Vous êtes sur la page 1sur 23

DU DSM-5 À LA NEUROPSYCHOLOGIE : L’EXPLORATION COGNITIVE

DANS LE DIAGNOSTIC DES TROUBLES NEURODÉVELOPPEMENTAUX

Dorothée Leunen, Catherine Grosmaitre

Érès | « Contraste »

2020/1 N° 51 | pages 69 à 90
ISSN 1254-7689
ISBN 9782749266893
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-contraste-2020-1-page-69.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Érès.


© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
© Érès. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


Du dsm-5 à la neuropsychologie :
l’exploration cognitive
dans le diagnostic des troubles
neurodéveloppementaux
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
Dorothée Leunen et Catherine Grosmaitre

Résumé
Classiquement, l’évaluation neuropsychologique vise à une compréhension
globale du fonctionnement cognitif de l’enfant dans une perspective dévelop-
pementale. La nouvelle version du dsm introduit des changements dans l’ap-
proche conceptuelle et clinique des troubles neurodéveloppementaux dans
la pratique neuropsychologique. Le premier changement concerne le carac-
tère développemental et la survenue potentiellement précoce des troubles. La
neuropsychologie s’est toujours intéressée aux trajectoires développementales
propres à chaque enfant en mettant en évidence une variabilité de la sémiologie
clinique des troubles cognitifs avec l’âge. Il s’avère toutefois désormais essen-
tiel de proposer des explorations cognitives dès les premières plaintes expri-
mées par l’enfant ou son entourage. L’approche dimensionnelle, et non plus
critériologique des troubles, constitue un autre changement majeur apporté par

Dorothée Leunen, neuropsychologue, PhD, hôpital Necker-Enfants malades, service de


psychiatrie de l’enfant et d’adolescent ; dorothee.leunen@aphp.fr
Catherine Grosmaitre, neuropsychologue, PhD, hôpital Necker-Enfants malades, service
de psychiatrie de l’enfant et d’adolescent ; catherine.grosmaitre@aphp.fr

69

CONTRASTE 51.indd 69 20/04/2020 14:03


Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

le DSM-5. Il est désormais décrit un continuum entre le normal et le patho-


logique, avec des degrés divers de sévérité et un spectre d’atteintes cliniques.
Dans l’objectif d’apporter les aides les plus adaptées à chaque enfant, l’évalua-
tion neuropsychologique doit ainsi non seulement se centrer sur la nature des
troubles cognitifs mais, aussi, sur leur impact sur le fonctionnement social,
personnel et scolaire d’un individu. Un autre apport essentiel du dsm-5 porte
sur la comorbidité des troubles, à savoir l’association ou l’intrication possible
de plusieurs troubles neurodéveloppementaux. Ce changement reflète mieux
la réalité clinique, la grande variabilité des troubles et leur nature plurielle.
La durabilité des troubles est un dernier point central modifié dans le dsm-5.
Cette dernière version met ainsi l’accent sur la persistance des troubles, malgré
certaines aides appropriées sur un plan thérapeutique.
Les modifications proposées par le dsm-5 apportent de nouvelles perspec-
tives en neuropsychologie pédiatrique, en recherche comme dans la pratique
clinique, notamment dans l’évaluation précoce des troubles avant l’âge de 3 ans
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
et l’établissement de définitions plus spécifiques des troubles cognitifs selon les
tableaux cliniques présentés par certains enfants et adolescents.
Mots-clés
Neuropsychologie, dsm-5, diagnostic, troubles neurodéveloppementaux, troubles
cognitifs.

L
es troubles neurodéveloppementaux désignent des perturbations
hétérogènes du développement cognitif ou affectif, survenant
le plus souvent précocement durant l’enfance et résultant d’un
développement cérébral atypique (Yeargin-Allsopp et Boyle, 2002 ;
Mullin et coll., 2013). Définis pour la première fois dans la cinquième
édition du dsm (apa, 2013), les troubles neurodéveloppementaux
entraînent des répercussions notables sur le fonctionnement adap-
tatif personnel, social, scolaire et familial des personnes concernées.
Ces troubles se manifestent à des degrés variables, allant de déficits
spécifiques (limités par exemple aux apprentissages, à l’attention ou à
la communication) à des désordres plus globaux des fonctions intel-
lectuelles ou des interactions sociales. Jusqu’alors considérés comme
distincts au sein des précédentes versions du dsm, ces regroupements
sémiologiques supposent que des mécanismes communs s’expriment
donc au cours du développement de l’enfant. Par ailleurs, avec le dsm-5,

70

CONTRASTE 51.indd 70 20/04/2020 14:03


Du dsm-5 à la neuropsychologie : l’exploration cognitive dans le diagnostic…

l’importance des corrélats neurobiologiques et des facteurs étiopatho-


géniques associés aux troubles est nettement mise en lumière. Dans
cette dynamique, la neuropsychologie de l’enfant est porteuse de riches
perspectives cliniques et fondamentales. L’objet de cet article est de
discuter de ce que la cinquième version du dsm modifie dans la pratique
neuropsychologique actuelle et comment cette dernière peut enrichir
le diagnostic des troubles neurodéveloppementaux en y abordant les
points suivants :
– l’approche neuropsychologique classique chez l’enfant ;
– l’influence du dsm-5 sur la pratique neuropsychologique ;
– l’apport de la neuropsychologie sur les représentations médico-­
psychologiques des troubles de l’enfant.

L’approche neuropsychologique classique


© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
dans les troubles cognitifs de l’enfant
Initialement développée pour déterminer les relations potentielles entre
une fonction cognitive dysfonctionnelle et une localisation cérébrale,
la neuropsychologie contemporaine s’extrait progressivement de cette
première quête des relations anatomo-cliniques. En effet, elle s’en-
richit aujourd’hui de nombreuses activités et compétences, jusqu’à
jouer un rôle essentiel dans les représentations médico-psychologiques
des pathologies et de leurs manifestations. L’évaluation neuropsycho-
logique constitue une part importante de l’activité du psychologue-
neuro­­psychologue ; elle représente d’ailleurs probablement la facette
la plus connue de ce métier. Plusieurs raisons justifient la réalisation
d’un bilan neuropsychologique chez un enfant ou un adolescent. De
façon non exhaustive, nous pouvons retenir :
– le besoin de disposer d’une vision globale du fonctionnement
de l’enfant pour mieux comprendre et analyser ses difficultés et
ses besoins ;
– les obligations administratives, en particulier pour la recon-
naissance du handicap (dossier mdph, orientation scolaire en
dispositif spécialisé, etc.) ;

71

CONTRASTE 51.indd 71 20/04/2020 14:03


Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

– l’importance d’identifier précocement les troubles cognitifs afin


de prévenir leurs conséquences sur le devenir et la vie de l’enfant ;
– la nécessité de proposer des prises en charge adaptées et des préco-
nisations thérapeutiques. Cet article se proposant de discuter
avant tout des contributions du dsm-5 dans la pratique neuro­
psychologique, seul le premier point sera désormais considéré.
L’exploration neuropsychologique est classiquement proposée à partir
de l’âge de 3 ans, lorsque des inquiétudes sont formulées par la famille
ou un professionnel au sujet des apprentissages, du raisonnement,
du comportement et/ou des interactions sociales de l’enfant. Elle est
également recommandée lors des périodes-clés du développement d’un
individu (comme lors de l’entrée en maternelle ou en cp, ou lors des
stades d’acquisition attendus pour le développement d’une fonction)
ainsi que dans une perspective longitudinale pour définir avec précision
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
l’impact d’un dysfonctionnement sur le répertoire cognitif.
L’évaluation neuropsychologique débute systématiquement par un
entretien anamnestique rigoureux réalisé auprès de la famille et de
l’enfant. Cet entretien vise, d’une part, à comprendre quelles sont
les plaintes et les difficultés de l’enfant et, d’autre part, à cerner leurs
retentissements sur le fonctionnement familial, social et scolaire.
Dans un second temps, lors de l’évaluation à proprement parler, une
exploration cognitive est proposée, par le biais d’épreuves, standardisées
et validées auprès de larges populations de référence, et qui servent alors
de médiateurs pour définir le fonctionnement et les apprentissages d’un
enfant. La neuropsychologie trouve, en effet, ses principaux fondements
dans la psychométrie, véritable science de la mesure en psychologie.
Celle-ci offre notamment la possibilité de saisir les difficultés d’un
enfant en les considérant selon des critères spécifiques d’âge, de niveau
scolaire, de sexe et/ou de catégorie socio-économique.
Le choix des tests repose essentiellement sur les difficultés décrites
par l’enfant et son entourage mais se poursuit usuellement selon
une démarche hypothético-déductive. Celle-ci permet, en effet, au
neuropsychologue de corroborer ou d’infirmer les hypothèses émises

72

CONTRASTE 51.indd 72 20/04/2020 14:03


Du dsm-5 à la neuropsychologie : l’exploration cognitive dans le diagnostic…

lors de l’entretien anamnestique tout en déduisant les éventuelles


conséquences pouvant s’y associer. En aucun cas, la passation des
épreuves n’est ainsi fixée à l’avance, de manière indifférenciée selon
les enfants.
Cette démarche évaluative implique, de fait, qu’il ne peut être conçu
qu’un diagnostic, tel que celui d’un trouble neurodéveloppemental,
puisse être posé sur la base d’un seul outil psychométrique. Le temps
de l’évaluation neuropsychologique chez l’enfant est ainsi généralement
long. Il nécessite souvent de recevoir le patient au cours de plusieurs
séances, en respectant par ailleurs son rythme et sa fatigabilité poten-
tielle. Il n’est pour autant pas rare, dans la réalité clinique, de constater
que des diagnostics de troubles neurodéveloppementaux sont établis sur
l’unique estimation d’un quotient intellectuel ou d’un questionnaire
de comportement.
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
L’évaluation neuropsychologique doit reposer sur l’interprétation
d’une exploration cognitive complète. Classiquement, l’analyse
des résultats suppose alors, d’une part, de considérer les éventuelles
dissociations ou asynchronies cognitives présentées par un enfant
entre plusieurs de ses performances (en constatant, par exemple,
que ses compétences verbales sont meilleures que ses habiletés non
verbales, que son attention auditive est plus fragile que son atten-
tion visuelle, etc.). Cette analyse nécessite, d’autre part, de soustraire
chaque étape de traitement de l’information et du comportement
pour isoler adéquatement celle qui pose problème à l’enfant (par
exemple, l’enfant échoue au test d’attention auditive car il présente,
avant tout, des difficultés langagières).
Par ailleurs, et au-delà des aspects normatifs et quantitatifs du fonc-
tionnement cognitif, l’évaluation neuropsychologique se centre égale-
ment sur une observation du comportement de l’enfant pour en
apporter une compréhension dynamique et intégrative. Il ne s’agit
plus là de mesurer seulement une performance mais de chercher à
comprendre comment l’enfant s’y prend. Chaque performance indivi-
duelle est ainsi appréciée selon des critères qualitatifs supplémentaires,
dévoilant ainsi les « outils » cognitifs dont l’enfant dispose ou non :

73

CONTRASTE 51.indd 73 20/04/2020 14:03


Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

qualité de la communication, nature des erreurs, stratégies utilisées,


temps de réponse, résistance aux changements de situation, etc.
Cette compréhension globale du fonctionnement d’un enfant, permise
par l’évaluation neuropsychologique, est d’autant plus primordiale que
tous les enfants avec troubles cognitifs ne présentent pas forcément les
mêmes spécificités, ni avec la même sévérité, et ne nécessitent ainsi pas
formellement le même accompagnement dans le temps.

Changements apportés par le dsm 5


dans la pratique neuropsychologique
Le dsm-5 introduit, pour la première fois, la notion de troubles neuro-
développementaux. Ils comprennent les handicaps intellectuels, les
troubles de la communication, les troubles du spectre de l’autisme
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
(tsa), le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité
(tda/h), les troubles des apprentissages, les troubles moteurs ainsi
qu’un ensemble d’autres troubles neurodéveloppementaux spécifiés ou
non. Cette nouvelle classification nécessite une adaptation clinique et
conceptuelle de la part des professionnels de la santé, dont les neuro­
psychologues. Nous en présentons ici les principaux changements pour
l’exploration cognitive des enfants et des adolescents.

Une approche développementale


Le dsm-5 est désormais construit selon une organisation temporelle,
en prenant en considération le développement de l’individu. De fait,
ses premiers chapitres concernent les troubles neurodéveloppementaux,
ce qui suppose que leur survenue est précoce, la plupart du temps
durant l’enfance ou la petite enfance. Ainsi, pour la majorité des
troubles neurodéveloppementaux, le dsm-5 requiert la présence d’un
critère d’âge. Par exemple, pour le diagnostic de handicap intellectuel,
l’âge où sont constatées les difficultés est désormais fixé à « pendant
la période de l’enfance ou de l’adolescence » (versus « avant 18 ans »
dans le dsm-iv). Dans le tda/h, l’âge limite avant lequel doivent être

74

CONTRASTE 51.indd 74 20/04/2020 14:03


Du dsm-5 à la neuropsychologie : l’exploration cognitive dans le diagnostic…

apparus les symptômes a lui aussi été modifié : auparavant fixé à 7 ans,
il est désormais élevé à 12 ans.
Ces modifications amènent les professionnels, dont les neuropsycho-
logues, à ne pas écarter des troubles cognitifs d’apparition plus tardive.
Néanmoins, depuis toujours, la démarche évaluative en neuropsycho-
logie pédiatrique s’attache à prendre en considération la trajectoire
développementale dans laquelle s’inscrivent les troubles d’un enfant.
Il est ainsi classiquement conçu que la sémiologie neuropsychologique
peut varier, se modifier ou s’enrichir avec l’âge et avoir un caractère
composite du fait des phénomènes de compensation et de plasticité
cérébrale (Johnston et coll., 2009 ; Ismail et coll., 2017).
À titre d’exemple, un tda/h ne se caractérise pas toujours par la même
symptomatologie ni la même intensité chez tous les enfants, avec des
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
variances notables selon les âges. Notamment, il n’est pas rare que les
troubles attentionnels ne soient visibles ou ne fassent l’objet d’une
plainte que lorsque les exigences scolaires, sociales et/ou cognitives
sont plus soutenues. En particulier, les troubles attentionnels peuvent
n’apparaître qu’en présence de tâches longues et monotones, auxquelles
l’enfant est davantage exposé avec l’avancée de sa scolarité, et ainsi être
jugés comme étant « d’apparition différée » (Roy, 2015) alors même
que l’enfant avait sûrement, au préalable, développé des stratégies
compensatoires pour masquer ses difficultés.
De même, dans le cadre des tsa, il est désormais admis que les « symp-
tômes doivent être présents depuis la petite enfance mais qu’ils peuvent
ne devenir totalement manifestes que lorsque la demande sociale excède
les limites des compétences » (dsm-5).
Au final, un développement initial qui apparaît plutôt satisfaisant au
cours des premières années de vie ne suffit pas à garantir une poursuite
normale du processus développemental. Par ailleurs, même lorsqu’un
enfant obtient un niveau normal de performance, cela ne prouve pas
que la fonction testée se soit développée selon les mêmes mécanismes
qu’au cours du développement ordinaire.

75

CONTRASTE 51.indd 75 20/04/2020 14:03


Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

De ce fait, il est non seulement important de considérer l’évaluation


neuropsychologique comme un outil précieux pour le diagnostic des
troubles neurodéveloppementaux mais également de l’envisager comme
une base utile pour définir la trajectoire et la dynamique évolutive
des enfants et de leurs difficultés. L’approche neuropsychologique
prend toute sa valeur dans une perspective longitudinale pour mieux
discerner les contours d’un dysfonctionnement sur le répertoire cognitif
et comportemental d’un enfant.
Les explorations cognitives peuvent ainsi être réitérées régulièrement,
en particulier lors des périodes charnières du développement de l’en-
fant. Il reste toutefois essentiel de respecter un délai minimal entre deux
évaluations (d’environ un an selon les tests utilisés) pour limiter les
effets test-retest et donc les phénomènes d’apprentissage des épreuves
par les enfants eux-mêmes.
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
Multiplier les sources d’information (famille, enseignants, théra-
peutes, etc.), notamment par le biais de questionnaires de compor-
tement, est par ailleurs essentiel pour mieux cerner les difficultés de
l’enfant dans une perspective plus écologique que celle proposée en
situation restrictive d’évaluation. Cela est particulièrement vrai pour
l’évaluation des troubles attentionnels et des troubles des fonctions
exécutives, qui ne sont pas toujours révélés par les tests cognitifs,
et alors même qu’il existe parfois d’importantes plaintes familiales
ou scolaires (Wallisch et coll., 2018 ; Chaytor et coll. 2003 ; 2006 ;
Burgess et coll., 1998 ; Shallice et Burgess, 1991 ; Odhuba, Broek et
Johns, 2005). De même, le travail pluridisciplinaire a un rôle primor-
dial pour assurer une observation de l’enfant à travers le prisme des
différentes spécialités cliniques.

Une approche clinique dimensionnelle


Alors que les précédentes versions du dsm reposaient sur une concep-
tion critériologique, la cinquième version du manuel vise à adopter une
approche dimensionnelle des troubles, soutenant nettement l’idée que
la différence entre le normal et le pathologique est avant tout à envisager

76

CONTRASTE 51.indd 76 20/04/2020 14:03


Du dsm-5 à la neuropsychologie : l’exploration cognitive dans le diagnostic…

dans l’optique d’un continuum et d’un spectre d’atteintes cliniques.


Cette nouvelle approche a pour avantage de fournir une image plus
fidèle de la réalité clinique quotidienne en pédiatrie, dans laquelle il
existe une grande variabilité clinique entre les patients, parfois difficiles
à distinguer sur la seule base de critères diagnostiques. Dans les tsa
notamment, le regroupement des cinq sous-catégories de troubles enva-
hissants du développement (dsm-iv ; autisme, syndrome d’Asperger,
syndrome de Rett, troubles désintégratifs de l’enfance, troubles enva-
hissants du développement non spécifiés) en une seule entité (dsm-v ;
tsa) soutient favorablement l’idée d’un socle autistique commun entre
les patients mais une variété importante dans l’expression des troubles
autistiques.
Cette approche dimensionnelle indique, par ailleurs, la nécessité de
préciser le degré de sévérité des troubles neurodéveloppementaux. L’ex-
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
ploration cognitive peut y servir. En effet, le bilan neuropsychologique
a toujours eu pour objectif d’évaluer la nature des troubles cognitifs
présentés par un enfant mais, aussi, d’en estimer leurs impacts au
quotidien, notamment par le biais d’une mesure des comportements
adaptatifs. Avec le dsm-5 sont désormais ajoutés la notion de niveaux
d’atteintes, impliquant une estimation du degré de soutien nécessaire
à l’enfant. Par exemple, le handicap intellectuel doit être jugé comme
étant de degré « léger », « moyen », « grave » ou « profond ». De même,
dans les tsa, le degré de sévérité doit être évalué en fonction du besoin
d’accompagnement de l’enfant, selon les deux facteurs qui contribuent
au diagnostic (communication sociale et intérêts restreints/comporte-
ments répétitifs), allant d’un niveau 1 (un accompagnement est néces-
saire) à 3 (nécessite un accompagnement très important).
L’approche dimensionnelle notifiée dans le dsm-5 a toutefois fait l’objet
de vives polémiques, notamment au sujet du risque de « pathologiser »
des comportements normaux ou typiques. Inversement, a été critiquée
l’idée d’une « neurodiversité », sous-entendue par la notion de spectre
d’atteintes cliniques ainsi que par la représentation volontairement
« quantitative » des troubles, et dans laquelle des pathologies psychia-
triques au pronostic sévère peuvent être désormais interprétées comme

77

CONTRASTE 51.indd 77 20/04/2020 14:03


Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

des variantes du fonctionnement humain (Sahnoun et Rosier, 2012).


Au-delà des controverses actuelles, ces modifications soutiennent
toutefois la démarche évaluative du fonctionnement de l’enfant en
neuro­­psychologie. En effet, l’évaluation neuropsychologique n’est ordi-
nairement pas uniquement centrée sur les processus en souffrance ou
les capacités résiduelles mais aussi sur le style cognitif présenté par un
enfant. Ainsi, toutes les atypies développementales ne sont pas forcé-
ment considérées en neuropsychologie sous l’angle d’atteintes spéci-
fiques ou sévères par rapport à une norme. Par exemple, les recherches
scientifiques récentes s’accordent aujourd’hui à reconnaître que certains
enfants avec tsa sont plus rapides et précis que les enfants tout-venant
dans la perception locale des détails d’une image (Frith, 2003).
Dans cette dynamique, l’exploration cognitive veut surtout apporter
des indications pour l’accompagnement des enfants. En effet, et bien
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
que l’exploration cognitive par des moyens psychométriques occupe
une place importante en neuropsychologie, cette dernière ne saurait être
uniquement réduite à la seule administration de tests psychométriques
ni à situer l’enfant selon une seule dimension psychologique : mesurer
n’est pas comprendre, « la psychométrie ne peut expliquer ni comment
ni pourquoi » (Tourette, 2001). Ainsi, le bilan neuropsychologique doit
non seulement fournir l’évaluation nécessaire à un diagnostic précis
mais doit aussi contribuer à expliquer ce que ce diagnostic suppose
pour l’enfant. En effet, c’est en comprenant le fonctionnement singu-
lier d’un enfant, et les contraintes auxquelles il est soumis dans son
développement, qu’il est possible de l’accompagner au mieux dans ses
apprentissages ultérieurs.

Matthieu, 7 ans, scolarisé en ce1, est adressé en consultation neuro­


psychologique en raison d’une suspicion d’un trouble déficitaire de
l’attention. À l’école, les apprentissages se déroulent correctement mais
les difficultés attentionnelles perturbent son intégration en classe. Au
domicile, les problèmes comportementaux sont également au premier
plan avec une importante intolérance à la frustration et des difficultés
dans la régulation émotionnelle.

78

CONTRASTE 51.indd 78 20/04/2020 14:03


Du dsm-5 à la neuropsychologie : l’exploration cognitive dans le diagnostic…

Les résultats de l’évaluation cognitive réalisée sur la base des échelles


de Wechsler (échelle d’intelligence pour enfants, wisc-v) mettent en
évidence une dissociation significative entre les aptitudes générales de
Matthieu (raisonnement verbal et non verbal, langage, praxies) et ses
compétences cognitives (mémoire de travail et vitesse de traitement).
Ces dernières se situent toutefois dans la norme attendue pour l’âge. De
même, les épreuves complémentaires proposées à Matthieu témoignent
de compétences attentionnelles et de fonctionnement exécutif avérées,
mais cependant affaiblies lorsque les tâches se complexifient. Aucune
des notes obtenues par Matthieu n’a toutefois de valeur pathologique.
Sur le plan clinique, l’investissement dans le travail s’associe à une agita-
tion psychomotrice et à une impulsivité. Matthieu apparaît également
rigide dans sa démarche cognitive, avec des difficultés pour réguler
adéquatement son comportement et ses émotions face à l’adulte.
Au final, et malgré l’absence de scores déficitaires à l’évaluation neuro­
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
psychologique, l’hypothèse d’un tda/h est néanmoins retenue. En effet,
l’analyse approfondie du style cognitif de Matthieu témoigne d’un profil
relativement typique d’un tel diagnostic avec la mise en lumière de disso-
ciations spécifiques entre le rendement intellectuel global de Matthieu et
ses habiletés attentionnelles (mémoire de travail, vitesse de traitement,
attention divisée, fragilité de l’inhibition et de la flexibilité mentale), qui
le mettent en souffrance dans son quotidien scolaire et familial.
Ce n’est pas donc pas la validation stricto sensu de l’aspect pathologique
ou non de chaque score qui conduit à un diagnostic mais surtout l’analyse
approfondie du répertoire cognitif et comportemental de l’enfant. Des
prises en charge adaptées lui ont, dès lors, permis d’investir pleinement
sa scolarité.

Une approche clinique actuelle


Considérée jusqu’à présent comme « a-théorique », la nouvelle clas-
sification du dsm-5 se base désormais davantage sur les recherches
issues de la génétique, de la biologie, de la psychométrie et des neuro-
sciences cognitives. Surtout, elle tend à proposer une image plus
fidèle à la pratique clinique quotidienne, dans laquelle des troubles
peuvent coexister ou s’intriquer, sans limite entre diverses catégories
diagnostiques. Ainsi, la cinquième version du dsm introduit, de façon

79

CONTRASTE 51.indd 79 20/04/2020 14:03


Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

innovante, le concept de multiplicité des troubles, c’est-à‑dire que les


troubles neurodéveloppementaux peuvent s’associer entre eux, consti-
tuant alors un trouble multiple du neurodéveloppement. De fait, toute
évaluation à visée diagnostique et conduisant à des décisions individuelles
doit, de façon optimale, comporter une estimation « de base » du poten-
tiel intellectuel global mais aussi des processus cognitifs spécifiques (tels
que l’attention, le fonctionnement exécutif, la mémoire, le langage, la
cognition sociale, les processus neurovisuels et praxiques) et des compé-
tences académiques (langage écrit, mathématiques).
D’autre part, dans l’établissement du diagnostic d’un trouble neuro­
développemental, il n’est désormais plus question de critères d’exclusion
mais plutôt de montrer que les difficultés repérées ne sont pas simple-
ment la conséquence d’une autre pathologie ou d’une circonstance
environnementale. La démarche neuropsychologique ne peut ainsi que
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
se satisfaire de ces modifications apportées par le dsm-5. En effet, la
conception hypothético-déductive sous-jacente à l’exploration cogni-
tive suppose de partir de manifestations cognitives spécifiques, non
exclusives les unes des autres, pour soutenir un diagnostic particulier.
De surcroît, l’altération d’une fonction peut avoir un effet délétère sur
l’organisation d’autres activités cognitives en raison de la relative inter-
dépendance entre les composantes cognitives durant le développement.
Ainsi, un trouble neurodéveloppemental peut désormais être iden-
tifié conjointement à une pathologie neurologique, génétique ou à
des déficits neurosensoriels. Par exemple, il est désormais admis qu’un
tda/h ou une dyslexie peuvent être diagnostiqués dans un contexte
d’épilepsie si les difficultés décrites ne sont pas mieux expliquées par la
pathologie médicale elle-même. Inversement, si l’épilepsie ou une autre
étiologie connue expliquent à elles seules les difficultés de l’enfant, un
diagnostic de trouble non spécifié sera alors privilégié. Cette termino-
logie éclaire davantage sur la nature primaire ou secondaire de certains
troubles cognitifs, qui doit être clairement définie en conclusion de
toute évaluation cognitive.
La nature plurielle et « tentaculaire » des troubles neurodéveloppe-
mentaux présume, par ailleurs, l’existence d’un socle commun entre

80

CONTRASTE 51.indd 80 20/04/2020 14:03


Du dsm-5 à la neuropsychologie : l’exploration cognitive dans le diagnostic…

certaines conditions cognitives. À nouveau, cette conception rejoint


les observations cliniques et scientifiques de ces dernières années dans
le domaine de la neuropsychologie. Par exemple, le dsm-5 confirme
le rapprochement longtemps discuté au sein de la communauté scien-
tifique entre le tda/h et le tsa. Ainsi, et alors que l’évaluation de la
cognition sociale (théorie de l’esprit, émotions) était généralement
réservée au diagnostic de tsa, il est aujourd’hui admis que de nombreux
enfants avec tda/h ont des difficultés dans leur ajustement social,
dans leurs interactions ainsi que des difficultés émotionnelles diverses
(Barkley, 1998 ; Nijmeijer et coll., 2008). De surcroît, les troubles de
la cognition sociale seraient un facteur aggravant le pronostic de tda/h
(Greene et coll., 1997), avec une majoration de troubles psychopatho-
logiques associés.
Ces données soulignent ainsi, à nouveau, l’importance de proposer des
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
évaluations cognitives exhaustives pour tous les enfants avec suspicion
d’un trouble neurodéveloppemental. Au sein du bilan neuropsycho-
logique, il est désormais crucial de raisonner en termes d’associations
comorbides et l’identification d’un symptôme doit nécessairement faire
rechercher d’autres manifestations cognitives associées. Dans cette pers-
pective, nous pouvons toutefois nous interroger sur la pertinence de
certains outils cognitifs utilisés par les neuropsychologues. Surtout,
à l’ère du dsm-5, il apparaît essentiel de développer des tests plus
spécifiques à l’évaluation des fonctions transversales pour le diagnostic
des troubles neurodéveloppementaux (attention, fonctions exécutives,
mémoire, cognition sociale). En effet, l’exploration cognitive doit
permettre de définir précisément des caractéristiques cliniques et cogni-
tives, alors même que certaines fonctions peuvent être communément
altérées dans plusieurs troubles neurodéveloppementaux.

Le concept de durabilité
Le concept de durabilité est régulièrement évoqué pour faire la
distinction entre un retard simple d’acquisition (pouvant être relié
à une variante individuelle du développement et/ou favorisé par un
environnement psychosocial peu stimulant) et un trouble spécifique

81

CONTRASTE 51.indd 81 20/04/2020 14:03


Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

dans l’apprentissage d’une compétence. La cinquième version du


dsm modifie la vision de la persistance des troubles. Notamment, dans
le diagnostic des troubles des apprentissages, désormais inclus dans la
catégorie des troubles neurodéveloppementaux, la notion de durabilité
des difficultés est désormais définie comme « étant un progrès limité
au niveau de l’apprentissage pendant au moins six mois, malgré la mise
en place d’une aide supplémentaire à la maison ou à l’école ». De cette
définition disparaît donc l’idée, pourtant bien ancrée jusqu’à présent
dans la pratique clinique, qu’un décalage de plusieurs années (de deux
années, par exemple, pour la lecture) doit être identifié pour établir le
diagnostic d’un trouble. De même, est abandonné l’impact de l’inter-
vention thérapeutique sur la persistance des difficultés. Ainsi, il est
désormais possible de poser le diagnostic d’un trouble d’apprentissage
dès un bilan initial, en orthophonie par exemple, et dès l’entrée de
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
l’enfant à l’école, à partir du moment où les difficultés sont décrites
depuis plus de six mois.
Le diagnostic d’un trouble neurodéveloppemental est donc un
processus dynamique qui nécessite la prise en compte de l’évolution des
troubles dans un contexte adapté. À cet escient, l’exploration cognitive
peut permettre de mieux définir la trajectoire développementale des
enfants en proposant, dès les premiers signes ou plaintes, une évaluation
neuropsychologique complète. De même, celle-ci peut être proposée
en suivi longitudinal, à des moments-clés dans le développement et la
scolarité de l’enfant.

Perspectives d’évolution pour la neuropsychologie


dans les représentations médico-psychologiques
des troubles de l’enfant et de l’adolescent
Avec le dsm-5 et la conception désormais dimensionnelle des troubles
neurodéveloppementaux se pose la question de définir plus spéci-
fiquement certains déficits cognitifs révélés lors de l’exploration
neuropsychologique de l’enfant et de l’adolescent. Bien évidemment,
la description exacte de la symptomatologie cognitive s’associant aux

82

CONTRASTE 51.indd 82 20/04/2020 14:03


Du dsm-5 à la neuropsychologie : l’exploration cognitive dans le diagnostic…

troubles neurodéveloppementaux n’est pas une fin en soi. En parti-


culier parce qu’elle ne permet absolument pas de prendre en considé-
ration la singularité clinique de chaque patient. Néanmoins, de tels
efforts permettraient de mieux esquisser les contours du diagnostic
différentiel et, surtout, d’améliorer l’accompagnement de l’enfant et
les interventions thérapeutiques nécessaires. Dans cette dernière partie,
nous proposons ainsi d’aborder la question de l’apport des connais-
sances actuelles en neuropsychologie dans l’établissement de critères
plus spécifiques selon l’âge et le sexe.

Le diagnostic précoce des troubles neurodéveloppementaux


Le regroupement de différents syndromes de l’enfant et de l’adolescent
au sein d’une même catégorie de « troubles neurodéveloppementaux »,
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
tel que proposé par le dsm-5, soutient l’idée de difficultés survenant
précocement au cours de la vie. Il existe néanmoins de nombreuses
difficultés inhérentes à l’établissement d’un diagnostic chez le très jeune
enfant et certains éléments diagnostiques des classifications apparaissent
ainsi peu spécifiques de la petite enfance.
Au cœur des troubles neurodéveloppementaux, il est notamment diffi-
cile de poser une limite franche entre ce qui relève des difficultés propres
au jeune enfant et ce qui est induit par l’environnement dans lequel
il grandit (entourage, stimulations pédagogiques, éducation, etc.).
D’autre part, la variabilité inter et intra-individuelle étant très impor-
tante chez le petit enfant, il n’est pas aisé d’objectiver un seuil au-delà
duquel le comportement de l’enfant ou l’évolution de ses compétences
signe un trouble spécifique et non pas seulement une variation de son
développement par rapport à une norme.
Pourtant, le diagnostic précoce des troubles neurodéveloppemen-
taux est essentiel. Il assure la mise en place d’interventions précoces,
primordiales pour soutenir le développement de l’enfant et diminuer
la survenue de symptômes secondaires. Il permet aussi un meilleur
accompagnement au sein de la dynamique familiale, en améliorant la
compréhension des difficultés de l’enfant.

83

CONTRASTE 51.indd 83 20/04/2020 14:03


Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

Or, nous l’avons vu, l’évaluation neuropsychologique n’est ordinai-


rement pas proposée avant l’âge de 3 ans, lors de l’entrée de l’enfant
dans sa scolarité et/ou lorsque des compétences socles sont atten-
dues à son âge. Pourtant, elle ne devrait pas être systématiquement
écartée de la démarche diagnostique précoce de certains troubles
neurodéveloppementaux.
Par exemple, dans les tsa, il est aujourd’hui admis que la symptomato­
logie des troubles peut évoluer au cours des premières années de vie
de l’enfant (Yirmiya et Charman 2010). Par ailleurs, pour environ un
tiers des enfants, les symptômes autistiques s’expriment sous la forme
d’une régression des acquisitions au cours de la deuxième année (Barger
et coll., 2013).
Ainsi, même si la plupart des fonctions cognitives et des bases céré-
brales sont encore en cours de maturation, la qualité des précurseurs
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
développementaux peut déjà être estimée sur la base d’observations
comportementales quantifiées. De même, le recours à des tests spéci-
fiques (tels que le Bayley Scales of Infant Development ou les Mullen
Scales) peut déjà servir de base pour définir une trajectoire dévelop-
pementale dès le plus jeune âge.
La systématisation des évaluations neuropsychologiques chez le jeune
enfant est ainsi à renforcer pour améliorer l’expertise clinique et
médicale.

Amine, âgé de 2 ans 10 mois, est reçu en évaluation pour une suspi-
cion de tsa. La demande est motivée par la crèche devant un enfant
décrit comme « différent ». Durant l’entretien, les parents rapportent
une exposition excessive aux écrans depuis l’âge de 1 an et demi (12 h/
jour). Amine est sinon décrit comme un garçon « surdoué » (sait compter
jusqu’à 100 en différentes langues, commence à lire, fait des additions).
Les éléments anamnestiques mettent en avant un développement psycho-
moteur hétéro­gène, avec de bonnes capacités en motricité fine mais un
retard dans la maîtrise de la motrice globale et du langage. Il est égale-
ment noté des comportements stéréotypés, des intérêts répétitifs, un
manque de réciprocité dans la relation et des difficultés dans l’initiation
des échanges avec les pairs.

84

CONTRASTE 51.indd 84 20/04/2020 14:03


Du dsm-5 à la neuropsychologie : l’exploration cognitive dans le diagnostic…

La première évaluation est proposée à partir d’outils diagnostiques spéci-


fiques de l’autisme. L’adi-r témoigne de difficultés spécifiques dans
l’interaction sociale réciproque et la présence de comportements répéti-
tifs et de patterns stéréotypés. La communication est, pour sa part, jugée
comme opérante. La cars-ii relève un score de 25.5 points situant Amine
dans la zone « peu de symptômes autistiques ». À l’ados-2, il est observé
un score total de 5 points, mettant Amine hors de la zone du spectre
de l’autisme. Devant les éléments incomplets d’un tsa, une évaluation
neuropsychologique est demandée pour contribuer au diagnostic.
Le contexte du bilan est aisément accepté par Amine. Il ne témoigne pas
d’angoisse à la séparation et investit les situations de jeux. Il reste noté
des patterns stéréotypés (alignement, emboîtement, intérêts restreints),
un contact visuel fluctuant, parfois pénétrant, et une agitation motrice
augmentée. Le changement d’activités est parfois difficilement accepté
et renforce la labilité attentionnelle de l’enfant. Les échanges auprès
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
de l’adulte sont volontiers initiés mais sont autocentrés sur des inté-
rêts spécifiques. Le langage d’Amine s’est, par contre, considérablement
développé depuis la précédente rencontre, avec un discours qui apparaît
souvent plaqué mais qui est également informatif et bien construit. Les
progrès d’Amine apparaissent à la faveur d’un arrêt strict de l’exposition
aux écrans et d’une récente prise en charge rééducative pluridisciplinaire
(psychomotricité, orthophonie, orthoptie, psychologie).
Le bilan cognitif témoigne, pour sa part, d’un rendement intellectuel
hétérogène, marqué par des résultats supérieurs à la norme sur le plan du
raisonnement mais des fragilités, non pathologiques, dans les domaines
de la mémoire de travail et de la vitesse de traitement. Il apparaît ainsi
qu’Amine présente des compétences exceptionnelles dès lors que la charge
attentionnelle et exécutive est nettement diminuée. Les premiers acquis
en théorie de l’esprit (cognitive et affective) semblent également dissociés
des autres performances d’Amine.
Au final, l’intervention diagnostique précoce a permis de modifier la
dynamique éducative proposée jusqu’à présent à Amine par sa famille,
tout en autorisant la mise en place de suivis rééducatifs adaptés. L’analyse
neuropsychologique met, pour sa part, en lumière un développement
atypique, avec des compétences intellectuelles supérieures à la norme
mais des difficultés spécifiques dans les domaines de la cognition sociale
et de l’attention. Sur cette base, l’accompagnement d’Amine s’est précisé
et d’autres symptômes ont considérablement diminué en un court laps

85

CONTRASTE 51.indd 85 20/04/2020 14:03


Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

de temps. La mise en place d’un projet personnalisé de scolarisation, acté


sur la base des points forts et faibles d’Amine, lui a par ailleurs permis
une intégration scolaire pleinement satisfaisante.

Le diagnostic des troubles neurodéveloppementaux


selon le sexe de l’enfant
À l’instar de la question de l’âge, il est également légitime de s’in-
terroger sur les connaissances actuelles que nous avons au sujet de
l’influence du sexe de l’enfant sur les diagnostics des troubles neuro-
développementaux. En effet, ces derniers ont en commun de toucher
généralement plus de garçons que de filles. Notamment, pour ce qui est
des tsa, les études épidémiologiques s’accordent généralement sur un
ratio de quatre garçons pour une fille (Fombonne, 2005), bien que des
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
facteurs, tels que le niveau intellectuel, puissent nettement moduler ce
ratio (Mandy et coll., 2012). Plusieurs études neurobiologiques (liées
à des facteurs génétiques, pour une revue voir Werling et Geschwind,
2013) et psychosociales (liées à la construction du genre et aux attentes
socioculturelles dérivées du sexe de l’enfant, Kreiser et coll., 2013) ont
permis d’avancer dans la compréhension de cette différence mais elles
n’ont pas donné lieu, jusqu’à ce jour, à un véritable consensus.
Dans le cadre du tda/h, le ratio est, pour sa part, évalué de 2 : 1 à
10 : 1 (Mowlem et coll., 2019). Le « sous-diagnostic » des filles est
régulièrement évoqué pour expliquer cette différence de genre dans
la prévalence des troubles (Millichap, 2008). Communément, il est
ainsi accepté l’idée selon laquelle les manifestations du tda/h seraient
plus « bruyantes » chez les garçons (hyperactivité, opposition, provo-
cation). Inversement, les filles présenteraient majoritairement des diffi-
cultés pour soutenir leur attention ainsi que des niveaux plus élevés de
troubles internalisés tels que la dépression ou l’anxiété (Arnold, 1996 ;
Quinn, 2008).
Au final, les bonnes pratiques en neuropsychologie seraient, dans
l’avenir, de développer davantage de méthodes spécifiques pour l’ex-
ploration cognitive, en tenant compte des spécificités liées à l’âge

86

CONTRASTE 51.indd 86 20/04/2020 14:03


Du dsm-5 à la neuropsychologie : l’exploration cognitive dans le diagnostic…

et au sexe. Cela pour améliorer le dépistage, voire le diagnostic, de


certains troubles neurodéveloppementaux et éviter le risque de « sous-­
diagnostic » régulièrement évoqué dans la littérature scientifique.

Conclusion
Le dsm-5 met en lumière des changements importants par rapport au
dsm-iv. Si certaines modifications peuvent paraître mineures dans la
pratique actuelle de l’évaluation neuropsychologique, l’approche désor-
mais dimensionnelle, considérant les troubles neurodéveloppementaux
selon un continuum de spectres d’atteintes, nécessite des adaptations
cliniques et conceptuelles de la part des neuropsychologues.
Par ailleurs, le regroupement sémiologique de différents troubles au
sein d’une même catégorie des troubles neurodéveloppementaux
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
témoigne de l’importance de concevoir les difficultés d’un enfant sous
le prisme d’une possible constellation, avec des déficits qui peuvent
ainsi co-exister au cours de la vie. Au cœur de l’exploration cognitive,
il est ainsi essentiel de raisonner en termes d’associations comorbides.
De plus, afin d’améliorer l’accompagnement de l’enfant dans son devenir,
il s’avère désormais essentiel, lors des explorations cognitives, d’estimer
un degré d’atteinte et d’impact sur les aspects de la vie, selon des critères
spécifiques. Cette nouvelle approche, basée sur des degrés de sévérité, et
non plus sur la simple présence ou absence de symptômes, doit désormais
être au cœur des objectifs de l’évaluation neuropsychologique.
Au final, il en va bien sûr de la volonté des neuropsychologues, comme
des autres professionnels de la santé, de se saisir de cette nouvelle version
du dsm comme outil utilisable dans la pratique clinique. Cette clas-
sification a néanmoins pour avantage de mieux articuler l’évaluation
neuropsychologique autour du diagnostic médical. Elle doit également
servir de base pour certaines formes de recherche clinique. Dans le
champ de la neuropsychologie, il serait notamment important de déve-
lopper des outils cognitifs plus spécifiques pour aider dans la compré-
hension des troubles neurodéveloppementaux et leur émergence au
cours de l’enfance et de l’adolescence.

87

CONTRASTE 51.indd 87 20/04/2020 14:03


Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

Bibliographie
apa. American psychiatric association. 2013. Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders, dsm-5, Arlington, us, American Psychiatric
Association.
Arnold, L.E. 1996. « Sex differences in adhd: Conference summary »,
J. Abnorm. Child Psychol., 24, p. 555–569.
Barger, B.D. ; Campbell, J.M. ; Mcdonough, J.D. 2013. « Prevalence
and onset of regression within autism spectrum disorders: A meta-analytic
review, » Journal of Autism and Developmental Disorders, 43(4), p. 817-828.
Barkley, R.A. 1998. Attention - Deficit Hyperactivity Disorder: A handbook
for Diagnosis and Treatment, New York, The Guilford Press, 2e éd.
Burgess, P.W. ; Alderman, N. ; Evans, J. ; Emslie, H. ; Wilson, B.A.
1998. « The ecological validity of tests of executive function », Journal of the
International Neuropsychological Society, 4(6), p. 547-558.
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
Chaytor, N. ; Schmitter-Edgecombe, M. 2003. « The ecological vali-
dity of neuropsychological tests: A review of the literature on everyday
cognitive skills », Neuropsychol. Rev., 13(4), p. 181-197.
Chaytor, N. ; Schmitter-Edgecombe, M. ; Burr, R. 2006. « Improving
the ecological validity of executive functioning assessment », Archives of
Clinical Neuropsychology, 21(3), p. 217-227.
Fombonne, E. 2005. « Epidemiology of autistic disorder and other pervasive
developmental disorders », Journal of Clinical Psychiatry, 66(Suppl 10), p. 3-8.
Frith, C. 2003. « What do imaging tell us about the neural basis of
autism? », Novartis Found Symp., 251, p. 149-66.
Greene, R.W. ; Biederman, J. ; Faraone, S.V. ; Sienna, M. ; Garcia-
Jetton, J. 1997. « Adolescent outcome of boys with attention-deficit/
hyperactivity disorder and social disability: Results from a 4-year longitu-
dinal follow-up study », Journal of Consulting and Clinical Psychology, 65,
p. 758-767.
Ismail, F.Y. ; Fatemi, A. ; Johnston, M.V. 2017. « Cerebral plasticity:
Windows of opportunity in the developing brain », European Journal of
Paediatric Neurology, 21(1), p. 23-48.
Johnston, M.V. ; Ishida, A. ; Ishida, W.N. ; Matsushita, H.B. ;
Nishimura, A. ; Tsujii, M. 2009. « Plasticity and injury in the developing
brain », Brain and Development, 31(1), p. 1-10.

88

CONTRASTE 51.indd 88 20/04/2020 14:03


Du dsm-5 à la neuropsychologie : l’exploration cognitive dans le diagnostic…

Kreiser, N.L. ; White, S.W. 2014. « asd in females: Are we overstating


the gender difference in diagnosis? », Clinical Child and Family Psychology
Review, 17(1), p. 67-84.
Mandy, W. ; Chilvers, R. ; Chowdhury, U. ; Salter, G. ; Serigal, A. ;
Skuse, D. 2012. « Sex differences in autism spectrum disorder: Evidence
from a large sample of children and adolescents », J. Autism Dev. Disord.,
42(7), p. 1304-1313.
Millichap, J.G. 2008. « Etiologic classification of attention deficit/hyper­
activity disorder », Pediatrics, 121(2), p. 358-365.
Mowlem, F. ; Agnew-Blais, J. ; Taylor, R. ; Asherson, P. 2019. « Do
different factors influence whether girls versus boys meet adhd diagnostic
criteria? Sex differences among children with high adhd symptoms »,
Psychiatry Res., 272, p. 765-773.
Mullin, A.P. ; Gokhale, A. ; Moreno-De-Luca, A. ; Sanyal, S. ;
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)
Waddington, J.L. ; Faundez, V. 2013. « Neurodevelopmental disorders:
Mechanisms and boundary definitions from genomes, interactomes and
proteomes », Transl. Psychiatry, 3, p. 320-329.
Nijmeijer, J.S. ; Minderaa, R.B. ; Buitelaar, J.K. ; Mulligan, A. ;
Hartman, C.A. ; Hoekstra, P.J. 2008. « Attention-deficit/hyperactivity
disorder and social dysfunctioning », Clinical Psychology Review, 28(4),
p. 692-708.
Odhuba, R.A. ; Van Den Broeck, M.D. ; Johns, L.C. 2005. « Ecological
validity of measures of executive functioning », Br. J. Clin. Psychol., 44(2),
p. 269-278.
Quinn, P.O. 2008. « Attention-deficit/hyperactivity disorder and its
comorbidities in women and girls: An evolving picture », Curr. Psychiatry
Rep., 10, p. 419-423.
Roy, A. 2015. « Approche neuropsychologique des fonctions exécutives de
l’enfant : états des lieux et éléments de prospective », Revue de neuropsycho-
logie, 7(4), p. 245-256.
Sahnoun, L. ; Rosier, A. 2012. « Syndrome d’Asperger : les enjeux d’une
disparition », psn, 1(10), p. 25-33.
Shallice, T. ; Burgess, P. ; Frith, C. 1991. « Can the neuropsychological
case-study approach be applied to schizophenia? », Psychological Medicine,
21(3), p. 661-673.

89

CONTRASTE 51.indd 89 20/04/2020 14:03


Contraste 51 � Les troubles du neurodéveloppement

Tourette, C. 2011. Évaluer les enfants avec déficiences ou troubles du déve-


loppement, Paris, Dunod.
Wallisch, A. ; Little, L.M. ; Dean, E. ; Dunn, W. 2018. « Executive
function measures for children: A scoping review of ecological validity »,
otjr: Occupation, Participation and Health, 38(1), p. 6-14.
Werling, D.M. ; Geschwind, D.H. 2013. « Sex differences in autism
spectrum disorders », Current Opinion in Neurology, 26(2), p. 146-153.
Yeargin-Allsop, M. ; Boyle, C. 2002. « Overview: The epidemiology of
neurodevelopmental disorders », Ment. Retard. Dev. Disabil. Res. Rev., 8(3),
p. 113-116.
Yirmiya, N. ; Charman, T. 2010. « The prodrome of autism: Early beha-
vioral and biological signs, regression, peri- and postnatal development and
genetics », Journal of Child Psychology and Psychiatry, 51(4), p. 432-458.
© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

© Érès | Téléchargé le 06/04/2021 sur www.cairn.info via BIU Montpellier (IP: 194.57.207.215)

90

CONTRASTE 51.indd 90 20/04/2020 14:03

Vous aimerez peut-être aussi