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CAS 7.

LA COMMUNICATION SUITE À UN TRAUMATISME CRÂNIO-


CÉRÉBRAL : DE L’APPROCHE NEUROCOMPORTEMENTALE À LA
RÉÉDUCATION DE STRATÉGIES COMMUNICATIONNELLES

Émilie Biland, Gérard Wicky, Anne Bellmann


in Julie Péron, 13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

Dunod | « Univers Psy »

2018 | pages 179 à 204


ISBN 9782100779505
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/13-cas-cliniques-en-neuropsychologie-des-
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Cas 7
La communication
suite à un traumatisme
crânio-­cérébral : de l’approche
neurocomportementale
à la rééducation de stratégies
communicationnelles1
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1. Par Emilie Byland, Gérard Wicky, Anne Bellmann.


Sommaire
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1. Prescripteur et motif du bilan............................................................................... 181
2. Anamnèse.............................................................................................................. 181
3. Évaluation neuropsychologique............................................................................. 183
4. Les questions posées et le contexte théorique
qui orienteront la prise en charge.......................................................................... 186
5. Rééducation.......................................................................................................... 190
6. Effets thérapeutiques........................................................................................... 192
7. Discussion et conclusion....................................................................................... 194
Annexes..................................................................................................................... 197
Références bibliographiques...................................................................................... 202
1. Prescripteur et motif du bilan
Un patient de 48 ans, abrégé G.M., est hospitalisé à la clinique romande de réadaptation pour
évaluation et rééducation en vue d’une réinsertion sociale et professionnelle, des suites d’un
traumatisme crânio-­cérébral (TCC) sévère.

2. Anamnèse

2.1 Anamnèse médicale et psychiatrique


Le 16 mars 2014, G.M. est victime d’une chute d’environ 3 mètres depuis un échafaudage
entraînant un polytraumatisme (fractures du radius droit et multiples fractures du crâne et du
massif facial) et un TCC sévère. Le score de « Glasgow initial » est à 7. Il est intubé sur les lieux
de l’accident puis héliporté à l’hôpital le plus proche, où il bénéficie d’une craniotomie le jour
même pour évacuation d’un hématome fronto-­temporal droit, puis d’une révision fronto-­basale
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bilatérale le 26 mars 2014 avec plastie méningée. Le bilan radiologique met en évidence au niveau
cérébral les lésions suivantes : hématome épidural fronto-­temporal droit, discret hématome
sous-­dural occipital gauche, contusions cérébrales fronto-­basales et temporales internes des
deux côtés et lésions axonales diffuses frontales hautes à droite. Une nouvelle imagerie cérébrale
par résonance magnétique est réalisée le 9 avril 2014, montrant un œdème de 1 cm du chiasme
distal du nerf optique gauche, des lésions axonales diffuses temporales droites, de la capsule
interne, et frontales, des hémorragies sous-­arachnoïdiennes, du mésencéphale à droite ainsi que
les contusions fronto-­basales et temporales internes des deux côtés précédemment décrites.

Il séjourne du 11 au 18 avril 2014 dans le service de médecine physique et de rééducation


d’un hôpital cantonal. Un premier examen neuropsychologique est mené les 17 et 18 avril 2014,
retenant un tableau d’amnésie post-­traumatique. Face à l’augmentation de la confusion, de
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l’agitation psychomotrice avec idées délirantes ainsi que d’une agressivité et d’une agitation
marquées, un traitement de Dépakine®, Zyprexa® et Haldol® est instauré et G.M. est transféré en
milieu psychiatrique. Le 25 avril 2014, l’orientation aux trois modes est décrite comme rétablie.
Évaluée rétroactivement, l’amnésie pré-­traumatique est d’au moins une semaine et l’amnésie
post-­traumatique estimée à environ 5 semaines. G.M. est admis le 2 mai 2014 à la clinique
romande de réadaptation pour suite de prise en charge.

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13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

2.2 Anamnèse sociale


G.M. est droitier, francophone, menuisier de formation. Il travaille comme chef d’équipe
depuis plus de vingt ans dans la même entreprise. Il est marié et père de trois enfants en bas âge.

2.3 Anamnèse neuropsychologique et présentation clinique


2.3.1 Description clinique

G.M. se montre collaborant, se présentant avec plus d’une demi-­heure d’avance déclarant
« préférer être en avance qu’en retard ». Il n’est pas ralenti mais distractible et légèrement fati-
gable. D’emblée, le comportement frappe par une importante logorrhée, l’itération de thèmes
stéréotypés, des digressions, plusieurs commentaires personnels déplacés et des propos peu
adéquats (par exemple, il interroge l’examinatrice de manière crue quant à la dangerosité de
certaines positions sexuelles) avec une tendance moriatique. On observe également des troubles
de la communication verbale avec des difficultés pragmatiques, à saisir les éléments de commu-
nication non verbale, à respecter les tours de parole et à tenir compte du savoir de l’interlocuteur.
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À relever qu’hormis les propos déplacés, il n’y a pas de comportement inadéquat durant les
séances ni d’impulsivité. L’anosognosie est importante.

2.3.2 Hétéro-­anamnèse

Contactée par téléphone, l’épouse de G.M. nous confirme que la logorrhée et la désinhibition
verbale sont des comportements nouveaux qu’elle a pu observer également hors du contexte de
la clinique, lors des week-­ends à domicile et de rencontres avec des amis.

Tant la localisation des lésions cérébrales (contusions fronto-­basales et temporales internes


bilatérales) que la première impression clinique nous conduisent à orienter notre évaluation
neuropsychologique sur les aspects de communication, cognition sociale, fonctions exécutives
et mnésiques. Les tests utilisés et les résultats peuvent être extraits du tableau 7.1 (annexe,
p. 197-199).

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La communication suite à un traumatisme crânio-­cérébral ■ Cas 7

3. Évaluation neuropsychologique

3.3.1 Plaintes

G.M. ne rapporte spontanément aucune plainte de la sphère cognitive. Sur demande, il décrit
une fatigue plus rapide avec les enfants ou dans un environnement bruyant. Il concède parler
plus facilement des choses qui le touchent, se disant également plus sensible qu’avant l’accident.
Par contre, il n’estime pas parler davantage. Il mentionne aussi des difficultés mnésiques (il ne
se souvient pas de toutes les visites ou des noms des thérapeutes ; des amis lui ont dit qu’il se
répétait), un équilibre précaire qu’il rattache à la perte de la vision de l’œil gauche et l’apparition
de céphalées en lien avec la fatigue. Il ne rapporte pas de difficulté attentionnelle, langagière ni
de modification comportementale.

3.3.2 Langage

L’expression spontanée est fluente et globalement informative. Le discours conversationnel


frappe par une logorrhée, des digressions, des itérations de thèmes stéréotypés, des remarques
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personnelles abondantes et des difficultés pragmatiques (respect limité du savoir partagé, difficulté
à interpréter les indices non verbaux, non-­respect des tours de parole). Au « Protocole Montréal
d’évaluation de la communication » (MEC, Joanette, Ska et Côté, 2004), la « Grille d’observation
du discours » met en évidence au premier plan des difficultés de nature discursive et pragmatique,
avec un score total en dessous du point d’alerte. Les troubles pragmatiques se laissent vérifier par
des performances déficitaires aux sous-­tests d’« Interprétation de métaphores » et limites pour la
« Compréhension d’actes de langage indirects ». Le sous-­test « Discours narratif » met en évidence
les troubles discursifs, avec l’observation clinique de comportements communicatifs déviants
(remarques personnelles abondantes, discours tangentiel et ajout d’informations) ; le rappel de
l’histoire en entier est cependant dans la norme et l’inférence est réalisée. Un test de dénomina-
tion est dans la norme inférieure. Sous contrainte temporelle, la dénomination est réalisée dans
les temps impartis sans erreur. La dénomination de célébrités est bonne. La compréhension
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est cliniquement bien préservée. L’écriture (automatique, une phrase spontanée), limitée par le
poignet plâtré, est sans particularité. Sous contrainte temporelle, la lecture est légèrement ralentie
avec une omission autocorrigée, sans autre erreur. Aux épreuves numériques, des calculs oraux
ainsi qu’une multiplication écrite sont aisément réussis.

3.3.3 Fonctions mnésiques

Cliniquement, l’apprentissage du nom et du prénom de l’examinatrice est possible et la


reconnaissance de visages présentés sur photographie après interférence est bonne. Il n’y a pas

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13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

de confabulation spontanée ni induite. En mémoire à court terme, les empans de rétention


verbale et visuo-­spatiale sont dans la moyenne. En mémoire épisodique antérograde verbale,
l’apprentissage d’une liste de quinze mots est dans la norme inférieure avec de rares intrusions
et répétitions, leur reconnaissance au sein d’un texte est modérément déficitaire avec une fausse
reconnaissance et leur rappel libre différé est modérément déficitaire ; à relever une reconnais-
sance terme à terme différée parfaite. En modalité visuo-­spatiale, les restitutions immédiate et
différée de la « Figure géométrique complexe de Rey » se situent dans la moyenne.

3.3.4 Fonctions exécutives

Clinique : logorrhée, digressions, tendance moriatique, anosognosie.

Réflexes archaïques : résurgence d’un palmo-­mentonnier à droite ; absence de comportement


d’imitation ou d’agrippement.

Programmation : le maintien de séquences graphiques et gestuelles ainsi que la coordination


réciproque bimanuelle sont bons ; la copie d’une figure complexe est modérément déficitaire
avec essentiellement des imprécisions.
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Incitation : la fluence verbale est limite en condition littérale et dans la norme inférieure en
condition catégorielle ; la fluence non verbale dirigée montre un rendement dans la norme avec
un nombre limité de répétitions.

Inhibition : la dénomination en conflit avec la lecture est réalisée dans les temps impartis sans
erreur ; l’épreuve des anti-­saccades oculaires est réussie.

Organisation : un test d’organisation de différentes tâches simples est dans la norme sans
infraction de règle avec une bonne gestion temporelle.

Résolution de problèmes : à l’épreuve des tours de Londres, on constate un nombre excessif


de violations de règles malgré la répétition de la consigne.

Abstraction et flexibilité : les performances à un test de découverte de critères facilement


verbalisables se situent dans la limite inférieure des normes ; une épreuve de tracking visuo-­
spatial alterné est dans la norme sans erreur.

Estimation cognitive : performances dans la norme au test éponyme.

Batterie rapide d’efficience frontale : dans la norme.

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La communication suite à un traumatisme crânio-­cérébral ■ Cas 7

3.3.5 Fonctions attentionnelles

Une épreuve de vitesse de traitement simple est dans la norme. Sur logiciel informatisé (TAP 2.3) :
• les temps de réaction visuels sont homogènes et dans la norme inférieure en condition tonique
et dans la norme en condition phasique ;
• l’attention divisée montre des temps de réaction sévèrement ralentis et fluctuants en moda-
lité auditive et des temps de réaction modérément ralentis en condition visuelle ; le nombre
d’omissions et de fausses réponses est dans la moyenne ;
• absence d’extinction aux doubles stimulations visuelles et tactiles.

3.3.6 Cognition sociale

Théorie de l’esprit : performances optimales à une épreuve de fausses croyances de premier


et second ordres.

Reconnaissance d’expressions faciales émotionnelles : performance globalement déficitaire


avec un déficit pour la reconnaissance de la peur et des performances limites pour la surprise
et le dégoût.
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3.3.7 Raisonnement

Cliniquement, un énoncé absurde est d’emblée récusé. Sur matériel visuo-­spatial, le raison-
nement se situe dans la norme sous contrainte temporelle.

3.3.8 En conclusion

Cet examen neuropsychologique permet de mettre en évidence une dysfonction exécutive


marquée sur plan comportemental (anosognosie, logorrhée et désinhibition verbale avec propos
inadéquats, tendance moriatique, pensée rigide) et légère à modérée sur le versant formel (défaut
d’inhibition sous forme de violations de règles lors de la résolution de problèmes, fléchissement
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des capacités de programmation et d’abstraction), des troubles de la communication verbale


intéressant les habiletés discursives (discours digressif, propos répétitifs) et pragmatiques (diffi-
cultés de compréhension du langage non littéral, manque de prise en compte du savoir partagé
et d’éléments non verbaux). S’y ajoutent un déficit de cognition sociale avec des difficultés de
reconnaissance d’expressions faciales émotionnelles et des troubles mnésiques verbaux antéro-
grades de nature exécutive (déficit spécifique de récupération stratégique différée, occasionnelles
intrusions et répétitions).

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13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

4. Les questions posées et le contexte théorique


qui orienteront la prise en charge

L’occurrence de modifications comportementales et émotionnelles suite à des lésions céré-


brales, et particulièrement un TCC, est fréquente et bien documentée (Alderman, 2003). Après
un TCC, les modifications comportementales le plus souvent rapportées sont l’impulsivité, la
faible tolérance à la frustration, l’agressivité verbale et/ou physique, l’apathie, les troubles de
la régulation émotionnelle ou encore la désinhibition (Ponsford, 2013). Cette dernière peut se
traduire de manière verbale par une logorrhée, des répétitions de thèmes, de multiples commen-
taires au contenu pouvant se révéler socialement inadéquat. Ces troubles résultent souvent de
l’incapacité des patients à « self-­monitorer » leur comportement : ces individus ne sont plus
capables d’évaluer leur comportement sur le moment, dans le but de l’ajuster aux désirs et aux
attentes d’autrui (Beer, John, Scabini et Knight, 2006).

Ces aspects de désinhibition verbale se retrouvent fréquemment intriqués dans une compré-
hension plus globale de la communication post-­TCC. Relativement récemment, le terme
anglo-­saxon de « trouble de la communication cognitive » (cognitive-­communication disorder en
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anglais) a été proposé afin de différencier les difficultés communicationnelles résultant d’une
atteinte cognitive (attention, mémoire, traitement de l’information, fonctions exécutives) suite
à une lésion cérébrale acquise de ceux découlant de troubles langagiers tels que dans les cas
d’aphasie après attaque cérébrale (Togher et al., 2014). Dans la littérature francophone, le terme
de « trouble de la communication verbale » est utilisé pour décrire des atteintes similaires. Ces
difficultés de communication, décrites fréquemment chez les victimes de TCC, peuvent se
traduire, entre autres, par un discours abondant, inefficient, tangentiel, changeant abrupte-
ment de thème. Les conversations sont souvent ralenties, avec de nombreuses pauses ou un
non-­respect des tours de parole, des réponses inappropriées voir désinhibées, des persévéra-
tions sur certains thèmes. La compréhension de contenus implicites de même que les habiletés
pragmatiques peuvent être perturbées. Ces déficits, considérés dans leur ensemble, interférent
massivement avec les compétences et l’intégration sociales des patients victimes d’un TCC
(Togher et al., 2014). Un modèle « Iceberg » de la communication (fig. 7.1) proposé par Snow
(2013) permet de mettre en lumière les différents facteurs contribuant à la communication, en
intégrant notamment les variables cognitives sous-­jacentes, telles que les fonctions exécutives
et la cognition sociale.

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La communication suite à un traumatisme crânio-­cérébral ■ Cas 7

Respect des indices contextuels


(culture, contexte de communication)

Habiletés Comportement
conventionnelles non-verbal
Initiation de l’échange, contact oculaire,
gestion du thème, expression faciale,
tours de parole, distance
habiletés discursives, interpersonnelle
narratives… recours à la gestuelle…

Cognition sociale
Foncions exécutives
Théorie de l’esprit, empathie,
Attention, concentration,
reconnaissance d’expressions
traitement de l’information,
faciales émotionnelles,
mémoire de travail…
ton de la voix…

Connaissance du monde, expérience antérieure,


Mémoire déclarative et procédurale.

Figure 7.1 – Modèle « Iceberg » de la communication (adapté de Snow, 2013)


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Le modèle « Iceberg » de la communication (figure 7.1) permet une compréhension globale
des déficits cognitivo-­comportementaux de G.M. et de leur impact sur ses capacités communica-
tionnelles. L’examen neuropsychologique met en évidence les troubles exécutifs, sur un versant
comportemental (avec la désinhibition verbale) mais également de manière cohérente au niveau
plus formel (rupture de règles, intrusions et répétitions en mémoire notamment) reflétant un
défaut de self-­monitoring. Ces troubles se répercutent au niveau de la communication par une
logorrhée, des thèmes répétitifs, des difficultés à maintenir le thème et des propos inadéquats. La
présence de troubles de la cognition sociale chez G.M. entrave également sa capacité à prendre
en compte les aspects non verbaux de la communication (par exemple : la gêne de l’interlo-
cuteur face à certains thèmes abordés non à propos, ou le « décodage » de certains contenus
implicites pouvant être compris à l’expression faciale de l’interlocuteur). G.M. n’est pas capable
de décoder adéquatement une situation interpersonnelle en face-­à‑face, de lire les émotions
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de l’interlocuteur et les subtils changements d’expressions et de tons de voix. Finalement, les


aptitudes discursives et pragmatiques sont perturbées. Cet ensemble de déficits, s’influençant
de manière réciproque et auxquels s’ajoutent des facteurs contextuels et personnels, engendre
une restriction significative de la participation sur le plan de la communication (d31) et des

1. Selon la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, les codes « d » désignent


une restriction au niveau des activités et de la participation, c’est-­à‑dire les problèmes qu’une personne peut
rencontrer pour participer à des situations réelles. D3 se réfère aux situations de communication et d7 aux
situations d’interaction avec autrui.

187
13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

interactions avec autrui (d7) au sens de la classification internationale du fonctionnement, du


handicap et de la santé (CIF) de l’Organisation mondiale de la santé (2001).

Il a été choisi de focaliser la prise en charge de G.M. sur ces aspects communicationnels,
connus pour avoir un impact particulièrement important sur le plan de la réinsertion sociale et
professionnelle visée ici (Togher, McDonald et Code, 2014). En plus d’être pertinent sur le plan
fonctionnel, un objectif de rééducation doit reposer sur un modèle théorique (en l’occurrence le
modèle « Iceberg » de la communication décrit ci-­dessus), tenir compte des recommandations
de type evidence based practice et s’adapter aux spécificités de chaque individu (notamment,
aspects motivationnels, collaboration, compétences cognitives exploitables, fatigabilité…), ce
qui a des incidences évidentes sur le type d’approche proposée et sur le déroulement dans le
temps de la rééducation.
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Figure 7.2 – Schéma des trois interventions thérapeutiques proposées,
spécifiant le cadre théorique (niveau théorique auquel se situe l’intervention
selon le modèle « Iceberg »), les recommandations de type evidence based practice (EBP)
et la dimension temporelle de l’intervention.

4.1 Choix thérapeutiques et justificatifs théoriques (cf. figure 7.2)


Nous avons décidé de cibler initialement la prise en charge neuropsychologique sur le compor-
tement le plus gênant au quotidien, en l’occurrence la logorrhée avec les thèmes répétitifs. En
effet, ce comportement parasite l’ensemble de la rééducation : les thérapeutes ne parviennent pas

188
La communication suite à un traumatisme crânio-­cérébral ■ Cas 7

à cadrer le flux de parole, G.M. s’interrompt lors des tâches en cours et les relations interperson-
nelles sont massivement perturbées. Les défauts d’inhibition et de self-­monitoring, à l’origine des
troubles du comportement et de la communication verbale de G.M., se retrouvent fréquemment
suite à des lésions orbito-­frontales (Beer, John, Scabini et Knight, 2006). Dans ce contexte, nous
avons privilégié une approche inspirée du « Self-­Monitoring Training » (SMT, Alderman, Fry et
Youngson, 1995), applicable entre autres à des comportements de type commentaires et propos
incessants, thèmes récurrents, etc. (Alderman, 2003). Le « Self-­Monitoring Training » fait partie
des recommandations basées sur les preuves (Cicerone et al. ; 2011, Tate et al., 2014). Cette
intervention a l’avantage de permettre le développement de compétences, elle peut s’appliquer
dans différents contextes et ainsi favoriser la généralisation (Alderman et Wood, 2013). Par
contre, si elle peut supprimer (ou au moins diminuer) une communication inappropriée (dans
le cas qui nous intéresse la logorrhée et les propos répétitifs), elle ne permet pas aux patients
de développer des formes alternatives de communication (Corkery et Fairweather, 2008), qui
doivent faire l’objet d’une intervention plus spécifique.

Ce n’est qu’après l’intervention de type self-­monitoring training visant plutôt les manifesta-
tions des troubles exécutifs sous-­jacents (défaut d’inhibition) et considérée comme prérequis
à toute autre intervention thérapeutique, que nous avons proposée en parallèle des interventions
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au niveau de la cognition sociale – autre « case » sous-­marine du modèle de Snow – et au niveau
du contenu même de la communication.

En ce qui concerne la cognition sociale, G.M. présente des troubles de la reconnaissance des
émotions faciales avec particulièrement un déficit pour la peur et une reconnaissance abaissée
de la surprise et du dégoût. L’entraînement à la reconnaissance des expressions faciales émotion-
nelles fait partie, avec le traitement des habiletés sociales, des deux approches recommandées
dans la prise en charge des troubles de cognition sociale (Haskins, 2012). Si des modèles de réédu-
cation de cette fonction existent, il y a peu d’outils sur lesquels les neuropsychologues puissent
s’appuyer. Nous nous sommes largement inspirés d’un matériel spécifique d’entraînement à la
reconnaissance des expressions faciales émotionnelles : le « Training of Affect Recognition »
(TAR ; Frommann, Streit, et Wölwer, 2003). Initialement utilisé avec des patients souffrant de
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schizophrénie (Drusch et al., 2014), le TAR s’avère également applicable et efficace auprès de
patients victimes de TCC sévères (Aubert et al., 2013).

La prise en charge des troubles de la communication verbale en tant que telle représente une
pratique récente et encore trop peu courante. Elle fait néanmoins partie des recommandations
basées sur les preuves (Cicerone et al., 2011 ; Togher et al., 2014). Dans la littérature, des cadres
généraux d’intervention et des guidelines sont proposés (Moix et Côté, 2004 ; Snow, 2013 ; Togher
et al., 2014) spécifiant des aspects tels que la prise de décision d’une intervention, la définition
d’objectifs de traitement, l’implication des proches, etc. Rares sont les études d’efficacité et les

189
13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

propositions de moyens spécifiques, de programmes de traitement et de matériel concret de


rééducation (Mackenzie et Brady, 2008). La passation du « Protocole Montréal d’évaluation de la
communication » (MEC) a permis de montrer que les difficultés de G.M. intéressent particuliè-
rement les aptitudes pragmatiques. Face à ce constat, nous nous sommes inspirés d’un matériel
d’intervention proposé par Ardisson et Besnardeau (2007), visant la réhabilitation des habiletés
pragmatiques expressives des patients avec trouble de la communication verbale.

5. Rééducation

5.1 Enrayer la logorrhée et l’itération de propos stéréotypés


Nous avons donc appliqué une approche comportementale, inspirée du « Self-­Monitoring
Training » (SMT) proposé initialement par Alderman, Fry et Youngson (1995). Dans un premier
temps, une liste des thèmes récurrents a été dressée par l’équipe pluridisciplinaire (par exemple, tir
sportif et course à pied ; gestion des horaires des thérapies ; importance de sa famille et de pouvoir
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rentrer à la maison pour se confronter à son environnement habituel). Pour la ligne de base, les
neuropsychologues ont comptabilisé le nombre de fois où l’un ou l’autre des thèmes listés était
abordé spontanément par le patient au cours des trois séances de neuropsychologie précédant
l’intervention (respectivement 9, 10 et 10). L’intervention débute par une présentation au patient
de la liste des thèmes récurrents. Chaque thérapeute fait une coche chaque fois qu’un des thèmes
listés est abordé sous les yeux du patient. En fin de séance, les résultats sont discutés avec le patient
dans le but de favoriser la prise de conscience. Lors des séances suivantes, la feuille est disponible
pour le patient qui est encouragé à faire lui-­même les coches. S’il ne le fait pas, le neuropsychologue
le fait à sa place. La consigne explicite est donnée de diminuer le nombre de coches à chaque séance.

5.2 Améliorer la reconnaissance des expressions faciales émotionnelles


Le « Training of Affect Recognition » (TAR ; Frommann, Streit, et Wölwer, 2003) est un
programme d’entraînement focalisé sur le traitement des informations socio-­émotionnelles dans
le but de rééduquer les déficits de reconnaissance des émotions faciales. Il se base sur des prin-
cipes de restitution en combinaison avec des méthodes visant à établir des stratégies alternatives.
Le programme se conforme aux principes d’apprentissage sans erreur (afin d’éviter les erreurs
durant la phase d’entraînement), de sur-­apprentissage (par exemple, fréquentes répétitions des
caractéristiques prototypiques des émotions faciales basiques), de feed-­back immédiat positif et de
tentative d’abstraction avec la verbalisation, la génération d’associations et l’utilisation d’indices. Le

190
La communication suite à un traumatisme crânio-­cérébral ■ Cas 7

programme TAR complet consiste en douze séances de 60 minutes avec des tâches de complexité
croissante et un matériel (stimuli statiques et dynamiques) augmentant au fil des séances, maxi-
misant la similarité avec des situations de la vie quotidienne. Étant donné le profil circonscrit
de déficits, les quatre premières séances, destinées à repérer les composantes principales des six
émotions de base, ainsi que les séances 5 et 6 augmentant le jugement de confiance, ont été présen-
tées brièvement. L’accent a été mis sur les séances suivantes, axées sur le décodage d’émotions
faciales de faibles intensités, ambiguës, moins prototypiques, sur la base d’images et de différents
contextes, tout en se référant systématiquement au tableau des expressions faciales. Le patient
apprend à verbaliser les caractéristiques des expressions faciales, à les apparier, à les mettre en lien
avec les expériences vécues et avec les processus non verbaux également. Par exemple, G.M. est
encouragé à remplir, dans son quotidien, les trois colonnes d’un tableau comprenant :

1. l’observation du visage (qui, où, quand, quelle situation) ;


2. les caractéristiques observées ;
3. ce qui était particulièrement notable ou spécifique.

5.3 Améliorer les habiletés pragmatiques expressives du patient


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Ardisson et Besnardeau (2007) proposent une approche centrée sur la tâche se voulant
fonctionnelle, en entraînant des compétences dans des activités proches de la vie quotidienne.
Ce matériel cible trois objectifs en conversation : le maintien du sujet (répondre à la question
posée sans diverger ; rester dans le thème de la conversation), la prise en compte du savoir
partagé (gérer la quantité et la pertinence des informations selon le savoir de son interlocuteur)
et la bonne gestion de l’échange (être attentif à l’alternance appropriée des tours de parole).
Pour chaque objectif, une démarche initiale de sensibilisation aux troubles est proposée, pour
permettre aux patients, souvent anosognosiques, de reconnaître les troubles et leur impact dans
leur quotidien. Cette phase de sensibilisation s’articule en deux parties : la présentation d’une
feuille de stratégie et d’un pictogramme associé qui illustre l’objectif travaillé puis un exercice de
sensibilisation adapté à l’objectif cité (annexe, p. 201). La feuille de stratégie explique en quelques
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mots l’intérêt de chaque objectif et le pictogramme permet de rendre la stratégie plus concrète.
Lors de la présentation de la stratégie et du pictogramme, il est suggéré de faire l’analogie entre
la stratégie et son pictogramme (exemple : « Quand on parle avec quelqu’un, on parle de la
même chose, on est donc sur la même route. Or si l’on change subitement de sujet, ou qu’on
dévie, c’est comme si l’on sortait de cette route principale […] nos chemins sont différents et il
devient plus difficile de se comprendre » ; Ardisson et Besnardeau (2007), t. II, p. 2) et d’illustrer
avec des exemples de la vie quotidienne. Les exercices de sensibilisation ensuite proposés sont
destinés à souligner les impacts relevant du déficit et à se familiariser avec la stratégie (annexe,
p. 200-201). Ils ne sont donc pas considérés comme de réelles tâches d’intervention, car ils ne

191
13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

nécessitent que peu de production de la part du patient. Suite à cette première étape de sensibi-
lisation, des tâches d’intervention sont proposées. Elles sont construites de manière à permettre
une progression intra-­tâche (des suggestions sont faites au thérapeute quant aux manières de
complexifier l’exercice : faire des relances, augmenter le nombre de réponses à fournir, mettre
une pression temporelle, etc.) et inter-­tâche (augmentation de la complexité avec des exercices
de moins en moins cadrés et se rapprochant ainsi davantage de situations conversationnelles de
la vie quotidienne). Par exemple, considérant l’objectif du maintien du sujet, la première tâche
« discussion sur les avantages et désavantages de situations diverses » se veut plus simple car
cadrée : le patient doit répondre à une question donnée en détaillant et en étant attentif à ne pas
bifurquer. La seconde tâche (« conversation d’opinion sur des affirmations ou des situations »)
se veut plus complexe car elle se rapproche davantage d’un contexte naturel, d’une situation
du quotidien, puisqu’il s’agit de discuter d’affirmations de manière plus libre et moins dirigée,
tout en restant attentif au maintien du thème.

6. Effets thérapeutiques
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La figure 7.3 nous renseigne sur l’évolution rapidement favorable montrée par G.M. quant au
nombre de propos répétitifs par séance de 45 minutes. En effet, la courbe se révèle rapidement
dégressive. Dès la première séance (S1), le nombre de comportements cibles est déjà abaissé par
rapport à la ligne de base. Dès la troisième séance, on n’observe plus qu’une seule occurrence du
comportement cible. Vu la rapide amélioration et donc le peu de données à disposition, seule
une analyse qualitative a pu être réalisée.

Figure 7.3 – Évolution du nombre par séance d’occurrences du comportement cible


avant et après l’introduction de l’intervention de type « Self-­Monitoring Training ».
LdB = ligne de base, S1-S6 = séances 1 à 6

192
La communication suite à un traumatisme crânio-­cérébral ■ Cas 7

Cette approche thérapeutique peut agir sur différents types de mécanismes. La présentation au
patient de la liste des thèmes persévérés et le fait de présenter leur disparition comme un objectif
thérapeutique va attirer son attention sur cette problématique et est susceptible de réveiller sa
conscience intellectuelle (Crosson, 1989) dès la toute première séance, soit avant même l’entraî-
nement à l’auto-­contrôle. La consigne de repérer par soi-­même les comportements indésirables
incite le patient à porter le regard sur soi et en ce sens agit sur la conscience émergente décrite par
Crosson (1989). Ces composantes de conscience intellectuelle et conscience émergente sont des
prérequis au développement d’un contrôle inhibiteur. Il est probable que la rapide amélioration
observée au cours des trois premières séances soit à mettre sur le compte d’une amélioration de
la nosognosie (à la fois conscience intellectuelle et émergente). G.M. est capable de verbaliser,
lors de la quatrième séance, que la logorrhée et les discussions tournant toujours autour des
mêmes thèmes peuvent se révéler lassantes pour les interlocuteurs. De manière intéressante,
bien que la nosognosie soit présente, les capacités d’auto-­contrôle demeurent insuffisantes : lors
de cette même séance, G.M. anticipe un comportement déviant, il fait alors une coche mais ne
peut contenir des propos centrés sur un des thèmes récurrents listés (« Vous allez aussi pouvoir
faire une coche, mais je dois quand même vous dire que… »). Alderman, Fry et Youngson (1995)
relevaient également, pour leur patiente S.K., qu’une nosognosie augmentée n’était pas suffisante
à parvenir à inhiber le comportement déviant. Lors de la cinquième séance, une remarque de
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G.M. laisse présager d’un manque de généralisation et d’une prise de conscience encore limitée
des répercussions des troubles : il demande en effet si la consigne de limiter les propos répétitifs
est également valable dans d’autres contextes, hors des séances de neuropsychologie. Après six
séances, le comportement cible n’interfère plus de manière significative avec le déroulement
des séances et la prise en charge neuropsychologique s’oriente vers la réhabilitation des habi-
letés pragmatiques. Les propos répétitifs ne sont plus comptabilisés et nous n’observons pas
de recrudescence lors des séances. Cependant, nous avons eu l’occasion d’observer G.M. dans
d’autres contextes notamment lors d’une thérapie neuropsychologique de groupe (s’adressant
à des patients TCC, par groupe de quatre à cinq personnes, abordant diverses problématiques
telles que la mémoire, l’attention etc.) et un colloque de famille en fin de séjour (avec la présence
de son épouse, de ses enfants, du gestionnaire de cas et des différents intervenants de l’équipe
multidisciplinaire). Le manque de généralisation se révèle alors flagrant dans ces contextes moins
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cadrant et G.M. se montre à nouveau logorrhéique et les récurrences des thèmes de prédilection
sont nombreuses. Ce point sera discuté dans la partie « discussion et conclusion ».

Quant aux désordres de cognition sociale, une réévaluation de la reconnaissance des émotions
faciales n’a pas pu être complétée en raison de la sortie précipitée du centre de réadaptation. G.M.
peine à différencier certaines émotions proches telles que la peur et la surprise. Il peut, par contre,
se référer aux caractéristiques détaillées dans le tableau, voire les évoquer. En séance, des progrès
sont observés cliniquement : G.M. porte plus attention aux indices non verbaux, notamment les
expressions émotionnelles faciales afin d’adapter le contenu du discours.

193
13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

Plusieurs séances ont été consacrées à la réhabilitation des troubles pragmatiques expressifs.
Le matériel proposé par Ardisson et Besnardeau (2007) s’est révélé à la fois attractif, varié mais
également spécifique et adapté aux difficultés rencontrées par G.M. Grâce à des tâches se voulant
le plus écologique possible, il a été possible de faire fréquemment le lien avec la vie quotidienne et
de mettre en évidence les possibles répercussions fonctionnelles des troubles. Les pictogrammes
utilisés pour illustrer les stratégies communicationnelles entraînées se sont révélés suffisamment
explicites et ont permis à G.M. d’intégrer facilement leur signification. Il était d’ailleurs fréquent
d’avoir recours aux pictogrammes en dehors des exercices spécifiques, lors de conversations moins
formelles (en début ou fin de séance par exemple), pour signifier à G.M. une communication
mal adaptée. Malheureusement, une mesure d’efficacité du traitement se révèle difficile. Le délai
entre l’annonce du retour à domicile et le départ effectif de la clinique s’est avéré trop court pour
administrer un nouvel examen neuropsychologique. Une évolution favorable a néanmoins pu
être observée cliniquement, lors des séances, avec une progression dans les différentes tâches
de complexité croissante. En situation d’exercice, G.M. s’est montré capable dans un premier
de temps de reconnaître les digressions puis de revenir sur le thème de la discussion en cours
pour finalement parvenir à maintenir un sujet sans déviation. Les propos se sont avérés plus
pertinents, avec une abondance de détail moindre. Faute de temps, un travail plus approfondi
sur la gestion de l’échange n’a pas pu être entrepris. Malgré les progrès observés en séance, un
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manque de généralisation est à regretter également pour ces aspects pragmatiques. En dehors
du contexte cadrant et structuré des séances de neuropsychologie et des exercices spécifiques,
des difficultés restent clairement perceptibles.

7. Discussion et conclusion
Une prise en charge neuropsychologique, inspirée initialement du « Self-­Monitoring Training »
puis d’une approche centrée sur la reconnaissance des expressions faciales émotionnelles et enfin
sur une approche spécifiquement orientée vers la réhabilitation des habiletés pragmatiques, a été
proposée à G.M. En raison du départ prématuré de la clinique de réadaptation, un bilan cognitif
général d’évolution n’a pas pu être proposé en fin de prise en charge. Ainsi, les effets spécifiques
de chaque intervention et d’éventuels effets de transfert sur d’autres fonctions cognitives n’ont
malheureusement pas pu être quantifiés. Néanmoins, une influence positive de la prise en charge
a pu être observée dans le contexte des thérapies avec des effets cliniques sur la communication
et le comportement de G.M., lui permettant ainsi de travailler de manière plus efficiente et de
bénéficier davantage de l’ensemble de l’offre thérapeutique. Il ressort cependant, en fin séjour, un
manque important de généralisation. En effet, en dehors du cadre structurant des séances théra-
peutiques, G.M. ne parvient pas à appliquer les compétences acquises par le « Self-­Monitoring
Training » ni à mettre en place, en contexte de conversation, les stratégies communicationnelles

194
La communication suite à un traumatisme crânio-­cérébral ■ Cas 7

entraînées par le programme d’Ardisson et Besnardeau (2007). Malheureusement, le manque de


généralisation et les difficultés à maintenir les effets du traitement dans le temps représentent
une problématique récurrente dans ce domaine d’intervention (Ylvisaker et al., 2007 ; Zermatten,
Rochat, Manolov, Berner-­Burkard et Van der Linden, en préparation). Dans notre cas, plusieurs
facteurs y contribuent et représentent des limites à notre prise en charge.

Les séjours des patients en neurorééducation sont de plus en plus courts, d’autant plus chez
les patients comme G.M. qui présentent peu de troubles moteurs. Faute de temps, une applica-
tion rigoureuse de l’approche de self-­monitoring training en cinq étapes n’était pas envisageable.
Notre ligne de base est réduite et nous avons dû renoncer à certaines étapes ainsi qu’à l’instau-
ration d’un système de renforcement (à ce sujet, voir Wood et Alderman, 2011). Néanmoins,
au vu de la baisse rapide du nombre de comportements déviants par séance, notre intervention
a rempli son rôle qui était de contrer les éléments distracteurs qui représentaient un obstacle
à la rééducation. L’approche était pragmatique, orientée vers un résultat (extinction d’un
comportement inapproprié) et non vers un processus. La limite de cette approche est qu’elle
ne renseigne que peu sur les mécanismes influençant et conditionnant le comportement. De
même, les difficultés de transfert à d’autres contextes peuvent s’expliquer par différentes raisons :
manque de conscience anticipatrice, perte de l’objectif en l’absence des éléments contextuels
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attirant directement ou indirectement l’attention sur lui, moindre contrôle exécutif lorsque la
situation est moins cadrée. Si nous avions appliqué le self-­monitoring en dehors du cadre de la
thérapie, comme le préconisent Alderman, Fry et Youngson (1995), nous aurions peut-­être pu
amener le patient à contrôler ses productions orales de façon plus générale. La variation des
contextes est en effet une des méthodes préconisées pour favoriser la généralisation lors de la
phase d’application d’une stratégie (Haskins 2012).

Dans le même ordre d’idée, une implication plus active des proches est à déplorer dans notre
prise en charge. La famille de G.M. habite dans un autre canton. Nous avons certes contacté son
épouse à plusieurs reprises par téléphone pour recueillir ses observations et donner des conseils
généraux par rapport au TCC (par exemple, être attentif à la fatigue lors des retours à domicile
le week-­end), mais il aurait été profitable qu’elle puisse assister à des séances afin d’illustrer les
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troubles, recevoir des explications plus spécifiques quant aux troubles de communication verbale
et des conseils et stratégies pour améliorer les situations conversationnelles dans le quotidien.
Une telle implication des proches aide à la prise de conscience du patient, permet d’élargir le
contexte d’intervention et ainsi facilite la généralisation (Moix et Côté, 2004 ; Keohane, 2009).

Le matériel de rééducation des habiletés pragmatiques expressives proposé par Ardisson et


Besnardeau (2007) se veut progressif, avec une dernière tâche de chaque objectif qui se rapproche
le plus possible d’un contexte naturel alors que les premières sont davantage cadrées, le but
étant de favoriser la généralisation. Malgré ces efforts, les stratégies communicationnelles restent

195
13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

entraînées en situation de face-­à‑face patient/thérapeute, dans un bureau et ainsi encore loin


des situations de conversation de la vie courante. Toujours dans une perspective de généralisa-
tion, les thérapies de groupe ont l’avantage de faire le lien entre la thérapie individuelle et la vie
réelle (Snow et Douglas, 1999). Le groupe permet de mettre le patient au centre de situations
plus réalistes, moins structurées et plus complexes, et d’entraîner, dans un environnement qui
demeure protecteur, l’application des conseils et stratégies apprises en sessions individuelles.
Différents programmes sont proposés dans la littérature (entre autres, Keohane, 2009 ; Braden
et al., 2010) et les travaux publiés semblent plaider en faveur d’interventions de groupes par
rapport aux protocoles individuels (Togher et al., 2014).

Cette présentation de cas s’adresse à des cliniciens. Dans la pratique clinique, il n’est pas
toujours possible de contrôler, quantifier tous les paramètres tel qu’on le souhaiterait idéale-
ment (contraintes temporelles, imprévus, départ précipité…). Malgré cela, il est important de
proposer une intervention guidée par des modèles théoriques, reposant sur des recommanda-
tions scientifiques, et s’adaptant aux particularités du patient. C’est avant tout cette démarche
que nous avons voulu mettre en avant. Le travail avec G.M. a permis de mettre en lumière
le défi que représente la prise en charge des troubles du comportement et des troubles de la
communication verbale pour le clinicien. Ces troubles, de par leurs répercussions fonctionnelles
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parfois dramatiques, doivent faire l’objet d’une intervention spécifique, au même titre que les
troubles d’allure plus cognitive. Trop souvent, la présence de troubles du comportement (par
exemple, cris, persévérations) compromet la rééducation ; dans le cas présent, sans l’intervention
préalable ciblant les persévérations de G.M., il n’aurait pas été possible d’aborder efficacement
les aspects de reconnaissance des expressions faciales et de pragmatique du langage. Avec la
première phase de notre intervention, nous avons voulu montrer l’importance d’intégrer la
gestion de ce type de comportement dans le programme de rééducation. Le travail spécifique
des troubles de communication verbale reste peu développé dans la pratique quotidienne des
neuropsychologues ; il existe cependant des propositions thérapeutiques telles que celles que
nous avons présentées dans cette étude de cas, qui semble montrer des effets encourageants. La
généralisation en dehors du contexte de la clinique de réadaptation demeure un défi.

196
La communication suite à un traumatisme crânio-­cérébral ■ Cas 7

Annexes
Tableau 7.1 – Tests utilisés, résultats bruts, classification selon la norme et interprétation
en termes de déficit (ou appréciation clinique pour les tests non standardisés indiqués par *).
Norme : C > 16 ; Limite : C6-C16 ; Déficit modéré – DM : C5-1 ; Déficit sévère – DS – : C≤1.

Appréciation clinique/
Tests Scores bruts
note standard
Langage oral
Description du discours Logorrhée, digressions, Perturbé
itération thèmes stéréotypés,
remarques personnelles
abondantes, non-­respect
des tours de parole, respect
limité du savoir partagé.
MEC (Joanette, Ska et Côté, Observation du discours : Déficitaire (en dessous
2004) 17/34 du point d’alerte)
Déficitaire (en dessous
Interprétation de du point d’alerte)
métaphores : 34/40

Compréhension d’actes de Limite


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langage indirects : 32/40
Discours narratif :
Rappel de l’histoire 10/13 Norme
Inférence : correcte Réussi
Présence de comportements Perturbé
communicatifs déviants
(remarques personnelles
abondantes, discours
tangentiel, ajout
d’informations)
Boston Naming 33/34 + 1 ébauche syllabique Norme
A (Adaptation selon
Thuillard Colombo et Assal,
1992)
Accès aux noms propres Célébrités dénommées 8/8 Réussi
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(protocole clinique *)
Dénomination continue 42” Norme
animaux (Jacot-­Descombes
et Assal, 1986)
Langage écrit
Écriture automatique et sous Prénom + nom, dictée de Réussi
dictée phrases
Lecture continue animaux 47”, 1 omission DS
(Jacot-­Descombes et Assal,
1986)

197
13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

☞ Appréciation clinique/
Tests Scores bruts
note standard
Calcul
Calculs oraux x ; + ; – : 3/3 Réussi
(prot. clinique *)
Calcul écrit (prot. clinique *) Multiplication écrite 1/1 Réussi
Mémoire
Empan verbal Hebb (CHUV, 7 Norme
1985)1
Empan visuo-­spatial Corsi 6 Norme
(CHUV, 1985)1
Rappel après court délai Nom – prénom : B Réussi
d’informations verbales Visages célèbres 4/8 + 4 Réussi
et visuelles (protocoles sur indice
cliniques *)
15 mots de Rey (CHUV, Apprentissage 7-9-11-11-11 Norme
2002)1 = 49 DM
Reconnaissance 13 – 1 DM
fausse reconnaissance Réussi
Rappel différé 7
Rec. terme à terme différée :
15/15
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Figure complexe de Rey Copie : 29 DM
(CHUV, 2002)1 Évocation immédiate : 21,5 Norme
Évocation différée : 21 Norme
Fonctions exécutives
Réflexes archaïques Palmo-­mentonnier D Résurgence
Absence d’imitation
et d’agrippement
Batterie Rapide d’Efficience 16/18 Norme
Frontale (Dubois et al., 2000)
Programmation graphique
Frises de Luria (CHUV, 5 frises correctes à la suite Limite
1987)1 en 38”
Programmation motrice
Séquence gestuelle 9 séq. correctes à la suite en 30” Réussi
Coordination réciproque 9 alternances en 30”
bimanuelle (CHUV, 1987)1 Réussi

1. L’abréviation CHUV (centre hospitalier universitaire vaudois) fait référence à une large opération de valida-
tion et normalisation de diverses épreuves réalisées auprès de 420 sujets francophones romands de différents
niveaux socio-­culturels (population décrite dans Thuillard Colombo et Assal, 1992).

198
La communication suite à un traumatisme crânio-­cérébral ■ Cas 7

☞ Appréciation clinique/
Tests Scores bruts
note standard
Incitation verbale
Fluence littérale (CHUV, « M » en 1’ : 8 Limite
1985)
Fluence catégorielle (CHUV, « Animaux » en 1’ : 17 Norme
1985)1
Incitation figurale
5 points (Goebel et al., 2009) 23 productions, 2 répétitions Norme
Inhibition
Dénomination en conflit 47” Norme
avec la lecture (animaux)
(Jacot-­Descombes et Assal,
1986)
Anti-­saccades oculaires 10/10 Réussi
(protocole clinique *)
Abstraction
Test de Kramer (CHUV 3 critères Limite
1987)1
Flexibilité mentale
Color Trail Test CTT 2 : 126” Norme
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(D’Elia et al., 1996)
Estimation cognitive
Test d’Estimation cognitive 3 points Norme
(adapté de Shallice et Evans,
1978)
Planification – organisation
Tower of London Nb total de déplacements : 48 Norme
(Culbertson et Zillmer, 4 violations de règles DS
2005) Score de rang : 6 Norme
Tâche des 6 éléments Score de profil : 4
de Shallice (Grefex,
Godefroy et al., 2010)
Fonctions attentionnelles
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Color Trail Test (D’Elia CTT 1 : 45” Norme


et al., 1996)
TAP 2.3 (Zimmerman et
Fimm, 2012)
Alerte tonique Méd. : 271 ms Norme
Alerte phasique Méd. : 251 ms Norme

199
13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

☞ Appréciation clinique/
Tests Scores bruts
note standard
TAP 2.3 (Zimmerman Modalité auditive :
et Fimm, 2012) Méd. 857 ms/écart-­type DS/DM
Attention divisée 269 ms
Modalité visuelle : DM/Norme
Méd. 1 139 ms/écart-­type Norme
208 ms Norme
Total omission : 1
Total fausses réponses : 2
Raisonnement
PM 38 de Raven, version 23/30 en 10’ Norme
abrégée (CHUV, 1985)1
Cognition sociale
Théorie de l’Esprit
TOM – 15 (Desgranges 1er + 2e ordre : 15/15 Norme
et al., 2012)
Reconnaissance d’expressions
faciales émotionnelles
Ekman 60 faces test 40/60
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(Young, Perrett, Calder, Surprise 6/10 ; dégoût 6/10 ; DM
Sprengelmeyer et Ekman, peur 2/10 : joie 10/10 ; colère
2002) 9/10 ; tristesse 7/10

Pour l’objectif « maintien du sujet » : exemple de la stratégie de communication


et du pictogramme pour l’illustrer (a) et d’un exercice de sensibilisation (b)
(adapté d’Ardisson et Besnardeau, 2007)

a) Stratégie de communication

‡‡ Partie I. Maintien du sujet

Stratégie de communication # 1
Est-­ce que je bifurque ?

Pour savoir si on bifurque, on doit se poser deux questions :

1) Est-­ce que je suis toujours dans le même thème de conversation ?

Exemples : la musique, les chiens, les loisirs.

200
La communication suite à un traumatisme crânio-­cérébral ■ Cas 7

2) Est-­ce que je réponds toujours à la question qui m’a été posée ?

Exemple : je parle toujours de mon chien, mais je parle de la marche qu’on a faite ensemble
et je ne réponds plus à la question qui était : « Où as-­tu acheté ton chien ? ».

Exemple : je parle toujours de la musique, mais je parle du spectacle de musique que j’ai vu
l’été dernier et je ne réponds plus à la question qui était : « Est-­ce que la musique d’avant était
bien meilleure que maintenant ? ».

Pictogramme :
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b) Exercice de sensibilisation

‡‡ Exercice 1a. Garder en tête la question posée


pour ne pas en diverger

Consigne : « Je vais vous proposer une série de questions/réponses : certaines réponses répondent
à la question posée alors que d’autres n’y répondent pas. Vous devrez désigner le pictogramme
(l’autoroute) quand le sujet n’est pas maintenu c’est-­à‑dire que la réponse ne correspond pas
à la question posée. »
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Deux personnes, Martine et Jean, échangent sur des thèmes variés pour faire plus ample
connaissance :

1. Jean demande : « Quel est votre âge ? »


Martine répond : « 23 ans. »
2. Jean : « Où êtes-­vous né ? »
Martine : « Ma sœur est née à Paris. »
3. Martine : « Combien de langues parlez-­vous ? »

201
13 cas cliniques en neuropsychologie des émotions

Jean : « Je comprends l’italien et le portugais. »


4. Martine : « Combien mesurez-­vous ? »
Jean : « 1 m 82. »
5. Jean : « Êtes-­vous allé à la pharmacie récemment ? »
Martine : « Je n’ai pas eu besoin d’aller voir le médecin. »
6. Martine : « Avez-­vous une boulangerie près de chez vous ? »
Jean : « Oui, dans mon quartier il y a tout ce qu’il faut : pain, viande, mercerie, etc. »
7. Jean : « Combien avez-­vous d’enfants ? »
Martine : « Ils ont tous trouvé du travail à Paris. »
8. Jean : « Voyagez-­vous en voiture ou en transport en commun ? »
Martine : « Généralement, je préfère prendre mon auto. »
9. Martine : « Quel est votre sport favori ? »
Jean : « Je préfère le tennis à n’importe quel autre sport. »
10. Martine : « Regardez-­vous souvent la télévision ? »
Jean : « Je vais souvent au cinéma. »
11. Martine : « Voyagez-­vous souvent ? »
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