Vous êtes sur la page 1sur 108

AFRATAPEM

Association Française de Recherches et Applications des Techniques


Artistiques en Pédagogie et Médecine

L'ART-THÉRAPIE À DOMINANTES MUSIQUE ET DANSE PEUT


PERMETTRE AUX ENFANTS ET ADOLESCENTS
POLYHANDICAPÉS AU SEIN D’UN INSTITUT MÉDICO-ÉDUCATIF
DE SE METTRE EN ACTION ET DE DÉVELOPPER LEURS
CAPACITÉS DE COMMUNICATION, CONTRIBUANT À LES
PLACER DAVANTAGE EN POSITION DE SUJETS.

Mémoire professionnel réalisé pour l'obtention du


titre d'art-thérapeute

Présenté par Karine CERAM


Année 2022

Lieu de stage
Dispositif Inclusif Henri Wallon
198 rue Saint Pierre et Miquelon
50400 Granville

Sous la direction de
Nicolas CARESMEL
Psychologue et responsable de service
AFRATAPEM
Association Française de Recherches et Applications des Techniques
Artistiques en Pédagogie et Médecine

L'ART-THÉRAPIE À DOMINANTES MUSIQUE ET DANSE PEUT


PERMETTRE AUX ENFANTS ET ADOLESCENTS
POLYHANDICAPÉS AU SEIN D’UN INSTITUT MÉDICO-ÉDUCATIF
DE SE METTRE EN ACTION ET DE DÉVELOPPER LEURS
CAPACITÉS DE COMMUNICATION, CONTRIBUANT À LES
PLACER DAVANTAGE EN POSITION DE SUJETS.

Mémoire professionnel réalisé pour l'obtention du


titre d'art-thérapeute

Présenté par Karine CERAM


Année 2022

Lieu de stage
Dispositif Inclusif Henri Wallon
198 rue Saint Pierre et Miquelon
50400 Granville

Sous la direction de
Nicolas CARESMEL
Psychologue et responsable de service
« La musique est peut-être l’exemple unique de ce qu’aurait pu être - s’il n’y
avait pas eu l’invention du langage, la formation des mots, l’analyse des idées -
la communication des âmes. »

Marcel Proust
REMERCIEMENTS

Je remercie Nicolas Caresmel, qui a dirigé mes deux stages au sein du Dispositif Inclusif Henri
Wallon pour la confiance qu’il m’a accordée dès notre première rencontre, et pour la liberté avec
laquelle il m’a permis de travailler au sein de la structure. Merci à lui d’avoir accepté de diriger ce
mémoire, malgré un emploi du temps déjà bien chargé, et pour ses conseils toujours pertinents.
Je remercie toute l’équipe du DIHW pour leur accueil et la place de professionnelle qu’ils m’ont
réservée, ainsi que pour la richesse de nos échanges.
Je remercie également l’équipe pédagogique de l’AFRATAPEM pour leur enseignement de
qualité et pour leur disponibilité, et particulièrement Fabrice Chardon, pour sa pédagogie, sa
bienveillance, et pour la passion qu’il transmet à chacune de ses interventions.
Merci à ma famille pour leur soutien et pour leur aide au quotidien. Merci à Claudine, ma
maman, et à Hubert d’avoir toujours répondu présents quand j’en ai eu besoin. Merci Pierre pour ta
présence apaisante et pour ta patience.
Merci à mon fils Gilles, qui du haut de ses dix ans, a su comprendre l’importance que ce travail
représentait pour moi, et me laisser le temps nécessaire pour le mener au bout. Merci à lui
également pour ces belles discussions et ses idées pleines de bon sens et de créativité qui ont été une
vraie source d’inspiration dans les interactions avec les enfants.
Enfin merci à tous les enfants et adolescents que j’ai eu la chance de rencontrer au sein du DIHW,
avec lesquels j’ai pu communiquer, de toutes les manières possibles, merci pour les chants, les
danses, les jeux, les partages. Ce sont là des moments rares et précieux qui sont gravés en moi.

1
Table des matières
GLOSSAIRE.....................................................................................................................................10
INTRODUCTION............................................................................................................................14
PARTIE I : L’ART-THÉRAPIE PEUT PARTICIPER À AMÉLIORER LA QUALITÉ DE
VIE DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS POLYHANDICAPÉS EN LEUR
PERMETTANT DE SE METTRE EN ACTION ET DE DÉVELOPPER LEURS
CAPACITÉS DE COMMUNICATION.........................................................................................16
A. Le développement de l’être humain peut être entravé physiquement, mentalement et
socialement et conduire à vivre des situations de handicap...........................................................16
A1. Exister, pour l’être humain, ne se réduit pas simplement au seul fait de vivre.............16
A1.1 L'être humain se développe selon 3 entités : physique, mentale et sociale................16
A1.2 La bonne santé et la qualité de vie concernent ces trois domaines............................16
A1.3 L’être humain recherche la satisfaction de ses besoins fondamentaux (modèles de
Maslow-Poletti)....................................................................................................................17
A1.4. Plusieurs modèles décrivent l’estime de soi..............................................................17
A1.5 L’être humain ne se contente pas de vivre, il aspire également à exister...................17
A2. Le développement de l’être humain peut être perturbé et conduire à vivre une ou des
situation(s) de handicap...........................................................................................................18
A2.1. Les premiers mois et les premières années de vie sont essentiels dans le
développement de l’être humain..........................................................................................18
A2.2. L’identité de l’enfant se construit dans l’interaction avec les autres êtres humains et
avec son environnement.......................................................................................................19
A2.3 Le développement de l’être humain peut être influencé par des facteurs personnels
ou environnementaux et conduire à vivre des situations de handicap.................................19
A2.4 Lorsque l’enfant, dès le début de sa vie, ne peut pas expérimenter et interagir
librement, son développement est entravé de façon complexe.............................................20
A2.5 Lorsque le développement de l’être humain est entravé très tôt dans sa vie, à la fois
physiquement, mentalement et socialement, il peut conduire à une situation de
polyhandicap........................................................................................................................20
A3. Le polyhandicap est une situation de handicap particulière qui altère les trois entités
de l’être humain et dans laquelle la personne a des besoins spécifiques..............................21
A3.1 La personne polyhandicapée se trouve dans une grande dépendance et est limitée
physiquement, mentalement et socialement.........................................................................21
A3.2 La personne polyhandicapée reçoit des soins et des traitements lourds et est souvent
placée dans une position d’objet..........................................................................................21
A3.3 L’enfant ou l’adolescent polyhandicapé peut présenter un stade de développement
mental remontant à sa naissance ou à sa toute petite enfance............................................21
A3.4 La personne polyhandicapée n’a pas toujours accès à une conscience de soi bien
établie...................................................................................................................................22
1) La conscience de soi est le résultat d’une élaboration qui débute dès la naissance....22
2) L’élaboration de la conscience de soi passe d’abord par le corps...............................22
3) La conscience de soi d’une personne polyhandicapée est inaboutie...........................23
A3.5 La personne polyhandicapée est freinée dans ses interactions avec les autres et avec
son environnement et rencontre des difficultés en terme de communication, et ce souvent
depuis son plus jeune âge.....................................................................................................23
A3.6 La personne polyhandicapée a des besoins spécifiques (modèle de Fröhlich des
besoins fondamentaux et spécifiques des personnes polyhandicapées)...............................23

2
A4. Les pénalités provoquées par le polyhandicap et les besoins non satisfaits de la
personne conduisent à des souffrances...................................................................................24
A4.1 Le polyhandicap entraîne des pénalités en cascade...................................................24
A4.2 Ces pénalités entraînent des souffrances qui peuvent s’exprimer par de la fatigue,
des douleurs, des difficultés pour s’alimenter, des troubles musculaires et respiratoires...24
A4.3 Certains besoins non satisfaits des personnes polyhandicapées peuvent les amener à
présenter des troubles du comportement et notamment des manifestations d’agitation,
d’autostimulation, d’avidité relationnelle, envahissantes pour la personne et pour son
entourage.............................................................................................................................25
A4.4 Les difficultés de communication des personnes polyhandicapées conduisent parfois
à un isolement social et à un repli sur soi............................................................................25
A4.5 Les souffrances des personnes polyhandicapées peuvent altérer leurs ressentis
corporels, diminuer leur poussée corporelle et les conduire à une perte d’élan pour toutes
les activités de la vie quotidienne........................................................................................26
A4.6 Un tableau met en lien les souffrances avec les besoins fondamentaux spécifiques des
personnes polyhandicapées..................................................................................................26
B. L’Art est une expression humaine qui implique le corps, peut agir sur l’élan et la poussée
corporelle et avoir des effets relationnels......................................................................................27
B1. L’Art est une expression humaine orientée vers l’esthétique.........................................27
B1.1 L’esthétique est la science du beau dans l’Art et la nature........................................27
B1.2 On distingue l’art utile de l’Art agréable...................................................................28
B1.3 L’idéal esthétique est le juste rapport fond/forme......................................................28
B1.4 La pratique artistique comporte deux phases : l’Art I et l’Art II...............................28
B1.5 Le phénomène artistique est la partie observable de l’activité artistique..................28
B2. La pratique artistique met en jeu de nombreux mécanismes humains..........................29
B2.1 La pratique artistique implique le corps en stimulant les sens..................................29
B2.2 La pratique artistique implique l’esprit.....................................................................29
B2.3 Pour pratiquer un Art, l’être humain organise sa structure corporelle.....................29
B2.4 La pratique artistique sollicite l’élan et la poussée corporelle..................................29
B2.5 En s’engageant dans la pratique artistique, l’être humain est amené à affirmer son
goût et à exprimer son style.................................................................................................30
B2.6 L’Art a un pouvoir éducatif, un pouvoir d’entraînement et peut avoir des effets
relationnels...........................................................................................................................30
B3. La musique est une pratique artistique accessible qui met en jeu de nombreux
mécanismes physiques et mentaux..........................................................................................31
B3.1 L’écoute musicale est une pratique accessible au plus grand nombre, qui stimule les
sens et provoque des émotions, en nécessitant peu de prérequis.........................................31
B3.2 L’écoute et la pratique de la musique agissent sur le corps et notamment sur la
respiration, le rythme cardiaque, la pression artérielle.......................................................32
B3.3 La musique agit sur le cerveau et active le circuit de la récompense........................32
B3.4 L’écoute ou la pratique de la musique sollicite les fonctions cognitives et notamment
l’attention et la mémoire......................................................................................................33
B3.5 La musique fait appel à la mémoire et peut renvoyer à des expériences vibratoires,
tactiles et vestibulaires vécues pendant les périodes anténatale, périnatale et postnatale. 34
B4. La musique et la danse peuvent amener à une meilleure conscience de son corps au
travers des ressentis qu’elles procurent..................................................................................34
B4.1 La musique peut avoir une fonction contenante d’enveloppe sonore.........................34

3
B4.2 La musique, par le pouvoir éducatif de l’Art et les vibrations qu’elle procure, peut
donner accès à des sensations corporelles en surface et en profondeur.............................35
B4.3 La danse, par le pouvoir éducatif de l’Art, met en jeu la proprioception qui donne
des informations sur la position des différentes parties du corps, et du corps dans l’espace
..............................................................................................................................................35
B4.4 La danse, grâce au pouvoir d’entraînement de l’Art, implique directement la
structure corporelle et le schéma corporel..........................................................................36
B4.5 La danse peut se pratiquer en musique et en contact avec un partenaire et peut avoir
des effets relationnels...........................................................................................................36
B5 La musique et la danse sont des arts synchroniques qui ont parfois des effets
relationnels pouvant se passer du langage verbal..................................................................36
B5.1 La musique et la danse sont des arts synchroniques qui permettent la simultanéité de
l’action et de la production, privilégiant ainsi l’instant présent et nécessitant peu de
repères temporels.................................................................................................................36
B5.2 La musique et la danse sont des arts corporels qui peuvent conduire à une forme de
communication non verbale, voire à une relation hors verbale..........................................37
C. L’art-thérapie utilise l'Art dans un processus de soin dans le but d’améliorer la qualité de vie
des personnes.................................................................................................................................38
C1. L'art-thérapie moderne est l'exploitation du potentiel artistique dans une visée
humanitaire et thérapeutique..................................................................................................38
C1.1 L’art-thérapie moderne se distingue de l’art-thérapie traditionnelle........................38
C1.2 L’art-thérapie moderne s’appuie sur les capacités préservées et les potentialités de
la personne et les valorise....................................................................................................39
C2. Les séances d’art-thérapie sont construites selon un protocole thérapeutique précis. .39
C2.1 L’art-thérapeute s’adapte aux besoins de la personne en lui proposant un suivi
personnalisé.........................................................................................................................39
C2.2 L’opération artistique est un outil spécifique à l’art-thérapie moderne....................39
C2.3 Dans le protocole, une stratégie thérapeutique est élaborée à partir de l’opération
artistique..............................................................................................................................41
C2.4 L’art-thérapeute travaille en relation avec l’équipe de professionnels de la structure
et en respectant le projet d’accompagnement de la personne.............................................42
C3. L'art-thérapie s’inscrit dans une démarche scientifique et possède ses propres outils
d'évaluation..............................................................................................................................42
C3.1 Des items d’observation adaptés à la personne sont choisis et évalués
rigoureusement.....................................................................................................................42
C3.2 Une autoévaluation peut être menée grâce au cube harmonique..............................43
C4. L’art-thérapie, en orientant la pratique artistique, peut améliorer la qualité de vie des
enfants et des adolescents polyhandicapés au sein d’un institut médico-éducatif................43
C4.1 L’art-thérapie par la musique et la danse peut répondre à certains besoins
physiologiques non satisfaits de la personne polyhandicapée.............................................43
1) L’art-thérapie, en utilisant le pouvoir éducatif de la musique, peut détourner la
personne de ses ressentis désagréables............................................................................43
2) L’art-thérapie, en exploitant les mécanismes physiques mis en jeu dans l’écoute
musicale et dans la pratique de la musique, peut conduire à une détente ou à une
régulation du tonus musculaire........................................................................................44
C4.2 L’art-thérapie par la musique et la danse peut permettre à la personne
polyhandicapée d’accéder à une meilleure conscience de son corps, pour aller vers une
meilleure conscience de soi..................................................................................................44

4
1) La musique et la danse mobilisent la mémoire et peuvent faire appel à des
expériences sensorielles vécues par la personne, même si celles-ci remontent à sa
naissance..........................................................................................................................44
2) L’écoute musicale et la pratique de la musique ont un pouvoir éducatif et peuvent
apporter des sensations corporelles en surface (peau) et en profondeur (os, viscères)...44
3) La musique et la danse, par leur pouvoir éducatif et d’entraînement, agissent sur la
structure corporelle et permettent des expériences proprioceptives qui peuvent amener à
mieux percevoir son corps, dans ses différents segments et dans son environnement....44
C4.3 L’art-thérapie par la musique et la danse peut stimuler l’élan corporel et la poussée
corporelle de la personne polyhandicapée..........................................................................45
1) La musique, par les ressentis agréables qu’elle procure, peut activer le circuit de la
récompense et augmenter la motivation..........................................................................45
2) La musique et la danse, par leur pouvoir éducatif et d’entraînement, peuvent répondre
au besoin de stimulation, de mouvement et de changement (modèle des besoins
fondamentaux de Fröhlich) de la personne polyhandicapée............................................45
C4.4 La musique et la danse peuvent avoir des effets relationnels et permettre à la
personne polyhandicapée de développer ses capacités d’expression et de communication
..............................................................................................................................................45
1) La musique et la danse, moyens d’expression accessibles se passant du langage
verbal, peuvent avoir des effets relationnels et créer des interactions, répondant ainsi au
besoin de lien et de communication de la personne polyhandicapée (modèle des besoins
fondamentaux de Fröhlich)..............................................................................................45
2) La musique, pratiquée en alternance avec une autre personne, peut permettre à la
personne polyhandicapée d’augmenter son temps d’écoute et d’attention.....................46
3) La musique et la danse peuvent permettre à la personne polyhandicapée d’acquérir un
savoir-faire, sous la forme de nouveaux gestes adaptés à ses capacités motrices...........46
4) Les effets relationnels de la musique et de la danse peuvent permettre à la personne
qui les pratique de communiquer de façon non verbale en se plaçant en position
d’émetteur ou de récepteur..............................................................................................46
D. Au regard des éléments présentés, l'hypothèse suivante est posée : l’art-thérapie pourrait
permettre aux enfants et adolescents polyhandicapés accompagnés au sein d’un institut médico-
éducatif de se mettre en action dans la pratique artistique et de développer leurs capacités de
communication, se plaçant ainsi d’avantage en position de sujet..................................................46
D1. L’écoute ou la pratique de la musique, par leur pouvoir éducatif et d’entraînement, en
provoquant des ressentis agréables, pourraient stimuler l’élan et la poussée corporels et
provoquer la mise en mouvement des personnes polyhandicapées ......................................46
D2. La mise en action provoquée par la musique, conjuguée à ses effets relationnels et à
ceux de la danse, pourrait favoriser les interactions et permettre aux personnes
polyhandicapées de développer leur attention et leurs capacités d’écoute............................47
D3. La pratique de la musique et de la danse pourrait soutenir et enrichir l’expression de
la personne polyhandicapée en lui permettant d’acquérir de nouveaux gestes....................47
D4. Pratiquer la musique et la danse de façon adaptée à ses capacités, avec le plus
d’indépendance possible, en communiquant en position de récepteur et d’émetteur,
pourrait permettre à la personne polyhandicapée de passer d’une position passive à
une  attitude active de sujet......................................................................................................47
D5. Des expériences ont déjà été menées avec l’art-thérapie auprès de personnes
polyhandicapées.......................................................................................................................47

5
PARTIE II : UNE ÉTUDE CLINIQUE RÉALISÉE AUPRÈS D’ENFANTS ET
D’ADOLESCENTS POLYHANDICAPÉS PERMET D’ÉVALUER L’IMPACT DE L’ART-
THÉRAPIE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LEURS CAPACITÉS DE
COMMUNICATION........................................................................................................................49
A. Le Dispositif Inclusif Henri Wallon (DIHW) accompagne des enfants, adolescents et jeunes
adultes présentant une déficience intellectuelle ou polyhandicapés..............................................49
A1. Le DIHW est une structure de L’AGAPEI (Association Granvillaise des Amis et
Parents d’Enfants Inadaptés)..................................................................................................49
A1.1 Le DIHW est le pôle enfance de l’AGAPEI................................................................49
A1.2 L’Arche (unité d’éducation sensorielle) et l’UAS (unité d’activités sensorielles) sont
des dispositifs internes à l’IME dans lesquels sont accueillis les enfants et adolescents
polyhandicapés.....................................................................................................................50
A2. La personne accompagnée par le DIHW bénéficie d’un accompagnement personnalisé
spécifique..................................................................................................................................50
A2.1 L’enfant accompagné par le DIHW est entouré par une équipe pluridisciplinaire
adaptée à ses besoins...........................................................................................................50
A2.2 Un projet personnalisé d’accompagnement est élaboré par l’équipe en lien avec la
famille et toutes les personnes qui accompagnent l’enfant..................................................50
A2.3 Le projet personnalisé de l’enfant est réévalué chaque année...................................50
B. L’art-thérapie est intégrée au sein du DIHW et des prises en soin individuelles sont organisées
pour des enfants et des adolescents de l’Arche et de l’UAS.........................................................51
B1. La succession de deux stages permet une temporalité longue adaptée au public.........51
B1.1 Deux stages successifs sont effectués au sein du DIHW............................................51
B1.2 Certaines prises en soin commencent pendant le premier stage et se poursuivent
pendant le second.................................................................................................................51
B2. L’art-thérapeute travaille de façon autonome, mais toujours en lien avec l’équipe
pluridisciplinaire et parfois avec les familles..........................................................................51
B2.1 Une présentation de l’art-thérapie est proposée à l’équipe en réunion de
coordination lors du premier stage......................................................................................51
B2.2 En plus de séances individuelles d’art-thérapie, un temps de présence hebdomadaire
sur les unités permet de rencontrer les enfants dans leur environnement et d’échanger de
façon informelle avec les professionnels qui les accompagnent au quotidien.....................52
B2.3 La mise en place d’ateliers artistiques collectifs permet la rencontre avec les enfants,
les adolescents, et les éducateurs en amont des prises en soin individuelles......................52
B2.4 Avant de débuter une prise en soin, l’art-thérapeute rencontre les référent(e)s de soin
et de projet de l’enfant et questionne les éducateurs et éducatrices de l’unité....................53
B2.5 À la fin de certaines prises en soin, les professionnels et les familles sont réunis pour
une restitution du travail......................................................................................................53
C. Les études de cas détaillées de Lisa et de Thomas permettent d’évaluer les effets de l’art-
thérapie au regard de l’hypothèse de travail..................................................................................53
C1. Lisa, 12 ans, atteinte d’un CDG syndrôme, en situation de polyhandicap, est indiquée
par le responsable de service pour des manifestations envahissantes d’autostimulation.....53
C1.1 L’état de base de Lisa, établi à l’issue d’une séance d’ouverture, montre ses
capacités motrices et cognitives altérées et ses difficultés à communiquer, malgré un élan
et une poussée corporels bien présents................................................................................53
C1.2 L’analyse de l’état de base de Lisa met en évidence ses besoins non satisfaits et les
souffrances qui en découlent qui s’expriment notamment par un état d’agitation et des
autostimulations envahissantes............................................................................................55

6
C1.3 Les objectifs thérapeutiques pour Lisa porteront sur les gratifications sensorielles
provoquées par les instruments de musique qui l’amèneront à se mettre en action, à
développer son écoute et son attention, puis sur l’apport de savoir-faire pour enrichir son
expression.............................................................................................................................56
C1.4 La stratégie pour Lisa est de stimuler son élan et sa poussée corporelle pour
favoriser les interactions et améliorer ses capacités de communication.............................57
C1.5 Lisa a bénéficié de seize séances d’art-thérapie qui lui ont permis de développer une
forme de communication non verbale dans la pratique musicale.......................................58
C1.6 L’évaluation des items choisis pour Lisa montre une diversité grandissante de ses
expressions et des interactions, et l’enrichissement de sa communication.........................62
C1.7 Le bilan de la prise en soin de Lisa montre que les objectifs sont atteints pendant les
séances.................................................................................................................................65
C2. Thomas, 14 ans, atteint du syndrôme d’Angelman et en situation de polyhandicap, est
indiqué par le responsable de service pour une perte d’élan.................................................66
C2.1 L’état de base de Thomas est établi après plusieurs rencontres informelles et une
séance d’ouverture...............................................................................................................66
C2.2 L’analyse de l’état de base de Thomas montre un manque d’élan et d’intérêt pour la
plupart des activités qui lui sont proposées et une tendance à l’isolement.........................67
C2.3 Les objectifs thérapeutiques pour Thomas portent sur les gratifications sensorielles
procurées par l’écoute musicale, qui provoquent sa mise en mouvement et favorisent les
interactions, puis sur la mise en place d’une communication gestuelle dans la danse.......69
C2.4 La stratégie proposée pour Thomas est de provoquer des ressentis agréables pour
favoriser son entrée en relation et son engagement et l’amener à communiquer plus........69
C2.5 Thomas a bénéficié de seize séances d’art thérapie qui lui ont permis de se mettre en
mouvement et ont révélé certaines de ses capacités jusque là non observées.....................71
C2.6 L’évaluation des items choisis pour Thomas montre son engagement et ses capacités
à communiquer.....................................................................................................................75
C2.7 Le bilan montre que les objectifs sont atteints en séance et met en évidence les
limites de la prise en soin.....................................................................................................77
C3. Deux autres prises en soin sont décrites succinctement : Malo et Anna.......................78
D. Le bilan de toutes les prises en soin permet d’étayer l’hypothèse en mettant en évidence ses
limites.............................................................................................................................................80
D1. Le bilan de toutes les prises en soin permet de valider l’hypothèse, pendant les séances
d’art-thérapie...........................................................................................................................80
D2. Il n’est pas possible, à ce stade, de mesurer le bénéfice des séances d’art-thérapie dans
la vie quotidienne des enfants.................................................................................................81
D3. Une réunion de restitution avec l’équipe permet de présenter les prises en soin de Lisa
et Thomas et d’échanger sur la suite à donner à ce travail...................................................81
PARTIE III : LES RÉSULTATS OBTENUS MONTRENT LES BÉNÉFICES ET LES
LIMITES DES PRISES EN SOIN PROPOSÉES ET OUVRENT VERS DES PISTES DE
RÉFLEXION ET D’AMÉLIORATION.........................................................................................82
A. Des doutes sont émis sur les bienfaits apportés par ce travail en dehors des séances d’art-
thérapie...........................................................................................................................................82
A1. Il est difficile d’évaluer l’efficacité des prises en soin en dehors des séances d’art-
thérapie.....................................................................................................................................82
A1.1 Le comportement des enfants peut être très différent pendant les séances et dans leur
vie quotidienne.....................................................................................................................82

7
A1.2 L’objectivité des observations peut être questionnée en présence d’une situation
polyhandicap, d’une déficience intellectuelle profonde et en l’absence de langage verbal83
A1.3 Une observation conjointe par plusieurs professionnels serait intéressante, mais
l’enfant polyhandicapé voit son attention très vite perturbée lorsque plusieurs personnes
assistent à la séance individuelle.........................................................................................83
A1.4 La posture de la personne qui accompagne l’enfant est un élément déterminant dans
l’efficacité des prises en soin...............................................................................................83
A1.5 La marge de progression de l’enfant polyhandicapé est parfois complexe à
déterminer............................................................................................................................84
A1.6 L’autoévaluation par le cube harmonique n’a pas pu être réalisée lorsque l’enfant
présentait une déficience intellectuelle profonde.................................................................85
A1.7 Un plan d’accompagnement de soin aurait pu être mis en place pendant les prises en
soin pour impliquer d’avantage les professionnels qui accompagnent l’enfant au quotidien
et sa famille..........................................................................................................................86
A1.8 Un dispositif d’évaluation de la communication, le CHESSEP, aurait pu être utilisé
pour les évaluations.............................................................................................................87
A1.9 Une partie des évaluations de la communication auraient pu être menée par d’autres
professionnels de l’équipe, voire par la famille...................................................................87
A2. Le travail en équipe pluridisciplinaire et avec les familles prend toute son importance
dans l’accompagnement des personnes polyhandicapées......................................................87
A2.1 Des réunions sont organisées avec l’équipe et les familles pour restituer et échanger
sur les prises en soin en art-thérapie...................................................................................87
A2.2 Il est important de pouvoir croiser les observations régulièrement lors de temps
d’échange en équipe.............................................................................................................88
A2.3 La vidéo est un outil pertinent pour récolter des informations objectives et vérifier la
pertinence des observations.................................................................................................88
A3. Des questionnements émergent liés au profil des personnes polyhandicapées
présentant une déficience intellectuelle profonde..................................................................88
A3.1 La conscience de soi et le sentiment d’être sujet chez les personnes polyhandicapées
avec déficience intellectuelle profonde sont des concepts qui peuvent être questionnés.....88
A3.2 George Saulus propose une modélisation de la conscience de soi en fonction des
différents profils des personnes polyhandicapées et introduit le concept d’éprouvé
d’existence............................................................................................................................89
B. L’analyse des prises en soin au prisme d’autres méthodes d’accompagnement spécifiques des
personnes polyhandicapées permet de mener les réflexions plus loin...........................................90
B1. Les travaux d’Andreas Fröhlich sur la stimulation basale soulignent la pertinence du
choix de la musique et de la danse pour l’accompagnement des personnes polyhandicapées
et insistent sur l’importance d’un travail qui dépasse le temps des séances.........................90
B2. L’approche d’Emmi Pikler adaptée aux personnes polyhandicapées pourrait enrichir
les prises en soin art-thérapeutiques.......................................................................................91
B3. Une lecture transversale de ces deux approches permet d’en extraire les fondamentaux
sur lesquels s’appuyer dans l’accompagnement des personnes polyhandicapées................92
C. Une suite est envisagée dans les prises en soin des enfants et de nouvelles orientations sont
proposées.......................................................................................................................................93
C1. L’utilisation ou la fabrication de nouveaux instruments ou d’objets sonores, vibrants,
et adaptés à la personne permettrait d’aller plus loin dans le développement d’une
communication non verbale....................................................................................................93

8
C2. Les objets sonores et la communication qu’ils permettent pourraient être réutilisés dans
la vie quotidienne de l’enfant..................................................................................................93
C3. La communication développée lors des séances individuelles pourrait être reprises lors
de séances collectives pour développer les interactions entre les enfants au sein de l’unité 93
C4. Les séances au sein de l’école de musique ont permis de nouveaux échanges..............94
D. La découverte de la notion de handicap complexe ouvre de nouvelles perspectives...............94
CONCLUSION.................................................................................................................................95
LISTE DES SCHÉMAS, TABLEAUX ET GRAPHIQUES.........................................................97
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES.......................................................................................98
ANNEXES.......................................................................................................................................101

9
GLOSSAIRE
Affirmation de soi1 : Concerne les Cognitif4 : Se rapporte à la connaissance, et aux
compétences relationnelles de l’individu et vise moyens et mécanismes d'acquisition des
à l’expression de ses propres émotions, idées, connaissances
désirs ou besoins en respectant l’autre. En Art- Communication5 : Échange d'informations
Thérapie, elle correspond à la capacité à faire entre deux personnes ou plusieurs, l'une après
des choix, les exprimer et les assumer. l'autre.
Amour de soi2 : Capacité à prendre du plaisir à Confiance en soi5 : Capacité à se projeter dans
être. l’avenir.
Amusie3 : Perte de tout ou partie des fonctions Considération5 : Estime et intérêt envers une
du langage musical. chose, conscience de son existence.
Apathie4 : Indifférence affective se traduisant Cube harmonique5 : Modalité évaluative des
par un engourdissement physique et moral avec capacités auto évaluatives artistiques d’une
disparition de l’initiative et de l’activité. personne, et processeur thérapeutique en art-
Art4 : Activité d'expression volontaire humaine thérapie moderne.
orientée vers l'esthétique. Déficience4 : Insuffisance d’une fonction
Art I5 : Activité artistique orientée vers le physique ou intellectuelle.
ressenti corporel, expression brute, archaïque, Dépendance6: État d’une personne qui,
sans intention. nonobstant les soins qu’elle est susceptible de
Art II5 : Activité d’expression humaine qui recevoir, a besoin d’être aidée pour
passe d’un mode archaïque vers une expression l’accomplissement des actes essentiels de la vie
volontaire orientée vers l’esthétique, avec une ou requiert une surveillance régulière.
intention et une élaboration. Diachronie5 : Une chose après l’autre.
Autonomie4 : Faculté de se déterminer par soi- Goût7 : Ensemble des penchants, des
même, de choisir, d’agir librement. préférences qui correspondent à la personnalité
Besoin4 : Situation de manque ou prise de de chacun.
conscience d'un manque. Élan4 : Mouvement intérieur suscité par un vif
Bien-être4 : Sentiment général d'agrément, sentiment envers quelqu'un ou quelque chose.
d'épanouissement que procure la pleine Émotion5 : État affectif, coloration que l'on
satisfaction des besoins du corps et/ou de donne a un ressenti.
l'esprit. Engagement4 : Action de poser un acte
Boucle d’inhibition5 : Processus qui place un volontaire effectif.
patient dans une situation d’échec. Envie4 : Besoin, désir plus ou moins violent.
Boucle de renforcement5 : Processus qui place Estime de soi4 : Bonne opinion que l'on a de
un patient dans une situation de succès. soi-même, de sa propre valeur.
Cible thérapeutique5 : Élément précis visé par Exister8 : Être dans la réalité, avoir une réalité -
l’action thérapeutique. avoir la vie, vivre - avoir de l’importance, de la
valeur - s’affirmer, se faire reconnaître aux yeux
de la société, d’un groupe, d’une personne.
1 FANGET, Frédéric et ROUCHOUSE Bernard.
L'Affirmation de soi, une méthode de thérapie. Paris : Odile 5 FORESTIER, Richard. Regard sur l’Art. Tours : See You
Jacob, 2007. Soon, 2006.
2 ANDRE, Christophe et LELORD, François. L’estime de 6 Loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 [En ligne]. Service public
soi. Paris : Odile Jacob, 2002. de la diffusion du droit [consulté le 19/05/2022]. Disponible
3 Définitions issues de : Centre National de Ressources sur le World Wide Web :
Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le « https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/
19/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web : LEGIARTI000006681980/1997-01-01 ».
« https://www.cnrtl.fr ». 7 Définitions issues du Dictionnaire Larousse [En ligne].
4 Définitions issues de : FORESTIER, Richard. Dictionnaire Larousse [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur le World
raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017. Wide Web : « https://www.larousse.fr ».

10
Expression5 : Réaction à l'impression, Item9 : Plus petite unité sensible en rapport avec
extériorisation des états, sentiments, pensées et un objectif sanitaire. Fait concret minime
contenus de l'esprit. Peut être à visée observable.
communicante ou non. Maladie11 : Altération de l'état de santé se
Gastrotomie8 : Opération chirurgicale manifestant par un ensemble de signes et de
consistant à relier directement l'estomac à la symptômes perceptibles directement ou non,
peau par une sonde permettant l'alimentation. correspondant à des troubles généraux ou
Gratification sensorielle8 : Saveur positive localisés, fonctionnels ou lésionnels, dus à des
d’une captation sensorielle de l’être humain. causes internes ou externes et comportant une
Handicap9 : Constitue un handicap toute évolution.
limitation d’activité ou restriction de Mimesis12 : Terme tiré de la poétique d'Aristote
participation à la vie en société subie dans son et qui définit l'œuvre d'art comme une imitation
environnement par une personne en raison du monde tout en obéissant à des conventions.
d’une altération substantielle, durable ou Morbimortalité12 : Mortalité due à des
définitive d’une ou plusieurs fonctions maladies.
physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou Motivation11 : Ensemble des facteurs
psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble dynamiques qui orientent l'action d'un individu
de santé invalidant. vers un but donné, qui déterminent sa conduite
Heuristique10 : Art de trouver, de découvrir. et provoquent chez lui un comportement donné
Hypertonie11 : Augmentation anormale du ou modifient le schéma de son comportement
tonus (musculaire). présent.
Hypotonie11 : Diminution du tonus musculaire. Multihandicap13 : Association d’atteintes
Incapacité11 : État d'une personne qui n'a pas motrices et/ou sensorielles de même degré, ce
les qualités, les aptitudes requises pour une qui ne permet pas de déceler l’une plutôt que
activité, un état, une fonction. l’autre en déficience principale.
Indépendance11 : Relation, état de non- Norme11 : État habituel, régulier, conforme à la
dépendance. majorité des cas.
Infirmité motrice cérébrale11 : Paralysie et Opération artistique9 : Organisation des
déficience mentale par anomalie cérébrale éléments humains impliqués dans l’activité
survenue peu avant ou peu après la naissance. artistique. Interface méthodologique entre l’Art
Intention11 : Disposition d'esprit, mouvement et l’être humain.
intérieur par lequel une personne se propose, Pénalité9 : Entrave à la bonne santé, coloration
plus ou moins consciemment et plus ou moins désagréable de la qualité de vie, cause de
fermement, d'atteindre ou d'essayer d'atteindre souffrance existentielle.
un but déterminé. Polyhandicap14 : Le polyhandicap est une
situation de vie spécifique d’une personne
présentant un dysfonctionnement cérébral
précoce ou survenu au cours du développement,
8 Définitions issues de : FORESTIER, Richard. Dictionnaire ayant pour conséquence de graves perturbations
raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017.
9 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005. [En ligne]. Secrétariat 12 Dictionnaire de langue française. [En ligne]. Dictionnaire
d’état chargé des personnes handicapées [consulté le de langue française [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur
19/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web : le World Wide Web : « https://www.lalanguefrancaise.com/
« https://handicap.gouv.fr/la-loi-du-11-fevrier-2005-pour- dictionnaire/definition/morbi-mortalite ».
legalite-des-droits-et-des-chances » . 13 Comité national Coordination Action Handicap. [En ligne].
10 Définitions issues de Centre National de Ressources CCAH [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur le World
Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le Wide Web : « https://www.ccah.fr/CCAH/Articles/Les-
19/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web : differents-types-de-handicap ».
« https://www.cnrtl.fr ». 14 Comité d'Études, d'Éducation et de Soins Auprès des
11 Définitions issues du dictionnaire Larousse [En ligne]. Personnes Polyhandicapées. [En ligne]. CESAP [consulté le
Larousse [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur le World 19/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web :
Wide Web : « https://www.larousse.fr ». « https://www.cesap.asso.fr/ ».

11
à expressions multiples et évolutives de Souffrance17 : Disharmonie entre le bien-être et
l’efficience motrice, perceptive, cognitive et de la bonne santé.
la construction des relations avec Spasticité19 : Phénomène musculaire,
l’environnement physique et humain, et une caractérisé par un étirement rapide d’un muscle,
situation évolutive d’extrême vulnérabilité ce qui entraîne une contraction réflexe du
physique, psychique et sociale. muscle spastique.
Privation sensorielle12 : Absence de Style19 : Ensemble des moyens d'expression qui
stimulations des organes des sens par les agents traduisent de façon originale les pensées, les
extérieurs qui les provoquent habituellement, sentiments, la personnalité d'un auteur.
susceptible d'entraîner divers troubles Syndrome d’Angelman20 : Trouble sévère du
psychologiques. développement neurologique dont l’origine est
Proprioception11 : Sensibilité du système génétique. La maladie est caractérisée par une
nerveux aux informations sur les postures et les déficience mentale plus ou moins sévère, et une
mouvements, venant des muscles et des apparence et un comportement caractéristiques.
articulations. Sympathie19 : Attrait naturel, spontané et
Psychisme19 : Ensemble, conscient ou chaleureux qu'une personne éprouve pour une
inconscient, considéré dans sa totalité ou autre. Concordance entre deux ou plusieurs
partiellement, des phénomènes, des processus personnes que rapprochent certaines affinités,
relevant de l'esprit, de l'intelligence et de certains goûts ou jugements communs. Fait de
l'affectivité et constituant la vie psychique. s'associer aux sentiments d'autrui.
Qualité de vie15 : Perception qu'un individu a Synchronie17 : Simultanéité de plusieurs
de sa place dans la vie, dans le contexte de la éléments.
culture et du système de valeurs dans lequel il Tonus19 : État de contraction légère et
vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, permanente des muscles striés, assurant
ses normes et ses inquiétudes. l'équilibre du corps au repos et le maintien des
Relation16 : Échange d'information l'un avec attitudes, contrôlé par des centres cérébraux et
l'autre. Rapport hors-verbal qui existe entre les cérébelleux.
personnes dans un ressenti Simultané. Troubles du Spectre Autistique15 : Les troubles
Saveur17 : Ce qui constitue l'agrément, le du spectre autistique regroupent un ensemble
charme de quelque chose. d’affections. Ils sont caractérisés par un certain
Schéma corporel18 : Représentation mentale degré d’altération du comportement social et de
que l’être humain se fait de son corps. la communication. D’autres caractéristiques
Site d’action17 : Mécanisme humain défaillant. sont des modes atypiques d’activités et de
Somesthésie18 : Domaine de la sensibilité qui comportements, comme la difficulté à passer
concerne la perception consciente de toutes les d’une activité à une autre, une focalisation sur
modifications intéressant le revêtement cutanéo- des détails et des réactions inhabituelles à des
muqueux, les viscères, le système musculaire et sensations.
ostéo-articulaire. Vivre19: présenter les caractéristiques de la vie,
évoluer, se transformer.
15 Définition de l’OMS. [En ligne]. OMS [consulté le Volonté19 : Faculté de l'homme de se
19/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web :
« https://www.who.int/ ». déterminer, en toute liberté et en fonction de
16 Définitions issues de : FORESTIER, Richard. Dictionnaire
raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, Lausanne, 19 Définitions issues du dictionnaire médical. [En ligne].
2017. Dictionnaire médical [consulté le 19/05/2022]. Disponible
17 Définitions issues du dictionnaire Larousse [En ligne]. sur le World Wide Web : « https://www.dictionnaire-
Larousse [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur le World medical.fr/definitions/561-spasticite/ ».
Wide Web : « https://www.larousse.fr ». 20 Association Française du Syndrome d’Angelman. [En
18 Définitions issues de Centre National de Ressources ligne]. AFSA [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur le
Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le World Wide Web : « https://www.angelman-afsa.org/le-
19/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web : syndrome/description/definition/definition-du-syndrome-
« https://www.cnrtl.fr ». dangelman ».

12
motifs rationnels, à faire ou à ne pas faire ECSP : Évaluation de la Communication
quelque chose. Sociale Précoce.
ECP : Évaluation Cognition Polyhandicap.
SIGLES ESCS : Early Social Communication Scales.
AGAPEI : Association Granvillaise des Amis HAS : Haute Autorité de Santé.
et Parents d’Enfants Inadaptés. IMC : Infirmité Motrice Cérébrale.
ANESM : Agence Nationale de l'Évaluation et IME: Institut Médico-Éducatif.
de la qualité des Établissements et services OA : Opération Artistique.
Sociaux et Médico-sociaux. OG : Objectif Général.
ASE : Aide Sociale à l’Enfance. OI : Objectif Intermédiaire.
BR : Boucle de Renforcement. PAS : Plan d'accompagnement de Soins.
CDG : Congenital Disorder of Glycosylation. PPA : Projet Personnalisé d’Accompagnement.
CESAP : Comité d'Études, d'Éducation et de SA : Site d'Action.
Soins Auprès des Personnes Polyhandicapées. SAFS : Service d’Accueil Familial Spécialisé.
CIF : Classification internationale du SESSAD : Service d’Éducation de Suivi et de
Fonctionnement, du handicap et de la santé. Soins À Domicile.
CHESSEP : Communication Handicap TSA : Troubles du Spectre Autistique.
Complexe : Évaluer, Situer, S’adapter, Élaborer UAS : Unité d’Activités Sensorielles.
un projet Personnalisé. UES : Unité d’Éducation Sensorielle.
CPOM : Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de UNAPEI : Union nationale des associations de
Moyens. parents, de personnes handicapées mentales et
CT : Cible Thérapeutique. de leurs amis (anciennement : Union Nationale
DGCS : Direction Générale de la Cohésion des Associations de Parents d'Enfants
Sociale. Inadaptés).
DIHW : Dispositif Inclusif Henri Wallon.

13
INTRODUCTION
Il y a un peu plus de vingt ans, alors que je terminais de longues études scientifiques
universitaires dans le but de me consacrer à l’enseignement et à la recherche, j’ai rencontré la danse.
Cette rencontre a bouleversé ma vie. Quelques années plus tard je prenais un virage dans ma vie
professionnelle, je devenais professeur de danse, laissant derrière moi mes projets de carrière
universitaire. Depuis, j’enseigne la danse, et j’interviens également, avec la danse, auprès de
personnes fragiles ou en difficulté, en proposant des ateliers au sein de centres sociaux, d’EHPAD et
de diverses autres structures et associations. La musique fait aussi partie de ma vie, depuis
l’enfance, avec la pratique régulière de la guitare classique.
L’art-thérapie moderne réunit trois dimensions qui ont beaucoup de sens pour moi et qui ont
jalonné mon parcours professionnel : la science, l’Art et le soin. Le travail réalisé dans le cadre de la
formation de l’AFRATAPEM, et ce mémoire, qui en est l’aboutissement, donnent une cohérence à
ce chemin qui, au premier abord, pourrait paraître sinueux, voire désordonné.
Ce mémoire présente une expérience d’art-thérapie moderne à dominantes musique et danse
auprès d’enfants et d’adolescents en situation de polyhandicap accompagnés au sein un institut
médico-éducatif. C’est un travail qui étudie l’impact de l’art-thérapie sur la mise en action des
enfants et des adolescents et sur le développement de leurs capacités de communication, dans le but
de participer au grand et ambitieux objectif de les aider à se placer d’avantage en position de sujet.
Avant cette expérience, je n’avais jamais eu l’occasion de travailler auprès de personnes en
situation de handicap, mais j’en avais la volonté depuis longtemps. Cette volonté me vient, je crois,
de mon enfance et de mon adolescence, durant lesquelles j’ai passé beaucoup de temps avec mon
proche cousin, du même âge que moi, présentant une déficience intellectuelle. Jamais je ne l’ai
considéré comme quelqu’un de « différent » de moi. Il était, pour moi, mon cousin Fabrice, et nous
jouions beaucoup ensemble, interagissant de façon naturelle, comme deux enfants de la même
famille qui se connaissent bien. « Se reconnaître comme semblable est le préalable d’une
rencontre », écrit Agatha Zielinski, philosophe française.
Le polyhandicap est une situation de handicap particulière, ou cette reconnaissance de l’autre
comme semblable est souvent mise à mal. C’est une situation qui touche les trois sphères de l’être
humain (physique, mentale et sociale), dont la cause prend naissance dans les tout premiers
moments de la vie, où les handicaps se potentialisent, et dans laquelle les personnes se trouvent
dans une grande dépendance.
La première partie de ce mémoire présente les particularités du polyhandicap, les pénalités et les
souffrances rencontrées par les personnes qui vivent cette situation. Nous y présentons l’Art, ses
pouvoirs et ses effets, ainsi que les mécanismes humains qui sont mis en jeu dans la pratique
artistique. La musique et la danse, dominantes utilisées dans cette expérience, y sont décrites avec
plus de détails, dans leurs spécificités. Enfin nous présentons comment l’art-thérapie utilise l’Art
dans un processus de soin, et comment la musique et la danse peuvent contribuer à améliorer la
qualité de vie des enfants et adolescents polyhandicapés accompagnés au sein d’un institut médico-
éducatif. Tous ces éléments conduisent à poser l’hypothèse que l’art-thérapie peut permettre à ces
enfants et adolescents de se mettre en action et de développer leurs capacités de communication, et
ainsi de se placer davantage en position de sujet.
La deuxième partie présente la structure dans laquelle se sont déroulés mes deux stages, le
Dispositif Inclusif Henri Wallon (DIHW), son fonctionnement et le public qu’elle accueille. Deux
études cliniques sont détaillées, et deux autres expériences sont présentées plus brièvement. Le
bilan de toutes les prises en soin permet de mettre en évidence les bénéfices et les limites de l’art-
thérapie au regard de l’hypothèse posée.

14
La troisième partie porte sur l’analyse de l’expérience clinique, autant au niveau de son efficacité
que de ses limites. Cette partie fait émerger des questionnements et permet de mener les réflexions
plus loin, ouvrant sur des pistes nouvelles pour faire évoluer les prises en soin. L’expérience
présentée ici est analysée au regard d’autres approches de l’accompagnement de personnes en
situation de handicap, afin de mieux comprendre les résultats obtenus et d’enrichir la pensée.
Les prénoms des enfants ont été modifiés lors de la rédaction de ce mémoire.

15
PARTIE I : L’ART-THÉRAPIE PEUT PARTICIPER À AMÉLIORER LA QUALITÉ DE
VIE DES ENFANTS ET DES ADOLESCENTS POLYHANDICAPÉS EN LEUR
PERMETTANT DE SE METTRE EN ACTION ET DE DÉVELOPPER LEURS
CAPACITÉS DE COMMUNICATION

A. Le développement de l’être humain peut être entravé physiquement, mentalement et


socialement et conduire à vivre des situations de handicap

A1. Exister, pour l’être humain, ne se réduit pas simplement au seul fait de vivre

A1.1 L'être humain se développe selon 3 entités : physique, mentale et sociale


L’être humain est une entité physique. Il est à la fois une entité matérielle, au sens de la matière
qui le constitue, et une entité biologique, car l’être humain est un organisme vivant. Vivre*, c’est
« présenter les caractéristiques de la vie, évoluer, se transformer »21. La vie est caractérisée par un
début (la naissance) et une fin (la mort) et par des interactions entre le monde intérieur et le monde
extérieur. Grâce à ces échanges et au savoir corporel qu’il possède, l’être humain se maintient en
vie, son corps s'adaptant, se régulant, rétablissant sans cesse l'équilibre nécessaire à ce maintien de
la vie. C’est le principe de l’homéostasie.
L’être humain est également une entité mentale. Le mental intègre l’aspect cognitif et l’aspect
psychique. Le cognitif* « se rapporte à la connaissance, et aux moyens et mécanismes d'acquisition
des connaissances »22. Le psychisme* est l’« ensemble, conscient ou inconscient, considéré dans sa
totalité ou partiellement, des phénomènes, des processus relevant de l'esprit, de l'intelligence et de
l'affectivité et constituant la vie psychique »23. Le cerveau de l’être humain reçoit de nombreuses
informations de l’extérieur, qu’il traite et qu’il stocke. L’être humain a conscience de lui-même, il
sait qu’il est distinct de son environnement et il est capable de se différencier des autres êtres
humains.
L’être humain est enfin une entité sociale. Il vit parmi les autres êtres humains, il se construit et
évolue en grande partie grâce aux interactions qu’il entretient avec eux et avec son environnement
matériel. Ces trois entités placent l’être humain dans une dynamique d’échange.
A1.2 La bonne santé et la qualité de vie concernent ces trois domaines
Selon l’OMS, la santé est « un état de complet bien-être physique, mental et social, ne consistant
pas seulement en une absence de maladie* ou d'infirmité ». L’une des caractéristiques
fondamentales de l’être humain est qu’il tend vers le bonheur. Il est en quête d’une bonne qualité de
vie*. La qualité de vie, est, toujours d’après l’OMS, « la perception qu'un individu a de sa place
dans la vie, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lequel il vit, en relation avec
ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C'est un concept très large qui peut être
influencé de manière complexe par la santé physique du sujet, son état psychologique et son niveau
d'indépendance*, ses relations sociales et sa relation aux éléments essentiels de son
environnement ». La qualité de vie est une notion subjective, qui dépend de chaque être humain et
de l’environnement dans lequel il évolue. L’être humain cherche à donner un sens, un goût à son
existence, il recherche une saveur* existentielle.

21 Définitions du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 12/05/2022]. Disponible
sur le World Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/definition/vivre ».
22 [En ligne]. CNTRL [consulté le 12/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/definition/cognitif ».
23 [En ligne]. CNTRL [consulté le 12/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/definition/psychisme ».

16
A1.3 L’être humain recherche la satisfaction de ses besoins fondamentaux (modèles
de Maslow-Poletti)
La définition de la bonne santé fait apparaître la notion de bien-être*. Le bien-être est « un
sentiment général d'agrément, d'épanouissement que procure la pleine satisfaction des besoins du
corps et/ou de l'esprit »24. Un besoin* est « une situation de manque ou une prise de conscience d'un
manque »25. Tout comme les notions évoquées précédemment, un besoin peut être physique, mental
ou social. Plusieurs modèles décrivent les besoins fondamentaux de l’être humain.
En 1943, le psychologue américain Abraham Maslow classe les besoins fondamentaux en cinq
catégories et en propose une hiérarchisation sous forme d’une pyramide (Annexe 1). Selon lui, les
besoins situés à la base de la pyramide doivent être satisfaits, au moins en partie, pour que l’être
humain puisse accéder aux besoins supérieurs. Nous trouvons dans l’ordre de priorité : les besoins
physiologiques, de sécurité, d'appartenance, d'estime et d'accomplissement. En 1976, Rosette
Poletti, infirmière suisse, complète cette classification en précisant chaque catégorie, elle en ajoute
une nouvelle, le besoin de propriété, et distingue le besoin d'estime de soi et le besoin d’estime des
autres (Annexe 1).
A1.4. Plusieurs modèles décrivent l’estime de soi
Parmi les besoins évoqués se trouve le besoin d’estime et notamment le besoin d’estime de soi.
L’estime de soi* est la « bonne opinion que l'on a de soi-même, de sa propre valeur »26. En 2002,
Christophe André et François Lelord, psychiatres français, proposent un modèle 27 où l’estime de soi
se décompose en trois composantes : l’amour de soi*, qui est inconditionnel et ne dépend pas des
performances, la confiance en soi* qui s’applique aux actes et la vision de soi qui est le regard porté
sur soi (Annexe 3). En 2006, Richard Forestier, docteur en philosophie français et art-thérapeute,
propose un autre modèle, qui sera enrichi la même année par Hélène Bernhard et Corinne Millot,
art-thérapeutes françaises. Elles envisagent également l’estime de soi autour de trois composantes
qui sont l’amour de soi*, la confiance en soi*, et l’affirmation de soi*, cette dernière composante
étant en lien avec l’affirmation des goûts (Annexe 5).
A1.5 L’être humain ne se contente pas de vivre, il aspire également à exister
Les termes exister et vivre peuvent à première vue sembler équivalents. Nous avons déjà parlé
plus haut de la définition de la vie, et nous avons abordé la quête de saveur existentielle de l’être
humain. Nous trouvons plusieurs sens au terme « exister ». Exister*, c’est d’abord simplement
« posséder une réalité »28. Mais l’être humain n’existe pas seulement à la manière d’un objet. Le
deuxième sens que nous rencontrons est « avoir la vie, vivre » 29. Exister, ce serait alors simplement
vivre. Si nous revenons à la définition de la vie, au sens biologique du terme, cette définition semble
insuffisante lorsque l’on parle de l’être humain, qui n’existe pas non plus uniquement à la manière
d’une plante, ni même d’un animal.
L’être humain existe d’une manière particulière, et il a conscience de son existence. Une
troisième définition nous précise qu’exister, c’est « avoir de l’importance, de la valeur »30 ou

24 Définitions du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 12/05/2022]. Disponible
sur le World Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/lexicographie/bien-être ».
25 [En ligne]. CNTRL [consulté le 12/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/definition/besoin ».
26 [En ligne]. CNTRL [consulté le 12/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/definition/estime ».
27 ANDRE, Christophe et LELORD, Francois. Estime de soi, s’aimer pour mieux vivre avec les autres. Paris : Odile Jacob, 2008.
28 Définitions du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 12/05/2022]. Disponible
sur le World Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/definition/exister ».
29 Ibid.
30 Ibid.

17
encore « s’affirmer, se faire reconnaître aux yeux de la société, d’un groupe, d’une personne » 31. Si
nous allons plus loin et que nous revenons à l’étymologie du mot, exister vient du latin « ek-
sistere » : « sortir de, se montrer, se manifester »32. Dans une approche plutôt phénoménologique,
Martin Heiddeger, philosophe allemand, réserve d’ailleurs le terme d’existence à l’être humain 33.
Pour lui, seul l’être humain existe car sa manière d’être se distingue de tous les autres êtres. Jean-
Paul Sartre identifie l'existence à la nécessité de se dépasser soi-même 34. Pour lui, exister, c'est agir,
c'est faire des choix. L'existence, fondamentalement, est projet, choix, engagement. Exister serait
donc plus que vivre, et l’être humain ne se contente pas de vivre, il aspire à exister. L’être humain
est un être pensant, conscient de lui-même et des autres êtres humains, qui recherche le bien-être et
la satisfaction de ses besoins. Il s’affirme et fait des choix pour tendre vers le bonheur, et ainsi se
place en position de sujet.
A2. Le développement de l’être humain peut être perturbé et conduire à vivre une ou des
situation(s) de handicap

A2.1. Les premiers mois et les premières années de vie sont essentiels dans le
développement de l’être humain
L’une des caractéristiques de l’être humain est sa grande immaturité à la naissance. Lorsqu’il naît,
il se trouve dans une grande dépendance*. Contrairement à la plupart des animaux, il ne peut pas se
déplacer ni se nourrir seul. Son cerveau fait à peine trente pour cent de la taille qu’il atteindra à
l’âge adulte. Le développement du cerveau humain est complexe et sa croissance est spectaculaire
pendant la grossesse et le tout début de sa vie.
La période qui s’étend du 4ème mois de grossesse aux deux premières années de vie a été mise en
évidence dans le rapport des « 1000 premiers jours »35, établi en 2020 par une commission
d’experts, autour du neuropsychiatre et psychanalyste français Boris Cyrulnik. Ce rapport met en
évidence l’importance de cette phase du développement humain, « caractérisée par un rythme de
croissance sans équivalent à l’échelle d’une vie »36, durant laquelle le bébé grandit de deux
centimètres par mois, multiplie la taille de son cerveau par cinq, établissant chaque minute près de
deux cent mille connexions neuronales. C’est aussi une période de grande vulnérabilité pour
l’enfant, et pour ses parents, durant laquelle « les influences extérieures peuvent avoir un effet
durable»37. L’enfant y fait ses premiers apprentissages sociaux, émotionnels et cognitifs qui
« dépendent fortement des échanges et des liens d’attachement forts et sécures qui s’établissent
entre lui et ses parents »38.
D’après la théorie de Jean Piaget, biologiste et psychologue suisse, pendant ses deux premières
années de vie, période sensori-motrice, l’enfant, d’abord animé de réflexes innés, adapte
progressivement ses actions en fonction de son environnement. Par des actes répétitifs, puis
intentionnels et avec prise de conscience de son environnement (réactions circulaires primaires puis
secondaires), il acquière la notion de permanence de l’objet, de relation de causalité et commence
ainsi à développer son intelligence pratique. L’enfant développe sa motricité globale et fine,

31 Ibid.
32 Ibid.
33 HEIDEGGER, Martin. Être et temps. Paris : Gallimard, 1990.
34 SARTRE, Jean-Paul, L’existentialisme est un humanisme, Paris : Nagel, 1945.
35 CYRULNIK, Boris. Rapport des 1000 premiers jours. Paris, 2020. [En ligne]. Ministère des solidarités et de la santé [consulté le
20/05/2022] Disponible sur le World Wide Web : «https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-1000-premiers-jours.pdf».
36 Ibid.
37 Ibid.
38 Ibid.

18
commence à se déplacer, apprend à marcher. Il se prépare aussi à acquérir le langage verbal, qu’il
« comprend » d’abord sans pouvoir s’en servir lui-même39.
A2.2. L’identité de l’enfant se construit dans l’interaction avec les autres êtres humains et avec
son environnement
Lors de ses premiers mois et de ses premières années de vie, l’enfant va très progressivement
sortir de l’état de dépendance dans lequel il se trouve à la naissance, pour aller vers de plus en plus
d’indépendance, vers une individuation et la construction de sa personne. Soixante pour cent de sa
personnalité sera construite avant l’âge de trois ans40.
Dans sa théorie de l’attachement, John Bowlby, psychiatre et psychanalyste anglais, décrit
comment l’enfant explore son environnement à partir de son totem affectif, figure d’attachement
primaire (il s’agit le plus souvent de sa mère) et comment il s’en détache petit à petit jusqu’à ce
qu’elle devienne pour lui un objet indépendant, permanent dans le temps et dans l’espace. Donald
Winnicott, pédiatre et psychanalyste anglais, décrit l’importance des soins maternels dans les
premiers moments de la vie, qui soutiennent, contiennent, et jouent un rôle essentiel dans le
développement des frontières corporelles et psychiques de l’enfant. L’enfant crée un espace
potentiel qui lui permet de se séparer progressivement de sa mère et de développer un « self », une
image de soi41.
Le développement social de l’enfant prend donc ses racines très tôt, dès 6 mois il découvre ses
semblables, avec la locomotion il commence à interagir avec eux. Vers l’âge de 9 mois il vit ses
premiers conflits et c’est à partir de 18 mois qu’il devient capable de sympathie*, faisant mieux la
différence entre lui-même et les autres42. Lev Vygotski, psychologue russe, s’est rendu célèbre grâce
à sa « théorie du développement social » dans laquelle il suggère que le développement humain est
en grande partie un processus social et que les interactions sociales influencent de manière
déterminante le processus de développement cognitif. Ce dernier est optimal dans une zone de
développement proximale qui correspond à tout ce que l’enfant peut maîtriser quand une aide
extérieure et appropriée lui est donnée.
A2.3 Le développement de l’être humain peut être influencé par des facteurs
personnels ou environnementaux et conduire à vivre des situations de handicap
Le développement humain est un phénomène qui concerne tous les êtres humains, qui débute
avec la conception pour se terminer avec la mort. Chaque être humain est singulier et va suivre son
propre chemin de développement, tout en restant la plupart du temps dans une norme*, un « état
habituel, régulier, conforme à la majorité des cas »43. À n’importe quel moment de sa vie, l’être
humain peut voir son développement entravé dans un ou plusieurs domaines, à la suite d’un
évènement, d’une maladie, d’un accident. L’altération de l’un ou plusieurs de ses systèmes
organiques ou anatomique peut le conduire à présenter des déficiences* entraînant parfois des
incapacités*. Cela n’arrête pas son développement en tant qu’être humain, mais peut le faire sortir
de la norme, voire l’amener plus ou moins durablement à vivre une ou des situation(s) de
handicap*.
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et
la citoyenneté des personnes handicapées, dans son article 114, définit le handicap comme « toute
limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement
39 CHARDON, Fabrice. Développement psycho-affectif de l’enfant de 0 à 16 ans. Tours : Enseignement AFRATAPEM, 2020.
40 Ibid.
41 WINNICOTT Donald. La Mère suffisamment bonne. PAris : Payot,2006.
42 CHARDON, Fabrice. Développement psycho-affectif de l’enfant de 0 à 16 ans. Tours : Enseignement AFRATAPEM, 2020.
43 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 16/05/2022]. Disponible sur le World
Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/lexicographie/norme ».

19
par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs
fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un
trouble de santé invalidant »44. La classification internationale du fonctionnement, du handicap et de
la santé (CIF) introduite par l’OMS en 2001 distingue cinq types de handicaps : moteur, sensoriel,
mental, psychique, et les maladies invalidantes.
A2.4 Lorsque l’enfant, dès le début de sa vie, ne peut pas expérimenter et interagir librement,
son développement est entravé de façon complexe
Nous avons vu que l’enfant, au début de sa vie, pour se développer physiquement, mentalement
et socialement, s’appuie sur ses expériences et surtout sur les interactions qu’il peut avoir avec les
autres êtres humains et avec son environnement. Il arrive que ces expériences et ces interactions
précoces ne puissent pas avoir lieu, ou qu’elles soient limitées, et que le développement de l’enfant
s’en trouve entravé très tôt. Une maladie, ou une anomalie génétique, peuvent provoquer par
exemple une déficience dans la sphère physique d’un être humain dès le début de sa vie,
l’empêchant de se déplacer librement pour explorer on environnement, d’aller à la rencontre de ses
semblables, de manipuler les objets qui l’entourent. En plus de ses déficiences motrices, l’enfant, ne
pouvant pas expérimenter librement, peut présenter une déficience intellectuelle. Ayant peut-être
alors difficilement accès à la symbolisation, et donc au langage, sa sphère sociale s’en trouve
également affectée. Un développement perturbé pendant cette période cruciale est une
problématique complexe qui impacte l’être humain dans sa globalité et peut avoir des effets à long
terme.
A2.5 Lorsque le développement de l’être humain est entravé très tôt dans sa vie, à la
fois physiquement, mentalement et socialement, il peut conduire à une situation de polyhandicap
Dans certains cas le développement de l’être humain est perturbé avant sa naissance, au moment
même de sa naissance, ou dans les premiers moments de sa vie, ce sont respectivement les périodes
anténatale, périnatale et postnatale. Les handicaps sont alors souvent multiples, et l’on parle de
handicaps associés ou de multihandicap*. Dans ce type de situation, les différents handicaps se
côtoient (plurihandicap), avec parfois la prédominance d’un handicap initial duquel découlent des
handicaps secondaires (surhandicap).
Il existe une situation de handicap particulière qui trouve la plupart du temps sa cause dans ces
périodes proches de la naissance, et qui se distingue de la situation de multihandicap car les
handicaps ne se contentent pas de se côtoyer, ils se potentialisent et s’aggravent mutuellement. On
parle alors d’une situation de polyhandicap*. Il s’agit d’une « situation de vie spécifique d’une
personne présentant un dysfonctionnement cérébral précoce ou survenu au cours du développement,
ayant pour conséquence de graves perturbations à expressions multiples et évolutives de l’efficience
motrice, perceptive, cognitive et de la construction des relations avec l’environnement physique et
humain. Il s’agit là d’une situation évolutive d’extrême vulnérabilité physique, psychique et
sociale »45. George Saulus , psychiatre et philosophe français, décrit le polyhandicap comme étant
« un tout formé de déficiences et d’incapacités solidaires, telles que l’expression de l’une dépend
des autres et ne peut être ce qu’elle est que dans et par son rapport avec les autres »46. Les causes
principales du polyhandicap dans la période anténatale sont des lésions ou malformations

44 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005. [En ligne]. Secrétariat d’état chargé des personnes handicapées. [Consulté le 12 mai 2022].
Disponible sur le World Wide Web : «  https://handicap.gouv.fr/la-loi-du-11-fevrier-2005-pour-legalite-des-droits-et-des-
chances ».
45 CAMBERLEIN Philippe Et PONSOT Gérard, La personne polyhandicapée : La connaître, l’accompagner, la soigner. 2ème
édition. Paris : Dunod, 2021. Chap. 1, La situation de polyhandicap, une situation particulière de handicap, p.74.
46 SAULUS, Georges. Modèle structural du polyhandicap ou : comment le polyhandicap vient-il aux enfants? Revue la psychiatrie
de l’enfant. 2008/1, N°51, p. 153 à 191.

20
cérébrales, anomalies structurelles, pathologies vasculaires, infectieuses, toxiques, anomalies
génétiques. Dans les périodes périnatale ou postnatale, il s’agit le plus souvent d’asphyxies,
d’accidents vasculaires, d’infections ou de traumatismes47.
La plupart du temps, les causes du polyhandicap sont multiples. Un fœtus ayant des
prédispositions génétiques peut présenter, par exemple, des difficultés d’adaptation dans le milieu
intra-utérin, et naître prématurément. Le bébé prématuré, peu résistant et immature, est plus enclin à
subir alors des lésions supplémentaires dans le milieu extra-utérin.
A3. Le polyhandicap est une situation de handicap particulière qui altère les trois entités
de l’être humain et dans laquelle la personne a des besoins spécifiques

A3.1 La personne polyhandicapée se trouve dans une grande dépendance et est


limitée physiquement, mentalement et socialement
Le polyhandicap touche aux trois sphères de l’être humain. Elle provoque des difficultés motrices
et des complications orthopédiques (paralysie, spasticité*, atteintes neuromusculaires, déformations
osseuses et articulaires), des pathologies touchant différents systèmes organiques (respiratoires,
urinaires, digestives), des troubles sensoriels (déficiences, hypo ou hypersensibilité). L’épilepsie est
souvent présente et parfois résistante. La déficience intellectuelle est sévère à profonde. Les
troubles du comportement et les troubles psychopathologiques sont fréquents, avec notamment des
difficultés de régulation émotionnelle. Toutes ces difficultés, qu’elles soient physiques ou mentales,
provoquent une limitation des capacités d’expression*, de communication* et de relation*. La
personne polyhandicapée se trouve dans une grande dépendance pour tous les actes de la vie
quotidienne, notamment en ce qui concerne la mobilité et les déplacements, mais également les
actes vitaux (nutrition, élimination). Son autonomie* est réduite, parfois de façon majeure, du fait
de sa déficience intellectuelle marquée et de ses difficultés de communication.
A3.2 La personne polyhandicapée reçoit des soins et des traitements lourds et est souvent
placée dans une position d’objet
En présence de nombreux traitements médicamenteux, d’une rééducation quotidienne,
d’appareillages divers, d’assistance pour tous les gestes du quotidien, la personne polyhandicapée
fait l'objet de soins quotidiens de la part des soignants, mais aussi de la part de ses parents et des
différents intervenants qui l’accompagnent. De par ses difficultés, notamment en terme de
communication, la personne peut se trouver réduite à l’état d’« objet de soin ». N’ayant pas toujours
accès aux ressentis, aux besoins et aux désirs de la personne, et travaillant souvent dans des
conditions qui ne facilitent pas cet accès (sous-effectif, accompagnement collectif, matériel et
environnement non adaptés), les professionnels et les proches ne peuvent pas toujours recueillir le
consentement de la personne, et ils pensent, décident et agissent « pour elle » et « sans elle ». Les
traitements sont parfois intrusifs et douloureux, sans qu’une compréhension soit toujours accessible
pour la personne.
A3.3 L’enfant ou l’adolescent polyhandicapé peut présenter un stade de développement mental
remontant à sa naissance ou à sa toute petite enfance
Andreas Fröhlich, professeur en pédagogie allemand, souligne que le monde de la personne
polyhandicapée est « réduit ou ramené à la sphère physique directe et à un vécu affectif
complètement assujetti au vécu corporel. Une forme de vie que nous avons tous connue quand nous

47 CAMBERLEIN Philippe Et PONSOT Gérard, La personne polyhandicapée : La connaître, l’accompagner, la soigner. 2ème
édition. Paris : Dunod, 2021. Chap. 1, La situation de polyhandicap, une situation particulière de handicap, p.73 à 92.

21
étions nourrissons. »48. La plupart des personnes polyhandicapées présentent une déficience
intellectuelle sévère à profonde, qui, d’après le DSM-5 (manuel diagnostique et statistique des
troubles mentaux), se caractérise, au niveau cognitif, par un langage verbal rudimentaire à absent,
des acquisitions mnésiques fragiles, un raisonnement limité ou inexistant, une conception du temps
et de l’espace confuse.
George Saulus dégage trois profils psychodéveloppementaux de polyhandicap 49. Le profil I
renvoie aux stades de développement les plus précoces, durant lesquels c’est la motricité qui a
valeur de balbutiements de la vie psychologique. Les mouvements ont une fonction de décharge
motrice, les seules initiatives motrices se rapprochant des réactions circulaires primaires de Piaget.
Dans le profil II, les compétences cognitives premières se manifestent (mémorisation, attention
sélective, comparaison), le mouvement peut être intentionnel (similaire aux réactions circulaires
secondaires de Piaget) et l’intention de communiquer émerge. Dans le profil III, on voit apparaître
des capacités d’attention conjointe, la notion de permanence de l’objet, le lien de causalité, un code
oui/non peut exister, ainsi qu’une capacité de choix et un début d’activité symbolique.
A3.4 La personne polyhandicapée n’a pas toujours accès à une conscience de soi bien
établie

1) La conscience de soi est le résultat d’une élaboration qui débute dès la naissance
D’abord grâce au regard que lui renvoie sa mère, puis lors du stade du miroir, décrit par Henri
Wallon, neuropsychiatre français, l’enfant développe une conscience de soi, qui devient plus claire
vers ses 18 mois lorsqu’il s’identifie face à un miroir. L’enfant se perçoit alors à la fois comme une
unité et comme distinct des autres et de son environnement.
Mais d’après Philippe Rochat, psychologue suisse, cette conscience de soi est « le produit d’une
expérience perceptive du corps que fait le bébé dès la naissance et peut-être même avant. Il s’agit
d’une expérience du corps propre en soi, mais aussi en interaction avec les choses physiques, et plus
important encore, en interaction avec autrui»50. La première étape en est le développement du sens
d’un soi « écologique », un concept qui fait prédominer le corps physique. Suite à toutes les
expériences sensorielles (plurisensorielles même, comme le toucher double) et proprioceptives
vécues par l’enfant, le corps est perçu comme entité différenciée, située et agente dans
l’environnement. On parle alors de conscience de soi primaire, ou « écologique ».
2) L’élaboration de la conscience de soi passe d’abord par le corps
L’importance du corps dans la construction de sentiment d’existence, d’identité du bébé, a
également été mise en évidence par Didier Anzieu, psychanalyste français 51. Pour lui, ce sentiment
d’être une personne unifiée et distincte s’appuie sur la peau, avec l’émergence d’un « moi-peau ».
Pour se construire une représentation mentale de son corps, le schéma corporel*, l’enfant passe
également par différentes étapes. Il développe d’abord un sentiment d’enveloppe corporelle, en
percevant les limites de son corps. Il prend ensuite conscience du rassemblement des deux moitiés
de son corps52, perçoit ses membres inférieurs et son axe. Le langage joue plus tard un rôle
48 FRÖHLICH Andreas. La stimulation basale : le concept. Biel, Suisse : Ed. SZH/SPC, 2000, p.33.
49 CAMBERLEIN Philippe et PONSOT Gérard, La personne polyhandicapée : La connaître, l’accompagner, la soigner. 2ème
édition. Paris : Dunod, 2021, p.239.
50 ROCHAT, Philippe. Conscience de soi et des autres au début de la vie. Revue Enfance Enfance 2003/1, N°55, p.39-47.
51 ANZIEU, Didier. Le moi-peau. Paris : Dunod, 1995.
52 GEORGE-JANET Lucie. Que savons-nous de l’appréhension du monde par la personne polyhandicapée ?. In
CAMBERLEINCAMBERLEIN ,Philippe et PONSOT, Gérard, La personne polyhandicapée : La connaître, l’accompagner, la
soigner. 2ème édition. Paris : Dunod, 2021. Chap. 18, Problématique et pédagogie de diverses approches et méthodes éducatives,
p. 374. Philippe Et PONSOT Gérard, La personne polyhandicapée : La connaître, l’accompagner, la soigner. 2ème édition.
Paris : Dunod, 2021.

22
important dans sa connaissance de son propre corps et c’est aussi en partie par le langage que
l’enfant se différencie, lorsqu’il commence à parler de lui en utilisant le « je ».
3) La conscience de soi d’une personne polyhandicapée est inaboutie
Pour l’enfant polyhandicapé, cette construction se fait en présence des déficits physiques et
mentaux que nous connaissons, des possibilités d’interaction limitées, d’un langage peu ou pas
développé, et de nombreux soins qui font que le corps est plus souvent subi que vécu. Selon les
travaux de Juliane Dind, pédagogue suisse, il existe chez certaines personnes polyhandicapées (de
profil II et III), une activité psychique en terme de conscience de l’environnement et du corps
propre53. C’est une forme d’activité de conscience de soi, où le soi semble se rapprocher du soi
«écologique » du bébé. Un soi « entitaire » au sens qu’il est à la fois « un tout organisé,
spatialement unitaire et spatialement distinct d’autrui et de l’environnement ». Dans certains profils
de polyhandicap (type I), ce soi serait encore plus archaïque, pas encore un soi écologique, dans le
sens où il est d’entitarité inaboutie (pas du tout ou pas tout à fait spatialement unitaire, ni
spatialement distinct). On parle alors d’une protoconscience de soi.
A3.5 La personne polyhandicapée est freinée dans ses interactions avec les autres et avec son
environnement et rencontre des difficultés en terme de communication, et ce souvent depuis son
plus jeune âge
Très tôt l’être humain se prépare à communiquer. Dans le ventre de sa mère, déjà, il réagit aux
sons et aux vibrations et y répond par le mouvement, ce qui provoque chez sa mère une réaction
émotionnelle et motrice54. Dans les premiers moments de vie, un dialogue tonique se met en place
entre le bébé et sa mère, celle-ci répondant, par des mots ou des gestes, aux signaux corporels de
son enfant. Avant la fin de la première année de vie, on voit apparaître chez l’enfant les précurseurs
de la communication que sont : le contact visuel, le désir de communiquer, l’attention conjointe, le
tour de rôle, l’imitation motrice et verbale55.
Le bébé en situation de polyhandicap expérimente peu par lui même. Les déficiences qu’il
présente peuvent fausser les informations qu’il reçoit et rendent complexe la lecture des signaux
qu’il émet. Plus tard, l’enfant polyhandicapé n’a pas toujours accès au langage, ni aux codes de
communication alternative qu’on lui propose. Il peut ne pas toujours montrer son intention de
communiquer, et parfois même être démuni dans sa compréhension de ce qui se joue dans cette
communication. Les difficultés de communication de la personne en situation de handicap existent
aussi bien en position de récepteur que d’émetteur. Elles sont également partagées par le partenaire,
qui se trouve face à une expression atypique par sa nature, son amplitude et sa temporalité,
difficilement interprétable et subjective.
A3.6 La personne polyhandicapée a des besoins spécifiques (modèle de Fröhlich des
besoins fondamentaux et spécifiques des personnes polyhandicapées)
Il est complexe de cerner et de satisfaire les besoins fondamentaux de la personne
polyhandicapée, car cette situation, qui amplifie les besoins, empêche souvent d’y apporter une
réponse appropriée. Andreas Fröhlich a tenté de les décrire dans un modèle en 1995. Thierry
Rofidal, médecin français et Concetta Pagano, éducatrice spécialisée française, complètent quelques

53 DIND, Juliane. Les manifestations de la conscience de soi chez l’enfant polyhandicapé. FRIBOURG, Suisse : Université de
Fribourg. 1 vol. 299 p. Thèse de doctorat : Psychologie : Université de Fribourg : 2018.
54 GAUTEYRON, Marie. Communication non verbale et polyhandicap : La psychomotricité en soutien à la communication non
verbale auprès de sujets présentant un polyhandicap. Bordeaux : Institut de Formation en Psychomotricité. 1 vol. 97p.
Mémoire : Psychomotricité : Institut de Formation en Psychomotricité : 2020.
55 Les précurseurs à la communication. Québec : 2021. [En ligne]. Clinique d’orthophonie du suroît [consulté le 20/05/2022].
Disponible sur le World Wide Web : « https://www.orthophoniedusuroit.ca/articlesblogue/les-precurseurs-a-la-communication ».

23
années plus tard ce modèle56 et le mettent en regard de la pyramide des besoins d’Abraham Maslow
(Annexe 2). Ils font apparaître cinq catégories de besoins fondamentaux de la personne
polyhandicapée : le besoin d’éviter la faim, la soif et la douleur, le besoin de stimulation, de
changement et de mouvement, le besoin de sûreté, stabilité et de sécurisation des relations, le besoin
de lien, d’acceptation, de tendresse et de communication et le besoin d’indépendance, d’autonomie,
d’autodétermination, de reconnaissance et d’estime de soi. Dans le but d’améliorer
l’accompagnement de la personne polyhandicapée, Andreas Fröhlich va ensuite plus loin en
décrivant leurs besoins spécifiques, au nombre de cinq également : besoin d'une tierce personne
pour prendre soin d'elle, besoin d'une tierce personne pour bouger ou changer de position, besoin
d'une grande proximité physique pour faciliter les approches élémentaires avec l'environnement et
pour vivre des expériences, besoin d'une grande proximité physique pour percevoir d'autres
personnes, besoin de personnes qui la comprennent même sans langage verbal et qui tiennent
compte de ses compétences.
A4. Les pénalités provoquées par le polyhandicap et les besoins non satisfaits de la
personne conduisent à des souffrances

A4.1 Le polyhandicap entraîne des pénalités en cascade


Lorsque la bonne santé est entravée, que la qualité de vie a une « coloration désagréable, cause de
souffrance existentielle »57 nous parlons de pénalité*. Nous distinguons quatre types de pénalités : la
maladie, le handicap, la blessure de vie et les choix de vie. Dans le polyhandicap, les pénalités se
présentent en cascade, une pénalité en entraînant une autre. Par exemple, une maladie peut entraîner
le handicap, provoquant l’entrée en institution et l’éloignement de la personne de sa famille, ce qui
constitue alors une blessure de vie.
A4.2 Ces pénalités entraînent des souffrances qui peuvent s’exprimer par de la
fatigue, des douleurs, des difficultés pour s’alimenter, des troubles musculaires et respiratoires
La personne polyhandicapée présente souvent de nombreux troubles, qui sont aussi posturaux, et
accentués par le fait qu’elle ne déambule pas : des muscles hyper ou hypotoniques, des tendons trop
courts ou trop longs, des déformations des os et des articulations, une spasticité. Les déformations
rachidiennes peuvent parfois retentir sur ses fonctions vitales et sur son système respiratoire. Les
difficultés respiratoires, parfois liées à ces troubles, peuvent aussi être provoquées par des
problèmes digestifs. L’insuffisance respiratoire est l’une des premières causes de morbi-mortalité*
chez ces personnes. L’alimentation peut être perturbée, d’abord par des difficultés de déglutition,
mais aussi de digestion (présence de reflux gastro-oesophagien, constipation), par une absence ou
une limitation de l’exploration de la zone orale. Les risques de dénutrition sont fréquents.
La personne polyhandicapée est exposée à la douleur, souvent depuis sa naissance (réanimation,
interventions chirurgicales, examens médicaux intrusifs), mais également dans son quotidien
(douleurs articulaires, digestives, cutanées, bucco-dentaires, urinaires). Il est complexe d’évaluer la
douleur dans le polyhandicap, la personne rencontrant des difficultés dans sa perception et son
expression, les accompagnants ayant du mal à la décrypter, et les échelles ou questionnaires
d’évaluation n’étant pas toujours adaptés. Toutes ces souffrances*, les pathologies multiples, les
troubles du sommeil, l’épilepsie, les effets secondaires des traitements, entraînent une fatigue très
présente et une grande fatigabilité.

56 ROFIDAL Thierry et PAGANO Concetta. Projet individuel et Stimulation basale : Vers une pédagogie de l’accompagnement de
la personne en situation de polyhandicap. 2ème édition. Toulouse : Érès, 2021.
57 FORESTIER, Richard. Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017, p. 369.

24
A4.3 Certains besoins non satisfaits des personnes polyhandicapées peuvent les
amener à présenter des troubles du comportement et notamment des manifestations d’agitation,
d’autostimulation, d’avidité relationnelle, envahissantes pour la personne et pour son entourage
Il est fréquent de constater, chez les personnes polyhandicapées, des troubles du comportement,
dont la cause peut être liée à une maladie, au fait que le cerveau ne régule plus le niveau d’activité
de la personne (hyperactivité ou, au contraire, apathie*), aux effets secondaires des médicaments.
Mais certains troubles du comportement peuvent être directement liés à la non satisfaction des
besoins de la personne. Il peut s’agir de besoins purement physiologiques, mais également d’autres
besoins difficilement exprimables par la personne polyhandicapée. Cela semble être le cas pour les
comportements d’autostimulations (ou stéréotypies*) ou d’automutilations. Une privation
sensorielle*, un besoin de stimulation, de changement et de mouvement non satisfait peut conduire
la personne, « pour conserver sa stabilité psychique et physique, à s’organiser elle-même des
situations stimulantes »58. La personne provoque des stimulations vibratoires (cris, frappes sur le
visage ou sur le corps), vestibulaires (balancements, grands mouvements de la tête) ou somatiques
(frottement des mains, morsures). Elle peut aussi mettre en place ces comportements pour attirer
l’attention, manifestant ainsi son besoin de lien, d’acceptation, de tendresse et de communication. Il
est possible qu’elle montre ainsi également l’insatisfaction de son besoin de sécurité, de sûreté et de
stabilité face à trop de changements ou à des situations incomprises et imprévisibles. Limitée dans
sa motricité et sa capacité d’exprimer ses désirs et ses choix, la personne peut aussi manifester de
cette façon son besoin d’indépendance, d’autonomie, d’autodétermination, de reconnaissance et
d’estime de soi.
Le besoin de lien, d’acceptation, de tendresse et de communication, non satisfait, provoque dans
certains cas un comportement de repli sur soi, ou au contraire une avidité relationnelle. Tous ces
comportements, ainsi que ceux d’agressivité, de destruction, souvent envahissants, sont difficiles à
comprendre et à accepter pour l’entourage de la personne, provoquent des souffrances chez les
personnes qui l’accompagnent et dépassent parfois les capacités d’adaptation de l’environnement.
A4.4 Les difficultés de communication des personnes polyhandicapées conduisent
parfois à un isolement social et à un repli sur soi
Nous l’avons vu, le polyhandicap, depuis le tout début de la vie, ne facilite pas les interactions
sociales. La personne n’a pas la possibilité d’aller librement vers les autres, elle peut subir un rejet
de par ses déficiences physiques et mentales. Nécessitant parfois une prise en charge dans un
hébergement en institution, elle se trouve parfois éloignée de sa famille. Il arrive que des troubles
du spectre autistique (TSA*) soient présents. Une situation d’isolement social se met parfois en
place. Les comportements envahissants décrits précédemment contribuent à cet isolement. La
douleur, l’hypersensibilité, un environnement qui n’est pas adapté, peuvent conduire à un
comportement de repli sur soi.
Les difficultés rencontrées en terme de communication sont souvent à l’origine de cette situation
d’isolement social et de ce comportement de repli sur soi. L’intention de communiquer de la
personne n’est pas toujours présente, ou elle est présente mais non visible, non comprise ou non
soutenue. Une expression troublée, atypique, qui n’est pas toujours reçue, comprise et qui ne donne
pas toujours lieu à une réponse adaptée peut conduire la personne à considérer qu’il ne vaut pas la
peine d’interagir.

58 ROFIDAL Thierry et PAGANO Concetta. Projet individuel et Stimulation basale : Vers une pédagogie de
l’accompagnement de la personne en situation de polyhandicap. 2ème édition. Toulouse : Érès, 2021. p.55.

25
A4.5 Les souffrances des personnes polyhandicapées peuvent altérer leurs ressentis corporels,
diminuer leur poussée corporelle et les conduire à une perte d’élan pour toutes les activités de la
vie quotidienne
L’élan* est un « mouvement intérieur suscité par un vif sentiment envers quelqu'un ou quelque
chose »59. L’élan est « incitation, stimulation et pulsion motrices initiales à tout mouvement »60, il
est associé à la sphère mentale de l’être humain. On peut le rapprocher de l’anacrouse, ou levée
musicale (la ou les notes qui précèdent le premier temps fort de la phrase musicale). La poussée
corporelle, ou poussée motrice, se rapporte au tonus* musculaire et à la motricité, elle concerne le
corps physique. Elle est l’énergie nécessaire à l’entraînement de la masse corporelle61.
Les souffrances vécues par la personne polyhandicapée, et notamment la douleur et la fatigue,
agissent directement sur ses ressentis et donc sur son envie*. Les troubles du comportement,
l’isolement social, le repli sur soi peuvent conduire à une forme de passivité, qui se répercute
souvent dans toutes les activités de la vie quotidienne. La motivation* de la personne peut s’en
trouver freinée, conduisant à une perte d’élan et à une volonté* moindre. La volonté agissant
directement sur la poussée corporelle 62, celle-ci peut s’en trouver diminuée. Les troubles du tonus
(hypotonie* ou hypertonie*, gestes incontrôlés) agissent également sur cette poussée corporelle en
la désorganisant.
A4.6 Un tableau met en lien les souffrances avec les besoins fondamentaux spécifiques des
personnes polyhandicapées
Tableau 1 - Souffrances et besoins spécifiques des personnes polyhandicapées
Souffrances physiques Souffrances Souffrances sociales Besoins non satisfaits
mentales/psychiques
Douleur, inconfort Apathie Repli sur soi Besoins physiologiques
Fatigue, troubles du sommeil Dépression Agressivité
Troubles du tonus, contractions
musculaires, troubles
respiratoires, alimentaires
Angoisse
Effets secondaires des
traitements
Motricité limitée Frustration Besoin de changement, de
Structure et poussée Agitation stimulation et de
corporelles diminuées Comportement mouvement
d’autostimulation ou
d’automutilation
Peur de l’avenir,de la mort Troubles du Besoin de sûreté, stabilité
Anxiété, sentiment d’insécurité comportement et sécurisation des
Incompréhension de relation
l’environnement
Difficulté à Besoin de lien,
communiquer d’acceptation, de
Repli sur soi tendresse et de
Avidité relationnelle communication

59 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World
Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/definition/élan».
60 FORESTIER, Richard. Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017. p.147.
61 FORESTIER, Richard. Tout savoir sur l’art-thérapie. 6èmeédition. Lausanne : Favre, 2009. p.169.
62 CHARDON, Fabrice. La considération de la dynamique relationnelle comme outil d’évaluation thérapeutique en art-thérapie
moderne. Tours : Enseignement AFRATAPEM, 2021.

26
Action limitées Sensation, sentiment de ne pas Isolement social Besoin d’indépendance,
Dépendance pour tous les actes être sujet, d’être hors norme d’autonomie et
de la vie Confiance en soi diminuée d’autodétermination, de
reconnaissance et
d’estime de soi

B. L’Art est une expression humaine qui implique le corps, peut agir sur l’élan et la poussée
corporelle et avoir des effets relationnels

B1. L’Art est une expression humaine orientée vers l’esthétique

B1.1 L’esthétique est la science du beau dans l’Art et la nature


La notion d’esthétique renvoie à plusieurs définitions : « qui a rapport au sentiment du beau, à sa
perception »63, « qui a rapport à la perception de la beauté, au sentiment qu’elle fait naître »64, « qui
est motivé par la perception et la sensation du beau »65. Étymologiquement, esthétique vient du grec
« aisthetikos » (« qui a la faculté de sentir; sensible, perceptible » ou « percevoir par les sens, par
l'intelligence »). Dans toutes ces définitions sont présentes, d’une part la notion de beauté, d’autre
part les notions de sensation et de perception, de sens et d’intelligence.
On doit la naissance de la notion d’esthétique, comme discipline philosophique à part entière, au
philosophe allemand Alexander Baumgarten. L’esthétique est pour lui « la science du beau dans
l’art et dans la nature »66. D’autres philosophes ont réfléchi sur cette notion. Emmanuel Kant,
philosophe allemand, propose lui aussi sa vision de l’esthétique, et surtout du jugement esthétique,
subjectif, le beau s’étendant du laid au sublime. Il qualifie ce jugement de « réfléchissant », car il
réconcilie en l’être humain l’universalité et la subjectivité67.
Dans le plaisir esthétique, se met en place une dynamique harmonieuse entre les facultés
mentales et physiques de l’être humain, comme si l’être humain pensait avec son corps. Lorsque
cette harmonie conduit au désir d’une harmonie avec les autres, c’est l’émotion* esthétique.
D’après Charles Pépin, philosophe français, il s’agit de « ce plaisir étrange, ni simplement sensuel,
ni vraiment intellectuel non plus, cette satisfaction gratuite, désintéressée, cette évidence qui
soudain vous apaise lorsque vous dîtes : c’est beau. » 68. La neuroesthétique est la science qui étudie
l’expérience esthétique au niveau neuronal. Plusieurs études dans ce domaine ont pu mettre en
évidence les zones du cerveau activées lorsqu’un jugement esthétique est émis, ou lorsque
l’émotion esthétique est vécue, et leur lien avec avec les systèmes cérébraux de la récompense, de la
mémoire et des émotions69.
Richard Forestier propose en 2017 la définition suivante de l’esthétique : « domaine des
gratifications sensorielles* pures relatives à la beauté et des modalités sensibles de nature à
provoquer ces sensations. Peut être artistique ou naturelle »70.

63 Dictionnaire Larousse [En ligne]. Larousse [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World Wide
Web :« https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/esthétique ».
64 Encyclopædia Universalis [En ligne]. Universalis [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web :
«https://www.universalis.fr/dictionnaire/esthétique/».
65 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World
Wide Web :« https://www.cnrtl.fr/definition/esthétique ».
66 BAUMGARTEN Alexander Gottlieb. Esthétique (Aesthetica, 1750). Paris : L'Herne, 1989.
67 KANT, Emmanuel. Critique de la faculté de juger. Paris : Flammarion, 2015.
68 PEPIN, Charles, Quand la beauté nous sauve : Comment un paysage ou une œuvre d’art peuvent changer notre vie ? Paris :
Robert Laffont, 2013. p.16.
69 AVERTY, Christophe. Quand la science prouve que l’art fait du bien. [En ligne]. Le Monde, octobre 2020 [consulté le
20/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web : « https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/10/22/quand-la-science-prouve-
que-l-art-fait-du-bien_6056952_3246.html ».
70 FORESTIER, Richard. Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017. p.167.

27
B1.2 On distingue l’art utile de l’Art agréable
Le mot « art » a la même étymologie que le mot « technique », ils viennent tous deux du terme
grec « techné » (en latin « ars »), qui signifie « habileté, métier, connaissance technique »71. Cette
origine du mot « art » renvoie à un savoir-faire, et désigne une activité de production humaine, par
opposition à l’activité de la nature. Jusqu’à la renaissance, l’art est orienté dans un but religieux,
éducatif, il est utile. Ce n’est qu’au 16 ème siècle que l’artiste commence à se distinguer de l’artisan,
qu’il passe de la « poiesis » (mot grec où le résultat prime sur l’activité) à la « praxis » (où l’activité
est une fin en soi), qu’il se place en tant que sujet et ne se contente plus de répondre à des
commandes. Il cherche à obtenir un ressenti spécifique, renvoyant à un savoir ressentir et à un
savoir être. Mais c’est au 18ème siècle, avec l’arrivée de la notion d’esthétique, que la séparation
entre l’artiste et l’artisan, entre l’art utile et l’Art agréable, s’opère réellement, et que l’Art* devient
une « expression volontaire humaine orientée vers l’esthétique »72. Ce qui différencie l’Art de l’art,
c’est son orientation vers l’esthétique.
B1.3 L’idéal esthétique est le juste rapport fond/forme
L’artiste recherche un idéal esthétique, qui est le juste rapport entre le fond et la forme. Le fond
est l’essence de l’œuvre, le contenu, ce qui veut être exprimé. Le fond est subjectif et se rapporte au
ressenti. Il évolue entre mimesis* (imitation) et heuristique* (découverte, nouveauté). La forme est
le contenant, elle est objective, en lien avec la technique utilisée, elle se rapporte au représenté. En
Art, l’objectivité et la subjectivité sont essentielles et complémentaires 73, et l’idéal esthétique,
rarement atteint, parfois approché, est l’accord parfait entre le ressenti et le représenté, entre
objectivité et subjectivité.
B1.4 La pratique artistique comporte deux phases : l’Art I et l’Art II
Dans l’activité artistique, on distingue deux phases. La première, l’Art I* ou Art premier, fait
dominer le ressenti corporel, c’est une expression archaïque basée sur la saveur, sans intention
particulière. Nous pouvons illustrer cette phase d’Art I par une activité durant laquelle un très jeune
enfant explorerait un instrument de musique en se basant uniquement sur son expérience
sensorielle, sans intention de produire un son, sans connaître la fonction pour laquelle l’instrument a
été construit. Il va par exemple chercher à entrer à l’intérieur d’un tambour plutôt qu’à frapper
dessus. La seconde, l’Art II* ou Art second, implique la technique et une intention esthétique. Elle
fait appel à des connaissances et à un savoir-faire. Pour reprendre l’exemple du tambour, nous
pouvons illustrer cette phase d’Art II par une activité d’apprentissage des différents gestes de frappe
sur le tambour, des différentes façons de placer les mains, en vue de moduler le son, ou par une
activité de mémorisation de motifs rythmiques. La pratique artistique est le plus souvent une
dynamique d’allers-retours entre ces deux phases d’Art I et d’Art II.
B1.5 Le phénomène artistique est la partie observable de l’activité artistique
Dans l’activité artistique, beaucoup d’aspects des mécanismes humains impliqués ne sont pas
visibles de l’extérieur. Le phénomène artistique est ce qui est observable et comporte trois étapes
qui peuvent se suivre ou alterner : l’intention, l’action et la production. L’intention* est issue du
rapport entre une sensation et un but, elle se distingue de la volonté. La volonté permet le passage à
l’action, l’action étant la mise en mouvement du corps. L’action peut donner un résultat, une

71 Technique et art. [En ligne]. Encyclopædia Universalis [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web :
«https://www.universalis.fr/encyclopedie/technique-et-art/»
72 FORESTIER, Richard. Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017. p. 31.
73 FORESTIER, Richard. Le métier d'art-thérapeute. Lausanne : Favre, 2014.

28
production, se présentant dans un rapport fond/forme qui peut correspondre, nous l’avons vu, à un
idéal esthétique.
B2. La pratique artistique met en jeu de nombreux mécanismes humains

B2.1 La pratique artistique implique le corps en stimulant les sens


La pratique artistique (qu’elle soit musique, danse, arts plastiques...) implique évidemment le
corps et la motricité. L’œuvre d’Art (musique, chorégraphie ou performance, sculpture ou tableau)
rayonne, son rayonnement est capté par l’être humain, par l’intermédiaire de ses récepteurs
sensoriels. Lorsqu’il pratique un Art, l’être humain utilise également ses sens (il écoute ce qu’il
joue, regarde sa partition ou son dessin, il touche son instrument, son partenaire de danse). C’est le
mécanisme de l’impression qui, par l’intermédiaire du système nerveux périphérique et du système
nerveux central, permet à l’être humain de capter une stimulation et de la transformer en sensation,
puis en perception. Le ressenti (de « re » et « senti »), est un « rebond du senti », il s’appuie sur les
sensations pour déterminer une qualité, les sensations peuvent alors être agréables ou désagréables
et provoquer des émotions, réactions involontaires neurophysiologiques, qui entraînent à leur tour
des manifestations corporelles. Dans l’activité artistique, le ressenti corporel est important, il permet
l’autorégulation motrice nécessaire à l’activité.
B2.2 La pratique artistique implique l’esprit
Lors de l’activité artistique, l’être humain utilise ses facultés mentales pour traiter les informations
reçues, les sensations captées. Il fait par exemple appel à ses connaissances, sa mémoire, son
imagination, sa capacité à faire des choix. Les sensations se transforment en perceptions, les
émotions qui perdurent se transforment en sentiments. Chaque information est enregistrée avec une
certaine saveur, qui est la qualité de la sensation, et constitue un nouveau savoir. Chaque sensation
possède un rapport saveur/savoir particulier, de telle sorte que la saveur régule le savoir. Le
représenté s’articule au ressenti, l’un pouvant nourrir l’autre, et inversement.
B2.3 Pour pratiquer un Art, l’être humain organise sa structure corporelle
Le corps de l’être humain est également sollicité, dans la pratique artistique, par l’intermédiaire
de sa structure corporelle. La structure corporelle est l’organisation des segments corporels en vue
d’une activité. Elle est en lien avec les ressentis et est à différencier du schéma corporel qui est la
connaissance de la structure corporelle, ou « la représentation mentale que l’être humain se fait de
son corps »74. La structure corporelle s’organise en localisant concrètement les ressentis qui sont
spécifiques à chaque segment du corps.
B2.4 La pratique artistique sollicite l’élan et la poussée corporelle
L’intention esthétique peut faire naître la motivation, « tension vers un but »75, et générer l’élan
corporel. L’élan corporel est une tension physique et psychique, un mouvement intérieur qui incite
l’être humain à agir. Si l’intention est suffisamment renforcée, elle donne naissance à la volonté,
« capacité à prendre des décisions et à les réaliser »76, et permet la poussée corporelle. La poussée
corporelle a le pouvoir d’entraîner la masse corporelle, elle engage les capacités motrices, elle est
observable physiquement. Pour Fabrice Chardon, psychologue clinicien et art-thérapeute, tous ces

74 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World
Wide Web : «https://www.cnrtl.fr/definition/schéma».
75 FORESTIER, Richard. Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017.p. 306,
76 Ibid.p. 610.

29
mécanismes du corps physique, le ressenti, la structure, l’élan corporel et la poussée corporelle
« permettent de vivre consciemment et d’avoir une connaissance concrète de son existence »77.
B2.5 En s’engageant dans la pratique artistique, l’être humain est amené à affirmer
son goût et à exprimer son style
Que ce soit dans la contemplation ou dans l’action, lorsque l’élan et la poussée corporels sont
présents, c’est un signe d’engagement*. L’être humain qui s’engage « pose un acte volontaire
effectif »78. L’engagement implique l’amour de soi, c’est une attitude, un savoir être dans laquelle la
personne se considère elle-même, autant qu’elle considère ce qu’elle produit. Lorsque l’être humain
s’engage dans la pratique artistique, en lien avec ses ressentis, il est amené à faire des choix, à
affirmer son goût*. Il réagit quantitativement, ce qui se manifeste par des réactions sensorielles, et
qualitativement, ce qui est complètement subjectif et propre à lui-même. « Le goût entraîne une
détermination de la personne et sollicite la faculté d’assumer cette détermination »79, le goût
implique l’affirmation de soi et le savoir ressentir de la personne. En faisant des choix et en
affirmant ses goûts, en exprimant ce qui lui plaît ou ce qui lui déplaît, la personne développe son
autonomie et se place en position de sujet.
En se mettant en action dans la pratique artistique, la personne organise sa structure corporelle
d’une façon particulière, ce qui exprime son style*, sa personnalité. Elle s’inscrit dans le temps, et
utilise sa capacité à se projeter, ce qui implique la confiance en soi et le savoir-faire. Le style de
l’artiste se reflète également dans la production, lorsqu’il va jusqu’à produire. Pour Fabrice
Chardon, la capacité à faire des choix, à se projeter et à se considérer « permettent de s’exprimer en
sujet autonome »80. Le goût, le style et l’engagement « concernent la saveur existentielle et
participent à la recherche d’une qualité de vie »81.
B2.6 L’Art a un pouvoir éducatif, un pouvoir d’entraînement et peut avoir des effets
relationnels
L’Art a un pouvoir éducatif (au sens premier du terme, soit le « développement et
l’épanouissement des facultés humaines »82), il agit sur le corps et le mental, éduque les sens et
affine les perceptions. La pratique artistique permet, par exemple, d’augmenter son acuité auditive
(musique) ou visuelle (peinture), de développer sa motricité fine (dessin), d’améliorer son équilibre
(danse). La pratique artistique permet aussi de développer son imagination, son langage, sa
mémoire (théâtre, écriture).
L’Art a un pouvoir d’entraînement, il agit sur la structure corporelle et sur l’élan corporel. C’est
ce qui fait qu’une personne peut parfois se mettre en mouvement sans même s’en rendre compte,
hocher la tête, se balancer ou taper du pied en écoutant de la musique, toucher une œuvre d’Art dans
un musée même si cela est interdit.
L’Art peut avoir des effets relationnels, en provoquant des interactions sociales, en favorisant la
communication et la relation. C’est le cas lors de certaines pratiques collectives (orchestres), mais
aussi lorsque que l’activité est individuelle, et que la personne est en lien avec d’autres pratiquants,
lorsqu’elle échange, partage ou ressent un sentiment d’appartenance. Cet effet relationnel est

77 CHARDON, Fabrice. La considération de la dynamique relationnelle comme outil d’évaluation thérapeutique en art-thérapie
moderne. Tours : Enseignement AFRATAPEM, 2021.
78 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World
Wide Web : «https://www.cnrtl.fr/definition/engager ».
79 FORESTIER, Richard. Tout savoir sur l’art-thérapie. 6èmeédition. Lausanne : Favre, 2009.p.196.
80 CHARDON, Fabrice. La considération de la dynamique relationnelle comme outil d’évaluation thérapeutique en art-thérapie
moderne. Tours : Enseignement AFRATAPEM, 2021.
81 Ibid.
82 FORESTIER, Richard. Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Éditions Favre, 2017. p 144.

30
évidemment très présent lors d’une représentation ou d’une exposition, où les productions sont
partagées avec un public.
L’Art peut également présenter des dangers. Il peut provoquer des blessures physiques
(syndromes liés à des gestes répétés lors de la pratique d’un instrument de musique, blessure en
danse). Il présente des dangers psychiques (troubles existentiels du comédien). L’Art peut aussi
isoler socialement (certains artistes se replient sur eux-mêmes de façon pathologique).
B3. La musique est une pratique artistique accessible qui met en jeu de nombreux
mécanismes physiques et mentaux
La musique est un « Art qui permet à l'homme de s'exprimer par l'intermédiaire des sons »83. On
ne peut pas dater de façon précise l’apparition de la musique. Les premiers instruments de musique
auraient existé 40 000 ans avant J-C. Mais l’être humain était déjà probablement capable, bien avant
cette date, de produire des sons et des rythmes organisés, avec son corps, sa voix ou des éléments de
la nature. L’émergence de la musique pourrait bien dater de l’apparition de l’être humain. La
musique semble avoir toujours été intimement liée à la vie des êtres humains, et ce quelque soit leur
culture, l’époque, leur âge, cette pratique accompagnant chaque étape de leur vie (apprentissages,
rituels, mariages, naissance et mort).
B3.1 L’écoute musicale est une pratique accessible au plus grand nombre, qui
stimule les sens et provoque des émotions, en nécessitant peu de prérequis
D’après Emmanuel Bigand, chercheur qui étudie les effets de la musique sur le cerveau, « la
musique accompagne nos vies, de la naissance à nos dernières heures, et en scande les étapes les
plus fondamentales, le bébé naît musical, le vieillard meurt musical »84.
La musique est reçue par les capteurs sensoriels de l’être humain de plusieurs façons. L’ouïe est
le sens dominant dans cette captation. La vue est également sollicitée, lorsque l’écoute musicale se
fait en présence du musicien, de l’orchestre qui produit. Le son est lié à une vibration de l’air qui
peut percuter le corps humain. La captation de la musique peut donc également se faire par
l’intermédiaire de la peau, et même à un niveau plus profond, par les parties dures du corps humain,
les os85. C’est alors le sens du toucher qui devient déterminant.
Avant la formation du système auditif, qui devient fonctionnel au cinquième mois de grossesse, le
fœtus perçoit déjà les stimuli tactiles par sa peau et les vibrations par ses os, et ce dès la fin du
deuxième mois de grossesse. Il reçoit d’abord les bruits de l’intérieur du corps de sa mère
(battements du cœur, respiration, bruits intestinaux), puis les sons de l’extérieur (voix de sa mère, de
son père, autres bruits de l’environnement) et parmi eux la musique. Ce sont là parmi les premières
sensations du fœtus. Après la naissance, dès leurs premiers mois de vie, la plupart des nourrissons
sont sensibles à la musique. La transmission des vibrations sonores par les os est amplifiée et
enrichie par la présence les nombreuses cavités présentes dans le corps. C’est ce qui fait que, même
en présence de certaines déficiences sensorielles, la musique peut tout de même être reçue (par des
personnes présentant une surdité par exemple).
Dès l’âge de cinq mois, le bébé est capable de reconnaître la musique, et montre plus d’intérêt
lorsqu’un adulte chante les mêmes chansons que ses parents86. Parfois dès deux mois, le bébé

83 Dictionnaire Larousse [En ligne]. Larousse [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web :
« https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/musique».
84 BIGAND, Emmanuel. Les bienfaits de la musique sur le cerveau. Paris : Belin, 2018. p.8.
85 FORESTIER, Richard. Tout savoir sur la musicothérapie : L’art-thérapie à dominante musicale. Lausanne : Favre, 2011.
86 CYRULNIK, Boris. Rapport des 1000 premiers jours. Paris, 2020. [En ligne]. Ministère des solidarités et de la santé [consulté le
20/05/2022] Disponible sur le World Wide Web : «https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-1000-premiers-jours.pdf».

31
modifie son comportement lorsqu’il détecte des variations du tempo ou des modifications du
contour mélodique87.
Toutes ces sensations liées à la musique, et les émotions qu’elles provoquent, sont donc
accessibles au plus grand nombre, dès le début de la vie, et nécessitent peu de prérequis. Pour des
personnes de même culture, les émotions ressenties sont assez semblables 88, notamment en ce qui
concerne les émotions de joie ou de tristesse liées à l’écoute musicale. Très peu de personnes ne
perçoivent pas la musique ou ne sont pas sujettes à des émotions en l’écoutant. Il existe néanmoins
des cas d’amusie* congénitale ou acquise, provoquant une incapacité à discriminer les hauteurs des
sons, « les mélodies perdent leurs qualités musicales et tendent à acquérir un caractère amusical des
plus désagréables »89. Pour les individus concernés, environ trois à quatre pour cent de la
population, la musique et le bruit sont des stimuli identiques.
B3.2 L’écoute et la pratique de la musique agissent sur le corps et notamment sur la
respiration, le rythme cardiaque, la pression artérielle
La musique, écoutée ou jouée, agit sur le corps à de nombreux niveaux, et les émotions qu’elle
produit sont visibles physiquement, notamment sur les systèmes respiratoire et cardiovasculaire.
L’effet de la musique sur la respiration est bien sûr évident lorsqu’une personne se met à chanter, le
chant impliquant directement les organes composant le système respiratoire. Cet effet sur la
respiration, le rythme cardiaque et la pression artérielle, est présent également lors de la pratique
d’un instrument de musique, et lors de l’écoute musicale. Selon une étude menée en 2005 par le
cardiologue américain Peter Sleight, lors de l’écoute musicale, « La musique lente ferait respirer
plus profondément, diminuant ainsi la pression artérielle et le rythme des battements cardiaques,
tandis que les tempos rapides ont des effets opposés sur le système cardiovasculaire »90. Une étude
plus récente menée en 2017 par Edith van dyck, chercheure en musicologie belge, montre un effet
du tempo de la musique écoutée sur le nombre de pulsations cardiaques par minute91.
Le frisson musical92 décrit par Hervé Platel, professeur de neuropsychologie français, est une
émotion brève et particulièrement intense, ressentie parfois à l’écoute d’une musique, qui
s’accompagne d’une accélération du rythme cardiaque et d’une modification de l’amplitude
respiratoire.
B3.3 La musique agit sur le cerveau et active le circuit de la récompense
Les effets de la musique sont principalement associés, dans le cerveau, à l’activité du lobe frontal
ou des systèmes limbiques ou paralimbiques 93. Ces zones sont généralement particulièrement
associées aux émotions. Lors de l’écoute musicale, les musiques ressenties comme particulièrement
agréables activent le circuit de la récompense, ou circuit de la motivation.
La première étude réalisée sur les origines cérébrales du frisson musical a été réalisée par les
chercheurs américains Anne J. Blood et Robert Zatorre en 2001. Elle montre que « la musique
87 BARUCH, Clarisse. La perception de la musique chez les bébés. In LECHEVALIER Bernard, PLATEL Hervé et EUSTACHE
Francis. Le cerveau musicien. Paris : Deboeck supérieur, 2010. p.197-205.
88 BIGAND, Emmanuel. Les bienfaits de la musique sur le cerveau. Paris : Belin, 2018.
89 SACKS, Olivier. Musicophilia. Paris : Seuil, 2009. p.132.
90 BERNARDI, L., PORTA, C. et SLEIGHT, P. Cardiovascular, cerebrovascular, and respiratory changes induced by different
types of music in musicians and non-musicians: the importance of silence. [En ligne]. Pubmed [consulté le 20/05/2022]
Disponible sur le World Wide Web : « https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16199412/ »
91 VAN DYCK, Edith. Adopting a music-to-heart rate alignment strategy to measure the impact of music and music tempo on
human heart rate. [En ligne]. Academic bibliography. Universiteit Gent. [consulté le 20/05/2022] Disponible sur le World Wide
Web : « https://biblio.ugent.be/publication/8518615/file/8519936.pdf ».
92 PLATEL, Hervé et THOMAS-ANTERION, Catherine. Neuropsychologie et art : Théories et applications cliniques. Paris : De
Boeck-Solal, 2014.
93 CHARDON, Fabrice. Évaluation des effets d’une pratique d’art-thérapie à dominante musicale auprès de personnes démentes
séniles. Tours : Enseignement AFRATAPEM, septembre 2021.

32
éveille des régions cérébrales fondamentales du point de vue biologique et anciennes du point de
vue de la théorie de l’évolution (le striatum ventral, contenant le noyau accumbens, l’insula et le
cortex orbitofrontal) »94. Ces régions interviennent dans le circuit de la récompense et sont activées
dans les situations de plaisir, provoquant le renforcement des comportements qui mènent à ce
plaisir. Dix ans plus tard, la même équipe met en évidence la dimension de plaisir inhérente à
l’écoute de musique et suggèrent que les états émotionnels musicalement induits sont associés à des
modulations du système dopaminergique. La dopamine, « molécule du plaisir », joue en effet un
rôle important dans le circuit de la récompense, elle en est le principal neurotransmetteur impliqué,
libéré dans le noyau accubens.
Les effets de la musique sur le cerveau sont nombreux et la pratique de la musique agit sur le
cerveau, allant jusqu’à le modifier fonctionnellement et structurellement 95. Fonctionnellement, les
neurones les plus sollicités par la pratique musicale se réorganisent et deviennent plus efficaces.
Structurellement, certaines aires, notamment le cortex moteur, grandissent en volume, et le nombre
de fibres reliant les deux hémisphères (dans le corps calleux) augmentent. Par son action
sensorielle, affective, cognitive et comportementale, la musique agit aussi directement sur les
composantes de la douleur, qu’elle soit aigüe ou chronique96.
B3.4 L’écoute ou la pratique de la musique sollicite les fonctions cognitives et
notamment l’attention et la mémoire
L’écoute musicale ou la pratique de la musique stimulent de nombreuses aires du cerveau et a
bien sûr un effet sur les fonctions cognitives. Écouter de la musique sollicite par exemple la
perception et le jugement. Déchiffrer une partition sollicite l’attention, la concentration, le
raisonnement. Dissocier le mouvement de ses deux mains pour jouer du piano sollicite la praxie et
la coordination. Comprendre ou apprendre les paroles d’une chanson sollicite le langage et la
mémoire. L’attention est une fonction complexe mais primordiale pour l’être humain, car elle est
nécessaire dans de nombreuses situations, notamment pour communiquer et pour apprendre. Elle
demande de sélectionner un stimulus et de maintenir ce stimulus à la conscience.
La pratique musicale sollicite la mémoire dans toutes ses dimensions, la mémoire à court terme
qui stocke des informations pour une courte durée, la mémoire de travail qui traite ces informations
et permet de les maintenir dans le temps, et la mémoire à long terme qui permet aux informations
d’être récupérées par la suite (comme les souvenirs). Le lien entre la musique et les souvenirs est
fort et touche à l’identité de la personne97. La mémoire peut fonctionner sur un mode volontaire ou
involontaire. Dans la mémoire musicale, beaucoup de connaissances et de représentations sont
acquises de façon automatique et ne nécessitent pas d’effort particulier98.
La mémoire musicale fonctionne également sous une forme émotionnelle, ce qui expliquerait
peut-être sa conservation, même quand les fonctions cognitives sont altérées. Chez des personnes
âgées présentant des maladies neurodégénératives et présentant des troubles mnésiques et du
langage, les capacités musicales sont parfois préservées de façon étonnante 99. Une étude montre que
l’exposition à une musique de façon répétée de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer à un
stade avancé génère chez elles un sentiment de familiarité avec cette musique, suggérant que de
94 PLATEL, Hervé et THOMAS-ANTERION, Catherine. Neuropsychologie et art : Théories et applications cliniques. Paris : De
Boeck-Solal, 2014. p. 38.
95 BIGAND, Emmanuel. Les bienfaits de la musique sur le cerveau. Paris : Belin, 2018.p.111.
96 GUÉTIN S. et TOUCHON J. Musicothérapie et prise en charge de la douleur. In BIGAND E., HABIB M. et BRUN V. Musique
et cerveau : nouveaux concepts, nouvelles applications. Montpellier : Sauramps Medical, 2012.
97 CHARDON, Fabrice. Évaluation des effets d’une pratique d’art-thérapie à dominante musicale auprès de personnes démentes
séniles. Tours : Enseignement AFRATAPEM, septembre 2021.
98 PLATEL H. et GROUSSARD M.BIGAND. La musique contre les troubles de la mémoire. In Emmanuel. Les bienfaits de la
musique sur le cerveau. Paris : Belin, 2018.p.141-158.
99 Ibid.

33
nouvelles mémorisations, de nouveaux apprentissages sont possibles dans le domaine musical
(chansons), alors qu’ils ne semblent pas possibles, pour ces personnes, dans le domaine
linguistique.
B3.5 La musique fait appel à la mémoire et peut renvoyer à des expériences
vibratoires, tactiles et vestibulaires vécues pendant les périodes anténatale, périnatale et postnatale
Nous avons vu que les premières expériences sensorielles (principalement des expériences
vibratoires, tactiles et vestibulaires) de l’être humain se font bien avant sa naissance. Les organes
sensoriels, à l'exception du système visuel, atteignent une maturation fonctionnelle avant la
naissance. C’est le cas du toucher, du sens de l’équilibre (système vestibulaire, somesthésie* et
proprioception*) et de l’audition. Les prémices des fonctions cognitives du fœtus, et notamment de
la mémoire, sont également en construction avant la naissance.
En 2000, Thomas Rizzo, chercheur américain, a mis en évidence l’habituation du fœtus à des
stimuli sonores répétés, une forme de mémoire à court terme, mais également à long terme 100, les
fœtus ont montré une mémoire à court terme d'au moins dix minutes et une mémoire à long terme
d'au moins vingt-quatre heures. Selon des chercheurs d’Helsinki qui ont mené une étude en 2013,
certains bébés, jusqu’à quatre mois après la naissance, réagissent différemment à des musiques que
leur mère a beaucoup écouté pendant les dernières semaines de grossesse 101. L’écoute ou la pratique
musicales peuvent faire appel à cette mémoire précoce et raviver ces premières expériences vécues
avant, pendant ou après la naissance.
B4. La musique et la danse peuvent amener à une meilleure conscience de son corps au
travers des ressentis qu’elles procurent

B4.1 La musique peut avoir une fonction contenante d’enveloppe sonore


Nous avons vu que le fœtus vit dans une ambiance sonore. Après la naissance, la place du sonore
dans les interactions entre la mère et son enfant est très importante (cris et réponses, échanges de
sons, berceuses). Didier Anzieu établit le concept du moi-peau qu’il définit lui-même comme « une
figuration dont le moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour
se représenter lui-même comme moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience
de la surface du corps »102. Le moi-peau est une sorte de peau psychique qui enveloppe le psychisme
comme la peau enveloppe le corps physique. Il se construit à partir des expériences des limites du
corps et a également une fonction d’individuation. Didier Anzieu décrit les enveloppes psychiques
qui participent à l’élaboration du moi-peau, dont l’enveloppe sonore, l’une des plus précoces, en
lien avec le bain sonore intra-utérin et l’environnement sonore du bébé au moment de et après sa
naissance. Didier Anzieu évoque la voix de la mère, mais également les berceuses, les chansons, la
musique, qui agiraient comme un bain mélodique et comme un miroir sonore antérieur au miroir
visuel, bien avant que le regard la mère ne vienne ébaucher et renforcer chez l’enfant la
construction d’un soi ». Edith Lecourt, psychanalyste et musicothérapeute, considère que « la
musique, dans l’univers sonore, constitue un espace privilégié, délimité par une sorte
d’enveloppe »103 qui contribue au « développement d’un soi psychique »104.
100 RIZZO Thomas. Habituation technique in study of development of fetal behaviour. [En ligne]. The Lancet, février 2001
[consulté le 20/05/2022] Disponible sur le World Wide Web : «https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-
6736(05)71499-9/fulltext».
101 PARTANEN E. ,KUJALA T.,TERVANIEMI M.,HUOTILAINEN M. Prenatal Music Exposure Induces Long-Term Neural
Effects. [En ligne]. Plos one, octobre 2013 [consulté le 20/05/2022] Disponible sur le World Wide Web :
« https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0078946 ».
102 ANZIEU, Didier. Le moi-peau. Paris : Dunod, 1995. p,61,
103 LECOURT, Edith. Découvrir la mosicothérapie. Paris : Eyrolles, 2005. p.156.
104 Ibid.

34
B4.2 La musique, par le pouvoir éducatif de l’Art et les vibrations qu’elle procure,
peut donner accès à des sensations corporelles en surface et en profondeur
La musique provoque des vibrations qui peuvent être reçues au niveau de la peau, par les
mécanorécepteurs, récepteurs sensoriels sensibles à la pression, à la chaleur et à la vibration.
Lorsque l’être humain perçoit des sensations venant de l’extérieur, nous parlons d’extéroception.
Les vibrations se propagent à l’intérieur du corps grâce aux parties dures du corps, les os, qui
comptent également des mécanorécepteurs. Lorsque l’être humain perçoit des sensations venant de
l’intérieur, nous parlerons d’intéroception. Toutes ces sensations sont récupérées par le système
nerveux périphérique et par le système nerveux central pour être traitées et intégrées mentalement.
La musique, par son pouvoir éducatif, en provoquant des sensations au niveau de la peau,
l’enveloppe du corps, donne à l’être humain des informations sur les limites de son corps et lui
permet de prendre conscience de ces limites. En provoquant en même temps des sensations plus
profondes, elle contribue en plus à la perception du corps comme un volume.
B4.3 La danse, par le pouvoir éducatif de l’Art, met en jeu la proprioception qui
donne des informations sur la position des différentes parties du corps, et du corps dans l’espace
La danse est un « mouvement rythmique du corps de l'homme »105, une « activité ludique d'une
personne seule ou de plusieurs partenaires, consistant à exécuter une suite de pas, de mouvements
du corps et d'attitudes rythmiques, le plus souvent au son d'une musique instrumentale ou
vocale »106. La danse, tout comme la musique, est un « phénomène universel et immémorial,
apparenté aux gestes les plus élémentaires de l'homme »107.
La danse, comme toutes les pratiques artistiques, implique le corps de nombreuses manières.
D’autres récepteurs sensoriels que ceux que nous avons déjà évoqués sont situés au niveau des
muscles, des articulations et des ligaments, ce sont les propriocepteurs108. Ils sont sensibles à la
position des membres dans l’espace, aux mouvements et à l’effort réalisé. Ils réagissent à des
stimuli mécaniques internes. Les propriocepteurs présents au niveau des fibres musculaires
détectent les variations de longueur des muscles, au niveau des tendons ils sont sensibles à la
tension musculaire, au niveau des articulations ils sont stimulés par les distorsions qui
accompagnent les changements de positions des os entre eux. Dans la pratique de la danse, les
propriocepteurs sont très sollicités et de nombreuses informations circulent, par l’intermédiaire du
système nerveux, sur la position du corps dans sa globalité, sur son mouvement, sur son
positionnement par rapport à l’espace et aux objets qui l’entourent, et sur la position des différentes
parties du corps entre elles. La proprioception est une perception qui peut être consciente ou
inconsciente, en fonction des récepteurs sensoriels sollicités, et qui est développée de façon
privilégiée par la pratique de la danse. Benoît Lesage, médecin et danse-thérapeute, en se basant sur
les travaux de Didier Anzieu, explique comment, en développant la proprioception, l’être humain
atteint une forme d’appropriation proprioceptive, qu’il nomme « approprioception »109, qui serait un
ancrage corporel de l’identité. « L’esprit est d’abord conscience d’avoir un corps et constat des
variations des états corporels »110.

105 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 12/05/2022]. Disponible sur le World
Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/definition/danse».
106 Ibid.
107 Dictionnaire Larousse [En ligne]. Larousse [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web :
« https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/danse/39587 ».
108 SILVERTHORN Dee Unglaub. Physiologie humaine. 4ème édition. Pearson France, 2018.
109 LESAGE Benoît. La danse dans le processus thérapeutique : Fondements, outils et clinique en danse-thérapie. Toulouse : Érès,
2006. p.17.
110 Ibid.

35
B4.4 La danse, grâce au pouvoir d’entraînement de l’Art, implique directement la structure
corporelle et le schéma corporel
L’une des particularités de la danse, parmi les différentes pratiques artistiques, est que dans cette
activité, le corps du danseur est son principal outil. Le corps est également le support de la
production. La danse est une activité physique qui engage l’être humain dans un mouvement. Pour
danser, pour mettre en œuvre ce mouvement, l’être humain organise les différentes parties de son
corps. La structure corporelle de la personne qui danse est directement sollicitée. Même lorsque la
personne est immobile, et contemple un danseur, sa structure corporelle est impliquée. C’est le
phénomène de « résonance motrice » décrit par Lucile Georges-Janet, neuropédiatre, dans lequel
« la perception d’un geste ou d’une action réalisée par une autre personne entraîne l’activation des
zones cérébrales (cortex pré-moteur) impliquées dans la réalisation de cette action »111.
Henri Wallon a mis en évidence le rôle du mouvement, et notamment de la répétition et de
l’imitation, dans la construction du schéma corporel chez l’enfant. Par le mouvement et par
l’acquisition de nouveaux gestes, la danse permet d’affiner la représentation que le danseur a de son
corps, et de préciser son schéma corporel112.
B4.5 La danse peut se pratiquer en musique et en contact avec un partenaire et peut
avoir des effets relationnels
La plupart du temps, la danse se pratique en musique. En alliant ces deux pratiques artistiques
simultanément (danse et écoute musicale), les informations captées par les récepteurs sensoriels
sont multiples et de nature à percevoir à la fois les limites du corps (vibrations reçues en surface par
la peau), l’intérieur du corps (vibrations reçues en profondeur, informations reçues par les
propriocepteurs), la position des différentes parties du corps et la position globale du corps dans
l’espace (propriocepteurs).
La danse peut également se pratiquer avec un ou des partenaire(s), et en contact (visuel ou
physique). C’est le cas par exemple des danses collectives, traditionnelles, des danses de salon.
Dans les danses à deux, les deux partenaires sont en contact par les mains, les bras, et parfois de
façon plus étroite (buste, bassin, jambes). En plus de l’effet relationnel qui peut en découler, toutes
les sensations procurées par la danse participent au développement d’une conscience de son propre
corps plus fine et plus riche, un corps perçu à la fois comme unitaire, mais aussi comme distinct du
corps de l’autre et de son environnement.
B5 La musique et la danse sont des arts synchroniques qui ont parfois des effets
relationnels pouvant se passer du langage verbal

B5.1 La musique et la danse sont des arts synchroniques qui permettent la


simultanéité de l’action et de la production, privilégiant ainsi l’instant présent et nécessitant peu de
repères temporels
La musique et la danse sont des Arts synchroniques*, c’est-à-dire que l’action et la production
sont simultanés. Contrairement aux arts plastiques, par exemple, Arts diachroniques, où l’action
précède la production, et où une trace perdure. Dans la pratique de la musique ou de la danse, le
musicien ou le danseur ne peuvent pas être séparés de leur action ou de ce qu’ils produisent. Si
aucun enregistrement ou aucune captation vidéo n’est réalisée, une fois l’action terminée, il ne reste
pas de trace matérielle de l’activité.

111 ROFIDAL Thierry et PAGANO Concetta. Projet individuel et Stimulation basale : Vers une pédagogie de l’accompagnement de
la personne en situation de polyhandicap. 2ème édition. Toulouse : Érès, 2021. p.71.
112 WALLON H. et LURCAT L. Espace postural et espace environnant. [En ligne]. Enfance, 1962 [consulté le 20/05/2022].
Disponible sur le World Wide Web : « https://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1962_num_15_1_2278 ».

36
En pratiquant régulièrement la danse ou la musique, l’artiste peut développer son savoir-faire et
se rapprocher de son idéal esthétique, il peut s’accorder de plus en plus à son ou ses partenaires.
Mais la danse et la musique peuvent aussi se vivre uniquement dans l’instant présent, sans
nécessiter de capacité de se projeter ou de repères temporels bien établis. Cela ne veut pas dire que
le temps n’existe pas, même dans cette façon de vivre ces pratiques. Il est bien évidemment présent
dans le rythme, la durée des notes, le tempo, la pulsation, l’alternance des mouvements et de
l’immobilité, du son et du silence. Mais il n’est pas nécessaire d’en avoir conscience pour pratiquer.
Pour Richard Forestier, dans l’activité musicale, le temps et l’espace sont mêlés 113. D’après Benoît
Lesage, la construction de l’identité passe par une structuration spatio-temporelle qui est
intimement liée au corps, « l’espace et le temps font intégralement partie du processus
d’individuation » et la danse a une fonction créatrice « du corps, de l’espace et du temps »114
B5.2 La musique et la danse sont des arts corporels qui peuvent conduire à une
forme de communication non verbale, voire à une relation hors verbale
La communication est un échange d’informations entre deux interlocuteurs, l’un après l’autre 115.
Pendant que l’un émet un message, l’autre le reçoit. La communication implique un message à
transmettre, un code commun, et la disponibilité des deux protagonistes. La modalité principale de
communication de l’être humain est le langage verbal. Mais la communication n’est pas uniquement
verbale, elle est de plusieurs natures : la communication verbale, la communication para-verbale (le
ton de la voix, son timbre, son débit, son rythme) et la communication non verbale. Cette dernière
peut être visuelle (attitudes corporelles, gestes, expressions du visage…), mais aussi sonore, tactile,
olfactive, thermique.
Pour Andreas Fröhlich, l’acte de communiquer est central pour l’être humain. Il met au point en
2011 un modèle116 des interactions humaines dans lequel la communication est centrale et
étroitement intriquée et dépendante des autres expériences vécues, parmi lesquelles : percevoir,
ressentir son propre corps, bouger, ressentir des émotions, comprendre, vivre des expériences avec
d’autres personnes (Annexe 4).
La musique est parfois considérée comme un mode de communication à part entière. « La
structure hiérarchique de la musique, son rythme et sa périodicité, son impact émotionnel et son
caractère universel en font un des meilleurs véhicules de partage émotionnel et social, engendrant
plaisir individuel et attachement aux autres »117. Emmanuel Bigand se pose la question de savoir si
la musique serait un langage universel, il met en évidence l’existence d’invariants communs à la
musique et au langage118. Il fait le parallèle entre les chansons enfantines et le ton adopté pour parler
aux enfants (contour mélodique simple, répétitions, variété limitée de hauteurs). Comme pour le
langage, par simple exposition, sans connaissance explicite, le cerveau extrait des régularités et
devient sensible aux structures. Plusieurs études dans le domaine du cerveau et de la musique
montrent le recouvrement des réseaux neuronaux impliqués dans le traitement de la musique et du
langage.
La danse est aussi parfois considérée comme une forme de communication. Une étude de 2013,
menée par Edith Van Dyck, a montré comment les émotions exprimées par des danseurs peuvent

113 FORESTIER, Richard. Tout savoir sur la musicothérapie : L’art-thérapie à dominante musicale. Lausanne : Favre, 2011.
114 LESAGE Benoît. La danse dans le processus thérapeutique : Fondements, outils et clinique en danse-thérapie. Toulouse : Érès,
2006.p.24.
115 FORESTIER, Richard. Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017. p. 91.
116 ROFIDAL Thierry et PAGANO Concetta. Projet individuel et Stimulation basale : Vers une pédagogie de l’accompagnement de
la personne en situation de polyhandicap. 2ème édition. Toulouse : Érès, 2021.
117 CYRULNIK, Boris. Rapport des 1000 premiers jours. Paris, 2020. [En ligne]. Ministère des solidarités et de la santé [consulté le
20/05/2022] Disponible sur le World Wide Web : «https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-1000-premiers-jours.pdf».
118 BIGAND, Emmanuel. Les bienfaits de la musique sur le cerveau. Paris : Belin, 2018.

37
être lisibles sans échange verbal, par des personnes qui les regardent danser, comment un message
émotionnel peut être transmis, et reçu, exclusivement par le mouvement et par le corps119.
La relation est une situation où l’échange d’informations est simultané, il se fait l’un avec
l’autre120. La temporalité et le lien à l’autre sont alors particulièrement importants. Pour Richard
Forestier, dans la communication, la forme domine sur le fond, dans la relation, le fond domine sur
la forme. Pour lui, la relation fait dominer le ressenti 121. Il existe une situation où le ressenti est
particulièrement intense, où une sensation, une émotion vécue ensemble, liée à un plaisir esthétique,
conduit à une relation qui échappe aux mots. Nous parlerons alors de relation hors verbale. La
pratique de la musique et de la danse permettent parfois cette relation hors verbale, rappelant le
principe physique de sympathie et le processus d’accordage affectif décrit par Daniel Stern,
psychologue américain122. Le phénomène de sympathie, ou de résonance, pour les physiciens, est un
phénomène selon lequel un objet élastique entre spontanément en vibration lorsqu’il est sollicité à
certaines fréquences. Certains instruments de musique sont d’ailleurs construits de façon à
provoquer cette sympathie (cordes laissées à vide accordées sur des fréquences choisies). Le
principe de sympathie, c’est aussi, pour les êtres humains, la capacité à « vibrer ensemble ». Le
processus d’accordage affectif, décrit par Daniel Stern, se produit dans les interactions précoces
entre la mère et son bébé, la mère se synchronisant à son bébé, créant un espace intersubjectif où le
partage d’émotions est possible sans langage verbal. Ce processus, qui accompagne le
développement social de l’enfant, se fait de façon dynamique, rythmique, par les vocalises et le
mouvement, il crée une forme d’harmonie affective, présentant presque les caractéristiques d’une
danse ou d’un échange musical, partagés entre la mère et son enfant.
C. L’art-thérapie utilise l'Art dans un processus de soin dans le but d’améliorer la qualité de
vie des personnes

C1. L'art-thérapie moderne est l'exploitation du potentiel artistique dans une visée
humanitaire et thérapeutique

C1.1 L’art-thérapie moderne se distingue de l’art-thérapie traditionnelle


L’art-thérapie traditionnelle est née dans la première moitié du XXème siècle, initiée par des
médecins, parmi lesquels Jean Delay et Robert Volmat, psychiatres français. Elle se développe tout
au long du XXème siècle avec notamment de nombreux travaux issus de l’hôpital Saint Anne à
Paris. « Verbalisation accompagnée, expression de soi non verbale et symbolique dans un cadre
relationnel thérapeutique, pratique de soin fondée sur l’utilisation thérapeutique du processus de
création artistique, psychothérapie médiatisée »123, l’art-thérapie traditionnelle utilise l’Art comme
support de l’action thérapeutique, en faisant dominer, directement ou indirectement, les concepts de
la psychothérapie. Le modèle que nous utiliserons dans ce mémoire est celui de l’art-thérapie
moderne, qui émerge dans les années 1970, avec les travaux de Richard Forestier, et s’impose
comme une discipline à part entière parmi les spécialités paramédicales, avec ses concepts
originaux et ses outils spécifiques. Dans la lignée du courant humaniste, qui « revendique pour
chaque être humain la possibilité d’épanouir librement son humanité, ses facultés proprement
humaines »124, l’art-thérapie moderne place l’être humain au centre de la démarche de soin et
119 VAN DYCK Edith. Expressing induced emotions through free dance movement. [En ligne]. Journal of nonverbal behavior,
2013 [consulté le 20/05/2022] Disponible sur le World Wide Web : « https://biblio.ugent.be/publication/3192325 ».
120 FORESTIER, Richard. Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017. p. 452.
121 FORESTIER, Richard. Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017. p 452,
122 STERN Daniel. Le monde interpersonnel du nourrisson. Paris : PUF, 2003.
123 FORESTIER, Richard. Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017. p.564.
124 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 12/05/2022]. Disponible sur le World
Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/definition/humanisme».

38
travaille, en cohérence avec la définition de la bonne santé, sur les trois entités de l’être humain
(physique, mentale et sociale). Le corps y trouve une place prépondérante, la pratique artistique
mobilisant, nous l’avons vu, « tous les éléments de la corporéité; elle implique à la fois le ressenti
corporel et l’activité réfléchie entre l’idéal entrevu par la personne et les sensations physiques
porteuses de cette motricité orientée »125. L’Art y est utilisé comme un processeur, et non
uniquement comme un outil de verbalisation ou de symbolisation.
C1.2 L’art-thérapie moderne s’appuie sur les capacités préservées et les
potentialités de la personne et les valorise
L’art-thérapie moderne exploite « le potentiel artistique dans une visée humanitaire et
thérapeutique »126et se définit comme « l’utilisation et l’évaluation des effets de l’esthétique par la
pratique artistique dans le but de valoriser les potentialités et la partie saine de la personne en
souffrance »127. Contrairement à la médecine, qui cherche à soigner ce qui est défaillant, l’art-
thérapie moderne va s’appuyer sur ce qui est préservé chez la personne en souffrance, et le
valoriser. Elle oriente les pouvoirs et les effets de l’Art (pouvoir éducatif, pouvoir d’entraînement,
effet relationnel) et les évalue. Elle s’appuie sur le verbal, mais aussi sur le non verbal et le hors
verbal. Elle est d’ailleurs particulièrement indiquée pour les personnes qui présentent des troubles
de l’expression, de la communication et de la relation. Elle ravive, restaure ou rééduque le goût, le
style et l’engagement de la personne, qui ont une incidence sur l’expression de sa personnalité et sur
son bien-être. Elle fait renaître la saveur existentielle, permettant à la personne de se placer comme
sujet de sa vie, de se projeter dans l’avenir et d’accéder à une meilleure qualité de vie.
C2. Les séances d’art-thérapie sont construites selon un protocole thérapeutique précis

C2.1 L’art-thérapeute s’adapte aux besoins de la personne en lui proposant un suivi


personnalisé
En art-thérapie moderne, l’accompagnement proposé, ou prise en soin, est spécifique à la
personne, adapté à sa situation, réévalué et réajusté régulièrement. Il existe autant de prises en soins
(dans leurs formes et leurs objectifs) différentes que de personnes accompagnées, l’art-thérapeute
élaborant le suivi en lien avec les besoins de la personne, les pénalités et souffrances vécues,
l’indication médicale, les goûts artistiques, les capacités. Ainsi la fréquence des séances, leur durée,
leur nature (individuelles, collectives), la méthode utilisée (didactique, libre, dirigée) sont choisis de
façon précise et individualisée. Même le choix de la dominante artistique (synchronique,
diachronique) ne se fait pas en fonction des goûts ou des compétences de l’art-thérapeute, mais bien
en lien avec les objectifs thérapeutique, les besoins, les goûts et les capacités de la personne
accompagnée.
C2.2 L’opération artistique est un outil spécifique à l’art-thérapie moderne
L’opération artistique est un outil spécifique à l’art-thérapie moderne, sur lequel l’art-thérapeute
s’appuie pour élaborer le protocole thérapeutique et pour l’évaluer. Il s’agit d’un modèle qui
présente les mécanismes humains impliqués dans l’activité artistique. L’opération artistique est
l’interface entre l’être humain et l’Art, elle schématise l’être humain dans l’activité artistique, avec
les interactions entre l’intérieur et l’extérieur, sous la forme d’un cycle comportant plusieurs
phases :

125 CHARDON, Fabrice. La place du corps moteur en art-thérapie moderne. [En ligne]. AFRATAPEM [consulté le 12/02/2022].
Disponible sur le World Wide Web : « http://art-therapie-tours.net/newsletters/art-therapie-et-le-corps-dans-tout-ca/ ».
126 FORESTIER, Richard. Dictionnaire Raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017. p. 301.
127 CHARDON, Fabrice. Art-thérapie : Pratiques cliniques, évaluations et recherches. Tours : PUFR, 2018. p. 197.

39
Tableau 2 - Opération artistique
Avant que l’activité artistique ne débute pour la personne, se présente une phase que nous nommons
« l’avant », qui englobe tout ce qui existait dans le domaine de l’Art avant que la personne ne soit concernée par
l’activité qu’elle entreprend, et surtout tout ce qui, pour elle, a pu avoir un rayonnement esthétique. Ce sont aussi
les situations marquantes vécues qui ont enrichi favorablement les sensations et les émotions, de nature artistique
(œuvre d’Art, spectacle, culture artistique), naturelle (paysage), festive (ambiance, feu d’artifice, naissance,
mariage). « Il s’agit des éléments qui relèvent d’une mémoire collective ou individuelle de nature à enrichir et
éventuellement aider à la détermination du goût, du style et de l’intérêt d’une personne relativement à l’Art »128.
La phase 1 de l’opération artistique est « la chose de l’Art », généralement assimilée aux œuvres d’Art, elle
concerne en fait toutes les choses qui ont un rayonnement particulier, dans lequel l’esthétique est prédominant. La
phase 2 correspond au rayonnement de la chose de l’Art et à sa captation par les capteurs sensoriels de l’être
humain, avec un va-et-vient constant entre les deux, le rayonnement allant de la chose au capteur, et la captation
du capteur à la chose. La phase 3 est le traitement archaïque, non conscient, des informations reçues par les
capteurs sensoriels, par le biais du système nerveux central et autonome et du cerveau limbique. Les sensations et
les ressentis constituent la composante corporelle de cette phase, que nous nommerons phase 3C, ils sont
associés à une certaine saveur qui provoque des émotions. Les émotions constituent la composante mentale, que
nous nommerons phase 3M. Les émotions sont des réactions involontaires, mais à partir de la phase 3 peuvent
aussi se produire d’autres réflexes qui parfois entraînent la sortie de l’activité artistique. L’envie, manifestation
archaïque d’un besoin non satisfait, peut émerger dans cette phase 3. La phase 4 est le traitement sophistiqué,
conscient, de l’information, par le biais de l’activité corticale du système nerveux central. Les sensations et
émotions font appel à des souvenirs et des représentations mentales, elles se transforment respectivement en
perceptions et sentiments, et l’imaginaire est nourri. Cette phase fait appel aux capacités cognitives (c’est la
composante mentale de cette phase 4M) et permet la projection dans une action par le biais de la structure
corporelle (c’est la composante corporelle : phase 4C). Le goût s’élabore dans la phase 4. L’intention émerge, et
si elle est suffisamment renforcée, la volonté naît. L’intention esthétique s’élabore également dans cette phase. La
phase 5 comporte l’élan (composante mentale, phase 5M) et la poussée (composante corporelle, phase 5C)
corporels dont nous avons déjà parlé, et qui sont signe d’engagement. C’est dans cette phase que les prémices du
mouvement sont visibles. La phase 6 correspond à l’action artistique, et à l’apprentissage ou à la mise en œuvre
d’un certain savoir-faire technique. Elle est l’expression visible des phases précédentes, et le style s’y exprime. Il
est important de préciser que l’élan et la poussée corpores peuvent parfois ne pas s’orienter vers cette phase 6,
mais vers la chose de l’Art (phase 1), et ne pas donner lieu à une action artistique à proprement parler, mais plutôt
à ce que nous appellerons la contemplation, c’est la phase 5’. Le corps est tout autant impliqué dans cette phase.
La contemplation n’est pas une simple captation, elle se différencie de la phase 2 par la présence de l’intention et
engage un traitement mental. L’action peut aussi se tourner vers autre chose que l’activité artistique, ce que nous
appellerons un acte volontaire non orienté vers l’esthétique (AVNOE). L’action, quand elle reste artistique,
conduit parfois à la réalisation d’une production, c’est la phase 7. Cette production peut être montrée aux autres
(c’est la phase 8, le traitement mondain) et éventuellement devenir une nouvelle chose de l’Art (phase 1’)
déclenchant à nouveaux les mécanismes de l’opération artistique, en partant du rayonnement et de la captation.
Les phases 1 à 4 constituent le mécanisme d’impression. Les phases 5 et 7, l’expression. La communication et la
relation se trouvent dans la phase 8. Le schéma suivant présente l’opération artistique, les phases étant reliées par
des doubles flèches, pour souligner l’autorégulation de l’activité artistique.

128 FORESTIER, Richard. Le métier d'art-thérapeute. Lausanne : Favre, 2014. p 69.

40
Schéma  1 - Opération artistique

C2.3 Dans le protocole, une stratégie thérapeutique est élaborée à partir de l’opération
artistique
Chacune des phases de l’opération artistique peut constituer une cible thérapeutique sur laquelle
la stratégie s’appuie, la cible thérapeutique se rapportant à un mécanisme préservé (physique,
mental ou social) de la personne, une partie saine. Chaque phase peut également être considérée
comme un site d’action, se rapportant à un mécanisme défaillant, l’objectif étant d’améliorer ou de
faire disparaître les sites d’action. Les sites d’action sont entretenus par des boucles d’inhibition*
qu’il convient de repérer. Les cibles thérapeutiques sont utilisées pour créer des boucles de
renforcement* qui favorisent les mécanismes positifs et permettent d’atteindre les objectifs
thérapeutiques fixés dans la stratégie. Le protocole thérapeutique est un ensemble d’éléments qui
structurent la prise en soin. Il est présenté synthétiquement dans un tableau :
Tableau 3 - Protocole thérapeutique
Indication La prise en soin d’une personne en art-thérapie débute suite à une indication par un
médecin ou un responsable de l’institution.
État de base L’état de base de la personne est établi après une première rencontre (séance
d’ouverture) et grâce à la fiche d’ouverture qui dresse synthétiquement un bilan
sensoriel, moteur, cognitif, psychoaffectif et social de la personne. La fiche
d’ouverture mentionne également les capacités d’expression, de communication et
de relation, les goûts et centres d’intérêt de la personne. L’état de base est complété
par l’anamnèse de la personne, éventuellement présente dans son dossier, et par
toutes les informations recueillies auprès des proches et des autres accompagnants.
Analyse de l’état de base L’analyse de l’état de base permet de dégager les besoins non satisfaits, les
souffrances et la façon dont elles s’expriment, ainsi que la pénalité principale.
L’opération artistique est utilisée pour mettre en évidence les sites d’action, ainsi que
les boucles d’inhibition correspondantes. Les cibles thérapeutiques sont également
dégagées.
Objectifs thérapeutiques Des objectifs thérapeutiques sont formulés, généraux et intermédiaires. Ils peuvent
généraux et s’appuyer sur un besoin non satisfait, une souffrance, un état, un comportement ou

41
intermédiaires un mécanisme particulier.
Stratégie thérapeutique et La stratégie thérapeutique est élaborée et schématisée dans l’opération artistique.
boucles de renforcement Elle s’appuie sur les cibles thérapeutiques et fait apparaître les boucles de
renforcement correspondantes.
Choix justifié de la La stratégie prend également appui sur une dominante artistique, choisie pour ses
dominante, moyens et spécificités et pour les mécanismes particuliers qu’elle met en jeu. La dominante est
méthode adaptée en fonction des objectifs thérapeutiques et des souffrances et les éventuels
phénomènes associés à cette dominante sont considérés. Les pouvoirs et effets de
l’Art utilisés sont précisés.
Le cadre de la prise en soin est défini précisément, dans sa forme (les moyens mis en
œuvre : lieu, durée et fréquence des séances, outils, communication au patient) et
dans son fond (la méthode utilisée). La nature de la méthode choisie est détaillée
(jeu, exercice), ainsi que sa fonction (didactique, révélatrice) et sa modalité (directif,
libre, ouvert).
Déroulement des séances, En plus des objectifs thérapeutiques, pour chaque séance, un objectif de séance est
plan d’accompagnement défini. Un bilan et une projection vers la séance suivante permet d’ajuster
de soin éventuellement la prise en soin et de faire émerger de nouvelles cibles
thérapeutiques et sites d’action. Un plan d’accompagnement de soin* (PAS) peut
être mis en place entre les séances.
Évaluation, faisceaux Des items d’observation propres à la personne, en lien avec les objectifs, les sites
d’items et cube d’action et la dominante artistique, sont définis, regroupés en faisceaux d’items et
harmonique* repris dans une fiche d’observation. Leur évolution est évaluée régulièrement. Une
autoévaluation est également menée régulièrement à l’aide du cube harmonique,
dont nous parlerons plus loin.
Bilan En fin de prise en soin, ou régulièrement lorsque celle-ci est de longue durée, un
bilan est réalisé, reprenant les caractéristiques de la prise en soin. Il décrit les
séances, les faits marquants, l’évolution des items par rapport aux objectifs,
l’évolution observée dans la vie quotidienne de la personne. Ce bilan peut être
intégré au dossier de la personne, être communiqué à sa famille, et devenir une
interface entre l’art-thérapeute et les autres professionnels.
C2.4 L’art-thérapeute travaille en relation avec l’équipe de professionnels de la
structure et en respectant le projet d’accompagnement de la personne
L’art-thérapeute s’intègre dans une équipe de professionnels. Il ou elle ne pose pas de diagnostic
et la décision d’accompagner une personne se fait sur indication médicale. L’art-thérapie ne guérit
pas seule et ne peut pas répondre à toutes les difficultés sanitaires. La prise en soin art-thérapeutique
s’inscrit dans une complémentarité avec les autres accompagnements dont bénéficie la personne
(traitements médicamenteux, psychothérapie, kinésithérapie, ergothérapie...). Il est important que
l’art-thérapeute puisse travailler en relation avec les autres professionnels qui accompagnent la
personne afin de croiser, confronter ses observations et conforter ses évaluations. Dans ce but, des
bilans sont réalisés régulièrement par l’art-thérapeute. L’art-thérapeute respecte le projet
d’accompagnement de la personne, s’il en existe un, et peut prendre part à sa réalisation.
C3. L'art-thérapie s’inscrit dans une démarche scientifique et possède ses propres outils
d'évaluation

C3.1 Des items d’observation adaptés à la personne sont choisis et évalués


rigoureusement
L’art-thérapeute dégage des items* d’observation spécifiques à la personne accompagnée, qu’il
organise en faisceaux d’items, et qu’il regroupe dans une fiche d’observation. La fiche
d’observation est utilisée à chaque séance, permettant la projection sur la séance suivante. Les items

42
sont choisis en cohérence avec les objectifs thérapeutiques, en lien avec la dominante artistique et
les pouvoirs de l’Art utilisés, et bien sûr en fonction de la personnalité, du comportement et du
mode d’expression de la personne accompagnée. Ils peuvent être quantitatifs ou qualitatifs, mais
sont toujours les plus précis possibles. Les items sont évalués et remis en question régulièrement, ce
qui permet un ajustement pertinent de l’accompagnement lorsque cela s’avère nécessaire. L’art-
thérapeute analyse rigoureusement l’évolution des items au fil des séances pour suivre l’impact de
la prise en soin sur les sites d’action et les souffrances.
C3.2 Une autoévaluation peut être menée grâce au cube harmonique
L’évaluation est complétée par une autoévaluation, menée par la personne elle-même, à l’aide
d’un outil spécifique à l’art-thérapie moderne : le cube harmonique. Les trois dimensions du cube
harmonique correspondent aux 3B, éléments caractéristiques de l’Art  : le Beau (est-ce que cela
vous plaît?), le Bien (est-ce que cela est bien fait?) et le Bon (avez-vous éprouvé du plaisir ? avez-
vous envie de recommencer?). Les 3B sont directement liés au goût, au style et à l’engagement de
la personne. En plus de cette autoévaluation « artistique », une autoévaluation « existentielle » est
menée, sur la qualité du moment, puis les deux cotations sont comparées pour vérifier leur
cohérence. Issu de la théorie de l’Art opératoire, ou théorie des 3B (Annexe 5), un tableau met en
lien les 3B avec les mécanismes humains impliqués dans l’Art et dans l’art-thérapie :
Tableau 4 – Mécanismes humains impliqués en Art et en art-thérapie
Beau Goût Savoir Ressentir Ressenti corporel Affirmation de soi
Bien Style Savoir faire Structure corporelle Confiance en soi
Bon Engagement Savoir être Élan/Poussée corporels Amour de soi
Le cube harmonique peut parfois dépasser sa fonction d’autoévaluation et agir comme un
processeur thérapeutique à part entière, en plaçant la personne comme acteur de la prise en soin et
en lui permettant de se reconnaître une capacité à : affirmer son goût (Beau), à agir et se projeter
dans l’avenir (Bien), à être et ressentir du plaisir (Beau). Tout comme les mécanismes concernés, les
3B sont liés, et il est possible de travailler sur l’un d’eux pour faire évoluer les deux autres.
C4. L’art-thérapie, en orientant la pratique artistique, peut améliorer la qualité de vie des
enfants et des adolescents polyhandicapés au sein d’un institut médico-éducatif

C4.1 L’art-thérapie par la musique et la danse peut répondre à certains besoins physiologiques
non satisfaits de la personne polyhandicapée

1) L’art-thérapie, en utilisant le pouvoir éducatif de la musique, peut détourner la personne


de ses ressentis désagréables
Les personnes polyhandicapées ont des besoins fondamentaux non satisfaits. C’est le cas de
certains besoins physiologiques, lorsque la douleur, l’inconfort, la fatigue sont présents au
quotidien. Les ressentis s’en trouvent altérés. Par son pouvoir éducatif, la musique, écoutée ou
pratiquée, stimule les sens. En s’adressant à la partie saine de la personne polyhandicapée, en
mobilisant ses mécanismes préservés et notamment ses facultés sensorielles (3C), par le
rayonnement de l’Art (2) ou par la mise en mouvement de la personne (6), l’art-thérapie peut
orienter la pratique artistique de telle façon que les sensations aient une saveur agréable, procurent
du plaisir (3C) et des émotions positives (3M). Les ressentis peuvent s’en trouver rééquilibrés et la
personne peut se détourner de certains ressentis désagréables.

43
2) L’art-thérapie, en exploitant les mécanismes physiques mis en jeu dans l’écoute musicale et dans
la pratique de la musique, peut conduire à une détente ou à une régulation du tonus musculaire
L’écoute musicale ou la pratique de la musique agissent sur le corps, et notamment sur la
respiration, le rythme cardiaque et la pression artérielle. La musique a un pouvoir d’entraînement
qui implique la structure corporelle (4C). Elle peut amener à une mise en mouvement (6), et même
en l’absence de mouvement, elle conduit à l’organisation de cette structure corporelle. Les
personnes polyhandicapées présentent souvent des tensions, des troubles du tonus. L’art-thérapie,
par une observation fine, en adaptant l’écoute ou la pratique musicale en fonction des goûts (4M) de
la personne et de ses capacités (confort, choix des instruments, adaptation de la pratique et de
l’environnement) peut permettre à la personne polyhandicapée de ressentir du plaisir (3C), de se
détendre ou de réguler son tonus musculaire en fonction de la posture ou du geste qu’elle souhaite
accomplir.
C4.2 L’art-thérapie par la musique et la danse peut permettre à la personne polyhandicapée
d’accéder à une meilleure conscience de son corps, pour aller vers une meilleure conscience de soi

1) La musique et la danse mobilisent la mémoire et peuvent faire appel à des expériences


sensorielles vécues par la personne, même si celles-ci remontent à sa naissance
La personne polyhandicapée a une conscience de soi inaboutie. La conscience qu’elle a d’elle-
même peut être très archaïque et se rapprocher de la conscience de soi écologique du bébé, dans
laquelle le corps physique prédomine. Le développement mental de la personne polyhandicapée
peut se rapprocher de celui d’un tout petit enfant. Cette personne a tout de même vécu des
expériences tactiles, vibratoires et vestibulaires précoces et en garde très probablement une
mémoire. La musique et la danse ont un pouvoir éducatif et sollicitent la mémoire. L’art-thérapie
peut orienter ces pratiques artistiques, en faisant dominer la phase d’Art I, plus archaïque, de façon
à provoquer des sensations proches de celles vécues autour de la naissance, qui font écho à ce vécu
précoce et donc à des ressentis.
2) L’écoute musicale et la pratique de la musique ont un pouvoir éducatif et peuvent apporter des
sensations corporelles en surface (peau) et en profondeur (os, viscères)
La conscience de soi écologique du bébé est une conscience dans laquelle le corps physique
prédomine, et c’est d’abord par les limites de son corps que le bébé prend conscience de lui-même.
L’art-thérapie peut utiliser le pouvoir éducatif de la musique et sa fonction d’enveloppe sonore pour
apporter des sensations au niveau de la peau, marquant ainsi les limites du corps de la personne
polyhandicapée. En adaptant le choix des musiques ou des instruments de musique, en optimisant
l’environnement dans lequel se fait le rayonnement de la musique et sa captation, la dimension
vibratoire de la musique peut être mise en avant et ainsi provoquer également des sensations en
profondeur du corps (os, viscères). Les informations sensorielles reçues par la personne
polyhandicapée orientent alors ses ressentis corporels dans le sens d’une plus riche conscience de
soi.
3) La musique et la danse, par leur pouvoir éducatif et d’entraînement, agissent sur la
structure corporelle et permettent des expériences proprioceptives qui peuvent amener à mieux
percevoir son corps, dans ses différents segments et dans son environnement
La musique et la danse ont un pouvoir d’entraînement, qui agit directement sur la structure
corporelle. La pratique de la danse fait particulièrement jouer la proprioception de la personne.
Lorsque celle-ci se met en mouvement, tout en écoutant de la musique, elle vit des expériences
sensorielles plurielles. L’art-thérapie, tenant compte des goûts de la personne (4M) et en faisant

44
appel à sa mémoire (4M) et à son vécu précoce, utilise les pouvoirs éducatif et d’entraînement de la
musique et de la danse pour provoquer des sensations (3C) multiples et agréables. Ces sensations, à
la fois en surface, en profondeur et proprioceptives, contribuent à apporter à la personne
polyhandicapée un ressenti plus riche de son corps, corps perçu alors à la fois comme unitaire et
distinct. Ce ressenti corporel se rapporte à une conscience de soi « écologique », base d’une
conscience de soi plus élaborée.
C4.3 L’art-thérapie par la musique et la danse peut stimuler l’élan corporel et la poussée
corporelle de la personne polyhandicapée

1) La musique, par les ressentis agréables qu’elle procure, peut activer le circuit de la
récompense et augmenter la motivation
L’art-thérapie peut utiliser la danse et la musique pour provoquer du plaisir (3C) et activer le
circuit de la récompense, augmentant ainsi la motivation de la personne polyhandicapée. La
motivation stimule l’élan (5M) corporel de la personne. Ce circuit activé peut créer une boucle
vertueuse et faire naître la volonté qui stimule à son tour la poussée corporelle (5C).
2) La musique et la danse, par leur pouvoir éducatif et d’entraînement, peuvent répondre au besoin
de stimulation, de mouvement et de changement (modèle des besoins fondamentaux de Fröhlich) de
la personne polyhandicapée
La personne polyhandicapée se trouve dans une grande dépendance. Elle ne peut pas toujours
changer de position ou d’activité comme elle le voudrait. Sa motricité entravée (5C) ne lui permet
pas toujours de bouger librement ou d’avoir accès aux stimulations dont elle a besoin. De par ses
difficultés de communication (8), la personne ne peut pas toujours exprimer clairement ses besoins.
Elle peut alors avoir recours à des comportements d’agitation ou d’autostimulation envahissants
pour elle-même ou pour son entourage. L’art-thérapie par la musique et par la danse, en proposant
des pratiques variées, des stimulations sensorielles multiples (3C) (pouvoir éducatif) et en
favorisant le mouvement (6) (pouvoir d’entraînement), peut répondre au besoin de stimulation, de
mouvement et de changement de la personne polyhandicapée et orienter son élan (5M) et sa
poussée (5C) corporels vers une activité artistique gratifiante (3C).
C4.4 La musique et la danse peuvent avoir des effets relationnels et permettre à la personne
polyhandicapée de développer ses capacités d’expression et de communication

1) La musique et la danse, moyens d’expression accessibles se passant du langage verbal,


peuvent avoir des effets relationnels et créer des interactions, répondant ainsi au besoin de lien et de
communication de la personne polyhandicapée (modèle des besoins fondamentaux de Fröhlich)
La personne polyhandicapée n’a pas toujours accès au langage, et est freinée dans ses interactions
par ses troubles moteurs et sa déficience intellectuelle. Son besoin de lien et de communication
n’est pas toujours satisfait et se manifeste parfois par un comportement de repli sur soi, ou au
contraire par une avidité relationnelle. L’art-thérapie peut exploiter les effets relationnels de la
musique et la danse pour créer des interactions se passant du langage verbal. Ces interactions
peuvent être visuelles (échanges de regards lors de l’écoute d’une musique, sourires), mais aussi,
lorsque la poussée corporelle permet la mise en mouvement de la personne : vocales (chanter,
écouter, vocaliser), sonores (instruments de musique), tactiles (danse en contact).

45
2) La musique, pratiquée en alternance avec une autre personne, peut permettre à la
personne polyhandicapée d’augmenter son temps d’écoute et d’attention
La musique sollicitant les fonctions cognitives, l’art-thérapie peut orienter l’écoute ou la pratique
musicale de telle sorte que ce soit l’attention de la personne polyhandicapée qui soit sollicitée et que
son temps d’écoute et d’attention augmente. L’attention (4M) peut d’abord être sollicitée en prenant
en compte les goûts de la personne. Puis peuvent être proposés des jeux musicaux en alternance
avec un partenaire (8), ou chacun attend son tour pour jouer, vocaliser, ou manipuler un instrument.
Cela peut également passer par des jeux d’imitation, semblables aux premiers dialogues mère-
enfant. En augmentant les temps d’attente, d’écoute, les capacités d’attention peuvent être
renforcées.
3) La musique et la danse peuvent permettre à la personne polyhandicapée d’acquérir un savoir-
faire, sous la forme de nouveaux gestes adaptés à ses capacités motrices
En étant à l’écoute et attentive plus souvent et plus longtemps, la personne polyhandicapée se
place en position d’observateur des gestes musicaux ou dansés. Elle peut se mettre en action pour y
répondre ou même les reproduire et les mémoriser. En adaptant la technique aux capacités de la
personne, l’art-thérapie peut permettre à la personne polyhandicapée d’acquérir un certain savoir-
faire (6).
4) Les effets relationnels de la musique et de la danse peuvent permettre à la personne qui les
pratique de communiquer de façon non verbale en se plaçant en position d’émetteur ou de récepteur
L’art-thérapie peut soutenir, maintenir et enrichir les interactions provoquées par les effets
relationnels de la musique et de la danse. La musique et la danse sont des Arts synchroniques, dans
lesquels la personne qui produit est indissociable de sa production. Dans les interactions musicales
ou dansées, une communication (8) non verbale peut se mettre en place, communication qui passe
par le corps, outil principal de ces Arts corporels. La personne polyhandicapée étant capable
d’attention (4M) et d’écoute, elle peut se placer en position de récepteur. Elle devient « émetteur »
lorsqu’elle s’exprime à son tour (par des gestes, des sons, des vocalises, des mimiques, des contacts
physiques) et est entendue.
D. Au regard des éléments présentés, l'hypothèse suivante est posée : l’art-thérapie pourrait
permettre aux enfants et adolescents polyhandicapés accompagnés au sein d’un institut
médico-éducatif de se mettre en action dans la pratique artistique et de développer leurs
capacités de communication, se plaçant ainsi d’avantage en position de sujet

D1. L’écoute ou la pratique de la musique, par leur pouvoir éducatif et d’entraînement,


en provoquant des ressentis agréables, pourraient stimuler l’élan et la poussée corporels et
provoquer la mise en mouvement des personnes polyhandicapées .
En favorisant l’Art I pour faire appel à des sensations archaïques déjà vécues et en utilisant le
pouvoir éducatif de l’Art, l’art-thérapie par l’écoute musicale et la manipulation d’instruments de
musique pourrait provoquer des ressentis corporels agréables (1,2-->3C/M). Le plaisir ressenti
pourrait stimuler l’élan corporel et la poussée corporelle, et permettre l’engagement. Le pouvoir
d’entraînement de l’Art pourrait conduire à la mise en mouvement de la personne polyhandicapée,
dirigée vers l’activité artistique qui répond à certains de ses besoins, et notamment les besoins
physiologiques et le besoin de stimulation, de changement et de mouvement (3C/M- 5M/C-6).

46
D2. La mise en action provoquée par la musique, conjuguée à ses effets relationnels et à
ceux de la danse, pourrait favoriser les interactions et permettre aux personnes polyhandicapées
de développer leur attention et leurs capacités d’écoute
Grâce aux effets relationnels de l’Art, l’art-thérapeute pourrait profiter de la mise en action de la
personne pour interagir avec elle (5C-6-8), dans l’activité artistique, qu’elle soit de nature
contemplative ou active (instruments de musique, danse). Ces interactions pourraient être visuelles,
sonores, gestuelles, ou impliquer le contact physique. L’art-thérapeute pourrait alors orienter ces
échanges musicaux et dansés afin de créer des situations dans lesquelles l’attention de la personne
pourrait se développer : jeux d’imitation, d’alternance, situations d’attente et d’écoute (6-8-4M).
D3. La pratique de la musique et de la danse pourrait soutenir et enrichir l’expression de
la personne polyhandicapée en lui permettant d’acquérir de nouveaux gestes
L’art-thérapeute pourrait ensuite introduire progressivement l’Art II dans la pratique. La mise en
mouvement de la personne, le développement de son attention et les interactions avec l’art-
thérapeute, pourraient en effet lui permettre d’acquérir un certain savoir-faire lié à l’activité
artistique, adapté à ses capacités, sous forme de gestes simples, dansés ou instrumentaux, en
interaction avec l’art-thérapeute. (6-8).
D4. Pratiquer la musique et la danse de façon adaptée à ses capacités, avec le plus
d’indépendance possible, en communiquant en position de récepteur et d’émetteur, pourrait
permettre à la personne polyhandicapée de passer d’une position passive à une attitude active de
sujet
Les interactions musicales et dansées, enrichies par les nouveaux gestes acquis par la personne et
par son attention grandie, pourraient donner lieu à une forme de communication non verbale, dans
laquelle la personne polyhandicapée serait à son tour émetteur ou récepteur (6-8).
L’art-thérapeute, en adaptant l’environnement et la technique (instruments, gestes) aux capacités
de la personne polyhandicapée, pourrait alors laisser la personne agir avec le plus d’indépendance et
d’autonomie possible dans l’activité (déplacements dans l’espace, choix des musiques ou des
instruments), lui permettant d’être plus active dans l’activité. Pratiquer la musique et la danse,
activités répondant à plusieurs de ses besoins fondamentaux, y ressentir du plaisir, avoir accès à des
sensations corporelles multiples allant dans le sens d’une meilleure conscience de soi, faire des
choix et affirmer ses goûts, agir dans cette pratique avec plus d’indépendance et d’autonomie,
communiquer de façon non verbale en tant qu’émetteur et récepteur, toutes ces expériences vécues
pourraient contribuer à placer d’avantage la personne polyhandicapée en position de sujet, un sujet
sensible, agissant et communicant.
D5. Des expériences ont déjà été menées avec l’art-thérapie auprès de personnes
polyhandicapées
Tableau 5 – Autres expériences avec l’art-thérapie et les personnes polyhandicapées
Mémoire Hypothèse : l'art-thérapie à dominante musicale peut encourager et renforcer la
Certification communication et la relation avec les enfants polyhandicapés
Afratapem Public : Enfants et adolescents Dominantes : Musique et peinture
Pierre polyhandicapés
LACHERAY
Bilan : Limites :
2015129
- La musique, orientée par l’art-thérapie, est - Des évolutions en séances mais peu dans la
un outil privilégié de communication et de vie quotidienne

129 LACHERAY, Pierre. Une expérience d'art-thérapie à dominante musique et peinture au sein d'un établissement d'accueil pour
enfants et adolescents polyhandicapés. Tours : AFRATAPEM, 1 vol. 77p. Mémoire : art-thérapie : AFRATAPEM : 2015.

47
relation avec les enfants polyhandicapés - Besoin d’un temps long pour connaître,
- L’art-thérapie favorise leur engagement observer la personne
relationnel - Difficulté pour adapter les instruments de
musique
- En l’absence de langage verbal, les items
peuvent être sujets à l’interprétation
Mémoire Hypothèse : l’art-thérapie permet aux adultes polyhandicapés de développer des modes de
Certification communication pour renforcer leur autonomie et favoriser des liens sociaux
Afratapem Public : Adultes polyhandicapés Dominante : Arts plastiques et musique
Corine BARIOU
Bilan : Limites :
2017130
- les arts plastiques et la musique engagent - La présence, nécessaire (grande
dans une démarche orientée vers l’autre dépendance), des éducateurs lors des séances
- l’art-thérapie favorise l’expression et la de groupe influe sur la dimension
construction de la personnalité et améliore les thérapeutique
troubles de la communication - Les moyens matériels et notamment
l’espace mis à disposition pour les séances
sont peu adaptés
- Communication difficile entre les équipes
- Difficultés motrices : l’adaptation des
outils n’est pas toujours possible
- Difficile de ne pas faire « à la place » de la
personne
Mémoire Hypothèse : l’art-thérapie améliore la qualité de vie et diminue les angoisses et les anxiétés
Certification des personnes polyhandicapées (sous-hypothèse : favorise la communication et la relation)
Afratapem Public : Adultes polyhandicapés avec troubles Dominante : Arts plastiques et musique
Patricia SEGUY associés
2017131
Bilan : Limites :
- Mise en action des personnes accompagnées - Objectivité limitée par les troubles
- Plaisir exprimé importants d’expression et de
- Troubles du comportement qui s’estompent communication et par l’absence de langage
en séance verbal
- Interactions et échanges favorisés, évolution - Auto-évaluation limitée
de l’implication relationnelle
Mémoire Hypothèse : L'art-thérapie peut apaiser la souffrance psychosociale, liée au sentiment
Certification d'incapacité (notamment en terme de communication) qui altère le besoin de reconnaissance
Afratapem d'une personne polyhandicapée
Charline Public : Adultes polyhandicapés Dominante : Danse, musique et production
DELARUE vidéo
2018132
Bilan : Limites :
- Expression des goûts, choix grandissants - Difficile objectivité des évaluations
- Augmentation des initiatives - Difficultés d’autoévaluation
- Affirmation de soi et confiance en soi
renforcées
MEMOIRE Hypothèse : Par l’individuation, l’art-thérapie peut aider les personnes souffrant de
Certification polyhandicap et institutionnalisées à faire le deuil de leur ancienne vie, à les resocialiser et à

130 BARIOU, Corine. Une expérience d'art-thérapie moderne à dominante arts plastiques et musique auprès d'adultes
polyhandicapés demeurant à la maison d'accueil spécialisée "les jonquilles de bire". Tours : AFRATAPEM, 1 vol. 73p.
Mémoire : art-thérapie : AFRATAPEM : 2017.
131 SEGUY, Patricia. Une expérience d’art thérapie à dominante arts plastiques et approche musicale auprès d’adultes en situation
de polyhandicap avec troubles associés. Tours : AFRATAPEM, 1 vol. 78p. Mémoire : art-thérapie : AFRATAPEM : 2017.
132 DELARUE, Charline. Une expérience d'art-thérapie à dominante danse, associée à l'écoute musicale et la production vidéo,
auprès de personnes en situation de polyhandicap. Tours : AFRATAPEM, 1 vol. 114 p. Mémoire : art-thérapie : AFRATAPEM :
2018.

48
Afratapem améliorer le lien avec l'équipe pluridisciplinaire
Elodie EMENT Public : Adultes polyhandicapés Dominante : Collage et écoute musicale
2018133
Bilan : Limites :
- Engagement corporel et expression des - Comment évaluer les progrès hors séances
émotions - Le deuil, une autre problématique qui
- Gain de confiance interfère
- Fierté, plaisir exprimés - Objectivité difficile

PARTIE II : UNE ÉTUDE CLINIQUE RÉALISÉE AUPRÈS D’ENFANTS ET


D’ADOLESCENTS POLYHANDICAPÉS PERMET D’ÉVALUER L’IMPACT DE L’ART-
THÉRAPIE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LEURS CAPACITÉS DE
COMMUNICATION

A. Le Dispositif Inclusif Henri Wallon (DIHW) accompagne des enfants, adolescents et jeunes
adultes présentant une déficience intellectuelle ou polyhandicapés

A1. Le DIHW est une structure de L’AGAPEI (Association Granvillaise des Amis et
Parents d’Enfants Inadaptés)

A1.1 Le DIHW est le pôle enfance de l’AGAPEI


Le Dispositif Inclusif Henri Wallon (DIHW) constitue le pôle enfance de l’Association
Granvillaise des Amis et Parents d’enfants inadaptés (AGAPEI), association loi 1901. Il est
constitué d’un semi-internat (IME, institut médico-éducatif), d’un service d’accueil familial
spécialisé (SAFS) et d’un service d’éducation de suivi et de soins à domicile (SESSAD). Le
dispositif accueille en semi-internat (IME) des enfants, adolescents et jeunes adultes présentant une
déficience intellectuelle légère à sévère, avec ou sans troubles associés, ou polyhandicapés. Il leur
assure une éducation adaptée et un accompagnement médico-social. L'AGAPEI est une association
déclarée (en août 1969) à but non lucratif soumise aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901, et
fédérée à l'UNAPEI (Union Nationale des Associations de Parents et Amis de Personnes
Handicapées Mentales).
Un certain nombre de textes de lois encadrent la mission du DIHW dont les plus récents : les
recommandations de bonnes pratiques publiées par l’Agence Nationale de l'Évaluation et de la
qualité des Établissements et services Sociaux et Médico-sociaux (ANESM) et la Haute Autorité de
la Santé (HAS), le cahier des charges de la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS), la
loi de refondation de l’école du 8 juillet 2013 posant les fondements de l’école inclusive. Le Contrat
Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens (CPOM) de l’AGAPEI, reposant sur un financement
pluriannuel, contractualisé pour quatre ans, 2020 à 2024, vise à mettre en œuvre les politiques
publiques nationales, régionales et départementales et s’attache à organiser des réponses qui
tiennent compte des enjeux identifiés sur le territoire d’intervention de l’association dans le cadre
du diagnostic partagé.

133 EMENT, Élodie. Une expérience en art-thérapie moderne à dominantes collage et écoute musicale auprès de personnes
atteintes d'un polyhandicap et institutionnalisées dans une maison d'accueil spécialisée. Tours : AFRATAPEM, 1 vol. 88 p.
Mémoire : art-thérapie : AFRATAPEM : 2018.

49
A1.2 L’Arche (unité d’éducation sensorielle) et l’UAS (unité d’activités sensorielles)
sont des dispositifs internes à l’IME dans lesquels sont accueillis les enfants et adolescents
polyhandicapés
L’Unité d’Éducation Sensorielle (UES), que l’on appelle aussi « l’Arche », constitue un dispositif
interne à l’IME qui accompagne les enfants et les adolescents polyhandicapés. Les objectifs de cette
unité spécifique sont de développer les apprentissages liés à l’autonomie dans les gestes du
quotidien, les compétences en communication alternative et améliorée, les habiletés motrices, et de
proposer des temps de repos, de répit et de bien-être. Les enfants accueillis dans cette unité ont
moins de 15 ans, certains sont polyhandicapés, d’autres présentent une déficience intellectuelle. Le
groupe accueilli est restreint. L’unité présente une grande salle commune où se déroule la vie
quotidienne collective, une salle de repos, une salle de relaxation (partagée avec d’autres unités) et
une salle d’activité. À partir de 15 ans, les jeunes polyhandicapés sont accueillis au sein de l’Unité
d’Activités Sensorielles (UAS*), dans la continuité des objectifs de l’Arche.
A2. La personne accompagnée par le DIHW bénéficie d’un accompagnement
personnalisé spécifique

A2.1 L’enfant accompagné par le DIHW est entouré par une équipe
pluridisciplinaire adaptée à ses besoins
Pour chaque enfant ou jeune accueilli au sein du DIHW, sont désignés : un chef de service, un(e)
référent(e) de projet, un référent(e) de soins, deux éducateurs(trices) et un(e) enseignant(e)
spécialisé(e). D'autres professionnels complètent cette équipe pluridisciplinaire en fonction des
besoins spécifiques de l'enfant (psychomotricienne, psychologue, ergothérapeute, orthophoniste…).
A2.2 Un projet personnalisé d’accompagnement est élaboré par l’équipe en lien
avec la famille et toutes les personnes qui accompagnent l’enfant
Le DIHW met en avant une approche positive des situations des jeunes et de leur famille, en se
focalisant sur les capacités et le potentiel d’évolution d’un élève, plutôt que sur les difficultés
causées par ses déficiences. L'accompagnement est individuel, adapté aux besoins de chaque
personne, et les interventions sont personnalisées, définies dans le cadre d’un projet personnalisé
d’accompagnement (PPA). La famille participe activement au projet et est associée à toutes les
décisions concernant l’intervention auprès de son enfant.
A2.3 Le projet personnalisé de l’enfant est réévalué chaque année
Le PPA est évalué chaque année par l’équipe pluridisciplinaire, qui élabore un document
présentant les constats de l’année écoulée et les bilans des accompagnements mis en place.
L’attitude et les compétences de l’enfant y sont détaillées, autant dans la vie quotidienne que dans le
contexte éducatif et/ou scolaire. Un retour est effectué sur chacun des objectifs fixés, afin de
déterminer s’il est à poursuivre ou non. Enfin, une hypothèse est posée, et de nouveaux objectifs
sont retenus pour l’année à venir. Le document est présenté et validé lors d’une rencontre avec la
famille, en présence de l’enfant.

50
B. L’art-thérapie est intégrée au sein du DIHW et des prises en soin individuelles sont
organisées pour des enfants et des adolescents de l’Arche et de l’UAS

B1. La succession de deux stages permet une temporalité longue adaptée au public

B1.1 Deux stages successifs sont effectués au sein du DIHW


J’ai eu la chance d’effectuer deux stages longs au sein du DIHW. Le premier s’est déroulé sur le
site de l’Arche uniquement, le second sur deux sites : l’Arche et l’UAS. Pendant la période de deux
mois qui séparait les deux stages, une convention de bénévolat a été signée, afin de ne pas créer une
trop grande rupture dans les accompagnements déjà mis en place. Cette longue durée de présence
sur les unités a permis de rencontrer les enfants et les adolescents progressivement, de ne pas leur
« imposer » ma présence sans qu’ils aient pu s’y préparer. Des temps d’observation et d’activités
m’ont permis de les rencontrer avant de débuter les prises en soin, de les connaître, de comprendre
leur façon singulière de s’exprimer et même de leur laisser la possibilité, parfois, de choisir de venir
vers moi, ce qui me paraissait particulièrement pertinent au regard de l’hypothèse dégagée plus haut
(replacer en position de sujet ces enfants et adolescents).
B1.2 Certaines prises en soin commencent pendant le premier stage et se
poursuivent pendant le second
La prise en soin de Thomas, que je présenterai en détail plus loin, a débuté lors du premier stage,
Thomas étant accueilli à l’époque sur l’unité de l’Arche. Ayant atteint l’âge de 15 ans, son
accompagnement par le DIHW s’est ensuite poursuivi sur l’unité de l’UAS, à partir de la rentrée
scolaire de septembre 2021. Les séances d’art-thérapie ont pu contribuer à faire le lien entre les
deux unités, nous le verrons plus loin.
B2. L’art-thérapeute travaille de façon autonome, mais toujours en lien avec l’équipe
pluridisciplinaire et parfois avec les familles

B2.1 Une présentation de l’art-thérapie est proposée à l’équipe en réunion de


coordination lors du premier stage
Les réunions de coordination ont lieu de façon hebdomadaire, elles sont l’occasion d’évoquer les
difficultés rencontrées dans l’accompagnement des enfants et de prendre les décisions nécessaires.
Son présents lors de ces réunions les référentes de projet, référentes de soin, directeur et
responsables de services, secrétaire, mais aussi le psychologue, la psychomotricienne,
l’orthophoniste et l’ergothérapeute. Les éducateurs et éducatrices n’assistent pas à ces réunions, qui
ont lieu pendant les temps d’accueil des enfants, mais ils peuvent y faire remonter leurs constats et
leurs difficultés, obtenir du soutien, faire du lien avec les familles. J’ai pu présenter lors de ces
réunions, dans les premières semaines de stage, mon parcours, ainsi que l’art-thérapie, peu ou pas
connue de l’équipe du DIHW. J’y ai également présenté le projet de prise en soin que j’avais
envisagé pour Thomas.
D’autres réunions permettent à l’équipe d’évoquer tous les sujets de ressources humaines,
d’organisation, de planning, d’agencement des unités, de budget. J’ai constaté beaucoup d’échanges
au sein de cette équipe, une communication fluide, où chaque professionnel a sa place, avec ses
compétences spécifiques. À tout moment et dans tous les espaces, c’est le bien-être de l’enfant qui
est au centre des préoccupations de chacun.

51
B2.2 En plus de séances individuelles d’art-thérapie, un temps de présence
hebdomadaire sur les unités permet de rencontrer les enfants dans leur environnement et
d’échanger de façon informelle avec les professionnels qui les accompagnent au quotidien
Durant les premières semaines du premier stage, je me rends une fois par semaine, le vendredi,
sur le site de l’Arche, pour un temps d’observation. Je passe tout l’après-midi avec l’équipe et les
enfants présents, et je partage avec eux l’ensemble des activités proposées (activités, ballades, jeux
de ballon dans la cour, relaxation, goûters, jeux de société, visites de l’orthophoniste et de
l’ergothérapeute). Pour moi, il s’agit d’un moment de rencontre un peu « informel » avec tout le
monde, surtout les enfants, mais aussi un moment d’échange avec l’équipe, d’apprentissage du
vocabulaire auprès des professionnels. J’y observe les capacités des enfant, leurs goûts en matière
d’activité, et j’apprends à communiquer avec chacun d’entre eux. C’est pendant ces après-midis que
je décèle, par exemple, quand Anna (dont je parlerai plus loin) dit oui ou non, quand elle est
contrariée ou fatiguée, quand elle montre les signes d’une crise d’épilepsie imminente, ce qui se
révèle précieux au moment de choisir les items d’évaluations de sa prise en soin. Je vis aussi,
pendant ces quelques heures, le quotidien des éducateurs et des éducatrices, et je mesure
l’implication corporelle, émotionnelle et mentale, et l’attention constante que demande
l’accompagnement de personnes polyhandicapées.
B2.3 La mise en place d’ateliers artistiques collectifs permet la rencontre avec les
enfants, les adolescents, et les éducateurs en amont des prises en soin individuelles
Finalement, ce temps du vendredi après-midi n’est jamais tout à fait un temps d’observation,
puisque dès les premières semaines, je propose une activité (collages avec différentes matières,
peinture sur coquillages ramassés ensemble lors d’une ballade sur la plage, dessin au feutre, crayon
ou pastels secs, pâte à sel, écoute musicale). Rapidement, je me rends compte qu’il n’est pas
possible d’« imposer » une activité que j’ai imaginée, soit parce que les enfants n’y sont pas
réceptifs ce jour-là, soit parce que les enfants présents ne sont pas ceux qui étaient prévus (rendez-
vous médicaux, absences), soit parce que lorsque j’arrive, l’équipe a imaginé, voire déjà commencé
autre chose avec les enfants. Il arrive aussi que je prévois quelque chose pour un enfant en
particulier, mais qu’au moment de commencer, l’orthophoniste vienne spécialement pour travailler
avec cet enfant, mon activité n’étant pas du tout adaptée à ses objectifs. Je décide donc d’arriver
chaque semaine avec plusieurs propositions, et de rebondir sur ce qui est là au moment de mon
arrivée. Voilà comment j’arrive tous les vendredis avec mon gros sac (que les enfants suivent des
yeux à mon arrivée, curieux, et viennent parfois explorer pendant que je dis bonjour à tout le
monde). Dans mon sac j’ai donc, à partir de ce moment-là, toujours : quelques instruments de
musique, des foulards ou autres accessoires pour danser, une enceinte et un lecteur MP3, quelques
magazines ou matières à coller. À chaque fois, les éducateurs s’en saisissent immédiatement pour
inclure dans la mesure du possible tous les enfants dans l’activité, en adaptant pour chacun le
matériel ou en proposant l’aide juste à ses capacités (pupitre, pinceaux et ciseaux adaptés). Les
autres professionnels en visite sur l’unité en profitent également pour faire « travailler » les enfants
qu’ils suivent en prise en soin (communication pour le choix des couleurs, utilisation de la langue
des signes, de pictogrammes ou d’autres outils de communication, travail de la motricité).
Ces activités sont aussi parfois l’occasion que tout le monde (enfants, éducateurs, rééducateurs,
thérapeutes) se retrouve autour de la table, pour un moment partagé. Je pense notamment à cet
après-midi où nous avons fabriqué de la pâte à sel, que nous avons ensuite distribuée à chacun, et où
nous avons modelé ensemble autour de la table, dans une ambiance joyeuse où chacun, je crois,
enfants comme adultes, a éprouvé beaucoup de plaisir.

52
B2.4 Avant de débuter une prise en soin, l’art-thérapeute rencontre les référent(e)s
de soin et de projet de l’enfant et questionne les éducateurs et éducatrices de l’unité
Lorsqu’une indication est posée pour l’un des enfants, et qu’une prise en soin art-thérapeutique
va commencer, je consulte son dossier, j’échange avec les éducateurs et éducatrices sur l’unité, puis
je prends contact avec les deux personnes référentes : la référente de projet et la référente de soin. Je
recueille ainsi toutes les informations qui peuvent être utiles pour mieux connaître la situation de
l’enfant, et des précisions pour dégager les objectifs de cette prise en soin.
B2.5 À la fin de certaines prises en soin, les professionnels et les familles sont réunis
pour une restitution du travail
Lorsqu’une prise en soin se termine, et lorsque cela est possible, les professionnels qui entourent
l’enfant sont réunis, et je présente le bilan des séances d’art-thérapie. La plupart des séances d’art-
thérapie que j’ai menées sont des séances individuelles. Cette restitution, parfois sous la forme
d’une vidéo, est l’occasion, pour les personnes qui accompagnent l’enfant, de voir le travail réalisé
en séance et les évolutions observées. Une discussion permet ensuite de confronter les regards,
d’apporter de nouvelles idées pour la poursuite du projet d’accompagnement de l’enfant. Il arrive
parfois que la famille soit également conviée à ces rencontres. J’ai pu ainsi présenter le travail
réalisé avec Anna à sa maman, en présence d’Anna.
C. Les études de cas détaillées de Lisa et de Thomas permettent d’évaluer les effets de l’art-
thérapie au regard de l’hypothèse de travail

C1. Lisa, 12 ans, atteinte d’un CDG syndrôme, en situation de polyhandicap, est indiquée
par le responsable de service pour des manifestations envahissantes d’autostimulation
Lisa est accueillie à l’Arche à temps plein depuis le mois de septembre 2021. Cette rentrée est
difficile pour elle. Certains jours Lisa a un comportement agité (cris, autostimulations) qui est
difficile à gérer pour l’équipe et perturbe les autres enfants du groupe. Lisa apprécie la musique.
Une première expérience musicale avec moi avait été bien vécue lors du premier stage, Lisa avait
apprécié de taper sur des percussions et de manipuler une guitare, activité qui avait capté son
attention pendant un temps plus long qu’à son habitude. L’indication part de l’idée que la musique
pourrait lui apporter des ressentis agréables (notamment par des stimulations vibratoires) et l’aider à
canaliser son agitation.
C1.1 L’état de base de Lisa, établi à l’issue d’une séance d’ouverture, montre ses
capacités motrices et cognitives altérées et ses difficultés à communiquer, malgré un élan et une
poussée corporels bien présents
Lisa a 12 ans, elle est accueillie au DIHW depuis 2018, et sur l’unité de l’Arche depuis 2021. Elle
est en situation de polyhandicap, suite à un trouble congénital de la glycosylation (aussi appelé
CDG syndrome) diagnostiqué à l’âge de 7 mois. Il s’agit d’une perturbation de la formation ou de la
fixation des chaînes de sucre dans les protéines. Lisa vit chez ses parents avec son grand frère et sa
petite sœur. Du fait de sa situation de polyhandicap, Lisa est dépendante pour tous les actes de la vie
quotidienne (déplacement, alimentation, habillement, hygiène...). Lisa est en fauteuil roulant, et ne
se déplace pas seule en fauteuil, ou très peu. Elle est nourrie par une sonde de gastrotomie* et porte
un corset jour et nuit. Lisa bénéficie d’un suivi médical important et de plusieurs traitements
(épilepsie, glycémie, thyroïde). Au DIHW, elle est accueillie tous les jours au sein de l’unité de
l’Arche, avec un temps scolaire collectif en groupe restreint une fois par semaine et différents autres
suivis (orthophonie, psychomotricité, ergothérapie). L’état de base de Lisa est synthétisé dans un
tableau :

53
Tableau 6 - État de base de Lisa
Bilan sanitaire Trouble congénital de la glycosylation (aussi appelé CDG syndrome). Difficulté à prendre
du poids. Épilepsie (pas de crise depuis plus d’un an). Chaussures orthopédiques, corset
(scoliose).
Traitements Traitements médicamenteux pour : épilepsie, glycémie, thyroïde, reins.
Bilan sensoriel Les facultés sensorielles de Lisa sont préservées en grande partie. Lisa refuse de porter
des lunettes, malgré une vue qui n’est pas efficiente au-delà de 40 cm. Ses facultés
gustatives sont peu explorées.
Bilan moteur Lisa ne se déplace pas, ou très peu, dans son fauteuil, elle utilise parfois les meubles qui
sont autour d’elle pour prendre appui. Lisa se déplace plus facilement lorsqu’elle est au
sol ou dans une flèche de marche. Lisa est tonique, et presque toujours en mouvement.
Lisa peut prendre un objet, le lancer ou le passer à quelqu’un, elle aime taper sur des
instruments de musique ou les secouer.
Bilan cognitif Lisa présente une déficience intellectuelle sévère.
Attention  : Lisa peut maintenir son attention de façon soutenue vers une personne ou un
objet qui l’intéresse, s’il n’y a pas de distraction, et sur un temps court (5 minutes).
Mémoire : Lisa reconnaît les personnes, les objets et les lieux familiers, elle a une bonne
mémoire visuelle et auditive. Elle reconnaît son prénom.
Raisonnement  : Lisa a des capacités en ce qui concerne la relation de cause à effet
(notamment entre son geste et ce qu’il produit), la permanence de l’objet et des capacités
d’anticipation immédiate et contextualisée.
Capacités spatiales et temporelles : Lisa oriente son déplacement vers un but, elle peut
distinguer le vide et le plein et se repérer dans les espaces connus.
Bilan psycho-affectif Lisa est fatigable, elle a des difficultés d’endormissement. Elle s’endort tard le soir et a
besoin de temps de repos dans la journée. Elle est capable d’adapter son comportement au
ton de la voix, ou en fonction du statut de la personne qui s’adresse à elle. Elle est
sensible aux compliments et peut agir pour faire plaisir. Lisa a besoin de présence
constante, elle n’aime pas être seule, n’apprécie pas trop d’être touchée. Lisa n’aime pas
attendre, elle manifeste son impatience, sa frustration par des cris et en se frappant le
visage.
Bilan expression Lisa ne parle pas. Son visage est très expressif, elle s’exprime par le regard, des vocalises,
des mimiques, des gestes. Lisa peut parfois agripper les personnes qui l’entourent et
griffer, pincer, donner des coups de pied, s’agiter, hyperventiler.
Bilan communication Lisa regarde bien son interlocuteur et manifeste du regard son envie de communiquer.
Elle peut comprendre quelques mots dans un contexte précis. Elle utilise des gestes pour
se faire comprendre et comprend des consignes très simples.
Bilan relationnel Lisa cherche des relations exclusives, elle mobilise parfois toute son attention sur
l’accompagnant et se détache de l’activité. Lisa aime également être en groupe. Elle a
parfois envie de faire plaisir à l’adulte et peut être dans la séduction pour obtenir ce
qu’elle veut.
Bilan social Le père de Lisa est professeur de cuisine en lycée, sa mère est également enseignante au
même endroit. Lisa vit avec ses parents, son grand frère et sa petite sœur. Le père de Lisa
est impliqué dans la structure qui accompagne sa fille, il est le président de l’association
AGAPEI.
Goûts/intérêts Lisa est en recherche de sensations: elle apprécie le sac à objets, les matières et textures,
elle prend plaisir à ouvrir des boîtes et placer ou sortir des jeux qu’elle donne ou jette.
Lisa apprécie la musique (taper sur des instruments, écouter de la musique), elle semble
particulièrement sensible aux vibrations.
Intention esthétique Lisa aime écouter de la musique et manifeste de l’intérêt pour certains instruments de
musique (guitare, djembe, bongo, piano, tambourin) sur lesquels elle apprécie surtout de
taper.

54
Pénalités en cascade Maladie (CDG) –> polyhandicap (situation de handicap physique, mental et social) –>
dépendance pour tous les actes de la vie quotidienne
Souffrances  Physiques : Douleur ? Inconfort ?
Mentales : État d’insatisfaction, frustration
Sociales : Difficulté à communiquer, à se faire comprendre
Pénalité principale  Polyhandicap

C1.2 L’analyse de l’état de base de Lisa met en évidence ses besoins non satisfaits et
les souffrances qui en découlent qui s’expriment notamment par un état d’agitation et des
autostimulations envahissantes
L’analyse de l’état de base de Lisa met en évidence ses besoins non satisfaits (selon le modèle des
besoins fondamentaux de Fröhlich), les besoins soulignés sont ceux sur lesquels la stratégie
thérapeutique va porter de façon plus précise.
Tableau  7 - Analyse de l’état de base de Lisa
Les besoins physiologiques de Lisa ne semblent pas satisfaits et provoquent régulièrement chez elle un état
d’agitation qui s’exprime par des haut-le-cœur, des cris et de l’autostimulation (Lisa se frappe le visage). Dans
ces moments d’agitation, nous pouvons supposer que Lisa ressent de l’inconfort, peut-être même de la douleur,
que ses ressentis en sont altérés (3C) et que Lisa est envahie d’émotions désagréables (3M).
Des cris et des manifestations de colère et d’autostimulation s’expriment aussi parfois de façon envahissante
lorsque Lisa doit attendre, lorsqu’elle ne peut pas faire ou obtenir quelque chose, lorsque l’on ne répond pas à sa
demande, lorsqu’elle n’arrive pas à se faire comprendre. Ce comportement pourrait être lié à la non satisfaction
de son besoin de stimulation, de changement et de mouvement, ainsi qu’à la non satisfaction de son besoin de
lien, de tendresse, d’acceptation et de communication. Les capacités cognitives altérées de Lisa (4M) ne lui
permettent pas de comprendre ces situations de frustration et de gérer les émotions qui en découlent (3M).
Cet état d’insatisfaction est renforcé par le fait que Lisa est limitée dans sa motricité (5C) et dans sa
compréhension (4M), qu’elle ne se déplace pas seule lorsqu’elle est dans son fauteuil et qu’elle a besoin
d’assistance pour tous les actes de sa vie quotidienne. Nous pouvons supposer que son besoin d’indépendance,
d’autonomie, d’autodétermination, de reconnaissance et d’estime de soi n’est pas satisfait.
Lisa recherche souvent des relations exclusives et n’aime pas rester seule (8), ce qui pourrait être lié à la non
satisfaction de son besoin de lien, de tendresse, d’acceptation et de communication.
Lisa est une jeune fille curieuse et très expressive. Son élan (5M) et sa poussée (5C) corporels sont bien
présents, surtout lorsque quelque chose l’intéresse. Elle s’exprime beaucoup et cherche à communiquer (8), par
des sons, des expressions du visage et des gestes. Ses capacités sensorielles sont partiellement préservées (3C),
elle est d’ailleurs souvent en recherche de sensations. Elle aime écouter de la musique et manifeste de l’intérêt
pour certains instruments de musique (guitare, bongo) sur lesquels elle apprécie de taper, elle semble rechercher
leurs vibrations.
Les mécanismes préservés (cibles thérapeutiques* sur lesquels la stratégie pourrait s’appuyer) et
les mécanismes défaillants (sites d’action*), sont présentés dans un tableau :
Tableau 8 – Cibles thérapeutiques et sites d’action pour Lisa
Mécanismes préservés (cibles thérapeutiques) Mécanismes défaillants (sites d’action)
3C (capacités sensorielles préservées partiellement) 3C (douleur, inconfort)
5M (élan corporel) 3M (émotions désagréables envahissantes)
5C (poussée corporelle) 4M (capacités cognitives limitées)
8 (aime être en groupe, cherche à communiquer) 5C (capacités motrices limitées)
8 (difficultés à se faire comprendre, recherche des
relations exclusives)

55
Schéma 2 - Opération artistique pour Lisa

C1.3 Les objectifs thérapeutiques pour Lisa porteront sur les gratifications
sensorielles provoquées par les instruments de musique qui l’amèneront à se mettre en action, à
développer son écoute et son attention, puis sur l’apport de savoir-faire pour enrichir son
expression
Pour l’objectif thérapeutique général, le choix a été fait de se concentrer sur la communication,
qui est l’un des besoins non satisfaits de Lisa. Mais la stratégie, par le biais des objectifs
thérapeutiques intermédiaires, portera également sur les autres besoins non satisfaits de Lisa. Les
objectifs thérapeutiques retenus, les boucles de renforcement correspondantes, en lien avec les
besoins non satisfaits de Lisa, sont présentés dans un tableau :
Tableau 9 - Objectifs thérapeutiques pour Lisa
Objectif général pour Lisa (OG)
Développer ses capacités de communication en interagissant dans la pratique artistique
Objectifs intermédiaires pour Lisa (OI) Besoins non satisfaits de Lisa
Objectif intermédiaire 1 - Ressentir du plaisir dans l’activité Besoins physiologiques et besoin de stimulation
artistique (Boucle de renforcement BR 1-2-3C)
Objectif intermédiaire 2 - Se mettre en action dans la pratique Besoin de changement et de mouvement
artistique (BR 3C-5M/C-6) Besoin d’indépendance
Objectif intermédiaire 3 – Interagir avec l’art-thérapeute en Besoin de lien et de communication
augmentant son temps d’attention (BR 5M/C-6-8-4M)
Objectif intermédiaire 4 – Acquérir de nouveaux gestes et Besoin de lien et de communication

56
développer sa communication (BR 6-7-8) Besoin d’autonomie

C1.4 La stratégie pour Lisa est de stimuler son élan et sa poussée corporelle pour favoriser les
interactions et améliorer ses capacités de communication
Tableau 10 - Stratégie thérapeutique pour Lisa
Description de la stratégie thérapeutique
Les instruments de musique qui rayonnent (1,2) provoquent chez Lisa des gratifications sensorielles (vue, ouïe,
vibrations, toucher) (3C) et du plaisir –> Pouvoir éducatif de l’Art.
Ces gratifications sensorielles (3C) stimulent l’élan (5M) et la poussée corporelle (5C) de Lisa et lui permettent
de se mettre en mouvement et en action dans la pratique artistique (6) –> Pouvoir d’entraînement de l’Art.
Cette mise en mouvement/en action (6) favorise les interactions de Lisa avec l’art-thérapeute (8), lui permet de
développer son attention (4M) et conduit à une forme de communication non verbale (8) –> Effet relationnel de
l’Art.
L’apport de nouveaux gestes (6) enrichit l’expression (6) de Lisa et lui permet de développer ses capacités de
communication (8) –> Effet relationnel de L’Art.

Schéma 3 – Stratégie thérapeutique pour Lisa


La dominante artistique choisie est la musique (sous plusieurs formes: écoute musicale,
manipulation d’instruments). En effet, Lisa a déjà montré un intérêt pour la musique et notamment
pour certains instruments sur lesquels elle aime taper. Chez elle, il arrive à Lisa d’écouter ou de
manipuler des instruments de musique. La musique est une pratique accessible pour Lisa, qui
nécessite peu de prérequis : le geste de taper sur un instrument est un geste que Lisa connaît et
contrôle, et qu’elle sait adapter avec une certaine précision. Le tableau ci-dessous présente la
justification du choix de cette dominante.

57
Tableau 11 - Justification de la dominante Musique pour Lisa
Mécanismes physiques Mécanismes mentaux Mécanismes sociaux
La musique sollicite les sens, et La musique peut faire écho à des La musique sollicite les capacités
notamment l’un des sens prédominants expériences précoces vécues par Lisa d’écoute de l’autre. → Besoin de
chez Lisa: le toucher (contact avec (notamment vibratoires). lien, communication, OI3, OI4
l’instrument, vibrations ressenties par La musique active le circuit de la La musique permet des
la peau et les os). La musique sollicite récompense. → OI1 interactions qui se passent du
également les autres sens, et La musique est accessible, Lisa peut langage verbal, et peuvent
notamment l’audition et la vue. agir seule dans la pratique musicale, conduire à une forme de
(pouvoir éducatif de l’Art) → Besoin elle n’a pas besoin d’aide pour taper communication non verbale, voire
de stimulation, OI1 sur un instrument. → Besoin à une relation hors verbale, par
La musique agit sur le corps et d’indépendance, OI2 l’émotion esthétique vécue
notamment sur la respiration, le Lisa peut être amenée à faire des ensemble et le principe de
rythme cardiaque, la pression choix (choisir l’instrument qu’elle sympathie (vibrer ensemble).
artérielle. → Besoins physiologiques, veut utiliser) → Besoin d’autonomie, (effet relationnel de l’Art →
OI1 OI2, OI3, OI4 Besoin de lien, communication,
La musique peut provoquer des La musique sollicite les capacités OI3, OI4
ressentis agréables et détourner Lisa d’attention. → OI3, OI4
de ses ressentis désagréables. (pouvoir Les actions possibles sont variées :
éducatif de l’Art) → Besoins contemplation, action, jouer, taper,
physiologiques, OI1 écouter...→ Besoin de changement,
OI2
...bouger sur la musique, manipuler
les instruments (pouvoir
d’entraînement de l’Art) → Besoin
de mouvement, OI2
Lisa apprécie la musique, cette
dominante correspond à ses goûts.
→ Besoin de reconnaissance et
d’autodétermination
Méthode et moyens
La prise en soin se fait au rythme d’une à deux séances par semaine, individuelles, de 30 minutes
environ. Les séances ont lieu dans l’une des salles de l’Arche, ou parfois à l’école de musique de
Granville (le groupe de l’Arche s’y rend une fois par semaine pour un cycle de 7 ateliers, et l’école
de musique accepte de mettre une salle supplémentaire à disposition pendant ces temps pour les
séances d’art-thérapie). La méthode utilisée est parfois libre, parfois semi-dirigée, avec une
prédominance de l’Art I, et parfois plus didactique, avec l’introduction de l’Art II, toujours de façon
adaptée aux capacités de Lisa. Les séances sont composées de plusieurs séquences qui émergent au
fil de la prise en soin, lors de certaines séances, toutes les séquences seront visitées, parfois non :
Tableau 12 - Les différentes séquences d’une séance d’art-thérapie pour Lisa
Lisa joue seule avec un Je joue avec un instrument, Lisa Nous jouons ensemble (sur le même
instrument écoute et regarde instrument ou des instruments différents)
Nous jouons en alternance (chacune son tour, en se passant un Écoute musicale sur une petite enceinte que
instrument par exemple) Lisa peut manipuler (vibrations)

C1.5 Lisa a bénéficié de seize séances d’art-thérapie qui lui ont permis de
développer une forme de communication non verbale dans la pratique musicale
Tableau 13 - Descriptif des séances pour Lisa
Séance N°1 Séance d’ouverture 14/09 à l’Arche (durée : 20 minutes)
Objectif des séances : Stratégie thérapeutique et OA :
- Faire connaissance avec Lisa et établir son état de base Les instruments de musique qui rayonnent

58
- Provoquer des gratifications sensorielles (3C) (1,2) provoquent des gratifications
- Instaurer une relation (8) sensorielles (vue, ouïe, vibrations, toucher)
BR 1-2-3C –> 8 (3C) et permettent l’entrée en relation (8).
Dominante : Proposition de plusieurs instruments de musique à écouter
et/ou à manipuler + écoute musicale
Méthode : Semi-dirigée à libre, Art I, pouvoir éducatif et effet
relationnel de l’Art.

Descriptif de la séance N°1: À mon arrivée, Lisa est isolée et pleure. En arrivant dans la salle d’activité elle tend le
bras vers la guitare, puis vers la cloche qu’elle secoue un instant et jette par terre. Elle garde chaque instrument pour des
temps très courts, demande la guitare plusieurs fois, ainsi que le tambourin sur lesquels elle tape. Lisa ne semble pas
intéressée par l’écoute musicale que je lui propose ensuite.
Bilan de la séance N°1: Malgré l’agitation de Lisa pendant cette séance et le temps très court passé sur chaque
instrument, elle semble montrer un certain intérêt pour l’activité. Je note son intérêt pour la guitare (Lisa tend le bras,
sourit). Lisa me regarde peu, mais elle me suit du regard lorsque je vais chercher un nouvel instrument.
Projection : Continuer à explorer les goûts de Lisa pour provoquer le plaisir (instruments et écoute), en privilégiant les
instruments sur lesquels elle peut taper (percussions). Insister avec la guitare pour qu’elle se mette en action.
Séances N°2 et 3 17/09 à l’école de musique (durée : 30 minutes) 20/09 à l’Arche (durée : 15 minutes)
Objectif des séances : Stratégie thérapeutique et OA :
- Provoquer des gratifications sensorielles (3C) Les instruments de musique qui rayonnent (1,2)
- Provoquer l’entrée en action (6) provoquent des gratifications sensorielles (3C),
OI1 (BR 1-2-3C) et OI2 (BR 3C-5M/C-6) stimulent l’élan (5M) et la poussée corporelle
Dominante : Je joue de différents instruments de musique puis je (5C) et provoquent le mouvement et l’action (6).
propose à Lisa de les manipuler. Écoute musicale. Les interactions sont favorisées.
Méthode : Semi-dirigée à libre, Art I pouvoir éducatif,
d’entraînement et effet relationnel.

Descriptif de la séance N°2: Lisa manipule tous les instruments qui lui sont proposés, avec une préférence pour la
guitare (qu’elle utilise comme une percussion), le djembe et le piano. Elle semble rechercher les vibrations et vouloir
rapprocher le plus possible les instruments de son corps. Elle est impatiente de tout découvrir et passe très vite d’un
instrument à un autre. Elle s’agite et montre de l’impatience (cris) lorsque je ne comprends pas ce qu’elle veut ou ne
réponds pas tout de suite à sa demande. Lisa aime taper sur les instruments, geste qu’elle connaît et contrôle. Descriptif
de la séance N°3: Lisa réagit à mon arrivée dans l’unité, cette séance n’était pas prévue, mais nous l’improvisons juste
avant le repas, à sa demande. Elle est souriante, se met en action tout de suite dès qu’un instrument l’intéresse. Elle
cherche à se déplacer plusieurs fois à l’aide de la table mais n’y parvient pas seule. Elle écoute quelques instants sans
bouger lorsque je joue de la guitare. Je propose un jeu qui la fait sourire et rire (je glisse ma main sous la sienne
lorsqu’elle tape sur le bongo). Beaucoup de contacts visuels pendant cette séance.
Bilan des séances N°2 et 3: Lisa se met en action, elle semble prendre du plaisir dans l’activité (sourires, rires). La
relation se construit (Lisa me reconnaît, me regarde plus souvent, et accepte le contact dans le jeu) –> OI1, OI2 en cours.
Projection : Diversifier encore les instruments, tout en gardant ceux qu’elle apprécie, privilégier les instruments avec
caisse de résonance qu’elle peut prendre sur elle. Proposer plus de temps d’écoute (je chante, je joue, IPOD) et d’attente
pour instaurer une communication.
Séances N°4 et 5 1/10 à l’école de musique (durée : 40 minutes ) 4/10 à l’Arche (durée : 25 minutes)
Objectif des séances : Stratégie thérapeutique et OA :
- Provoquer des ressentis agréables (3C) et l’entrée en action (6) Les instruments de musique qui rayonnent

59
OI1 (BR 1-2-3C) / OI2 (BR 3C-5M/C-6) (1,2) et les gratifications sensorielles qu’ils
- Augmenter les temps d’écoute, d’attente, de silence pour aller vers une procurent (3C) stimulent l’élan (5M) et la
alternance (communication) OI3 (BR 5M/C-6-8-4M) poussée (5C), provoquent l’action (6) et
Dominante : Exploration et manipulation de différents instruments de favorise les interactions (8).
musique, en alternance avec moi, écoute musicale.
Méthode : Semi-dirigée à libre, Art I, pouvoir d’entraînement et effet
relationnel de l’Art.

Descriptif de la séance N°4: Lisa est calme, elle m’écoute chanter un long moment, en me regardant dans les yeux.
Elle accepte que je prenne sa main (sans agripper ou griffer) pour lui faire gratter les cordes de la guitare. Différentes
séquences apparaissent : Lisa joue seule, je joue seule, nous jouons en même temps, écoute musicale. Descriptif de la
séance N°5 : Lisa est impatiente de me rejoindre lorsque j’arrive sur l’unité. Elle demande souvent à changer
d’instrument. Nous restons cependant un long moment avec le bongo, que nous nous passons pour jouer chacune notre
tour. Nous écoutons de la musique, Lisa passe l’enceinte sur son visage. Je note l’apparition de cette nouvelle séquence
ou nous jouons en alternance sur le même instrument (bongo).
Bilan des séances N°4 et 5: Les temps d’écoute et d’attente sont plus longs, Lisa passe plus de temps sur le même
instrument, un jeu d’alternance se met en place au bongo à la séance N°5. Un long contact physique lorsque j’aide Lisa à
faire sonner les cordes de la guitare. Toujours des sourires et des rires, Lisa est en action, les OI1 et OI2 sont atteints.
Projection : Garder en tête les différences séquences possibles (cinq). Chanter plus fort et plus près de Lisa (vibrations).
Continuer à instaurer l’alternance dans le jeu musical (avec d’autres instruments) et à augmenter les temps d’écoute et
d’attente. Possibilité pour Lisa d’apprentissage d’un nouveau geste (gratter les cordes de la guitare seule) ?
Séances N°6 et 7 (durée :30 minutes) 5/10 à l’Arche 8/10 à l’école de musique
Objectif des séances : OI3 (BR 5M/C-6-8-4M) OI4 (6-7-8) Stratégie thérapeutique et OA :
- Continuer à renforcer l’alternance musicale (6) pour développer l’attention L’élan (5M) et la poussée (5C) conduisent
(4M) et la communication (8) à l’action (6) et favorisent les interactions
- Proposer à Lisa de réaliser un nouveau geste (apport d’un savoir-faire (6), (8) et l’attention (4M). L’apport de
cordes de la guitare) à réaliser ensemble ou l’une après l’autre (8) nouveaux gestes (6) enrichit l’expression
Dominante : Musique. Cinq séquences possibles: Lisa joue seule, je joue (6) et les interactions (8).
seule, nous jouons en même temps (même instrument, différents
instruments, ou instrument/chant), nous alternons, nous écoutons de la
musique.
Méthode : Semi-dirigée à libre, Art I et II (apport d’un savoir-faire),
pouvoir d’entraînement et effet relationnel de l’Art.

Descriptif de la séance N°6: Lorsque j’arrive Lisa crie beaucoup, a de nombreux haut-le-cœur et se frappe le visage. Je
décide de maintenir la séance, elle se met en action tout de suite en tapant sur la guitare, puis le bongo, mais pour un très
court instant. Elle se met à nouveau à crier et à se frapper le visage, et repousse tout ce que je lui propose. Elle s’apaise
un instant en prenant l’enceinte contre son visage, mais les cris et les autostimulations reprennent très vite. Descriptif de
la séance N°7: Cette séance commence comme la précédente, avec beaucoup de cris, de haut-le-cœur et
d’autostimulations. Avec l’éducateur présent, nous décidons de sortir Lisa de son fauteuil, et de faire la séance au sol.
Mais hormis quelques courts moments d’attention, Lisa n’est pas en mesure de focaliser son attention, d’interagir ou de
se mettre en action plus de quelques secondes.
Bilan des séances N°6 et 7: Lisa n’est pas disponible lors de ces séances, pour une raison qui n’est pas connue
(douleur ?, inconfort?) mais elle se met quand même en action très vite et sur des temps très courts. Elle peut aussi
écouter la musique quelques instants et s’apaise brièvement en prenant l’enceinte contre elle.
Projection : Garder les idées de la dernière projection pour les prochaines séances où Lisa sera plus disponible. Penser à
proposer une séance où Lisa serait au sol (plus de confort et de déplacements possibles pour elle –> indépendance) ?
Séances N°8,9,10 et 11 (durée :30 minutes) 11, 18/10 et 8/11 à l’Arche 22/10 à l’école de musique
Objectif des séances : OI3 (BR 5M/C-6-8-4M) OI4 (6-7-8) Stratégie thérapeutique et OA :

60
- Continuer à instaurer l’alternance musicale (6) pour développer l’attention L’élan (5M) et la poussée (5C) déjà
(4M) et la communication (8) présents provoquent l’action (6) et
- Proposer à Lisa de réaliser un nouveau geste (6) (cordes de la guitare) à favorisent les interactions (8) et l’attention
réaliser ensemble ou l’une après l’autre (8) (4M). L’apport de nouveaux gestes (6)
Dominante : Musique. Cinq séquences. enrichit l’expression (6) et les interactions
(8).
Méthode : Semi-dirigée à libre, Art I et Art II, effet relationnel de l’Art.

Descriptif de la séance N°8: Lisa ne montre pas d’impatience pendant cette séance, elle joue seule du piano pendant je
m’éloigne, nous alternons le jeu musical avec différents instruments. C’est elle qui mène le jeu avec la guitare en me
tendant la guitare ou en la reprenant. Je remarque des vocalises que je n’avais jamais entendues et de nouvelles
mimiques. Lisa déplace très légèrement son fauteuil. Descriptif de la séance N°9 : Lisa parvient à avancer légèrement
son fauteuil plusieurs fois. Elle garde l’enceinte longtemps contre elle lors des écoutes, la fait passer dans son cou,
derrière sa tête. Elle écoute un morceau en entier (plus de 3 minutes). Encore plus de vocalises différentes. Descriptif de
la séance N°10 : Quand j’arrive, Lisa prend ma main et la met contre son visage comme pour me dire bonjour.
Véronique, éducatrice, assiste à la séance, en retrait au début. Mais Lisa se déplace vers elle et lui donne la guitare pour
l’inclure dans notre jeu d’alternance. Lisa change encore très souvent d’instrument (beaucoup trop d’objets différents
présents dans cette salle de l’école de musique ?). Descriptif de la séance N°11 : Lisa semble contente de me voir
arriver, mais patiente très bien le temps que j’installe la salle. J’ai l’impression qu’elle reproduit un son à l’écoute d’une
musique, mais je n’en suis pas sûre. Elle griffe, gratte le djembe, le bongo. Elle veut gratter les cordes de la guitare, je
prend sa main pour lui faire faire, puis c’est elle qui prend ma main et me fait faire l’action plusieurs fois. J’ai un vrai
clavier (pas un jouet) lors de cette séance, Lisa tape dessus mais joue aussi quelques secondes avec ses doigts.
Bilan des séances N°8,9,10 et 11: Les jeux d’alternance sont présents régulièrement, parfois même à la demande de
Lisa. Lisa se déplace en avant avec son fauteuil. Elle peut parfois écouter une musique en entier ou m’écouter chanter de
plus longs moments. Elle demande parfois le contact pour gratter les cordes de la guitare, et peut même me faire faire le
geste. Les vocalises de Lisa sont plus diversifiées que pendant les premières séances.
Projection : Les séances se feront en fauteuil, et non sur le sol, posture plus adaptée à la manipulation des instruments
que Lisa apprécie (taper). Attention à l’espace dans lequel se font les séances, faire en sorte qu’il n’y ait pas trop d’objets
ou d’instruments visibles en même temps. Laisser plus de moments de silence et d’immobilité. Allonger les temps
d’alternance sur le même instrument et les enrichir encore (avec la voix? En imitant les vocalises de Lisa et en lui en
proposant de nouvelles ?). Possibilité d’apprendre un nouveau geste (jouer avec les doigts sur le clavier) ?.
Séance N°12 (durée :15 minutes) 9/11 à l’Arche
Objectif des séances : OI3 (BR 5M/C-6-8-4M) OI4 (6-7-8) Stratégie thérapeutique et OA :
- Consolider et enrichir la communication (8) par l’alternance musicale, L’élan (5M) et la poussée (5C) déjà
sur des temps plus longs (4M) (instrument), et avec la voix présents provoquent l’action (6) et
- Laisser plus de place au silence et à l’immobilité pour laisser plus de favorisent les interactions (8) et l’attention
place à l’expression de Lisa, imiter ses mimiques, vocalises, gestes (8) (4M). L’apport de nouveaux gestes (6)
- Proposer à Lisa d’apprendre un geste (cordes de la guitare, clavier) (6) enrichit l’expression (6) et les interactions
Dominante : Musique. Cinq séquences. (8).
Méthode : semi-dirigée à libre, Art I et II, effet relationnel de l’Art.

Descriptif de la séance N°12 : Cette séance n’est pas prévue, j’étais présente ce jour-là sur l’unité pour un autre enfant,
je la mets en place à la demande d’un éducateur, qui pense que cela peut faire du bien à Lisa, de nouveau très agitée
(cris, autostimulations). Lisa se met en action tout de suite avec la guitare puis le bongo, et enfin avec l’enceinte qu’elle

61
garde contre elle. Mais cela n’est que de très courte durée et les cris et autostimulations reviennent très vite. Lisa refuse
presque tout ce que je lui propose, elle me repousse et je n’arrive pas du tout à établir un contact visuel avec elle.
Bilan de la séance N°12: Lisa n’est pas disponible lors de cette séance mais elle se met quand même en action sur des
temps très courts. Il est difficile de savoir ce qui provoque ces «crises » et ce dont Lisa a besoin dans ces moments
d’agitation. Est-ce une bonne idée de lui proposer une séance ? Peut-être serait-il intéressant de le faire dans un espace
plus petit et calme avec très peu de stimulations (son, lumière) ?
Projection : Garder les idées de la dernière projection pour les prochaines séances où Lisa sera plus disponible.
Séances N°13,14,15 et 16 15, 19, 22, 29/11 à l’Arche (durée : entre 20 et 40 minutes)
Objectif des séances : OI3 (BR 5M/C-6-8-4M) OI4 (6-7-8) Stratégie thérapeutique et OA :
- Consolider et enrichir la communication (8) par l’alternance L’élan (5M) et la poussée (5C) déjà présents
musicale, sur des temps plus longs (4M) (instrument), et avec la voix vont provoquer l’action (6) et favoriser les
- Laisser plus de place au silence et à l’immobilité pour laisser plus de interactions (8). L’apport de nouveaux gestes
place à l’expression de Lisa, imiter ses mimiques, vocalises, gestes (8) (6) va enrichir l’expression (6) et les
- Proposer à Lisa d’apprendre un nouveau geste (6) interactions (8).
Méthode : semi-dirigée à libre, Art I et II, effet relationnel de l’Art.
Dominante : Musique. Toujours les cinq séquences.

Descriptif de la séance N°13: Quand j’arrive, Lisa se déplace en fauteuil et vient seule en séance (avec un peu d’aide
pour passer la porte), ce qui sera le cas pour toutes les dernières séances. Elle patiente très bien le temps que j’installe la
salle. Je remarque encore de nouvelles vocalises, que j’imite. Elle montre de l’intérêt pour la housse du djembe et celle
de la guitare, nous jouons à les enlever/les remettre. Elle demande à prendre un sac qui se trouve dans la salle, je lui
présente, elle en sort les objets un par un et me les donne, à chaque fois je chante et danse avec l’objet. Lisa me regarde,
m’écoute et semble apprécier. Descriptif de la séance N°14 : Lors du jeu d’alternance avec le bongo, Lisa tape sur les
deux côtés (une main de chaque côté), puis elle libère un côté, elle touche ma main comme si elle voulait que je joue sur
le côté libre, ce que je fais. Lisa arrive à faire sonner une corde de la guitare à ma demande, si j’incline correctement
l’instrument. Elle semble savoir très bien ce qu’elle veut : taper sur l’instrument ou tirer sur les cordes. Descriptif de la
séance N°15 : Lisa me donne sa main quand je lui demande (pour les cordes de la guitare), elle joue aussi avec les
cordes à ma demande. Elle me fait comprendre qu’elle veut m’écouter en poussant l’instrument vers moi et en vocalisant
calmement. Descriptif de la séance N°16 : C’est la dernière séance de cette prise en soin, je le dis à Lisa. Je parle moins
pendant cette séance, je laisse plus de place au silence, je laisse faire, je reproduis les gestes de Lisa, ses mimiques. Elle
me regarde attentivement. Lorsque je m’approche elle me repousse parfois, mais doucement. Elle prend ma main pour
les cordes, elle fait seule aussi. Lorsque je chante je me rapproche de plus en plus, jusqu’à être front contre front avec
elle, elle ne me repousse pas. Elle demande la housse de la guitare et y trouve deux foulards. Elle en garde un dans la
main pour le reste de la séance.
Bilan des séances N°13, 14, 15, 16: Lisa se déplace maintenant toute seule vers la salle pour venir en séance, et ce dès
que j’arrive dans l’unité. Les vocalises sont toujours aussi diverses. Lisa arrive à faire sonner seule une corde de la
guitare avec son pouce, si je tiens l’instrument vertical et l’incline d’une certaine façon. Beaucoup de moments de calme
et de silence, beaucoup de regards, de moments d’immobilité, de proximité physique, un peu plus de contact physique
également.
Projection : Faire un bilan de la prise en soin, qui sera présenté à l’équipe et à la famille lors d’une rencontre.

C1.6 L’évaluation des items choisis pour Lisa montre une diversité grandissante de
ses expressions et des interactions, et l’enrichissement de sa communication
Le choix des items d’observation pour Lisa s’est fait en fonction de ce qui était particulièrement
observable chez elle, et en cohérence avec les objectifs thérapeutiques. Ainsi nous évaluons cinq
faisceaux d’items, qui portent sur l’expression du plaisir (OI1), l’engagement (OI1 et OI2), l’action
(OI2), la communication (OI3) et la qualité de la communication (OI4). Il n’a pas été possible de
procéder à une auto-évaluation par le cube harmonique, Lisa n’étant pas en mesure de comprendre
ou de répondre, ni verbalement, ni d’une autre façon (pictogramme, couleur…) aux questions que

62
nécessite cette auto-évaluation, à cause de sa déficience intellectuelle profonde. Nous pouvons
seulement observer (mais cela reste de l’évaluation et non de l’auto-évaluation) ses manifestations
de plaisir, son envie de revenir en séance et sa joie de pouvoir agir avec les instruments. Le tableau
ci-dessous présente les items qui ont été évalués pour Lisa et leurs cotations.
Tableau 14 - Faisceaux d’items, items et cotations pour Lisa
Faisceau d’items - Expression du plaisir (OI1)
Nombre de sourires durant la séance Nombre de rires
5. plus de 6 / 4. de 5 à 6 / 3. de 3 à 4 / 2. de 1 à 2/ 1.Aucun 5. plus de 6 / 4. de 5 à 6 / 3. de 3 à 4 / 2. de 1 à 2/ 1.Aucun
Faisceau d’items - Engagement (OI1, OI2)
Demande à venir en séance Temps d’écoute maximum Temps maximum pour le Nombre de déplacements en
même instrument fauteuil vers instruments
5. Se déplace vers l’AT ou la salle 5. plus de 3 minutes 5. plus de trois minutes 5. plus de dix
4. Geste et expression d’impatience 4. moins de 3 minutes 4. moins de trois minutes 4. sept à neuf
3. Regard dirigé vers l’AT ou la salle 3. moins de 2 minutes 3. moins de deux minutes 3. quatre à six
2. Indifférence 2. moins d’1 minute 2. moins d’une minute 2. un à trois
1. Refus 1. moins de 15 secondes 1. moins de 15 secondes 1.Aucun
Faisceau d’items - Action dans la pratique artistique (OI2)
Durée de l’action la plus longue Geste orienté vers la pratique artistique Posture corporelle adaptée à l’action
(instrument) (tendance pendant la séance) artistique
5. plus de trois minutes 5. Geste contrôlé et précis 5. Toujours
4. moins de trois minutes 4. Geste contrôlé et régulier 4. Souvent
3. moins de deux minutes 3. Geste dirigé et contrôlé 3. La moitié du temps
2. moins d’une minute 2. Geste dirigé quelques fois 2. Quelques fois
1. moins de quinze secondes 1. Geste désordonné 1. Jamais
Faisceau d’items - Communication (OI3)
Temps d’écoute maximum Répond à une consigne Propose une interaction
5. plus de trois minutes 5. sept à huit fois 5. plus de dix fois
4. moins de trois minutes 4. cinq à six fois 4. sept à neuf fois
3. moins de deux minutes 3. trois à quatre fois 3. quatre à six fois
2. moins d’une minute 2. une à deux fois 2. une à trois fois
1. moins de quinze secondes 1. Jamais 1. Jamais
Faisceau d’items – Qualité de la communication (OI4)
Nombre de vocalises différentes Nombre de gestes/interactions différents Durée maximum – jeu d’alternance
5. sept à huit 5. sept à huit 5. plus de trois minutes
4. cinq à six 4. cinq à six 4. moins de trois minutes
3. trois à quatre 3. trois à quatre 3. moins de deux minutes
2. une à deux 2. une à deux 2. moins d’une minute
1. Aucune 1. Aucune 1. moins de quinze secondes

Le tableau suivant présente les résultats obtenus pour les faisceaux d’items évalués pour Lisa :
Tableau 15 - Résultats de l’évaluation pour Lisa
Évaluation de l’expression du plaisir et de l’engagement (OI1 et OI2)

Graphique 1 – Expression du plaisir pour Lisa Graphique 2 – Engagement pour Lisa

63
Le choix s’est porté sur les sourires et les rires comme items d’expression du plaisir ressenti par Lisa, car ce sont
des expressions qu’elle utilise de façon claire et adaptée. Sur le graphique N°1, nous observons la présence de ces
sourires et de ces rires régulièrement durant la prise en soin, ce qui nous donne une indication sur le plaisir
ressenti par Lisa lors des séances d’art-thérapie. Mais c’est surtout l’augmentation de l’engagement de Lisa qui
est visible au fil des séances (graphique N°2), avec quelques baisses qui correspondent aux trois séances où elle
n’était pas disponible (cris, autostimulation, voir la description des séances 6, 7 et 12 plus haut). L’item qui
montre la progression la plus significative est le choix de Lisa de venir en séance, qui atteint son maximum sur
les dernières séances, Lisa se rendant alors seule dans la salle d’activité, elle qui ne se déplaçait jamais avec son
fauteuil au début de la prise en soin.
Évaluation de l’action (OI2)

Graphique 3 – Évaluation de l’action pour Lisa


Nous observons sur le graphique 3 la mise en action de Lisa, qui apparaît rapidement dans la prise en soin. Les
gestes de Lisa ne sont pas toujours tournés vers la pratique artistique, surtout lors des séances 6, 7 et 12, mais
globalement sa posture s’adapte de plus en plus au fil des séances et sa durée d’action augmente.
Évaluation de la communication (OI3)

Graphique 4 - Communication pour Lisa Graphique 5 – Qualité de la communication de Lisa


En ce qui concerne la communication, dans la pratique musicale, trois items ont été évalués, qui mettent en
évidence, sur le graphique N°4, que Lisa a montré des capacités d’écoute grandissantes, qu’elle a pu répondre de
plus en plus à des consignes simples (ce qui, nous pouvons le supposer, découle directement de son écoute plus
grande) et qu’elle finit par proposer elle-même des interactions (souvent celles qui ont déjà été proposées pendant
les séances précédentes). Afin d’aller plus loin et d’évaluer l’objectif intermédiaire 4, de nouveaux items ont été
introduits à partir de la séance 8, moment où la communication dans la pratique musicale semblait s’installer. Sur
le graphique 5, nous évaluons trois items, qui évoluent sensiblement de la même façon (sur ce dernier graphique,
j’ai fait le choix de ne pas présenter la séance 12, durant laquelle il n’a pas été possible d’observer ces items). La

64
courbe moyenne montre une évolution régulière dans la communication de Lisa durant les séances concernées,
avec de plus en plus de vocalises et de gestes différents dans les interactions, et des jeux d’alternance de plus en
plus présents.

Graphique 6 - Évaluation des objectifs intermédiaires pour Lisa


Sur le graphique 6 nous évaluons les quatre objectifs intermédiaires pour Lisa. J’ai fait le choix ici de ne pas
présenter les séances 6, 7 et 12, Lisa étant peu disponible pour l’activité pendant ces séances, et les différents
items étant difficilement évaluable dans ces circonstances. Nous voyons la progression des quatre objectifs
intermédiaires, nous pouvons considérer qu’ils sont atteints pendant les séances d’art-thérapie.

C1.7 Le bilan de la prise en soin de Lisa montre que les objectifs sont atteints
pendant les séances
Lisa a bénéficié de 16 séances individuelles d’art-thérapie durant les mois de septembre, octobre et novembre
2021, avec pour dominante la musique, et pour objectif général de développer sa communication en interagissant
dans la pratique artistique. Les séances, de 15 minutes à 40 minutes, ont eu lieu dans une salle d’activité de
l’Arche et quelques fois à l’école de musique de Granville. Les séances comportaient plusieurs séquences : jeu de
Lisa seul sur instruments, jeu ou chant de l’art-thérapeute seul (écoute de Lisa), jeu de Lisa et de l’art-thérapeute
simultanément, jeux d’alternance, écoute musicale.
Hormis trois séances où Lisa était très peu disponible pour la pratique musicale (beaucoup de cris et
d’autostimulations), elle a montré beaucoup d’intérêt pour cette activité. Elle a exprimé régulièrement le plaisir
qu’elle ressentait par des sourires et des rires, a montré un engagement grandissant dans les séances
(déplacements en fauteuil, choix de se rendre seule dans la salle d’activité sur les quatre dernières séances,
augmentation des temps d’écoute et d’action, avec des gestes dirigés vers la pratique artistique et une posture
corporelle de plus en plus adaptée à son geste). Par des jeux d’alternance musicale, une forme de communication
non verbale a pu se mettre en place entre Lisa et l’art-thérapeute, qui s’est développée et enrichie sur les dernières
séances (de plus en plus de vocalises et d’interactions différentes).
La limite de cette prise en soin réside dans le fait que toutes ces observations ont été faites en séances d’art-
thérapie, individuelles. Il est difficile d’évaluer le bénéfice de ces travail dans la vie quotidienne de Lisa et sur
l’unité (collectif). Cependant, il est à noter que Lisa a beaucoup évolué sur l’unité de l’Arche pendant ces
quelques mois, notamment en se déplaçant de plus en plus souvent seule avec son fauteuil, et nous pouvons
supposer que les séances d’art-thérapie ont pu contribuer à renforcer ce comportement. Il serait intéressant que les
personnes qui côtoient Lisa au quotidien puisse se saisir de ce travail pour créer de nouvelles interactions avec
elle, entre elle et les autres jeunes, qu’ils puissent lui proposer des activités qui lui plaisent et dans lesquelles elle
peut se mettre en action avec le plus d’indépendance possible. Une rencontre est prévue avec les professionnels
qui accompagnent Lisa, ainsi que sa famille, pour restituer ce travail et réfléchir ensemble sur la suite à donner à
cette prise en soin.

65
C2. Thomas, 14 ans, atteint du syndrôme d’Angelman et en situation de polyhandicap, est
indiqué par le responsable de service pour une perte d’élan

C2.1 L’état de base de Thomas est établi après plusieurs rencontres informelles et
une séance d’ouverture
Thomas a 15 ans, il est atteint du syndrome d’Angelman*, qui se caractérise par un déficit
intellectuel et moteur sévères, une absence de langage, une jovialité et des accès de rire, des
troubles de l’équilibre, un tremblement des membres, une épilepsie et des troubles du sommeil.
Décrit pour la première fois en 1965 par le pédiatre anglais Harry Angelman, ce syndrome est dû à
une anomalie génétique sur le chromosome 15 (mutation ou délétion d’un ou plusieurs gène(s)
localisé(s) sur ce chromosome). Thomas ne parle pas, se déplace en fauteuil roulant. Il est pris en
charge par l’ASE* depuis qu’il a 3 ans, et a vécu pendant de nombreuses années en famille
d’accueil (plusieurs changements de famille d’accueil). Il est actuellement hébergé dans un accueil
collectif, et passe certains week-ends et vacances scolaires dans une famille d’accueil. Il n’a presque
pas de contact avec sa famille.
Thomas ne participe pas beaucoup aux activités proposées sur l’unité de l’Arche, où il est
accueilli depuis quelques années, c’est un enfant plutôt joyeux, d’humeur égale, qui entre
facilement en relation avec les adultes (peu avec les autres jeunes de l’unité). Ses centres d’intérêt
sont restreints, il se met souvent en retrait du groupe, passant beaucoup de temps à manipuler et à
déchirer des magazines ou des journaux. Il aime beaucoup l’eau et la musique. L’équipe a parfois
du mal à évaluer les capacités de Thomas et à le mobiliser. Une certaine limite semble avoir été
atteinte dans l’accompagnement de ce jeune homme, la maladie évolue, le tonus de Thomas baisse.
Depuis quelques mois Thomas a de moins en moins de centres d’intérêt et s’isole du groupe : une
nouvelle approche par l’art-thérapie pourrait permettre de le (re-)mobiliser.
Tableau  16 - État de base de Thomas
Bilan sanitaire Syndrome d'Angelman , déficience motrice et mentale, épilepsie, sécheresse cutanée
importante. Luxation de la hanche.
Traitements Traitements médicamenteux pour : épilepsie, sommeil, constipation.
Bilan sensoriel Les facultés sensorielles de Thomas sont préservées. Il peut cependant présenter une
hypersensibilité à certaines stimulations (lumière très forte par exemple). Les sens
prédominants chez Thomas sont l’audition, le toucher et la vue.
Bilan moteur Thomas se déplace seul en fauteuil roulant. La motricité de ses membres supérieurs est
globalement satisfaisante. Il est presque toujours en mouvement, surtout le haut de son
corps (balancements du buste et des bras). Il peut saisir un objet, le jeter.
Bilan cognitif Thomas présente une déficience intellectuelle profonde.
Attention et concentration  : Thomas présente une attention et une concentration très
faibles. Il est cependant en capacité d’orienter son attention vers les personnes et les
objets qui l’intéressent. Ses centres d’intérêt sont néanmoins peu nombreux, et il est
difficilement mobilisable sur d’autres choses que ceux-ci sur le plan attentionnel.
Mémoire : Thomas reconnaît son prénom et se souvient des personnes, des lieux et des
objets familiers.
Raisonnement  : Thomas reste dans l’instant, l’anticipation ne semble pas possible. La
relation de cause à effet et la permanence de l’objet ne semblent pas maîtrisées. Thomas
peut se repérer dans des endroits connus mais ses repères spatio-temporels ne sont pas
construits.
Apprentissage  : Les apprentissages ne font pas sens pour Thomas. Il a pu développer
certaines compétences en lien avec sa recherche de stimulations sensorielles.
Bilan psycho-affectif Thomas est fatigable et présente des troubles du sommeil (réveils fréquents et réveil
matinal précoce).

66
Bilan expression Thomas émet des vocalises. Il est souriant, son comportement est « linéaire » (le
syndrôme d’Angelman provoque une forme de « sourire automatique »). Expression
possible de refus de Thomas : tourner la tête, mettre ses bras devant son visage. Thomas
n’exprime pas la douleur ou l’inconfort.
Bilan communication Thomas ne communique pas de façon verbale, ni par signes ou par désignation d’image.
Il comprend le oui/non et deux ou trois mots du quotidien. Il tend le bras vers l’objet ou
la personne qui l’intéresse. Thomas est sensible au ton adopté.
Bilan relationnel Thomas recherche le contact visuel et physique.
Bilan social La famille de Thomas n’est pas présente au quotidien dans son accompagnement. Il vit
en hébergement collectif.
Goûts/intérêts Thomas aime la musique, l’eau, toucher et manipuler certains objets (notamment le
papier).
Intention esthétique Thomas aime écouter de la musique, il se met alors à bouger. Il tape quelques fois sur un
tambourin, secoue une maracas quelques secondes, puis s’en désintéresse vite. Il semble
particulièrement intéressé par un instrument de musique : la guitare.
Pénalités en cascade Maladie (Syndrome d’Angelman) –> polyhandicap (situation de handicap physique,
mental et social) –> dépendance pour tous les actes de la vie quotidienne –> Confié à
l’ASE depuis ses 3 ans, nombreux changements de familles d’accueil, hébergement en
institution, très peu de contact avec sa famille (blessures de vie)
Souffrances  Physiques : fatigue, douleur (hanche ?), baisse du tonus.
Mentales : passivité, peu de centres d’intérêt.
Sociale : Isolement.
Pénalité principale  Blessure de vie
Souffrance principale Perte d’élan et d’intérêt

C2.2 L’analyse de l’état de base de Thomas montre un manque d’élan et d’intérêt


pour la plupart des activités qui lui sont proposées et une tendance à l’isolement
L’analyse de l’état de base de Thomas met en évidence les besoins non satisfaits (selon le modèle
des besoins fondamentaux de Fröhlich), au regard de ses souffrances. Un tableau les met en lien
avec les mécanismes humains impactés :
Tableau  17 - Besoins non satisfaits, souffrances, mécanismes impactés pour Thomas
Besoins non satisfaits Souffrances États/Comportements Mécanismes impactés

Besoins physiologiques Fatigue,troubles du État de fatigue, tonus bas Ressentis corporels (3C)
sommeil, baisse du tonus, Poussée corporelle (5C)
douleur éventuelle
Besoin de stimulation, Enfermement dans des Recherche de stimulations Élan (5M)
changement et de activités répétitives tactiles (magazines) et
mouvement Perte d’élan et d’intérêt vestibulaires,
pour les autres activités (balancements)
Besoin de sûreté, stabilité, Peu d’élan et d’intérêt Passivité Élan (5M)
sécurisation des relations

Besoin de lien, acceptation, Isolement Comportement de retrait Relation, communication (8)


tendresse, communication

Tableau  18 - Analyse de l’état de base de Thomas


Les besoins physiologiques de Thomas ne semblent pas satisfaits (sommeil, douleur éventuelle) et cela génère
un état de fatigue et une baisse de son tonus. Nous pouvons supposer que les ressentis (3C) et la poussée

67
corporelle (5C) de Thomas en sont altérés.
Le besoin de stimulation, de mouvement et de changement, non satisfait, fait que Thomas recherche des
stimulations, notamment vestibulaires et tactiles, qui le conduisent parfois à « s’enfermer » dans des activités
répétitives, et à s’isoler (8) des autres. Il montre peu d’élan (5M) et d’intérêt pour les activités proposées sur
l’unité. Il recherche cependant régulièrement le contact visuel et les stimulations tactiles auprès des adultes qui
l’accompagnent (8).
Sa famille absente de son accompagnement, les changements de familles d’accueil, l’hébergement collectif,
peuvent nous faire supposer que le besoin de sûreté, de stabilité et de sécurisation des relations, et le besoin de
lien, d’acceptation, de tendresse et de communication ne sont pas satisfaits chez Thomas. Cela se traduit chez
Thomas par un comportement de retrait (8) et une forme de passivité (5M).
Thomas présente une déficience intellectuelle profonde, ses capacités cognitives sont limitées (4M), ainsi que
sa motricité (5C).
Thomas est cependant un enfant joyeux, souriant (il est à noter que ce sont des traits de caractères que
présentent en général les enfants atteints du syndrome d’Angelman) et qui entre facilement en relation (8) avec
les adultes qui s'occupent de lui. Les sens dominants chez Thomas sont l’audition, le toucher et la vue, il apprécie
beaucoup la musique qui semble parfois le « capter » (5’), l’eau, la manipulation de certains objets (magazines).

Les principaux mécanismes préservés (cibles thérapeutiques sur lesquels la stratégie pourrait
s’appuyer) et mécanismes défaillants (sites d’action), sont présentés dans un tableau :
Tableau 19 - Cibles thérapeutiques et sites d’action pour Thomas
Mécanismes préservés (cibles thérapeutiques) Mécanismes défaillants (sites d’action)
3C (capacités sensorielles préservées) 3C (fatigue, douleur éventuelle)
5C (motricité des membres supérieurs) 4M (capacités cognitives limitées, notamment attention et
5’ (contemplation semble possible, notamment en musique) compréhension)
8 (recherche le contact physique et visuel) 5C (capacités motrices limitées, poussée corporelle
diminuée)
5M (manque d’élan)
8 (retrait, isolement)
Schéma 4 - Opération artistique pour Thomas

68
C2.3 Les objectifs thérapeutiques pour Thomas portent sur les gratifications sensorielles
procurées par l’écoute musicale, qui provoquent sa mise en mouvement et favorisent les
interactions, puis sur la mise en place d’une communication gestuelle dans la danse
Les objectifs thérapeutiques retenus, les boucles de renforcement correspondantes, en lien avec
les besoins non satisfaits de Thomas, sont présentés dans un tableau :
Tableau 20 - Objectifs thérapeutiques pour Thomas
Objectif général pour Thomas (OG)
S’engager et communiquer dans une activité artistique
Objectifs intermédiaires pour Thomas (OI) Besoins non satisfaits de Thomas
Objectif intermédiaire 1 - Ressentir du plaisir dans Besoins physiologiques
l’activité Besoin de stimulation
• Niveau d’organisation 1 – Stimulation des Besoin de sûreté
sens par le rayonnement (Boucle de
renforcement BR 1-2-3C)
• Niveau d’organisation 2 – Gratifications
sensorielles par la contemplation (Boucle de
renforcement BR 3C-5M/C-5’-3C/M)
Objectif intermédiaire 2 – Se mettre en mouvement Besoin de stimulation et de mouvement
dans l’activité artistique (BR 3C/M-5M/C-6)
Objectif intermédiaire 3 – Interagir avec l’art- Besoin de lien et de communication
thérapeute (BR 5M/C-6-8)
Objectif intermédiaire 4 – Communiquer dans la Besoin de lien et de communication
pratique artistique (BR 6-7-8)

C2.4 La stratégie proposée pour Thomas est de provoquer des ressentis agréables
pour favoriser son entrée en relation et son engagement et l’amener à communiquer plus
Tableau 21 - Stratégie thérapeutique pour Thomas
Description de la stratégie thérapeutique
Dans un premier temps, la musique, par son rayonnement (chant, instrument, musique enregistrée) (1,2)
provoque chez Thomas des stimulations sensorielles (3C). Dans un second temps, les gratifications sensorielles
stimulent son élan (5M) et sa poussée (5C) corporels et les orientent vers la contemplation (5’), lui procurant des
ressentis agréables (3C/M) –> Pouvoir éducatif de l’Art.
Les ressentis agréables (3C/M) stimulent à leur tour l’élan (5M) et la poussée (5C) corporels en les orientant vers
l’action (6), et Thomas se met en mouvement dans l’activité artistique –> Pouvoir d’entraînement de l’Art.
Cet élan et cette poussée (5C/M) et la mise en mouvement (6) qui en découle facilitent les interactions avec l’art-
thérapeute (8) –> Effet relationnel de l’Art.
Le mouvement (6) et les interactions conduisent à une forme de communication gestuelle dans la pratique
artistique (8) –> Effet relationnel de L’Art.
Schéma 5 – Stratégie thérapeutique pour Thomas

69
Les dominantes artistiques choisies sont la musique et la danse, arts synchroniques qui
nécessitent peu de repères temporels et privilégient l’instant présent. La musique sera utilisée
essentiellement sous sa forme contemplative (écoute musicale : voix, instruments et musique
enregistrée). Thomas montre beaucoup d'intérêt pour la musique, qui sollicite particulièrement ses
sens dominants : l’ouïe, le toucher (vibrations) et la vue (instruments). Les vibrations procurent
peuvent répondre à sa recherche de stimulations tactiles. Le choix est fait d’associer la danse à
l’écoute musicale, pour son pouvoir éducatif et ses effets relationnels, et plus particulièrement pour
la possibilité que cette dominante offre de se mettre en mouvement (stimulations vestibulaires
recherchées par Thomas), et en contact avec un partenaire. Le tableau ci-dessous présente la
justification du choix de ces dominantes au regard des objectifs thérapeutiques et des besoins non
satisfaits de Thomas.
Tableau 22 - Justification des dominantes Musique et Danse pour Thomas
Mécanismes physiques Mécanismes mentaux Mécanismes sociaux
La musique et la danse sollicitent les La musique et la danse peuvent faire La musique permet des interactions
sens, et notamment les sens écho à des expériences précoces qui se passent du langage verbal, et
prédominants chez Thomas : l’audition vécues par Thomas (notamment peuvent conduire à une forme de
(sons), le toucher (vibrations, auditives, vibratoires et vestibulaires). communication non verbale, voire à
instruments, danse en contact), la vue → Besoin de sûreté, OI1 une relation hors verbale, par
(instruments, danse). (pouvoir éducatif La musique peut activer le circuit de la l’émotion esthétique vécue
de l’Art) → Besoin de stimulation, récompense, augmenter la motivation, ensemble et le principe de
OI1 stimuler l’élan corporel, permettre la sympathie (vibrer ensemble). (effets
La musique et la danse peuvent poussée corporelle et la mise en relationnels de l’Art) →Besoin de
provoquer chez Thomas des ressentis mouvement. → Besoin de lien, de communication, OI3, OI4
agréables. (pouvoir éducatif de l’Art) → mouvement, OI2 La danse peut se pratiquer en
Besoins physiologiques, OI1 La musique est un Art synchronique musique, avec un partenaire, et en
La danse met en jeu la proprioception. qui nécessite peu de repères temporels contact, chacun des partenaires
(pouvoir éducatif de l’Art) –> Besoin de et privilégie l’instant présent. pouvant tour à tour guider ou être

70
stimulation et de mouvement La musique et la danse peuvent guidé. Les gestes dansés , par des
Le mouvement dansé peut améliorer le amener à une meilleure conscience de jeux de répétition, d’imitation,
tonus. →Besoins physiologiques, OI1 son corps au travers des ressentis d’alternance, peuvent constituer
qu’elles procurent. pour Thomas une forme de
La musique sollicite les capacités communication non verbale. (effet
d’attention. → OI3, OI4 relationnel de l’Art) → Besoin de
Thomas montre beaucoup d’intérêt lien, tendresse, communication,
pour la musique, cette dominante OI3, OI4
correspond à ses goûts. → OI1

Méthode et moyens
La prise en soin se fait au rythme d’une à deux séance(s) par semaine. Les séances sont
individuelles et ritualisées pour répondre au besoin de sûreté, de stabilité, de sécurisation des
relations de Thomas, et ont lieu dans une salle proche de l’unité dans laquelle il est accueilli. Elles
durent environ 30 minutes. La méthode utilisée est parfois révélatrice, parfois semi-dirigée, avec
une prédominance de l’Art I.
C2.5 Thomas a bénéficié de seize séances d’art thérapie qui lui ont permis de se mettre en
mouvement et ont révélé certaines de ses capacités jusque là non observées
Tableau 23 - Descriptif des séances pour Thomas
Séance N°1 Séance d’ouverture 15/03 à l’Arche (durée : 40 minutes)
Objectif de la séance: Stratégie thérapeutique et OA :
- Faire connaissance avec Thomas et établir son état de base L’écoute musicale (1,2) et l’exploration de
- Stimuler les sens (BR 1-2-3C) différents instruments procurent à Thomas des
Rappel de l’OI1 : no1 (BR 1-2-3C) – no2 (BR 3C-5M/C-5’-3C/M) gratifications sensorielles (3C).

Dominante : Écoute musicale (voix, instrument, musique Méthode : Révélatrice, Art I, pouvoir éducatif
enregistrée). Manipulation d’instruments de musique. de l’Art.
Descriptif de la séance N°1: Chant de l’art-thérapeute en laissant à chaque fois un temps de silence pour
permettre à Thomas une éventuelle expression. Écoute et exploration d’instruments de musique. Écoute musicale
de différentes musiques sur lecteur MP3.
Bilan de la séance N°1: Thomas semble particulièrement intéressé par la guitare et les instruments à cordes en
général. Il manipule ces instruments, je n’ai pas pu vérifier s’il avait l’intention d’émettre un son. À chaque fin de
chanson, il répond par des vocalises. Thomas semble prendre du plaisir (vocalises, recherche de contact), il est
attentif et actif pendant toute la séance, ne montre pas de signes de fatigue. Il est en relation, cherche le contact par
le regard, et aussi corporellement (mains, tête).
Projection : La dominante choisie (la musique) semble bien adaptée, y associer la danse (Thomas se met en
mouvement avec le haut de son corps sur certaines musiques, en recherchant le contact physique avec moi). Je
garde les trois mêmes séquences pour la prochaine séance: chant, instruments, écoute musicale, et je projette d’y
ajouter le mouvement, éventuellement en contact. Je décide d’instaurer un rituel - entrée et sortie - avec la guitare.
Séances N°2,3,4 18, 22 et 25/03 à l’Arche Durées : entre 30 et 40 minutes
Objectifs des séances : Stratégie thérapeutique et OA :
- Provoquer des ressentis agréables (3C) L’écoute musicale (1,2) et l’exploration de
- Faire entrer Thomas en contemplation (5’) et/ou en différents instruments provoquent des gratifications
mouvement (déplacement, voix, instruments, gestes) (6) sensorielles (3C) qui stimulent l’élan et la poussée

71
- Interagir avec Thomas dans le mouvement (8) corporels (5M/C) et entraînent la contemplation (5’)
OI1 : no1 (BR 1-2-3C) – no2 (BR 3C-5M/C-5’-3C/M), OI2 ou le mouvement (6). Les interactions sont facilitées
(BR 3C-5M/C-6) et OI3 (BR 5M/C-6-8) dans le mouvement (8).

Dominante : Écoute musicale (voix, instrument, musique Méthode : Semi-dirigée, Art I, pouvoir éducatif,
enregistrée). Manipulation d’instruments. Danse. d’entraînement et effets relationnels de l’Art.
Descriptif : Temps d’exploration avec la guitare et d’autres instruments. Chant de l’art-thérapeute. É coute
musicale avec proposition de mouvements ou imitation de ceux de Thomas, avec ou sans contact physique.
Bilan des séances N°2,3,4: Thomas montre toujours beaucoup d’intérêt pour la guitare ou les instruments qui lui
ressemblent (ukulele, violon), il semble chercher à sentir les vibrations en prenant les instruments contre son
visage. Il explore les instruments mais ne semble pas vouloir (ou savoir comment ?) produire un son. Il recherche
également les vibrations de l’enceinte sur laquelle nous écoutons la musique. Les autres instruments que je lui
propose ne retiennent pas son attention, il les prend et les lâche aussitôt. D’une manière générale lorsque quelque
chose ne l’intéresse pas, il se détourne. Il apprécie beaucoup la voix chantée, il s’immobilise parfois et me regarde
avec une plus grande intensité (contemplation). Il recherche souvent le contact physique avec moi, me suit du
regard, montre le plaisir ressenti par des vocalises, des soupirs. À la séance 3, Thomas répond à l’un de mes gestes
(frapper dans mes mains) et le reproduit en frappant de ses deux mains autour de ma main.
Évènements notables : Le jour de la séance 4, en arrivant dans l’unité, je pose la guitare par terre pour aller dire
bonjour au groupe. Thomas, en vocalisant, traverse seul la salle avec son fauteuil pour aller chercher la guitare.
Projection : Le premier objectif intermédiaire semble atteint. Les prochaines séances seront axées sur l’OI2 et
l’OI3. Continuer à explorer d’autres musiques, instruments, chansons. Dégager l’espace pour permettre plus de
mouvement et laisser plus de liberté de déplacement à Thomas (lui permettre d’aller lui-même chercher la guitare).
Séances N°5,6,7 29/03, 8 et 13/04 à l’Arche Durées : entre 30 et 45 minutes
Objectifs des séances : Stratégie thérapeutique et OA :
- Provoquer la mise en mouvement de Thomas (6) Les gratifications sensorielles (3C) stimulent
- Interagir avec Thomas en reproduisant ses gestes, ses vocalises et l’élan et la poussée corporels (5M/C) et
lui en proposer de nouvelles/nouveaux (6) (8) Thomas se met en mouvement (6), ce qui
OI2 (BR 3C- 5M/C -6), OI3 (BR 5M/C-6-8) favorise les interactions (8).

Dominante : Écoute musicale (voix, instrument, musique Méthode : Semi-dirigée, Art I, pouvoir
enregistrée). Manipulation d’instruments . Danse. éducatif et d’entraînement de l’Art.
Descriptif : Temps d’exploration avec la guitare (rituel d’entrée) et d’autres instruments répartis à différents
endroits dans la salle. Je me déplace dans la salle en chantant, pour inviter Thomas à se déplacer également. Écoute
musicale de différentes musiques enregistrées, avec imitation/proposition de mouvements.
Bilan des séances N°5,6,7: Beaucoup de déplacements de Thomas en fauteuil, qu’il manie très bien : tourner,
éviter une chaise, faire demi-tour. De nombreux contacts physiques, avec des mouvements à deux, que Thomas

72
suit ou mène (balancements des bras, du corps). Pour la moitié de chaque séance, sur suggestion de l’une des
éducatrices, je libère les sangles qui retiennent le haut du corps de Thomas. Cela lui permet de nouveaux
mouvements du buste (balancements avant-arrière, rotations), qu’il effectue parfois seul, parfois avec moi. Il
reproduit toujours le geste de frapper autour de ma main. Apparaissent d’autres mouvements que je reproduis: un
balancement de la tête, que je l’incite à faire en alternance avec moi, frapper dans les deux mains de l’autre, faire
avancer et reculer son fauteuil avec alternance d’action entre Thomas et moi (tirer-pousser).
Évènements notables : Pour ces séances, dès mon arrivée, Thomas se déplace seul jusqu’à la salle d’activité.
Projection : L’objectif intermédiaire 2 est atteint, Thomas se déplace et est en mouvement sur la musique.
L’équipe, curieuse de l’enthousiasme de Thomas lors de mon arrivée sur l’unité, souhaite observer Thomas en
séance, sans perturber la forme individuelle des séances, et me demande de filmer la prochaine séance.
Séance N°8 15/04 à l’Arche Durée : 40 minutes
Objectifs de la séance : OI3 (BR 5M/C-6-8) et OI 4 (BR 6-8) Stratégie thérapeutique et OA :
- Interagir dans la danse avec Thomas (8) et apport de gestes (6) L’élan et la poussée corporels de Thomas (5M/C)
- Proposer des jeux d’alternance dansés (8) provoquent son mouvement (6) et favorise les
- Amener Thomas à produire un son avec la guitare (6) interactions (8) qui prennent la forme d’une
communication non verbale (alternance) (8).

Dominante : Chant, écoute musicale, instrument. Danse. Méthode : Semi-dirigée, Art I et Art II, pouvoir
d’entraînement et effets relationnels de l’Art.
Descriptif de la séance N°8: Temps d’exploration avec la guitare : jeu avec les cordes (moi, lui, nous). Écoute
musicale et répétition avec Thomas de tous les gestes que nous avons en commun (frapper dans les mains, tête,
balancements): les faire en alternance. Imitation des gestes proposés par Thomas, proposition de nouveaux gestes.
Bilan de la séance N°8: Thomas se déplace toujours beaucoup. Les quelques gestes que nous avons en commun
sont toujours présents mais je n’arrive pas à instaurer une alternance, sauf pour le jeu d’avant en arrière avec le
fauteuil, ou le mouvement de la tête. Thomas s’intéresse toujours à la guitare, il arrive presque à la sortir seul de la
housse, attrape parfois les cordes, mais ne produit pas de son, ou seulement par hasard. Je me demande si ce geste
est difficile pour lui, ou si ce n’est tout simplement pas son intention. Il s’intéresse aussi à mon lecteur mp3, et à
ma petite enceinte, qu’il manipule délicatement. Il semble avoir compris que ce sont ces objets qui provoquent le
son et les vibrations. Il se regarde dans la guitare comme dans un miroir, il me regarde par l’intermédiaire de la
guitare. Il aime se cacher derrière un foulard ou le mettre sur la tête.
Projection : Apporter un clavier, plus facile pour produire un son que la guitare ? Séance collective à prévoir
bientôt dans l’unité où Thomas ira à partir de ses 15 ans, pour favoriser la rencontre avec l’équipe et les jeunes.
Montage vidéo de cette séance à réaliser en vue d’un temps d’échange et de restitution du travail avec l’équipe.
Séances N°9, 10, 11, 12 Mois de mai, juin, juillet Durées : 30 à 50 minutes
Objectifs de la séance : OI3 (BR 5M/C-6-8), OI 4 (BR 6-8) Stratégie thérapeutique et OA :
- Interagir dans la danse avec Thomas (8) et apport de gestes L’élan et la poussée corporels de Thomas (5M/C)
(6) provoquent son mouvement (6) et favorise les
- Proposer des jeux d’alternance dansés (8) interactions (8) qui prennent la forme d’une
- Amener Thomas à produire un son avec la guitare (6) communication non verbale (alternance) (8).

73
Dominante : Chant, écoute musicale, instrument. Danse. Méthode : Semi-dirigée, Art I et Art II, pouvoir
d’entraînement et effets relationnels de l’Art.
A noter : J’ai terminé mon premier stage, je suis en convention de bénévolat pour maintenir le suivi avant le début
de mon second stage, les séances sont plus espacées pendant cette période.
Descriptif des séances N°9 à 12: Rituel avec la guitare. Je chante et je danse, Thomas me suit en se déplaçant et
en vocalisant parfois. Écoute musicale et danse.
Bilan des séances N°9 à 12: Les séances montrent que les « acquis » sont présents. Nous avons un « répertoire de
gestes » que nous faisons ensemble, à son initiative ou à la mienne. Lors de la séance 10, Thomas est très fatigué
(il sort d’une séance de kiné). En séance 11 il est en verticalisateur, ce qui entrave largement son mouvement. Les
interactions lors de ces deux séances sont beaucoup moins riches et Thomas est bien moins actif. En séance 11
nous écoutons un morceau de musique en entier, ce qui est assez rare (contemplation).
Projection : L’objectif 3 est atteint. Un début d’alternance de geste à développer en vue de l’objectif 4.
Séances N°13, 20/09 et 24/09, 4/10 et 11/10 Durées : entre 40 et 50 minutes
14, 15, 16 (reprise après deux mois
d’interruption)
Objectifs des séances : Stratégie thérapeutique et OA :
- Reprendre contact avec Thomas et établir éventuellement L’écoute musicale (1,2) procure à Thomas des
un nouvel état de base, provoquer des gratifications gratifications sensorielles (3C). Son élan et sa poussée
sensorielles (3C) corporels (5M/C) provoquent son mouvement (6), ce
- Provoquer le mouvement et interagir dans la danse avec qui favorise les interactions (8).
Thomas (8) OI1 : no1 (BR 1-2-3C) – no2 (BR 3C-5M/C-
5’-3C/M), OI2 (BR 3C-5M/C-6) et OI3 (BR 5M/C-6-8)

Dominante : Chant, écoute musicale, instruments. Danse. Méthode : Libre à semi-dirigée, Art I, pouvoir
éducatif, d’entraînement et effets relationnels de l’Art.
A noter : Thomas a changé d’unité depuis le mois de septembre, nous ne nous sommes pas vus depuis deux mois,
les séances ont lieu le lundi matin, moment de la semaine où il présente généralement de la fatigue.
Descriptif des séances N°13 à 16: Rituel avec la guitare. Je chante et je danse en me déplaçant pour provoquer le
déplacement de Thomas. Écoute musicale et danse à deux.
Bilan des séances N°13 à 16: Thomas réagit tout de suite à mon arrivée, même s’il ne me voit pas, il réagit à ma
voix et se déplace vers moi. En séance 13, je n’ai pas de guitare à la main en arrivant, et pourtant Thomas va
chercher la guitare de l’unité. Il vient seul dans la salle d’activité. La plupart des gestes que nous échangions avant
l’été sont encore présents. Thomas est moins actif lors de ces séances, semble fatigué, mais il s’engage tout de
même avec plaisir dans l’activité. Je décide de poursuivre le travail dans la continuité des séances d’avant l’été et
notamment sur l’objectif 4. Ces séances permettent d’entretenir la mobilisation de Thomas mais n’apportent pas
d’évolution sur cet objectif (pas de nouveaux échanges).

74
Projection : Pas d’avancée supplémentaire pendant ces séances. Thomas ne semble pas être en mesure
d’« apprendre » de nouveaux gestes. L’objectif 4 est-il trop ambitieux ou faut-il plus de temps ?

C2.6 L’évaluation des items choisis pour Thomas montre son engagement et ses capacités à
communiquer
Pour Thomas nous évaluons cinq faisceaux d’items, qui portent sur l’expression du plaisir (OI1),
l’engagement dans l’activité (OI1 et OI2), l’action et le mouvement (OI2), la qualité relationnelle
(OI3) et la communication gestuelle dans la pratique artistique (OI4). En ce qui concerne
l’expression du plaisir, nous n’observons volontairement pas les sourires et les rires de Thomas, qui,
même s’ils sont nombreux en séance, ne sont pas nécessairement liés au plaisir ressenti. En effet,
ces expressions sont l’une des manifestations du syndrome d’Angelman. Les items retenus pour ce
faisceau d’items sont liés à la façon personnelle qu’a Thomas de montrer son plaisir (vocalises et
soupirs) et aux moments de contemplation pendant lesquels Thomas est capté, immobile, avec un
regard plus « intense » qu’à son habitude.
Il n’a pas été possible de procéder à une auto-évaluation par le cube harmonique, Thomas, tout
comme Lisa, n’étant pas en mesure de comprendre ou de répondre de quelque façon que ce soit à
cette auto-évaluation, à cause de sa déficience intellectuelle profonde. Nous observerons seulement
(mais tout comme Lisa cela reste de l’évaluation et non de l’auto-évaluation) ses manifestations de
plaisir et son envie de venir en séance. Le tableau ci-dessous présente les items qui ont été évalués
pour Thomas et leurs cotations.
Tableau 24 - Faisceaux d’items, items et cotations pour Thomas
Faisceau d’items - Expression du plaisir (OI1 – no1 et no2)
Nombre de vocalises de Nombre de soupirs de Engagement dans la contemplation
plaisir durant la séance contentement (temps d’écoute maximum)
5. plus de 6 / 4. de 5 à 6 / 3. de 5. plus de 6 / 4. de 5 à 6 / 3. de 5. plus de 2 minutes / 4. moins de 2 minutes / 3. moins d’1 minute /
3 à 4 / 2. de 1 à 2/ 1. Aucun 3 à 4 / 2. de 1 à 2/ 1. Aucun 2. moins de 30 secondes / 1. moins de 10 secondes
Faisceau d’items - Engagement dans l’activité (OI1 et OI2)
Choix de venir seul dans la salle Temps d’écoute Attitude corporelle (haut du Nombre de déplacements
d’activité maximum corps redressé et ouvert) vers instruments
5. Thomas vient seul 5. plus de 2 minutes 5. pendant la séance entière 5. plus de six
4. Vient seul si je chante ou joue d’un 4. moins de 2 minutes 4. environ 3/4 de la séance 4. cinq à six
instrument dans la salle 3. moins d’1 minute 3. environ la moitié de la séance3. trois à quatre
3. Fait une partie du chemin 2. moins de 30 secondes 2. environ 1/4 de la séance 2. un à deux
2. Se tourne vers la salle sans se déplacer 1. moins de 10 secondes 1. jamais 1.Aucun
1. Tourne le dos, je vais le chercher et je
pousse le fauteuil
Faisceau d’items – Action et Mouvement (OI2)
Manipulation Gestes – Répond à (ou Gestes – Propose un geste Nombre de déplacements vers art-
d’innstruments reproduit) un geste thérapeute
5. plus de six fois 5. plus de six fois 5. plus de six fois 5. plus de six
4. cinq à six fois 4. cinq à six fois 4. cinq à six fois 4. cinq à six
3. trois à quatre fois 3. trois à quatre fois 3. trois à quatre fois 3. trois à quatre
2. une à deux fois 2. une à deux fois 2. une à deux fois 2. un à deux
1. jamais 1. jamais 1. jamais 1.Aucun
Faisceau d’items – Qualité relationnelle (OI3)
Nombre de regards Nombre de contacts à Proximité des contacts Nombre de déplacements Attitude corporelle
vers l’art-thérapeute l’initiative de Thomas (tendance pendant la séance) vers art-thérapeute (repli/ouverture)
5. plus de dix 5. plus de six 1. mains 5. plus de six 5. plus de dix fois
4. sept à neuf 4. cinq à six 3. tête 4. cinq à six 4. sept à neuf fois
3. quatre à six 3. trois à quatre 5. corps 3. trois à quatre 3. quatre à six fois
2. un à trois 2. un à deux 2. un à deux 2. une à trois fois
1.Aucun 1.Aucun 1.Aucun 1. Jamais

75
Faisceau d’items - Communication gestuelle dans la pratique artistique (OI4)
Propose un geste Reproduit un geste Alternance dans le mouvement (échange) Nombre de gestes dans la
(émetteur) (récepteur) communication
5. plus de six fois 5. plus de six fois 1. Résiste au mouvement 5. plus de six
4. cinq à six fois 4. cinq à six fois 2. Mouvement désordonné 4. cinq à six
3. trois à quatre fois 3. trois à quatre fois 3. Se laisse guider 3. trois à quatre
2. une à deux fois 2. une à deux fois 4. Propose un mouvement 2. un à deux
1. jamais 1. jamais 5. Alternance suivre/mener 1.Aucun

Le tableau suivant présente les résultats obtenus pour les faisceaux d’items évalués pour Thomas :
Tableau 25 – Résultats de l’évaluation pour Thomas
Évaluation de l’expression du plaisir et de l’engagement (OI1 et OI2)

Graphique 7 – Expression du plaisir pour Thomas Graphique 8 – Évaluation de l’engagement de Thomas


Sur le graphique N°7, nous observons la progression de l’expression du plaisir ressenti par Thomas dans l’activité
(OI1), avec une petite baisse de cette expression en séance 10, durant laquelle Thomas était particulièrement
fatigué. Les temps de contemplation augmentent également, surtout sur la dernière partie de la prise en soin. Sur
le graphique N °8, nous observons l’engagement grandissant de Thomas dans l’activité (OI2), avec de plus en
plus de déplacements, le choix de venir seul dans la salle d’activité et des temps d’écoute de plus en plus longs.
Là encore, en séance 10 l’engagement de Thomas diminue, et en séance 11 également, Thomas ne pouvant pas se
déplacer en verticalisateur et la position verticale mobilisant beaucoup de son énergie.
Évaluation de l’action et du mouvement (OI2) et de la communication gestuelle (OI4)

Graphique 9 – Action/Mouvement de Thomas Graphique 10 – Communication gestuelle de Thomas


Sur le graphique 9, nous observons le faisceau d’items « action et mouvement », nous y voyons la mise en
mouvement de plus en plus importante de Thomas, que ce soit par des déplacements, la manipulation
d’instruments (guitare) ou les réponses/propositions de gestes. Sur le graphique 10 nous évaluons le dernier
objectif intermédiaire de notre stratégie, la communication gestuelle de Thomas dans l’activité artistique, en tant
qu’émetteur et récepteur. Nous voyons sur ce graphique que Thomas communique de plus en plus dans l’activité,

76
dans les deux positions, reproduisant et proposant de plus en plus souvent des gestes. L’évolution la plus
marquante sur ce graphique est celle du nombre de gestes présents dans les interactions, que nous avons souligné
par la ligne pointillée, qui montre un enrichissement de l’expression de Thomas dans cette communication
gestuelle dansée. Il est à noter que Thomas garde comme « acquis », d’une séance à l’autre, et à long terme, les
quelques gestes que nous échangeons. Sur ces deux graphiques l’évolution la plus importante se présente dans la
première partie de la prise en soin, durant les 8 premières séances. Ce sont les séances qui étaient les plus
rapprochées (environ deux fois par semaine).
Évaluation des quatre objectifs intermédiaires

Graphique 11 - Évaluation des objectifs intermédiaires pour Thomas


Nous évaluons sur le graphique 11 les quatre objectifs intermédiaires pour Thomas. Pour chacun d’entre eux nous
observons une augmentation importante sur les 8 premières séances, puis un creux en séances 10 et 11, et de
nouveau une progression. Les quatre objectifs ont été atteints pour Thomas pendant ces séances d’art-thérapie.

C2.7 Le bilan montre que les objectifs sont atteints en séance et met en évidence les
limites de la prise en soin
Thomas a bénéficié de 16 séances individuelles d’art-thérapie entre mars et octobre 2021, avec pour dominantes
la musique et la danse, et pour objectif général de s’engager, en communiquant, dans une activité artistique. Les
séances, de 30 à 50 minutes, ont eu lieu dans une salle d’activité de l’Arche et comportaient plusieurs séquences :
écoute musicale (voix, instruments, musique enregistrée), manipulation d’instruments, danse en contact avec
l’art-thérapeute.
Thomas a montré un plaisir et un engagement grandissants (objectifs intermédiaires 1 et 2) tout au long
des séances, qu’il a exprimé par des vocalises et des soupirs de contentement, s’engageant dans l’écoute et la
contemplation sur des temps de plus en plus longs. Thomas s’est mis de plus en plus en action (objectif
intermédiaire 2), augmentant ses déplacements pendant les séances et se rendant souvent seul dans la salle
d’activité dès l’arrivée de l’art-thérapeute. Thomas s’est mis également en mouvement, dans la danse, recherchant
le contact avec l’art-thérapeute, répondant à des gestes ou en proposant lui-même. Les interactions entre Thomas
et l’art-thérapeute se sont ainsi multipliées dans l’activité (objectif intermédiaire 3), renforçant la relation et
permettant à Thomas de communiquer, dans la danse, par des gestes, en tant qu’émetteur et récepteur (objectif
intermédiaire 4). Il est à noter l’enrichissement de l’expression de Thomas, qui a pu développer une gestuelle plus
variée au fil des séances. Nous pouvons dire que les objectifs sont atteints, lors des séances d’art-thérapie.
En dehors des séances, l’évaluation des bénéfices de l’art-thérapie est plus difficile à évaluer, dans la vie
quotidienne de Thomas, sur l’unité et sur son lieu d’hébergement. Une restitution du travail a été présentée à mi-
parcours de la prise en soin, afin de partager ces résultats avec l’équipe de professionnels qui accompagne
Thomas. Une vidéo de séance a été visionnée, et une discussion a pu s’engager, mettant en évidence des capacités
de Thomas qui n’avaient pas pu être révélées jusqu’à présent, nous en reparlerons plus loin.

77
C3. Deux autres prises en soin sont décrites succinctement : Malo et Anna
Tableau 26– Prises en soin de Malo et Anna
Anna, 14 ans Malo, 12 ans
Indication Proposer à Anna un accompagnement dans une Que Malo puisse apaiser son agitation et
activité qui l’intéresse afin de mobiliser sa communiquer mieux.
motricité et ses capacités cognitives.
Bilan sanitaire Infirmité motrice cérébrale* (IMC), Syndrome d’Alazami (déficience
polyhandicap, déficience intellectuelle et intellectuelle et troubles du spectre autistique),
motrice sévère, épilepsie, très peu de langage polyarthrite rhumatoïde infantile, pas de
(quelques mots). langage.
Pénalité Polyhandicap Handicap
principale
Souffrances Frustration, perte du sentiment d’être sujet Agitation, anxiété, sentiment d’insécurité,
presque toujours en mouvement, cris, pleurs,
agressions (taper)
Besoins non Besoins physiologiques (fatigue, douleur, Besoins physiologiques (douleur)
satisfaits raideur) Besoin de sécurité
Besoin de lien, acceptation, tendresse, Besoin de propriété et de maîtrise
communication (Modèle de Maslow-Poletti)
Besoin d’indépendance, autonomie,
d’autodétermination, reconnaissance et estime
de soi
(Modèle de Fröhlich)
Sites d’action Fatigue, douleur, ressentis corporels (3C) Douleur, ressentis corporels (3C)
Attention, concentration, déficience Émotions envahissantes (3M)
intellectuelle (4M) Sentiment d’insécurité, anxiété, déficience
Motricité limitée (5C) intellectuelle (4M)
Communication altérée (8)
Cibles Capacités sensorielles (3C) Capacités sensorielles (3C)
thérapeutiques Élan corporel (5M) Contemplation musicale (5’)
Poussée corporelle (5C) Communication non verbale, bonne
Cherche à communiquer (8) compréhension verbale (8)
Objectif Se mettre en action dans la pratique artistique S’engager dans une pratique artistique
général avec le plus d’indépendance possible et se sentir canalisante et développer ses capacités de
valorisée communication
Stratégie OI1 : Ressentir du plaisir dans l’activité (BR 1- OI1 : Ressentir des gratifications sensorielles
thérapeutique 2-3C/M) par la contemplation (BR 1-2-3C puis 3C-
OI2 : Faire des choix en fonction de ses goûts 5M/C-5’-3C/M)
(BR 1-2-3-4M) OI2 : Faire des choix en fonction de ses goûts
OI3 : Augmenter son attention (4M) et canaliser (BR 5’-3C/M-4M)
sa poussée corporelle (5C) pour se mettre en OI3 : Se mettre en mouvement dans la
action (6) dans la pratique artistique (BR 3C- pratique artistique (BR 3C-4M/C-5C/M-6)
4M-5M/C-6) OI4 : Interagir et communiquer dans la
OI4 : Réaliser une production et la partager avec pratique artistique (BR 6-7-8)
son entourage (BR 6-7-8)

78
Dominante Écoute musicale et peinture Écoute musicale et danse
artistique
Séances 13 séances individuelles d’environ 30 minutes 7 séances individuelles de 5 à 20 minutes en
entre avril et novembre 2022 octobre et novembre 2022
Faisceaux Expression du plaisir et engagement Expression du plaisir et engagement
d’items Agitation/fatigue Choix de venir en séance/de mettre fin à la
Temps d’attention séance
Capacité à faire des choix Thymie avant, pendant et après la séance
Action (direction du regard, précision et Agitation, anxiété
amplitude du geste) Capacité à faire des choix
Attitude face à la production Réponse à une consigne, initiatives, demandes
Communication/Relation Mouvement et gestes (imitation, proposition)
Communication/Relation
Bilan Les objectifs ont été atteints. La première partie Les trois premiers objectifs intermédiaires ont
de la prise en soin a été consacrée, en été rapidement atteints, Malo montrant l’envie
collaboration avec l’ergothérapeute de la de venir en séance et exprimant son plaisir par
structure, à la mise en place d’un matériel adapté des sourires et des rires. Il a montré peu de
(peinture), Anna exprimant clairement le besoin signes d’agitation et d’anxiété pendant les
d’agir seule et sans aide (pupitre incliné, pot à séances. En ce qui concerne le quatrième
peinture magnétique, guide doigt). objectif intermédiaire, Malo a pu exprimer
Anna exprime son plaisir dans l’activité, elle fait clairement lorsqu’une musique lui plaisait ou
des choix : musiques, couleurs, pinceaux. lui déplaisait, par des mimiques, des gestes.
Au fil des séances, elle est de plus en plus Un travail avec un contacteur (bouton en
attentive et concentrée, et canalise ses gestes plastique visuel et sonore sur lequel je
Les trois dernières séances donnent lieu à une demande à Malo d’appuyer lorsqu’il souhaite
production, réalisée par Aline, seule, sur un arrêter la musque) et des pictogrammes a été
support plus grand, qui sera mise en valeur par initié, en collaboration avec l’orthophoniste
un encadrement. du DIHW, pour permettre à Malo de
Anna a beaucoup communiqué pendant les développer une communication alternative.
séances d’art-thérapie, faisant des choix, Lors de la quatrième séance, la danse est
exprimant sa volonté d’agir seule (en répétant introduite en plus de l’écoute musicale, et
son prénom plusieurs fois, ou en disant non). Malo reproduit quelques gestes dansés
proposés par l’art-thérapeute. Au fil des
séances, le nombre de mouvements dansés
s’enrichit, Malo en propose quelques uns. Un
début de danse en contact et d’alternance
dansée émerge à la dernière séance.

79
Production d’Anna – novembre 2021
Remarque Pour Anna, la dominante peinture a été choisie, Malo n’est pas en situation de polyhandicap,
en plus de l’écoute musicale. J’ai tout de même mais la stratégie mise en place lors de sa prise
décidé de présenter cette prise en soin dans ce en soin et les résultats obtenus me semblent
mémoire, car Anna a beaucoup communiqué intéressants au regard de l’hypothèse de ce
pendant cette prise en soin, et a pu ainsi se mémoire, aussi j’ai choisi de l’inclure dans
mettre en action avec une plus grande cette présentation.
indépendance qu’à son habitude, ce qui a pu la
replacer, pendant les séances d’art-thérapie, en
position de sujet (lien avec notre hypothèse).

D. Le bilan de toutes les prises en soin permet d’étayer l’hypothèse en mettant en évidence ses
limites

D1. Le bilan de toutes les prises en soin permet de valider l’hypothèse, pendant les séances
d’art-thérapie
Dans les quatre prises en soin présentées, les indications sont différentes. Pour Lisa et Malo, il
s’agissait d’apaiser un état d’agitation, pour Thomas et Anna, au contraire, de les mobiliser. Les
besoins non satisfaits (physiologiques, sécurité, stimulation, communication, indépendance et
autonomie) conduisent à des souffrances qui s’expriment différemment pour chacun. Elles
s’expriment physiquement (douleur, inconfort, tonus), mentalement (frustration, insécurité, troubles
du comportement) et socialement (communication, isolement).
Dans chacune des stratégies présentées, les gratifications sensorielles et le plaisir ressenti
(exprimé par tous les enfants, chacun à sa façon) ont stimulé l’élan et la poussée corporels pour
conduire à la mise en action, en mouvement dans la pratique artistique. En fonction de ses goûts et
de ses capacités, chaque enfant s’est rapidement engagé dans l’activité, faisant le choix d’y venir
(Lisa, Thomas, Malo), décidant parfois d’y mettre fin (Malo), se déplaçant de plus en plus en
fauteuil pendant l’activité (Lisa, Thomas), formulant des demandes (Anna), se mettant en action
(tous). Lisa a pu ainsi produire du son à l’aide des instruments de musique qu’elle choisissait,
Thomas a pu se mettre en mouvement sur la musique, Anna est allée jusqu’à une production
(peinture), Malo a pu contempler (écoute musicale) ou danser. Toutes ces mises en action se sont
faites avec de plus en plus d’indépendance (adaptation du matériel et de l’espace) et d’autonomie
(choix).
Les interactions avec l’art-thérapeute se sont multipliées, prenant une forme différente avec
chacun des enfants, les résultats montrant à chaque fois des temps d’écoute et d’attention
grandissants. Chacun des enfants a montré des capacités de communication de plus en plus grandes

80
pendant les séances, et a pu parfois enrichir cette communication et son expression grâce à un
savoir-faire lié à l’activité artistique (gestes dansés pour Thomas et Malo, gestes instrumentaux pour
Lisa), allant parfois jusqu’à laisser émerger une forme de communication non verbale dans la
musique ou dans la danse (demandes, réponses, jeux d’alternance).
Nous pouvons dire que l’hypothèse est validée, pendant les séances d’art-thérapie. Lisa, Thomas,
Anna et Malo se sont placés dans une posture active, communicante, tout en ayant accès à une plus
grande indépendance et à une certaine autonomie dans la pratique artistique. Pendant les séances, ils
ont pu être placés d’avantage en position de sujet, un sujet sensible, agissant et communicant.
Au delà de l’hypothèse formulée, les séances d’art-thérapie ont pu révéler parfois des capacités
qui n’avaient pas toujours pu être mises en valeur auparavant. C’est le cas pour Thomas (mémoire,
questionnements de l’équipe sur la relation de cause à effet et la permanence de l’objet) et de Lisa
(déplacement seule en fauteuil, compréhension de consignes, apprentissage de gestes).
D2. Il n’est pas possible, à ce stade, de mesurer le bénéfice des séances d’art-thérapie dans
la vie quotidienne des enfants
Le comportement de Lisa a changé au sein de l’unité durant ces mois de prise en soin en art-
thérapie. Elle a notamment commencé à se déplacer seule avec son fauteuil, les cris et les
manifestations d’autostimulation, toujours présents, ont pris moins de place. Nous pouvons penser
que le travail réalisé pendant les séances d’art-thérapie n’y est pas étranger, mais il n’est pas
possible de le vérifier. Lisa bénéficie, comme tous les enfants du DIHW, d’un accompagnement
personnalisé et pluridisciplinaire, et c’est certainement l’ensemble de cet accompagnement qui a
conduit à cette évolution, les éducateurs et éducatrices qui l’accompagnent au quotidien sur l’unité
de l’Arche (unité qu’elle a intégrée récemment) apprenant peu à peu à la connaître, à communiquer
avec elle et à répondre à ses besoins. Lisa bénéficie, en plus, depuis peu, d’un nouveau matériel
(corset), mieux adapté, qui contribue très probablement à réduire ses douleurs.
En ce qui concerne Thomas, malgré son engagement pendant les séances d’art-thérapie, il n’a pas
été remarqué de modification dans son comportement, son tonus, son élan ou son intérêt pour les
activités de la vie quotidienne. Il aurait été intéressant qu’une continuité soit mise en place entre les
séances d’art-thérapie et la vie quotidienne de Thomas sur l’unité, que la musique et le mouvement
soient présents pour lui au quotidien. Cela n’est pas aisé à mettre en place, et je n’ai peut-être pas su
l’imposer, nous en reparlerons dans la troisième partie de ce mémoire. Il semble que pour Thomas,
la fréquence des séances soit un paramètre important à prendre en compte, l’évaluation ayant
montré que la plus grande progression dans les items a été observée pendant les 8 premières
séances.
Anna a montré beaucoup de joie et a semblé très fière que ses productions soient montrées à sa
maman ou présentées sur l’unité. Le travail avec Malo sur la communication alternative par
contacteur avance petit à petit. Pour Anna et Malo, même si leur intérêt et leur engagement pendant
les séances d’art-thérapie est bien visible, il n’est pas possible, à ce stade, de mesurer les bienfaits
de l’art-thérapie en dehors des séances.
D3. Une réunion de restitution avec l’équipe permet de présenter les prises en soin de Lisa
et Thomas et d’échanger sur la suite à donner à ce travail
La vidéo réalisée avec Thomas lors de la séance 8 a été visionnée en réunion d’équipe, en
présence des professionnels qui accompagnent Thomas (éducateurs, référentes de soin,
ergothérapeute et responsable de service). Ce visionnage a pu générer de la surprise, notamment
concernant certaines capacités de Thomas qui n’avaient pas pu être tout à fait évaluées lors de son
ECP (Évaluation Cognition Polyhandicap). Les professionnels ont pu avoir des éléments de réponse

81
quant aux capacités mnésiques de Thomas (mémoire par rapport à l’art-thérapeute, la guitare, la
salle où a lieu l’activité), mais également par rapport à la permanence de l’objet (Thomas sait que la
guitare se trouve dans la housse, il sait que l’art-thérapeute est dans la pièce d’à côté) et à la relation
de cause à effet (Thomas veut manipuler le lecteur mp3 et l’enceinte, il sait que ce sont ces objets
qui permettent à la musique de se faire entendre). Les nombreuses interactions entre Thomas et
l’art-thérapeute, et les initiatives prises par Thomas (gestes proposés, réponses vocales ou
gestuelles) montrent qu’une porte d’entrée a été trouvée, par les séances d’art-thérapie, vers une
communication plus riche. Les référentes de soin et de projet souhaitent que la vidéo soit également
présentée aux professionnels du lieu d’hébergement de Thomas. Elles pensent que le travail effectué
en art-thérapie peut changer le regard des personnes qui entourent Thomas sur ce jeune homme et
sur la façon d’entrer en relation avec lui.
Thomas a changé d’unité en septembre 2021, il a intégré l’UAS. Au cours du mois de juin et
juillet 2021, j’ai proposé trois ateliers artistiques collectifs (musique et danse) sur l’unité de l’UAS.
Thomas a pu participer à ces ateliers, et rencontrer ainsi les jeunes et l’équipe de sa future unité.
Lors de ces ateliers, j’ai volontairement repris les chansons, les musiques et les gestes que Thomas
connaissait et appréciait lors des séances d’art-thérapie individuelles.
Une rencontre a été organisée avec les professionnels qui accompagnent Lisa (éducateurs,
référentes de soin et de projet, ergothérapeute, orthophoniste, enseignante spécialisée), durant
laquelle j’ai pu présenter le travail réalisé et les évaluations des faisceaux d’items observés. Nous
avons là aussi visionné ensemble une courte vidéo de séance. Un échange riche s’est mis en place
lors de cette rencontre, durant lequel les professionnels ont pointé les similitudes et les différences
entre leur travail et le travail réalisé en art-thérapie. Des idées ont émergé pour enrichir
l’accompagnement de Lisa: utiliser des instruments de musique que Lisa apprécie, plutôt que
d’autres objets, dans les temps scolaires ou dans les séances d’orthophonie et d’ergothérapie,
trouver des objets sonores ou vibrants pour répondre à son besoin de stimulation dans ce domaine
sensoriel, organiser l’espace différemment pour lui permettre de se déplacer plus librement. De mon
côté, cette discussion m’a permis d’avoir une idée plus précise des activités que réalise Lisa dans
d’autres temps d’accompagnement, pour inclure de façon plus cohérente mon travail d’art-thérapie
dans son projet personnalisé.
J’ai pu rencontrer la maman d’Anna, en présence d’Anna et de sa référente de projet, pour lui
présenter le travail réalisé avec sa fille, ainsi que les productions d’Anna. Anna a semblé très fière
de pouvoir montrer ce qu’elle avait réalisé.
PARTIE III : LES RÉSULTATS OBTENUS MONTRENT LES BÉNÉFICES ET LES
LIMITES DES PRISES EN SOIN PROPOSÉES ET OUVRENT VERS DES PISTES DE
RÉFLEXION ET D’AMÉLIORATION

A. Des doutes sont émis sur les bienfaits apportés par ce travail en dehors des séances d’art-
thérapie

A1. Il est difficile d’évaluer l’efficacité des prises en soin en dehors des séances d’art-thérapie

A1.1 Le comportement des enfants peut être très différent pendant les séances et dans leur vie
quotidienne
Les séances d’art-thérapie présentées ici sont des séances individuelles, qui ont eu lieu pour la
plupart dans la même salle d’activité, calme et fermée. Les dominantes choisies correspondent aux
goûts des enfants. L’espace et le matériel ont été adaptés à leurs capacités. Pendant les séances
d’art-thérapie, les enfants accompagnés se trouvent donc dans une situation favorisant leur confort,

82
ils pratiquent une activité qui les intéresse particulièrement, avec pas ou très peu de sollicitations
extérieures. Pendant les séances, l’art-thérapeute est disponible et à l’écoute de leurs besoins, dans
une relation duelle qui se construit de façon privilégiée. Cet environnement est très différent de
celui dans lequel les enfants évoluent habituellement : accueil collectif, espace plus grand, plus
ouvert, avec plusieurs professionnels qui s’y succèdent au fil de la journée, sollicitations
nombreuses (bruit, mouvement, manipulations), contraintes régulières (déplacements, horaires). Le
cadre mis en place pendant les séances d’art-thérapie, répondant déjà en partie à certains de leurs
besoins non satisfaits, peut influencer le comportement des enfants : leur attention se focalise plus
facilement, les troubles du comportement peuvent être minimisés et leur communication peut en
être facilitée.
A1.2 L’objectivité des observations peut être questionnée en présence d’une situation
polyhandicap, d’une déficience intellectuelle profonde et en l’absence de langage verbal
En l’absence de langage verbal, en présence d’une déficience intellectuelle importante, d’une
motricité pas toujours contrôlée et de pathologies qui influencent directement l’expression de la
personne, les observations peuvent perdre en objectivité. Par exemple, dans le cas de Thomas dont
le syndrome conduit à un sourire et à des rires « automatiques », ces manifestations pourraient être
interprétées comme des expressions de plaisir, mais elles ne disent pourtant rien de fiable sur les
ressentis de Thomas. Lorsque Lisa crie, ce n’est pas toujours pour exprimer des émotions
désagréables. La déficience intellectuelle sévère ou profonde complexifie encore les observations,
limitant notamment l’attention, la compréhension et le raisonnement. Il faut du temps pour
connaître la personne polyhandicapée et sa façon singulière de s’exprimer, et pour définir les items
d’observations les plus pertinents et les plus objectifs possibles. Certains items utilisés dans
l’évaluation sont quantitatifs, d’autres sont qualitatifs, augmentant encore la subjectivité.
A1.3 Une observation conjointe par plusieurs professionnels serait intéressante, mais l’enfant
polyhandicapé voit son attention très vite perturbée lorsque plusieurs personnes assistent à la
séance individuelle
Pour aller vers plus d’objectivité dans l’évaluation, il serait intéressant de mener une observation
conjointe avec d’autres professionnels, pendant les séances d’art-thérapie. En effet, un cri, une
expression de visage, un geste, une posture, ne seront pas perçus de la même manière par différents
professionnels. Cette observation est difficile à mettre en place avec les enfants polyhandicapés, car
leur attention est très fragile. Le moindre bruit, même dans la pièce d’à côté, une porte qui s’ouvre,
une variation de lumière, un objet inhabituel, peuvent suffire à les détourner de leur action, parfois
pour la séance toute entière. La présence d’une tierce personne peut modifier de façon significative
le déroulement de la séance, agissant parfois comme un catalyseur (ce qui a été le cas lors de la
séance N°10 avec Lisa), ou au contraire, et le plus souvent, comme un perturbateur, voire un
inhibiteur.
A1.4 La posture de la personne qui accompagne l’enfant est un élément déterminant dans
l’efficacité des prises en soin
Durant ces deux stages j’ai été accueillie comme une art-thérapeute professionnelle par toute
l’équipe du DIHW. J’ai passé beaucoup de temps à établir l’état de base des enfants et à l’analyser,
afin de dégager une stratégie thérapeutique avec des objectifs pertinents, atteignables, et en lien
avec le projet personnalisé d’accompagnement de l’enfant. Pendant les séances, j’ai observé au
mieux ce qui s’y déroulait, en utilisant parfois l’outil vidéo. Après les séances et pendant la
rédaction de ce mémoire, j’ai analysé les résultats et les effets de l’art-thérapie, et j’ai pu donner du
sens aux différentes prises en soin.

83
Pourtant, en séance, face avec l’enfant, j’étais tout simplement moi-même, sans statut particulier,
partageant avec plaisir une expérience musicale avec les enfants. Allant les rencontrer là où ils se
trouvaient, sans calcul. Vivant la rencontre pleinement. Accueillant mes propres sensations et
émotions, les partageant ouvertement. Proposant parfois des interactions et me laissant aussi
emmener ailleurs, portée par ce que les enfants proposaient, aussi étrange cela pouvait-il me
paraître.
Je n’ai pas pu évaluer l’effet de cette posture, de cette ouverture, sur les bénéfices des séances
d’art-thérapie, mais j’ai le sentiment très fort que ce choix, inconscient au départ, puis assumé
ensuite, de me placer dans la position d’un être humain rencontrant un autre être humain, le plus
spontanément possible, a permis de faire une plus grande place à l’expression de l’enfant, le
plaçant, au moins le temps de la séance, à une place de sujet, face à un autre sujet. L’Art a permis
cette rencontre, par son effet relationnel, et le plaisir partagé a encore renforcé cet effet.
Cela m’amène à réfléchir sur les différences de postures qui incombent aux professionnels de
l’éducation et du soin, tous issus de formations et d’univers variés, souvent bien séparés :
éducateurs, rééducateurs, thérapeutes, soignants. Quelle est la posture juste pour accompagner une
personne polyhandicapée, présentant une déficience intellectuelle importante et un état mental
proche de celui d’un tout petit, voire d’un bébé ? Est-ce une posture éducative ? Quelle est la place
d’un accompagnement thérapeutique auprès de ces enfants ? De quoi a le plus besoin un enfant qui
se trouve dans cette situation très particulière de handicap ? A-t-il besoin de progresser et
d’apprendre ? De jouer, d’avoir du plaisir ? De ressentir et de percevoir ? De se réaliser, de se
révéler ? De communiquer ? D’être soigné ? Que l’on prenne soin de lui ? De tout cela en même
temps ?.
« Donner à quelqu’un, spécialement à un enfant ou à un adolescent, tous les soins nécessaires à la
formation et à l’épanouissement de sa personnalité »134, voici la définition du mot « éduquer ».
S’épanouir135, c’est « atteindre un plein et harmonieux développement ». Comment ouvrir un espace
permettant cette plénitude et cette harmonie dans le développement de la personnalité de l’enfant ?
L’art-thérapie est peut-être la discipline qui permet de créer cet espace, parce qu’elle peut orienter
l’Art de telle façon qu’il apporte sensations, plaisir, perceptions, apprentissage, relation,
communication. Et parce que c’est une discipline qui peut aisément côtoyer, compléter, soutenir,
renforcer ou même s’enrichir d’autres accompagnements (orthophonie, psychomotricité,
psychologie, kinésithérapie).
A1.5 La marge de progression de l’enfant polyhandicapé est parfois complexe à déterminer
Lorsqu’une personne présente des déficiences et des difficultés importantes, dans plusieurs
domaines (physique, mental, social), il est complexe d’évaluer ses compétences, et il est encore plus
complexe de connaître sa marge de « progression ». Les outils d’évaluation existants demandent
souvent des habiletés (sensorielles, cognitives, motrices) que la personne polyhandicapée n’a pas.
L’évaluation cognition polyhandicap (ECP) est un outil d’évaluation qui repose sur une observation
croisée des différents acteurs intervenant auprès d’une personne polyhandicapée (sa famille, les
professionnels qui l’accompagnent, la personne elle-même), qui a pour objectif de mieux saisir ses
compétences et ses difficultés, et de connaître ses capacités et ses potentialités dans une perspective
de développement de celles-ci136. Trois échelles constituent l’ECP : échelle de réactivité,
connaissances cognitives (ainsi que sensorielles et communicatives), état affectif et émotionnel.
134 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 12/05/2022]. Disponible sur le World
Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/definition/eduquer».
135 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le 12/05/2022]. Disponible sur le World
Wide Web : « https://www.cnrtl.fr/definition/epanouir».
136 CAMBERLEIN ,Philippe et PONSOT, Gérard, La personne polyhandicapée : La connaître, l’accompagner, la soigner. 2ème
édition. Paris : Dunod, 2021. Chap. 18, Problématique et pédagogie de diverses approches et méthodes éducatives, p.152.

84
L’ECP est utilisée au sein du DIHW, et j’ai pu m’appuyer sur les résultats de ces évaluations pour
Thomas et Lisa. Cependant, même avec cet outil, en présence d’une déficience intellectuelle
profonde, les compétences de la personne ne sont pas toujours mises en évidence. Lors de l’ECP de
Thomas, par exemple, plusieurs questions sont restées en suspens, et les séances d’art-thérapie ont
permis d’y apporter un début de réponse (cause à effet, permanence de l’objet). Les séances d’art-
thérapie ont pu mettre en lumière les compétences de Thomas, et peut-être contribuer à changer le
regard de certains professionnels sur ce jeune homme. Mais pour pouvoir fixer des objectifs
atteignables, cohérents et adaptés, qui ne soient ni trop ambitieux, ni trop modestes, il faudrait
pouvoir évaluer plus précisément quelles sont ses réelles possibilités d’évolution et ses capacités
d’apprentissage.
A1.6 L’autoévaluation par le cube harmonique n’a pas pu être réalisée lorsque l’enfant
présentait une déficience intellectuelle profonde
L’autoévaluation par le cube harmonique n’a pas été possible avec Lisa et Thomas. Ils n’étaient
pas en mesure de comprendre ce qui leur était demandé et d’y répondre, même de façon non
verbale. Avec Malo, un travail avec un contacteur s’est engagé, qui pourra certainement mener à
une forme d’autoévaluation, mais le chemin est encore long vers cet objectif. J’ai pu utiliser le cube
harmonique avec Anna, en la questionnant de façon informelle pendant les séances. Anna est en
mesure de répondre à des questions fermées simples, par oui ou par non. Pour cette autoévaluation,
j’ai essayé plusieurs formulations, et j’ai retenu les mots qui semblaient convenir le mieux à Anna.
Pour l’évaluation du beau, j’ai retenu la question : « est-ce que tu trouves que ta peinture est
belle ? », pour l’évaluation du bon : « est-ce que tu veux encore faire de la peinture ? », pour
l’évaluation du bien « Est-ce que tu trouves que ta peinture est réussie ? ». Sur le graphique ci-
dessous sont présentés les résultats de l’autoévaluation pour Anna. Anna s’est exprimée
sensiblement de la même façon à chaque séance, répondant toujours oui aux deux premières
questions, et presque toujours « non » à la troisième. Je ne suis pas sûre que ces résultats soit
exploitables, la fiabilité des réponses d’Anna restant fluctuante, et je ne suis pas certaine non plus
que les notions de « beau » et de « réussi » soient à sa portée, et qu’Anna ait compris les questions
posées. Mais lui poser ces questions, c’était lui donner l’occasion de s’affirmer, en disant oui ou
non, d’exprimer son goût, son ressenti. C’était aller dans le sens de cette prise en soin et de
l’hypothèse de ce travail, en renforçant encore sa place en tant que sujet. Il est important de noter
qu’Anna s’est toujours prononcée et n’a jamais hésité avant de répondre à ces questions.
Graphique 12 - Autoévaluation par le cube harmonique pour Anna

85
Lorsque l’autoévaluation n’est pas possible, comme ce fut le cas pour Lisa et Thomas, il nous
reste la possibilité de choisir certains items de l’évaluation, les plus significatifs et représentant au
mieux ces notions de « beau », « bon » et « bien ». Mais cela reste de l’évaluation et non
l’autoévaluation. Il pourrait être intéressant, par exemple, pour évaluer le bon, de recourir aux items
concernant l’envie de venir en séance et à la façon dont Lisa et Thomas se rendent seuls dans la
salle d’activité dès mon arrivée (élan et poussée corporels). Nous pourrions aussi noter si l’enfant
met fin à la séance de lui-même, comme c’est le cas pour Malo. En ce qui concerne le beau,
l’expression des goûts peut être observée, par exemple lorsque Malo demande tout de suite à
changer de musique, ou au contraire lorsqu’il écoute le morceau en entier. Et enfin pour l’évaluation
du bien, je pense à ces moments où Lisa a enfin réussi à produire un son seule avec une corde de la
guitare, et où elle s’en est rendue compte, exprimant sa surprise et sa joie.
Un autre moyen, peut-être plus objectif, d’évaluer les 3B, serait de recueillir, sous forme de
questionnaire, le ressenti des éducateurs qui côtoient les enfants. En effet, certains d’entre eux ont
parfois exprimé spontanément le moment agréable vécu par les enfants, avec des phrases telles que
« elle aime beaucoup ce que vous faites ensemble », « il a passé un bon moment » prononcées avant
ou après certaines séances. Mais là encore, cela reste de l’évaluation et non de l’autoévaluation, et
nous avons difficilement accès, avec des enfants présentant une déficience intellectuelle profonde, à
leurs propres réponses.

A1.7 Un plan d’accompagnement de soin aurait pu être mis en place pendant les prises en soin
pour impliquer d’avantage les professionnels qui accompagnent l’enfant au quotidien et sa famille
Pour que les bienfaits observés pendant les séances d’art-thérapie se prolongent dans les activités
de la vie quotidienne, un plan d’accompagnement de soin (PAS) aurait pu être mis en place,
impliquant les personnes qui côtoient les enfants. L’Art pourrait être introduit dans les gestes de la
vie quotidienne (change, habillage, repas, sommeil), en utilisant, par exemple, pour Thomas, la voix
chantée, les musiques utilisées en séances d’art-thérapie, ou les mouvements à deux, comme une
forme de ritualisation « artistique » des actes de tous les jours, surtout ceux qui sont douloureux ou
contraignants. Les instruments de musiques les plus appréciés de Lisa auraient pu être mis à
disposition de façon visible et régulière sur l’unité. Les éducateurs auraient pu, à ma demande,
prendre un temps chaque jour pour répéter les gestes et les interactions des séances d’art-thérapie.
Dans l’autre sens, pendant les séances d’art-thérapie, j’aurais pu trouver un moyen d’introduire les
gestes de la vie quotidienne.
Ce PAS pourrait également concerner les familles, et tous les autres acteurs de l’accompagnement
des enfants. Je ne l’ai pas mis en place, l’ayant pourtant évoqué en réunion. En position de stagiaire,
je n’ai pas osé imposer aux éducateurs une tâche supplémentaire. Je me suis heurtée quelques fois à
la différence de posture d’un éducateur (avec des objectifs d’abord éducatifs de respect du cadre et
d’apprentissage de savoir-faire) et d’un art-thérapeute (avec des objectifs d’amélioration de la
qualité de vie, de valorisation des potentialités, de plaisir), et le manque d’expérience ne m’a pas
aidée. Toutefois, certains professionnels se sont quand même saisi de ce qu’ils avaient visionné sur
les vidéos. L’un des éducateurs de l’Arche a, de lui-même, proposé la guitare à Lisa plusieurs fois,
observant ses réactions et son évolution, et m’en a fait un retour. Sur l’UAS, Suite à un échange
avec les éducateurs, Thomas a pu manipuler régulièrement la petite enceinte de l’unité, comme il le
faisait avec moi en séance.

86
A1.8 Un dispositif d’évaluation de la communication, le CHESSEP, aurait pu être utilisé pour
les évaluations
Pour les évaluations en lien avec la communication, un dispositif d’évaluation existant aurait pu
être utilisé, en plus des observations recueillies en séance. Lors d’un échange avec l’orthophoniste
de la structure, j’ai découvert l’existence d’un dispositif d’évaluation de la communication des
personnes en situation de handicap complexe, le CHESSEP, qui semble bien adapté aux personnes
polyhandicapées. Cette découverte est arrivée malheureusement après la fin de mes deux stages, et
cet outil n’avait encore jamais été mis en œuvre au DIHW. Le dispositif CHESSEP
(Communication Handicap Complexe : Évaluer, Situer, S’adapter, Élaborer un projet Personnalisé)
est un outil qui croise les regards des différents professionnels accompagnant la personne, et qui
inclut la participation des familles, la personne étant considérée dans sa globalité, et dans son
environnement137. Avec le CHESSEP, on établit le profil réceptif et le profil expressif de la personne
en mettant en évidence, sur chacun de ces deux plans, le niveau d’évolution de la communication
(N.E.C.) dans dix catégories: communication totale, communication extra-verbale, règles de
communication, début de symbolisme, langage signifiant, langage verbal, début de syntaxe,
explosion du langage, langage constitué, accès à l’écrit. L’utilisation de cette échelle d’évaluation,
même en partie, aurait pu préciser les résultats et leur donner plus d’objectivité. Les items
d’observation en séances auraient également pu être également enrichis avec la connaissance de
cette outil.
Il existe d’autres outils d’évaluation de la communication qui pourraient être utiles auprès de
personnes polyhandicapées : l’Echelle de Communication Sociale Précoce (ECSP) 138, qui évalue les
compétences communicatives des enfants entre 3 et 30 mois et l’Early Social Communication Scale
(ESCS)139, qui en est une adaptation pour les enfants en situation de handicap sans langage verbal. .
A1.9 Une partie des évaluations de la communication auraient pu être menée par d’autres
professionnels de l’équipe, voire par la famille
L’utilisation de l’échelle d’évaluation CHESSEP aurait pu être l’occasion d’inclure dans ce
travail d’autres professionnels de l’équipe, et je pense notamment à l’orthophoniste du DIHW, qui
aurait été en mesure d’évaluer la communication des enfants avant le début des prises en soin et à la
fin de celles-ci. Les informations recueillies auraient constitué un complément aux observations
menées en séances. L’objectivité des évaluations en auraient été encore renforcée. La famille aurait
également pu être associée à cette évaluation, lorsque cela était possible, et cela aurait peut-être
permis d’avoir une idée de la répercussion du travail mené en séances d’art-thérapie en dehors des
séances, dans la vie quotidienne de l’enfant.

A2. Le travail en équipe pluridisciplinaire et avec les familles prend toute son importance
dans l’accompagnement des personnes polyhandicapées

A2.1 Des réunions sont organisées avec l’équipe et les familles pour restituer et
échanger sur les prises en soin en art-thérapie
Au sein de l’équipe pluridisciplinaire, chaque professionnel travaille dans le cadre du projet
d’accompagnement personnalisé de l’enfant. Chacun utilise ses propres outils, que ce soit dans la
pratique, dans l’observation ou dans l’évaluation. La psychomotricienne travaille, par exemple,

137 CRUNELLE, Dominique. Évaluer et faciliter la communication des personnes en situation de handicap complexe.
Paris : Deboeck supérieur, 2018.
138 Ibid.
139 Ibid.

87
régulièrement avec la présence d’un animal. L’ergothérapeute utilise parfois le dessin. Les réunions
d’équipe sont des temps où chacun peut présenter son travail. Les échanges sont riches, des
binômes professionnels se forment parfois pour travailler sur des séances communes et sur un
objectif précis avec l’un des enfants. C’est lors de ces réunions que j’ai pu échanger avec
l’orthophoniste, qui m’a suggéré d’utiliser un contacteur pour Malo, ou que j’ai découvert
l’existence de l’évaluation CHESSEP de la communication des personnes en situation de handicap
complexe. À chaque fois, je suis repartie de ces rencontres avec des réponses à certaines de mes
questions, parfois avec de nouvelles questions, mais toujours avec une ouverture vers une meilleure
cohérence dans les prises en soin. Certains professionnels sont venus observer une séance d’art-
thérapie suite à nos échanges lors de ces réunions.
A2.2 Il est important de pouvoir croiser les observations régulièrement lors de temps d’échange
en équipe
Avec des personnes polyhandicapées, la plupart du temps sans langage verbal, ces temps de
regroupement sont d’autant plus précieux. Lorsque les séances sont individuelles, et que les
observations sont complexes, ces échanges entre professionnels permettent d’éviter les
interprétations hâtives et de ramener de l’objectivité. Lorsqu’un accompagnement s’essouffle, des
pistes peuvent être dégagées, ou des relais trouvés au sein de l’équipe. Ces réunions permettent
aussi de minimiser le découragement qui peut gagner les soignants qui accompagnent des personnes
dans des situations de grande dépendance, ou les avancées sont infimes et les accompagnements
longs.
A2.3 La vidéo est un outil pertinent pour récolter des informations objectives et
vérifier la pertinence des observations
L’utilisation de la vidéo a été très intéressante dans les prises en soin présentées, pour permettre
l’observation conjointe dont nous avons parlé plus haut, sans perturber le déroulement des séances.
Cet outil a été aussi utile pour moi, car j’ai pu y vérifier mes observations et parfois en ajouter de
nouvelles. Cependant, cela demande un temps de travail supplémentaire important (visionnage des
séances, montage vidéo des moments les plus significatifs pour échanger avec l’équipe) qui ne peut
pas être fait à chaque séance. Les vidéos peuvent permettre également de faire le lien avec certaines
familles, qui sont ainsi associées à l’accompagnement de leur enfant en art-thérapie. Ces échanges
avec les familles apportent des informations précieuses sur les goûts et les habitudes de leurs
enfants, sur leurs précédentes expériences et leurs capacités dans le domaine artistique.
A3. Des questionnements émergent liés au profil des personnes polyhandicapées
présentant une déficience intellectuelle profonde

A3.1 La conscience de soi et le sentiment d’être sujet chez les personnes


polyhandicapées avec déficience intellectuelle profonde sont des concepts qui peuvent être
questionnés
Nous utilisons à plusieurs reprises dans ce travail les termes « conscience de soi » et « sentiment
d’être sujet ». En présence d’une déficience intellectuelle sévère ou profonde et d’un état mental
proche d’un bébé ou d’un tout petit enfant, ces concepts peuvent paraître un peu ambitieux et
éloignés de la réalité que vivent les personnes polyhandicapées. Le simple terme de « sentiment »
est discutable, éprouver un sentiment nécessitant déjà un traitement mental sophistiqué. Nous
pouvons nous demander s’il est pertinent, pour des personnes dans cette situation, d’autant plus
quand il s’agit d’enfants, de travailler sur le sentiment d’être sujet. Pourtant, un bébé ou un tout petit
enfant est très tôt en mesure de faire un choix, d’exprimer ses goûts (notamment en terme

88
d’alimentation) et de se positionner en tant que sujet, mais quelle conscience en a-t-il? Thomas se
détourne si l’activité ne l’intéresse pas. Il exprime sa joie et se déplace, au contraire, lorsqu’il a
envie de participer. Malo demande à changer de musique et il décide de lui-même de mettre fin à la
séance d’art-thérapie. Lisa s’affirme, elle décide de venir en séance d’art-thérapie, elle se déplace
seule jusqu’à la salle d’activité. Lorsqu’elle ne veut pas manipuler un instrument, elle le repousse
ou le jette. Elle se déplace uniquement vers les instruments qui l’intéressent.
Lisa montre son impatience et son mécontentement lorsque son interlocuteur ne répond pas à sa
demande. Elle exprime sa frustration en s’agitant et en criant lorsqu’elle n’arrive pas à se faire
comprendre. Pendant les séances d’art-thérapie, Lisa est calme la plupart du temps. Quand elle
parvient à se fait comprendre, à se déplacer librement d’un instrument à l’autre, à produire du son
avec un instrument qu’elle a choisi, elle se canalise et révèle des capacités d’écoute, d’attention,
voire d’apprentissage, grandissantes. Anna fait des choix et elle accorde beaucoup d’importance au
fait d’agir seule. Dans les moments où elle peut agir avec indépendance, grâce aux adaptations
mises en place, elle exprime sa joie et semble très fière. Lorsque je lui propose de l’aide, elle refuse
parfois fermement et insiste en répétant son prénom jusqu’à ce que je la laisse faire seule, ou au
moins diriger le mouvement elle-même. Ces comportements de Lisa et d’Anna montrent que ces
jeunes filles, malgré leurs déficiences intellectuelles, ont une certaine « conscience » de leur
handicap et de la dépendance qu’il implique. Elles ont, en tout cas, une certaine conscience d’elles-
même et une volonté d’agir par elles-même comme sujets agissants. Ce sentiment de ne pas être
sujet est donc bien présent, et s’il ne s’agit pas d’un sentiment, peut-être pouvons-nous parler de
sensation d’être sujet, un sujet en construction, doté d’une conscience de soi inaboutie.
A3.2 George Saulus propose une modélisation de la conscience de soi en fonction
des différents profils des personnes polyhandicapées et introduit le concept d’éprouvé d’existence
George Saulus propose un modèle du développement de la conscience de soi chez les personnes
polyhandicapées140. Il décompose toute activité psychisée de connaissance en un éprouvé
d’existence (par lequel un être connaît une chose qu’elle est - ou plutôt que « connaître » - « sentir
exister »), une activité cognitive (par laquelle un être connaît d’une chose ce qu’elle est) et une
activité de conscience (par laquelle un être connaît qu’il connaît une chose). Ce modèle peut
apporter des éléments de réponse à la question que nous nous posons quant à l’existence d’une
conscience de soi chez les personnes polyhandicapées et quelle forme cette conscience peut prendre
en présence d’une déficience intellectuelle sévère à profonde. Il nous amène à penser qu’il reste
pertinent d’utiliser ce concept de conscience de soi dans ces situations de polyhandicap, tout en
gardant à l’esprit la forme peu aboutie de cette conscience.
George Saulus distingue trois éprouvés d’existence. Le premier, l’éprouvé archaïque
d’existence, correspond à une activité qui « consiste en un agrippement, un collage, une tension,
non accompagnés de représentation »141, comme si la personne, morcelée, ne pouvait réunir tous ses
« morceaux » qu’en « collant » à quelque chose. « À ce stade, tout est nuit, ou presque : l’éprouvé
archaïque d’existence s’évanouirait si des soins corporels et psychiques répétés de manière
rythmique ne venaient renforcer ses ténues composantes temporelle et spatiale et en assurer la
stabilité »142. Dans l’éprouvé primitif d’existence, la personne commence à éprouver, en même
temps que la sienne, l’existence de ce qu’il n’est pas, et s’éprouve comme « un et distinct seulement
en émergence, sans frontières encore assurées»143. Dans le développement « normal » d’un jeune
140 SAULUS, Georges. Le concept d’éprouvé d’existence. Contribution à une meilleure lecture des particularités
psychodéveloppementales du polyhandicap. In KORFF-SAUSSE, Simone. La vie psychique des personnes handicapées.
Toulouse : Érès, 2009. P. 27-44.
141 Ibid. p 34.
142 Ibid. p 35.
143 Ibid. p. 36.

89
enfant, il n’est pas préoccupant qu’il s’éprouve « en morceaux » la plupart du temps, à condition
que de temps en temps, il se « rassemble », notamment par des sensations simultanées de différentes
natures. Lorsque le développement de l’enfant n’est pas propice à ces situations de rassemblement,
l’éprouvé primitif d’existence peut être accompagné d’angoisses de morcellement. Si le
développement suit son cours sans entrave, il donne naissance à l’éprouvé d’existence entitaire, la
personne éprouve « l’existence d’entités dotées d’une relative stabilité »144. Enfin l’éprouvé
d’existence identitaire se traduit par « Il y a je qui entend qu’il y a untel qui parle, il y a je qui sent
qu’il y a cette chose qui est froide »145.
George Saulus précise, pour chacun des trois profils de polyhandicap, un régime d’éprouvé
d’existence et un régime d’activité de conscience, le régime étant l’activité prédominante chez la
personne, nous les présentons dans un tableau :
Tableau 27 – Profils de polyhandicap, activité de conscience et éprouvé d’existence
Profil psychodéveloppemental Profil I Profil II Profil III
de polyhandicap
Régime d’éprouvé d’existence Éprouvé d’existence Éprouvé d’existence entitaire Éprouvé d’existence
primitif non abouti entitaire abouti
Régime d’activité de conscience Activité de conscience Activité de conscience Activité de conscience
pré-entitaire entitaire : « protoconscience de soi non identitaire
de soi »
Cette classification peut aider l’art-thérapeute et toutes les personnes qui accompagnent les
personnes polyhandicapées à mieux comprendre où elles en sont du développement de leur
conscience de soi, afin d’affiner encore les propositions et la pertinence de leur accompagnement.
B. L’analyse des prises en soin au prisme d’autres méthodes d’accompagnement spécifiques
des personnes polyhandicapées permet de mener les réflexions plus loin

B1. Les travaux d’Andreas Fröhlich sur la stimulation basale soulignent la pertinence du
choix de la musique et de la danse pour l’accompagnement des personnes polyhandicapées et
insistent sur l’importance d’un travail qui dépasse le temps des séances
Andreas Fröhlich élabore en 1998, une approche pédagogique destinée aux personnes
polyhandicapées, qui n’est « ni une méthode, ni une technique. Il s’agit d’une approche réfléchie
des problèmes et des difficultés de personnes très dépendantes »146. La stimulation basale s’adresse
à la personne dans sa globalité et dans son environnement, en respectant ses capacités propres et son
développement du moment. Elle vise à favoriser le développement de la personne en créant les
conditions favorables à la découverte de son corps par elle-même. Le corps de la personne est
considéré comme l’élément premier de la réalisation de soi, il est accepté tel qu’il est, sans
exigence, sans prérequis. Le soignant met lui aussi en jeu son corps et ses propres capacités
motrices pour échanger par le mouvement, le toucher, la proximité, dans une activité commune.
L’accent est mis sur les capacités de la personne, et non sur ses déficiences (ce qui rejoint une
préoccupation essentielle de l’art-thérapie moderne) et la participation de la personne est requise à
tout moment (la plaçant le plus souvent possible dans une position active de sujet).
La stimulation basale vise à renouer avec les expériences précoces de la vie (avant la naissance),
privilégiant « les expériences les plus élémentaires et les plus précoces sur lesquelles on puisse
construire une expérience primaire relativement stable »147. Elle allie la stimulation somatique (qui
concerne la frontière et les points de contact du corps avec le monde extérieur, la peau et les
144 Ibid. p. 37.
145 Ibid. p. 39.
146 FRÖHLICH Andreas. La stimulation basale : le concept. Biel, Suisse : Ed. SZH/SPC, 2000. p. 12.
147 Ibid. p. 145.

90
muscles), la stimulation vibratoire (dans le but d’atteindre l’intérieur du corps), et la stimulation
vestibulaire. Nous l’avons vu, la musique et la danse ont des spécificités qui favorisent
particulièrement ces expériences somatiques (toucher, contact), vibratoires (son, vibrations) et
vestibulaires (mouvement, rythme). Le choix de ces dominantes semble être particulièrement
pertinent pour les personnes polyhandicapées.
Andreas Fröhlich insiste sur le fait que la stimulation basale prend tout son sens lorsqu’elle n’est
pas utilisée uniquement à la manière d’une thérapie, lors de séances isolées, mais lorsque toute
expérience de la vie quotidienne (le bain, la promenade, le repas, l’habillement) devient l’occasion
d’expériences basales simples, structurées et récurrentes. De la même façon, nous pouvons imaginer
que l’intégration, dans les tâches de la vie quotidienne des personnes polyhandicapées,
d’expériences musicales et dansées, en les adaptant, en les orientant et en les évaluant par l’art-
thérapie, pourrait favoriser leur développement et l’expression de leurs potentialités.
B2. L’approche d’Emmi Pikler adaptée aux personnes polyhandicapées pourrait enrichir les
prises en soin art-thérapeutiques
Emmi Pikler, pédiatre hongroise, a créé en 1947 la pouponnière « Loczy » à Budapest, dans
laquelle les enfants, pour la plupart orphelins et âgés de 0 à 3 ans, se sont développés de manière
particulièrement harmonieuse, avec une grande qualité de motricité, une bonne capacité
d’adaptation sociale et sans troubles psychiques surajoutés. La pédagogie particulière développée à
Loczy est basée sur la stabilité de la relation et de l’environnement, conduisant au développement
d’un profond sentiment de sécurité chez l’enfant, « fondement de sa motivation à explorer, de sa
prise d’initiative, de l’exploration de ses capacités propres et de la connaissance de soi »148. Elle vise
à créer un cadre stable et prévisible pour l’enfant dans lequel il peut être véritablement actif et
développer son autonomie (nous retrouvons ici certains des éléments importants dans la
construction de l’enfant en tant que sujet). Ce sentiment de sécurité repose en grande partie sur la
« préservation constante de l’équilibre postural de l’enfant »149 : « l’enfant n’étant jamais mis dans
une position ou une situation motrice qu’il ne maîtrise pas lui-même »150. Les points d’appui et
l’équilibre sont toujours recherchés dans les manipulations, afin que l’enfant s’implique dans le
soin, dans un dialogue tonique des deux partenaires. Au cœur de cette approche se trouvent des
observations croisées minutieuses des signes de l’enfant, de son « activité propre », dans l’objectif
de les prendre en compte dans toutes les situations de sa vie, de ne pas considérer le jeune enfant,
même dans les tout premiers moments de sa vie, comme un objet, mais comme un être qui
« observe, enregistre et comprend ou comprendra »151.
Myrtha chokler, psychomotricienne argentine, mène depuis plusieurs années une réflexion sur la
pertinence de cette approche pour les personnes polyhandicapées. Pour elle, « tout enfant même
lourdement handicapé, peut tirer bénéfice de cette approche »152, car son processus d’humanisation
repose sur les mêmes facteurs que chez les autres enfants. Elle définit le modèle des « organisateurs
du développement », cinq pôles interdépendants autour desquels s’organise le développement de la
personne : attachement, relation au monde, communication, équilibre, ordre symbolique. Myrtha
Chokler pose l’hypothèse que la « mise en acte du respect de la personne au travers des soins
quotidiens ou thérapeutiques permet au soignant de découvrir la partie vivante de l’enfant, même en

148 CASTAING, Marie-Thérèse. Que fait l’enfant polyhandicapé qui ne fait rien ?. CESAP informations. N°35. 2003.
149 Ibid.
150 Ibid.
151 Ibid.
152 CAMBERLEIN ,Philippe et PONSOT, Gérard, La personne polyhandicapée : La connaître, l’accompagner, la soigner. 2ème
édition. Paris : Dunod, 2021. Chap. 18, Problématique et pédagogie de diverses approches et méthodes éducatives, p. 374.

91
situation de polyhandicap, de l’étayer et d’en favoriser l’ouverture dans le sens du
développement »153.
Dans le travail de Myrtha Chokler, l’enfant est mis dans une situation de pouvoir faire ce qui est
important pour lui, et non pour le soignant, qui accueille cet « important » comme un « bourgeon
d’autonomie ». Le soignant, par son observation fine et constante, repère le « vouloir être », le
« vouloir faire » de la personne et son activité propre, en favorise l’expression et en soutient le
développement vers un « pouvoir faire », si limité soit-il. Le soignant est constamment en train de
porter attention aux manifestations propres de la personne, au sein même de sa dépendance, et est
en mesure de se laisser influencer par elles. Il « observe pour agir » et « agit en observant », et sait
parfois « ne pas agir » ou « agir différemment » pour laisser la place à l’activité réelle de la
personne.
Cette approche pourrait enrichir grandement les séances d’art-thérapie. Il serait intéressant, par
exemple, de proposer aux enfants des séances sans fauteuil, au sol, le sol fournissant les points
d’appui et l’équilibre évoqués plus haut. Les mouvements dansés, au sol et/ou en contact avec l’art-
thérapeute, pourrait être orientés pour respecter au mieux les points d’appuis et le sentiment de
sécurité de l’enfant. Une réflexion pourrait être menée sur les stimulations, qui ne seraient alors pas
provoquées par l’art-thérapeute mais par l’enfant, qui aurait la possibilité de ne pas les recevoir.
L’environnement pourrait encore une fois être adapté afin que l’enfant agisse avec le maximum
d’indépendance et d’autonomie.
Plus largement, je trouve très intéressant ce parallèle que fait Myrtha Chokler entre la petite
enfance et le polyhandicap et il me paraît important d’y réfléchir afin d’adapter notre posture de
soignant ou d’accompagnant, surtout lorsque l’enfant ou l’adolescent polyhandicapé présente un
état mental proche de celui d’un bébé ou d’un tout petit enfant. Ayant beaucoup travaillé auprès de
familles avec de très jeunes enfants, je me suis rendue compte, au fil des mois, que je faisais
toujours attention à me placer, physiquement, au même niveau que l’enfant pour interagir avec lui,
ou pour lui parler. Que je recherchais d’abord un contact visuel, ou physique. Que je lui laissais du
temps pour qu’il réagisse, pour qu’il enregistre ce qui se passait. Tout comme un adulte s’agenouille
et le regarde dans les yeux lorsqu’il veut s’adresser à un très jeune enfant. Il serait intéressant de
réfléchir à la façon dont sont accompagnés les tout petits pour enrichir les prises en soin des enfants
polyhandicapés. Et plus particulièrement sur la façon dont l’Art est présent au quotidien dans la vie
des très jeunes enfants (chansons, berceuses, danse, dessin), et à l’importance de cette présence dans
le développement de l’enfant, en situation de handicap ou non.
B3. Une lecture transversale de ces deux approches permet d’en extraire les fondamentaux sur
lesquels s’appuyer dans l’accompagnement des personnes polyhandicapées
Chacune des deux approches que nous venons de décrire est singulière, mais nous pouvons en
dégager quelques points communs fondamentaux. Tout d’abord, quelque soit la manière particulière
d’être au monde de la personne accompagnée, la personne et son activité propre sont centrales
dans l’accompagnement, « l’autre vulnérable et dépendant est positionné comme mon égal humain
et comme partenaire à part entière de la relation »154. Il s’agit de partir des manifestations que la
personne donne à voir, aussi minimes et éloignées des nôtres soient-elle, pour construire un
accompagnement pertinent. Ensuite, cet accompagnement est d’autant plus efficace qu’il prend
appui sur ce qui est important pour la personne, et il faut que cet « important » soit accueilli et
renforcé, afin que la situation vécue prenne sens pour la personne. Les deux approches permettent
de soutenir la sensorialité, « vecteur du sentiment d’exister et de l’évolution psychique »155, afin de
153 Ibid.
154 Ibid.
155 Ibid.

92
créer les conditions favorables au passage d’une « existence organique » à une « expression
corporelle ». Ces expériences vécues par la personne ne se cantonnent pas à des séances isolées,
mais sont présentes, et répétées, dans les situations quotidiennes, toujours dans un contexte
d’interactions relationnelles. Les soins quotidiens, très présents dans la vie des personnes
polyhandicapées, sont des « occasions privilégiées d’expériences psychocorporelles », favorisant
le sentiment de sécurité de la personne et ouvrant vers une possible communication. Enfin, ces
approches sont des démarches d’équipe et ne peuvent pas être menées de façon solitaire.
Il semble important que ces fondamentaux soient présents à l’esprit du soignant à tout moment de
l’accompagnement de la personne polyhandicapée, et notamment dans une prise en soin art-
thérapeutique. En revisitant sa stratégie au regard de ces fondamentaux, l’art-thérapeute pourrait
donner à son accompagnement une pertinence et une efficacité plus grande.
C. Une suite est envisagée dans les prises en soin des enfants et de nouvelles orientations sont
proposées

C1. L’utilisation ou la fabrication de nouveaux instruments ou d’objets sonores, vibrants,


et adaptés à la personne permettrait d’aller plus loin dans le développement d’une
communication non verbale
Pendant les séances d’art-thérapie, certains instruments de musique, pour lesquels les enfants
montraient de l’intérêt, étaient loin d’être adaptés à leur motricité (c’est le cas du kalimba, par
lequel Lisa était attirée au premier abord, mais qui ne produisait pas de son en réponse à ses gestes).
Parfois, Lisa demandait à manipuler des objets présents dans la salle (bouteille, capsules de café), à
l’aide desquels nous avons produit des sons ensemble. Nous avons tapé sur la table ou sur le bongo
à l’aide de la bouteille, écrasé et secoué un sac en papier rempli de capsules de café. Pierre
Lacheray, dans son mémoire de certification d’art-thérapeute, arrive à la conclusion que la
conception d'instruments adaptés, menée avec l'équipe, pourrait conduire à faire de la musique un
vrai outil de communication156. Avec l’aide de l’ergothérapeute et des éducateurs, une réflexion
pourrait être menée sur l’adaptation d’instruments ou la conception d’objets sonores ou vibrants, en
lien avec les goûts, les capacités de chaque enfant, et avec les objectifs thérapeutiques. Ces objets
pourraient être choisis par l’enfant (forme, couleur, texture, matière) et, une fois devenus sonores ou
vibrants, être investis par lui pendant les séances d’art-thérapie.
C2. Les objets sonores et la communication qu’ils permettent pourraient être réutilisés dans la
vie quotidienne de l’enfant
Ces objets sonores, choisis et investis par les enfants pendant les séances d’art-thérapie,
pourraient être présents au sein de l’unité, l’enfant y reconnaissant son choix et pouvant les utiliser
dans une visée communicante. Nous pouvons même imaginer que ces objets deviennent des moyens
de communication à part entière, annonçant et ritualisant les différentes activités de la journée. Ou
qu’ils permettent en tout cas des interactions plus variées et plus riches.
C3. La communication développée lors des séances individuelles pourrait être reprises lors de
séances collectives pour développer les interactions entre les enfants au sein de l’unité
Il est arrivé quelques fois, par hasard, que deux enfants soient présents simultanément dans la
salle d’activité pendant une partie de séance. Ce fut le cas par exemple à la fin d’une séance avec
Thomas. Un jeune homme que je suivais régulièrement en séances individuelles avec pour
dominante le dessin, Thierry, m’ayant entendue chanter et croyant probablement que j’étais venue

156 LACHERAY, Pierre. Une expérience d'art-thérapie à dominante musique et peinture au sein d'un établissement d'accueil pour
enfants et adolescentspolyhandicapés. Tours : AFRATAPEM, 1 vol. 77p. Mémoire : art-thérapie : AFRATAPEM : 2015.

93
pour lui, entra dans la salle. Thomas se détourna tout de suite de l’activité musicale. Je proposai à
Thierry s’il voulait bien chanter, ce qu’il fit un court instant. Thomas montra alors aussitôt son
intérêt, bougeant et vocalisant en nous regardant. Lisa avait pu interagir avec deux adultes lors de
l’une des séances à l’école de musique (une éducatrice et moi-même), nous faisant entrer dans un
jeu d’alternance musicale en faisant circuler la guitare entre nous trois. Il serait intéressant de mettre
en présence, en séances d’art-thérapie, deux enfants, ou plus, afin de voir si les interactions et les
jeux musicaux se mettent en place entre eux, et si une forme de communication, dans la pratique
musicale, devient alors possible.
C4. Les séances au sein de l’école de musique ont permis de nouveaux échanges
Certaines séances d’art-thérapie ont eu lieu au sein de l’école de musique de Granville. Cela a
permis d’avoir accès à d’autres espaces et à d’autres instruments de musique, un « vrai » piano, qui
procurait à Lisa beaucoup plus de sensations vibratoires que le piano électrique du DIHW, une
caisse claire, des djembes de différentes tailles, un orgue sensoriel. Au delà de cet enrichissement,
cette présence à l’école de musique m’a permis d’échanger avec l’enseignante de musique en
charge des personnes en situation de handicap au sein de l’école de musique. Elle m’a fait
généreusement bénéficier de son expérience. Après ces deux stages, mon travail se poursuit avec les
enfants du DIHW, et ma présence au sein de l’école de musique également, puisque je vais pouvoir
participer prochainement, avec cette enseignante, à une journée professionnelle d’échanges sur les
différentes pratiques de la musique avec des personnes polyhandicapées, durant laquelle seront
réunis plusieurs structures (écoles de musique, conservatoire) de la région. Cette journée sera très
probablement l’occasion de nouvelles orientations dans les suivis des enfants.
L’art-thérapie se trouve au croisement de plusieurs disciplines, c’est une profession qui réunit
l’Art, la science, le soin. Aussi, il est important pour l’art-thérapeute d’aller nourrir sa pratique
auprès des professionnels qui exercent dans tous ces champs, qu’ils soient soignants, artistes,
pédagogues, éducateurs.
D. La découverte de la notion de handicap complexe ouvre de nouvelles perspectives
J’arrive à la fin de l’écriture de ce mémoire, et mon travail se poursuit au sein du DIHW. Lors
d’un échange avec l’orthophoniste de la structure au sujet de Malo, nous parlons de
communication, et elle me conseille un ouvrage de Dominique Crunelle, orthophoniste française et
docteur en sciences de l’éducation : « évaluer et faciliter la communication des personnes en
situation de handicap complexe »157. J’y découvre deux choses très intéressantes, et qui auraient
probablement donné une autre orientation à mon travail si elles étaient venues à ma rencontre plus
tôt. La première est l’échelle d’évaluation de la communication des personnes en situation de
handicap complexe, la CHESSEP, adaptée aux personnes polyhandicapées, dont j’ai déjà parlé et
qu’il aurait été intéressant d’utiliser dans les prises en soin présentées ici.
La seconde est cette notion de « handicap complexe », encore peu utilisée à ce jour. George
Saulus définit la situation de handicap complexe le premier, en 2009, comme « une situation
extrême, où sont sollicitées au degré le plus intense, jusqu’à leurs limites, les compétences
techniques, relationnelles et éthiques des différents acteurs »158. La situation de handicap complexe
apparaît dans les textes de loi le 20 mars 2009. Deux facteurs majeurs placent la personne dans cette
situation : « un mode de perception singulier du monde qui place la personne dans l’inconfort,
l’angoisse, l’incompréhension de son environnement et une très forte limitation en terme de

157 CRUNELLE, Dominique. Évaluer et faciliter la communication des personnes en situation de handicap complexe.
Paris : Deboeck supérieur, 2018. Chap 1., Qu’est-ce qu’un handicap complexe, p 1.
158 Ibid.

94
communication sociale, avec des échanges pauvres et se basant peu sur le langage verbal »159. On
trouve englobés dans cette situation le polyhandicap, les séquelles de traumatismes crâniens, la
maladie d’alzheimer à un stade avancé, les handicaps rares tels que le syndrôme d’Angelman (dont
est atteint Thomas) et le syndrome de Rett, la surdicécité, l’autisme sévère et certaines psychoses
déficitaires avec troubles associés.
Nous pouvons penser que le travail mené ici sur la mise en action, la communication et sur la
sensation ou le sentiment de sujet des personnes accompagnées, pourrait dépasser le cadre du
polyhandicap. L’hypothèse explorée dans ce mémoire pourrait peut-être concerner, plus largement,
les personnes en situation de handicap complexe. D’ailleurs, nous l’avons souligné, Malo n’est pas
en situation de polyhandicap, et pourtant la stratégie mise en place avec lui et les résultats obtenus
semblent avoir leur place auprès de ceux de Thomas, Lisa et Anna.
Au moment où je mets un point final à ce travail, je suis en train de suivre les enseignements du
diplôme d’université d’art-thérapie de l’université de médecine de Grenoble, pendant lequel je vais
mettre en place un projet de recherche auprès d’enfants en situation de handicap accueillis au sein
d’un autre institut médico-éducatif. Cette recherche pourrait s’orienter vers cette hypothèse
concernant la mise en action et la communication de personnes en situation de handicap complexe,
qui n’ont pas accès au langage verbal, ni à un code de communication élaboré, avec, parmi les
échelles d’évaluation, l’échelle CHESSEP.

CONCLUSION
Cette expérience a été d’une grande richesse pour moi, tant professionnellement que par les
expériences humaines qu’elle a permises. J’ai appris énormément, sur l’accompagnement des
personnes en situation de handicap, sur le secteur médico-social, sur mon futur métier d’art-
thérapeute. Et surtout, j’ai beaucoup appris sur moi-même.
Le polyhandicap est une situation de handicap particulière, dans laquelle les personnes ont des
besoins spécifiques, et dont l’accompagnement éducatif et thérapeutique existant atteint parfois ses
limites. Dans cette expérience, l’art-thérapie a pu parfois apporter une réponse, ou au moins une
nouvelle porte d’entrée vers ces enfants et adolescents dont on connaît finalement assez peu les
capacités. J’ose même croire que ces séances d’art-thérapie, et les échanges qu’elles ont déclenchés
avec les professionnels de la structure, ont pu révéler les potentialités des enfants, et changer parfois
le regard porté sur eux.
La musique semble une dominante particulièrement pertinente pour ces personnes. Elle met en
jeu des mécanismes physiques, mentaux et sociaux, fait appel à des expériences précoces vécues au
tout début de leur vie et leur propose une modalité sensorielle adaptée tant à leurs besoins qu'à leur
degré de développement. Elle participe au développement d’une meilleure conscience corporelle, a
un pouvoir éducatif et d’entraînement, et des effets relationnels qui peuvent tout à fait se passer de
langage verbal. Orientée par l’art-thérapie, elle peut répondre à plusieurs de leurs besoins
fondamentaux.
Les prises en soin présentées dans ce mémoire ont montré des bénéfices pendant les séances
d’art-thérapie. Les enfants se sont engagés et mis en action en exprimant leur plaisir, ils ont
communiqué de plus en plus, parfois de façon plus riche, et ont révélé des potentialités jusqu’alors
méconnues. Ce travail met en lumière l’importance, pour l’art-thérapeute, de travailler en équipe
pluridisciplinaire et en lien avec les familles, afin d’accéder à une évaluation la plus objective
possible et de proposer un accompagnement qui implique la personne dans sa globalité et dans son
environnement.
159 Ibid.

95
Les limites de l’expérience ont été également mises en évidence. Il n’a pas été possible d’évaluer
les bénéfices de l’art-thérapie en dehors des séances, dans la vie quotidienne de l’enfant.
L’objectivité des observations est difficile à affirmer, en l’absence de langage verbal et en présence
d’une déficience intellectuelle. L’autoévaluation par le cube harmonique n’est pas toujours possible,
notamment quand cette déficience intellectuelle est sévère.
D’autres approches d’accompagnement des personnes polyhandicapées, notamment la
stimulation basale d’Andreas Fröhlich, ont permis de mener les réflexions plus loin et d’envisager
un enrichissement des prises en soin en art-thérapie. L’adaptation de l’approche d’Emmi Pikler
(concernant initialement les jeunes enfants) aux personnes polyhandicapées, proposée par Myrtha
Chokler, permet encore de trouver des pistes pour faire évoluer la pratique de l’art-thérapie avec ces
personnes. Enfin, ce travail soulève d’autres questionnements sur la posture de la personne qui
accompagne l’enfant polyhandicapé, et sur ce que serait l’accompagnement juste, entre soin,
éducation et thérapie.
Mon travail continue auprès de Thomas, Lisa, Anna et Malo, et des autres enfants du DIHW. Les
prises en soin évoluent et m’amènent à les découvrir encore, et à mieux les connaître. Je conclus en
insistant sur l’importance, au quotidien, de permettre, le plus souvent possible, même sur de toutes
petites choses, aux personnes, aux enfants polyhandicapés, de se placer dans une position de sujet.
Au delà de la technique, de la méthode, de l’approche choisie pour les accompagner, il me semble
essentiel de toujours chercher d’abord à les rencontrer, quelque soit notre métier, en tant qu’être
humain, avec ouverture, humilité et humanité, là où ils se trouvent, pour les accompagner au mieux
sur leur chemin d’épanouissement.

96
LISTE DES SCHÉMAS, TABLEAUX ET GRAPHIQUES
Schéma 1 : Opération artistique………………………………………………………………… 41
Schéma 2 : Opération artistique pour Lisa……………………………………………………… 56
Schéma 3 : Stratégie thérapeutique pour Lisa…………………………………………………...57
Schéma 4 : Opération artistique pour Thomas………………………………………………….. 68
Schéma 5 : Stratégie thérapeutique pour Thomas………………………………………………. 69

Tableau 1 : Souffrances et besoins spécifiques des personnes polyhandicapées………………..26


Tableau 2 : Opération artistique…………………………………………………………………40
Tableau 3 : Protocole thérapeutique……...…………………………………………………….. 41
Tableau 4 : Mécanismes humains impliqués en Art et en art-thérapie…………………………. 43
Tableau 5 : Autres expériences avec l’art-thérapie et les personnes polyhandicapées………… 47
Tableau 6 : État de base de Lisa…………………………………………………………………54
Tableau 7 : Analyse de l’état de base de Lisa……………………………………………………55
Tableau 8 : Cibles thérapeutiques et sites d’action pour Lisa………………………………… 55
Tableau 9 : Objectifs thérapeutiques pour Lisa………………………………………………… 56
Tableau 10 : Stratégie thérapeutique pour Lisa………………………………………………… 57
Tableau 11 : Justification de la dominante Musique pour Lisa………………………………….58
Tableau 12 : Les différentes séquences d’une séance d’art-thérapie pour Lisa………………… 58
Tableau 13 : Descriptif des séances pour Lisa………………………………………………….. 58
Tableau 14 : Faisceaux d’items, items et cotations pour Lisa………………………………….. 63
Tableau 15 : Résultats de l’évaluation pour Lisa……………………………………………….. 63
Tableau 16 : État de base de Thomas…………………………………………………………... 66
Tableau 17 : Besoins non satisfaits, souffrances, mécanismes impactés pour Thomas…………67
Tableau 18 : Analyse de l’état de base de Thomas……………………………………………... 67
Tableau 19 : Cibles thérapeutiques et sites d’action pour Thomas……………………………... 68
Tableau 20 : Objectifs thérapeutiques pour Thomas…………………………………………….69
Tableau 21 : Stratégie thérapeutique pour Thomas……………………………………………...69
Tableau 22 : Justification des dominantes Musique et Danse pour Thomas…………………… 70
Tableau 23 : Descriptif des séances pour Thomas ……………………………………………... 71
Tableau 24 : Faisceaux d’items, items et cotations pour Thomas……………………………….75
Tableau 25 : Résultats de l'évaluation pour Thomas…………………………………………….76
Tableau 26 : Prises en soin de Malo et Anna…………………………………………………... 78
Tableau 27 : Profils de polyhandicap, activité de conscience et éprouvé d’existence…………. 90

Graphique 1 : Évaluation de l’expression du plaisir pour Lisa…………………………………63


Graphique 2 : Évaluation de l’engagement pour Lisa…………………………………………. 63
Graphique 3 : Évaluation de l’action pour Lisa………………………………………………... 64
Graphique 4 : Évaluation de la communication pour Lisa…………………………………….. 64
Graphique 5 : Évaluation de la qualité de la communication de Lisa…………………………. 64
Graphique 6 : Évaluation des objectifs intermédiaires pour Lisa……………………………… 65
Graphique 7 : Évaluation de l’expression du plaisir pour Thomas…………………………….. 76
Graphique 8 : Évaluation de l’engagement de Thomas………………………………………... 76
Graphique 9 : Évaluation de l’action et du mouvement mouvement de Thomas……………… 76
Graphique 10 : Évaluation de la communication gestuelle de Thomas………………………... 76
Graphique 11 : Évaluation des objectifs intermédiaires pour Thomas………………………….77
Graphique 12 : Autoévaluation par le cube harmonique pour Anna……………………………85

97
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Monographies
• ANDRE, Christophe et LELORD, François. L’estime de soi. Paris : Odile Jacob, 2002.
• ANZIEU, Didier. Le moi-peau. Paris : Dunod, 1995.
• BIGAND, Emmanuel. Les bienfaits de la musique sur le cerveau. Paris : Belin, 2018. p.8.
• BAUMGARTEN Alexander Gottlieb. Esthétique (Aesthetica, 1750). Paris : L'Herne, 1989.
• CAMBERLEIN Philippe Et PONSOT Gérard, La personne polyhandicapée  : La connaître,
l’accompagner, la soigner. 2ème édition. Paris : Dunod, 2021.
• CHARDON, Fabrice. Art-thérapie : Pratiques cliniques, évaluations et recherches. Tours :
PUFR, 2018.
• CRUNELLE, Dominique. Évaluer et faciliter la communication des personnes en situation de
handicap complexe. Paris : Deboeck supérieur, 2018.
• FANGET, Frédéric et ROUCHOUSE Bernard. L'Affirmation de soi, une méthode de thérapie.
Paris : Odile Jacob, 2007.
• FRÖHLICH Andreas. La stimulation basale : le concept. Biel, Suisse : SZH/SPC, 2000.
• FORESTIER, Richard. Dictionnaire raisonné de l'Art en Médecine. Lausanne : Favre, 2017.
• FORESTIER, Richard. Le métier d'art-thérapeute. Lausanne : Favre, 2014.
• FORESTIER, Richard. Regard sur l’Art. Tours : See You Soon, 2006.
• FORESTIER, Richard. Tout savoir sur l’art-thérapie. 6èmeédition. Lausanne : Favre, 2009.
• FORESTIER, Richard. Tout savoir sur la musicothérapie : L’art-thérapie à dominante musicale.
Lausanne : Favre, 2011.
• HEIDEGGER, Martin. Être et temps. Paris : Gallimard, 1990.
• KANT, Emmanuel. Critique de la faculté de juger. Paris : Flammarion, 2015.
• KORFF-SAUSSE, Simone. La vie psychique des personnes handicapées. Toulouse : Érès, 2009.
• CRUNELLE, Dominique. Évaluer et faciliter la communication des personnes en situation de
handicap complexe. Paris : Deboeck supérieur, 2018.
• LECHEVALIER Bernard, PLATEL Hervé et EUSTACHE Francis. Le cerveau musicien. Paris :
Deboeck supérieur, 2010.
• LECOURT, Edith. Découvrir la mosicothérapie. Paris : Eyrolles, 2005.
• LESAGE Benoît. La danse dans le processus thérapeutique : Fondements, outils et clinique en
danse-thérapie. Toulouse : Érès, 2006.
• PEPIN, Charles, Quand la beauté nous sauve : Comment un paysage ou une œuvre d’art
peuvent changer notre vie ? Paris : Robert Laffont, 2013.
• PLATEL, Hervé et THOMAS-ANTERION, Catherine. Neuropsychologie et art : Théories et
applications cliniques. Paris : De Boeck-Solal, 2014.
• ROFIDAL Thierry et PAGANO Concetta. Projet individuel et Stimulation basale : Vers une
pédagogie de l’accompagnement de la personne en situation de polyhandicap. 2ème édition.
Toulouse : Érès, 2021.
• SACKS, Olivier. Musicophilia. Paris : Seuil, 2009.
• SARTRE, Jean-Paul, L’existentialisme est un humanisme. Paris : Nagel, 1945.
• SILVERTHORN Dee Unglaub. Physiologie humaine. 4ème édition. Pearson France, 2018.
• STERN Daniel. Le monde interpersonnel du nourrisson. Paris : PUF, 2003.

Mémoires et thèses
• BARIOU, Corine. Une expérience d'art-thérapie moderne à dominante arts plastiques et
musique auprès d'adultes polyhandicapés demeurant à la maison d'accueil spécialisée "les
jonquilles de bire". Tours : AFRATAPEM, 1 vol. 73p. Mémoire : art-thérapie : AFRATAPEM :
2017.

98
• DELARUE, Charline. Une expérience d'art-thérapie à dominante danse, associée à l'écoute
musicale et la production vidéo, auprès de personnes en situation de polyhandicap. Tours :
AFRATAPEM, 1 vol. 114 p. Mémoire : art-thérapie : AFRATAPEM : 2018.
• DIND, Juliane. Les manifestations de la conscience de soi chez l’enfant polyhandicapé.
FRIBOURG, Suisse : Université de Fribourg. 1 vol. 299 p. Thèse de doctorat : Psychologie :
Université de Fribourg : 2018.
• EMENT, Élodie. Une expérience en art-thérapie moderne à dominantes collage et écoute
musicale auprès de personnes atteintes d'un polyhandicap et institutionnalisées dans une maison
d'accueil spécialisée. Tours : AFRATAPEM, 1 vol. 88 p. Mémoire : art-thérapie :
AFRATAPEM : 2018.
• GAUTEYRON, Marie. Communication non verbale et polyhandicap : La psychomotricité en
soutien à la communication non verbale auprès de sujets présentant un polyhandicap.
Bordeaux : Institut de Formation en Psychomotricité. 1 vol. 97p. Mémoire : Psychomotricité :
Institut de Formation en Psychomotricité : 2020.
• LACHERAY, Pierre. Une expérience d'art-thérapie à dominante musique et peinture au sein
d'un établissement d'accueil pour enfants et adolescents polyhandicapés. Tours : AFRATAPEM,
1 vol. 77p. Mémoire : art-thérapie : AFRATAPEM : 2015.
• SEGUY, Patricia. Une expérience d’art thérapie à dominante arts plastiques et approche
musicale auprès d’adultes en situation de polyhandicap avec troubles associés. Tours :
AFRATAPEM, 1 vol. 78p. Mémoire : art-thérapie : AFRATAPEM : 2017.

Articles
• ROCHAT, Philippe. Conscience de soi et des autres au début de la vie. Revue Enfance Enfance,
2003/1, N°55, p.39-47.
• SAULUS, Georges. Modèle structural du polyhandicap ou : comment le polyhandicap vient-il
aux enfants? Revue la psychiatrie de l’enfant, 2008/1, N°51, p. 153 à 191.

Articles en ligne
• AVERTY, Christophe. Quand la science prouve que l’art fait du bien. [En ligne]. Le Monde,
octobre 2020 [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web :
« https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/10/22/quand-la-science-prouve-que-l-art-fait-du-
bien_6056952_3246.html ».
• BERNARDI, L., PORTA, C. et SLEIGHT, P. Cardiovascular, cerebrovascular, and respiratory
changes induced by different types of music in musicians and non-musicians: the importance of
silence. [En ligne]. Pubmed [consulté le 20/05/2022] Disponible sur le World Wide Web :
« https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16199412/ »
• CHARDON, Fabrice. La place du corps moteur en art-thérapie moderne. [En ligne].
AFRATAPEM [consulté le 12/02/2022]. Disponible sur le World Wide Web : « http://art-
therapie-tours.net/newsletters/art-therapie-et-le-corps-dans-tout-ca/ ».
• CYRULNIK, Boris. Rapport des 1000 premiers jours. Paris, 2020. [En ligne]. Ministère des
solidarités et de la santé [consulté le 20/05/2022] Disponible sur le World Wide Web :
«https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-1000-premiers-jours.pdf».
• PARTANEN E. ,KUJALA T.,TERVANIEMI M.,HUOTILAINEN M. Prenatal Music Exposure
Induces Long-Term Neural Effects. [En ligne]. Plos one, octobre 2013 [consulté le 20/05/2022]
Disponible sur le World Wide Web :
« https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0078946 ».

99
• RIZZO Thomas. Habituation technique in study of development of fetal behaviour. [En ligne].
The Lancet, février 2001 [consulté le 20/05/2022] Disponible sur le World Wide Web :
«https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(05)71499-9/fulltext».
• VAN DYCK, Edith. Adopting a music-to-heart rate alignment strategy to measure the impact of
music and music tempo on human heart rate. [En ligne]. Academic bibliography. Universiteit
Gent. [consulté le 20/05/2022] Disponible sur le World Wide Web :
« https://biblio.ugent.be/publication/8518615/file/8519936.pdf ».
• WALLON H. et LURCAT L. Espace postural et espace environnant. [En ligne]. Enfance, 1962
[consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web :
« https://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1962_num_15_1_2278 ».

Cours et enseignements
• CASTAING, Marie-Thérèse. Que fait l’enfant polyhandicapé qui ne fait rien ?. CESAP
informations. N°35. 2003.
• CHARDON, Fabrice. Évaluation des effets d’une pratique d’art-thérapie à dominante musicale
auprès de personnes démentes séniles. Tours : Enseignement AFRATAPEM, septembre 2021.
• CHARDON, Fabrice. La considération de la dynamique relationnelle comme outil d’évaluation
thérapeutique en art-thérapie moderne. Tours : Enseignement AFRATAPEM, 2021.
• CHARDON, Fabrice. Développement psycho-affectif de l’enfant de 0 à 16 ans. Tours :
Enseignement AFRATAPEM, 2020.

Webographie
• Association Française du Syndrome d’Angelman. [En ligne]. AFSA [consulté le 19/05/2022].
Disponible sur le World Wide Web : « https://www.angelman-afsa.org ».
• Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. [En ligne]. CNTRL [consulté le
19/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web : « https://www.cnrtl.fr ».
• Clinique d’orthophonie du suroît [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web :
« https://www.orthophoniedusuroit.ca ».
• Comité d'Etudes, d'Education et de Soins Auprès des Personnes Polyhandicapées. [En ligne].
CESAP [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur le World Wide Web :
« https://www.cesap.asso.fr ».
• Comité national Coordination Action Handicap. [En ligne]. CCAH [consulté le 19/05/2022].
Disponible sur le World Wide Web : « https://www.ccah.fr ».
• Dictionnaire de langue française. [En ligne]. Lalanguefrancaise [consulté le 19/05/2022].
Disponible sur le World Wide Web : « https://www.lalanguefrancaise.com ».
• Dictionnaire Larousse [En ligne]. Larousse [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur le World
Wide Web : « https://www.larousse.fr ».
• Dictionnaire médical. [En ligne]. Dictionnairemedical [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur le
World Wide Web : « https://www.dictionnaire-medical.fr ».
• Encyclopædia Universalis [En ligne]. Universalis [consulté le 20/05/2022]. Disponible sur le
World Wide Web : «https://www.universalis.fr/dictionnaire».
• Service public de la diffusion du droit [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur le World Wide
Web : « https://www.legifrance.gouv.fr/ ».
• Organisation Mondiale de la Santé. [En ligne]. OMS [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur le
World Wide Web : « https://www.who.int/ ».
• Secrétariat d’état chargé des personnes handicapées [consulté le 19/05/2022]. Disponible sur le
World Wide Web : « https://handicap.gouv.fr » .

100
ANNEXES
Annexe 1 : Modèle des besoins d’Abraham Maslow complété par Rosette Poletti

Les besoins fondamentaux selon Rosette Poletti


• Besoins physiologiques de base : Oxygénation - Équilibre hydrique et sodé - Équilibre
alimentaire - Équilibre acide-base - Élimination des déchets - Température normale - Sommeil -
Repos - Relaxation - Activité - Mobilisation - Énergie - Confort - Stimulation - Propreté -
Sexualité.
• Besoins de sécurité : Protection du danger physique - Protection des menaces psychologiques -
Délivrance de la douleur - Stabilité - Prédictibilité - Ordre.
• Besoins de propriété : Besoin de maîtrise sur les choses, sur les événements - Besoin d’impact,
de pouvoir sur l’extérieur et donc besoin important de connaissances pour y arriver.
• Besoins d’appartenance : Amour et affection - Acceptation - Relations et communications
chaleureuses - Approbation venant des autres - Être avec ceux qu’on aime - Être avec des
compagnons.
• Besoins d’estime de la part des autres : Reconnaissance - Dignité - Appréciation venant des
autres - Importance, influence - Bonne réputation - Attention - Statut - Possibilité de dominer.
• Besoins d’estime de soi : Sentiment d’être utile, valorisé - Haute évaluation de soi-même - Se
sentir adéquat, autonome - Atteindre ses buts - Compétence et maîtrise - Indépendance.
• Besoins de se réaliser : Croissance personnelle et maturation - Prise de conscience de son
potentiel - Augmentation de l’acquisition des connaissances - Développement de son potentiel -
Amélioration des valeurs - Satisfaction sur le plan religieux et/ou philosophique - Créativité
augmentée - Capacité de percevoir la réalité et de résoudre les problèmes - Diminution de la
rigidité - Mouvement vers ce qui est nouveau - Satisfaction toujours plus grande face à la beauté -
Moins de ce qui est simple, plus de ce qui est complexe.

101
Annexe 2 : Modèle des besoins d’Andreas Fröhlich au regard de celui d’Abraham Maslow

Annexe 3 : Modèle de l’estime de soi

Selon Christophe André et François Lelord  :

Selon Hélène Bernhard et Corinne Millot  :

102
Annexe 4 : Modèle des interactions humaines selon Andreas Fröhlich

Annexe 5 : Le cube harmonique et la théorie des 3B


Auto évaluer le BON Auto évaluer le BIEN Autoévaluer le BEAU
Auto évaluer son plaisir et son intérêt Auto évaluer son savoir-faire Auto évaluer la qualité esthétique
pour l’activité
« Est-ce que j’ai éprouvé du plaisir ? » « Est-ce que c’est bien fait  ?  » « Est-ce que cela me plaît ? »
Savoir Être Savoir Faire Savoir Ressentir

Considération Projection Choix


Engagement Style Goût

Ce qui donne envie Ce qui est fait Ce qui plaît


Poussée corporelle Structure corporelle Ressenti corporel

Se reconnaître une capacité à être et à Se reconnaître une capacité à agir Se reconnaître une capacité à
éprouver du plaisir à être et à se projeter dans l’avenir affirmer son goût

Amour de soi Confiance en soi Affirmation de soi

Estime de soi
Saveur existentielle

103
AFRATAPEM
Association Française de Recherches et Applications des Techniques Artistiques en Pédagogie et
Médecine

2022
Karine CERAM

L’art-thérapie à dominantes musique et danse peut permettre aux enfants et adolescents


polyhandicapés au sein d’un institut médico-éducatif de se mettre en action et de développer
leurs capacités de communication, contribuant à les placer davantage en position de sujets.
Lorsque le développement de l’être humain est entravé au début de sa vie, il peut conduire un
enfant à vivre des situations de handicap qui se potentialisent, menant au polyhandicap. Les enfants
polyhandicapés présentent une déficience motrice et intellectuelle sévère et se trouvent dans une
grande dépendance. Leurs besoins fondamentaux sont impactés, conduisant à des souffrances
physiques (douleurs, troubles alimentaires, musculaires, respiratoires), mentales (troubles du
comportement, insécurité) et sociales (difficultés de communication, repli sur soi). Ce mémoire est
issu d’une expérience clinique au sein d’un institut médico-éducatif, il étudie comment l’art-
thérapie peut contribuer à la mise en action et au développement des capacités de communication
d’enfants et d’adolescents polyhandicapés. La pratique artistique, en apportant des gratifications
sensorielles, stimule l’élan et la poussée corporels, permettant la mise en mouvement. Les
interactions sont favorisées, les temps d’attention augmentent, et la communication s’enrichit,
permettant à l’enfant de se placer davantage dans une position de sujet. L’analyse des bénéfices et
des limites de l’expérience, au regard d’autres approches d’accompagnement des personnes
polyhandicapées, ouvre des pistes de réflexion pour améliorer les prises en charge et faire perdurer
les effets des séances d’art-thérapie dans la vie quotidienne des enfants.

Mots-clés : Art-thérapie, Polyhandicap, Enfant, Adolescents, Communication, Musique, Danse,


Sujet

Art therapy with music and dance can allow children and adolescents with multiple
disabilities within a medico-educational institute to get into action and develop their
communication skills, helping them to place themselves into a position of subjects.

When the development of a human being is hindered at the beginning of his life, it can lead to
experience situations of disability which amplify themselves, leading to multiple disabilities.
Children with multiple disabilities have severe motor and intellectual deficiencies and are highly
dependent. Their basic needs are impacted, leading to physical (pain, eating, muscular and
respiratory disorders), mental (behaviour disorders, insecurity) and social (communication,
withdrawal) sufferings. This thesis is the result of a clinical experience within a medico-educational
institute. It studies how art therapy can contribute to get into action children and adolescents with
multiple disabilities and to develop their communication skills. Artistic practice, by bringing
sensory gratifications, stimulates corporal momentum and causes movement. Interactions are
facilitated, attention increases, and communication enriches, allowing the child to place himself in a
a position of subject. After the analysis of the experience’s benefits and limits, with regard to other
approaches to support people with multiple disabilities, reflections are proposed to improve and
sustain the effects of art therapy in children's daily life.

Keywords: Art therapy, Multiple disabilities, Child, Communication, Music, Dance, Subject

Vous aimerez peut-être aussi