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PUTNAM : RELATIVITÉ CONCEPTUELLE ET MÉRÉOLOGIE

Anna C. Zielinska

Centre Sèvres | « Archives de Philosophie »

2016/4 Tome 79 | pages 675 à 692


ISSN 0003-9632
DOI 10.3917/aphi.794.0675
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Archives de Philosophie 79, 2016, 675-692

Putnam
Relativité conceptuelle et méréologie

A n nA C. Z i e L i n s k A
Jacques Loeb Centre, Université Ben Gourion du néguev

L’ontologie traverse toute l’œuvre de Hilary Putnam – qu’il s’agisse de


sa philosophie des mathématiques, des sciences, de sa philosophie de la per-
ception et de son épistémologie, et enfin de son éthique. Quelles sont les
choses dans le monde qui déterminent toutes les enquêtes ? sur quoi sont
fondées nos disciplines, quelle est la force de détermination de l’appareil
conceptuel que nous déployons dans nos recherches ? La pensée de Putnam
semble guidée par la question suivante : comment penser le monde sans onto-
logie forte et définitive, mais avec une épistémologie suffisamment robuste
pour qu’elle puisse résister elle-même à l’antiréalisme ? La philosophie, en
particulier morale, du dernier Putnam est un mélange à première vue para-
doxal d’un réalisme du sens commun et d’un relativisme conceptuel, cen-
tral pour son projet. Ce réalisme du sens commun comprend alors deux élé-
ments : d’une part, la vérité ne peut pas échapper à la vérifiabilité et, d’autre
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part, il faut penser le retour – quand il est possible – au réalisme naïf quant
à la perception et défendre la théorie décitationnelle de la vérité, proche de
celle que l’on trouve chez Wittgenstein (Putnam 2015, 99) 1. si l’on obtient
une ontologie par ce biais, elle sera écrite avec un o minuscule ; elle ne devra
pas être pensée comme visant à atteindre une image définitive et fixe du
monde.

1. La théorie dite « décitationnelle » est associée à Tarski et on la considère habituellement


comme une théorie déflationniste : en effet, selon cette théorie, la vérité n’a rien de substantiel,
elle est une propriété formelle suivant laquelle toute proposition citée au moyen de guillemets
peut être dite « vraie » si on peut l’affirmer sans guillemets – si l’on peut donc la « dé-citer ». Par
exemple la proposition : « la neige est blanche à Varsovie » est vraie si la neige est blanche à
Varsovie. Putnam estime que la théorie dé-citationnelle n’est pas nécessairement déflationniste,
car il associe cette théorie à Carnap et au vérificationnisme. Putnam lui-même se voit comme
défenseur d’une version wittgensteinienne de la théorie décitationnelle. Cette version de la théo-
rie maintient que « “vrai” est un prédicat des énoncés utilisés de certaines façons – autrement
dit, des objets qui ne sont ni simplement syntaxiques (comme les énoncés de Tarski), ni indé-
pendants des usages des objets syntaxiques dans une communauté linguistique particulière qui
s’engagent avec le monde. » (Putnam 2015, 98-99, nous traduisons).
676 Anna C. Zielinska

Dans ce qui suit, il sera question d’abord de la relation parfois tourmen-


tée de Putnam avec les réalismes, et cette première partie permettra de com-
prendre les enjeux de deux notions clés de sa réflexion métaphysique dans
L’Éthique sans l’Ontologie : la relativité conceptuelle et la méréologie. Ces
deux notions seront étudiées tour à tour par la suite, pour mettre en évidence
leurs promesses et leurs difficultés. il deviendra alors clair que même si les
motivations de la démarche de Putnam sont aussi profondes que pertinentes,
les solutions proposées peuvent encore être affinées, de façon non pas à reje-
ter mais à apprivoiser l’ontologie, comme le suggère, en particulier, sa
réflexion morale.

i. Les réALismes De PUTnAm

C’est contre le conventionnalisme mathématique de Henri Poincaré que


Putnam a formulé ses premières thèses réalistes. Les théories de Poincaré
lui viennent par Adolf Grünbaum examinant la notion d’espace-temps dans
le contexte de la théorie de la relativité générale. Ce dernier suggérait que la
définition centrale de cette dernière, celle du tenseur métrique (fonction
déterminant la géométrie de la surface), était une convention. Putnam cri-
tique cette idée en 1963 (1975, 93-129), en étant particulièrement troublé
par l’idée que, même dans un monde newtonien, le choix du tenseur
métrique pour l’espace restait une convention aux yeux de Grünbaum.
Le réalisme signifie pour le jeune Putnam que les énoncés de la science
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sont soit vrais soit faux (quoique bien souvent leur valeur de vérité soit
inconnue), et que leur vérité ou fausseté ne doit pas se comprendre comme
relative à des abstractions issues des descriptions des « régularités de l’expé-
rience humaine », car la « réalité n’est pas une partie de l’esprit humain ; c’est
plutôt l’esprit humain qui est une partie – qui plus est, une partie plutôt
petite – de la réalité » (1975, vii). il s’agit là d’un réalisme robuste, métaphy-
sique, que Putnam défend jusqu’en 1975. sa position doit se comprendre
dans la tradition post-quinienne inaugurée en 1948 avec la publication de
l’essai « De ce qui est » (« On What There is »), qui a introduit la notion d’on-
tologie dans le vocabulaire des philosophes américains de tradition analy-
tique (Quine 2003). elle s’oppose de fait à l’attitude de rudolf Carnap, pour
qui toute prise de position en ontologie est « métaphysique », ce dernier
terme devant être compris comme une insulte.
Le réalisme de Putnam accompagne, à partir de 1960, le fonctionnalisme
dans la philosophie de l’esprit, une conception computationnelle du cerveau
selon laquelle cet organe peut s’expliquer à partir du modèle de l’ordinateur
(i. e., qu’avoir certaines capacités se réduit à avoir une certaine organisation
Putnam : relativité conceptuelle et méréologie 677

fonctionnelle et à rien d’autre). Au fil des ans, Putnam élargit sa façon de


voir le fonctionnalisme : « nos esprits ne sont pas des objets, mais des sys-
tèmes de capacités (engageant l’environnement), ou des capacités fonction-
nelles », notera-t-il vers la fin de sa vie (Auxier, Anderson et Hahn 2015, 505).
il ne s’agit plus désormais d’identifier les capacités du cerveau à un pro-
gramme informatique. Putnam abandonne son fonctionnalisme au sens res-
treint à partir de 1968, adoptant pour quelques années l’externalisme séman-
tique, selon lequel la référence (donc la signification) d’un terme dépend
notamment des relations causales que le locuteur entretient avec le monde
extérieur, avec les choses vers lesquelles la référence se dirige, mais aussi avec
le langage qu’il emploie.
À partir de 1976, il commence à défendre le réalisme interne 2. Celui-ci
suggère que l’existence de couples de descriptions équivalentes à des
ontologies différentes 3 rend le réalisme classique (pour lequel la réalité est
entièrement indépendante de l’esprit et plutôt stable et accessible) difficile à
penser, de sorte que nous ne pouvons nous fier qu’à une « sémantique vérifi-
cationniste 4 ». La vérité est ici identifiée à « la vérifiabilité dans des conditions
épistémiques idéales » : il lui parait alors possible que puisque celles-ci peu-
vent ne jamais être atteintes (dans certaines de nos enquêtes), la vérité peut
nous échapper elle aussi. Cette position n’est pas antiréaliste à proprement
parler, puisque le monde peut déterminer si les conditions épistémiques
sont, ou ne sont pas, suffisamment bonnes : pour Putnam, le vérification-
nisme avait raison de chercher la signification de nos propositions dans le
monde, néanmoins celle-ci ne vient pas de « faits bruts » mais bien d’une rela-
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tion qu’on entretient avec le monde. néanmoins, notera ultérieurement le
philosophe, cette façon d’aborder les choses demeure prisonnière du schéma
cartésien où « nos sensations constituent une interface “entre” nous et “les
objets extérieurs” » (Putnam 2015, 83). en abandonnant le réalisme interne,
Putnam se considère dans la dernière partie de sa vie comme un défenseur

2. Jusqu’en 1990, cf. son récent texte sur le conventionnalisme, Auxier, Anderson et Hahn
2015, 485.
3. Voici deux descriptions de la réalité qui semblent par exemple à première vue incom-
patibles, mais sont toutes deux vraies selon Putnam : d’une part la théorie physique newto-
nienne où les particules sont des éléments fondamentaux sur lesquels s’exercent différentes
forces et, d’autre part, la théorie physique alternative qui prend comme point de départ les
champs électromagnétique et gravitationnel.
4. Cette idée est aussi défendue par H. reichenbach dans son hommage à Albert einstein :
« Les définitions sont arbitraires ; c’est une conséquence du caractère définitionnel des concepts
fondamentaux qu’avec le changement de la définition, différents systèmes de description peu-
vent se développer. mais ces systèmes sont équivalents les uns aux autres, et il est possible d’al-
ler d’un système à un autre à travers une transformation adaptée. Ainsi, le caractère définition-
nel des concepts fondamentaux conduit à une pluralité de descriptions équivalentes ».
(reichenbach 1949, 295, nous traduisons).
678 Anna C. Zielinska

du réalisme « naturel » ou « métaphysique » (sans majuscule) 5 : nous ne


sommes pas en train de « faire le monde » avec nos descriptions, il existe en
dehors de celles-ci 6. Certaines descriptions scientifiques du monde et cer-
taines descriptions phénoménologiques peuvent être vraies en même temps,
mais cela ne conduit pas à conclure à leur égale irréalité, comme aurait pu le
postuler un nelson Goodman par exemple (2006). Ces descriptions ne sont
pas liées de façon accidentelle, au contraire : « le langage ordinaire et le lan-
gage scientifique sont différents mais interdépendants » (Putnam 1992, 282).
Le réalisme risque de devenir une exigence idéale inapplicable et peu per-
tinente dans des cas concrets, avec son langage de « propriétés » et d’« objets »
qui devient quasi technique. Pour se défendre de ce type de reproche,
Putnam a souligné l’élasticité de son réalisme. D’une part, il a rappelé que
l’idée selon laquelle « nos mots et notre vie sont restreints par une réalité qui
ne nous appartient pas joue un rôle profond dans nos vies, et devrait être res-
pectée » (1999, 9). Ce qui peut paraître troublant dans ce contexte est que
« l’erreur philosophique commune consiste à supposer que le terme réalité
doit se référer à une seule super-chose plutôt que de regarder les façons dont
nous renégocions sans cesse – et nous sommes forcés de le faire – notre
notion de réalité dans le développement de notre langage et de notre vie »
(Putnam 1999, 9).
La notion de relativité conceptuelle que Putnam explique et défend dans
le deuxième chapitre de L’Éthique sans l’Ontologie s’avère à ce titre capi-
tale pour comprendre l’évolution de ses positions. mais l’intérêt historique
pour l’évolution de l’auteur n’est pas le seul motif qui exige que l’on s’y
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arrête. Cette évolution est en effet exemplaire en un sens, car elle cristallise
les difficultés qu’il y a à penser sérieusement le réalisme en philosophie.

ii. QU’esT-Ce QUe LA reLATiViTé COnCePTUeLLe ?


Putnam abandonne le réalisme métaphysique justement parce que la
« relativité conceptuelle », expression dont il est l’auteur, semblait le réfuter.

5. Putnam entretient une relation particulière avec la notion de « naturel ». son attachement
aux sciences naturelles a fait qu’à un moment, il a cédé le mot « naturalisme » aux réduction-
nistes. il « rougit » donc devant son essai « Why reason Can’t Be naturalized » (Putnam 1982),
parce qu’il n’a pas su insister sur la possibilité d’un naturalisme qui ne réduirait pas la sphère
intentionnelle à la non-intentionnelle, et le normatif au non-normatif (Putnam 2015, 92).
6. Cette évolution est partiellement due à la lecture des critiques que J. L. Austin adresse
aux positivistes logiques pour qui les données des sens sont les seules choses pouvant être direc-
tement perçues, contrairement aux objets extérieurs, perçus seulement indirectement (Austin
2007). Putnam ajoute aussi que, contrairement à John mcDowell (mcDowell 2007), il n’a pas
su voir que la conceptualisation de la perception ne constitue pas un obstacle épistémologique :
la connaissance n’est pas rendue difficile par la conceptualisation.
Putnam : relativité conceptuelle et méréologie 679

Dans des ouvrages tels que Raison, vérité et histoire (1981, 1984 en fran-
çais), The Many Faces of Realism (1987), Représentation et réalité (1990),
il suggère en effet que certains concepts fondamentaux, tels « objet »,
« entité », « existence » ont un nombre d’usages différents et incompatibles.
reconnaître cette diversité conduit naturellement à rejeter le réalisme méta-
physique :

(selon les standards du sens commun) la même situation peut être décrite de
plusieurs façons différentes, en fonction de notre usage des mots. La situation
elle-même ne légifère pas sur la manière dont les mots tels que « objet »,
« entité » et « exister » doivent être utilisés. Ce qui ne va pas avec l’idée selon
laquelle les objets existeraient « indépendamment » des schémas conceptuels
est qu’il n’existe pas de standards de l’usage en dehors des choix conceptuels
même pour les notions logiques. (Putnam 1988, 114)

Avec l’expression « réalisme métaphysique », Putnam renvoie alors à trois


thèses, formulées dans le contexte de son célèbre texte sur le cerveau dans
une cuve 7 : il n’existe qu’une description du monde qui soit vraie et com-
plète, cette description requiert un monde déjà fait, doté d’une structure
préétablie, et la vérité est une relation de correspondance entre les mots et
les choses (ou ensembles de choses) extérieures (Putnam 1984). en réponse
au réalisme métaphysique, Putnam rétorque qu’il existe plus d’une théorie
vraie ou d’une description du monde, que le monde préétabli n’existe pas,
et que la vérité est une forme d’« acceptabilité rationnelle idéalisée » plutôt
qu’une « correspondance ». Ces trois réponses forment la substance du « réa-
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lisme interne ».
La relativité conceptuelle – ou l’équivalence cognitive, comme Putnam
la qualifiait initialement – est la thèse selon laquelle il peut exister différentes
représentations d’un phénomène, différentes descriptions, toutes aussi
vraies les unes que les autres. Putnam en donne deux types d’illustrations.
D’une part, il parle de la coexistence d’une description physique et d’une
description phénoménale (pensons à la physique et à la phénoménologie des
couleurs) – ici, les deux descriptions peuvent être vraies ou fausses, le cas
semble simple. D’autre part, et ce type d’exemple va le mobiliser davantage
dans L’Éthique sans l’Ontologie, Putnam mentionne des cas moins simples,
qui ont trait à des objets ou phénomènes dont l’existence est plus ambiguë.

7. Dans un argument visant à montrer la force de la position sceptique, Putnam propose


un scénario dans lequel il nous invite à imaginer qu’à la suite des agissements d’un savant fou,
« nous » sommes un cerveau isolé préservé dans une cuve. Ce cerveau n’est pas situé dans un
corps sensible mais toutes ses perceptions sont artificiellement provoquées par des stimulations
directes du cerveau. elles le sont de façon si parfaite que chacun de nous a l’impression de les
vivre réellement (Putnam 1984).
680 Anna C. Zielinska

La deuxième antinomie de la « Dialectique transcendantale » de la Critique


de la raison pure de kant en livre un exemple : les points sont-ils de vérita-
bles individus (des entités simples) ou sont-ils seulement des « limites » ?
La question est évidemment de savoir si la relativité conceptuelle
condamne définitivement la prétention d’un discours à être vrai, puisque
l’on peut en imaginer un autre, cognitivement équivalent (c’est-à-dire doté
d’une plausibilité scientifique de même degré), qui dit des choses différentes
mais qui est, lui aussi, acceptable. si, dans la période du réalisme interne,
Putnam a d’abord pensé que la relativité conceptuelle constituait un pro-
blème pour le réalisme tout court, il a appris avec le temps à la considérer
en partie comme une solution aux problèmes de celui-ci.

Le « logicien polonais »

La relativité conceptuelle devient un élément du réalisme propre à


Putnam au moment où ce dernier distingue deux façons de voir l’ontologie :
celle de rudolf Carnap d’une part, et celle d’un « logicien polonais » d’autre
part, stanisław Leśniewski (1886-1939), membre de l’école de Lvov-
Varsovie 8. Ce dernier est célèbre pour ses travaux en logique et en théorie
des ensembles, élaborés en premier lieu en réponse au paradoxe (ou antino-
mie) de russell, selon lequel chacune des deux solutions possibles au pro-
blème ainsi énoncé : « l’ensemble des ensembles n’appartenant pas à eux-
mêmes appartient-il à lui-même ? » est paradoxale 9. La solution apportée par
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Leśniewski à ce paradoxe est de dire que la prétendue antinomie implique

8. L’une des premières rencontres entre Putnam et ce groupe de philosophes s’est faite
aux états-Unis à travers Alfred Tarski.
9. Le paradoxe ou l’antinomie de russell – qu’il qualifiait lui-même de « contradiction » –
apparaît d’abord dans ses lettres, et est publié pour la première fois dans les Principles of
Mathematics (1903, 101). son importance pour la réflexion sur les fondements des mathéma-
tiques est cruciale : « en promettant une traduction complète des mathématiques, la définition
russellienne des nombres cardinaux semblait sceller définitivement la validité et la fécondité
de la nouvelle logique. mais bien vite, cet espoir immense est cruellement déçu par la décou-
verte de ce que russell appelle “la contradiction”, i. e. d’une antinomie irréductible qui attei-
gnait la construction logiciste en son fondement et ouvrait, en ce début du siècle, la crise des
mathématiques ». (Vernant 1993, 138-139). Qu’on nous permette ici de citer extensivement la
rigoureuse présentation que Vernant propose du paradoxe : « La contradiction russellienne
naquit directement de l’application de la méthode diagonale à l’objet général qu’est la classe
de toutes les classes. soit M, la classe de toutes les classes. On peut tenter de mettre en corres-
pondance chaque classe appartenant à M, avec elle-même. Cette mise en relation engendre une
partition de M, séparant les classes qui possèdent la propriété m et sont membres d’elles-mêmes
des classes qui possèdent la propriété w et ne sont pas membres d’elles-mêmes […]. On peut
alors construire la classe W de toutes les classes qui possèdent la propriété w : la classe de toutes
les classes non membres d’elles-mêmes. Or, comme cette classe appartient à M, on peut se
Putnam : relativité conceptuelle et méréologie 681

que la classe des classes qui ne sont pas membres d’elles-mêmes à la fois
existe et est vide. Or puisqu’il n’y a pas de classes vides, une telle classe
n’existe pas 10. savoir si cette solution est convaincante et si la compréhen-
sion de la notion de classe par Leśniewski répondent véritablement aux sou-
cis de russell ne sera pas abordé ici. il suffit toutefois de noter que l’entrée
de Leśniewski dans les débats philosophiques de son temps s’est faite avec
la présupposition fondamentale de la méréologie : les classes vides n’existent
pas, cette notion même équivalant à la réification inutile d’une abstraction
qui a eu ses origines dans le monde concret et devrait y rester attachée.
Leśniewski a délimité dans son travail trois sous-domaines de la logique :
ontologie, protothétique et méréologie. son ontologie forme, selon ses pro-
pres déclarations, « une sorte de “logique traditionnelle” modernisée, dont
le contenu et la force s’approchent presque du Klassenkalkül de schröder,
compris comme incluant la théorie des individus » (Leśniewski 1927, 176).
Le terme est trompeur : il s’agit d’une théorie logique et non d’une théorie
de l’être. Le deuxième sous-domaine, la protothétique, entend traiter du fon-
dement formel du système. Le troisième sous-domaine, la méréologie, abou-
tissement de la structure, est une théorie déductive portant sur les relations
entre les touts et les parties. Cette dernière a su, depuis son invention, fonc-
tionner de façon indépendante par rapport aux fondements de son élabora-
tion, étant en quelque sorte la seule des trois disciplines à avoir survécu : elle
est devenue un domaine de recherche à part entière, non seulement dans le
contexte formel mais encore en métaphysique.
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La méréologie de Leśniewski

La méréologie de Leśniewski vise à fournir une façon différente de pen-


ser les fondements des mathématiques, permettant non pas de résoudre l’an-
tinomie 11 de russell mais d’empêcher son apparition et de rester aussi
proche que possible des intuitions du sens commun. « L’idée fondamentale

demander si elle-même possède la propriété m ou w. surgit alors la contradiction car : 1°) si la


classe W possède la propriété m, elle est membre d’elle-même et donc doit posséder la propriété
la définissant, i. e. la propriété de ne pas être membre d’elle-même. 2°) si, au contraire, la classe
W possède la propriété w, elle n’est pas membre d’elle-même et donc ne possède pas la pro-
priété la définissant. Or, ne possédant pas la propriété w elle possède nécessairement la pro-
priété inverse m et est membre d’elle-même. Ainsi chacune des branches de l’alternative
conduit-elle à une irrémissible contradiction » (Vernant 1993, 144-145).
10. « L’expression “une classe des classes qui ne sont pas membres d’elles-mêmes” ne dénote
aucun objet, donc […] la question “est-ce que la classe des classes non membres d’elles-mêmes
est membre d’elle-même” n’autorise de réponse vraie ni positivement ni négativement »
(Leśniewski 1991, 126, nous traduisons).
11. Cf. note 9 supra.
682 Anna C. Zielinska

de la méréologie est qu’une collection d’objets matériels n’est rien d’autre


qu’un tout concret qui consiste en ces objets pris ensemble » (Urbaniak 2014,
112), ce qui semble d’ailleurs correspondre à certaines des premières intui-
tions informelles des créateurs de la théorie moderne des ensembles.
L’aversion pour les objets abstraits est au centre de la pensée de
Leśniewski, mais cette hantise se trouve partagée par d’autres membres de
l’école, tels Tadeusz kotarbiński, son interlocuteur le plus proche. Parmi
les enjeux des débats se trouve l’engagement ontologique qui sous-tend
diverses disciplines scientifiques utilisant des termes généraux. Chez
Leśniewski, les mathématiques sont en cause ; chez kotarbiński, il s’agit plu-
tôt du langage ordinaire et du langage des sciences humaines et sociales, les
deux étant remplis d’hypostases (au sens grammatical, quand un adjectif
commence à jouer le rôle d’un substantif et assume sa position ontologique :
par exemple, le fait qu’un objet soit blanc semble suggérer l’existence de la
blancheur). Les échos de ces discussions se trouvent chez Quine qui a visité
la Pologne en 1933. il note alors :
Avec Leśniewski, j’ai discuté jusque très tard la nuit, en essayant de le convain-
cre que sa quantification sur toutes les catégories syntaxiques entrainait un
engagement ontologique (Quine 1986, 13) 12.

Quine a repris à son compte les motivations philosophiques des Polonais,


et a par la suite tenté de les honorer avec nelson Goodman 13 :
Leśniewski, et d’autres qui ont trouvé utile cette partie de sa logique
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(kotarbiński, Ajdukiewicz), ont éprouvé un dégoût notoire pour les entités
abstraites et ont en conséquence préféré faire appel aux termes généraux […]
plutôt qu’aux classes (Quine 1952, 141).

Ce « dégoût » ne se limite pas aux travaux sur la logique et les fondements


des mathématiques. Dans un texte consacré à ce dernier sujet (Leśniewski
1989), Leśniewski cite Tadeusz kotarbiński comme son « allié » principal, et

12. D’après Quine, Tarski faisait ses cours en français ou en allemand. en ce qui concerne
Leśniewski, les choses étaient plus simples : « Je suis allé à des cours de Leśniewski, pendant
lesquels il remplissait le tableau avec des formules ; le problème de la langue n’apparaissait pas »
(ibid., nous traduisons).
13. ils écrivent dans leur article-manifeste commun : « nous ne croyons pas aux entités abs-
traites. Certes, personne ne suppose que les entités abstraites – classes, relations, propriétés,
etc. – existent dans le temps et dans l’espace ; mais nous voulons dire plus que cela. nous y
renonçons dans leur ensemble. […] notre problème se résume à fournir, là où les définitions
sont nécessaires, des définitions libres de tout terme ou astuce connotant une croyance aux abs-
tractions » (Quine et Goodman 1947, 105-122, nous traduisons). en ce qui concerne la méréo-
logie, David Lewis, en travaillant sur les relations entre les touts et les parties, propose une cri-
tique intéressante des travaux plus tardifs de Goodman (cf. Lewis 1991, 38 sq.).
Putnam : relativité conceptuelle et méréologie 683

admet s’être inspiré dans la mesure du possible des Elementy (kotarbiński


1929), livre qui contient la première présentation complète du réisme, sys-
tème ontologique réductionniste. Les deux penseurs se sont mutuellement
inspirés au cours des années 1920 et 1930.
Le réisme de kotarbiński fut élaboré dans Elementy teorii poznania,
logiki formalnej i metodologii nauk 14. Le réisme est une position ontolo-
gique forte, visant à rappeler que le langage naturel a tendance « à produire
des mirages », des pseudo-noms, qui sont ensuite à l’origine notamment
d’une mauvaise philosophie et de mauvaises sciences ; il se focalise sur des
pseudo-entités telles que « relation » ou « propriété », ou sur des pseudo-noms
tels que « rien ». kotarbiński a trouvé important de se pencher sur des réifi-
cations injustifiées de simples noms en réaction à différentes formes de néo-
kantisme, en particulier à celle de Wilhelm Wundt. Ce dernier distingue qua-
tre catégories d’êtres : choses, qualités (propriétés), états et relations. Pour
kotarbiński (et pour Leśniewski), seules les choses, concrètes et indivi-
duelles, existent.
La dimension plus « métaphysique » du réisme concerne la question onto-
logique de l’existence des objets non individuels et comprend l’interroga-
tion sur la nature des individus qui existent. Pour kotarbiński, qui se diffé-
rencie ici d’un autre réiste de son époque, Franz Brentano, seuls les objets
matériels existent (Brentano admettait l’existence des âmes immatérielles
individuelles).
La méréologie de Leśniewski est liée au réisme. Plus haut, il était ques-
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tion des problèmes dans la théorie des classes à laquelle la méréologie tente
de répondre. La critique de l’antinomie de russell – consistant à nier l’exis-
tence des classes vides – est fondée sur le réisme et est plus facile à compren-
dre grâce à celui-ci. La méréologie distingue en effet les classes au sens agré-
gatif, qui n’entrainent aucun autre engagement ontologique que celui lié à
l’existence de leurs membres, et les classes au sens distributif, qui présup-
posent l’existence de classes « en soi ». Les classes au sens agrégatif sont les
seules à être acceptées par la méréologie que, de façon intéressante,
kotarbiński a directement appliquée à l’interprétation du monde social.
Pour lui, la conception marxienne des classes sociales ne doit pas être accom-
pagnée par la réification exagérée des classes elles-mêmes :
Les hommes constituant une classe sociale donnée sont indépendants. [...] ici
entrent en jeu des dépendances de nature sociale, spécifiquement humaines,
telles, par exemple, celles découlant de l’emploi du langage. Cela pourtant ne

14. Éléments de théorie de la connaissance, de logique formelle et de méthodologie des


sciences, cf. la version anglaise (1966).
684 Anna C. Zielinska

modifie en rien le fait que la relation entre la classe sociale et les membres de
cette classe est la relation qui s’établit entre un objet composé et ses propres
fragments constitutifs. La classe est comprise ici de façon méréologique.
(kotarbiński 1964).

Cette prise de position n’est pas triviale – le fait d’énoncer clairement


que seuls les individus, autrement dit les choses, existent, va à l’encontre
d’une autre thèse bien connue, celle des premières lignes du Tractatus
logico-philosophicus de Ludwig Wittgenstein – « Le monde est l’ensemble
des faits, non pas des choses », écrit-il en 1922. Plus récemment, pour Bas
van Fraassen, la physique quantique interdit de penser l’individu comme on
le faisait auparavant, en le comprenant comme une entité simple et un point
de départ pour penser l’action et les interactions. en abandonnant l’individu
en ce sens, van Fraassen invite ses lecteurs à dire « au-revoir à la métaphy-
sique » (Fraassen 1991, 480). notons que d’autres auteurs sont allés dans une
autre direction – de fait opposée à celle prise par le réisme – pour tenir la
priorité ontologique de la relation comme structure sur les individus eux-
mêmes (Ladyman, ross et Collier 2007, 130).

iii. PUTnAm eT LA méréOLOGie

Putnam et Leśniewski

C’est en 1985, à l’occasion des Paul Carus Lectures (Putnam 1987), que
Putnam mentionne pour la première fois dans ses écrits la figure du « logi-
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cien polonais », celle même qui revient dans L’Éthique sans l’Ontologie.
Leśniewski – car c’est de lui qu’il s’agit – permet à ses yeux de penser les
objets du monde de façon à éviter la question de leur essence.
Pour Putnam, les philosophes comme Aristote ou Husserl cherchaient à
déterminer ce qui constitue une certaine unité en tant qu’essence des choses :
ils voulaient déterminer ce que sont véritablement les objets qui composent
le monde. Cette quête aurait été jugée futile par Leśniewski. Le philosophe
polonais ne se considérait pas comme limité par elle et il adopta une
conception plus inclusive des sommes. Pour lui, une somme de choses est
un ensemble quelconque de deux objets arbitrairement mis ensemble, qui
deviennent ainsi une nouvelle chose : une chose dépourvue d’essence philo-
sophique certes, mais une chose largement suffisante pour devenir une base
de quantifications au cas où celle-ci s’imposerait.
Pour illustrer la notion de somme méréologique, Putnam évoque l’en-
semble de tous les comtés du massachusetts – voici une entité abstraite, com-
posée de comtés ayant tous une localisation propre. L’ensemble de tous ces
Putnam : relativité conceptuelle et méréologie 685

comtés n’est pas indiqué sur la carte, car il ne se trouve nulle part. Les com-
tés appartiennent à cet ensemble, mais n’en sont pas des parties (l’ensemble
n’a pas d’existence propre, contrairement à un corps qui, lui, est composé
de parties). Tout mélange d’objets peut être une somme au sens de
Leśniewski sans pour autant être une substance au sens philosophique clas-
sique : un tas de déchets, ou une pile chaotique de livres, de papiers notam-
ment. Une nouvelle « chose » issue d’une juxtaposition de deux objets arbi-
traires – par exemple mon nez et la Tour Eiffel – est de fait une somme ainsi
entendue et on n’a pas à se poser la question de savoir si elle existe réelle-
ment en tant que telle. La question de savoir si les sommes méréologiques
existent ou non est en effet pour Putnam une affaire de convention, notam-
ment parce que le quantificateur existentiel ou les expressions « il y a », « il
existe », « il existe un », « certains », n’ont pas aux yeux de Putnam d’usage
unique et précis, mais plutôt toute une famille d’usages.
Putnam propose alors deux mondes pour mettre en évidence la
particularité de la position de Leśniewski : un monde carnapien et un monde
associé au logicien polonais. Le premier est composé de trois individus ((1)
x1, (2) x2, (3) x3) alors que le second, avec des données de départ qui sem-
blent similaires, contient sept objets ((1) x1, (2) x2, (3) x3, (4) x1 + x2, (5) x1
+ x3, (6) x2 + x3, (7) x1 + x2 + x3). Ces sept objets n’existent pas au sens fort
du terme, mais sont utilisables dans des contextes pertinents. Qui plus est,
le langage du logicien polonais ne contient pas de théorie de la signification,
il se contente de fournir une sorte de manuel d’instruction pour l’usage de
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ses termes.
il ne s’agit pourtant pas pour Putnam de voir dans les sommes méréolo-
giques des fictions utiles. La relativité conceptuelle qu’il défend dans ce
contexte soutient que la question de savoir laquelle parmi les utilisations de
l’expression « exister » (et avec elles celles d’« individu », « objet », etc.) est
correcte est laissée tout simplement ouverte. La question de savoir si les
sommes méréologiques « existent réellement » est de fait pour lui assez sotte.
Décider de dire qu’elles existent est en effet littéralement affaire de conven-
tion, comme quand on décide que dans un pays on conduit plutôt à gauche
qu’à droite. De même, on ne peut pas espérer trouver de réponse définitive
à la question de savoir si les points existent réellement – ils sont des conven-
tions au même titre que les sommes méréologiques. Le pluralisme concep-
tuel constitue pour Putnam une raison de plus pour défendre la relativité
conceptuelle : mind est un concept typiquement anglais et intraduisible, que
les termes allemand et français Geist et esprit ne rendent pas de manière
exacte. Les « minds » n’existeraient-ils d’ailleurs véritablement qu’en
Albion ? L’enjeu ontologique est ici à nouveau mal placé, dit le philosophe.
686 Anna C. Zielinska

La limitation mise à notre cadre conceptuel nous impose alors une « ontolo-
gie », qui n’est en réalité que le résultat contingent de notre esprit provincial
qui, satisfait de saisir ce qui se passe dans son entourage conceptuel le plus
proche, veut l’extrapoler à l’être dans son ensemble.
On comprend les raisons pour lesquelles la neutralité ontologique des
sommes méréologiques attire Putnam. notons toutefois en passant que la
question de savoir si la méréologie est neutre quant aux composants fonda-
mentaux de la réalité n’est pas univoque. Le système de Leśniewski se le pré-
sente d’une manière neutre, mais ses motivations philosophiques – le réisme
– ne le sont pas. David Lewis par exemple, est de son côté convaincu du
« silence » de la méréologie sur la question de la composition définitive du
monde. Pour lui, la discipline est « parfaitement comprise, non probléma-
tique et certaine » (Lewis 1991, 75). en revanche, d’autres philosophes sont
bien plus critiques vis-à-vis des présupposés de la méréologie, David Wiggins
notamment (1980, 2001).
Pour revenir à Putnam, ce dernier a-t-il raison quant aux conséquences
qu’il tire de la méréologie ? s’agit-il vraiment d’une théorie (ou d’un langage)
qui peut soutenir la relativité conceptuelle ? Les critiques de Putnam suggè-
rent que ni chez Carnap ni chez Leśniewski on ne retrouve de relativité de
ce type. Au contraire, les deux auteurs sont catégoriques : pour le premier,
exactement trois objets existent, pour le second, exactement sept (cf. Horgan
et Timmons 2002). et si Carnap et Leśniewski parlaient vraiment de la
même chose, ils seraient pour Putnam dans une situation de conflit ontolo-
gique pur et simple concernant le nombre des objets.
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Dès la première mention de la méréologie, Putnam vise à gérer les ques-
tions portant sur les éléments fondamentaux du monde. Qu’est-ce qu’un par-
ticulier, qu’est-ce qu’un objet, qu’est-ce qu’un individu ? Pour Putnam, la
méréologie permet une certaine souplesse dans la réponse. Or, il semble que
cette interprétation est due au fait que le philosophe passe outre le champ
d’application premier de la discipline telle qu’elle a été imaginée par
Leśniewski : la théorie des ensembles ou des classes (« mogości » en polonais,
« multiplicités »). La méréologie est une théorie qui, portant sur les relations
entre le tout et ses parties, doit être comprise comme issue d’une réflexion
sur la théorie des ensembles et non pas sur ce qui est au sens de l’ontologie
classique.
Contrairement toutefois à la supposition de Putnam, la question de l’exis-
tence des individus n’est pas indifférente pour Leśniewski. L’engagement
ontologique est chez lui implicite. La question qui reste intéressante dans ce
contexte est toutefois celle de Quine, citée plus haut : suffit-il de se pronon-
cer contre les objets abstraits (donc en faveur des individus concrets) pour se
Putnam : relativité conceptuelle et méréologie 687

libérer de tout engagement à l’égard des objets rejetés ? Au lieu d’insister sur
un point précis de la méréologie, celui du statut des sommes, il serait peut-
être plus intéressant de revenir au débat métaphysique qui sous-tendait le
réisme : que signifie son idée principale selon laquelle une propriété ou une
relation n’existe pas vraiment et pourtant est à la fois tout à fait intelligible
et instrumentalement efficace dans des cas concrets ?

Une ontologie apprivoisée ?

La question de la relation entre les fondements (ontologiques) et la réa-


lité de la chose qui repose sur les fondements en question n’est pas nouvelle
chez Putnam. il s’interroge déjà sur cette relation 35 ans avant la parution
de L’Éthique sans l’Ontologie, dans un article intitulé « mathematics
without Foundations » : on a apparemment été si préoccupé par l’idée de
fournir des « fondements » aux mathématiques, écrit-il, que les voix osant
dire qu’elles n’en avaient pas besoin étaient à peine audibles (Putnam 1967,
5). Putnam s’est en effet moqué de l’idéalisme ou du platonisme omnipré-
sent chez « virtuellement tous les philosophes », et cela bien au-delà du
contexte simplement mathématique : « la philosophie a pensé avoir montré
que personne n’a jamais réellement perçu d’objets matériels et que, si seu-
lement ces objets existent (ce qui est considéré comme hautement problé-
matique), personne n’est capable d’en percevoir ou même d’en imaginer un »
(Putnam 1967, 6). L’article note ensuite, contre l’antiréalisme intuitionniste
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dans la théorie des ensembles, que « quand nous parlons de l’“existence des
nombres”, nous avons cette image des mathématiques comme décrivant des
objets éternels » (1967, 10). Or il faut se défaire de cette image, car le réa-
lisme ne requiert pas d’ontologie fondatrice : pour Putnam, les problèmes
commencent « à cause de la croyance selon laquelle toute objectivité doit être
fondée dans l’ontologie » (Putnam 2015, 101).
Pour qu’il y ait un jugement sur quoi que ce soit, il faut que quelque
chose puisse être l’objet de ce jugement – tel est le problème fondamental
du renouveau de la métaphysique opéré par kant selon Charles Travis
(Travis 2010, 264). ni kant, ni Frege n’ont réussi à penser de façon satisfai-
sante la manière dont il faut que les faits du monde puissent demeurer un
fondement de nos certitudes épistémologiques. Les exigences que kant a
posées sur les choses du monde ont été trop restrictives et de ce fait jamais
atteignables – les objets du monde ne pouvaient pas obtenir de preuves
nécessaires pour l’assurance requise par kant. « Putnam, en repensant les
mathématiques, nous montre la nécessité la plus stricte qui puisse être (the
hardest necessity there is) » (Travis 2010, 295).
688 Anna C. Zielinska

L’idée de l’objectivité sans objet, sans définition ontologiquement


robuste et définitive des éléments du monde, défendue par Putnam, contri-
bue de façon importante à son projet. elle part d’une critique des théories
correspondantistes platoniciennes et post-platoniciennes, qui assument que
l’énoncé est vrai s’il y a des objets qui lui correspondent et s’il existe des
objets non naturels qui jouent le rôle de vérifacteurs. en même temps, les
énoncés vrais sont des descriptions des objets et des propriétés qui les ren-
dent vrais. Putnam répond à cette conception avec l’idée de la « vérité
conceptuelle », où les faits et les relations conceptuelles s’interpénètrent, et
où la vérité conceptuelle est susceptible d’être corrigée.
il se trouve que, pour Putnam, les énoncés éthiques font partie d’une
réflexion gouvernée entièrement par des normes de vérité et de validité, et
les notions de vérité et de validité sont internes au raisonnement pratique
lui-même. Les évaluations (jugements de valeur) ne sont pas toutes des des-
criptions, bien qu’elles puissent l’être, donc la question de la vérité ne s’y
pose pas systématiquement. mais si ce sont les normes ordinaires de la vérité
qui gouvernent nos jugements éthiques, pourquoi est-il si difficile de se met-
tre en accord sur la vérité de leurs instances particulières, alors que les juge-
ments concrets sur les questions non éthiques sont habituellement bien plus
aptes à créer un consensus ? Les questions éthiques sont un mélange d’éva-
luations et d’autres types de considérations (épistémologiques, politiques,
économiques notamment), et ces dernières devraient être tranchées en fonc-
tion des standards ordinaires de la vérité (rappelons que Putnam a contesté
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la dichotomie radicale entre les faits et les valeurs dans un autre texte célè-
bre (2004a)). mais ontologiquement, cela n’engage à rien. Ainsi, le débat –
apparemment impossible à résoudre – autour de l’acceptabilité de l’avorte-
ment, n’est pas dû à des difficultés métaphysiques majeures, mais à des dés-
accords éthiques ancrés dans la complexité de leurs contextes. il ne s’agit
pas ici de chercher un élément fondamental exclusivement moral qui sau-
rait nous aider à trancher définitivement ce débat. Au contraire, celui-ci
demeurera impossible à dénouer, mais en raison des désaccords autour de
questions assez factuelles et identifiables, telle par exemple : quand un amas
de cellules devient-il une personne ? Putnam veut par là offrir une porte de
sortie aux tenants du débat traditionnel entre celles et ceux qui vont affir-
mer l’existence objective des faits moraux dans les traditions de Platon et
de moore, et celles et ceux qui diront qu’une telle existence quasi physique
des faits ou propriétés morales est un leurre, de sorte que nous devrions reje-
ter toute prétention à l’objectivité dans ce domaine. il nous invite donc, dans
un contexte d’abord mathématique puis éthique, à repenser la signification
de la notion d’objectivité.
Putnam : relativité conceptuelle et méréologie 689

OnTOLOGie eT méréOLOGie

Putnam a été attiré par la méréologie – son apparente neutralité ontolo-


gique quand cette discipline traite des sommes (ensembles) en faisait un
outil philosophique commode. elle n’apporte toutefois pas de soutien impor-
tant pour penser la relativité conceptuelle au sens où Putnam l’entend. La
méréologie a en effet d’abord été une réflexion visant à formaliser des intui-
tions ontologiques réductionnistes, pour devenir de fait un domaine qui s’oc-
cupe des relations entre des touts et leurs parties. Putnam ne s’est curieuse-
ment concentré sur aucun de ces deux aspects, même s’il semble avoir
compris que Leśniewski traitait les ensembles comme des êtres ontologique-
ment suspects. il est d’autant plus surprenant de voir la place que Putnam
accorde à la méréologie dans le contexte moral : telle qu’elle est présentée
par Putnam, elle rend plus ardue la prise au sérieux de la contextualisation
qui est essentielle dans une éthique.
La méréologie est une théorie – controversée – et pas un langage, contrai-
rement à ce que semble prétendre Putnam. Qui plus est, il semble que cette
théorie dise fondamentalement tout autre chose que ce que Putnam tente
de lui faire dire au départ : dès ses origines, elle se prononce implicitement
en faveur d’une ontologie réiste, selon laquelle seules les choses matérielles
existent réellement. La relativité conceptuelle au sens fort, telle qu’elle est
défendue par Putnam, ne découle pas de la méréologie : cette dernière vise
au contraire à préserver la réalité définitive des individus. Cette relativité
devient plutôt triviale et superflue si l’on prend le projet méréologique au
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sérieux : il est évident que les sommes « existent » en un sens très souple et
peuvent être refaites selon le contexte, mais c’est bien parce que les ensem-
bles, les classes ou les « multiplicités » sont des configurations contextuelles
de ce qui existe en effet, à savoir les choses individuelles.
La difficulté ultime des derniers travaux du philosophe est probablement
associée à cette impossible détermination de ce en quoi pourrait consister
un projet ontologique contemporain. La nécrologie de l’Ontologie
« sérieuse », énoncée au début des années 2000 et réitérée plus tard, n’a pas
empêché Putnam de tenter de penser une ontologie moins pesante, une onto-
logie que l’on puisse qualifier de conventionnelle. il écrit ainsi que les repré-
sentations différentes du monde sont traduisibles l’une dans l’autre, mais
qu’elles « ne conservent pas d’ontologie » d’une description à l’autre (Putnam
2015, 85). elles conservent des éléments observationnels au niveau général,
note-t-il, et également des explications 15 – mais guère d’ontologie. La rigidité

15. Cf. la note 2 relative aux deux types d’explications physiques. notons que les explica-
tions scientifiques gardent pour Putnam une priorité : « mais qui est en droit de dire ce qu’est
690 Anna C. Zielinska

de cette conception de l’ontologie est surprenante. Pourquoi ne pas y inté-


grer les réflexions déjà faites par J. L. Austin notamment sur ce que signifie
« réel 16 », « être », etc., pour « désenchanter » ces termes et les utiliser à la fois
avec leur importance dans le langage ordinaire et sans prétendre qu’ils sont
univoques ?
La notion de relativité conceptuelle, au lieu d’alléger le projet ontolo-
gique, ajoute ici une exigence additionnelle et rigoureuse au phénomène de
la souplesse conceptuelle noté par Austin et Wittgenstein. Par exemple, l’on-
tologie en morale semble garder sa pertinence non comme la continuation
naïve du projet de Platon ou d’Aristote, mais comme une réflexion constante
sur ce qui est suffisamment réel pour être pris en compte. Pour apprivoiser
cette ontologie, on pourrait surtout tenter de se défaire de l’idée selon
laquelle ce qui est moralement pertinent est essentiellement différent de ce
qui est pertinent pour d’autres raisons. La réalité de la morale ne serait ainsi
pas plus vertigineuse ou majestueuse que celle du langage.

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un phénomène ? et qui peut déterminer ce qu’est une explication parfaitement bonne ? ma


réponse a toujours été : les physiciens, et non les linguistes, pas plus que les philosophes »
(Putnam 2015, 85, nous traduisons). La physique a été un paradigme de ce qu’est une science
aussi bien pour le positivisme logique que pour ceux et celles qui l’ont critiqué. Aujourd’hui,
c’est la biologie qui semble prendre davantage de place dans la manière dont nous voyons la
science, ce qui probablement va modifier la philosophie des sciences dans les décennies à venir.
16. « “[r]éel” n’est pas du tout un mot normal, mais, au contraire, qu’il est un mot haute-
ment exceptionnel ; exceptionnel car, à la différence de “jaune” ou “cheval” ou “promenade”,
il n’a pas une seule et unique signification simple, spécifiable, constante. (même Aristote a vu
clair sur cette question). Le mot “réel” n’a pas davantage une vaste collection de sens différents
– il n’est pas ambigu, pas même “systématiquement” ambigu. » (Austin 2007, 99)
Putnam : relativité conceptuelle et méréologie 691

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692 Anna C. Zielinska

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WiTTGensTein, Ludwig. Recherches philosophiques. Trad. e. rigal et al.. Paris : Gallimard,
2005.

résumé : L’ontologie traverse toute l’œuvre de Hilary Putnam – qu’il s’agisse de sa philoso-
phie des mathématiques, des sciences, de sa philosophie de la perception et de son épisté-
mologie, et enfin de son éthique. La pensée du philosophe semble guidée par la question
suivante : comment penser le monde sans ontologie forte et définitive, mais avec une épis-
témologie suffisamment robuste pour qu’elle puisse résister elle-même à l’antiréalisme ?
Cet article vise à rappeler les enjeux des versions différentes du réalisme du penseur amé-
ricain, pour proposer une évaluation critique du rôle qui y est joué par deux concepts clés :
la méréologie et la relativité conceptuelle.
mots-clés : Ontologie. Réalisme. Méréologie. Lesniewski. Putnam. Éthique. Épistémologie.

Abstract : Ontology is omnipresent in Hilary Putnam’s work – philosophy of mathematics, of


sciences, of perception, his epistemology and finally his ethics are incessantly challenged
with ontological queries. Putnam’s philosophical enterprise seems to be guided by the fol-
lowing question: how can we think the world without a strong and definitive ontology,
but with an epistemology that is robust enough to resist antirealism? This paper recalls
what is at stake in various versions of Putnam’s realism, and proposes a critical evalua-
tion of two of its key-concepts: mereology and conceptual relativity.
keywords : Ontology. Realism. Mereology. Lesniewski. Putnam. Ethics. Epistemology.
© Centre Sèvres | Téléchargé le 04/12/2021 sur www.cairn.info (IP: 82.125.209.123)

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