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CHAPITRE 23.

UNE NOUVELLE AUTORITÉ SANS PUNITIONS NI FESSÉES

Catherine Dumonteil Kremer


in Roland Coutanceau et al., Violences psychologiques

Dunod | « Psychothérapies »

2014 | pages 261 à 271


ISBN 9782100712380
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/violences-psychologiques---page-261.htm
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Chapitre 23

Une nouvelle autorité


sans punitions ni fessées

Catherine Dumonteil Kremer


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ES PARENTS M ’ ONT ÉLEVÉ avec les systèmes en vigueur à
M l’époque, quelques fessées, beaucoup de menaces. Lorsque
le problème de l’autorité s’est posée à moi, d’abord en tant que
professionnelle, je n’ai vu que deux méthodes pour éviter une violence
qu’il n’était nullement question d’utiliser : la séduction (j’ai commencé
à travailler dans les quartiers nord de Marseille à vingt-trois ans, d’abord
dans un centre social, ensuite dans une classe, à cet âge-là cela pouvait
fonctionner) et une incroyable fermeté qui faisait que je ne lâchais rien.
Quoiqu’il m’en eût coûté cela n’était pas possible, car les précédents
créés auraient alors permis que les autres jeunes en classe ou ailleurs
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s’engouffrent inévitablement dans la faille.

É VITER LA RÉPRESSION ÉDUCATIVE


C’est avec mon premier enfant que s’est imposée à moi une recherche
systématique de ce qui pouvait éviter la répression éducative. J’étais
extrêmement motivée pour ne pas blesser ma petite, pas plus physique-
ment que psychologiquement. Mais mon système « non violent » restait
basé sur le contrôle, le renforcement positif, des critiques que je croyais
inoffensives, une colère que je dominais à grand-peine. Un mouvement
était cependant en route, ma formation de parent avait commencé et
n’allait pas cesser de s’améliorer.
262 P RISE EN CHARGE ET PRÉVENTION

Au gré de mes rencontres et de mes lectures, mais aussi et surtout


de la naissance de mes enfants car j’en eus deux autres, j’ai trouvé
d’autres idées, et j’ai eu envie de les partager. Mon isolement parental
était flagrant, je ne pensais pas qu’il puisse en être autrement, j’ai
pourtant créé une association, puis une liste de discussion sur le thème
de la vie de famille non violente, cela a été pour moi le début d’une
démarche d’accompagnement des parents. J’ai inventé un nouveau
métier : consultante familiale. Sur l’accompagnement des enfants, je
faisais chaque jour de nouvelles découvertes. J’ai grandi avec mes filles
et mes beaux-enfants, le travail ne manquait pas, les situations complexes
se posaient à chaque instant, et la liste de discussion jouait le rôle de
démultiplicateur de problèmes, et de solutions. En réalité, le simple fait
de se poser la question : comment faire sans fessées, ni punitions, ouvrait
la porte à des ressources de créativité insoupçonnées. Cela devenait aussi
stimulant que le fait de devoir résoudre une énigme. Chaque situation
était unique, et requérait des réponses uniques elles aussi.

U N PROTOCOLE POUR POSER LES LIMITES


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AVEC BIENVEILLANCE ET CRÉATIVITÉ EN QUATRE
ÉTAPES SIMPLES

On l’oublie parfois mais la créativité est indispensable à la recherche


de solutions entièrement nouvelles à chaque fois. Si vous êtes parents et
concernés par le sujet je vous demande de ne pas prendre ce protocole
au pied de la lettre, il y a bien sûr des exceptions, et aussi des façons
de faire que nous n’avons pas encore trouvé vous, les professionnels et
activistes travaillant sur ce thème et moi.
N

Étape 1 : lâcher prise

C’est un premier pas. Est-ce que, par hasard, le monde s’écroulerait si


je lâchais cette règle ? Qu’est-ce qui me dérange dans ce comportement ?
Quelles en sont les conséquences ?
D’où me vient donc cette idée ? Est-il possible que je remette en
scène des règles imposées sans réflexion pendant mon enfance ? Je me
rappelle il y a quelques années de la participation de deux médecins
à une formation parentale que j’animais, et de leur vision du lavage
systématique des mains avant de passer à table par exemple, selon leurs
critères cette règle s’avérait inutile.
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Les conventions : dire bonjour, merci, au revoir, s’il te plaît, est très
difficile à appréhender pour un bambin (entre 2 et 6 ans). Elles seront
intégrées par un exemple donné, bien mieux que par des injonctions
souvent blessantes et incompréhensibles.
C’est un peu ce que j’appelle passer les règles au travers du tamis du
sens.
N

Étape 2 : rechercher les besoins non comblés

Un être humain est un peu comme un système qui à son point


d’équilibre fonctionne avec empathie, amour, intelligence, joie de vivre,
coopération.
Ce qui va dérégler le système ne permettra plus un fonctionnement
adapté. Quand un besoin n’est pas comblé, un enfant répondra souvent
par un comportement que nous trouvons inapproprié (Dumonteil Kremer,
2009, 2014).
En cas de problème on peut donc légitimement se poser la question
suivante : de quoi a-t-il besoin ?
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Un tout-petit dont les besoins de base ne sont pas comblés peut réagir
très fort complètement hors contexte, j’entends par là qu’il ne passera
pas par la case : « Je suis fatigué et j’ai faim » mais qu’il se roulera
plutôt au sol en hurlant (par exemple) en plein supermarché, ce qui
ne manquera pas de désarçonner ses parents et de leur donner un fort
sentiment d’incompétence.
Quand ses besoins ne sont pas comblés, un enfant accumule les
tensions en lui et finit par les décharger au moment où le vase déborde,
et c’est ainsi qu’il récupère des souffrances qu’il éprouve. Une fois la
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crise passée, si nous comprenons qu’il est en train de mettre en marche


les stratégies de guérison communes à tous les humains, il reviendra
à son point d’équilibre et sera à nouveau prêt à vivre pleinement. Le
malentendu s’installe quand les enfants sont punis ou désapprouvés
très fortement alors qu’ils sont en pleine crise salvatrice. Ce faisant,
ils apprennent à contenir leurs émotions et commencent à mettre en
panne leur système naturel de récupération (Wipfler, 1994).
Les besoins physiologiques sont prioritaires : manger, dormir, élimi-
ner, mais aussi être câliné, obtenir de l’attention et pouvoir nourrir sa
passion d’explorer.
Pour moi tous ces besoins sont fondamentaux. Quand ils ne sont pas
satisfaits, il y a des conséquences sur le fonctionnement du corps et bien
sûr sur le comportement de l’individu concerné.
264 P RISE EN CHARGE ET PRÉVENTION

Devenir détective
En devenant parent nous allons porter de multiples casquettes, celle de
détective dans un premier temps. Il nous faudra beaucoup d’ingéniosité
pour savoir pourquoi notre enfant se met « dans un état pareil ». Il a
beaucoup de chagrin, il est dévasté par la rage ou la colère, nous voulons
trouver les raisons, cela est toujours utile. Mais ce qui l’est plus encore
c’est de se mettre en mode écoute, et d’accueillir sans essayer de les
rationaliser les émotions qui s’expriment. Elles effectueront une tâche
importante pour notre petit. Bien sûr lorsque nous comprenons pourquoi
notre enfant est complètement bouleversé en sortant de l’école, nous
pouvons peut-être remédier à son problème mais, en attendant, savoir
que les émotions portent en elles une partie de la solution nous évitera
de nous tromper de réponse. Et puis, parfois, il n’y a pas d’événement
à la source de la décharge émotionnelle, mais plutôt une accumulation
de tensions au cours de la journée passée loin des parents, à l’école, à la
crèche, chez l’assistante maternelle.

Le besoin d’attention
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J’aimerais ici mettre le focus sur le besoin d’attention car les enfants
aujourd’hui en manquent parfois beaucoup. Notre mode de vie trépidant,
l’absence de soutien à la famille (même si en France notre situation reste
parmi les plus privilégiés au monde sur ce plan), fait que nous avons
souvent le sentiment de participer à une course effrénée que nous devons
absolument courir. Métro, boulot, dodo..., on a parfois l’impression de
ne jamais avoir le temps de se poser ! Une étude commandée par Ikéa
et menée sur deux mille familles britanniques a révélé que les couples
qui travaillent tous les deux passeraient seulement 36 minutes par jour à
profiter de leurs enfants, une fois les bains, la préparation des repas et les
tâches ménagères effectuées. Sur une année, cela représenterait moins
de quinze jours. Une situation qui fait souffrir les parents et les enfants.
Un enfant peut réagir très fort au manque de temps parental. Il peut aussi
combler ce besoin assez rapidement, à la condition que nous, les parents,
pensions à intégrer des moments fréquents de partage avec lui.
Une discussion en tête à tête au moment du coucher, un long câlin qui
signe les retrouvailles à la fin de la journée, des petits rituels qui mettent
de la chaleur dans le quotidien, des jeux : le matin avant de se séparer,
le soir à la place du bain, de la confection des repas qui peuvent être
réaménagés. Les contraintes de notre emploi du temps pourraient être
revues à la baisse. « Les personnes avant les choses » c’était l’une des
devises de la Leche League, association de soutien à l’allaitement où j’ai
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trouvé une mine de sagesse parentale, et il me semble qu’elle s’applique


assez justement à la cellule familiale.
N

Pour résumer

Un besoin non comblé provoque chez l’enfant une réaction que nous
trouvons souvent disproportionnée, ou inappropriée, mais le simple fait
de combler le besoin va faire disparaître le comportement. Nous avons
à chercher quel est ce besoin pour essayer de le combler même si cela
s’avère plus énigmatique qu’une enquête judiciaire. C’est ainsi que nous
apprenons peu à peu à comprendre de mieux en mieux nos enfants.
Une décharge émotionnelle n’est pas un comportement inadapté mais
un processus de guérison.
Bien sûr la première chose à faire est de combler le besoin, mais
parfois cela s’avère impossible. Les conditions ne le permettant pas : un
tout-petit qui pleure parce que sa mère est partie travailler par exemple
pourra être accueilli dans son chagrin.
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Il arrive aussi que nous n’arrivions pas à remonter à la source du
problème, un enfant qui est en rage parce que le biscuit que nous lui
donnons est cassé en deux morceaux nous déroute, et s’il est parfois
facile de comprendre que cet « événement » est une goutte d’eau, il est
moins aisé de trouver les besoins à combler.
J’ajoute que cette information sur les émotions nous sera utile tout au
long de notre vie de parent. Je ne compte plus dans la vie de mes enfants
les moments d’impuissance (conflits, hospitalisation, deuil, etc.) qui ont
été accompagnés par une écoute salutaire des émotions.
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Étape 3 : si le problème est toujours là

Si le problème est toujours là parce qu’on ne trouve pas le besoin à


combler (ou plus simplement parce qu’un désaccord évident se met en
place), il reste que le comportement d’un enfant — tout comme celui
d’un adulte d’ailleurs — est un message. Que veut-il dire ?

Devenir interprète

On apprend à cette étape à devenir interprète, on recherche le message


à travers le comportement. Et Dieu sait que des messages sont émis à
chaque instant par les enfants. Leur langage corporel est éloquent, mais
266 P RISE EN CHARGE ET PRÉVENTION

aussi leurs attractions et répulsions, leurs agressions, leur propension à


vivre dans le présent. Ces interprétations nous reconduiront peut-être à
notre étape un : y a-t-il un besoin à combler, des émotions à écouter ?
Le message peut s’avérer très subtil : il évite soigneusement certains
aliments ou bien il ne veut plus se laver les cheveux, il s’est passé quelque
chose peut-être qui l’empêche de faire ce que jusque-là il faisait sans
problème. À six ans, il demande à être habillé comme un tout-petit.
Quel est le message : « J’ai encore besoin de ton attention comme un
petit bébé. » Le comprendre nous aide à faire face et à répondre à cette
demande inattendue jusqu’à ce que notre enfant montre qu’il n’en a plus
besoin.
N

Étape 4 : rechercher des solutions élégantes


et créatives

On recherche alors des solutions alternatives à la violence éducative


ordinaire et l’enfant participe au processus dès qu’il est en âge de le faire.
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Nous avons en général affaire à deux catégories d’actions, il y a celles
auxquelles nous voudrions que nos enfants se prêtent (se brosser les
dents, dire bonjour, se vêtir le matin avant d’aller à l’école, participer
aux tâches d’entretien de la maison familiale, etc.) et celles que nous
refusons qu’ils mettent en œuvre (agresser les autres autour de lui, jeter
la nourriture au sol, dégrader, casser des objets qui ne lui appartiennent
pas, se mettre en danger en traversant seul, etc.)
Je voudrais ici mettre en avant trois points communs au traitement de
ces deux catégories d’actions :

Nos enfants apprennent par imitation


Quoi qu’il se passe ils enregistrent nos actions, nos tensions, nos
paroles, notre façon d’être, ils feront avant tout ce que nous faisons. Ils
feront aussi avec nous ce que nous faisons avec eux. Les exemples de
ce fait sont innombrables dans mon expérience. Personnellement, je suis
assez désordonnée, et j’ai des enfants qui m’ont bien souvent montré ce
comportement chez moi en s’inspirant de mon sens « démoniaque » de
l’organisation. J’en ai bien sûr été exaspérée avant de me rendre compte
que je devais prendre la situation en main pour moi-même d’abord.
Je me souviens aussi de cette maman à qui on avait conseillé de
confisquer sa console de jeux à son enfant quand il avait agi de façon non
conforme à ses demandes, ce dernier ne tarda pas à cacher l’ordinateur
Une nouvelle autorité sans punitions ni fessées 267

de sa mère et son téléphone quand quelque chose lui déplaisait. Pratique-


ment tous les parents avec lesquels je travaille se souviennent du jour où
ils ont entendu parler leurs enfants avec la même intonation que la leur,
utilisant les mêmes mots exactement. Après un instant de stupéfaction
les prises de conscience apportent un réel changement.
L’écoute apporte compréhension et apaisement, elle est un préalable à
la pose de limite (Filiozat, 2013).
Nous avons parlé un peu plus haut d’écoute des émotions, j’aimerais
ajouter l’écoute des paroles. En faisant cette démarche nous faisons le
point sur la situation de notre enfant.
Nous tentons de comprendre ses sentiments. Un message d’écoute est
souvent apprécié car il reconnecte les protagonistes dans ce qu’ils ont de
commun : leur motivation pour une meilleure relation. C’est ce que nous
souhaitons et c’est aussi ce que veulent nos enfants.
L’écoute a pour effet d’apaiser les ressentis difficiles, elle consiste
simplement à reformuler ce que va dire l’enfant ou à trouver le sentiment
qu’il éprouve.
Elle lui permet de revenir à un état sécurisé, ainsi il se sentira compris,
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et pourra avec cette acceptation de lui-même, se développer en toute
sérénité.
En voici un exemple.

Vignette clinique

« Je ne veux pas aller à l’école »


Message possible : « Mais si tu verras, tu vas retrouver tes amis, et la maîtresse
est si gentille. »
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En faisant cela nous tentons de réparer en faisant évoluer les sentiments de


l’enfant, mais l’enfant ne peut pas éprouver autre chose que ce qu’il ressent,
nous ne pouvons pas l’en empêcher.
En revanche, reconnaître ce qu’il éprouve c’est l’aider à se comprendre
lui-même et lui permettre de trouver une solution.
« Tu ne veux vraiment pas y aller ? » ou bien : « Ça ne va pas ce matin ? », « Tu
ne te sens pas l’énergie d’aller à l’école ? »
On voit assez clairement dans cet exemple que le parent n’essaie pas de
contrecarrer l’état intérieur de son enfant, ce message d’écoute pourra
constituer l’entrée en matière d’une discussion constructive qui permettra une
réflexion sur le problème et ses éventuelles solutions, et qui rapprochera le
parent et l’enfant.
268 P RISE EN CHARGE ET PRÉVENTION

Je vous renvoie notamment aux écrits de Gordon (1996) et Rosenberg


(1999), tous deux élèves de Carl Rogers qui est à l’origine des techniques
de communication interpersonnelles dont l’écoute active fait partie
(Rogers, 1961).

Quand dire « non » est une nécessité


Il arrive que le refus s’impose. Dire « non » est parfois nécessaire. Un
jouet que l’on ne peut acheter, une sortie qui ne pourra pas se faire, un
copain qui ne sera pas invité au moment où l’enfant le souhaite. Quand on
oppose à un enfant un refus, il est traversé par un sentiment de déception,
une tristesse peut aussi se manifester, ou bien de la colère. Quand nous
écoutons les émotions qui surgissent après un refus, notre enfant récupère
de la frustration qu’il a subie.
Le « non » permet aussi de savoir dire « oui » le cœur grand ouvert !
Voici trois exemples de pose de limite tirés de la vie quotidienne des
familles que je côtoie.
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Vignettes cliniques

1. Elliot, 3 ans, ne veut pas se brosser les dents, ses parents ont beau lui
expliquer le bien-fondé de cette habitude, rien n’y fait. Plusieurs possibilités
s’offrent à ses parents :

 Se brosser les dents ensemble, et accepter qu’Elliot soit en phase d’appren-


tissage, il pourra par exemple les premières fois simplement mettre un peu
de dentifrice sur sa brosse à dents, et la mettre dans sa bouche, sans pour
autant brosser, il acquerra peu à peu les gestes techniques.
 Il existe dans le commerce des brosses à dents plutôt ludiques qui vibrent
quand le temps du brossage est écoulé, ou qui change de couleur, cela
peut motiver un petit.
 On pourra lui proposer de brosser ses dents avec délicatesse, pendant
qu’il brossera les nôtres, exercice très amusant, en général les enfants en
redemandent !
 Sa première visite chez le dentiste peut être une opportunité de passer le
relais à un professionnel qui peut à la fois expliquer la raison du brossage
ainsi que sa technique optimale.
 Pour montrer à un enfant la résistance de la plaque dentaire, utiliser du
révélateur de plaque (qui la colorera en rose) peut s’avérer amusant et
instructif il faudra brosser assez fort pour la faire disparaître.
 Utiliser des petits outils, miroirs par exemple pour regarder l’état de ses
dents.
Une nouvelle autorité sans punitions ni fessées 269

2. Anna, 7 ans, a un petit frère depuis un an, celui-ci commence à se déplacer,


mais très fréquemment la petite fille arrache des jouets des mains de son frère
et le tape.
Quelques idées pour les parents d’Anna :

 Au moment où le petit frère est agressé, il est important de s’interposer.


Ainsi, on protège le plus jeune, mais l’aînée éprouve parfois de la honte à
cause de son comportement. Comme souvent dans ce genre de situation,
c’est l’agresseur qui souffre le plus, s’il en est là c’est qu’il n’en peut plus.
 Ce n’est pas facile d’accueillir un bébé qui semble prendre tout le temps
disponible des parents.

Anna a besoin d’attention exclusive, peut-être son papa pourrait-il faire des
sorties spéciales avec elle de temps à autre, et sa maman pourrait lui consacrer
un temps de câlin ou de jeu chaque jour.

 Anna est l’aînée et pour autant elle est encore petite, elle a aussi envie que
l’on s’occupe d’elle de temps à autre comme on le fait pour le bébé.
 Il n’est pas question de la punir quand elle attaque le bébé, mais plutôt
de lui manifester son désaccord clairement et de l’empêcher de passer à
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l’acte si on la surprend en utilisant une force non violente. Il est probable
que rendue ainsi impuissante, elle fasse une crise de colère importante, une
manifestation émotionnelle à écouter.
 Anna exprimera peut-être avec conviction qu’elle n’aime pas ce petit garçon,
qu’elle le déteste, qu’elle aimerait qu’il disparaisse. Écouter ses sentiments
lui apportera un soulagement, les messages « Tu aurais préféré rester notre
seul enfant ? », « Tu aimerais vraiment qu’il ne soit pas là ? » sont des
messages d’écoute qui vont aider les aînés à se rapprocher de leur plus
jeune frère ou sœur. C’est le résultat que produisent l’écoute et l’acceptation.
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3. Tristan (2 ans) adore jouer avec la nourriture, ce qui n’est pas facile à
supporter pour ses parents.
C’est un cas typique où l’on peut proposer à l’enfant une activité alternative.
Pour lui permettre de satisfaire cet engouement, on lui proposera par exemple
une bassine avec de la semoule, ou de la farine et de l’eau afin qu’il puisse
manipuler tout son saoul ces réjouissantes matières.
Pour la plupart des parents il est très difficile de déterminer le moment où
ils doivent poser une limite. C’est la raison pour laquelle identifier ses règles
non négociables est une idée intéressante, pour éviter de commencer une
négociation épuisante alors que la réponse sera invariablement « non ». Chez
nous les règles non négociables consistaient à ne pas frapper les êtres humains
et les animaux, ne pas dégrader nos biens ni ceux des autres. En dehors de
cela, tout était discutable.
270 P RISE EN CHARGE ET PRÉVENTION

Réparer
Une réparation est toujours possible, on peut la proposer à l’enfant
lorsque ses actions ont eu des conséquences sur des personnes, des lieux,
ou des objets. Une réparation se discute avec l’enfant concerné et n’est
en rien une punition ou une sanction.
L’enfant en est l’initiateur, c’est lui qui va déterminer ce qu’il souhaite
faire pour réparer ses actes ou ses paroles.
Pour les parents aussi la réparation s’avère bien utile. Lorsque l’on
a le sentiment de ne pas avoir comblé un besoin, d’avoir blessé son
enfant alors que l’on n’en avait nullement conscience, la réparation nous
redonne confiance en nos compétences et nous extirpe très efficacement
de la culpabilité.

La pose de limites, un sujet complexe


La pose de limites sans violence est un sujet complexe et en perpétuel
remaniement. Nous sommes nombreux à y travailler, vous pouvez
participer à cette œuvre collective en partageant vos idées sur la liste
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de discussion des parents conscients par exemple, ou en tenant un
blog comme le font certains parents avec toutes vos trouvailles dans
ce domaine, ou en vous formant pour accompagner d’autres parents.

Le soutien à la parentalité, une révolution en marche


Tout ce travail personnel de recherche, de réflexion, nous permet de
récupérer notre vitalité. C’est une croissance personnelle étonnante et
inattendue, nous allons bien mieux alors que nous avions commencé
l’accompagnement de nos petits dans la difficulté, le découragement et
l’isolement. Dans notre recherche de solutions nous avons parfois rejoint
d’autres familles.
Dans mon expérience, un groupe de parents est une mine de sagesse.
Le soutien donné fait constamment boule de neige, j’entends par là que
les parents qui reçoivent ont envie de donner à leur tour et deviennent les
moteurs d’un changement très efficace.
Dans le réseau « Parents conscients » qui compte aujourd’hui trois
mille membres, les projets ont surgi de toute part : montage d’asso-
ciations de soutien à la parentalité dans diverses régions de France,
création de l’observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO),
organisation de la journée de la non-violence éducative... Certains ont
écrit des ouvrages, d’autres monté des maisons d’édition, cette liste est
devenue un véritable vivier de créativité, une mine d’idées !
Une nouvelle autorité sans punitions ni fessées 271

Tout cela parce que pour nos enfants nous souhaitons le meilleur et
que nous comprenons très vite qu’ils sont l’avenir de notre monde et
qu’ils seront plus à même de répondre aux défis qui se présenteront à
eux si leur créativité et leur sensibilité ont pu se développer dans un
environnement respectueux.
Le rapport du centre d’analyse stratégique Aider les parents à être
parents datant de 2012 et édité par la Documentation française souligne
les bénéfices énormes qui pourraient être faits grâce à des programmes
de soutien destinés aux parents animés par des parents formateurs.
Pour les soutenir, il suffit de les écouter, de les comprendre, de leur
redonner confiance, de leur transmettre quelques outils... Ils seront alors
prêts à prendre le relais. Les parents sont les acteurs politiques d’un
changement en profondeur, une vague de bienveillance en marche !
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