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CONTRIBUTION DE LA PSYCHOLOGIE CULTURELLE À LA

MODÉLISATION DU DÉVELOPPEMENT

Colette Sabatier

NecPlus | « Enfance »

2014/3 N° 3 | pages 237 à 261


ISSN 0013-7545
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Contribution de la psychologie culturelle
à la modélisation du développement

Colette SABATIER*

RÉSUMÉ
Les recherches interculturelles sur le développement psychologique sont tout
d’abord examinées sur un plan historique en rappelant les orientations majeures
qui ont conduit à de très nombreuses études. Ces études permettent de mieux
comprendre les relations nécessaires entre culture et développement. Au travers
de la diversité des modèles proposés, il s’agit tout d’abord, d’analyser plus
finement le facteur culturel, qui comporte en réalité plusieurs aspects, puis
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de s’interroger sur la nature des relations entre culture et développement.
Des réponses ont donc été apportées, mais de nombreux débats restent
ouverts par exemple sur l’articulation entre biologie et culture ou sur le
concept d’environnement. On assiste également à l’émergence de nouvelles
problématiques de recherches : culture et théorie de l’esprit, culture et trajectoires
développementales, étude des changements historiques. En définitive l’approche
culturelle est indispensable à la modélisation du développement dans ses aspects
généraux.
MOTS-CLÉS : CULTURE, CONTEXTE, SOCIALISATION, TRAJECTOIRES DÉVELOPPEMEN-
TALES, UNIVERSALITÉ, VARIABILITÉS

*Université de Bordeaux, laboratoire Psychologie, Santé et Qualité de Vie, 3 Place de la


Victoire, 33076 Bordeaux. Email : Colette.Sabatier@u-bordeaux.fr

nfance n◦ 3/2014 | pp. 237-261


238 Colette SABATIER

ABSTRACT
Contribution of cultural psychology to developmental modelization
In this paper, we examine the conceptual foundations of cross-cultural studies
in the field of developmental psychology field within an historical perspective.
We present the earlier theoretical conceptions of developmental diversity and
their main orientations with the aim to understand the intertwined links between
culture and development. The diversity of the theoretical frameworks provides
an opportunity to get a finer view of the complexity of culture as related to
development. Culture appears as multifaceted with several components; each of
them potentially exerts an influence on one or another aspect of development. If
many questions have found a theoretical answer, several debates are still open, like
the specific influence or joint influence of biology and culture on development,
or the concept of environment. New research questions emerge, such as culture
and theory of mind, culture and developmental trajectories or historical changes.
Finally, the cultural approach is vital for our understanding of child development
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in its fundamental dimensions.
KEY-WORDS: CULTURE, CONTEXT, SOCIALIZATION, DEVELOPEMENTAL TRAJECTORIES,
UNIVERSALITY, VARIABILITY
Contribution de la psychologie culturelle à la modélisation du développement 239

Les études culturelles et interculturelles en psychologie du développement


ont pris de l’ampleur ces dernières années en traversant tous les champs de
la psychologie du développement et toutes les périodes développementales.
Cette amplification est liée à un accroissement du nombre de chercheurs
formés en psychologie dans les pays non occidentaux, aux nouveaux moyens
technologiques et aux changements économiques mondiaux qui augmentent
les échanges et rendent cruciale la compréhension des autres cultures. Ces
études couvrent un large spectre valorisant d’un côté la recherche des processus
canoniques qualifiés par certains d’universels, soulignant d’un autre côté la
variété des processus à travers le monde, et en final cherchant à expliquer les
liens entre la culture, les contextes empiriquement décrits et les observables
comportementaux chez les enfants. La question qui reste posée est celle de leur
apport à notre compréhension des processus de développement, autrement dit,
« Le développement est-il universel ? » (Bril, & Lehalle, 1988) ou « La culture
donne-t-elle forme à l’esprit ? » (Bruner, 1991).
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Les études culturelles et interculturelles en psychologie du développement
sont anciennes. Précocement dans l’histoire de la psychologie, on retrouve des
études descriptives portant sur l’évaluation du développement intellectuel, le
comportement social ou le développement moral (Goodenough, 1926 ; Hoyland,
1926 ; Rowe, 1914). Des publications ultérieures ont soulevé la question du
rôle de l’environnement et de la culture sur le développement des compétences
cognitives et de la socialisation. Par exemple, Wayne Dennis (1942, 1943, 1955 ;
Dennis & Russell, 1940) a conduit des recherches dans plusieurs pays afin de
décrire la diversité du développement des enfants incluant les performances
cognitives et leurs modes de socialisation. Il a ainsi étudié le développement du
dessin du bonhomme autour du bassin méditerranéen et au Moyen-Orient, le
développement moteur, les relations entre enfants et la pensée animiste dans
le sens de Piaget chez les Hopis. Au-delà des nombreuses descriptions de la
diversité développementale, ces études apportent plusieurs éléments clés pour
comprendre les sources de ces variations : les contraintes environnementales sur
le développement de l’enfant, par exemple, le climat et la géographie qui induisent
des pratiques éducatives, telles l’emmaillotement et la surveillance étroite, avec
leurs répercussions sur le développement moteur et les éléments de la culture qui
procurent des modèles de représentations et structurent les modes de pensée.
En adoptant une approche holiste, Erikson (1964) a, par ailleurs, souligné la
cohérence entre la diversité du développement de l’enfant et la diversité des
contextes culturels et du fonctionnement des groupes sociaux, le développement
des enfants correspondant à la culture et vice-versa. Toutefois, ces travaux sont
restés parcellaires tant au niveau des informations empiriques apportées que des
explications théoriques.
Il a fallu attendre la fin des années 1960 pour que les approches culturelles et
interculturelles commencent à être considérées comme des contributions utiles
et pertinentes à la connaissance scientifique en psychologie dite mainstream, et les
années 2000 pour une consolidation de leurs apports. Ces études, quoiqu’encore

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240 Colette SABATIER

trop peu nombreuses comparativement à l’ensemble des recherches en


psychologie du développement, font l’objet de thèmes nettement mis en avant
lors de congrès majeurs de la psychologie du développement de la petite enfance
à l’adolescence.

1. LES PUBLICATIONS PRINCEPS


Globalement, les propositions formulées entre la fin des années 1960 et les
années 1980 restent des assises solides pour comprendre l’intérêt des études
culturelles et interculturelles pour la conception du développement des enfants.
Parmi les nombreuses publications, deux ont jeté les bases de la contribution
de la psychologie culturelle et interculturelle à la compréhension des processus
du développement. La première, chronologiquement, se focalise sur les facteurs
d’explication des différences observées lors d’études comparatives tout en
insistant sur les facteurs communs à toutes les cultures (Piaget, 1966). La
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seconde pointe la nécessité de s’interroger sur le paradigme de l’universalité des
processus de développement et se propose de clarifier les objectifs de la recherche
interculturelle (Berry et Dasen, 1974). Une troisième publication, que l’on citera
plus loin, poursuit la réflexion de façon ambitieuse en proposant des critères
pour évaluer la capacité des théories du développement à prendre en compte
les diversités culturelles et interindividuelles, donc de l’éventail des situations des
enfants du monde (Dasen & de Ribaupierre, 1987).
En 1966, Piaget a écrit, à l’invitation des éditeurs du Journal International de
Psychologie pour leur premier numéro, un article sur la nécessité des recherches
comparatives en psychologie du développement, sous-entendues culturelles.
Il reconnaît les limites conjoncturelles des études réalisées uniquement dans
les pays occidentaux. Le principal intérêt des comparaisons interculturelles
est leur capacité à dissocier les facteurs individuels des facteurs collectifs.
Piaget propose de distinguer clairement quatre facteurs d’explication : (1) le
facteur biologique, (2) les coordinations générales des actions individuelles
(c’est-à-dire les régularités construites au travers des actions individuelles),
(3) les coordinations inter-individuelles (c’est-à-dire les régularités issues des
interactions entre les personnes), et (4) les transmissions éducatives et le langage
(qui différencient le développement). Cette idée de quatre facteurs d’explication
se situant du proximal au distal se retrouve dans des travaux ultérieurs par
exemple chez Bronfenbrenner (1979) ou Doise (1982) qui parlent explicitement
de niveaux et non plus de facteurs. Le quatrième facteur, qui est très peu
développé (un paragraphe seulement) par Piaget (1966), a été particulièrement
scruté par Greenfield et Bruner (1966) dans un article théorique paru dans
le deuxième numéro du Journal International de Psychologie. Ces auteurs montrent
comment la culture module les réponses des enfants aux épreuves piagétiennes,
en illustrant leurs arguments avec des exemples chez les enfants wolof. Deux
dimensions de la culture leur semblent particulièrement importantes : les valeurs,
plus spécifiquement les valeurs individualistes vs collectivistes, et le langage
en tant que pourvoyeur de catégorisations et de concepts. Dans leur esprit,
Contribution de la psychologie culturelle à la modélisation du développement 241

les différences observées ne devraient pas se comprendre pas en termes de


« niveau » cognitif mais de formes différentes, car la « culture donne forme
à l’esprit » écrira plus tard Bruner (1991). Cette idée a été affinée et étayée
ultérieurement par chacun de ces deux auteurs (Bruner, 2006 ; Greenfield et
al. 2003). Toutefois, si Piaget fait une ouverture et une lecture très claire des
enjeux liés à la diversité culturelle, il reste, somme toute, assez persuadé de
l’existence de processus canoniques de développement ; notamment les stades
du développement constituent pour lui des « créodes » ou « chemins nécessaires »
de développement avec de simples variations de rythme liées aux contextes,
mais qui devrait aboutir à des formes de compétence analogues, pourvu que
les sollicitations environnementales soient suffisantes. Au final, il insiste plus
particulièrement sur les facteurs communs à toutes les cultures que sur les
variations.
En 1974, Berry et Dasen questionnent l’affirmation a priori d’universalité.
Ils pensent que la contribution des études culturelles et interculturelles est
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d’interroger les faits observés dans nos cultures et les théories qui en découlent
afin de mieux les préciser, de les enrichir et de mettre éventuellement à jour
des processus différents. Selon ces auteurs, la simple collection d’exemples doit
être dépassée. Pour contribuer aux connaissances de la psychologie, les études
culturelles et interculturelles doivent s’organiser autour de quatre objectifs (1)
tester l’applicabilité ou la générabilité des théories élaborées dans le monde
occidental principalement parmi la classe moyenne et supérieure, (2) repérer
les différences et les variations développementales particulièrement lors de
l’observation des situations quotidiennes et/ou en mobilisant de nouveaux
dispositifs de recherche, (3) comparer les connaissances acquises dans le contexte
occidental avec les informations provenant des autres groupes afin de générer des
théories plus universelles, ce qui revient à distinguer les processus véritablement
canoniques et les processus spécifiques aux cultures occidentales, et (4) dissocier
les variables confondues dans un seul contexte culturel et repérer ainsi les
différents mécanismes et sources d’influence.
Les propositions de ces deux publications procurent un canevas pour
une analyse de la contribution des approches culturelles et interculturelles
à la modélisation du développement. Les propositions de Piaget et celles
de Greenfield et Bruner invitent à discuter le rôle du contexte et de la
culture en relation avec l’idée de chemins de développement ; ce débat est
toujours d’actualité. Les trois premiers points de Berry et Dasen critiquent
le positionnement de Piaget sur les processus canoniques alors qu’en retour
les propositions de Piaget peuvent être vues comme un premier cadre pour
leur quatrième objectif. Par la suite, de nouveaux modèles ont été proposés,
notamment par Berry (1993) et Dasen (2003, 2007). Les objectifs deux et trois
de Berry et Dasen (1974) soulèvent de façon plus spécifique la question des
présupposés de la recherche : approche « émique » (c’est-à-dire qui adopte le
point de vue spécifique de chaque contexte culturel) versus approche « étique »
(c’est-à-dire qui adopte un point de vue transculturel), approche culturelle versus

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comparaison entre les cultures ou les contextes (voir Berry, 1989 ; Bril, & Lehalle,
1988 ; Dasen, & de Ribaupierre, 1987 ; Sabatier, 1994).

2. ÉVOLUTION DES RECHERCHES


EN PSYCHOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT COGNITIF
Maynard (2008), dans un article synthèse sur les recherches piagétiennes,
décrit, en se centrant principalement sur deux stades piagétiens (la période
sensorimotrice et le stade des opérations concrètes), trois phases historiques qui
se chevauchent. La première phase aurait été une période de simple transposition
des études de Piaget à des populations non occidentales en différenciant ou
non des sous-groupes ethniques. Par exemple, des urbains sont comparés à
des ruraux, des groupes ethniques différents sont comparés entre eux, ou
encore un groupe ethnique est comparé à un ou plusieurs semblables vivants
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dans des contextes socio-économiques différents. Cette première phase qui
adopte essentiellement une approche étique, puisqu’elle transpose sans plus les
procédures piagétiennes, a été qualifiée par certains d’absolutiste. Elle a été
marquée par des interrogations sur l’interprétation à donner aux résultats, et
notamment au constat de décalage voir de « retard » ou de réponses inattendues
comme des « pseudo-conservations ». L’analyse fine des difficultés rencontrées
lors des études sur le terrain et les contradictions observées entre les études ont
conduit à s’interroger sur le rôle du langage (en lui-même et lors des entretiens),
des systèmes de catégorisations et des modalités d’interaction sociale, ouvrant
ainsi de nouvelles pistes de recherche.
La seconde phase découle d’un double constat issu de la phase antérieure.
On souligne d’abord le non-sens pour les participants de la méthode employée
et la non-correspondance de certains concepts dans la langue du participant ou
dans son vécu quotidien. De ce fait, la comparaison en termes de retard et de
plateaux de développement s’est révélée illégitime. La nouvelle phase cherche
donc à adapter les méthodes aux populations en modifiant les épreuves quitte
à en créer de nouvelles mais aussi en s’efforçant à comprendre les processus
cognitifs sous-jacents. Cela revient à transposer la méthode de Piaget et non
plus ses procédures (cf. Greenfield, 1976). Selon Jahoda (1986), cette phase a
été féconde avec deux contributions conceptuelles de Dasen (voir Dasen, 1998) :
d’une part, la distinction entre les processus profonds (les compétences réelles)
et les processus de surface (les performances observées), et conséquemment la
compréhension des facteurs qui pourraient mobiliser les compétences au-delà
des performances, d’autre part, l’idée empruntée à Harris et Heelas (1979, cités
par Jahoda, 1986) de constructivisme local, autrement dit de l’infléchissement
du développement des structures cognitives en fonction des opportunités et
des contraintes locales. Ces apports correspondent à l’un des critères énoncés
par Dasen et de Ribaupierre (1987) pour comprendre le développement de
tous les enfants et donc de la générabilité des modèles développementaux. Cela
permet de montrer que le développement cognitif de l’enfant procède d’une
Contribution de la psychologie culturelle à la modélisation du développement 243

interaction entre l’ontogenèse biologique liée à la maturation et les contraintes


et opportunités de l’environnement, mais l’idée générale d’invariants dans le
développement est préservée.
La troisième phase accentue le relativisme de la méthodologie employée. Elle
vise à étudier les processus cognitifs impliqués dans des contextes culturels autres.
L’idée est de repérer dans les activités quotidiennes des enfants les processus
cognitifs en jeu, comme Piaget l’avait somme toute fait avec les enfants qu’il
observait dans son propre entourage, ainsi que de repérer les représentations
locales du développement de l’enfant, ou de tel ou tel aspect du développement,
par exemple, les processus cognitifs ou l’expression des émotions (voir : Dasen,
1998 ; Dasen et al., 2006 ; Maynard et Greenfield, 2006 ; Retschizky, 1990 ;
Troadec, 2007). Cette nouvelle étape permet de se détacher plus clairement des
schémas du monde occidental pour étudier les processus du développement tels
qu’ils sont induits dans des environnements culturels fort différents. L’idée de
trajectoires développementales avec des aboutissements différents prend de plus
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en plus forme. Elle permet d’intégrer à la fois les variations intergroupes et
interindividuelles, et de les relier à des aspects de l’environnement. Ceci constitue
un autre critère de Dasen et de Ribaupierre (1987).
Ces trois phases pourraient être bordées par deux autres phases tout aussi
instructives sur la conceptualisation des liens entre culture et développement.
De fait, une phase ancienne s’est inspirée des premiers travaux de Piaget,
notamment sur le développement de la pensée animiste. Imprégnée de la pensée
de Levy-Bruhl, elle valorisait l’idée de la « récapitulation », mais les conclusions
de cette approche ont été vivement contestées par de nombreux chercheurs car
elles se sont trouvées en contradiction avec les observations de terrain (Dennis
& Russell, 1940 ; Jahoda, 1958 ; Shweder & LeVine, 1975). La phase actuelle,
soit prolonge les travaux de Piaget par exemple, ceux sur le nombre ou la
représentation spatiale (Aye, & Lehalle, 2006 ; Dasen et al. 2006), soit étudie
d’autres fonctions psychologiques non examinées par Piaget telles que l’attention
(Kuwabara, & Smith, 2012) ou la théorie de l’esprit (Avis, & Harris, 1991). Il
s’agit actuellement de repérer des fonctionnements psychologiques originaux
non présents dans les cultures occidentales (par exemple, la cognition spatiale
géocentrée, Dasen et al., 2006) ou de comprendre la variabilité selon les contextes
et les cultures d’un aspect particulier que l’on pense comme universel (par
exemple la théorie de l’esprit) ou encore d’analyser pour un domaine donné divers
chemins de développement (par exemple, l’étude de l’attention). Les travaux
récents en neuropsychologie et neuroimagerie semblent, en outre, ouvrir de
nouvelles pistes (Dasen, & Mishra, 2000 ; Miller, & Kinsbourne, 2012).

3. ANALYSE DES LIENS


ENTRE CULTURE ET DÉVELOPPEMENT
Deux types de questions sont soulevés lors de l’analyse des liens entre la culture
et le développement. Le premier porte sur les facteurs à prendre à compte
dans l’analyse des processus de développement et ses variations, autrement dit

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244 Colette SABATIER

comment répondre au quatrième objectif identifié par Berry et Dasen (1974),


le second porte sur la nature de ces liens avec des propositions pouvant être
radicalement opposées.

3.1. Quels facteurs prendre en compte


pour comprendre les variations développementales ?
L’analyse des contextes et des cultures est nécessaire pour comprendre les
résultats observés et ne pas se laisser tenter par de fausses explications. Pourtant,
on doit reconnaître que parmi le grand nombre de comparaisons nationales
ou culturelles, de nombreux chercheurs se contentent, encore actuellement,
de considérer les groupes sociaux comme de simples variables indépendantes,
ou d’inférer, à partir de quelques éléments observés, des liens entre variables,
par exemple entre le style éducatif des parents et telle ou telle dimension
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développementale. Cela a mené à des conclusions contestables qui renforcent les
représentations a priori des chercheurs sur les différentes cultures sans contribuer
à mieux comprendre les processus de développement (voir Ogbu, 1981, pour
une critique acerbe de cette tendance). D’où l’impasse où se sont trouvées les
recherches interculturelles avant les années 1970-1980.
La conceptualisation du contexte, de la culture et des liens entre les deux est
cependant cruciale pour notre compréhension des processus du développement.
Le numéro spécial d’Enfance consacré aux relations entre la culture et le
développement cognitif est un bon exemple de la pluralité des facteurs et
de la complexité du débat. En effet, selon le domaine de développement
examiné et l’intérêt des chercheurs, des aspects différents de l’environnement
sont pris en compte : les situations quotidiennes et la langue pour l’étude des
acquisitions numériques (Aye et Lehalle, 2006), les artefacts conçus comme des
produits culturels et des outils ainsi que les changements économiques reliés à
l’époque pour l’étude des transformations spatiales et les représentations visuelles
(Maynard et Greenfield, 2006), l’environnement physique (plaine, montagne, île),
la religion, le degré d’urbanisation et le langage pour l’étude de la cognition
spatiale géocentrique de (Dasen et al., 2006).
Actuellement, les modèles ne manquent pas et les publications les recensant
non plus (Cooper, & Denner, 1998 ; Sabatier, 1986, 1994). La plupart des modèles
en psychologie culturelle et interculturelle ont pour objectif de proposer un cadre
organisateur général qui servirait de matrice pour des recherches précises. Ils
n’ont pas la prétention d’être directement testés. Les chercheurs sont invités à
puiser dans ces matrices, les facteurs et interrelations qui leur semblent les plus
pertinents pour le domaine spécifique qu’ils veulent étudier dans le contexte
particulier de leur investigation.
Globalement, les modèles considèrent trois grands groupes de facteurs.
Certains sont sociaux. Ils portent par exemple sur certains aspects de
l’environnement social ou sur différents types d’organisation sociale, en
considérant les valeurs (individualisme vs collectivisme et sa variante moderne :
Contribution de la psychologie culturelle à la modélisation du développement 245

indépendance vs interdépendance), le type de société (simple ou complexe), et/ou


la nature des relations sociales (capital social, relations intergroupes).
D’autres sont écologiques. Ils prennent en compte l’environnement physique
et socioéconomique (géographie physique avec le climat, le relief ; géographie
humaine avec les habitats urbains ou non ; type d’économie de subsistance).
Habituellement ces modèles intègrent des éléments plus culturels, particulière-
ment la façon dont le contexte physique et économique peut influencer les
pratiques sociales. Par exemple l’économie de subsistance offre des contraintes
et des opportunités pour les échanges commerciaux, et favorise en conséquence
l’arithmétique et la numération. En psychologie interculturelle et culturelle, les
modèles écologiques sont tous éco-culturels.
Enfin, d’autres privilégient une lecture culturelle. Cette approche regroupe
une vaste palette de modèles tels ceux de Vygotsky (1978), de Cole (Cole, 1996 ;
Cole, & Scribner, 1974) ou de Bruner (2006). On peut distinguer globalement
deux perspectives. La première considère que la culture est constituée des
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produits de l’homme, telles les règles sociales, les technologies, l’art, etc., qui
sont autant de reflets de la création collective de l’homme et qui offrent des
contextes particuliers de développement. L’autre est principalement axée sur le
langage et les récits collectifs qui permettent une élaboration des symboles et des
significations personnelles et collectives (Bruner, 2006).
Certains de ces modèles se polarisent sur une dimension principale (langage,
valeurs, capital social) conçue comme étant une supra-dimension générique à
large empan explicatif. Dans cette perspective, certaines propositions sont très
générales et holistes, l’exposé des idées s’accompagne d’une série d’exemples pour
souligner le rôle de la culture dans le développement et les apprentissages. C’est
particulièrement le cas des études qui s’inscrivent dans le sillage de Greenfield
et Bruner (1966) sur le rôle du langage et des valeurs. Par exemple, en ce
qui concerne le langage, Bruner (2006) développe la thèse que le langage
et plus particulièrement les récits collectifs, familiaux et individuels sont des
éléments structurants de la pensée qui sont co-construits socialement. En ce qui
concerne les valeurs, Greenfield et ses collègues proposent l’idée de trajectoires
culturelles développementales fondées sur la distinction, bipolaire, des construits
culturels de soi, à savoir l’indépendance vs interdépendance, un dérivé des
valeurs individualistes vs collectivistes (Greenfield, Keller, Fuligni, & Maynard,
2003). Cette thèse invoquant deux grands types de trajectoires culturelles
développementales est séduisante par sa simplicité et la clarté des illustrations.
Elle répond aux questionnements des chercheurs pour une psychologie du
développement qui prend en compte la diversité et les cultures en proposant une
vue épurée de cette diversité. Cependant, ce grand partage (« l’Ouest et le reste »)
des cultures est critiqué sévèrement par plusieurs auteurs (Dasen, 1998 ; Strauss,
2000), car il ne prend en compte ni la variabilité au sein d’une culture (Strauss,
2000), ni la diversité culturelle au sein des deux grandes catégories. Par exemple
Harkness, Super, et Van Tijen (2000) montrent de grandes différences entre deux

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pays hautement individualistes (USA, Pays-Bas) en ce qui concerne l’éducation


des enfants et la construction de la niche développementale.
Plusieurs auteurs se sont attachés au contraire à montrer que la culture est
incroyablement complexe et que tous les individus d’un même groupe culturel à
la même époque n’adhèrent pas aux mêmes valeurs, idéaux et récits collectifs. Les
cultures ont de multiples facettes, les individus en conséquence développent des
vues multiples des situations et des contextes (Miller, 1997). Ainsi, à une même
époque, dans une même culture, coexistent plusieurs bassins d’idées au sein
desquels les individus peuvent puiser indifféremment leur propre représentation
et des modèles variés pour leurs interactions quotidiennes et leurs compétences
(Kojima, 1996). Wassmann et Dasen (1994) ont montré chez les Yupnos la
coexistence de plusieurs systèmes de représentation de la numération. Celui décrit
par les anciens est considéré comme le système idéal typiquement culturel de
numération. Il est connu à des degrés divers par les gens ordinaires, mais il n’est
utilisé que de façon extrêmement partielle avec de nombreuses simplifications
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et adaptations. Le système idéal sert de référence pour tout le monde mais il
est loin d’être utilisé tel quel. En conséquence, toute théorie du développement
devrait prendre en compte la complexité de la culture et ses multiples facettes et
relier les comportements individuels à ces caractéristiques collectives (Dasen, &
de Ribaupierre, 1987 ; Sharma, & Fischer, 1998).

3.2. Comment concevoir les liens


entre le développement, la culture et le contexte
La culture n’est pas qu’une simple variable indépendante clament régulièrement
les chercheurs en psychologie culturelle et interculturelle du développement.
Cependant, les uns et les autres s’emparent de cette affirmation de façon fort
différente. Pour les uns, la culture est conçue essentiellement comme antérieure
au comportement, même s’il est admis que les individus contribuent à la
construction de la culture et qu’il y a des interactions entre les caractéristiques
individuelles et le contexte. Il s’agit alors de décortiquer tous les éléments de
la culture et des contextes, pour les sérier et les hiérarchiser, puis de penser
les interactions entre ces différents aspects et ensuite, éventuellement, analyser
les mutuelles influences entre le comportement observé et le jeu de variables
potentiellement explicatrices. Ces modèles en général prennent également en
compte les conditions écologiques, historiques et économiques ainsi que la façon
culturelle de réagir à cet environnement. Le modèle est probabiliste et séquentiel
avec une hiérarchie entre les variables du contexte. Il existe plusieurs modèles de
ce type (cf. Sabatier, 1986). Le modèle le plus connu est le modèle éco-culturel de
Berry (1993), il a été discuté et étayé avec de nombreux exemples par Troadec
(2001). Ces modèles ont souvent été considérés comme trop linéaires, voire
déterministes et mécaniques avec une représentation plutôt fixiste des individus.
D’autres modèles mobilisent une vision éco-systémique. Ils considèrent que
le contexte ne peut pas se mesurer sous la forme d’un gradient, ou de multiples
dimensions graduées. S’ils partagent avec les modèles précédents l’idée d’un
Contribution de la psychologie culturelle à la modélisation du développement 247

contexte complexe composé de plusieurs dimensions, ils se distancient de


leur approche linéaire. Le contexte est vu comme une source de contraintes
et d’opportunités qui canalisent le développement de l’enfant et offrent des
situations d’apprentissage. L’enfant est conçu comme actif et susceptible
d’exercer une influence sur son environnement, du moins de l’infléchir. Un
modèle connu est celui de la niche développementale de Super et Harkness
(1986). Il est inspiré à la fois de l’éthologie, de l’anthropologie (particulièrement
le modèle de Whiting et Whiting, 1975) et de la psychologie du développement.
Il stipule un système fluide composé de trois sous-systèmes interreliés mais
qui ont leur vie propre, leur influence propre sur le développement et
qui ont leurs propres déterminants. Globalement, les auteurs distinguent (1)
l’influence du contexte au sens large incluant la géographie physique, le niveau
socioéconomique, la structuration de la société, (2) l’influence de l’action
des adultes et de l’environnement social sur le développement de l’enfant
(pratiques éducatives des parents, de l’école) et (3) tous les éléments plus
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culturels proprement dits et plus psychologiques incluant les représentations du
développement, de l’intelligence par exemple, les traits de la personnalité et les
styles interactifs qui sont véhiculés dans ce contexte. L’idée de base est que
tant les contraintes de l’environnement physique que les traditions culturelles
déterminent le micro-contexte de développement des enfants qui se trouvent
ainsi orientés vers les valeurs, les connaissances et les modes de vie de leur groupe
culturel.
Un troisième type de modèle envisage une véritable interaction entre la culture
et les individus, voire même une co-construction. Dans ces modèles, il ne s’agit
pas de comprendre les liens d’influence d’une ou plusieurs variables distinctes
sur le développement. Pour certains, ce serait une entreprise stérile. Il s’agit
essentiellement de tracer au plus près comment se construit la culture. Chez
Bruner, notamment, les récits et les réseaux de significations et de sens sont, de
fait, co-construits par les individus, y compris par les enfants. La culture serait tout
simplement ce qui constitue l’ordinaire de la vie quotidienne. Les enfants baignent
dans la culture comme un poisson dans l’eau, et participent à l’élaboration de la
culture et à son évolution par leurs récits et leurs actions. Ce type de modèle
est au plus proche des situations éducatives et des individus pour leur caractère
propre (Bruner, 2006 ; Cole, 1996 ; Greenfield 2000). Il s’agit d’une négociation
entre l’individu qui se développe et les autres acteurs de la scène. La culture et le
développement sont, ainsi, conçus comme intimement liés et interreliés, formant
le même tissu.
Ces appréciations divergentes des relations entre la culture et le développe-
ment des enfants ont généré de vifs débats à partir de positionnements tranchés, y
compris au sein de chacun des types de modèles. Elles ont incité, en contrepartie,
des chercheurs à combiner plusieurs méthodes et approches dans une approche
multiméthodes et multiniveaux (voir Bril et Lehalle, 1988 ; Sabatier, 1986) et
appelé à un dialogue entre les paradigmes (Dasen, 1998 ; Dasen, & Mishra,
2000 ; Eckensberger, 2002). Le modèle du développement de l’enfant proposé

nfance n◦ 3/2014
248 Colette SABATIER

par Dasen (2003, 2007) est une réponse à cette question et souligne la nécessité
de prendre en compte plusieurs dimensions de l’environnement et de la culture,
et d’avoir une approche méthodologique mixte, qualitative et quantitative.

4. PLUSIEURS QUESTIONS RESTENT EN DÉBAT


Deux types de débats restent encore présents bien que leur vivacité et les
positions tranchées s’estompent. Il s’agit de l’articulation entre la biologie et la
culture, et de la distinction entre le contexte et la culture.

4.1. L’articulation entre la biologie et la culture


Le débat entre la culture et la biologie a considérablement évolué. Il ne se situe
plus à un niveau dichotomique : nature vs culture, inné vs acquis, et ne se limite
plus, comme le suggérait Piaget (1966) à l’évaluation des poids respectifs du
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facteur biologique et des trois autres types de facteurs explicatifs. La tendance
en psychologie du développement est de penser et saisir les influences mutuelles,
l’heure est à la conceptualisation des articulations (Dasen, & Mishra, 2000 ;
Jahoda, 2002 ; Maynard, 2008). Sharma et Fischer (1998) remarquent, en citant
notamment Gottlieb (1992), qu’en ayant dépassé l’opposition entre les approches
biologiques et les approches culturelles, les récentes théories du développement
révèlent plus de plasticité cérébrale qu’attendu et reprennent l’ancienne idée de
James Baldwin (1894) d’une canalisation du développement. Les recherches en
psychologie culturelle et interculturelle ont contribué et contribuent encore très
largement à faire avancer la conceptualisation de l’articulation entre le biologique
et la culture (Keller, Poortinga, & Schölmerich, 2002).
Jahoda (2002) décrit clairement l’influence des idées collectives, concernant les
notions de biologie, de culture, de race, sur la conceptualisation des différences
interculturelles et du développement de l’enfant. Il montre comment l’évolution
historique de ces idées, depuis l’antiquité mais surtout depuis le XVIIIe siècle,
a permis de dépasser la conception de différences hiérarchiques entre les races
et de récapitulation, pour en arriver récemment à un estompage des frontières
entre les deux concepts de biologie et de culture. Melvin Donald (2000) dans
une perspective neuropsychologique évolutionniste soutient que l’homme est
culturel et que le cerveau tout seul ne peut pas générer des symboles ni une
activité symbolique. Toute activité des fonctions mentales supérieures est, selon
lui, forcément culturelle.
Concrètement, Ardila (1995, cité par Dasen et Mishra, 2000) montre que
les tests neuropsychologiques, qui en principe devraient évaluer des aspects du
fonctionnement cérébral non sociaux, sont fondés sur des comportements et
compétences appris par la culture et dans l’environnement social, d’où la nécessité
de repenser la neuropsychologie pour y intégrer une approche interculturelle.
Miller et Kinsbourne (2012) donnent de nombreux exemples de recherche où les
observations comportementales de différences culturelles particulièrement sur le
traitement de certaines informations et sur les fonctions exécutives s’observent
Contribution de la psychologie culturelle à la modélisation du développement 249

avec l’imagerie cérébrale, montrant ainsi la plasticité du système nerveux et les


liens culture-cerveau.

4.2. Culture et/ou contexte ?


L’intrication entre la culture et le contexte environnemental
La question des influences respectives de la culture et du contexte environ-
nemental a fait l’objet de débats, opposant non seulement les psychologues
culturels qui voient la culture comme l’élément explicatif par excellence et les
psychologues qui étudient la cognition en contexte, (cognition située), mais
également les psychologues culturels entre eux. Les premiers travaux sur la
perception en psychologie différentielle interculturelle avaient mis l’accent sur
l’influence des contextes géographiques (savane, jungle, désert, arctique) sur les
modes de perception tandis que les travaux de Levinson, qui ont inspiré ceux
de Dasen et al. (2006), mettent l’accent principalement sur le bagage culturel
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linguistique. On peut remarquer que ni Piaget (1966), ni Bruner (Bruner, 2006 ;
Greenfield, & Bruner, 1966) n’ont accordé d’importance au contexte, si ce n’est
le contexte social, autrement dit la culture, même si les opportunités d’exercices
dans l’environnement immédiat sont régulièrement considérées par Piaget.
Qu’est-ce que la culture ? Qu’est-ce que le contexte ? Quelle est la part des
deux, peut-on les confondre ? Cette question reste d’actualité. Dans le numéro
spécial d’Enfance en 2006, on peut noter que deux articles sur cinq accordent une
importance uniquement à la culture et ignorent les éléments du contexte (Bruner,
2006 ; Zittoun, Muller Mirza, & Perret-Clermont, 2006). Parmi les trois autres
qui prennent en compte à la fois le contexte et la culture, un article (Maynard, &
Greenfield, 2006) rapporte tous les éléments (outils, valeurs culturelles, etc.) à une
seule dimension les valeurs culturelles alors que les deux autres (Aye, & Lehalle,
2006 ; Dasen et al., 2006) ont une vision plus souple de la coordination entre les
divers éléments du contexte et de la culture. Plusieurs modèles intègrent d’emblée
une vision à la fois écologique et culturelle avec deux types d’arguments. D’une
part, ce qui est important c’est l’adaptation des groupes sociaux à leurs conditions
environnementales, avec le développement de savoir-faire pour composer avec
ces conditions. Dans ce sens, le contexte exerce une influence sur les individus
mais cette influence est modulée par les pratiques et représentations sociales,
chaque groupe élaborant en fonction de son histoire, son système symbolique, sa
propre façon de composer avec son environnement. D’autre part, la culture vient
donner sens aux éléments du contexte, et c’est surtout ce sens qui exercera une
influence. Dans cette perspective, le sens peut être conçu selon deux perspectives,
celle des affordances de Gibson, qui montre que les objets ne sont perçus que s’ils
ont pour les individus une signification particulière pour leur action, et celle de
Bruner (2006) qui attache une importance particulière aux récits collectifs comme
pourvoyeur de sens pour une collectivité.
Dasen (2003) considère qu’il est nécessaire de combiner plusieurs ap-
proches, plusieurs méthodes afin de mieux prendre en compte les diversités
développementales à travers le monde et d’être capable de les relier aux aspects

nfance n◦ 3/2014
250 Colette SABATIER

de l’environnement. Il propose un modèle qui comprend plusieurs types de


facteurs (contextuel physique, contextuel social et culturel) en organisant leur
niveau d’influence selon le modèle d’emboîtement de Bronfenbrenner, mais
en prenant en compte le niveau plus proximal de la niche de développement.
Il invite les chercheurs à un dialogue des paradigmes afin de mettre à
profit l’éventail des approches théoriques (Dasen, & Mishra, 2000). Sa
recherche sur le développement de l’orientation spatiale montre différents
chemins développementaux mais qui de toute évidence ne peuvent s’expliquer
uniquement par le langage ; un ensemble de facteurs (écologiques, culturels,
religieux, sociaux et linguistiques) forment ensemble le macrosystème entourant
une niche de développement particulière (Dasen, & Mishra, 2010).

5. DE NOUVELLES PROBLÉMATIQUES DE RECHERCHE


Les domaines du développement qui sont explorés par les approches culturelles
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et interculturelles sont variés. Mais tous ne suscitent pas les mêmes débats
théoriques. Dans le cadre de cet article, on en retiendra deux, afin de souligner
l’actualité des débats et la contribution spécifique de la psychologie culturelle à
la modélisation du développement : l’émergence de la conscience de soi et de la
théorie de l’esprit, et la notion de trajectoires développementales culturelles.
5.1. L’émergence de la théorie de l’esprit et de la conscience de soi
Les nouvelles recherches sur le développement du soi et sur la théorie
de l’esprit (c’est-à-dire de la compréhension des états mentaux des autres),
réinterroge la notion de culture et les perspectives universelles du développement.
Ces études ont émergé au cours des années 1980 et ont fait l’objet de
nombreux positionnements théoriques. Certains auteurs pensent que la capacité
de comprendre les intentions et états mentaux des autres est culturelle au sens
large de son acception, c’est-à-dire spécifiquement humain et donc commun à
tous les hommes (Tomasello, 2004). D’autres pensent que son acquisition est
essentiellement reliée au fonctionnement neurologique, une difficulté dans ce
domaine relevant de la pathologie mentale et/ou neurologique (Baron-Cohen,
1995). Cette perspective gomme a priori les aspects culturels pour ne considérer
que les aspects biologiques.
Lillard (1998) prend le contre-pied de ces positions universalistes et
décortique du point de vue de l’anthropologie les trois explications majeures de
la théorie de l’esprit : nativisme, simulation et théorie des théories. Elle montre
que certaines cultures sont très distantes de la conception de l’homme selon
les euro-américains. De fait, les cultures divergent sur la façon de comprendre
ce qui meut les individus. Toutes les cultures ne croient pas à la notion d’unité
psychique et toutes les cultures ne comprennent pas sur les mêmes bases ce qui
motive le comportement. Dans la culture occidentale, le point d’aboutissement
serait le caractère intrinsèque de la personne (la psychologie des traits) alors que
dans d’autres cultures, le point d’aboutissement est l’orientation vers le contexte,
particulièrement l’environnement social.
Contribution de la psychologie culturelle à la modélisation du développement 251

La recherche d’Avis et Harris (1991) auprès des enfants Baka montre


qu’à condition d’adapter complètement la situation prototypique du « transfert
inattendu » de Wimmer et Perner (1983), aussi bien par le matériel proposé
que par le langage, les enfants Baka acquièrent selon le même processus mais
avec un délai développemental le critère de la théorie de l’esprit qui est la
compréhension des croyances des autres (un des aspects des états mentaux des
autres parmi d’autres). Ce résultat est globalement confirmé par les recherches
ultérieures (voir Greenfield et al., 2003), avec cependant des variations liées à
de nombreux éléments, certains liés au dispositif expérimental, d’autres liés à la
culture elle-même, par exemple le répertoire linguistique de chaque langue qui
propose un découpage des sens et des émotions selon des registres qui leur sont
propres (penser, désirer, etc.), les centrations culturelles sur l’individu comme une
personne autonome ou au contraire comme une personne intimement liée au
monde social, et les pratiques éducatives qui stimulent plus ou moins les fonctions
exécutives (Liu, Wellman, Tardif, & Sabbagh, 2008).
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La confrontation des études sur le développement de la reconnaissance de
soi dans le miroir avec le paradigme de la tache (Broesch et al., 2011 ; Keller
et al., 2004) est une autre illustration du développement sociocognitif du soi.
Keller et al. (2004) soulignent la diversité des trajectoires développementales
selon les cultures. Les bébés des cultures non occidentales se reconnaissent plus
tard dans le miroir mais régulent plus tôt leur comportement ; ces différences
comportementales sont reliées aux scripts éducatifs des mères dans le cadre du
schéma indépendance vs interdépendance. De leur côté, Broesch et al. (2011)
relèvent, à partir de leurs observations avec une version légèrement modifiée du
paradigme de la tache, une diversité de réponses des enfants devant le miroir.
Dans certaines cultures, les enfants lorsqu’ils constatent la tache dans le miroir au
lieu d’émettre la réponse habituellement attendue dans cette situation (c’est-à-dire
toucher la tache qui est sur leur visage) au contraire se figent et regardent
attentivement le miroir, comme sidérés par ce qu’ils voient dans le miroir.
Les auteurs interprètent ce comportement comme une réaction culturellement
appropriée qui indique une compréhension du reflet de l’image de soi dans
le miroir. Il ne s’agirait pas, comme le pensent Keller et al. (2004), d’un
décalage développemental dans la reconnaissance de soi, mais plutôt de réactions
comportementales différentes culturellement adaptées. Un signe d’après les
auteurs de réussite du test mais avec des modalités de réponse différentes, d’où la
nécessité de bien réfléchir aux critères de réussite dans les situations de tests.

5.2. Variantes temporelles : trajectoires développementales ou


trajectoires culturelles et transformations avec les époques
La question des variantes temporelles est abordée par les recherches culturelles
et interculturelles en psychologie du développement selon deux axes : celui des
trajectoires développementales et celui de la transformation des compétences
sociales et cognitives sous l’effet les changements sociétaux. La première
approche se centre sur les séquences développementales des individus ; elle

nfance n◦ 3/2014
252 Colette SABATIER

constitue un apport très important des recherches culturelles et interculturelles


à la modélisation du développement. La seconde est comparative et analyse
l’effet des transformations d’un groupe culturel au cours des décennies sur les
compétences des individus.
Les trajectoires développementales culturelles sont un thème qui tient au cœur des
chercheurs qui ont étudié les liens entre la culture et le développement cognitif,
qu’ils soient psychologues ou anthropologues. Cette idée s’oppose aux vues de
Piaget sur les chemins « nécessaires » de développement qui seraient somme
toute les mêmes pour tous les enfants, mais avec quelques variations de rythme.
La notion de trajectoires développementales culturelles apparaît chez Greenfield
et Bruner (1966), mais elle est particulièrement analysée par les anthropologues
Shweder et LeVine (1975) qui critiquent ce qu’ils appellent la « doctrine »
d’invariant des séquences développementales. Ces derniers montrent à propos de
la représentation des rêves chez les enfants qu’en fonction du contexte culturel,
les enfants empruntent différentes routes développementales.
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La question des trajectoires développementales culturelles soulève au
moins deux problèmes. Le premier est celui du point d’aboutissement du
développement. Il a été montré par plusieurs recherches sur les représentations
de l’intelligence une variété des définitions culturelles de la notion d’intelligence et
de la définition d’un comportement intelligent (Dasen et al., 1985 ; Mundy-Castle,
1974). Globalement, les attentes occidentales concernant l’intelligence sont liées
à la réalisation de tâches, à des raisonnements sur des situations impliquant
des objets physiques, ce que Mundy-Castle (1974) a appelé « l’intelligence
technologique » alors que dans des cultures non-occidentales l’intelligence
comprend de nombreux aspects sociaux (« l’intelligence sociale »). Cette
différence de centration se traduit par des représentations différentes des
objectifs éducatifs, et une enculturation différente (voir Dasen, 1998). Cependant
comme nous l’avons montré antérieurement, les cultures sont complexes, et
cette présentation dichotomique des points d’aboutissement doit être nuancée.
En effet, au sein des cultures occidentales on observe d’une part une variabilité
des représentations de l’intelligence, les personnes ordinaires ne partageant pas
toutes le point de vue scientifique (Mugny, & Carugati, 1985), et certaines
considérant même que l’intelligence est avant tout sociale (Schurmans, Dasen,
& Vouilloz, 1990), et d’autre part que les deux grands concepteurs des tests de
l’intelligence que sont Binet et Wechsler ont personnellement tenu à introduire
dans leur mesure des composantes sociales de l’intelligence, considérant que
l’intelligence c’est aussi comprendre et s’adapter aux situations sociales. Cette
dimension sociale de l’intelligence, un temps mise de côté, est examinée par
plusieurs théoriciens contemporains de l’intelligence (cf. Lautrey, 2001 ; Troadec,
& Martinot, 2003).
Le second problème concerne les routes développementales elles-mêmes. On
peut arriver au même point développemental mais en passant par des voies
différentes, soit des étapes différentes soit en mobilisant d’autres compétences
et sous l’influence d’autres facteurs. Par exemple, Gardiner et Kosmitzki (2002)
Contribution de la psychologie culturelle à la modélisation du développement 253

montrent que l’autonomisation est une tâche développementale des adolescents


dans toutes les cultures, mais que selon les cultures, l’autonomisation se
caractérise par une plus grande distance par rapport aux parents ou par une plus
grande capacité à prendre en compte son environnement social particulièrement
sa famille et ses parents.
La notion de trajectoires développementales culturelles a repris de la force
avec la troisième et quatrième vague de recherches sur le développement cognitif
et émotionnel. Elle a fait l’objet de plusieurs publications (Greenfield et al., 2003).
Cependant on doit reconnaître que cette notion sert plutôt d’explication après
coup et qu’elle est utilisée de façon dichotomique en se fondant sur la proposition
de Mundy-Castle (1974) d’intelligence technologique versus intelligence sociale
et sur la notion d’individualisme vs collectivisme ou son dérivé indépendance vs
interdépendance. Les travaux sur les représentations de l’intelligence ont montré
plus de nuances.
La notion de trajectoires développementales a émergé au sein de la Society for
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Research on Child Development en 1984 principalement dans le cadre des études
sur le développement affectif et social par deux chercheurs, Macoby (1984), lors
son discours présidentiel devant cette société, et Ciccheti (1984) dans le numéro
spécial de Child Development consacré à la psychopathologie développementale,
une approche présentée ultérieurement en France par Nadel (1994). Ces auteurs
considèrent qu’il est nécessaire de dépasser l’approche normative unique et
homogène et de reconnaître la diversité des trajectoires de développement des
enfants tant typiques qu’atypiques. Une véritable psychologie du développement
affectif et social doit rendre compte à la fois des changements liés à la succession
des stades, et des différences individuelles en rapport avec cette succession.
Leurs travaux renvoient aux remarquables propositions de Magnusson dans son
analyse du comportement social qui invitent les chercheurs à s’intéresser aux liens
personne-contexte (Magnusson, 1988). Par ailleurs, dans le cadre des études sur
le développement cognitif, particulièrement à propos des opérations concrètes,
Lautrey présente une vision dite pluraliste du développement, où il conçoit que
les enfants peuvent suivre plusieurs chemins pour résoudre des problèmes et
atteindre un niveau de développement (Lautrey, dans ce volume ; Lautrey, &
Caroff, 2004).
On doit toutefois préciser que cette approche qui cherche à rendre
compte de la diversité des trajectoires développementales, cherche également
à identifier des trajectoires typiques de groupes d’individus en fonction de
certaines caractéristiques individuelles (par exemple, une pathologie avérée ou des
caractéristiques tempéramentales), certaines caractéristiques de l’environnement
ou de l’histoire des enfants, et des interactions entre une constellation de
variables. Il ne s’agit pas sur le plan de la recherche de rendre compte d’une
infinité de trajectoires individuelles, une telle entreprise rendrait confuse notre
compréhension des processus de développement mais plutôt de repérer des
trajectoires typiques de plusieurs individus, de saisir les chemins pris et d’identifier
les éléments susceptibles d’infléchir et de canaliser le cours de ces chemins.

nfance n◦ 3/2014
254 Colette SABATIER

Les nouvelles techniques d’analyse statistique (systèmes dynamiques, growth curve


analysis, approche centrée sur la personne) ont été mises à profit pour tester ces
idées.
En retour, sous l’influence de ces nouvelles conceptualisations du développe-
ment, des recherches en psychologie culturelle ont pu traiter avec plus de
précision l’idée-clé des trajectoires développementales culturelles, il s’agit alors
de saisir la variabilité des trajectoires en fonction d’un certain nombre d’éléments
de la culture et du contexte et de repérer les trajectoires qui seraient « typiques »
d’une ou plusieurs cultures ou contextes. Ainsi, Kuwabara et Smith (2012)
montrent que les capacités attentionnelles des enfants suivent des trajectoires
développementales culturelles différentes selon que la centration préférentielle
de l’attention va aux objets ou aux relations. Ce travail fait écho à celui de
Rogoff (1993) qui montre que les enfants mayas sont socialisés par leur mère
pour une attention partagée alors que les Anglo-Américains sont socialisés pour
maintenir leur attention sur une seule tâche à la fois. Dasen et ses collègues
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(Dasen et al., 2006) parlent de chemins de développement pour la question du
développement de l’orientation spatiale qui seraient liés d’une part à la maturation
mais surtout à un ensemble de facteurs qui forment le macrosystème et entourent
une niche de développement particulière. Leurs données montrent qu’au sein
des cultures non occidentales des trajectoires développementales spécifiques à
certains contextes culturels en fonction de l’agencement particulier à chaque
culture de différents éléments (religion, niveau éducatif, géographie physique des
lieux, etc.). La notion de deux trajectoires (occidentale versus non occidentales) est
alors considérablement nuancée.
En somme, avec les évolutions actuelles, la psychologie culturelle et
interculturelle semble être une approche qui pourrait fournir de riches
informations et ainsi réellement mettre à jour des processus développementaux
peu encore investigués en adoptant une approche à la fois diachronique et
synchronique qui prenne en compte les différences individuelles et les facteurs
écologiques et culturels. Une voie prometteuse qui devrait attirer l’attention des
chercheurs.
L’évolution avec les changements sociétaux des compétences des enfants, qu’elles soient
socio-affectives ou cognitives, a fait l’objet de plusieurs travaux. Ce thème est
apparu en force au cours des années 1980 avec deux propositions majeures
celle de chronosystème par Bronfenbrenner (1986) et celle de l’effet dit « effet
Flynn » de Flynn (1984). Bronfenbrenner (1986) a introduit dans son modèle
écologique la notion de chronosystème pour souligner les évolutions temporelles
à chacun des paliers environnementaux (micro, méso, exo et macrosytèmes),
particulièrement les changements économiques et axiologiques inhérents à
certaines époques. Les travaux d’Elder (1998) fournissent de très nombreux
exemples de l’influence des époques sur le développement des enfants et leur
adaptation sociale et cognitive, en structurant des contextes développementaux
spécifiques. Flynn (1984, 2013) a scruté de façon approfondie et extensive
l’évolution avec les générations des performances aux tests d’intelligence, en
Contribution de la psychologie culturelle à la modélisation du développement 255

comparant les bases de données disponibles sur plusieurs décennies. Il a montré


une amélioration des performances au fur et à mesure des générations. Il suggère
que cet effet est relié essentiellement aux changements sociétaux et économiques
qui offrent de meilleures conditions de vie aux individus, invitant à la remise en
question des vues sur les différences biologiques, génétiques attribuées à la notion
de race (Flynn, 2013).
Les recherches de Greenfield (2011) et de Kagitcibasi (Kagiticibasi, & Birick,
2011) sur les changements des compétences cognitives alimentent et précisent
la compréhension de ces transformations en s’intéressant à des populations
rurales non occidentales vivant dans des communautés de petite taille. Ces
deux chercheurs ont eu l’occasion de reproduire plusieurs décennies plus
tard une de leur recherche avec les mêmes communautés. Leurs données
montrent une transformation notable des compétences cognitives des enfants.
Greenfield (2011) relie ces changements, dans la perspective du chronosystème
de Bronfenbrenner, avec des changements en profondeur de la structuration des
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liens sociaux dans la perspective de Tönnies (1957, cité par Greenfield, 2011)
qui viennent transformer les construits de soi (indépendance vs interdépendance)
qui à leur tour transforment les situations d’apprentissage et les compétences
cognitives, particulièrement la représentation spatiale. Kagiticibasi et Birick
(2011) s’inscrivent dans la perspective de Flynn et montrent que les compétences
cognitives telles qu’évaluées par le dessin du bonhomme des enfants turcs ont
évolué en l’espace de trois décennies. Toutefois, les transformations liées au
temps se font donc de façon différentielle selon les contextes. En effet, les
changements socioéconomiques et culturels en milieu rural étant plus radicaux
qu’en milieu urbain, on constate en conséquence une transformation plus
radicale de la niche de développement en milieu rural, ce qui entraine une plus
grande évolution des enfants en milieu rural qu’en milieu urbain, l’écart des
performances entre les deux contextes s’est ainsi atténué après trois décennies.

6. CONCLUSION
En somme, les évolutions de la psychologie générale du développement ainsi
que celles de la psychologie culturelle et interculturelle du développement
soulignent des interinfluences mutuelles. Les travaux en psychologie culturelle et
interculturelle ont mis en évidence des processus alternatifs du développement, et
par ricochet ont pu montrer que ce qui était observé par les chercheurs relevaient
en partie des processus généraux du développement de l’enfant et en bonne
partie leur inscription dans la niche développementale des classes moyennes
occidentales. Ainsi plusieurs recherches soulèvent la question de notre façon de
concevoir le déroulement du développement selon ses séquences, notamment
avec la notion de trajectoires développementales culturelles. Une question qui est
maintenant considérée avec sérieux par les psychologues du développement tant
pour les enfants typiques que pour les enfants atypiques.
La psychologie culturelle et interculturelle en adressant la question des
interactions entre la biologie et les influences de l’environnement, et celle de

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256 Colette SABATIER

l’interaction entre les écosystèmes et la culture permet de mieux comprendre les


interactions entre la maturité et les influences de l’environnement. Nous avions
déjà souligné la parenté entre les modèles interculturels du développement et les
modèles écologiques ou éco-systémiques pour notre compréhension de l’enfant
et de son adaptation sociale (Sabatier, 1999).
Les nouvelles études qui s’intéressent aux liens entre la biologie et la culture
posent la question des interinfluences entre la culture ou l’environnement sur des
processus considérés jusque-là comme essentiellement reliés au fonctionnement
neurologique ou neuropsychologique, donc a priori comme universel. Enfin,
la question des déterminants est particulièrement traitée par les recherches
interculturelles avec un effort pour mettre à jour les déterminants les plus
importants et écarter les autres déterminants, parfois a priori plus évidents, mais
qui s’avèrent en fait peu influents, de simples épiphénomènes. Il s’agit de retenir
les facteurs les plus importants dans une culture donnée et un contexte donné
en attachant une attention particulière aux interactions entre les facteurs selon
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des configurations spécifiques à chaque culture mais qui reflète la diversité des
situations humaines.
Pour une mise en perspective finale, on pourrait reprendre le souhait de Dasen
et Mishra que les nouvelles théories du développement et approches soient plus
rapidement testées dans différentes cultures. Mais aussi que les recherches en
psychologie culturelles et interculturelles s’intéressent avec plus de précision à la
question des séquences du développement, domaines par domaines, comme l’a
suggéré à plusieurs reprises Lehalle (Bril, & Lehalle, 1988 ; Lehalle, & Mellier,
2013).

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