieux correspondre aux critères un peu arbitraires choisis pour ce classement9. Si sur le
plan éthique, ces adaptations sont discutables, elles sont pourtant indispensables sur le
plan pratique afin d’être mieux classées, et attirer ainsi les meilleurs étudiants tout
comme les sources de financement les plus profitables.
Bien des grandeurs quantitatives qui seraient fort utiles pour le pilotage sont
difficiles à intégrer. C’est toujours au final pour des raisons de coût. Mettre
des données au bon format, les rendre cohérentes avec l’ensemble du
système, voire bâtir une infrastructure spécifique représentent des coûts
conséquents qui pourraient faire exploser les budgets consacrés au projet
d’aide au pilotage10. Les grandeurs plus qualitatives sont aussi loin d’être
évidentes à intégrer. Pourtant, toutes les formes de progrès ne s’évaluent pas
systématiquement en données quantifiées.
L’entreprise a bien compris que l’amélioration du « bien-être » des salariés
était une voie de progrès. C’est une préoccupation récurrente depuis déjà
quelques années. Mais comment s’y prendre ? Comment bâtir une échelle
fiable et consensuelle ? Ce n’est sûrement pas en cherchant des réponses à
une question commençant par « Combien ? » que l’on parviendra à
apprécier la notion de « bien-être ». La mesure sera sûrement plus fine et
précise en étudiant les réponses aux questions commençant par d’autres
adverbes interrogatifs tels que « Comment ? ». La vraie difficulté vient
ensuite. Par quel moyen traduire en données quantitatives les réponses
données ? Si les questions ont été bien formulées, elles seront
nécessairement de l’ordre du subjectif. Comment rapprocher les résultats,
comment les combiner, comment choisir les facteurs correctifs pour obtenir
un unique indicateur synthétique ? En quelque sorte, il s’agit de parvenir à
étalonner le qualitatif11.
On comprend mieux pourquoi les concepteurs privilégient les grandeurs
faciles à mesurer pour bâtir des indicateurs de performance.
En résumé
Si l’on ne pilote que ce que l’on mesure, on ne mesure que ce qui est facile à mesurer.
De là à dire que l’on ne pilote que ce qui est facile à mesurer, ce n’est que boucler le
syllogisme.
Le théorème du lampadaire
Si les objectifs que la direction met en pleine lumière ne sont pas ceux qui importent
vraiment pour l’entreprise, nous n’aurons aucune chance de comprendre pourquoi le fait
de les avoir atteints ne résout nullement le problème initial12.
Toutes les entreprises n’ont pas une stratégie bien définie. Elles ont des
ambitions, mais ne prennent pas le temps de bâtir des plans concrets afin de
les rendre réalisables. Elles se contentent de définir des objectifs de
performance afin, s’imaginent-elles, de motiver les troupes. D’autres
entreprises bâtissent une stratégie mais appliquent la loi du secret. Les
objectifs de performance proposés aux exécutants ne sont pas réellement
ceux qui permettraient d’atteindre les buts stratégiques. Pour ces deux cas,
il ne faut pas rêver. Les objectifs seront peut-être atteints, mais les
ambitions initiales ne seront jamais accomplies… Et on ne comprendra pas
pourquoi.
Cas pratique
Depuis déjà deux décennies, les États européens sont astreints à réduire drastiquement
leurs dépenses afin de ne pas dépasser le seuil limite de 3 % du PIB. L’objectif n’a pas
évolué d’un centième en dépit du coup et des contrecoups de la crise de 2008 qui ont
mis à mal la majorité des économies nationales. Même si l’on peut comprendre
l’importance de limiter les déficits, l’origine de cet objectif immuable fixé à 3 % par décret
explique mal cette opiniâtreté à toute épreuve.
Guy Abeille, l’un des économistes à l’origine de la fixation de cet objectif à 3 % au début
des années 1980, explique sans détour dans un long article du périodique La Tribune sa
construction totalement artificielle. Il précise que ne pouvant rechercher le soutien
d’aucune théorie économique, ils ont choisi arbitrairement cette valeur de 3 % : « Deux
pour cent seraient, en ces heures ardentes, “inacceptablement” contraignant, et donc
vain ; et puis, comment dire, on sent que ce chiffre, 2 % du PIB, aurait quelque chose de
plat, et presque de fabriqué. Tandis que trois est un chiffre solide ; il a derrière lui
d’illustres précédents (dont certains qu’on vénère). »
LA TRIBUNE, 1ER OCTOBRE 201014
Avec le temps, les origines sont oubliées et l’objectif devient une loi divine
qu’il s’agit de ne pas transgresser au risque de s’attirer les foudres des
dieux, c’est-à-dire l’endettement sans fin, la récession, la déflation, et tous
les maux dont nous menacent les cassandres de l’économie. Il est
intéressant de noter qu’un objectif suffisamment rabâché devient
indiscutable. Gare à celui qui s’aventurerait à le contester en évoquant les
opportunités insaisissables avec un objectif aussi rigoureux, la vox populi
aura tôt fait de le ranger dans la catégorie des béotiens et des inconscients.
Ce peut aussi être le cas en entreprise avec des objectifs imposés par la
direction, dont on n’indique ni la raison, ni le mode de fixation, et que
l’encadrement ressasse à l’envi, afin que tout un chacun l’intègre dans son
système de valeurs. « Cette année, il faut tout faire pour augmenter les
ventes du produit alpha de 34 % ! » Pourquoi celui-ci et pas un autre ?
Comment ce taux a-t-il été choisi ? On n’en saura pas plus. Avec le temps et
le rabâchage, on oubliera ces questions essentielles et la cible unanime sera
bien l’objectif fixé. Les inévitables conséquences néfastes sur les ventes des
autres produits et l’insatisfaction de leurs acheteurs passeront au second
plan.
Poursuivons ce thème en restant au niveau des normes européennes avec
une seconde règle dogmatique aux origines fallacieuses : la définition du
seuil limite d’endettement fixé à 90 % du PIB.
Cas pratique
En 2010, deux professeurs d’économie de renom, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff,
ont démontré, modèle à l’appui, que plus la dette publique s’accroît, moins il y a de
croissance. Par la même occasion, ils ont aussi identifié le seuil fatidique : 90 %. À partir
d’un taux d’endettement de 90 % du PIB, nous basculons dans la récession, autrement
dit, l’enfer pour nos économies de marché dont le salut ne repose que sur une
croissance significative et constante. Les commissaires européens se sont d’ailleurs
appuyés sur cette étude pour exhorter les gouvernements à l’intensification des
politiques d’austérité, que nous subissons depuis le début de la crise financière de 2008.
En 2013, Thomas Herndon, un étudiant de l’université du Massachusetts, a mis en
évidence des erreurs grossières dans les formules Excel® de cette étude, dévoyant
totalement la conclusion. Michael Ash et Robert Pollin, professeurs et tuteurs de
l’étudiant, ont démontré à leur tour que les deux économistes, à l’origine de la règle,
avaient sciemment omis d’intégrer, dans leur modélisation, des cellules du tableur pour
parvenir à un résultat de croissance négative. Une fois l’étude corrigée, en considérant
le même panel de données, mais en totalité, Michael Ash et Robert Pollin ont conclu
qu’un déficit de 90 % entraînait une croissance positive de 2,2 %. Ce qui n’a pas
empêché Olivier Blanchard, alors le chef économiste du Fonds monétaire international
(FMI), d’estimer que le seuil de 90 % d’endettement maximal était un bon objectif.
Arbitraire quand tu nous tiens !15
1 Le titre de chapitre est librement inspiré du constat de George Box (1919-2013) statisticien
britannique : « Tous les modèles sont faux mais certains sont utiles », une formule bien connue
des statisticiens et maintenant des data scientists.
2 Nous reviendrons sur ce thème lors de la phase de sélection des indicateurs au chapitre 12.
3 Nous développerons un peu plus avant le thème de la stratégie au prochain chapitre.
4 En pratique, il s’agit surtout d’éliminer les écarts à la norme.
5 De toute façon, comme le rappelle justement Vincent de Gaulejac, la pratique de la qualité en
entreprise n’a plus rien à voir avec l’idéal que pourrait laisser entendre son intitulé « La qualité
apparaît non pas comme un outil d’amélioration des conditions de production mais comme un
outil de pression pour renforcer la productivité et la rentabilité de l’entreprise », issu de son
ouvrage La Société malade de la gestion, Points, 2014.
6 Citation inspirée de Charles Goodhart : « Once a social or economic indicator or other
surrogate measure is made a target for the purpose of conducting social or economic policy,
then it will lose the information content that would qualify it to play such a role. »
7 C’est d’autant plus vrai si les indicateurs ne sont pas trop bien choisis ou ne sont pas équilibrés
comme nous l’avons vu au chapitre précédent.
8 « Tell me how you measure me, and I will tell you how I will behave. If you measure me in an
illogical way… do not complain about illogical behavior. »
9 http://lemde.fr/2aYj5fv, Le Monde : « Universités : pourquoi le classement de Shanghai n’est
pas un exercice sérieux » (16-08-2016). « J’ai rencontré à Shanghai le monsieur qui avait
inventé ce ridicule classement des universités. Il était seul, dans un petit bureau. Je lui ai dit :
vous nous avez pourri la vie » Bruno Latour dans l’émission La suite dans les idées France
culture 21/10/17.
10 Il est aussi vrai que l’on ne tranche pas toujours aisément face à une dépense non prévue lors de
la phase de collecte des données. Le coût d’accession à la mesure est-il justifié au vu de
l’importance de ladite mesure pour l’aide au pilotage selon l’objectif poursuivi ? Le jeu en vaut-
il la chandelle ? Oui ou non. Voilà la vraie question à se poser.
11 C’est un peu plus difficile, mais c’est loin d’être impossible, Nous étudierons une méthode
efficace au terme de la deuxième partie.
12 Il s’agit d’une adaptation à l’entreprise du théorème du lampadaire proposé par Jean-Paul
Fitoussi : « Si les objectifs que la politique économique met en pleine lumière ne sont pas ceux
qui importent vraiment pour les sociétés, nous n’aurons aucune chance de comprendre pourquoi
le fait de les avoir atteints ne résout nullement le problème initial. » Ce théorème est inspiré de
l’historiette humoristique : « Une nuit un homme en état d’ébriété avancé cherche ses clés sous
un lampadaire. Un passant serviable se propose de l’aider : vous êtes sûr de les avoir perdues
ici ? Ah bien sûr que non, c’est près de ma porte que je les ai perdues, mais là-bas il n’y a pas
de lumière. » http://lemde.fr/2xntkFr
13 Les vagues de suicides au Technopôle de Renault et à France Télécom ont marqué les esprits,
tout autant que l’infâme commentaire de Didier Lombard alors PDG de France Télécom après le
suicide de 23 salariés en 18 mois : « Il faut marquer un point d’arrêt à cette mode du suicide qui
évidemment choque tout le monde. » (septembre 2009). Voir aussi le film Corporate de Nicolas
Silhol (2017). Cette fiction, véritable thriller, cerne assez justement la question des modes de
management par le harcèlement.
14 La Tribune : « À l’origine du déficit à 3 % du PIB, une invention 100 % française » (01-10-
2010). Un peu cyniquement, l’auteur avoue s’amuser que ce ratio totalement arbitraire, élaboré
sur un coin de table, soit devenu le mantra de tous les politiques. Ce plaisir n’est pas vraiment
partagé par les habitants des pays d’Europe du Sud (le nôtre y compris) contraints à des coupes
budgétaires, notamment dans les services sociaux, en respect du sacro-saint 3 %.
15 Aucun jugement de valeur sur la question de l’endettement dans ce paragraphe. C’est le
processus pour parvenir à un objectif arbitraire et erroné qui est ici mis en évidence. « The
Economist: Revisiting Reinhart-Rogoff » (17-04-2013), L’Expansion :« Reinhart et Rogoff
corrigent leurs erreurs de calcul sur l’austérité » (10-05-2013).
6.
Exemple
Vous écoutez les cours de la Bourse, et le journaliste vous informe que l’action de la
société Gamma a grimpé de cinq points dans la journée. Si la Bourse ne vous intéresse
pas, le message a juste traversé vos oreilles sans passer par le cerveau. Il est oublié à
peine entendu. En revanche, si vous êtes un amateur éclairé, boursicoteur à vos heures,
vous vous dites peut-être : « Tiens j’aurais dû m’intéresser à cette valeur, il n’est peut-
être pas trop tard. » Enfin, si vous êtes un spécialiste des marchés financiers, un trader,
vous avez lu le dernier rapport financier de l’entreprise Gamma et vous savez que ses
perspectives de développement sont très limitées. Elle risque de rencontrer des
difficultés à court terme, et il est temps de vendre cette valeur, cette hausse n’est
qu’artificielle. Les décideurs qui utilisent un indicateur de performance judicieusement
choisi sont dans cette dernière situation. Pour eux, l’indicateur est révélateur d’un sens
bien plus complet que ne pourrait le saisir un étranger à l’activité.
Et aujourd’hui ?
C’est là le principal défaut de la multiplication des reportings dans les entreprises
fortement stratifiées, où les informations, à force d’être globalisées, ne révèlent plus
grand-chose de la réalité d’une situation, une fois présentées sur le tableau de bord
des dirigeants.
Exemple
Déboiser une forêt primaire pour planter des palmiers à huile, donne des couleurs à cet
indicateur unidimensionnel. Financièrement parlant, la forêt primaire ne rapporte rien.
Elle occupe inutilement un terrain que l’on peut mieux rentabiliser en cultivant des
palmiers à huile, une valeur marchande en pleine expansion, et créer ainsi de la valeur
ajoutée.
Et aujourd’hui ?
Partir du postulat généralement admis que nous ne sommes jamais trop informés est
une grave erreur. L’excès d’informations tue l’information.
Exemples
Pour réussir dans les délais les projets dont il a la charge, un manager pourrait être
tenté de recourir abusivement à la sous-traitance. Il risque alors de faire exploser le
budget consacré aux projets. Sur son tableau de bord, l’indicateur des dépenses est
alors utilisé pour rééquilibrer les indicateurs d’avancement des projets. Ce premier
exemple est un classique, on ose espérer que tous les managers de projets
procèdent ainsi.
Le manager pourrait aussi être tenté de mettre la pression sur ses équipes, en les
poussant à produire sans cesse et sans jamais observer un moment de repos, quitte
à multiplier les heures supplémentaires. Ce n’est efficace qu’un temps. La fatigue
aura tôt fait de substituer la lassitude à l’enthousiasme. Sur le tableau de bord de ce
manager, il sera ainsi utile d’associer, à l’indicateur d’avancement des projets, un
indicateur évaluant le moral et l’enthousiasme des membres de l’équipe. Ce second
indicateur est moins facile à réaliser. Les retards, les absences justifiées ou non
justifiées, la multiplication des erreurs, les velléités de changement d’équipe, sont
déjà une première série d’informations de premier choix. La capacité à trouver de
bonnes idées, et à résoudre les problèmes du quotidien, les simplifications
opportunes, et le sens du partage et de la communication au sein de l’équipe, sont
une seconde série d’informations, là aussi de premier choix, pour bâtir cet indicateur.
COMMENT Y REMÉDIER : LA
DÉMARCHE
Et aujourd’hui ?
C’est le principal danger actuellement. Il vaudrait mieux éviter de laisser le monde
passer aux mains des dévots de la rationalisation et autres pisse-froid.
La performance n’est pas une notion universelle. Son expression même est
étroitement liée au but poursuivi.
Exemples
Pour un coureur de fond, la performance s’exprime en dixièmes de seconde, pour un
sauteur à la perche, elle se traduit en centimètres.
Pour une entreprise de ventes en ligne, qui fait le pari de la livraison en 24 heures
chrono, la performance prendra alors plusieurs aspects. Le temps évidemment,
depuis la prise de commande jusqu’à la livraison client, mais aussi la précision et le
soin de la préparation des commandes, la juste optimisation de la gestion des
approvisionnements, tout comme l’harmonie des relations avec l’ensemble des
partenaires et sous-traitants intervenant dans la chaîne vue dans sa globalité. Le
confort d’utilisation du site Web et la qualité du service de réclamations sont aussi à
prendre en compte.
Nul besoin de longues démonstrations pour noter, que, hormis quelques cas
exceptionnels toujours cités en exemple dans la presse spécialisée, la large
majorité des entreprises considèrent encore aujourd’hui la question de la
création de valeur uniquement dans sa dimension la plus sommaire, celle
susceptible de générer un profit immédiat. La performance au sens de
l’actionnaire est la raison d’être de bien des entreprises. Hormis les clients,
source directe de rentabilité, l’intérêt spécifique des autres parties
prenantes, y compris les salariés et les partenaires, est encore jugé comme
négligeable.
C’est dit !
Bien qu’il semble aujourd’ui évident qu’une éthique responsable et respectueuse de
l’environnement et de la société soit désormais un enjeu stratégique, les dirigeants
sont encore bien trop peu nombreux à envisager l’avenir de leur entreprise en ce
sens2. Les opérations marketing de « greenwashing » et les falsifications des plus
grands fabricants automobiles sont là pour nous rappeler que ces questions
essentielles aux yeux du public ne sont pas des priorités pour tout le monde3.
La démarche
Il existe plusieurs méthodes pour bâtir un système de tableaux de bord avec
suffisamment de singularités, pour que chacun puisse effectuer un choix
raisonnable, selon son besoin et son approche de la problématique. La
démarche proposée ici présente l’intérêt d’être totalement orientée vers la
prise de décision effective sur le terrain. C’est bien là la finalité d’un
système de mesure de la performance conçu pour une organisation
réactive4.
En résumé
Le plus important est dans les détails, et comme on ne connaît pas les détails on ne voit
pas ce qui est important. Ce qui a réussi chez l’un ne fonctionnera pas nécessairement
chez un autre.
S’il existe un ouvrage qui a marqué l’univers du management durant les décennies 1980
et 1990, c’est bien Le Prix de l’excellence de Tom Peters et Robert Waterman. Ce livre
est très rapidement devenu un des best-sellers internationaux les plus importants du
management. L’ouvrage, traduit en différentes langues, a été vendu à plusieurs millions
d’exemplaires. Les deux auteurs étaient alors consultants chez Mac Kinsey. Après avoir
étudié une multitude d’entreprises leaders de leur secteur, ils ont identifié les huit règles
de management stratégique qui font la différence. C’est là le thème de ce livre. Bien que
bon nombre d’entreprises citées comme exemples à suivre aient connu des déboires
(Delta Airline, IBM…), voire des faillites, le livre a tout de même perduré durant des
années comme ouvrage incontournable, un « must-read » pour des générations de
managers en herbe. En 2001, pour le vingtième anniversaire de la publication, Tom
Peters a fait quelques confidences. Il a révélé avoir inventé une bonne part des données
recueillies, contraint quelque part par son cabinet qui exigeait impérativement des
données quantifiées. Il a aussi avoué avoir rédigé les huit principes du livre sur un coin
de table quelques heures avant de les présenter au cours d’un séminaire commercial
pour lequel il n’avait rien préparé de suffisamment concis. Il est bon de reconnaître à la
décharge des deux auteurs que les huit règles sont portées par le bon sens, et c’est
vraiment là la recette du succès du livre !4
Et aujourd’hui ?
Pour la très large majorité des entreprises, un fossé d’une profondeur insondable
maintient une frontière infranchissable entre les dirigeants qui définissent et planifient
la stratégie, et les femmes et les hommes de terrain chargés de la mettre en œuvre.
Le schéma typique est assez simple sans pour autant être caricatural. D’un
côté les opérationnels sont tenus d’atteindre des résultats toujours plus
ambitieux, tout en respectant une avalanche de procédures, de règles et de
normes souvent inapplicables. Contraints par des objectifs flous et
productivistes, ils ne voient pas toujours le lien avec la stratégie de
l’entreprise. De l’autre côté du fossé, les tenants du pouvoir trop loin des
réalités sont méfiants. Ils multiplient alors les reportings, s’imaginant
récupérer ainsi les informations essentielles pour s’assurer de la parfaite
exécution des plans. Peine perdue.
Et aujourd’hui ?
Dans un contexte économique aux mutations rapides tel que le nôtre, on peut
aisément prendre conscience que les opérationnels sont justement les plus qualifiés
pour ajuster au mieux si ce ne sont les grandes lignes ce sera au moins les détails de
mise en œuvre de la stratégie.
Le fait à suivre
Avec les outils technologiques de communication disponibles aujourd’hui, comme les
réseaux sociaux déployés dans l’entreprise, il est encore plus simple d’étendre cet
échange à l’ensemble du personnel. C’est d’ailleurs ce que démontre Vineet Nayar
dirigeant de HCL Technologies, une importante société de services informatiques de
plus de 70 000 salariés répartis dans plusieurs pays13. Il utilise en effet le réseau
interne de l’entreprise pour présenter les plans stratégiques dans un premier temps
aux 8 000 managers puis à l’ensemble du personnel de l’entreprise. L’idée étant de se
rapprocher au plus près de la zone de création de valeur afin de se confronter avec la
réalité du terrain dans un esprit « peer to peer », ce sont ses termes. Les résultats
sont évidemment positifs. Les employés se sentent considérés, ils discutent plus
librement des stratégies proposées et n’hésitent pas à soumettre suggestions et
critiques pertinentes pour le bien de la communauté.
Cas pratique
L’entreprise Alpha
Alpha est une entreprise spécialisée dans la conception et la fabrication
d’instrumentation scientifique. Depuis peu, Alpha est devenue une SCOP (Société
COopérative et Participative). L’ancien dirigeant a choisi de céder son entreprise à ses
salariés qui se sont constitués en coopérative. Au cours des deux dernières années,
l’entreprise a bien périclité. La retraite approchant, l’ancien dirigeant avait délaissé la
conduite des affaires à son fils peu motivé, et donc peu compétent. Aujourd’hui, les
caisses sont quasiment vides et il est urgent de relancer l’entreprise. Mais quelle voie
choisir ? Doit-on lancer en toute urgence une nouvelle gamme de produits, ou peut-on
encore exploiter l’ancienne ? Faut-il explorer de nouveaux marchés ? Qu’en est-il des
clients actuels ? Pour répondre à ces questions essentielles, nous avons choisi d’utiliser
un outil assez simple en apparence : la matrice d’Ansoff14.
La matrice d’Ansoff est avant tout un cadre de travail. Elle va nous aider à trouver les
voies de croissance les mieux adaptées.
Diversification
Est-il possible de se développer en prospectant de nouveaux marchés avec une
nouvelle gamme adaptée ? C’est une démarche généralement plus risquée.
Alors, quelle stratégie pour Alpha ?
Cette matrice a permis de cadrer les échanges lors des multiples réunions nécessaires
pour choisir la bonne direction de développement.
La stratégie de diversification, qualifiée « le grand saut dans l’inconnu », a été assez vite
évacuée des pistes possibles. Tenter de pénétrer de nouveaux marchés avec de
nouveaux produits est une stratégie profitable, à condition d’avoir les reins solides, et
donc d’être déjà bien installé sur son secteur de marché. Ce qui n’est plus le cas de
l’entreprise Alpha.
En revanche, le lancement d’une nouvelle gamme de produits, plus sophistiquée que
celles existantes, était déjà une option étudiée depuis quelques mois. C’est aussi une
stratégie bien plus risquée. En matière d’instrumentation scientifique, la sophistication
est rapidement synonyme de complexité. La conception d’un produit trop complexe est
bien souvent source de multiples déconvenues. Les budgets sont systématiquement
dépassés, les délais ne sont plus tenus, et les clients sont mécontents. Bref, le risque de
travailler à fonds perdu est présent. Cette option n’a pas pour autant été rejetée. Quelle
que soit l’activité, il est désormais essentiel de monter en gamme. Elle sera reprise dès
que l’entreprise aura retrouvé une base solide. Il sera alors temps de réfléchir
concrètement aux possibilités de lancer une nouvelle gamme innovante à budgets
maîtrisés.
Bien évidemment, vu la situation financière de l’entreprise, c’est bien la stratégie de
meilleure pénétration des marchés qui est retenue. Dans son principe, cette stratégie de
croissance est assez simple. Elle consiste à soumettre aux clients fidèles des offres
commerciales ponctuelles, afin qu’ils s’intéressent aux produits ou services qu’ils n’ont
pas coutume d’acheter. On parle alors de « cross-selling ». Une autre technique, l’« up-
selling », invite les clients à monter en gamme. C’est une technique assez efficace si le
catalogue s’y prête. Enfin, sur une part de marché donnée, il existe peut-être des clients
potentiels d’autres secteurs professionnels qui méritent d’être approchés. Sommes-nous
certains d’exploiter tous les segments du marché ?
Mais ne perdons jamais de vue que le but d’une stratégie est bien de se différencier de
la concurrence, en mieux de préférence. Si ce n’est par les prix bas, ce qui est difficile
actuellement pour l’entreprise Alpha, ce sera en proposant une meilleure offre de
services. La réactivité et les délais courts sont une voie à privilégier15. C’est bien un
travail de fond qu’il s’agit d’entreprendre. Plusieurs processus sont concernés, et il
faudra impérativement inclure dans la démarche de progrès l’ensemble des fournisseurs
et sous-traitants. Bref une lourde tâche, même si les ambitions peuvent sembler
modestes aux lecteurs habitués des récits de stratégies révolutionnaires. C’est en tout
cas ainsi que l’on parvient le mieux à un résultat positif.
Les approches par petits pas, en s’appuyant quasi exclusivement sur les
moyens rapidement disponibles, sont vraisemblablement plus profitables
qu’un grand chamboulement qui met l’entreprise cul par-dessus tête.
D’expérience, les virages trop brusques sont toujours périlleux. L’entreprise
se retrouve en effet sur un parcours inconnu parsemé de nouvelles
embûches qui désorientent les salariés, troublent les partenaires et sèment la
confusion parmi les clients et les prospects.
Et aujourd’hui ?
En matière de stratégie, il ne s’agit pas de gagner le gros lot en découvrant le
business model disruptif qui générera une croissance fulgurante et sera ensuite relaté
dans les livres de management (« Waouh ! »)16, mais bien d’assurer une viabilité
pérenne en plaçant le maximum de garanties de son côté. Les risques d’échecs sont
toujours bien plus imprévisibles qu’on ne l’imagine. Cela dit, toute stratégie, aussi
mesurée soit-elle, comporte toujours un risque de perte financière.
C’est dit !
Un spécialiste de la performance publique évoque le « syndrome du mirage » pour
définir le comportement des acteurs institutionnels, qui se contentent de leur propre
production de statistiques, sans s’intéresser à la réalité vécue dans les
administrations. À leur sens, ces données sont la réalité, et ils se complaisent ainsi
isolés dans leur tour d’ivoire… Ils n’ont pas tort, leur monde fictif est tellement plus
simple !
1 Stratégie Océan Bleu, Pearson Village Mondial, 2e édition 2015. Voir aussi : http://tb2.eu/p11
2 Carl von Clausewitz (1780-1831), théoricien prussien de la stratégie militaire.
3 Bien évidemment, il faudrait aussi considérer la part de chance ou encore le talent des
innovateurs anonymes qui ont construit ce succès dans l’ombre du leader médiatique.
4 https://www.fastcompany.com/44077/tom-peterss-true-confessions. Le livre est toujours réédité
en français sous le titre : Le Prix de l’excellence - Les 8 principes fondamentaux de la
performance, Dunod, 2012.
5 https://www.economie.gouv.fr/cedef/chiffres-cles-des-pme
6 Voir l’ouvrage de Michael Porter, L’Avantage concurrentiel, Dunod, 2003, et aussi
http://tb2.eu/p2
7 www.reuters.com : « UPDATE 1-Monitor Company files for Chapter 11; Deloitte to buy assets »
8-11-2012. Voir aussi : Alternatives Économiques 9-2013 « Quand les gourous se gourent ».
8 Robert S. Kaplan et David P. Norton, Le Tableau de bord prospectif, Éditions d’Organisation, 2e
édition, 2003.
9 Nilofer Merchant auteur de l’ouvrage The New How: Creating Business Solutions through
Collaborative Strategy. O’Reilly, 2014, et aussi ici : http://tb2.eu/p3
10 Comme pour tous les métiers, il s’agit de maîtriser l’utilisation et de bien connaître les limites
des outils utilisés.
11 Administration industrielle et générale, op. cit., page 68.
12 Strengths Forces, Weaknesses Faiblesses, Opportunities Opportunités, Threats Menaces. Une
rapide présentation pour le lecteur intéressé http://tb2.eu/p4
13 Lire Vineet Nayar, Les Employés d’abord, les clients ensuite, Diateino, 2011.
14 Igor Ansoff (1918-2002) est un mathématicien, homme d’affaires russo-américain, précurseur du
management stratégique.
15 En fait rien n’a bien changé depuis l’ouvrage Vaincre le temps de George Stalk et Thomas Hout
édité il y a plus de deux décennies. Sur un secteur de marché et une gamme de produits donnés,
on se différencie toujours par la rapidité de réaction. La qualité et les coûts maîtrisés sont des
incontournables, ne pas les respecter est éliminatoire. En revanche, on peut se différencier des
concurrents par une meilleure réactivité aux demandes des donneurs d’ordre et plus
généralement des clients. Le livre en version française : Vaincre le temps. Reconcevoir
l’entreprise pour un nouveau seuil de performance, Dunod, 1993.
16 Dans la littérature managériale anglo-saxonne, on parle d’une courbe de croissance de type
« hockey stick curve », c’est-à-dire en forme de canne de hockey, plate durant une courte période
puis se dressant quasiment à la verticale… De quoi faire rêver plus d’un dirigeant…
17 Henry Mintzberg (1939-) est un universitaire canadien, auteur de nombreux ouvrages et une
référence incontournable du management stratégique.
9.
Il envisage alors la relation entre les cadres exécutants et les dirigeants sur
le plan de l’intelligence partagée, et non sur celui de l’autorité et de
l’obéissance aveugle. Drucker anticipe en effet l’entreprise actuelle où les
spécialistes occupent une place prépondérante au sein des processus. Le
management par les objectifs serait alors l’outil de coordination pour
conduire toutes les actions engagées vers un même et unique but. C’est
aussi avant tout un outil de responsabilisation. Chaque salarié, quel que soit
son échelon, ne se contente pas uniquement de réaliser la tâche qui lui est
assignée. Il est désormais tenu de considérer l’entreprise dans son
ensemble, et de comprendre ce qu’elle attend de lui. C’est aussi une
démarche contractuelle établie entre le salarié et sa direction. Chacun doit
donc respecter sa part de contrat.
Dès 1968, cette étude a été poursuivie par Octave Gélinier3, à laquelle il
ajoute la notion essentielle de participation : DPPO, direction participative
par objectifs. Il ouvre ainsi la porte à une véritable négociation des objectifs
entre la direction et les managers chargés de les poursuivre.
Malheureusement, au lieu d’être adaptée à notre environnement toujours en
évolution la démarche a été ensuite dévoyée. Pour les entreprises adeptes
des pratiques d’un autre temps, le management par les objectifs est devenu
un instrument de coercition. Essayez donc d’aborder le thème des objectifs
dans une entreprise, où équipes et managers sont tenus d’accomplir leur
tâche respective, sous la contrainte conjuguée d’une batterie d’objectifs
productivistes hors de propos et d’une évaluation périodique inquisitoire !
Bien peu d’entre eux sauront dissimuler une moue de rejet. Nul besoin de
lancer une nouvelle étude sur le phénomène du stress en entreprise,
l’explication est claire dans ce cas. On peut supposer sans prendre trop de
risques que les dirigeants de ces entreprises n’ont guère évolué depuis la
vision du salariat des débuts de l’ère industrielle. Voici comment Taylor
envisageait les relations entre les exécutants et les dirigeants :
Et aujourd’hui ?
Au XXIe siècle, il ne s’agit plus de gagner des parts de marché en exploitant jusque
dans ses derniers retranchements les économies d’échelle, mais bien d’avoir un léger
temps d’avance sur les marchés et la concurrence. Nous sommes désormais de plain-
pied dans l’ère de l’innovation sans cesse renouvelée, il n’y a plus à en douter.
La démarche en pratique
La question du choix des objectifs de performance est la plus délicate du
projet. Il s’agit en effet de concrétiser la perception de la stratégie afin que
les salariés, déjà aux prises avec leur mission, puissent la rendre réalisable.
Les menaces tout comme les opportunités ne s’annoncent jamais en
tonitruant. Elles se matérialisent bien plus silencieusement d’une façon à
peine sensible, quasiment en catimini. Les microsignaux sont généralement
plus facilement détectables par tous ceux qui sont sur le terrain. Encore
faut-il que les salariés soient suffisamment impliqués et écoutés par la
direction pour échanger leurs inquiétudes et leurs intuitions sans craindre
d’être les sujets d’un jugement négatif. Bref, c’est une indispensable
coopération. Le ciment de cette coopération commence à être coulé dès
l’étape de choix des objectifs. Voyons dans un premier temps les
caractéristiques d’un bon objectif de performance
Mesurable L’objectif s’exprime selon une unité de mesure, il est quantifié. Il est alors
possible d’estimer le chemin restant à parcourir avant de l’atteindre. On
mesure ainsi son progrès, et l’on juge de la justesse des efforts déployés et
de la pertinence des actions mises en œuvre. On est mieux armé pour
prendre les bonnes décisions d’orientation.
Accessible Les moyens sont disponibles, les contraintes sont surmontables et les
risques d’échec estimés sont limités et maîtrisables. Selon les cas, une
rapide étude des risques potentiels, de leur probabilité de survenance et de
leur pouvoir de nuisance pour l’accession à l’objectif fixé offre une sécurité
supplémentaire8.
Réaliste Il est ancré dans le concret, univoque et bien ciblé. La méthode pour y
accéder est tout à fait plausible, les indispensables actions à mettre en
œuvre pour l’atteindre sont réalistes. Traverser la Manche à la nage n’est
pas un objectif réaliste, même si ce record a déjà été réalisé à plusieurs
reprises. S’imaginer supprimer tous les rebuts d’une fabrication,
particulièrement complexe et délicate en un temps record, n’est peut-être
pas non plus réaliste.
Fédérateur La large majorité de tous ceux qui sont chargés de suivre l’objectif y
adhèrent sans réserve. Ils sont aussi tout à fait d’accord du choix de la
méthode retenue pour y accéder.
Améliorer le service
0 0 0 0 2 2
au client
Éliminer 15 % du
nombre d’erreurs
3 3 2 3 3 3
de livraison d’ici 6
mois
CONSEIL
Éviter les échelles avec un nombre impair de positions possibles. La position centrale, qui
permet de s’abstenir de s’engager ni totalement pour, ni totalement contre, ne facilite pas le
choix final.
CONSEIL
Un objectif très ambitieux est bien plus efficace s’il est fractionné en deux ou trois autres
objectifs successifs plus raisonnables.
Exemple
Imaginons un processus aux multiples activités, un processus de fabrication à la
commande par exemple. On cherche à réduire significativement la durée d’un processus
depuis la prise de commande jusqu’à la livraison client. Il ne sera peut-être pas trop
difficile de réorganiser une activité A, comme la préparation de la commande, afin de
l’accélérer. En revanche, l’activité B, l’assemblage, est nettement plus complexe, et les
voies d’amélioration sont nettement moins radicales. Une fois l’activité A optimisée, les
lots traités s’empilent à l’entrée de l’activité B bien plus lente. En conséquence, les
efforts déployés pour accélérer l’activité A ajoutent une pression supplémentaire et
inutile sur l’activité B. Le processus global n’a pas gagné une seconde10.
CONSEIL
Au cours de cette étape de mise en cohérence des objectifs tactiques, il faut tenir compte
de la nature des relations avec les sous-traitants, l’harmonie n’est peut-être qu’une façade.
Si l’on gratte un peu on découvrira que sous la bienséance de rigueur, l’obséquiosité des
uns répond à l’arrogance des autres.
Et aujourd’hui ?
Il ne s’agit plus d’entretenir un culte de la personnalité d’un leader charismatique, mais
bien de dynamiser la prise d’initiative de tout un chacun. C’est cela dont on a besoin
dans un monde où l’innovation fait la différence, c’est en ce sens que l’on peut
découvrir l’avantage concurrentiel.
Cela dit, donner des directives et veiller au respect des procédures est bien
plus aisé à mettre en œuvre que de bâtir un environnement de travail, où
chacun se sent libre de prendre les initiatives qui s’imposent. C’est bien
pour cela que le management évolue bien peu dans les faits. Depuis déjà de
nombreuses années l’on nous annonce l’avènement d’une ère nouvelle, une
révolution managériale où l’on instaurerait « l’empowerment » comme
disent les Anglo-Saxons, c’est-à-dire l’autonomie et la délégation d’une
part de pouvoir et de responsabilité aux équipes opérationnelles. Il ne s’agit
pas uniquement de répondre aux aspirations de salariés qui souhaitent
légitimement sortir du carcan des règles pour gagner quelques degrés
d’autonomie.
Et aujourd’hui ?
Déporter les centres de décisions au plus près du terrain est bien l’unique moyen de
maîtriser un tant soit peu la complexité et l’incertitude du contexte économique. Le
besoin est là, aucun doute à ce sujet. Mais la délégation de pouvoir ne se décrète pas
aussi simplement.
Confiance et poka-yoke2
L’une des toutes premières fois où j’ai animé une prise de décision en
équipe, à la question : « Pour vous, qu’est-ce qu’une bonne décision ? » un
participant un peu espiègle me répondit : « C’est la décision qu’aurait prise
le patron s’il avait été à notre place ». J’appris ensuite que ce trait
d’humour était récurrent en entreprise. Il révèle en tout cas la réalité du
transfert de pouvoir. Le principe de délégation en vigueur au sein de la
majorité des entreprises n’accepte qu’une prise d’initiative ultra-contrôlée.
Ce contrôle passe par des comportements bien formatés. Si intuitivement,
prendre une décision dans le cadre d’une délégation de pouvoir c’est penser
qu’il faudra agir comme le leader l’aurait fait, nous sommes bien dans le
cadre de la méfiance déjà présentée au début de cette étude.
Ainsi, dès que l’on juge indispensable de placer des garde-fous une fois la
délégation mise en place, on affiche un signe évident de manque de
confiance envers ses subordonnés. Établir des procédures ultra-précises,
destinées à parer à toutes les erreurs possibles, en est le meilleur exemple.
C’est en fait une extension de la supervision. Comme on ne peut pas tout
contrôler on installe des ridelles afin que les exécutants ne puissent pas se
tromper et suivent le chemin prescrit. Effet pervers, comme le note David
Marquet dans son excellent ouvrage Turn the Ship Around !3, plus on limite
la réflexion des employés, plus le nombre d’erreurs s’accroît et l’on doit
donc ajouter de nouveaux garde-fous. Si l’on pousse plus avant le
raisonnement, les « bonnes pratiques » imposées, sans laisser aucune
latitude aux opérationnels, sont aussi par définition des freins à la réflexion.
Une délégation sans confiance, ce n’est pas une délégation.
Et aujourd’hui ?
L’extension des procédures détaillées ultra-rigoureuses et le principe du poka-yoke
étendu au-delà du raisonnable obéissent à de nouveaux impératifs. Avec la mobilité et
la multiplication des emplois temporaires, les opérationnels n’ont pas toujours le
temps de bien se former et d’intégrer les subtilités de leurs tâches. On leur demande
donc de s’en tenir à suivre les procédures sans autoriser le moindre écart pour parer à
tout risque d’erreur.
Pour se faire une idée du degré de confiance que l’on accorde à son
interlocuteur, il suffit de confirmer ou d’infirmer chacune des quatre
assertions suivantes. Cet outil fonctionne aussi bien du point de vue de la
direction que de celui des salariés.
• Fiabilité
Vous êtes parfaitement d’accord avec la proposition suivante :
Il n’a jamais failli par le passé, lorsqu’il s’engage, il respecte son
engagement et agit comme nous avions convenu, aucun doute à ce
sujet.
• Crédibilité
Vous êtes parfaitement d’accord avec la proposition suivante :
L’interlocuteur mérite d’être cru, il sait de quoi il parle, on peut se
fier à son expertise professionnelle, il est parfaitement compétent sur
ce sujet.
• Intimité
Vous êtes parfaitement d’accord avec la proposition suivante :
Il n’a jamais trompé ma confiance par le passé et je sais que je peux
aborder avec lui des sujets précis sans aucun risque d’embarras. La
discussion sera constructive.
• Motivations personnelles
Vous êtes parfaitement d’accord avec la formulation suivante :
Il accorde la priorité à l’accomplissement des objectifs fixés pour le
bien de l’équipe et de l’entreprise. Je ne lui connais pas d’ambitions
personnelles contraires à cette finalité.
Les ambitions personnelles réduisent le potentiel de confiance, c’est pour
cela qu’elles sont placées au dénominateur. Évidemment, si l’on sait que
l’interlocuteur accorde la priorité à son intérêt personnel, la confiance
s’érode quelque peu.
Cela dit, dans une société où la mobilité est devenue la règle, cette formule
mérite d’être sensiblement adaptée. Les femmes et les hommes de
l’entreprise ont aussi une carrière à construire. Ils cherchent donc
naturellement à accomplir leurs propres ambitions. Tant qu’ils s’efforcent
de conjuguer leurs intérêts personnels avec ceux de l’équipe et de
l’entreprise pour réaliser la tâche assignée du mieux possible, ce n’est pas
en soi un problème. C’est d’ailleurs un facteur de motivation positif. En
revanche, dès que l’on commence à mettre en doute la franchise de son
interlocuteur en lui prêtant des motivations dissimulées contraires au bien
commun, la confiance est définitivement rompue quelle que soit la valeur
assignée aux trois critères précédemment évoqués. C’est ce que vise à
représenter ce schéma adapté de la formule de Green et Maister :
Figure 39 : L’équation de la confiance adaptée à l’entreprise
Disposer d’un outil pour mesurer la confiance est nécessaire mais ce n’est
pas suffisant. La confiance ne se gagne pas sans quelques efforts préalables.
Chaque critère précédemment cité mérite d’être développé c’est évident.
Mais la confiance en entreprise ne sera jamais acquise si l’on n’instaure pas
au préalable un principe de transparence en communiquant les informations
essentielles sans aucune réticence ni rétention.
Il est aussi vrai que nous sommes actuellement dans une phase de mutation
de la société. Les nouvelles générations sont vraisemblablement plus
sensibles à cette notion contractuelle des relations entre la direction et les
salariés. Ce changement de comportement s’explique aisément. Il n’est plus
guère possible de réaliser toute sa carrière dans une même entreprise.
D’ailleurs, ce n’est plus vraiment une ambition. Les salariés d’aujourd’hui
ont plus soif de changement et d’évolution rapide, d’une certaine forme de
liberté. Il faut, dit-on, construire son « employabilité ». D’où un intérêt
croissant pour les approches de type contractuel, où la relation avec
l’employeur et l’ensemble des partenaires de l’entreprise est du type
« donnant-donnant », une expression moins galvaudée, plus concrète et
moins trompeuse que le sempiternel « gagnant-gagnant ».
En résumé
Un contrat, c’est un filet de sécurité. Bien préparé, il peut devenir l’instrument du
renforcement de la confiance. Chaque partie se sent liée par cet accord. Chacune est
alors assurée que l’autre partie respectera ses responsabilités ainsi précisées8. On peut
donc s’engager. Le contrat ne remplace pas la culture du travail bien fait et la
satisfaction de la mission accomplie, il la complète.
Responsable 20 %
Exécution 15 %
Exécution 15 %
Exécution 20 %
Conseil 10 %
Être responsable n’est pas un vain mot. Il s’agit de répondre de ses actes
ainsi que de ceux de toute personne placée sous son autorité. Autant
s’assurer de disposer de toutes les cartes en main. Selon la complexité des
actions à mettre en œuvre, il est parfois prudent de se livrer à une courte
analyse des risques et des menaces potentielles pour éviter de se lancer sans
filet. Le responsable avisé prendra le temps d’enquêter afin de lister les
éléments de réponse à la question : « Qui ou quoi pourrait me gêner ou
m’empêcher de conduire à son terme l’action dont j’ai la responsabilité ? »
Mais il ne suffit pas de définir des objectifs et d’établir des fiches d’action
précises et réalistes. Encore faut-il que la volonté d’atteindre ces objectifs
soit suffisamment entretenue pour que les salariés trouvent l’énergie de
dépasser les obstacles et de vaincre les moments de découragement.
Autrement dit :
Et aujourd’hui ?
L’indifférence, trop courante dans l’entreprise, engendre des frustrations, des
résignations, des résistances, voire des rejets.
La reconnaissance des autres, de la hiérarchie bien sûr, mais aussi des
collègues du groupe et des partenaires de travail, est une brique essentielle
pour construire une estime de soi digne de nos attentes. Reconnus, nous
avons conscience d’accomplir un travail utile et nous nous sentons valorisés
par notre entourage.
C’est dit !
L’estime de soi renforce la confiance en soi.
C’est une clé de la survie en entreprise. Elle est indispensable pour résister
aux influenceurs persuasifs et défendre son point de vue, sans trop subir la
pression du groupe dans le cas d’un débat ou d’une prise de décision
collective. Il est clair que les individus qui ont une faible estime d’eux-
mêmes sont rarement les premiers à s’engager en terrain inconnu. Ils sont
généralement réticents à sortir du quotidien et craignent les changements
d’habitudes. D’où l’importance de développer la question de la
reconnaissance en entreprise pour dynamiser la prise d’initiative, sans
laquelle aucune innovation n’est envisageable et donc aucune démarche de
progrès n’est concevable 2.
Témoignage
Il y a déjà quelques années, j’intervenais sur un projet en déroute au sein d’un atelier de
mécanique de précision. Le manager en poste avait développé une « chiffromanie
aiguë » pour le moins pathologique. Il ne faisait confiance qu’à la mesure et à ses deux
corollaires, la pression du temps et la course aux prix bas, sans tenir compte du
professionnalisme de ces vrais artisans et de la qualité du travail réalisé. Il est vrai que
l’atelier concerné méritait une sérieuse réorganisation. Mais il n’était pas envisageable
de l’aborder sans discernement.
C’est dit !
Il est tout de même surprenant qu’à notre époque où la différence concurrentielle se
joue sur l’économie de la connaissance, les entreprises qui font le choix d’un mode de
management inspiré de ce type Y apparaissent encore comme révolutionnaires.
Démarche à suivre
En résumé
Une communication simple et informelle bien conduite pour rétablir la confiance lèvera la
plupart des incompréhensions et des malentendus, sans pour autant que l’on soit certain
de satisfaire tout le monde. Les humains sont ainsi.
Processus d’innovation
Les innovateurs ne démarrent pas le processus avec une idée bien arrêtée. Ils
privilégient plutôt le principe des « petites expériences » et progressent selon un principe
d’essais/erreurs. Chacune de ces expériences est un petit pari. On se lance, on essaie
puis on juge ensuite si l’idée est bonne ou pas. Les échecs ne sont pas considérés
comme des fautes. Au contraire, c’est l’occasion de mieux saisir les subtilités du
contexte et de se réorienter en connaissance de cause. Les échecs sont un facteur de
rebond, parfois le déclencheur d’une bien meilleure idée. Un principe encore mal perçu
en entreprise. Malheureusement.
1 Une fiche d’action type est disponible avec les compléments de l’ouvrage L’Essentiel du tableau
de bord, Eyrolles, 5e édition, 2018. Ces compléments sont en accès libre et téléchargeables à
cette adresse : http://tb2.eu/p7
2 Le lecteur intéressé par la question de la reconnaissance profitera de la lecture du petit fascicule
La Reconnaissance. Des revendications collectives à l’estime de soi, Sciences Humaines,
collection La Petite Bibliothèque de Sciences Humaines, 2013 et disponible en version e-book
sur le site de l’éditeur.
3 Les logiciels open source non plus n’auraient jamais vu le jour. La majorité des serveurs Web
reposent sur des outils open source, comme Linux et Apache, développés en premier lieu par des
passionnés bénévoles. Le catalogue d’outils open source est aujourd’hui particulièrement étoffé
et les entreprises utilisatrices, parfaitement conscientes de la qualité des développements
originaux, ne s’y trompent pas.
4 Cela dit, Taylor pensait satisfaire les intérêts des ouvriers en versant des salaires
significativement plus élevés en échange d’une disponibilité maximale aux limites du possible. Il
explique que sans ces augmentations (60 à 90 % tout de même), il sera difficile d’obtenir le
rendement demandé. Les ouvriers sont donc a priori heureux de gagner un salaire très supérieur
à la moyenne. Il est assez symptomatique de noter que le préfacier de la traduction française de
1912, le célèbre chimiste Henry Le Chatelier, l’un des principaux supporters français de la
méthode scientifique, juge que cette augmentation de salaire est une erreur. Voici son
raisonnement : en appliquant cette méthode révolutionnaire, la productivité augmente
significativement. Grâce aux économies d’échelle ainsi réalisées, les prix des produits vont
sérieusement chuter et les ouvriers en profiteront. À salaire égal leur pouvoir d’achat sera donc
plus important… Le patronat français a bien sûr unanimement salué cette explication opportune.
Comme quoi il y avait nettement pire que la méthode scientifique de Taylor : ses supporters
français.
5 Douglas McGregor, The Human Side of Enterprise, Annotated Edition McGraw-Hill
Professional, 2006.
6 Cindy Ventrice, auteur de l’ouvrage Make their Day!, précise toutefois qu’accompagnée d’un
commentaire flatteur (« bravo, c’était difficile, votre talent mérite d’être récompensé ») et d’un
sincère « merci », la prime est alors effectivement considérée comme une marque de
reconnaissance. Dans une entreprise où la confiance est déjà bien établie, ces quelques
compliments auront certainement un effet positif sur les performances à venir.
7 Le livre de Bob Nelson, 1501 Ways to Reward Employees (Workman Publishing, 2012), est une
mine d’exemples illustrés pour les managers un peu à court d’idées.
8 Lire à ce sujet, La Vérité sur ce qui nous motive, Daniel Pink, Flammarion, 2016.
9 Voir notamment l’ouvrage de Tony Hsieh, fondateur de Zappos, L’Entreprise du bonheur,
Leduc, 2011.
10 Les formations proposées ne sont pas uniquement dans l’intérêt immédiat de l’entreprise, comme
une formation au nouveau logiciel de gestion maison, mais bien en priorité pour l’intérêt du
salarié et de sa carrière. La question de la promotion est une option plus délicate pour nombre de
PME : les postes à responsabilité sont déjà occupés…
11 Nous développerons ce thème au chapitre 14.
12 En revanche, le droit à l’erreur ne doit pas permettre de ne pas apprendre de ses erreurs. Si
commettre une erreur alors que toutes les précautions ont été prises est tout à fait admissible,
réitérer les mêmes erreurs est a priori une faute impardonnable.
13 Peter Sims est l’auteur de Little Bets: How Breakthrough Ideas Emerge from Small Discoveries,
Simon & Schuster, 2013.
12.
L’indicateur est loin d’être neutre, il est même quelque part performatif.
Non seulement il reflète l’état d’une situation, mais il structure aussi notre
cadre de pensée et oriente l’action. C’est d’ailleurs là son rôle. Les voies
d’amélioration ont été soigneusement identifiées, elles sont matérialisées
par les objectifs tactiques choisis à l’étape précédente. Les indicateurs
canalisent notre perception sur les seuls aspects de la performance ainsi
ciblés. Ils font abstraction de tout ce qui pourrait risquer de nous dérouter
de notre mission. C’est dire s’ils doivent être bien sélectionnés. Ainsi,
choisir un indicateur générique parce qu’il est habituellement utilisé par la
profession n’est pas la décision la plus judicieuse. Il peut être tentant pour
un responsable logistique d’adopter sans plus de réflexion un indicateur
incitant à réduire drastiquement les stocks. C’est un indicateur classique de
la profession. Cependant, si la stratégie choisie vise à fidéliser ses clients
par une disponibilité à toute épreuve et des livraisons sans délai d’attente,
ce n’est peut-être pas un choix très astucieux. Il est évidemment important
de limiter les stocks, ils représentent un coût conséquent. Mais sans un
stock raisonnable, l’objectif stratégique est impossible à atteindre. Un
indicateur oriente toujours l’action. Cet indicateur choisi par habitude
risque de détourner ce responsable de sa mission. Il ne sera plus question
d’agir pour fidéliser les clients, mais bien de réduire les stocks par tous les
moyens disponibles.
Taux de réclamations 3 3 3 3 3 3
La procédure est en tout point similaire à celle que nous avons utilisée pour
choisir les objectifs les plus pertinents. Les suggestions des membres de
l’équipe chargés de suivre les indicateurs et d’atteindre les objectifs sont
ventilées selon les six critères que nous allons détailler un peu plus avant.
Seules les propositions d’indicateurs maximisant l’ensemble des critères
sont retenues. Là encore, une échelle à quatre niveaux s’impose. Un
indicateur doit être suffisamment précis et univoque pour que chacun puisse
s’y référer sans qu’il existe la moindre opportunité de quiproquo. Le
premier indicateur en exemple sur ce tableau est bien trop vague pour être
retenu. Il fut un temps pourtant, où c’était un incontournable des tableaux
de bord des entreprises, conçus sans une véritable réflexion, et donc
totalement inutiles1.
Exemple
Une information en provenance d’une filiale régionale est ainsi libellée « Chiffre
d’affaires global ». Ce libellé est en fait erroné. L’information remontée n’intègre pas les
résultats d’une ou de plusieurs boutiques récemment intégrées dans le réseau. La
direction régionale est au courant et en tient compte. Elle sait qu’elle doit la cumuler
avec les résultats de chacune des boutiques. Cette information transmise au siège telle
quelle, sans plus de précaution, sera globalisée avec d’autres résultats pour bâtir un
indicateur faux.
Exemple
Décider du bon moment pour une opération boursière, un acte d’achat ou de vente, ce
peut être une question de minutes, voire de secondes2. S’il s’agit d’exploiter le chiffre
d’affaires réalisé par une filiale, on pourra se contenter du dernier rapport mensuel. Les
cycles financiers sont des cycles plus lents. Avec l’intensification du numérique, la
production de rapports s’est sérieusement accélérée sans pour autant apporter plus
d’informations. Les résultats financiers sont donc publiés impérativement à une
échéance plus longue, afin d’intégrer toutes les informations qui mettent parfois plus de
temps à parvenir (cycles de ventes, délais de paiement, remboursements, crédits…).
CONSEIL
Le mieux est de lancer une sérieuse réflexion collective pour juger de la nécessité des
indicateurs les plus difficiles à construire. Il peut parfois être ainsi utile de faire l’impasse sur
des indicateurs dont l’apport au processus décisionnel ne justifie pas le coût de
construction.
Exemple
Le soupçon peut, par exemple, porter sur les chiffres transmis par une filiale, dont le
gestionnaire, à tort ou à raison, ne bénéficie pas d’une renommée d’intégrité et de
loyauté à toute épreuve. Si le décideur sait qu’un indicateur de performance essentiel
est construit avec les données transmises par cette filiale, on peut facilement
comprendre qu’il n’accorde pas toute confiance à l’information indiquée.
Décisif : l’indicateur incite à la prise de décision
L’indicateur n’a d’autre finalité que d’aider le décideur à se forger un avis
sur une situation.
À la lecture de l’indicateur, le manager ou l’équipe disposent d’une
information de confiance et sont prêts à décider. Cette décision peut être :
• « On ne touche à rien, tout va bien, on avance comme prévu. »
Ne rien faire dans ce cas est une décision.
• « On ne va pas assez vite, il faut en savoir un peu plus, investiguons plus
avant. »
Tous les éléments qui ont servi à construire l’indicateur sont accessibles
afin de faciliter les analyses plus poussées.
• « Une des actions lancées n’est vraisemblablement pas suffisamment
efficace, il faut la renforcer. »
Il est prudent de prendre le temps d’un rapide audit de l’action pour mieux
identifier les failles.
• « De nouvelles actions doivent être mises en œuvre pour atteindre
l’objectif fixé, voyons lesquelles. »
Bien évidemment, si le décideur ou l’équipe ne dispose pas des moyens
d’action, il/elle ne peut que constater l’information de l’indicateur, et celui-
ci ne sert à rien.
• « On n’y parviendra pas, il est nécessaire de réviser la tactique choisie. »
C’est peut-être l’objectif choisi qui pose problème, le contexte a
probablement évolué et l’objectif s’avère bien plus difficile à atteindre.
La jauge
Le feu de signalisation
Les indicateurs de type « alerte », souvent représentés par un feu de
signalisation ou feu tricolore, sont tout aussi indispensables pour indiquer
un dysfonctionnement tel qu’un problème de trésorerie, une chute du
volume des ventes ou une augmentation du nombre de retours client, bref
toutes informations qui exigent une réaction immédiate. Il est toutefois
prudent de ne pas multiplier le nombre d’indicateurs d’alertes de ce type sur
un tableau de bord au risque de le dénaturer et de le réduire à un simple
concentrateur d’alarmes. En toute logique, pour une équipe de décideurs
donnée, le nombre d’alarmes exigeant une réaction immédiate doit être
limité.
La courbe
L’histogramme
Le graphique secteur
Le graphique par secteur est destiné à l’étude des proportions des
composantes d’une grandeur particulière. Le responsable commercial
visualise ainsi les proportions de chacun des produits dans le chiffre des
ventes mensuels global pour une région donnée.
Le graphique en anneaux
Le graphique à bulles
Les courbes et histogrammes présentent les informations en deux
dimensions. Le graphique à bulles est une solution pour présenter les
informations en trois dimensions. En effet, la taille de la bulle est elle-même
une information.
Le graphique radar
Le graphique type radar est bien pratique pour visualiser les multiples
caractéristiques d’une grandeur donnée. La toile d’araignée ainsi tracée est
la signature en cet instant de cette grandeur que l’on souhaite mieux
identifier. Les forces et faiblesses apparaissent clairement.
Ce ne sont là que des exemples parmi les plus connus. En règle générale, on
évite d’afficher des tableaux de données. On préfèrera toujours les
graphiques qui assurent une compréhension plus synthétique et plus rapide
de l’information.
Un peu de pragmatisme
Si en France, on aime bien théoriser et mathématiser les problèmes, les
Anglo-Saxons, et surtout les Américains, privilégient l’expérimentation
rapide. Le pragmatisme n’est pas la solution universelle. En revanche, pour
une recherche de solutions aux risques limités, il est bien plus judicieux
d’expérimenter sans tarder trop longtemps. L’indicateur n’est pas parfait ?
Essayons-le tout de même ! On apprendra, on progressera, et si ça ne
marche pas, nous saurons pourquoi. Nous serons alors plus instruits pour
trouver une meilleure solution.
Désormais, le décideur ou l’équipe de décideurs est en mesure d’orienter
son action et dispose d’un tableau de bord de référence, pour évaluer le
progrès et donc la performance. Nous sommes maintenant parfaitement
armés pour aborder la question de la prise de décision.
1 Tous les indicateurs sont impérativement répertoriés : une fiche « indicateur » type est disponible
avec les compléments de l’ouvrage, L’Essentiel du tableau de bord, op. cit. Ces compléments
sont en accès libre et téléchargeables à cette adresse : http://tb2.eu/p7
2 … ou de microsecondes pour le trading haute fréquence, mais qui ne fait pas intervenir
d’humains.
3 L’économie n’est pas une science exacte. Les indicateurs ne sont pas tous univoques. Les
interprétations du sens porté par lesdits indicateurs animent les débats entre économistes, chacun
convaincu d’avoir opté pour la bonne école de pensée et donc d’être au fait de la vérité. Le
management n’est pas non plus une science exacte. Les indicateurs ne sont pas des informations
universelles. C’est bien pour cela que les indicateurs doivent être utilisés uniquement par ceux
qui sont tenus de prendre les décisions de terrain.
4 Pour plus d’informations sur les sparklines, consultez la page : http://tb2.eu/p13
13.
Les automates remplacent une bonne part du travail manuel depuis déjà
quelques décennies. Les « algorithmes1 » s’apprêtent à remplacer à leur
tour, à plus ou moins long terme, toutes les tâches intellectuelles répétitives
et automatisables. Il existe pourtant deux domaines qui seront toujours
inaccessibles aux machines aussi sophistiquées soient-elles. Le premier,
c’est celui de la prise de décision. Non pas le calcul que l’on peut résoudre
avec des arbres de décision ou des algorithmes d’autoapprentissage, mais la
vraie décision, celle que l’on doit prendre en un contexte aussi complexe
qu’incertain. Décider, c’est s’engager en un territoire qui n’est que très
partiellement balisé. On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve, et l’on ne
dispose pas non plus de la totalité des informations pour mieux cerner la
situation présente. La décision est une prise de risques. Et ce n’est pas le big
data qui changera quoi que ce soit à cet état de fait. Nous ne serons jamais
pleinement informés, c’est ainsi. Seulement, nous les humains, nous
sommes bien mieux équipés que les machines pour décider. C’est, en effet,
en nous appuyant sur notre sphère émotionnelle et notre sensibilité affûtée
par notre expérience acquise au fil des années, que l’on sait discerner une
voie possible dans un brouillard entropique généralisé. Bref, on anticipe.
La citation qui interpelle
« Anticiper, ce n’est pas seulement prévoir ; c’est beaucoup plus que prédire ce que
sera le prochain événement. C’est plus que faire face au prochain événement, c’est
créer le prochain événement. »
MARY PARKER FOLLETT, FREEDOM & CO-ORDINATION,
LECTURES IN BUSINESS ORGANIZATION, 19492.
Décider, c’est effectuer un choix qui nous engage dans une direction donnée
et nous contraint à l’action. Décider n’est pas toujours facile. Il ne suffira
pas de peser le pour et le contre pour ne pas se tromper. Décider, c’est aussi
parfois devoir choisir entre plusieurs alternatives alors qu’aucune ne se
distingue réellement. Ce dilemme est encore plus exacerbé en temps
d’incertitude. Les éléments disponibles pour juger de l’opportunité de l’une
ou l’autre option sont insuffisants pour décider sans coup férir. Pour
pimenter un peu plus s’il était nécessaire, ajoutons que la décision n’est
possible que dans une certaine unité de temps. Il faut donc savoir exploiter
au mieux les seules informations disponibles durant la fenêtre de décision.
Exploiter une information confidentielle pour profiter d’une opportunité
boursière ne dure qu’un temps. Une fois l’information connue de tous, il est
trop tard pour s’engager, la fenêtre de décision est déjà fermée.
En résumé
Pour décider, il faut savoir trancher, c’est-à-dire opter pour une alternative et faire son
deuil des autres possibilités. L’étymologie de « décider » est justement le verbe
« trancher » (Le Robert).
La démarche de progrès
La situation se complique sensiblement dès qu’il s’agit de sortir du
quotidien pour s’inscrire dans une démarche de progrès. Une fois les
objectifs de performance choisis et acceptés, il s’agit de les atteindre. Le
nombre de décisions ad hoc à prendre se multiplie sensiblement tout
comme le nombre de situations imprévues. Nous ne sommes plus dans la
routine. Nous entrons dans l’inconnu avec ses risques et ses incertitudes.
Conduire son métier, établir un diagnostic, et prendre une décision pour
assurer le bon fonctionnement d’une activité sous contrôle, ne génère pas
nécessairement de stress ni d’angoisse particulière si le professionnel
maîtrise bien son rôle au sein du processus de création de valeur. S’inscrire
dans une démarche d’amélioration implique nécessairement un
changement. Changement d’habitudes et donc changement d’attitudes. Les
salariés vont donc prendre sur eux et s’engager, s’impliquer pour atteindre
les objectifs fixés et affronter l’incertitude.
C’est pour cela que le choix des indicateurs de performance est aussi
crucial. Ce sont en effet ces indicateurs qui informent les décideurs de
terrain sur le bien-fondé des actions lancées. Les indicateurs de
performance bien choisis sont donc des réducteurs d’incertitude. Mais
uniquement lorsqu’ils sont bien choisis.
Un danger potentiel peut aussi être prévenu en prenant une assurance (cases
(3,1), (2,2), (1,3) par exemple). Un manager de projet choisira de renforcer
son équipe par anticipation s’il craint des complications à venir. Mais une
assurance a un coût qu’il s’agira de considérer au moment de prendre la
décision. Le décideur avisé sait qu’il ne peut pas se contenter de promesse :
« Ne vous inquiétez pas, s’il le faut on fera intervenir quelques spécialistes
pour vous appuyer le moment venu. ». Le désir de réussir ne doit pas se
transformer en une confiance inconsidérée.
CONSEIL
Se souvenir du classique dicton régulièrement vérifié : « Les promesses n’engagent que
ceux qui les écoutent. »5
Henri Fayol est le père putatif du management « moderne ». Bien que nous
traversions actuellement un moment difficile, il semblerait que les
entreprises qui consentent à laisser à leurs salariés une plus grande latitude
que cette définition prise stricto sensu, ne sont pas les plus nombreuses, tant
s’en faut. Le contrat est vraisemblablement la meilleure solution pour
établir durablement un climat de confiance entre les salariés et leur
direction. Mais il y a bien peu de chance qu’il balise suffisamment la notion
de liberté d’initiative, pour que chacun apprécie les risques pris à sortir un
tant soit peu des ridelles de la discipline.
Cas pratique
Une entreprise sous-traitante de l’industrie aéronautique a adopté une organisation en
ateliers autogérés par les opérationnels eux-mêmes. Un premier pas vers l’holacratie6
selon le cabinet d’organisation à l’origine de la restructuration de l’entreprise. Cette
courte étude porte sur la réalité du degré de liberté accordé à un atelier de presse à
injection, autonome selon la nouvelle organisation. Nous avons proposé un
questionnaire aux membres de l’équipe et à l’ensemble du management afin de tenter
d’apporter une définition à la notion d’initiative pour cette entreprise.
Coordination et coopération
La réponse à la question n° 4 mérite que l’on s’y attarde un peu. Elle est en
effet significative de la différence qui peut exister entre « coordination » et
« coopération ». Toujours en se référant à Henri Fayol et sans commettre le
péché d’anachronisme, la question de l’efficacité des échanges transversaux
entre les départements d’une même entreprise, sans passer par la voie
hiérarchique, est déjà bien présente à cette époque en 1916. L’auteur relève
justement que le succès de nombreuses opérations repose sur une exécution
rapide. Il préconise donc un échange direct entre les services dépendant des
différentes divisions sans passer par la hiérarchie. Le principe hiérarchique
sera sauvegardé si les chefs ont autorisé leurs agents respectifs à entrer en
relation directe.
L’auteur précise que l’intérêt général est bien celui de l’entreprise comme
on pourrait s’en douter. Quoi qu’il en soit, la question du décloisonnement
est bien posée. Aujourd’hui, les entreprises sont éclatées et la chaîne de
valeur intègre nécessairement plusieurs entreprises indépendantes, autant
sur le plan juridique qu’économique. On se retrouve peu ou prou dans une
situation similaire à celle décrite par Henri Fayol. En son temps, en effet,
une même entreprise gérait pratiquement la totalité de la chaîne de valeur,
mais les services et les départements étaient fortement cloisonnés. Une
équipe, qu’elle soit autonome ou pas, contribue à la création de valeur en se
synchronisant avec les autres équipes du même processus ou des processus
connexes. La question du principe d’ajustement se pose alors :
• soit les conditions de l’échange entre les équipes internes comme externes
sont prévues à l’aide d’une série de procédures, les exceptions étant gérées
au cas par cas par le management. On parle alors de coordination ;
• soit on laisse plus de liberté aux acteurs de terrain pour gérer, en autonome
et en dialogue direct, les aléas comme le recommande Henri Fayol, et on
parlera alors de coopération.
Il semblerait que les managers de l’entreprise qui ont répondu au
questionnaire ci-dessus n’aient pas encore franchi le pas de la coopération9.
Ce sont là des points importants pour la question de la prise de décision en
équipe.
Ce thème soulève aussi la question de l’usage des réseaux sociaux en
entreprise. Ils sont la solution clé pour simplifier à l’extrême les échanges,
et partager les idées en interne comme en externe, au sein d’un forum
professionnel tel qu’une communauté de pratiques10.
Et aujourd’hui ?
Les réseaux sociaux rendent possible l’entreprise horizontale tant invoquée mais bien
rarement réalisée. Les outils sont disponibles, les obstacles technologiques sont
levés, ne subsistent donc que l’archaïsme des organisations, en total décalage avec
les besoins de notre époque, et les aspirations des salariés qui créent la valeur et
« font » l’entreprise.
1 Tout comme celui de « big data », le terme « d’algorithme » est passé dans le langage courant.
Selon la presse généraliste, l’algorithme semble désigner aujourd’hui d’énigmatiques systèmes
informatiques d’ultime génération, dotés d’une capacité d’apprentissage infinie qui leur
conféreraient un pouvoir omniscient quasi magique. Ces « algorithmes » au fonctionnement
ésotérique pour le commun des mortels, véritables entités pensantes, seraient en passe de nous
dominer et de nous reléguer, nous autres insignifiantes créatures humaines, à quelque chose
d’anachronique dans une cyber société ultralibérale régnante… Espérons que tout cela s’achève
mieux pour nous que pour les personnages des dystopies ! Cela dit, la crainte d’accorder un
pouvoir inconsidéré aux systèmes d’intelligence artificielle toujours plus autonomes, sans
régulation ni débat éthique officiel est aujourd’hui pleinement justifiée ! Sinon, pour mémoire, le
terme « d’algorithme » désigne à l’origine un enchaînement d’opérations pour exécuter un calcul
et par extension une tâche précise, informatisée ou non. L’algorithme d’Euclide pour trouver le
plus grand commun diviseur (PGCD) en est l’exemple le plus classique.
2 Cité par Marc Mousli, dans Mary Parker Follett, pionnière du management, Cahier du Lipsor,
octobre 2000.
3 Une petite variante humoristique de la citation de Bertrand Russell : « The trouble with the world
is that the stupid are cocksure and the intelligent are full of doubt. » Le problème avec le monde,
c’est que les gens stupides sont sûrs d’eux et arrogants tandis que les gens intelligents sont
emplis de doutes.
4 Source : dictionnaire Le Robert.
5 Prêtée à Henri Queuille (1884-1970) qui fut ministre de multiples fois au cours la IIIe
République et président du Conseil sous la IVe République.
6 Le néologisme holacratie (de holos : entier et kratos : pouvoir) désigne un mode d’organisation
autorégulé de l’entreprise, prônant l’élimination du management intermédiaire et la
responsabilisation des équipes autonomes habilitées à prendre seules les décisions, et donc à
s’auto-organiser. Ce mode d’organisation est censé, théoriquement en tout cas, promouvoir
l’intelligence collective… Lire l’ouvrage de Brian J. Robertson, La Révolution Holacracy,
(Leduc, 2016). En France, depuis l’ouvrage d’Isaac Getz et de Brian M. Carney, Liberté & Cie
(Flammarion, 2016), on parle d’entreprise « libérée » pour désigner un concept connexe. Nous
reviendrons sur ce modèle organisationnel au cours de la troisième et dernière partie.
7 Selon l’activité de l’entreprise cette question peut être remplacée par un autre sujet
d’interrogation éthique comme le risque de pollution (le dieselgate par exemple), la mise en
danger de la santé publique (l’affaire des prothèses mammaires PIP), la sous-traitance et le
travail des enfants (la confection notamment) ou encore le respect du bien-être animal (le
scandale des abattoirs).
8 Article L.4131 du Code du travail.
9 Comme quoi, l’ouvrage Administration industrielle et générale est encore à lire aujourd’hui pour
mieux saisir le côté intemporel des points de blocage rencontrés par une organisation productive,
sans s’arrêter aux seuls principes de hiérarchie et de commandement. On constate alors que la
confrontation entre les invocations à la prise d’initiative et le respect du périmètre de la
soumission puise ses origines dans les fondements du management. Il est donc insoluble sans
réformer en profondeur le style de management des entreprises.
10 Voir http://tb2.eu/p12, une expérience réussie de communauté de pratiques.
14.
La décision en équipe
L’homme ne pourra plus accepter de travailler sans créer ni participer aux décisions.
C’est dit !
Une loi peut être dénaturée au moment de la publication des décrets d’application.
Une décision peut aussi être détournée lors de sa mise en action pour mieux servir les
intérêts de celui qui la met en œuvre. Ne nous le cachons pas, c’est un cas très
courant.
Dans une organisation moins autoritaire et pratiquant une réelle délégation,
on peut espérer qu’une décision collective soit plus efficace, ne serait-ce
que sur le plan de la motivation et de l’engagement. Encore faut-il maîtriser
le processus de prise de décision en équipe.
Comme pour toutes les réunions de travail, la présence d’un modérateur est
la seule solution pour accéder à une conclusion constructive. Il n’y a rien de
moins naturel dans notre culture d’entreprise que de décider en équipe. Le
rôle du modérateur est multiple, et sa mission exige une personnalité
particulière conjuguant le goût de la méthode, le sens du dialogue et donc
de la tolérance, ainsi qu’une bonne dose de pragmatisme, pour parvenir à un
résultat concret.
Rapidement résumée, une session de décision en équipe se déroule en toute
logique selon le schéma suivant.
Voyons, dès à présent, sept conseils de bon sens pour animer une session de
prise de décision en équipe réellement productive. Nous nous attarderons
ensuite sur les subtilités de la modération.
CONSEIL
Ne pas confondre la cohésion d’équipe avec la courtoisie de salon.
Le rôle du modérateur
Le rôle du modérateur est assez complexe et comporte de multiples facettes.
Il ne s’agit pas uniquement d’animer la réunion, et encore moins de la
présider. Son rôle est plus socratique que dirigiste. Il aide les participants à
exprimer ce qui leur tient à cœur. Même s’il faut parfois être dirigiste pour
placer les participants sur les rails d’un échange riche, et surtout constructif,
puisque c’est cela la finalité : parvenir à une décision collective qui
maximise l’équilibre entre l’efficacité supposée de la décision et l’adhésion
des participants.
Arbitrer
Un débat a tôt fait de s’enliser si personne ne surveille les déraillements
intempestifs. Le modérateur est aussi un médiateur. Il arbitre les débats,
interrompt ceux qui digressent trop et s’éloignent du sujet sans aucune
chance d’y revenir. En revanche, il protège des interruptions intempestives
les interventions de ceux qui proposent des solutions, afin qu’ils expriment
clairement leurs idées avant d’ouvrir le champ aux critiques.
Synthétiser
Le bon modérateur profite de son esprit de synthèse pour reformuler les
propositions, s’il y a lieu. Il s’assure auprès de l’auteur de la proposition
que la synthèse proposée ne dénature pas le propos initial. C’est une
excellente technique pour donner une bonne assise au débat et le relancer
dans la bonne direction.
S’abstenir
Le modérateur s’efforce d’être neutre, et ce n’est pas le plus facile. Il est
impératif de s’abstenir de prendre parti pour l’un ou l’autre des
protagonistes, ou pour les thèses défendues. C’est le groupe qui décide. Ce
sont les membres du groupe qui sont chargés de trouver la solution. Le
modérateur affiche une ignorance de façade et se contente de recentrer le
débat, sans pour autant empêcher les participants d’explorer ce qu’il juge
comme de fausses pistes. D’expérience, il faut aussi savoir déroger de
temps en temps à son rôle de neutralité pour aider les participants à donner
les bons coups de volant. Sans intervenir directement sur le fond, il y a
toujours moyen de les inciter à creuser une idée, si l’on sent qu’ils ne font
que l’effleurer, alors que la solution semble être dans cette voie. Bien
évidemment, des participants chercheront à se référer à votre expérience.
CONSEIL
Bien préciser que chaque cas est singulier, que chaque groupe de décideurs est unique et
que toute entreprise l’est aussi, même si intimement on n’en est pas totalement convaincu.
C’est toujours un plaisir de se sentir un cas à part et le sujet est rapidement clos.
Aiguillonner
Pour relancer un débat un peu laborieux ou mal engagé, le modérateur
n’hésitera pas à conter une ou plusieurs anecdotes bien choisies, pour
détendre l’atmosphère et remettre le débat sur les rails. La technique a
souvent de bons résultats. La reformulation que nous avons déjà abordée,
tout comme les synthèses intermédiaires, sont aussi de bons outils pour
mettre en évidence les invraisemblances, et recadrer en douceur un débat
qui s’éloigne d’une solution viable… Avec modération, bien entendu, seuls
les membres de l’équipe de travail connaissent leur contexte et savent en
apprécier les contraintes. C’est à eux de trouver les solutions et d’identifier
le champ des possibles. Il est aussi vrai que lorsque l’on est aux prises avec
un problème, il est difficile de bien apprécier la situation et ses solutions.
CONSEIL
Un regard extérieur avisé est toujours salutaire.
Bien sûr, tout cela n’est pas toujours très « académique » mais sur le terrain,
on a d’autres impératifs que de suivre les règles à la lettre. C’est justement
l’expérience d’avoir vécu des situations similaires qui permet d’anticiper les
comportements et les situations, pour prévenir les risques d’échec et
augmenter ainsi les chances de succès. Le but est simple : parvenir à un
consensus clair et unanime.
Exemple
Pour inciter chaque participant à parler au moins une fois, on peut proposer une manière
de jeu inspiré de la patate chaude. L’animateur interpelle un membre de l’assemblée, au
hasard, et lui demande à brûle-pourpoint de dire en un mot ce que le thème du jour lui
inspire. La règle est simple : on ne peut pas passer son tour, et on peut dire des âneries,
ça n’a aucune importance. On note le mot au tableau et le membre interpelle à son tour
un autre participant, qui agit de même, jusqu’à ce que chacun des participants se soit
exprimé en évitant d’abuser des synonymes. L’animateur liste les mots et lance la même
opération pour une seconde liste, voire une troisième, si l’élan n’est pas retombé. Ce
petit exercice a bien des avantages. Non seulement, il a déridé l’atmosphère et
débloqué un peu les plus timides, mais le groupe dispose maintenant d’une liste de
mots-clés pour mieux cerner le sujet, et orienter le débat proprement dit dans la bonne
direction.
Cette liste de mots ne reste pas en l’état, on l’organise alors collectivement avec un
diagramme d’affinités6 ou une Mindmap, par exemple. Ce classement final de la liste
génère un effet de bord positif : les participants perdent alors la paternité des mots qu’ils
ont sélectionnés. C’est important, c’est le groupe qui produit, ce ne sont pas des
individualités. Comme le précise la règle 6, il ne faut pas s’accrocher à sa thèse plus
que de raison.
Cet exercice est une préparation à la production en groupe. Il existe bien d’autres jeux
pour dérider une assemblée dans l’expectative ou sur la défensive, mais il vaut mieux en
réserver l’usage aux experts qui sauront juger de l’opportunité.
Conclure
Au terme de la session, on se réserve quelques instants pour prendre la
température du déroulement. A-t-on atteint les objectifs ? Quels ont été les
éléments positifs ? Qui n’est pas totalement satisfait ? Qu’est-ce qui a posé
problème ? Que peut-on faire pour améliorer ?
Et enfin on s’assure que le secrétaire de la session dispose de tous les
éléments pour rédiger la synthèse en précisant une date ferme de
disponibilité. Il est indispensable d’en disposer rapidement pour ne pas
perdre le bénéfice de la session.
Se sentent-ils concernés ?
Si les participants ne se sentent pas vraiment concernés par le problème à
traiter il y a peu de chance que l’on parvienne à une solution viable dans la
durée. La question à traiter peut par exemple concerner un nouvel outil
informatique que les décideurs du moment jugent inutile et contraignant :
c’était mieux avant avec l’ancien système. Ils seront peu motivés pour
prendre les décisions.
Exemple
Quelques salariés donnent leur sentiment à propos des membres du service voisin :
« Ils sont trop nuls dans l’équipe d’à côté, il faut toujours que l’on rattrape leurs erreurs
et en plus ce sont eux qui nous imposent le rythme de travail ! ». Ce n’est pas
uniquement une plainte, ce propos sous-entend : « Ils sont mauvais et nous sommes
bons. » Mais aussi : « C’est nous qui devrions prendre l’avantage sur eux et décider. »
L’implicite et l’explicite
Tout métier comporte sa part d’implicite. Deux chirurgiens qui discutent
d’une technique spécifique ne vont pas la détailler pour le profane. Deux
informaticiens ne s’attarderont pas non plus à expliquer plus que de raison
des concepts connus implicitement par chacun des deux interlocuteurs. En
revanche pour concevoir un logiciel d’aide au diagnostic, il faudra bien que
chacun des spécialistes oublie l’implicite pour passer à l’explicite.
Et aujourd’hui ?
Cette question de l’implicite et de l’explicite est un problème récurrent en entreprise.
Elle donne toujours lieu, au mieux à des incompréhensions, au pire à des quiproquos
lors des sessions avec des groupes multi-professionnels.
Et aujourd’hui ?
Si les démarches de standardisation qualité ont tenté de résoudre cette difficulté en
proposant une échelle de référence commune, bien des thèmes indirectement liés à la
production sont encore sujets à des discussions… stériles la plupart du temps.
Les trublions
Au sein d’un groupe, on ne rencontre pas que des individus constructifs au
sens de la communauté. On y croise également des gens très peu
coopératifs, des carrément passifs, des angoissés, des convaincus de détenir
toujours la meilleure solution, des questionneurs sans fin, des pinailleurs,
mais aussi des opportunistes, des ambitieux et, plus rarement il est vrai, des
désenchantés qui nourrissent leur frustration d’une jalousie irrationnelle. Et
comme rien n’est simple dans les relations humaines, le même individu
peut adopter un comportement distinct selon le moment, la situation ou les
interlocuteurs auxquels il s’adresse.
À la décharge des personnalités un peu décalées avec les exigences de la
performance collective, il est aussi vrai que les modes de management
actuels, qui font et défont les groupes de travail au gré des affectations, ne
facilitent pas le développement de solides relations. À l’époque où la
mobilité est élevée au rang de règle managériale suprême, du mode projet,
de la soustraitance généralisée, de l’entreprise éclatée et internationalisée et
de la tendance renforcée à la mesure de la performance individuelle, il est
prudent de ne pas s’appuyer sur des rêves de société parfaite où tout le
monde s’entendrait naturellement. C’est un défi de tous les instants, autant
pour le modérateur que pour tous ceux qui souhaitent progresser dans le
bon sens, c’est-à-dire celui des objectifs fixés. Sans passer en revue tous les
types de comportements déviants au sens de notre démarche, attardons-nous
toutefois sur deux caractéristiques que l’on rencontre quasi
systématiquement : la norme de groupe et le narcissisme des petites
différences.
La norme de groupe
Au sein d’un groupe constitué, le réflexe naturel est de montrer son
intégration. Être en accord avec les autres membres du groupe est alors bien
plus important que d’afficher ses différences. D’ailleurs, le membre qui, par
hasard, nourrirait des idées un peu dissonantes avec le collectif supposera
qu’il n’a sûrement pas bien compris, puisque le groupe a forcément raison.
C’est une difficulté que rencontrent tous les modérateurs dès qu’il s’agit
d’inciter les membres d’un groupe, en phase de « cohésion » au sens du
team building, à s’exprimer individuellement et sans retenue. Un
phénomène connexe aux conséquences similaires est aussi très courant au
sein d’un groupe dont la cohésion n’est qu’apparente. Dans un tel groupe,
les leaders de fait imposent leur charisme et bénéficient d’une aura
incontestable et incontestée. Les membres plus effacés se conforment sans
rechigner à la pensée officielle dictée par les plus influents.
Narcissisme des petites différences7
Le comportement inverse existe aussi. Dans un groupe plus hétérogène,
composé de personnalités issues de divers horizons, comme c’est souvent le
cas en entreprise, des oppositions radicales peuvent naître autour de détails
bien spécifiques qui semblent totalement insignifiants pour une personne
extérieure. En revanche, celui qui les défend, arbore ces spécificités comme
un symbole de son identité ou de celle de son groupe d’appartenance. Là
encore, ce n’est pas la tâche la plus aisée pour le modérateur que de tenter
d’aplanir lesdites différences, pour mettre en évidence les valeurs
communes, au risque de froisser justement celui qui les exhibe aussi
fièrement.
Ce cas est assez fréquent dans le cadre de rapprochement d’entreprises ou
lorsque l’on fusionne des groupes de travail différents pour décloisonner et
mieux fluidifier les processus.
Exemples
Depuis que l’on a multiplié le nombre de contrôles, nous avons évité bien des vols
importants !
Mais on n’a jamais eu de vols importants dans l’entreprise…
C’est bien pour cela qu’il faut maintenir les contrôles !
Dans le même genre, n’oublions pas les réciproques abusives :
Si le carnet de commandes est bien rempli, l’unité de production tourne à plein
régime.
Puisque l’unité de production tourne à plein régime, le carnet de commandes est
donc bien rempli.
Bien sûr, c’est faux, on peut aussi produire sur stock.
Si l’un des employés est absent, l’unité fonctionne quand même.
Si l’unité fonctionne quand même, l’employé absent n’est donc pas nécessaire.
Et encore :
Si les conditions de travail sont optimales, les employés ne protestent pas.
Si les employés ne protestent pas, les conditions de travail sont donc optimales.
Les références à l’expérience passée ou à d’illustres inconnus sont aussi à bannir.
On a toujours fonctionné ainsi et ça marche très bien, ce nouvel outil ne nous
apportera que des ennuis… Sur quoi se fonde notre affirmateur pour être aussi
définitif ? « On a toujours fonctionné ainsi » n’est pas un argument recevable. Les
pratiques du passé ne sont pas nécessairement des recettes d’avenir. Ce n’est pas
parce que l’on a toujours fait ainsi qu’il faut continuer à le faire9.
Je ne suis pas sûr que ce soit un bon outil informatique, j’ai un ami qui a rencontré
beaucoup de problèmes avec cet outil. Quel ami ? Quel contexte ? Quels
problèmes ? On n’en saura pas plus.
À ce que l’on m’a dit, depuis qu’ils ont installé ce nouvel outil informatique, notre
concurrent a augmenté ses ventes de près de 20 %, véridique ! C’est de source
sûre ! Autrement dit, je n’en dirai pas plus, je ne le prouverai pas, je ne dévoilerai
pas mes sources, mais faites-moi confiance…
Cas pratique
Un dirigeant d’une entreprise de services en solutions technologiques était persuadé
d’être un détecteur de talents. « Je ne me trompe jamais lorsque je choisis un
collaborateur. » aimait-il répéter. Il s’était personnellement engagé dans le choix d’un
manager pour piloter la réalisation d’une partie assez délicate d’un projet complexe. Au
fil de l’avancement, ledit manager s’est révélé un assez piètre chef de projet, et son
équipe peu performante retardait l’ensemble de la réalisation. Les indicateurs du tableau
de bord de suivi du projet affichaient franchement les signes annonciateurs d’une dérive,
comme le dépassement des délais et des budgets, et la lassitude manifeste des
membres de l’équipe. Le dirigeant refusait pourtant d’en tenir compte pour anticiper
l’échec. Il s’entêtait à justifier son choix en évoquant les faits d’armes passés de ce
manager et l’excellence de son jugement en matière d’hommes. Il fallut attendre
l’intervention excédée du client final et les menaces de pénalités de retard, pour
contraindre ce dirigeant obstiné à décharger le manager controversé des parties les plus
critiques de sa tâche, afin de les confier à une autre équipe mieux pilotée. C’était bien la
seule solution envisageable pour éviter la déroute11.
Nous sommes tous sensibles à l’effet de halo. Nous avons tous connu à un
moment de notre vie l’inconfort du conflit entre la réalité et nos
convictions. Rien de grave si l’on ne s’obstine pas dans ses certitudes. Ce
biais pervers se produit quasiment chaque fois que l’on pense avoir pris une
excellente décision que les faits contredisent. Plutôt que de remettre en
cause la qualité de notre décision, nous recherchons dans un premier temps
des échappatoires rassurantes en abusant d’expressions toutes faites : « il
faut laisser du temps au temps ». Mais les faits sont entêtés. Notre
rationalité reprend alors le dessus et nous acceptons le constat. Mais les plus
opiniâtres n’en resteront pas là. Ils laisseront la mauvaise foi prendre le
relais à l’aide de formules du type « les faits sont parfois trompeurs », « les
indicateurs sont mal choisis ». Enfin, les incurables jetteront la faute sur la
fatalité, une explication bien pratique pour justifier tout et n’importe quoi.
La volonté de préserver l’estime de soi est bien la seule motivation d’une
telle obstination.
C’est dit !
S’accorder le droit de faire parfois des erreurs et de les corriger au plus vite est une
qualité dont bien des managers d’entreprise sont dépourvus… Pour le plus grand
malheur de leurs subordonnés.
Exemple
Imaginons un manager exécutif qui a décidé de réduire drastiquement les temps de
réalisation d’une commande client, tout simplement parce qu’il dispose des moyens pour
le faire. Il sera évidemment tenté d’orienter à son avantage le questionnaire destiné à
évaluer la satisfaction des clients. En ciblant essentiellement les questions sur le
paramètre résolu des temps de réalisation d’une commande, il parviendra sans difficulté
à une mesure positive de la satisfaction des clients. Avec un questionnaire aussi partial,
l’entreprise ne saura jamais qu’en réalité les clients sont peut-être majoritairement
mécontents des erreurs de livraison, de la qualité déplorable des produits ou de la
politique tarifaire pratiquée.
Échelle de Likert
Pour exploiter les résultats de l’enquête et bâtir un indicateur de
performance, le plus simple reste encore d’utiliser une échelle de Likert2.
Elle est un outil de la psychométrie très utilisé, notamment en marketing,
pour formaliser le sentiment intime des personnes sondées.
Pour chacune des questions posées, les participants à l’enquête choisissent
une réponse dans une liste prédéfinie de modalités du type :
• Je suis tout à fait d’accord.
• Je suis d’accord.
• Je n’ai pas d’avis.
• Je ne suis pas d’accord.
• Je ne suis pas du tout d’accord.
Bien d’autres types de modalités sont envisageables : « J’adore/Je déteste »,
« Je préfère/J’évite », « Extrêmement probable/Totalement improbable »,
« Très satisfait/Pas du tout satisfait », etc.
L’exemple suivant présente les cinq premières propositions d’une enquête
consacrée à la mesure de la qualité de la communication d’une équipe en
interne et en externe.
Je n’hésite pas à
communiquer avec les
autres membres 3 2 4 0 0
5 1
Le management exécutif ne
communique pas
suffisamment 7 1 1 0 0
1 5
Nombre de modalités
Selon les cas, on utilisera une échelle avec un nombre pair de modalités,
pour éviter la position de refuge du milieu qui évite de s’engager. Dans
l’exemple ci-dessus, l’échelle comporte cinq modalités, et le « Je n’ai pas
d’avis » central n’aide pas vraiment à résoudre la question. Si les
participants à l’enquête sont réticents à s’engager et à afficher leur
préférence, il sera judicieux de supprimer cette option afin de les
contraindre à choisir. C’est ainsi que nous avons procédé pour le choix des
objectifs et des indicateurs de performance. En revanche, si le participant
n’a vraiment pas d’avis tranché sur une question précise, il est contraint
d’opter au hasard pour l’un ou l’autre choix et fausse les résultats. Chaque
médaille a son revers. C’est bien pour cela que le questionnaire mérite
d’être soigneusement élaboré.
CONSEIL
Pour plus de précision, l’échelle de mesure peut comporter plus de modalités, sept étant le
maximum généralement admis.
Pondération de l’échelle
Les choix sont ensuite pondérés, de 1 à 5 par exemple pour l’échelle ci-
dessus. On accorde généralement la valeur « 5 » au choix « Tout à fait
d’accord » et la valeur « 1 » au choix « Je ne suis pas du tout d’accord ».
La valorisation peut être totalement inversée selon la question posée. La
valeur « 5 » correspond alors au choix « Je ne suis pas du tout d’accord »,
telle la troisième proposition de l’exemple de mesure de la qualité de
communication.
Il est utile de mixer les propositions positives et négatives, comme pour la
troisième ligne de l’exemple ci-dessus, de manière à éviter les réponses
systématiques inscrites sans vraiment réfléchir. C’est là aussi une
conséquence du biais cognitif « effet de halo » que nous avons évoqué au
cours du paragraphe précédent. Le participant, qui a une idée déjà bien
arrêtée sur le sujet, aura tendance à accorder une note similaire aux
propositions de même nature, sans pour autant vraiment la lire et réfléchir
plus avant. Glisser des questions inversées contraint à bien relire l’énoncé.
C’est une bonne solution pour limiter les effets pervers d’un tel
comportement.
Pour augmenter l’impact des réponses négatives sur le résultat, il suffit de
les affecter d’une valeur négative. L’échelle de valorisation devient alors :
2, 1, 0, -1, -2 en lieu et place 5, 4, 3, 2, 1.
Figure 50 : Comparaison des résultats avec ceux relevés pour un autre groupe
de travail
Figure 51 : Une présentation des mêmes résultats sous forme de courbes
CONSEIL
Quel que soit le thème, le changement de catégorie mériterait d’être toujours plus fluide et
moins tranché, en passant nécessairement par une zone un peu plus floue.
Exemple (suite)
Nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’il n’est pas logique que 500 unités
vendues correspondent à un résultat mensuel moyen, tandis que 501 unités seraient un
bon résultat. Si l’on se livre à un rapide sondage, on constatera que les avis sont pour le
moins partagés. Pour les uns, dès 480 unités, on sera dans le domaine du bon résultat,
pour les autres, il faudra peut-être attendre 520 ventes.
POUR CONCLURE…
Je ne m’appuyais que sur mon expérience d’ingénieur et je n’ai pas apprécié à sa juste valeur la
dimension humaine. J’ai appris depuis qu’elle était décisive1.
C’est dit !
Il est peut-être temps aussi de réformer le vocabulaire de l’entreprise, et de substituer
au vocable de « salarié », celui qui touche un salaire5, le terme de « professionnel »,
celui qui met ses compétences, son savoir-faire et son savoir être au service de la
création de valeur.
C’est en tout cas sous cet éclairage, que l’on peut envisager de concevoir, si
ce n’est une coopération stricto sensu, ce sera en tout cas un partenariat, un
coengagement en toute intelligence entre le management et les
professionnels de l’entreprise. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur un modèle
managérial de ce type, qu’au fil de ces pages, nous avons conçu un système
de mesure de la performance facilitant la prise de décision en équipe.
Un système de mesure de la performance
adapté pour chaque type de management
Nous avons aussi mis l’accent sur les questions de confiance et de
reconnaissance. Ce sont les deux clés de la réussite de la coopération, ou du
partenariat le cas échéant. Pour le concepteur de système décisionnel,
l’évaluation, subjective bien entendu, du niveau de confiance et du type de
reconnaissance est une bonne métrique pour définir le type de mesure de la
performance à mettre en œuvre. Entre les organisations qui se moquent
comme de l’an quarante du sort de leurs salariés, celles qui usent et abusent
d’artifices pour stimuler la motivation, et toutes celles qui ont parfaitement
compris l’importance d’une coopération en toute intelligence, l’inventaire
est vaste. Sans une boussole, il n’est pas facile de se repérer. Il est bien
évident que l’on ne bâtira pas le même système de mesure de la
performance pour toutes les organisations, indépendamment du degré de
maturité du management en vigueur.
• Les entreprises classées dans la case numéro 1 sont les héritières des
modes de management traditionnels. Elles maintiennent une logique de
castes et entretiennent un fossé entre les décideurs, l’encadrement et les
exécutants. Ces entreprises privilégient l’ordre à l’efficacité. Le sens du
devoir est étroitement lié à la notion de subordination. Le « facteur
humain » importe peu, ou alors d’une manière artificielle vécue par la
direction comme une contrainte de plus. Néanmoins, rien n’est définitif, le
rôle du concepteur expérimenté, c’est aussi d’inviter les managers à bouger
un peu les règles. Mais les marges sont généralement assez étroites. La
conception de la stratégie tout comme la phase de choix des objectifs de
performance seront difficilement participatives. La démarche dirigiste
semblera plus naturelle pour la majorité des membres de cette entreprise. Le
concepteur du système de tableaux de bord de pilotage consacrera alors
toute son attention à la phase de choix des indicateurs, pour autant que
ceux-ci soient pertinents, même si les objectifs sont fixés unilatéralement. Il
pourra ensuite accorder le temps nécessaire à la phase de prise de décision
en équipe avec les limites imposées par le principe de management.
Figure 53 : Degré de maturité du management
• Les entreprises classées dans la case numéro 2 sont parmi les plus
courantes actuellement. Aucune règle n’est véritablement connue.
L’entreprise fonctionne ainsi et le management ne cherche pas à savoir
pourquoi. En toute logique, les salariés qui savent naviguer dans un tel
marigot seront félicités s’ils accèdent aux objectifs fixés par l’échelon
supérieur de la hiérarchie. C’est la loi du mérite prise dans son acception la
plus stricte où seule l’accession aux résultats fixés à l’avance importe. C’est
ainsi que s’exprime la reconnaissance. Toutefois, comme les règles sont
inexistantes ou totalement floues, une bonne part d’arbitraire dénature un
peu plus les relations entre les exécutants et la direction. Les soupçons de
favoritisme et de mise à l’écart sont les thèmes favoris discutés autour de la
machine à café. Les objectifs sont nécessairement fixés et, comme pour la
classe 1, il vaut mieux réserver son temps et son énergie pour traiter du
mieux possible la phase de choix des indicateurs et celle de la prise de
décision en équipe.
• Les entreprises classées dans la case numéro 3 considèrent leurs employés
comme des prestataires de services. Leurs efforts ne méritent pas une
reconnaissance particulière puisque c’est là leur mission. Il sera difficile de
les motiver à se dépasser, car ils savent très bien que leurs efforts ne seront
en aucune manière reconnus. Quoi qu’il en soit, dans une entreprise
adoptant ce type de management, on peut dérouler le processus complet, tel
qu’il est décrit au chapitre 5, en prenant soin de ne choisir que des objectifs
très raisonnables.
• Les entreprises classées dans la case numéro 4 pratiquent un management
plus responsable et plus respectueux des compétences. La démarche de
réalisation d’un système de mesure de la performance, favorisant l’aide à la
décision et la prise d’initiative décrites au cours de la deuxième partie,
s’appuie sur les entreprises pratiquant ce type de management.
Le « pour »
Le principe fondamental de ce mode d’organisation consiste essentiellement
à supprimer les échelons de management intermédiaires et fonctionnels
pour accroître l’autonomie des opérationnels, et donc mieux les
responsabiliser.
Comme le relève Vineet Nayar6, c’est en effet au niveau opérationnel que se
crée la valeur dans une entreprise. C’est donc là qu’il s’agit de transférer
une partie du pouvoir. Les managers, qui en fait ne managent pas grand-
chose, tout comme les fonctionnels qui ne sont que des poulies de
transmission de l’information sont des handicaps à la fluidité des processus
et des freins à la création de valeur.
Cas pratiques
L’entreprise Delta
Pour accompagner son développement, Delta, une société conceptrice de jeux vidéo et
d’animations graphiques particulièrement dynamique, a cru utile de multiplier les niveaux
intermédiaires et les postes de fonctionnels. Converti aux vertus des programmes de
normalisation, le dirigeant était persuadé que la performance était le fruit d’une mise en
conformité à tous les échelons selon les bonnes pratiques standardisées. Pour cela, il
fallait cadrer les activités à l’aide de règles et multiplier les procédures de contrôle. Les
activités de création de valeur directe ou indirecte, c’est-à-dire celles des développeurs,
des commerciaux, des responsables du marketing et des techniciens de maintenance
pour ne citer que ceux-ci, ont mal vécu cette dérive bureaucratique et le flicage
systématique qui en découle naturellement. Bien évidemment, la productivité a chuté et
l’innovation est restée en panne. Comme la masse salariale comptait toujours plus de
personnes étrangères au processus de création de valeur, le bénéfice s’en est fortement
ressenti. Face à ce constat, la direction a curieusement préféré opter pour la solution la
plus irrationnelle. Plutôt que de revenir sur de bonnes bases et renforcer le pôle création
de valeur en soulageant la pression sur les développeurs et les commerciaux chargés
de débusquer de nouveaux marchés, la direction a préféré renforcer les contrôles et les
reportings7 ; seule clé selon elle de l’amélioration de la performance… Les entreprises
du même secteur d’activité ont dû être enchantées d’engager les meilleurs éléments
démissionnaires. La suite de l’histoire est sans surprise. Une entreprise de nouvelles
technologies qui n’innove plus ne peut perdurer. Pour faire face à ses obligations
financières, l’entreprise a été contrainte de céder ses activités de développement à son
principal concurrent. Elle se contente désormais de la distribution des produits à effectif
réduit.
L’usine Fralib
Dans l’ouvrage Bureaucratie, David Graeber8 relate en quelques lignes les péripéties de
l’usine Fralib (conditionnement de thé, groupe Unilever) reprise en SCOP par ses
salariés après une dure et longue lutte. À l’origine, l’entreprise ne comportait que deux
cadres dont le dirigeant lui-même et un responsable des ressources humaines. Durant
des années, les salariés ont d’eux-mêmes amélioré les processus de production et
l’usine était très nettement profitable. La direction bien loin du terrain a alors choisi
d’exploiter ces profits pour engager une douzaine de cadres intermédiaires aux titres
prestigieux en charge du contrôle, de la mesure et de l’élaboration de rapports et
procédures. « Finalement, ils ont flashé sur l’idée de délocaliser l’usine en Pologne. (…)
Ce plan justifiait rétrospectivement leur existence », précise l’auteur. Ce qui, en toute
logique, a mis le feu aux poudres…
Et aujourd’hui ?
Réduire l’emprise de la bureaucratie et ses lourdeurs, alléger les contrôles pour
laisser plus de liberté aux opérationnels, faciliter la circulation naturelle de
l’information, ce ne sont pas des pistes de recherche expérimentale, mais bien une
obligation aujourd’hui pour toutes les organisations.
Le « contre »
Mais il ne faut pas pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain. Pour être
réactif et mieux en phase avec les attentes des marchés, les entreprises ont
bien compris qu’il fallait se rapprocher au plus près du client quitte à
l’intégrer dès le processus de conception. Pour autant, il vaut mieux prendre
garde de ne pas ajouter une pression supplémentaire sur les opérationnels
déjà aux prises avec la complexité de leur mission. D’expérience, le client
n’est pas toujours à sa place au sein des équipes de conception ou de
production. C’est là où le manager intermédiaire remplit un rôle absolument
indispensable d’interface avec les clients qui ne sont pas tous naturellement
rationnels et pragmatiques. Les individus versatiles, fantasques mais
cependant exigeants, sont aussi à l’occasion vos clients. Le manager
anticipe les besoins et assure aussi les relations avec la hiérarchie, les divers
services de l’entreprise et les équipes en charge d’un autre aspect du projet.
Le management joue alors le rôle de filtre protecteur destiné à laisser les
opérationnels accomplir leurs missions dans les meilleures conditions.
Remplacer ce manager par un leader de fait comme le suggèrent les
supporters de l’entreprise libérée, c’est courir le risque de recréer des petits
chefaillons obsédés par la conformité des résultats et la stricte application
des règles et des procédures. Comme nous l’avons vu avec le principe
d’hystérésis (page 101), il est bien plus aisé de couper dans le « gras » sans
discernement que d’évaluer la contribution indirecte à la création de valeur
des managers et des fonctionnels pris dans le collimateur des
réorganisations.
Il est prudent de ne pas trop se fier aux dithyrambes dont abusent quelques
médias pour décrire ce modèle dit « révolutionnaire », et de gratter un peu
la cosmétique pour mettre à nu la réalité du management pratiqué. Il n’est
pas dit que toutes les entreprises qui s’affichent comme « libérées » aient
radicalement rompu avec les pratiques ancestrales du management
traditionnel fondé sur le schéma binaire de domination et de soumission.
Comme le précise Dominique Méda, le chef d’entreprise dispose d’un
pouvoir immense : il donne les ordres, contrôle l’exécution et sanctionne les
manquements9. Ce pouvoir ne semble pas radicalement remis en question
dans le cadre de la plupart des modèles d’entreprise libérée et d’holacratie
régulièrement cités en exemple.
Et aujourd’hui ?
Sous les apparences de « liberté » et d’autonomie, la multiplication des règles, la
systématisation de l’autocontrôle et la pression constante du client sont autant de
moyens de suppléer aux échelons de hiérarchie supprimés.
La synthèse
Il ne suffit pas de constater que « Nous sommes tous sur le même bateau »10
pour que du jour au lendemain, comme après une révélation mystique,
salariés et classe dirigeante décident de marcher main dans la main. Il est
donc recommandé de s’assurer que l’autonomie est réelle, qu’il ne s’agit
pas uniquement d’une démarche opportuniste pour profiter des légitimes
souhaits d’émancipation des salariés, et accroître ainsi les profits grâce à la
réduction de la masse salariale sans perdre pour autant une once de pouvoir.
Bref, tout changer pour que rien ne change11. Pour cela, il suffit de se livrer
à une analyse critique de la pratique de la mesure de la performance et de
s’intéresser ensuite au pouvoir décisionnel accordé aux opérationnels12.
Enfin, le principe de confiance et de reconnaissance pratiqué dans
l’entreprise est un bon crible pour séparer le bon grain de l’ivraie, les
entreprises qui cherchent réellement à déléguer le pouvoir et celles qui ne
font que semblant.
La SCOP
Toute entreprise se doit de réaliser un profit si elle veut survivre.
L’entreprise dite libérée semble réfléchir
à la question du « comment » on réalise le profit.
La coopérative de type SCOP va plus loin et donne aussi les réponses
au « pourquoi et pour qui » on réalise le profit.
Au sein d’une coopérative de type SCOP, les salariés sont associés,
collectivement propriétaires de l’entreprise et donc responsables de la
réussite. Ils sont parfaitement au fait des questions de concurrence et de
compétitivité durable. Ils comprennent aisément l’importance d’entrer dans
un cycle de progrès continu pour assurer la pérennité de l’entreprise. Ces
échanges se déroulent généralement sans problème. Habitués à prendre des
décisions collectives, ils sont généralement déjà rodés à l’exercice. Mais ce
n’est pas vrai pour toutes les coopératives.
Cas pratique
Cette situation n’est pas difficile à régler. Il existe des cas bien plus délicats
où les principes de la coopérative ont été dévoyés.
Cas pratique
L’entreprise Bêta
L’entreprise Bêta, spécialiste de la mécanique de précision, a été rachetée par ses
salariés faute de repreneurs. Les cadres ont pris en charge la formation de la
coopérative et se sont approprié la majorité des pouvoirs. Les autres salariés, trop
contents de conserver leur emploi, n’ont pas protesté et acceptent docilement ce
dévoiement des principes fondamentaux de la coopérative et de l’autogestion. Il est
quasi impossible de les faire participer.
CONSEIL
Avant de lancer le projet, il faut prendre le temps de bien planifier les phases de la
démarche en parfait accord avec tous les protagonistes afin de respecter les impératifs
productivistes. Il ne s’agit pas de créer de nouvelles difficultés. Ce conseil vaut d’ailleurs
pour tous les types d’entreprises prêtes à franchir le pas.
La start-up
Les start-up ne sont pas non plus par principe la solution miracle de la
coopération et de la participation, tant s’en faut. Bien des start-up ne sont
« cools » qu’en façade. On se tutoie, on s’appelle par le prénom, on fait une
partie de baby-foot à l’occasion, mais l’autoritarisme et le culte du chef sont
toujours en vigueur14. Là encore, on étudiera de près le mode de
management pratiqué.
Cas pratique
L’entreprise Gamma
L’entreprise Gamma est une société de développement informatique. Rachetée et
intégrée à un groupe plus important, elle conserve encore une certaine indépendance.
Son directeur, lui-même développeur informatique de talent, dispose d’une véritable
autorité de compétence, la seule acceptable comme le rappelle Michel Serres15. Les
questions de la confiance et de la reconnaissance sont pour lui tout à fait naturelles tant
que les salariés sont eux-mêmes compétents. Toujours en quête d’efficacité, il a
parfaitement compris les avantages qu’il tirera d’une prise de décision facilitée à tous les
niveaux de son unité dans un esprit de « coopération »16.
Ces quelques cas rapidement résumés démontrent bien qu’il est avisé de
ne pas se fier au type de structure de l’entreprise pour en déduire la
répartition des pouvoirs. Seule une observation attentive du management
permet de tirer des conclusions pour aborder la démarche avec les
précautions qui s’imposent. La direction privilégie-t-elle l’efficacité ou
est-elle encore fortement attachée aux valeurs hiérarchiques
traditionnelles ? Voilà la question qu’il s’agit de résoudre.
Et aujourd’hui ?
Il est bien évident que dans un monde de complexité croissante, où l’innovation est
devenue un impératif, les structures archaïques finiront par tomber.
Management et performance
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A
Abeille Guy 122
action (fiche) 199, 200
adhésion 258
algorithme 47, 278
Anderson Chris 49
Ash Michael 124
Attali Jacques 253
autoapprentissage 47
autocontrôle 29, 301
automatisation 34
autonomie 32, 189, 207, 209, 213, 297, 301, 305
B
benchmark 65, 134
biais cognitif 273, 282
bien-être (mesure) 118, 130, 131
big data 16, 37, 46, 80, 81
Box George 107, 138
Brahe Tycho 136
C
causalité 49, 96, 99
chaîne
- de valeur 184
Champy James 292
chômage (chiffres) 70, 74, 94
cohésion 212, 256, 257, 270
collecte 40, 44, 55, 81
compétence 39, 57, 293, 296, 305
compétitivité 15, 175
complexité 163, 189, 306
conduite du changement 257
confiance 187, 265, 311
- définition 191
contrat 196, 199
contrôle 29, 37, 56
coopération 296, 310
COP21 176
corrélation 96
cross-selling 164
cybernétique 29, 32, 42
D
data scientist 50, 107
décision
- prise de 110, 296, 310
Dejours Chistophe 40, 56, 57, 58, 308
downsizing 292
DPPO, direction participative par objectifs 173
Drucker Peter 68, 107, 172, 310
E
échelle
- de Likert 279
- de valeur 268
- logarithmique 89
- manipulation 86
effet
- d’aubaine 104
- de halo 274
efficacité 31, 34, 142, 295, 311
efficience 142
empowerment 189
entreprise libérée 210, 297
erreur (droit à l’) 213
évaluation 56, 58, 308, 309
F
Fayol Henri 149, 158, 307
Fitoussi Jean-Paul 119, 130
Ford Henry 28, 59, 184, 301
G
Galford Robert 191, 311
Gélinier Olivier 173
Getz Isaac 241, 301, 312
Goldratt Eliyahu 115, 310
Graeber David 299
graphiques 85, 90
Green Charles 191, 193, 311
H
Hammer Michael 291, 292
Herndon Thomas 124
hiérarchie 31, 65, 202, 295, 301, 304
holacratie 297
Homo Œconomicus 51
Honneth Axel 202
Hsieh Tony 210, 312
hystérésis 101, 300
I
incertitude 189
indicateur de performance 125
- choix 215
- définition 109
- suivre 141
indicateurs 62
- alibis 68
- artificiels 69
- de performance 62, 107, 141, 215, 288
- écrans 70
- faussement équilibrés 73
- globaux 71
- incomplets 70
- insignifiants 69
- volontairement déséquilibrés 72
infographies 90
initiative 213
innovation 23, 175, 306
Iribarne (d') Philippe 196, 197, 308
K
Kepler Johannes 136
L
lampadaire (théorème du) 119
Laurent Éloi 130, 309
Lean 17, 28, 185
Le Cacheux Jacques 130, 309
Linhart Danièle 293, 309
logique floue 288
loi El Khomri 92
M
Maister David 191, 311
manipulation 67, 96
marché 29, 92, 93, 162, 175
Marquet David 190, 310
matrice d’Ansoff 162
Mayo Elton 293
McGregor Douglas 206, 311
Méda Dominique 300, 308
médiane 75
méfiance 26
Merchant Nilofer 156, 311
mesure 25, 43, 65, 111, 277, 294, 309
- définition 64
Mintzberg Henry 166
modale (valeur) 76
modèle 30, 31, 277, 294, 296, 312
modélisation 47, 48, 50, 52, 138, 277
modérateur 253, 260, 276
motivation 187, 192, 193, 197, 205, 210, 283
- extrinsèque 209
- intrinsèque 209
moyenne 74
- mobile 94
MPO, management par objectifs 172, 196, 310
N
Nayar Vineet 34, 160, 191, 194, 297, 312
négociation 182, 183, 256, 257, 270
norme 98, 107, 142, 156, 201
- de groupe 269
O
objectif 113, 119, 169, 200
opérationnel 29, 34, 110, 156, 157, 188, 191, 195, 297, 300
P
paradoxe de Zénon 272
Parker Follett Mary 184, 232, 307
participation 35, 173, 187, 304
performance 23, 215, 288, 308
- définition 142
- mesure 59, 294
- objectif 176
Peters Tom 152, 309
PIB, produit intérieur brut 71, 122, 129
poka-yoke 190
polémique 255
Pollin Robert 124
Porter Michael 154, 309
Pouget Émile 298, 307
pourcentages 77
pouvoir 156, 189, 195, 231, 241, 256, 297, 300, 301
précision 79, 135, 282
procédure 43, 56, 99, 142, 172, 191, 201, 300
processus 112, 167, 181, 268
- de création de valeur 185, 211, 292, 293, 297
- d'innovation 214
Q
quadrature du cercle 136
qualitatives (grandeurs, mesures) 53, 277
qualité 50, 107, 112, 216, 268, 279
quantitatives (grandeurs, mesures) 17, 52, 54, 55, 118, 285
R
reconnaissance 199, 204, 296, 308, 311
règles 56
Reinhart Carmen 124
reporting 40, 127
réseaux sociaux 16, 35, 49, 80, 160
responsabilité 31, 187, 198, 199, 258, 259
RFID, Radio Frequency IDentification 42
risque 142, 165
Rogoff Kenneth 124
S
salami slicing 135
Sauvy Alfred 46, 79, 81, 129
SCOP, Société COopérative et Participative 161, 302
Sen Amartya 130
Shanghai (classement de) 116
Simon Herbert 52, 131
Sims Peter 214, 311
Sinclair Upton 28, 59
Smith Debra 183
sondage 49, 80, 81, 83
sophisme 261, 271
standardisation 34, 56, 268, 305
start-up 304
statistiques 50, 94, 167
Stiglitz Joseph 129, 130
stratégie 119, 149, 169, 309
- définition 150
Supiot Alain 59, 293, 309
SWOT, Strenghts, Weaknesses, Opportunities, Threats 159
T
Tableau de bord 72, 88, 108, 132, 134, 138, 274, 277
tactique 169
Taylor Frederick W. 26
TRS, taux de rendement synthétique (indicateur) 134
Tufte Edward 90, 93
U
up-selling 164
V
valeur
- chaîne de 184
- échelle de 268
- médiane et modale 74
W
Waterman Robert 152, 309
Welch Jack 101
Z
Zadeh Lofti 288
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