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TROUBLES DU DÉVELOPPEMENT INTELLECTUEL

Vincent Des Portes, Delphine Héron

Érès | « Contraste »

2020/1 N° 51 | pages 91 à 117


ISSN 1254-7689
ISBN 9782749266893
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Troubles du développement intellectuel
Vincent des Portes,
Delphine Héron
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Résumé
La déficience intellectuelle (di) ou trouble du développement intellectuel (tdi)
est l’un des principaux troubles du neuro-développement et concerne 2 % de
la population, soit plus d’un million de personnes en France. Elle se caractérise
par une capacité réduite à raisonner et à comprendre une information abstraite
ou complexe, ce qui retentit fortement sur les apprentissages scolaires et limite
les capacités d’adaptation dans la vie quotidienne, y compris à l’âge adulte. Le
handicap intellectuel, ou handicap mental, résulte d’une interaction de la vulné-
rabilité individuelle d’une personne avec di avec son écosystème, c’est-à‑dire
l’environnement familial, culturel, institutionnel, qui peut être obstacle ou faci-
litateur. Le repérage d’un enfant avec une trajectoire développementale inhabi-
tuelle nécessite une bonne connaissance du développement psychomoteur par

Vincent des Portes, neuropédiatre, puph, chef du service de neuropédiatrie, hôpital


Femme-Mère-Enfant, Hospices civils de Lyon, F-69677, Bron ; Centre de référence
« Déficiences intellectuelles de causes rares » et filière nationale de santé « DéfiScience » :
maladies rares du neurodéveloppement ; Institut des sciences cognitives, cnrs umr 5304,
F- 69675 Bron, université de Lyon, F-69008 Lyon.
Delphine Héron, ?

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les professionnels. La di peut être isolée mais elle est aussi très souvent intri-
quée à d’autres troubles du neurodéveloppement, dont l’autisme, des troubles
moteurs ou sensoriels (audition, vision), des troubles graves du sommeil, de
l’alimentation ou des pathologies médicales comme l’épilepsie ou des troubles
psychopathologiques très variés tels qu’anxiété, dépression et des troubles de
régulation émotionnelle. Les causes de di sont multiples, plus d’une fois sur
deux d’origine génétique, avec plusieurs centaines de maladies rares, mais restent
encore souvent inconnues. La diffusion des nouvelles techniques de génétique
(séquençage à haut débit) devrait faire reculer le nombre de personnes sans
diagnostic, et redonne toute sa place à une démarche diagnostique raisonnée
basée sur la clinique. Une évaluation multidimensionnelle régulière des compé-
tences cognitives, scolaires, socio-émotionnelles, adaptatives, tout au long de la
vie, permet de mieux appréhender le fonctionnement des personnes avec une
di et d’envisager des stratégies adaptées d’apprentissages, de soins, d’accompa-
gnements et de soutiens, pour une meilleure qualité de vie et de participation à
la vie de la société.
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Mots-clés
Déficience intellectuelle (di), trouble du développement intellectuel (tdi), troubles
du neurodéveloppement (tnd), génétique, évaluation multidimensionnelle.

Terminologie et critères diagnostiques


Questions de sémantique. Évolution des concepts
Les premières descriptions de handicap mental remontent à environ
1500 avant J.‑C. à Thèbes. Ce n’est qu’à la fin du xviiie siècle que John
Locke distingue le retard mental des maladies mentales (Scheeren-
berger, 1983). Actuellement, le terme « retard mental » est remplacé par
celui de déficience intellectuelle (di). Ce terme déficience intellectuelle
traduit mal le concept anglais de intellectual disability, qui inclut les
trois notions de déficit, incapacité et handicap. Le terme « handicap
mental », encore très utilisé, souligne les problèmes adaptatifs et sociaux
associés à la déficience intellectuelle 1. Le qualificatif de « personne

1. Unapei/Fédération française d’associations de représentation et de défense des


intérêts des personnes handicapées et de leurs familles, http://www.unapei.org/

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Troubles du développement intellectuel

handicapée intellectuelle » est préféré par les personnes concernées 2.


L’Organisation mondiale de la santé (oms) va introduire le terme
« trouble du développement intellectuel, tdi (Disorder of Intellectual
Development, icd-11) dans la cim-11, qui ne sera applicable qu’en
2022. Cette évolution terminologique est souhaitable car elle introduit
la notion de développement, inhérente à tous les troubles du neuro-
développement (tnd) dont fait partie la di. Le terme tdi peut être
utilisé dès maintenant car le dsm-5 utilise indifféremment les termes
« déficience intellectuelle » et « trouble du développement intellectuel ».

Critères de diagnostic positif d’une di


Trois instances internationales travaillent à l’évolution des critères
diagnostiques de la déficience intellectuelle : l’oms : Organisation
mondiale de la santé (cim-10 : Classification internationale des mala-
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dies, 1993) ; l’aaidd : American Association on Intellectual and Deve-
lopmental Disabilities ; et l’apa : American Psychiatric Association
(dsm-5 : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, 2013).
Les trois définitions de la di issues de ces instances (cim-10, aaidd et
dsm-5) s’accordent sur trois critères diagnostiques essentiels :
– Déficit des fonctions intellectuelles, telles que le raisonnement,
la résolution de problèmes, la planification, la pensée abstraite,
le jugement, l’apprentissage. Ce déficit est confirmé par une
évaluation clinique et mesuré au moyen de tests d’intelligence
(ou psychométriques) standardisés et adaptés à la culture (voir
annexe 1), permettant d’objectiver une différence significative
des capacités cognitives d’un individu par rapport à ce qui est
attendu pour son âge réel : qi ≤ – 2 écart-types, soit 70 +/- 5.
– Déficit du fonctionnement adaptatif, dans au moins une
des trois dimensions (habiletés conceptuelles, sociales et
pratiques), évaluées à l’aide d’un questionnaire standardisé du

2. Association Nous aussi : Association française des personnes handicapées intel-


lectuelles, http://www.nousaussi.org/

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fonctionnement adaptatif (annexe 2). Sans soutien, les déficits


d’adaptation limitent le fonctionnement dans un ou plusieurs
domaines de la vie quotidienne tels que la communication, la
participation sociale, les habiletés de vie autonome dans divers
environnements (domicile, école, travail, culture et loisirs).
– Ces déficits touchant les habiletés intellectuelles et adaptatives
doivent apparaître pendant la période développementale, c’est-
à‑dire durant l’enfance ou l’adolescence. L’aaidd précise l’âge
de 18 ans mais le dsm-5 ne mentionne pas un âge spécifique.
Selon l’aaidd, cinq facteurs sont aussi à prendre en considération :
– les limitations de fonctionnement doivent tenir compte des carac-
téristiques du groupe d’âge de la personne et de son environnement
linguistique et culturel ;
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– des troubles sensori-moteurs, comportementaux et de communication
sont souvent associés ;
– les forces (compétences pas ou moins altérées) coexistent avec les
faiblesses ;
– la description des limitations est importante pour déterminer le type
de soutien requis ;
– si la personne reçoit un soutien adapté et personnalisé sur une période
soutenue, son fonctionnement devrait s’améliorer.

Degrés de sévérité de la di : du déficit intellectuel


au handicap et aux besoins de soutien
La cim-10 définissait des degrés de gravité de la di sur la base du niveau
intellectuel en termes de qi. Le dsm-5 en 2013 abandonne le critère du
qi pour classifier la gravité de la di, et offre une typologie descriptive
à partir du comportement adaptatif conceptuel, social et pratique.
Les niveaux de gravité de la di restent : léger, modéré, grave, profond
(dsm-5, p. 34-36). L’objectif principal de la classification du dsm-5
est d’identifier les besoins de soutien de la personne, qui découlent de

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Troubles du développement intellectuel

ses compétences adaptatives et de ses fragilités. En effet, les besoins de


soutien d’une personne polyhandicapée (déficience motrice et intel-
lectuelle sévère) qui nécessite une aide continue, y compris pour son
alimentation et son hygiène, sont très différents de ceux d’une personne
avec une di légère, qui a besoin d’une aide humaine pour compter
sa monnaie ou se repérer dans les transports. Cette approche fonc-
tionnelle rejoint l’approche actuelle du handicap, qui ne résulte pas
directement et exclusivement d’une déficience, mais de l’interaction
d’une vulnérabilité individuelle et d’un environnement, qui peut être
obstacle ou facilitateur.

Diagnostics différentiels ou associés à la di


Les diagnostics différentiels et associés à la di sont multiples : autres
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tnd, trouble sensoriel, trouble psychiatrique, douleur, dysfonctionne-
ment psychoaffectif ou de l’environnement éducatif et pédagogique,
etc. Quatre motifs de consultation fréquents (retard psychomoteur,
retard de langage, hyperactivité, échec scolaire) illustrent cette intrica-
tion fréquente entre des facteurs personnels (tdi et autres tnd, trouble
sensoriel) et des facteurs environnementaux.
– Un « retard psychomoteur » ou un « retard du langage oral » peut
être la manifestation précoce de différents troubles du neuro­
développement (tnd) : une di, mais aussi un trouble du spectre
de l’autisme (tsa) et des troubles cognitifs spécifiques sévères ou
multiples, du langage oral (tslo ou dysphasie), ou de la coordi-
nation (dyspraxie ou trouble développemental de la coordina-
tion, tdc). Un trouble sensoriel (audition, vision), fréquemment
associé à un tnd, sera toujours recherché.
– Un « comportement hyperactif », des « perturbations des fonc-
tions physiologiques » (sommeil, alimentation) sont des signes
d’appel peu spécifiques, qui peuvent révéler une di, un tsa, mais
aussi un tdah (trouble déficitaire de l’attention avec hyperacti-
vité), un trouble psychopathologique isolé ou associé (dépression,
anxiété, trouble psychotique), une pathologie somatique avec

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une douleur chronique, un environnement affectif (familial et


éducatif ) insécure.
– Un « échec scolaire », outre des dysfonctionnements psycho­
affectif, éducatif et pédagogique, peut révéler une di légère,
des troubles spécifiques des apprentissages scolaires (lecture,
calcul…), des troubles des fonctions mnésiques, attentionnelles
(tda sans hyperactivité), et des fonctions exécutives.
Un enfant ayant un trouble du développement intellectuel peut aussi
avoir un trouble de développement plus marqué d’une ou plusieurs
fonctions cognitives (langage, praxies, attention, cognition sociale,
etc.). Par exemple, environ 30 % à 40 % des personnes présentent
un tsa associé à une di. De même, des enfants avec di peuvent avoir
un déficit d’attention plus sévère que ce que l’on pourrait attendre en
prenant en compte son trouble intellectuel. Cependant, le diagnostic
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de certains troubles cognitifs dits « spécifiques », regroupés sous le
terme dys (dysphasie, dyslexie, dyspraxie, dyscalculie) implique dans
leur définition des compétences intellectuelles préservées. Pour éviter
toute confusion, il est donc préférable de réserver le terme dys pour
les enfants sans di. En cas de di, le déficit spécifique de telle ou telle
fonction cognitive est décrit de la sorte : « di associée à un trouble
du langage oral et/ou un trouble des praxies gestuelles ou un trouble
visuo-constructif », etc. L’existence de ce déficit cognitif associé à la di
justifie une rééducation ciblée (orthophonie, ergothérapie, etc.) comme
pour les enfants atteints de troubles spécifiques sans di.
Par ailleurs, l’association de plusieurs troubles cognitifs spécifiques
peut impacter les performances à un test de qi, posant la question
d’un diagnostic différentiel avec une di légère. La présence d’un déficit
moteur ou sensoriel (visuel, auditif ), de troubles psychoaffectifs, ainsi
qu’un environnement linguistique et social peu stimulant rendent le
diagnostic encore plus complexe. L’évaluation fine des profils psycho-
métriques, des compétences socio-adaptatives et de l’environnement
est déterminante.

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Troubles du développement intellectuel

Épidémiologie
Prévalence
La forte prévalence de la di dans la population générale est connue
depuis longtemps des épidémiologistes mais sa fréquence réelle reste
controversée. Pour les di sévères (qi<50) la prévalence de 0.3 à 0.4 %
est admise (Mlika et coll., 1993 ; Inserm, 2016). Mais pour les di
légères (qi entre 50 et 70), la prévalence varie de 0,8 % à 2,5 % selon
les études épidémiologiques, du fait de l’hétérogénéité des tests utilisés
et de l’âge de la population étudiée. Jusqu’au début des années 1980,
la prévalence des di légères était évaluée à 2,5 % (Rutter et coll., 1976)
correspondant au taux théorique attendu de la courbe gaussienne du
qi. La seule étude en population générale dans un département français
(David et coll., 2014) retrouve une prévalence estimée à 1,8 % incluant
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les dil dissociées et les dil « limite » (qi total compris entre 70 et
74). Au vu de ces données épidémiologiques, on peut raisonnable-
ment retenir qu’environ 2 % des nouveau-nés auront un trouble du
développement intellectuel.

Étiologies
Les causes de di sont très variées : il peut s’agir d’une agression du cerveau
en développement lors de la période anténatale (infection, toxique,
pathologie maternelle), périnatale (grande prématurité, anoxo-ischémie
à terme), ou postnatale (noyades, encéphalites, tumeurs, traumatismes
crâniens, etc.), mais le plus souvent, une cause génétique est identifiée
ou suspectée.
Les anoxo-ischémies périnatales ont régressé en raison des progrès du
suivi des grossesses et de la réanimation néonatale, mais restent d’ac-
tualité, en particulier dans les pays dont la médecine périnatale n’est
pas organisée. Un tableau d’hypoxie-ischémie à terme doit être très
bien documenté avant de considérer qu’un handicap cognitif est lié à
l’accouchement. Il faut rester prudent devant l’hypothèse d’un accou-
chement vécu comme « dramatique », si le nouveau-né a présenté un

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comportement neurologique et alimentaire normal pendant les deux


premiers jours de vie. En outre, que ce soit chez l’enfant à terme ou
le grand prématuré, la pathologie vasculaire périnatale est rarement
responsable d’une déficience intellectuelle isolée : l’absence de signe
moteur associé et une imagerie cérébrale normale incitent à remettre
en cause une telle hypothèse. Enfin, une anoxie aiguë survenant en
dehors de tout facteur obstétrical incite à rechercher une pathologie
constitutionnelle du fœtus.
Parmi les causes génétiques de di, on distingue principalement les
anomalies chromosomiques (anomalies de nombre et de structure)
visibles sur un caryotype, les micro-réarrangements génomiques désé-
quilibrés variés identifiés par la technique de cgh-array ou analyse
chromosomique sur puce à adn (acpa), les anomalies monogéniques,
et anomalies génétiques non mendéliennes (phénomène d’empreinte
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parentale…). Actuellement, près de 1000 gènes différents sont impli-
qués dans la di (Vissers et coll., 2016) avec pour chacun une faible
récurrence (moins de 1 %), ce qui rend le choix des stratégies diagnos-
tiques complexe, en particulier dans la di isolée, sans orientation vers
un syndrome clinique précis.
Le taux d’identification de l’étiologie varie de façon très importante
selon la sévérité de la di : des facteurs organiques sont mis en évidence
dans 75 % des formes sévères (dis, qi < 50) et la prévalence est la même
quel que soit le milieu socio-économique de l’enfant. En revanche,
l’étiologie n’est identifiée que dans une faible proportion (de l’ordre de
20 %) des déficiences intellectuelles légères (dil), qui résultent le plus
souvent d’une intrication entre des facteurs psychosociaux, culturels
et génétiques.

Physiopathologie
Dysfonctionnements neurobiologiques moléculaires et cellulaires
L’identification de très nombreux gènes responsables de di au cours
de ces vingt dernières années a permis de mieux comprendre les bases
moléculaires et cellulaires des di, même si dans de très nombreux cas, le

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Troubles du développement intellectuel

lien entre la fonction de la protéine codée par le gène et la survenue de


la di est méconnu ou encore hypothétique (Bienvenu et Billuart, 2016).
De nombreuses protéines défectueuses sont impliquées dans le contrôle
de l’expression des gènes et le fonctionnement de la synapse. D’autres
perturbent le métabolisme énergétique (mitochondrie), le recyclage
intracellulaire (lysosome), l’excitabilité ou les échanges membranaires
intra et intercellulaires, etc.
La physiopathologie de la di dépend aussi du stade de développe-
ment du système nerveux central (snc) concerné. Toutes les étapes du
développement peuvent être affectées, depuis l’organogenèse (neuro­
genèse, migration neuronale et différenciation neuronale, axonogenèse,
synaptogenèse) jusqu’au fonctionnement de la transmission synaptique
(maturation et plasticité synaptique). En règle générale, plus l’atteinte
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est précoce, plus les dommages du snc sont importants, responsables
de malformations cérébrales (microcéphalies, dysgénésies corticales).
En l’absence de malformation cérébrale macroscopiquement visible,
ce qui est le cas le plus fréquent, des anomalies de la densité et de la
structure des épines dendritiques (portant la plupart des synapses exci-
tatrices) et des défauts de remodelage synaptique ont été observés dans
différents syndromes (trisomie 21, X fragile, etc.). Or, les modifications
synaptiques et les remodelages structuraux des réseaux neuronaux sont
à la base des processus de mémorisation et d’apprentissage.

Processus cognitifs déficitaires, trajectoires développementales


Les processus cognitifs altérés chez les personnes avec di ont été
décryptés depuis les années 1960 à partir d’approches théoriques et
méthodologiques diverses (Inserm, 2016). La déficience intellectuelle
ne résulte pas de l’altération d’un processus spécifique unique, mais
d’un dysfonctionnement de nombreux processus cognitifs nécessaires
à l’apprentissage, au raisonnement logique, au transfert des stratégies
apprises dans un contexte différent, et à la prise de décision (Courbois
et Facon, 2014).

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Des processus très peu spécifiques « de bas niveau » sont altérés chez les
personnes avec di : la vitesse de traitement et les modalités de traitement
global ou local de l’information. Mais des processus de « haut niveau »
comme les fonctions exécutives (processus destinés à contrôler la pensée
et l’action) sont aussi déficitaires : la mémoire de travail (opération de
traitement d’informations stockées en mémoire à court terme) ; l’inhi-
bition (empêcher une réponse automatique non pertinente) ; la flexibi-
lité mentale (capacité de changer de point de vue ou de procédure). Ces
déficits impactent des processus cognitifs encore plus complexes comme
la planification. La mémoire de travail est déficitaire chez la majorité
des personnes avec di, avec des dissociations inter-syndromiques : par
exemple, altération plus forte de la mémoire verbale dans la trisomie 21
et de la mémoire visuo-spatiale dans le syndrome de Williams (Carney
et coll., 2013). Des défauts de flexibilité, inhibition et planification
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ont été démontrés dans différents syndromes (X fragile, trisomie 21,
Williams). Les différences avec des enfants ordinaires se majorent
quand la charge cognitive et le contrôle requis pour réaliser une tâche
sont plus importants (Carretti et coll., 2010). Or la mémoire de travail
est essentielle dans l’acquisition du langage, de la lecture, du calcul et
du raisonnement. Les fonctions exécutives sont aussi nécessaires dans
l’efficacité du traitement de l’information, dans l’organisation d’une
activité, et in fine dans les compétences socio-adaptatives. La mémoire
à long terme explicite est altérée, plus avec du matériel verbal que visuel
(Lifshitz et coll., 2011). La mémorisation de localisations spatiales, qui
est une activité automatique, est meilleure. Enfin, la mémoire implicite
(apprentissage non conscient résultant de l’expérience répétée d’une
situation) est souvent préservée chez les personnes avec di.
Comme chez tout enfant, la trajectoire développementale d’un enfant
avec di est façonnée dès le plus jeune âge par l’activité et des interactions
bidirectionnelles constantes des facteurs génétiques, neurobiologiques,
comportementaux et environnementaux (Dekker et ­Karmiloff-Smith,
2011).

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Troubles du développement intellectuel

Repérage et dépistage
Un nourrisson ou un enfant présentant un trouble du neurodéveloppe-
ment peut être repéré dans trois contextes cliniques distincts : suivi ciblé
de populations d’enfants « vulnérables » du fait d’événements ante ou
périnataux ; découverte d’un signe d’appel à la naissance ; développement
inhabituel chez un enfant sans facteur de risque connu.

Populations d’enfants vulnérables, repérés en ante ou périnatal


Certaines populations de nouveau-nés peuvent être considérées comme
vulnérables, c’est-à‑dire présenter un risque supérieur à celui de la
population générale d’être atteints de di ou d’un trouble du neuro-­
développement : il s’agit de nouveau-nés prématurés, ou ayant eu des
signes d’anoxie périnatale, ou ayant été exposés pendant la grossesse à
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un agent infectieux (par exemple, cytomégalovirus, toxoplasmose), à un
toxique (par exemple, alcool, antiépileptique), à une pathologie mater-
nelle (par exemple, dysthyroïdie), ou encore de nouveau-nés pour lesquels
une anomalie cérébrale de pronostic incertain a été découverte sur les
échographies prénatales, avec poursuite de la grossesse (par exemple
ventriculomégalie, agénésie du corps calleux, anomalies du cervelet).
Une anomalie chromosomique peut aussi être identifiée en prénatal, sur
une analyse génétique demandée devant un signe d’appel échographique
ou dans le cadre du dépistage généralisé de la trisomie 21, qui pose des
questions éthiques spécifiques (Favre et coll., 2007). Pour les nouveau-nés
prématurés ou ayant eu des signes d’anoxie périnatale, de nombreux
réseaux périnataux se sont progressivement mis en place en France, dans
toutes les régions, impliquant les néonatologues, les pédiatres libéraux
et les camsp (Centre d’action médico-sociale précoce).

Découverte d’un signe d’appel à la naissance


En période néonatale, le nouveau-né peut présenter un signe morpho­
logique (par exemple, malformation d’un organe, morphologie inhabi-
tuelle du visage ou des membres) ou un signe neurologique (par exemple,

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hypotonie, convulsions, microcéphalie, macrocéphalie, trouble de


succion déglutition). Ces signes sont possiblement associés à un retard
de développement et nécessitent des investigations (Patel et Merrick,
2011). Les signes cliniques peuvent être caractéristiques d’un syndrome
connu (par exemple, Williams-Beuren, Prader-Willi ou trisomie 21).
Pour la trisomie 21, l’acceptation du diagnostic par les parents est d’au-
tant plus difficile qu’il est vécu actuellement comme un « échec » du
dépistage. Dans ce contexte, la qualité des conditions de l’annonce du
diagnostic est déterminante, avec un impact sur l’acceptation par les
parents et la mise en œuvre d’un accompagnement adapté. Des recom-
mandations sur les conditions de l’annonce d’un diagnostic de trisomie
21 ont été proposées par l’Académie américaine de pédiatrie (Skotko et
coll., 2009) : une consultation d’annonce implique si possible conjoin-
tement l’obstétricien et le pédiatre, en présence des deux parents, dans
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une pièce dédiée, rapidement après la suspicion diagnostique clinique.
Le contenu de l’annonce doit être juste, mis à jour, et inclure des infor-
mations sur les associations de soutien et les professionnels à contacter
pour l’accompagnement précoce. Une consultation de suivi dans un
délai de quelques semaines est aussi préconisée.
Par ailleurs, le dépistage néonatal systématique a démontré sa perti-
nence pour deux pathologies accessibles à un traitement dès les
premiers jours de vie : la phénylcétonurie et l’hypothyroïdie c­ ongénitale
(Pollitt, 2010).

Développement inhabituel chez un enfant


sans facteur de risque
Le décalage dans le développement psychomoteur d’un enfant « tout-­
venant », sans facteur de risque familial, ante ou périnatal, est la situa-
tion clinique la plus fréquente. Certains signes d’appel précoces, dès
les premières semaines (hypotonie franche, mauvais contact oculaire,
absence de sourire réponse à 3 mois, absence de préhension volontaire
à 6 mois), justifient d’emblée des explorations complémentaires devant
ce trouble avéré du neurodéveloppement.

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Troubles du développement intellectuel

D’autres signes d’alerte (absence de transfert ou déplacement au sol


à 12 mois, absence de marche à 18 mois, absence de langage à 2 ans,
comportement très hyperactif ou opposant entre 3 et 5 ans, etc.) sont
moins spécifiques, pouvant révéler un trouble du neurodéveloppe-
ment ou constituer une simple variante individuelle du développement
psychomoteur ordinaire, éventuellement favorisés par un environne-
ment psychosocial peu stimulant, non forcément associé à une vulné-
rabilité de l’enfant lui-même. Ce sont un proche, un professionnel de
la petite enfance ou les parents, qui s’inquiètent d’un développement
inhabituel en comparaison des autres enfants du même âge. Le repé-
rage de ces signes d’alerte nécessite que les professionnels de la petite
enfance connaissent le développement psychomoteur ordinaire, ses
variations, et les signes qui doivent interroger. Des échelles de déve-
loppement psychomoteur comme le Brunet-Lézine (Josse, 2001)
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permettent de comparer le développement de l’enfant à la population
générale, dans quatre domaines : langage, posture, interaction sociale,
coordination oculo-manuelle. Les examens du carnet de santé (8 jours,
4 mois, 9 mois et 24 mois), s’ils sont réalisés avec rigueur, devraient
permettre aux médecins traitants d’effectuer le repérage de la plupart
des déficiences ou handicaps, avec demande d’avis spécialisé devant un
décalage dans un ou plusieurs domaines d’acquisition. Le dépistage des
troubles du neurodéveloppement fait par ailleurs partie des missions
des équipes de pmi puis de médecine scolaire.
Une di légère pourra être révélée plus tardivement, en école élémen-
taire, voire au collège devant des signes peu spécifiques : échec scolaire,
troubles des conduites, dépression à l’adolescence. Une évaluation
psychométrique et une évaluation des compétences adaptatives permet-
tront de confirmer le diagnostic.

Diagnostic étiologique
Pourquoi rechercher une cause de la di ?
Le diagnostic positif établi, reste la question du diagnostic étiologique,
qui est une question fondamentale pour l’enfant et ses parents. En effet,

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Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

même s’il n’existe pour l’instant que peu d’approches thérapeutiques


pour la plupart des syndromes connus, identifier la cause d’une di
(diagnostic étiologique) est une étape importante, dont les bénéfices
pour les patients et les familles sont multiples : répondre à la ques-
tion du « pourquoi », et nommer la maladie ; préciser le pronostic
et la trajectoire développementale ; mettre en place un suivi médical
approprié pour éviter des sur-handicaps, accéder aux éventuelles théra-
peutiques innovantes, adapter l’accompagnement socio-éducatif, aider
au soutien familial avec les associations concernées ; enfin, préciser le
conseil génétique (permettant le cas échéant d’accéder à un diagnostic
prénatal) pour les parents et les apparentés, ce qui n’est possible de façon
fiable qu’en cas de certitude du diagnostic étiologique chez le cas-index.
Il est important de repérer d’emblée les situations de carence affective
majeure, les sévices graves ou les cas de psychopathologie parentale
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particulièrement perturbée, qui peuvent être à l’origine de retards de
développement psychomoteur. Dans ce cas, les progrès souvent rapides
de l’enfant dans un environnement adéquat permettent de confirmer
le diagnostic. Dans le cas contraire, la recherche d’une cause « consti-
tutionnelle » associée s’impose.

Démarche clinique du diagnostic étiologique


La première partie de l’évaluation est toujours clinique (Verloes et
coll., 2012 ; Inserm, 2016). Le recueil des antécédents familiaux (di et
autres tnd, maladies psychiatriques, malformations congénitales) peut
parfois permettre d’évoquer une étiologie ou un mode de transmission
(en particulier une di liée au chromosome X). L’histoire obstétricale,
les antécédents médicaux et la trajectoire développementale de l’en-
fant depuis la période anténatale sont essentiels. Les notions de crises
épileptiques, de régression psychomotrice ou d’intolérance à la fièvre,
au jeûne ou à certains nutriments, seront particulièrement recherchées.
Un examen clinique détaillé de l’enfant sera ensuite réalisé, avec des
courbes staturo-pondérales et de périmètre crânien, en s’attachant parti-
culièrement à l’examen neurologique et morphologique.

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Troubles du développement intellectuel

À l’issue de cette première étape clinique, deux situations se présentent :


– Une cause est suspectée devant un tableau clinique d’emblée
évocateur. Citons à titre d’exemple la trisomie 21 suspectée
devant une hypotonie néonatale avec traits morphologiques
caractéristiques, confirmée sur le caryotype standard. De même
une foetopathie à cytomégalovirus, évoquée devant un retard
de croissance intra-utérin avec microcéphalie et surdité, est
confirmée dès la naissance par une virurie et une imagerie céré-
brale. Devant un garçon très agité avec une fuite du regard, un
visage allongé et de grandes oreilles, le syndrome X fragile est
rapidement confirmé en biologie moléculaire.
– Aucun élément clinique ne permet d’orienter le diagnostic. L’avis
spécialisé d’un généticien peut être sollicité en cas de particularité
morphologique ou de malformations extracérébrales associées, et
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pour toute demande de conseil génétique familial. Une consul-
tation de neuropédiatrie sera demandée en cas de prématurité,
de retard de croissance intra-utérin, d’antécédents périnataux, en
cas de trouble moteur ou de fatigabilité excessive, de régression
du développement, d’une anomalie de croissance du périmètre
crânien, d’un examen neurologique pathologique (spasticité,
dystonie, ataxie, déficit moteur, etc.) ou en cas d’épisode neuro-
logique aigu : crise d’épilepsie, mouvements anormaux (hors
stéréotypies), trouble de la conscience.

Examens complémentaires
L’imagerie cérébrale par résonance magnétique (irm) met en évidence une
anomalie cérébrale dans environ 30 % des cas. Toutefois les anomalies
observées fournissent la clé du diagnostic étiologique seulement dans
2 à 4 % des cas.
L’électro-encéphalogramme (eeg) est rarement indiqué dans le bilan
étiologique d’une di en l’absence d’une épilepsie associée…
Le caryotype est un examen pangénomique de faible sensibilité. En
dehors de la trisomie 21, son rendement diagnostique est faible. Cet

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Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

examen est remplacé en première intention par les nouvelles techno-


logies, en particulier les méthodes de « caryotype moléculaire » par cgh
(comparative genomic hybridization) /acpa, analyse chromosomique
par puce à adn.
Le syndrome X fragile ne peut pas être diagnostiqué sur un simple caryo-
type et nécessite une étude moléculaire spécifique. Il s’agit d’une patho-
logie fréquente (1/5 000 garçons et 1/9 000 filles) dont le diagnostic
clinique est parfois difficile.
Examens biologiques courants : chez un garçon, le dosage des cpk
(­créatine phosphokinase) dépiste précocement une myopathie de
duchenne qui peut se manifester d’abord par un retard psychomoteur.
Le bilan thyroïdien est indispensable, car de nombreux syndromes
s’accompagnent d’une dysthyroïdie source de sur-handicap.
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Des examens biochimiques spécialisés peuvent être indiqués devant
certaines situations. En l’absence d’orientation clinique, les techniques
de séquençage haut débit (ngs, Next Generation Sequencing) sont
proposées dans de nombreux centres de diagnostic spécialisés (Rauch
et coll., 2012). [Voir annexe 3 pour une description plus détaillée de
ces examens et de leur place dans le diagnostic étiologique.]
En l’absence de diagnostic malgré toutes les techniques disponibles, il
est important de revoir le patient tous les deux ans pour rechercher un
signe clinique d’orientation nouveau ou proposer de nouvelles tech-
niques diagnostiques non disponible préalablement.

Évaluations pluridimensionnelles
et projet d’accompagnement médico-psycho-éducatif
Quatre grandes dimensions doivent être explorées en vue d’élaborer
un projet de vie partant des souhaits de la personne et comportant les
soutiens humains et techniques adaptés à ses besoins : santé, patho-
logies somatiques associées et diagnostic étiologique ; évaluation des
compétences cognitives (forces et fragilités) et des troubles psycho­
pathologiques associés ; évaluation écologique en situation d’interaction,

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Troubles du développement intellectuel

des compétences socio-émotionnelles, du comportement adaptatif, de


l’autodétermination et de la participation sociale de la personne et des
besoins de soutien qui en découlent ; évaluation écosystémique de l’en-
vironnement (obstacle ou facilitateur), des ressources des professionnels
et des familles. Toutes ces dimensions, qui ne peuvent pas être détaillées
dans ce chapitre, sont largement abordées dans l’expertise collective de
l’inserm sur la déficience intellectuelle (2016).

Évaluation des compétences cognitives,


des compétences adaptatives
et des troubles psychopathologiques associés
– Les compétences cognitives des personnes avec di doivent être évaluées le
plus finement possible, afin d’élaborer un projet pédagogique, éducatif
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et rééducatif qui parte des centres d’intérêt des personnes pour renforcer
leur motivation, et qui s’appuie sur les compétences les plus préservées
(forces) tout en prenant en compte les fonctions déficitaires (faiblesses).
À titre d’exemple, pour un enfant atteint du syndrome de Williams
Beuren, les bonnes compétences verbales (vocabulaire riche, syntaxe
préservée) seront valorisées, le défaut d’ajustement social (défaut d’in-
hibition, trouble de la pragmatique) sera travaillé au sein d’un groupe
d’habiletés sociales et le déficit visuo-constructif pris en compte dans
l’adaptation des outils pédagogiques.
Ainsi, un profil très hétérogène, avec certains subtests dans la norme,
doit faire évoquer un trouble spécifique d’apprentissage (dysphasie,
dyspraxie, déficit attention, etc.) et/ou un trouble psychopatho-
logique plutôt qu’un trouble du raisonnement (di) et justifie des
épreuves neuropsychologiques supplémentaires ciblant les fonctions
langagières, les compétences visuo-spatiales, mnésiques, attentionnelles
et exécutives. Un avis psychologique et/ou psychiatrique ainsi que des
bilans standardisés d’orthophonie, ergothérapie, psychomotricité ou
orthoptie, sont souvent nécessaires pour étayer le(s) diagnostic(s).
– Les troubles psychopathologiques, fréquemment associés (15 à 40 %
des personnes avec di), nécessitent une consultation psychologique

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Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

et souvent une consultation de psychiatrie. En plus de soins psycho­


thérapeutiques, l’indication de psychotropes peut être utile, mais reste
mal définie, avec des polymédications dont les bénéfices et risques ne
sont pas évalués. Le traitement psychotrope « symptomatique » dans
la di recouvre principalement celui des troubles associés (troubles du
sommeil, dépression, anxiété, auto ou hétéro-agressivité, hyperactivité,
trouble compulsif ). Des précautions doivent être respectées chez les
sujets avec di qui apparaissent plus vulnérables à la survenue d’effets
indésirables, en particulier débuter le traitement à plus petite dose
initiale que chez les sujets sans di, et augmenter de façon plus lente et
progressive (start slow and go slow) [Baghdadli et coll., 2016].

Évaluation en situation d’interaction des compétences


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socio-émotionnelles et des capacités d’autodétermination
– Les compétences socio-émotionnelles interviennent non seulement dans
les apprentissages mais aussi dans les interactions sociales et dans l’adé-
quation du comportement de la personne tout au long de la vie.
Le défaut de régulation émotionnelle et d’ajustement socio-­émotionnel
des personnes avec di peut résulter d’un défaut de la cognition
sociale (traitement des visages, reconnaissances des émotions faciales
ou vocales, compréhension des états mentaux et des intentions d’autrui,
connaissance des règles sociales, etc.) et/ou des fonctions spécifiques :
linguistiques, attentionnelles et exécutives (mémoire de travail, inhibi-
tion, flexibilité mentale, anticipation des conséquences d’une action).
Ces déficits cognitifs, combinés à un trouble psychopathologique
(niveau d’anxiété élevé, dysthymie, etc.) et un environnement inadapté
(style éducatif, par exemple niveau d’exigence trop élevé de l’entou-
rage ; environnement surprotecteur limitant les expériences sociales ;
environnement affectif insécure ; précarité sociale) peuvent aboutir
à un appauvrissement des relations sociales et à des comportements
sociaux inadaptés : retrait social, intolérance à la frustration, colère,
agressivité, désinhibition (Barisnikov, 2016 ; Nader Grobois, 2016).

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Troubles du développement intellectuel

– Les capacités d’autodétermination sont les aptitudes d’une personne


lui permettant d’agir directement sur sa vie en effectuant librement
des choix non influencés par des agents externes indus. La reconnais-
sance du droit des personnes présentant une di à l’autodétermination
est un pilier fondamental de l’égalité des chances et de leur qualité de
vie. Le but de tout accompagnement est de rendre la personne aussi
autonome que possible. Les environnements surprotégés, qui n’offrent
pas ou peu d’opportunités et/ou de situations susceptibles de favoriser
l’acquisition des habiletés nécessaires pour faire des choix, limitent le
développement de l’autodétermination. De nombreuses techniques
d’apprentissage se révèlent efficaces : instructions et aides verbales,
visuelles et tactiles, répétitions, feed-back, jeux de rôles et simulations.
Les technologies électroniques d’assistance adaptées complètent ces
techniques éducatives et permettent efficacement la gestion de compor-
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tements et un fonctionnement plus autonome (Inserm, 2016). Pour
les personnes en situation de grande dépendance fonctionnelle, une
autonomie décisionnelle (faculté de choisir), si petite soit-elle, doit
toujours être recherchée (Jacob, 2018).
– Les troubles du comportement ou « comportements défis » (challenging
behavior) incluent principalement les comportements ­d’automutilation,
l’agressivité (physique ou verbale) ou les stéréotypies envahissantes. Ils
ne sont plus considérés comme uniquement inhérents à la personne
avec di mais bien comme le résultat d’interactions de la personne avec
son milieu, voire un mode d’expression (certes inadapté) de la personne.
Ces comportements défis sont davantage observés chez des personnes
présentant une di sévère, des troubles psychopathologiques ou des
pathologies somatiques associées. Une évaluation multidimensionnelle
(médicale, environnementale et comportementale) et transdisciplinaire
est donc un prérequis à toute intervention. Les approches proposées
pour réduire, voire supprimer, les comportements défis sont très
variées (pharmacologiques, psychothérapeutiques, psychoéducatives
ou contextuelles), ciblant la personne elle-même (apprentissages ciblés
sur des compétences de traitement de l’information sociale et la maîtrise
des émotions) et son entourage.

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Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

Conclusion
L’annonce du handicap d’un enfant à ses parents est toujours doulou-
reuse et conduit à une perte de repères, nécessitant un accompagne-
ment psychologique. Mais les capacités des parents à faire face à cette
situation et à s’adapter, leurs compétences, leur connaissance très fine
de leur enfant (parents experts) et leur rôle spécifique doivent être pris
en considération par les professionnels pour coconstruire le projet d’ac-
compagnement dans le cadre d’un véritable partenariat. Il est essentiel
de penser le soutien dans le cadre d’un parcours de vie, toujours singu-
lier, prenant en compte la qualité de vie non seulement de la personne
avec di et ses parents, mais aussi de la fratrie et des grands-parents. Une
série de situations de vulnérabilité sont à prendre en considération :
familles monoparentales, familles en situation de précarité socio-éco-
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Troubles du développement intellectuel

Annexes
Annexe 1 : Psychométrie : principes, intérêt et précautions
Les batteries les plus utilisées en France évaluant le qi sont les échelles de
Wechsler au nombre de trois, administrées selon l’âge chronologique de la
personne testée : wppsi iv (2 ans 6 mois à 7 ans 7 mois), wisc v (6 ans à
16 ans 11 mois) et wais iv (> à 16 ans). Les psychologues, seuls profession-
nels habilités à faire passer ces tests, sont tenus d’utiliser les versions les plus
récentes, selon leur Code de déontologie. Ces batteries sont composées de
différents subtests regroupés en indices évaluant diverses fonctions cogni-
tives (raisonnement verbal, raisonnement fluide, raisonnement visuo-spatial,
mémoire de travail, vitesse de traitement). Le quotient intellectuel (qi) se
répartit dans une population selon une loi normale dont la moyenne est à 100
avec un écart-type de 15. La déficience intellectuelle est donc définie pour
un qi ≤ – 2 écart-types, incluant une marge d’erreur de mesure (en général
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± 5 points), soit un résultat < 65-75 (70 ± 5). Le profil d’une personne avec
di se caractérise par un échec aux épreuves qui font appel au raisonnement
logique et abstrait, verbal (similitudes, compréhension, vocabulaire) ou visuo-­
perceptif et spatial (identification de concepts, matrices, cubes). On observe
une certaine homogénéité des notes standard avec, la plupart du temps, très
peu de différences significatives entre elles et entre les différents indices.
L’interprétation des qi nécessite de connaître plusieurs écueils :
– plus l’enfant est jeune, plus la trajectoire développementale est instable ;
de ce fait, avant l’âge de 5 à 6 ans, le diagnostic de déficience intellectuelle
doit être prudent (sauf pour les formes sévères) ;
– les scores obtenus résultent d’une performance à un test standardisé, et ne
sont pas toujours le reflet des compétences intellectuelles dont l’expression
peut être entravée par les conditions de passation (temps limité, barrière
linguistique, anxiété de performance) ou les troubles associés (audition,
vision, motricité, praxies, langage, cognition sociale, attention, régulation
émotionnelle, etc.) ;
– les échelles de Wechsler ne sont pas adaptées aux patients les plus défici-
taires, car le qi plancher est de 45 (c’est-à‑dire qu’un sujet qui échoue à tous
les subtests obtiendra un qi < 45, sans autre précision) ;
– de fortes disparités entre les compétences préservées et déficitaires empêchent
souvent le calcul d’un qi total et il est primordial d’étudier le profil cognitif

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Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

en analysant les dissociations entre les différents subtests. Ainsi, un profil très
hétérogène avec certains subtests dans la norme, doit faire évoquer un trouble
spécifique d’apprentissage (dysphasie, dyspraxie, déficit attention, etc.) et/ou
un trouble psychopathologique plutôt qu’un trouble du raisonnement (di) et
justifie des épreuves neuropsychologiques supplémentaires ciblant les fonc-
tions langagières, les compétences visuo-spatiales, mnésiques, attentionnelles
et exécutives. Un avis psychologique et/ou psychiatrique ainsi que des bilans
standardisés d’orthophonie, ergothérapeute, psychomotricien ou orthoptistes,
sont souvent nécessaires pour étayer le(s) diagnostic(s).

Annexe 2 : Évaluation des compétences adaptatives


Le comportement adaptatif est la capacité à répondre aux exigences dévelop-
pementales et socioculturelles d’indépendance personnelle et de responsabilité
sociale et à s’adapter « à des situations nouvelles par des procédures cogni-
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tives » (Reuchlin, 1991). Les compétences adaptatives incluent les habiletés
pratiques dans les activités de la vie quotidienne, sans devoir recourir à une
tierce personne (s’alimenter, prendre soin de soi, s’habiller, se déplacer, veiller à
sa sécurité, s’occuper et programmer des activités, manipuler de l’argent, télé-
phoner, etc.) ; les habiletés conceptuelles (langage et communication, lecture et
écriture, maîtrise des notions de temps et d’espace, manipulation des nombres
et opérations arithmétiques) ; les habiletés sociales (relations interpersonnelles,
sens des responsabilités, estime de soi, compréhension et respect des règles,
résistance à la crédulité ou à la méfiance exagérée, résolution de problèmes
sociaux).
L’évaluation des compétences adaptatives est un complément indispensable
à celle du qi pour retenir le diagnostic de di et préciser les compétences
fonctionnelles réelles de la personne dans des situations de la vie quoti-
dienne. Les informations sont recueillies auprès de tiers qui connaissent bien
la personne évaluée (parents, éducateurs, etc.). La seule échelle d’évaluation
du comportement adaptif normée actuellement disponible en France est la
vabs-ii, qui présente de bonnes qualités psychométriques. La Vineland II
évalue le comportement adaptatif à tous les âges de la vie (1 à 90 ans) selon
quatre domaines (communication, vie quotidienne, socialisation, motricité).
Elle comporte au total 433 items. L’échelle permet de définir des scores
pour chaque domaine ainsi que les équivalents en âge de développement.
Elle renvoie aussi un score composite fournissant une évaluation globale du

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comportement adaptatif (moyenne=100, écart-type=15). Pour chaque item,


trois types de réponses sont proposées : la tâche peut être réalisée habituel-
lement, parfois ou en partie, jamais. Ce type de réponse nuancée permet de
s’intéresser aux tâches en cours d’acquisition, sur lesquelles le projet éducatif
pourra se focaliser.

Annexe 3 : Place des examens complémentaires


L’imagerie cérébrale par résonance magnétique (irm) met en évidence une
anomalie cérébrale dans environ 30 % des cas. Toutefois les anomalies obser-
vées fournissent la clé du diagnostic étiologique seulement dans 2 à 4 % des
cas. Compte tenu de son faible apport diagnostique, et surtout de la nécessité
d’une sédation pour de nombreux patients, l’irm n’est pas recommandée en
première intention. Elle sera indiquée en cas de macrocéphalie, microcéphalie,
épilepsie, signes neurologiques à l’examen, retard sévère avec atteinte motrice
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(marche non acquise à 2 ans) ou régression psychomotrice (Decobert et coll.,
2005). Lorsqu’une irm est réalisée, il faut la compléter par une séquence de
spectroscopie irm, qui détectera les anomalies du métabolisme de la créatine
ou énergétique (pic de lactate anormal). Un scanner peut compléter l’irm,
essentiellement pour la recherche de calcifications en cas de microcéphalie
ou d’anomalie de la substance blanche.
L’électro-encéphalogramme (eeg) est rarement indiqué dans le bilan étiologique
d’une di en l’absence d’une épilepsie associée. L’eeg oriente rarement vers un
diagnostic précis, même si certains profils eeg sont évocateurs : syndrome
d’Angelman, Rett ou certaines anomalies chromosomiques rares (délétion 4p,
dup 15q…). L’eeg vidéo de sommeil (sur 24h) peut se révéler indispensable
en cas de régression cognitive (langage ou capacités visuo-spatiales…) qui peut
résulter d’encéphalopathies épileptiques telles que les pocs (pointes ondes
continues du sommeil) ou le syndrome de Landau-Kleffner.
Le caryotype est un examen pangénomique de faible sensibilité. En dehors
de la trisomie 21, son rendement diagnostique est faible. Cet examen est
remplacé en première intention par les nouvelles technologies, en particulier
les méthodes de « caryotype moléculaire » par cgh (comparative genomic
hybridization) /acpa, Analyse Chromosomique par puce à adn, cent fois
plus sensibles, qui détecte des pertes ou des gains de matériel génétique, mais
ne permet pas de voir les translocations équilibrées. Certaines duplications

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Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

ou délétions détectées en acpa restent de signification inconnue, sans lien


évident avec le trouble du développement intellectuel.
Le syndrome X fragile ne peut pas être diagnostiqué sur un simple caryotype et
nécessite une étude moléculaire spécifique. Il s’agit d’une pathologie fréquente
(1/5 000 garçons et 1/9 000 filles) dont le diagnostic clinique est parfois
difficile. Son caractère familial et ses conséquences pour le conseil génétique
justifient sa réalisation systématique devant toute di non syndromique.
Examens biologiques courants : chez un garçon, le dosage des cpk (créatine
phosphoKinase) dépiste précocement une myopathie de Duchenne, qui
peut se manifester d’abord par un retard psychomoteur. Le bilan thyroïdien
est indispensable, car de nombreux syndromes s’accompagnent d’une dys­­
thyroïdie source de sur-handicap.
Examens biochimiques spécialisés : le groupe très vaste des maladies héréditaires
du métabolisme sera évoqué devant certaines situations cliniques : atteinte
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multiviscérale ou sensorielle, signes neurologiques progressifs ou fluctuants,
épisodes neurologiques aigus inexpliqués, intolérances aux protéines, justi-
fiant des explorations spécialisées. En l’absence d’orientation clinique, une
chromatographie des acides aminés sanguine (caas), une chromatographie
des acides organiques urinaire (caou) et un cdg (trouble de N-glycosylation
des protéines) seront demandés en cas de consanguinité des parents ou de
déficience intellectuelle sévère ou profonde. Par ailleurs, en l’absence d’irm
avec spectroscopie, un dosage urinaire du guanidinoacétate et de la créatine
permet de rechercher un défaut de synthèse ou de transport de la créatine,
peu spécifique cliniquement.
L’indication d’examens plus invasifs comme une ponction lombaire doit
être discutée avec un neuropédiatre. Cet examen permet d’étudier le rapport
glycorachie/glycémie en cas de suspicion de déficit en glut1, le lactate et
pyruvate pouvant orienter vers un déficit en pyruvate déshydrogénase (pdh)
ou de la chaîne respiratoire mitochondriale. La chromatographie des acides
aminés dans le lcr permet de rechercher les exceptionnels déficits en sérine
(microcéphalie, di sévère) et hyperglycinémie sans cétose, dont des formes
frustes parfois trompeuses ne s’accompagnent pas d’épilepsie. Le dosage des
neurotransmetteurs dans le lcr dépend également des signes neurologiques
associés (dystonie, mouvements oculaires…).
En l’absence d’orientation clinique, les techniques de séquençage haut débit
(ngs, Next Generation Sequencing) sont proposées dans de nombreux centres

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de diagnostic spécialisés (Rauch et coll., 2012). Le séquençage haut débit peut


soit cibler des panels de gènes connus de di, soit concerner l’exome entier
(Whole Exome sequencing, wes). Le séquençage de génome entier (Whole
Genome sequencing, wgs) est encore réservé à la recherche. Ces nouvelles
technologies donnent paradoxalement une part essentielle à la clinique,
indispensable pour valider le variant pathogène parmi les multiples variants
identifiés chez un individu donné. Sur le plan éthique, outre l’interprétation
des variants de signification inconnue, une des questions que posent ces tech-
niques pangénomiques est la découverte fortuite de résultats non sollicités
(unsollicited findings), c’est-à‑dire des anomalies sans rapport avec l’indication
initiale. De ce fait, la prescription de ces examens nécessite une information
préalable et un consentement écrit du patient et/ou de son représentant légal,
et une collaboration étroite entre le prescripteur, le généticien clinicien et le
laboratoire, pour l’interprétation des résultats.
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