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RÉSEAUX NUMÉRIQUES ÉDUCATIFS

L'analyse réticulaire d'usage, instrument de conception et d'investigation

Gérard Puimatto

Lavoisier | « Distances et savoirs »

2005/3 Vol. 3 | pages 283 à 309


ISSN 1765-0887
DOI 10.3166/ds.3.283-309
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-distances-et-savoirs-2005-3-page-283.htm
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Réseaux numériques éducatifs

L’analyse réticulaire d’usage, instrument


de conception et d’investigation

Gérard Puimatto

Observatoire des ressources multimédias en éducation (ORME)


Centre Régional de Documentation Pédagogique
31, bd d’Athènes
F-13232 Marseille cedex 1
gerard.puimatto@crdp-aix-marseille.fr

RÉSUMÉ. Appuyés par un ensemble de recommandations et de spécifications venant encadrer


les initiatives, les réseaux numériques scolaires connaissent depuis quelques années un fort
développement. Dans une perspective de suivi de la construction des usages, le rôle de ces
réseaux doit être interrogé, entre objets techniques, économiques institutionnels et éducatifs.
Pour conduire ce questionnement, l’auteur propose une méthodologie d’analyse réticulaire
en situation d’usage fondée sur une approche sociotechnique, le réseau intervenant à la fois
comme outil pédagogique et éducatif, mais aussi comme instrument de vie scolaire, de
documentation, d’organisation. Institution, collectivités et acteurs économiques interviennent
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et collaborent à la constitution d’environnements de communication scolaire médiatisée.
ABSTRACT. Digital school networks, relying on a body of recommendations and specifications
outlining the scope of initiatives, have undergone a sizeable expansion over the last few years.
To investigate the emerging usage of these networks, their role must be questioned as
technical, economical, institutional and educational objects. In order to implement this
questioning, the author proposes a methodology of reticular analysis of a socio-technical
view of network use - the networks intervene at the same time not only as a teaching and
educational aid, but also as tool for school life management, documentation and
organization. State institution, local communities and economic actors intervene and
collaborate in setting up media communication environments in school.
MOTS-CLÉS : réseau numérique, éducation (nationale), vie scolaire, TIC, schémas
d’organisation, établissement scolaire, Internet, Intranet, espace numérique de travail,
usages du multimédia.
KEYWORDS: digital network, (national) education, school life management, ICT, organisation
schemes, Internet, Intranet, virtual school board, multimedia uses.

D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire, pages 283 à 309


284 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

Introduction

Depuis le plan Informatique Pour Tous, les générations techniques de réseaux


scolaires se sont succédées : télématique, réseaux locaux, réseaux d’accès à Internet,
services Intranet et enfin environnements numériques de travail. Longtemps
cantonnés dans la sphère des publics innovateurs et des minorités actives
particulièrement impliquées, les réseaux numériques éducatifs trouvent dans
l’affirmation d’objectifs de généralisation un cadre de développement élargi. A
partir de 1998, le PAGSI (Plan d’action gouvernemental pour la société de
l’information) vise la connexion de tous les établissements scolaires à Internet et, en
2002, le plan Re/so 2007 (Pour une République numérique dans la Société de
l’information) réaffirme l’objectif de généralisation des usages.
Cette volonté politique est relayée par un ensemble de recommandations et
spécifications, édictées par le ministère de l’éducation nationale dans le cadre de son
Schéma stratégique des systèmes d’information et de télécommunications S3IT1.Les
recommandations Services Internet Intranet pour les établissements et les écoles
(S2I2E)2 puis le Schéma directeur des environnements de travail (SDET3) viennent,
parmi d’autres textes prescriptifs4, définir les services à offrir dans le cadre des
réseaux éducatifs et en préciser les modalités. Peu connus des praticiens, ces
documents sont largement utilisés par les académies et les collectivités pour définir
leurs axes de développement. Par leurs préconisations technologiques, l’affirmation
d’un cadre institutionnel et d’une recherche de qualité du service éducatif, ils
structurent un cadre technologique qui vise au développement de la communication
éducative médiatisée (Moeglin, 2005, p. 31).
A présent inscrits dans les politiques d’équipements et d’infrastructures, les
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réseaux numériques éducatifs intègrent des environnements de services (les Espaces
numériques de travail) et de ressources éditoriales en ligne (les canaux de
ressources, notamment le Canal numérique des Savoirs5 et le Kiosque numérique
pour l’éducation, KNE6). Ce cadre renouvelé participe de l’industrialisation d’une
composante de l’environnement de formation, celle-là même qui permet d’ouvrir de

1. Le schéma stratégique S3IT (2000) prend la suite des schémas directeurs informatiques
antérieurs ; traitant quasi exclusivement d’organisation des réseaux, il vise à intégrer des
dimensions nouvelles, avec d’une part les aspects pédagogiques et d’autre part le contexte de
compétences partagées Etat-Collectivités,
http://www.education.gouv.fr/syst/schema/default.htm
2. S2I2E : Services Internet Intranet pour les établissements et les écoles
http://www.educnet.education.fr/equip/s2i2e.htm
3. SDET : Schéma directeur des environnements de travail
http://www.educnet.education.fr/equip/sdet.htm
4. Notamment deux schémas directeurs, relatifs respectivement aux infrastructures (SDI) et à
la sécurité (SDS).
5. CNS : canal numérique des savoirs http://www.cns-edu.net/
6. KNE : Kiosque numérique pour l’éducation http://www.kiosque-edu.com
Les réseaux numériques éducatifs 285

nouvelles conceptions espace/temps dans les procès de la communication éducative


médiatisée.
La première partie de cet article vise à décrire une approche sociotechnique des
éléments caractéristiques des réseaux éducatifs et de leurs acteurs, puis à proposer
un modèle d’analyse de leurs modalités de leur intervention, non seulement sous un
angle pédagogique, mais aussi en matière de vie scolaire, de documentation,
d’organisation/gestion, etc. La seconde partie présente une mise en œuvre de ce
modèle pour une analyse comparée des projets d’ENT et d’Intranet. Elle vise avant
tout à constituer un exemple de mise en œuvre du modèle, les observations qui la
fondent restant à ce jour trop généralistes et parcellaires pour prétendre à autre chose
que poser la première pierre de travaux à conduire.

Les réseaux numériques éducatifs, entre objets scolaires et objets


technologiques

Appuyés par les plans successifs de développements des TIC, soutenus par des
générations successives de recommandations et supportés aujourd’hui par la
puissance des politiques territoriales, les réseaux numériques éducatifs sont à présent
largement diffusés.
Objets scolaires, les réseaux le sont par leur implantation au sein de l’Ecole, et
par les usages qu’en font ses acteurs. Mais ils se distinguent cependant des autres
objets de la communication éducative médiatisée par leur dimension plus
immatérielle. Le réseau n’est pas de ces objet qui « prennent de la place, ne passent
pas inaperçus » (Moeglin, 2005, p. 7 ) ; on attend du réseau au contraire qu’il
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s’efface et se fasse oublier, permettant ainsi aux fonctionnalités et principes
informatiques de céder la place à l’information et à ses modes d’accès. Cet oubli
recherché, qui touche au premier chef les aspects matériels et de fonctionnement,
concerne aussi par voie de conséquence les éléments organisationnels associés7,
désormais transmis comme des composantes plus incorporées qu’explicitées.
Objets d’innovations technologiques, les réseaux éducatifs le sont également :
leur élaboration, leur diffusion, les modalités de leur appropriation par les usagers
scolaires en suivent les modalités. Les réalisations sont complexes, fortement
dépendantes d’autres déploiements techniques (les postes de travail, les câblages) ou
pédagogiques (les Travaux personnels encadrés8 ont donné un coup d’accélérateur
considérable) ; elles sont aussi multiples, avec notamment les câblages de bâtiments,
les réseaux longue distance, les services de connectivité, des services d’information
et de documentation, etc. Les réseaux scolaires héritent du technologique la relation

7. Ces éléments organisationnels sont aussi bien ceux liés aux contraintes techniques du
réseau et à son organisation propre que ceux liés au fonctionnement de l’institution.
8. TPE. Dispositif pédagogique mis en place en classes de première et terminale s’appuyant
largement sur des activités de recherche documentaire.
286 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

complexe par laquelle l’outil forge l’usage et l’usage forge l’outil, mais aussi la
difficulté à identifier les conditions du développement de leur usage, étroitement liée
aux processus de l’innovation et de sa diffusion.
Les réseaux numériques touchent à tous les domaines de l’Ecole, apportant des
dimensions nouvelles d’information/communication, et notamment la possibilité de
s’affranchir des distances et d’effacer les délais de transmission ou d’accès à une
diversité informationnelle et documentaire. Divers et multidimensionnels, les
réseaux numériques éducatifs s’élaborent au gré d’initiatives diverses, centrées sur
une grande variété d’objets technologiques, comme les Intranet d’établissement, les
espaces numériques de travail, les services de ressources en ligne, etc. Chacun de
ces objets détermine une « famille » de projets, encadrée par un ensemble de
recommandations et de spécifications. Pour se limiter aux trois exemples ci-dessus,
les Intranet d’établissements sont liés aux recommandations S2I2E, les espaces
numériques de travail sont définis par le SDET, les services de contenus se sont
structurés autour de l’initiative Espace numérique des savoirs (ENS)9. A chaque
étape les différentes initiatives s’attachent à décliner ces recommandations.
Les projets se succèdent, avec leurs objets et les recommandations associées,
sans qu’une approche globale soit toujours clairement perceptible ; il convient alors
de s’interroger sur les modalités et l’existence même d’une approche du tout, d’un
pilotage de la construction de l’espace numérique d’éducation qui se constitue
progressivement.

Espaces numériques d’éducation


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Si les espaces numériques de travail sont qualifiés de chaînon manquant des
politiques d’aménagement éducatif des territoires ou de superstructure des
initiatives publiques en matière de TIC (CDC-FING, 2004), on ne peut cependant
ignorer que les réseaux numériques éducatifs, appréhendés dans leur ensemble, et
non dans une vision de composants comme tel ou tel ENT ou Intranet, créent un
espace de développement de la communication éducative médiatisée. Toutes les
caractéristiques du réseau (nombre et localisation des terminaux, capillarité des
câblages, infrastructures, connectivité externe, etc.) s’associent à la définition des
services destinés aux utilisateurs pour déterminer un espace numérique d’éducation.
La constitution d’un espace numérique d’éducation consiste en la mise en réseau
de ressources, d’acteurs, de systèmes et d’usagers, élaborant progressivement un
environnement de communication éducative médiatisée à l’échelle scolaire.
L’espace numérique d’éducation doit être considéré dans la globalité des réseaux et
de leurs composantes, et non comme la superstructure conceptuelle qu’aspire à
devenir l’ENT. L’analyse des déterminismes liés à chacune de ses composantes, de

9. ENS. Expérimentation de service de ressources éditoriales en ligne mise en place par le


ministère de l’éducation nationale.
Les réseaux numériques éducatifs 287

leurs synergies et de leurs contradictions, des contraintes et comportements qu’ils


induisent, mais aussi des détournements, voire des refus qu’ils occasionnent doit
permettre d’éclairer les choix stratégiques. L’analyse des réalisations passées permet
une élaboration et un suivi des projets dans une approche globale, à l’éclairage
qu’offre l’observation des usages en construction.

Acteur-réseau, réseau d’acteurs, réseau d’Ecole

Les travaux de la sociologie de l’innovation encouragent une telle globalité


d’approche, avec notamment l’importance des interactions entre les acteurs humains
et non humains qui fondent l’acteur-réseau10. Usagers, outils techniques, contenus,
services, organisations, savoirs incorporés dans les outils (notamment logiciels),
savoirs explicités dans les documents méthodologiques, recommandations et
spécifications diverses… tous, humains et non humains, contribuent aux conditions
de la généralisation ou de l’échec par leurs controverses, les dynamiques
d’enrôlement qu’elles occasionnent et enfin les alignements qui s’établissent11.
Autre concept fondateur de la sociologie de l’innovation, la traduction, qu’Armand
Mattelart (Mattelart, 2002, p. 93) résume ainsi : « Traduire, c’est mettre en réseau
des éléments hétérogènes, les articuler dans un système d’interdépendance […].Les
innovateurs doivent se faire des alliés, devenir des porte-parole avec des tactiques
d’intéressement qui amènent leurs interlocuteurs, humains et non humains, dans de
nouveaux réseaux, de nouvelles séries d’alliances. » Dans le domaine des réseaux
éducatifs, la traduction est notamment présente dès lors que technologie et
composantes scolaires interagissent, et permettent l’élaboration de nouveaux outils,
de nouvelles conceptions, de nouvelles organisations, liés à la fois à l’impact de la
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technique utilisée et à son contexte d’usage.
Cependant, l’application aux réseaux scolaires des théories fondées sur les
réseaux d’acteurs se révèle particulièrement difficile, notamment en raison de
l’interpénétration de dimensions réticulaires différentes et néanmoins liées : le terme
de « réseau » décrit ici aussi bien l’objet technique appréhendé dans son cadre
fonctionnel propre, les interactions entre les protagonistes de l’innovation et même
les nouveaux modes d’organisation du système éducatif. Jean-Louis Dérouet nous
rappelle à ce propos que la constitution de réseaux au sein de l’institution constitue à
présent un mode normal de fonctionnement et même de gouvernance. « [les
établissements scolaires…] apparaissent comme des unités élémentaires
constitutives d’un réseau, et l’interrogation se déplace vers les modes de régulation
de ce réseau » (Dérouet, 2000, p. 6).

10. La théorie de l’acteur-réseau (ANT : actor network theory) a été développée par le Centre
de Sociologie de l’Innovation de l’Ecole des mines de Paris (Latour, Callon, 1981).
11. Controverses, enrôlements et alignements constituent des maîtres mots de la théorie de
l’acteur-réseau.
288 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

Les effets réticulaires, telles qu’ils se présentent dans la diffusion des réseaux
numériques éducatifs, s’installent au moins dans chacune de ces trois dimensions :
les liaisons techniques, les relations tissées entre les acteurs de la mise en œuvre
technologique, les structures maillées qui président à l’organisation scolaire et leur
évolution. Ces trois composantes structurent l’espace numérique en construction, et
permettent d’en éclairer les orientations.
Mais ces dimensions réticulaires doivent aussi être examinées à l’éclairage de
l’analyse sociotechnique (Flichy, 2003), et notamment de la recherche d’une
description du cadre de fonctionnement et du cadre d’usage, dont les alliages sont
déterminants pour la diffusion de l’usage.

Proposition d’un modèle réticulaire

Conçu comme un empilement de couches en tant qu’objet technique12, le réseau


dans ses diverses dimensions ne peut se passer de l’idée du maillage (ou du réticule),
fondée sur la double métaphore du travail de tissage/broderie d’une part et du
fonctionnement du corps humain de l’autre (Musso, 1998). Sans les détailler, ces
métaphores induisent les notions d’organisation, de complexité et de régulation.
Utilisateurs, informations et documents véhiculés, composantes techniques,
établissement scolaire, institution, collectivité, acteurs économiques, techniques et
éditoriaux, sont autant d’acteurs du réseau scolaire dont il faut analyser les relations.
Alors que la diffusion/pénétration du réseau dans le système éducatif relève
d’analyses quantitatives, que les aspects techniques relèvent de descriptions
factuelles, il en est tout autrement des réticularités pédagogique, de vie scolaire,
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documentaire et d’organisation, pour lesquels il est nécessaire de définir des
approches plus conceptuelles et qualitatives.

Le réseau et ses acteurs

Parmi la diversité considérable des acteurs impliqués, et dans le souci de


conserver un modèle suffisamment concis pour être maniable et exploitable, seuls
six acteurs ont été conservés. Leur choix n’est pas neutre : il est fondé sur quelques
conceptions essentielles : l’individu-usager, pivot des analyses de la sociologie de
l’usage ; l’établissement scolaire, unité de l’organisation éducative ; l’institution
Education nationale, qui préside à l’organisation du système scolaire ; la collectivité,
acteur scolaire dont l’importance est croissante ; l’économique, comme facteur
essentiel de la démarche d’industrialisation de la formation ; les contenus enfin,
comme objet et vecteur de la communication éducative.

12. En référence notamment au classique modèle en 7 couches de l’OSI.


Les réseaux numériques éducatifs 289

L’individu-usager
Les services rendus par le réseau sont définis à son attention, mais le caractère
générique de l’approche de l’usager ne saurait faire oublier la diversité concernée :
élèves, enseignants, personnels non enseignants, parents, etc. Les usagers potentiels
du réseau sont aussi les individus acteurs de l’Ecole, c’est-à-dire les membres de la
communauté éducative, au sens défini par la Loi d’orientation scolaire de 1989.
Mais la description des relations réticulaires de l’usager avec les autres
composantes du modèle ne peut se limiter à une approche statistique. Le rôle des
minorités actives apparaît particulièrement important dans les démarches de
traduction, l’animation de controverses ou le déploiement de stratégies
d’enrôlement. L’actant13 occupe souvent une zone de marginalité du système, celle
du marginal sécant (Crozier, Freidberg, 1992, p. 85-87) qui, par sa position
spécifique, peut assurer un lien positif entre la technique et l’usage. Si les
développements actuels sont davantage tournés vers un usager moyen, l’existence de
démarches de mise en usage hors du cadre prévu revêt une importance particulière.

L’établissement scolaire
L’établissement scolaire, unité élémentaire d’organisation du système éducatif,
est maître de ses choix en matière de projet pédagogique, et donc de TIC14. Pour
autant, il est lui-même nœud d’un réseau organisationnel (Dérouet, op. cit) dans
lequel, s’il est partie prenante des décisions et orientations, il n’en est que partie.
S’agissant de son réseau numérique, et donc d’une dimension d’infrastructure forte,
l’articulation avec la politique de la collectivité est évidemment essentielle. Mais le
réseau installe aussi une structuration de l’information et de ses systèmes, et la
cohérence avec les déploiements de l’Institution éducative devient un élément
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déterminant de contrainte15.
L’établissement, par ses choix dans le domaine des usages et de leur
développement ainsi que dans l’organisation de sa gestion informationnelle et
documentaire interne, dispose d’une large autonomie. Cependant, celle-ci reste
limitée par de multiples contraintes externes, liées notamment aux aspects
techniques, économiques, politiques, institutionnels, géographiques, etc.

L’institution Education nationale


Elle-même réticulaire (ministère, académies, services départementaux,
circonscriptions, etc.), l’institution Education nationale n’en reste pas moins

13. Actant : terme utilisé en sociologie de l’innovation, et en particulier dans a théorie de


l’acteur-réseau pour désigner l’ « acteur agissant ».
14. L’organisation éducative est fondée sur le principe de l’autonomie de l’établissement, qui
se trouve situé au carrefour des politiques éducatives de l’Etat et de la collectivité.
15. S3IT comporte également des recommandations et prescriptions pour les systèmes
d’information (EPLE, académie, ministère, premier degré, etc.).
290 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

fortement structurée en étoile autour de ses services centraux. Les expérimentations


nationales ont laissé la place à la recommandation et la spécification, mais le
fondement même d’un pilotage national n’est pas remis en cause ; il est même
réaffirmé et renforcé, sous une autre forme, par la logique des schémas directeurs
qui composent S3IT.
L’académie, échelon de déconcentration pour l’application de la politique de
l’Etat en matière de TIC à l’Ecole, constitue également un élément déterminant.
C’est notamment sous la responsabilité du Recteur que se définissent les dispositifs
de prescription et d’accompagnement des établissements, mais aussi les modalités
de la relation à la collectivité, la gestion des moyens d’Etat, le pilotage des
expérimentations et projets nationaux, etc.

La collectivité
Son rôle va croissant dans les évolutions de l’organisation en cours, et cela est
particulièrement sensible dans le domaine des réseaux. Maître d’ouvrage du
déploiement et souvent propriétaire de tout ou partie des infrastructures, la
collectivité affirme une politique éducative, dont les réseaux sont un élément ; mais
elle affiche aussi, et de façon étroitement liée, des politiques d’aménagement
territorial, de développement économique, d’action culturelle, etc., qui sont autant
de composantes d’une cohérence recherchée. Son action ne se limite pas au
financement ou au pilotage des travaux, mais s’étend bien à la mise en œuvre de
politiques qui s’instituent comme autant de cadres pour l’action d’éducation. Les
acteurs des réseaux éducatifs sont de fait intégrés dans cette organisation territoriale,
dont ils n’ont pas la maîtrise ni même toujours conscience de son importance.
La phase actuelle de transfert des personnels TOS, si elle paraît située dans une
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marge éducative, accroît encore les enjeux liés au réseau : augmentation
considérable des effectifs de personnels et dispersion au sein du maillage scolaire
induisent la nécessité de penser le réseau comme un moyen de réticuler l’école pour
créer un lien entre ses propres agents, et lui donner ainsi une dimension
supplémentaire d’unité structurelle.

L’économique
Les travaux sur l’industrialisation de la formation ont démontré l’importance de
l’économique dans les processus en cours. Si le réseau est un outil technologique
dans le monde éducatif, il est un vecteur d’une industrialisation dans la formation ;
s’il est un environnement de développement d’une communication éducative
médiatisée, il est un objet d’une industrialisation du cadre scolaire lui-même16. Dans

16. Pierre Moeglin (1988, p. 20-22), Bernard Miège (2004, p.163-164) et Elisabeth Fichez
(2001), pour ne citer qu’eux, distinguent industrialisation de la formation et industrialisation
dans la formation.
Les réseaux numériques éducatifs 291

les deux cas, il devient une composante soumise à une régulation économique au
cœur du système éducatif.
Le réseau procède de l’introduction d’un système technique dans l’éducation,
dans un souci d’évolution positive, voire d’amélioration globale de l’action
d’éducation. Cette introduction représente des masses financières considérables et ce
dans une grande diversité de domaines économiques et professionnels
(infrastructures, équipements, logiciels, services de connectivité, services
informationnels, contenus, etc.). Technique, économie, Ecole et organisation
éducative tissent entre eux des liaisons multiples, élaborant ainsi des réseaux
technico-économiques qui permettent l’élaboration des évolutions technologiques et
conceptuelles (Callon, 1999).

Les contenus
Tuyaux et contenus : c’est autour de cette métaphore simpliste que s’organise
souvent le débat. Passons sur le tuyau, l’objet même de cet article étant de mettre en
évidence une complexité conceptuelle d’une toute autre nature ; la notion de
contenus, pour aussi inadaptée qu’elle paraisse, affirme sa présence dans les projets
et réalisations et n’est sans doute pas moins multiple et complexe.
Les travaux conduisant à l’émergence de nouveaux modes de commercialisation
de l’offre éditoriale utilisant le en-ligne ont été largement commentés. Ils ne
sauraient cependant faire oublier l’activité de production du système lui-même. La
publication en ligne des textes officiels et réglementaires refonde d’une certaine
manière une nouvelle cohérence de l’institution ; les productions des enseignants
échangées et mutualisées sur les sites pédagogiques, qu’ils soient académiques ou
associatifs, donnent une lisibilité jamais atteinte aux capacités de production de la
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profession ; la publication de productions réalisées par les élèves vient donner un
élan nouveau à ce que l’on désigne quelquefois par le terme de Freinet électronique.
Encore cette énumération reste-t-elle dans le seul registre documentaire, sans
aborder la communication, et on ne peut ignorer sur ce point l’importance croissante
des échanges interpersonnels des acteurs concernant leur activité scolaire, même
s’ils trouvent davantage place dans la sphère personnelle ou domestique.
Les offres éditoriales s’installent sur la place commerciale de l’Internet public ;
les productions des acteurs scolaires trouvent une place naturelle sur les sites
institutionnels et associatifs ; les échanges personnels se développent sur les réseaux
sociaux, divers et distincts, fondés notamment sur le mel personnel, le chat, le SMS,
les Blogs, etc. Tous concourent à constituer un espace de communication scolaire
médiatisée, s’organisant autour de chacun de ses acteurs comme un faisceau de
canaux multiples et convergents d’information et de communication.
292 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

Réseau : diffusion et réticularités

Diffusion et pénétration
Dans chaque territoire, un espace numérique d’éducation se constitue, sans faire
toujours l’objet d’une conception explicite ou d’un suivi global. Le déploiement est
partout présenté comme généralisé, mais avec des différences de conceptions
notables. Si les capacités en termes d’information et de communication constituent
le cœur de l’analyse réticulaire, il apparaît cependant nécessaire de se doter aussi des
éléments d’une approche quantitative, seule à même de permettre d’apprécier
l’impact. Les indicateurs existants sont nombreux : enquêtes d’équipements,
évaluations périodiques et spécifiques, enquêtes lourdes annuelles, statistiques de
déploiement des collectivités, etc. Il n’est pas question ici d’ajouter encore aux
indicateurs existants aux plans national, académique ou local, mais de s’appuyer sur
leur diversité pour apprécier, selon une grille resserrée, deux déterminants
quantitatifs volontairement discrets et grossiers :
– la diffusion vise à caractériser la proportion des établissements concernés sur
un domaine d’observation défini (par exemple un territoire, une catégorie
d’établissements, etc.) ;
– la pénétration tente d’évaluer la proportion d’acteurs (notamment enseignants)
concernés dans les établissements touchés
Une telle appréciation, volontairement discrète dans son évaluation, doit
s’inscrire dans un domaine clairement défini, qui peut être global (par exemple
nombre d’établissements ou d’enseignants concernés par les ENT), mais qui gagne
fortement en pertinence si on la circonscrit au périmètre le plus étroit possible
correspondant à une initiative : établissements d’un territoire, établissements
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participants à une expérimentation, personnels d’un établissement effectivement
concerné, etc.

Réticularité technique
La réticularité technique s’attache à décrire les liaisons entre les entités décrites
plus haut (cf. supra, le réseau et ses acteurs), dans l’acception technique des liaisons
posées par les infrastructures, les équipements, les systèmes et les services.
L’individu-usager, l’établissement et l’institution sont par exemple concernés par le
développement de services et systèmes d’information régissant leur activité
quotidienne ; usager et contenus sont liés par les services de type web, qui
permettent à l’un d’entre en contact avec l’autre, etc.
Cependant, la nécessité de cerner les contours techniques de l’objet réseau
impose aussi de distinguer la mise en réseau interne de l’établissement du
développement de sa connectivité externe, avec l’ouverture d’espaces de
communication présentant des épures largement différentes.
Les réseaux numériques éducatifs 293

Réticularité pédagogique
La relation pédagogique entre enseignants et enseignés s’appuie sur des
ressources, notamment documentaires et informationnelles, pour lesquelles le réseau
offre des possibilités étendues de communication, de mise à disposition et
d’échanges ; dépassant l’unité de temps et de lieu de la classe, il ouvre la possibilité
de nouvelles modalités pédagogiques.
L’enseignement à distance constitue le premier exemple qui vient à l’esprit ; il
reste cependant, dans l’enseignement scolaire, limité à des situations rares et
spécifiques, moins nouveauté qu’amélioration de conditions antérieures qui
s’accommodaient des délais du courrier postal. Bien d’autres modalités de
dépassement des unités de temps et de lieu sont aussi explorées, avec par exemple
l’exploitation de ressources distantes durant une séquence présentielle, l’intervention
d’un interlocuteur à distance, le prolongement du présentiel en télétutorat, etc.
Relations interclasses et interétablissements, productions collectives réalisées à
distance, mutualisations de recherches et production sont autant de modalités
nouvelles, mais qui restent du domaine de l’initiative individuelle.
L’impact des réseaux sur les usages pédagogiques apparaît cependant limité, la
séance réunissant professeur et élèves dans la classe restant considérée comme la
situation pédagogique de référence ; la réticularité pédagogique se situe souvent
dans les marges de la classe traditionnelle, comme complément ou prolongement.

Réticularité de vie scolaire


Sur le plan institutionnel, la vie scolaire désigne un secteur d’activité de
l’établissement, celui assuré notamment par les personnels dits d’éducation (CPE en
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particulier). Présences et absences, relations avec les parents, résultats scolaires sont
autant de domaines de relation avec les familles pour lesquels le réseau peut
apporter des avancées significatives.
Mais, dans son acception plus large, le terme de vie scolaire désigne aussi (cf. loi
d’orientation pour l’école, 1989) l’ensemble des activités de la communauté
éducative. Le réseau permet ici d’envisager de donner une autre dimension aux
échanges de cette communauté qui a justement pour caractéristique sa dispersion17.
A côté des aspects pédagogiques et éducatifs, le réseau est aussi un
environnement « à vivre l’école », avec en particulier le rôle qu’il peut jouer dans La
vie de l’élève et de l’établissement18, dans sa simple dimension de support
médiatique dans la vie quotidienne de la collectivité scolaire.

17. La communication avec les familles est le premier domaine de développement privilégié
identifié par les travaux de la CDC et de la FING.
18. Selon le titre emprunté au rapport Blanchet (Blanchet, 1998), qui souligne notamment
l’importance des médias comme facteur de lien social au sein de l’établissement.
294 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

Réticularité documentaire
La Loi d’orientation pour l’avenir l’Ecole (2005) et le rapport de l’Inspection
générale de l’Education nationale sur les politiques documentaires (Durpaire, 2004)
soulignent l’importance éducative des aspects documentaires, qui s’inscrivent dans
une relation étroite avec le réseau.
Au-delà des documents primaires, qui sont considérés comme faisant partie des
objets directs du réseau en tant que contenus, la sphère documentaire s’intéresse à
leur organisation, leur classement, leur traitement, leurs modalités d’accès, et plus
généralement à l’information secondaire et à tous les services d’exploitation
associés. Cette information secondaire est portée par le réseau, et crée elle-même des
liens entre usagers et contenus. La réticularité documentaire réside dans la capacité à
mettre en relation les objets et les acteurs, en s’appuyant sur des services
d’exploitation fondés sur une organisation et des traitements.

Réticularité d’organisation et de gestion


Depuis longtemps déjà, l’informatisation et la mise en réseau sont approchées
dans les entreprises comme un vecteur et un moyen de la réingénierie des
organisations. Pour le système éducatif, qui est déjà un réseau à dimensions
multiples, il s’agit moins d’une réingénierie que d’une évolution progressive de son
organisation, avec notamment le recours généralisé au courrier électronique, la
« webisation » des services d’information réglementaire et professionnelle, la
généralisation des téléprocédures pour les actes de gestion des carrières (mutations,
promotions, concours, etc.). Les données de gestion s’organisent progressivement en
systèmes d’informations, aux différents niveaux de maillage territorial (national,
académique, établissement) ; les outils de gestion des établissements évoluent
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progressivement, marqués par des logiques d’ouverture, notamment avec les
possibilités d’interconnexion administratif/pédagogique mais aussi de recours à des
logiciels et services émanant de fournisseurs privés19.
Le réseau apporte ainsi un ensemble de capacités techniques qui viennent
appuyer les dynamiques intra et interétablissements, mais aussi qui contribue à
l’élaboration de nouveaux modes d’organisation et de fonctionnement de
l’institution elle-même.

3.3. La difficile qualification de l’impact acteur/domaine

Si les diverses dimensions réticulaires sont aisément perceptibles, l’implication


de chacun des acteurs concernés se révèle difficile à caractériser. La diversité des
situations rend difficile une analyse détaillée de la réticularité, dans la perspective

19. Les travaux du schéma directeur des environnements de travail citent l’urbanisation des
systèmes d’information comme un objectif.
Les réseaux numériques éducatifs 295

d’une analyse croisée acteur/domaine. Les indicateurs quantitatifs manquent ou sont


trop complexes ou encore peu comparables. Les indicateurs qualitatifs sont d’un
usage délicat, nécessitant des définitions précises.
Pour pallier cette difficulté, deux séries de valeurs ont été définies, l’une pour les
déterminants à caractère qualitatif ou factuel (diffusion, pénétration, déterminants
techniques), l’autre pour les caractères plus qualitatifs. Ces valeurs permettent de
renseigner les indicateurs correspondants, en conservant dans tous les cas une
dimension forte d’appréciation personnelle (tableau 1).

Critères quantitatifs Critères qualificatifs


0 Non concerné Non concerné
Intérêt
Très faible
1 L’acteur marque son intérêt pour le projet
Diffusion marginale, non significative
ou la réalisation, mais sans y participer de
sur un plan statistique
façon active
Action
Faible L’acteur participe au projet de façon
2 Diffusion signalée dans les enquêtes, active, sans pour autant jouer un rôle
mais restant limitée de leader ou lui donner une importance
déterminante dans son action
Moyenne Priorité
3 Diffusion sur une fraction significative du L’acteur participe au projet en l’affichant
domaine visé comme une priorité de son activité
Structuration
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Forte L’acteur modifie sensiblement son
4 Diffusion concernant la moitié organisation pour prendre en compte le
du domaine visé au moins projet comme facteur de sa structuration
propre
Traduction
Généralisation L’acteur prend une part active au
5
Diffusion généralisée processus de traduction technologie-
domaine réticulaire

Tableau 1. Critères qualitatifs et quantitatifs utilisés

Dans tous les cas, l’attribution de valeurs à de tels indicateurs conserve un


caractère arbitraire, ce qui souligne l’impossibilité de substituer cette modélisation à
des outils classiques d’analyse quantitative. Il convient donc de les considérer avec
prudence, en les utilisant par exemple dans l’analyse comparative de deux situations
(par exemple avant/après), deux projets ou deux réalisations, ou encore comme un
296 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

instrument permettant d’affiner une conception et une analyse collective par une
exploitation contradictoire.

Exemple de mise en œuvre : étude comparée de la réticularité d’usage


d’un Intranet pédagogique d’établissement et d’un ENT

Pour illustrer l’approche, le modèle réticulaire proposé est utilisé ici pour
présenter une analyse comparative du déploiement d’un ENT et d’un Intranet
pédagogique à l’échelle d’un établissement. Cet exemple ne fait pas référence à un
établissement particulier ou à des projets spécifiques, mais en revanche s’appuie sur
des travaux d’ingénierie, de conseil et de formation conduits dans différents projets.
Cette analyse ne constitue cependant qu’un exemple, qui doit être décliné à propos
de situations précises, dans des perspectives de comparaison de projets ou d’analyse
d’évolutions.
Afin de limiter la complexité de l’analyse, il a été décidé de se limiter au
périmètre d’un établissement unique, pour lequel on suppose que les conditions de
base que constituent un réseau local généralisé et une connexion à hauts débits sont
réalisées.

L’Intranet pédagogique

La notion d’Intranet est ici prise au sens d’un ensemble de services sur le réseau
local, utilisant les formats et protocoles standard de l’Internet, et en particulier le
web. La consultation externe n’est pas envisagée, afin notamment de ne pas
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conduire l’établissement à assumer la responsabilité juridique d’hébergeur, fonction
non conforme au principe de spécialité des établissements d’enseignement.
Les fonctions possibles d’un Intranet d’établissement sont précisées par les
recommandations S2I2E, sous le terme générique de services aux utilisateurs. On
note cependant que les fonctions réellement implémentées (notamment dans les
expérimentations en cours sous l’égide de la Direction de la Technologie20)
couvrent généralement un petit nombre de services de base, structurés autour des
technologies du web au service d’exploitations documentaires. On soulignera aussi
que S2I2E prévoit également des services d’arrière plan destinés à sécuriser
l’infrastructure, qui ont en revanche fait l’objet d’un déploiement généralisé21. Les

20. Expérimentation des Intranet à vocation documentaire, menée par la sous direction
chargée des TICE (SDTICE), au ministère de l’Education nationale.
21. Ce socle technique, sorte de passerelle d’infrastructure entre le réseau d’établissement et
l’extérieur, est géré par les services académiques. Il assure les services de garde-barrière, de
filtrage d’adresses et de réseau privé virtuel pour la liaison administrative académique.
Les réseaux numériques éducatifs 297

services Intranet pédagogiques les utilisent comme support d’arrière plan (back
office), mais s’inscrivent dans un projet distinct.
Comme c’est souvent le cas pour les Intranet d’établissement, on suppose qu’il
procède de l’initiative locale, fondée sur un projet pédagogique comportant un volet
spécifique TIC22. On rappellera à ce propos que les Intranet pédagogiques sont des
plates-formes de services techniquement peu coûteuses et faciles à exploiter, mais
qu’elles restent actuellement peu diffusées (de 10 à 20 % des établissements
environ).

L’espace numérique de travail

Les Espaces numériques de travail trouvent leur origine dans le Schéma directeur
des environnements de travail (SDET), publié à partir de 2003. Les ENT sont des
ensembles de services accessibles via Internet, personnalisés et personnalisables,
proposés à l’ensemble des usagers de la communauté éducative23. Ils sont fondés sur
une initiative conjointe académie-collectivité, font l’objet d’un hébergement
externalisé, et proposent une gamme de services à leurs usagers :
– les services personnels (fichiers, documents divers, signets, répertoire
personnel, etc.), facilitant l’utilisation des données personnelles à partir de n’importe
quel terminal connecté à Internet ;
– les services de travail collaboratif, liés aux groupes de travail et à leurs
activités (gestion des échanges au sein des groupes, exploitation d’espaces partagés,
etc.) ;
– la vie scolaire, avec des services de type gestion des notes, des absences, de
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l’emploi du temps, du cahier de textes, etc. ;
– l’accès aux contenus : accès aux productions locales, selon un dispositif
organisé de publication ; accès aux bases documentaires de l’établissement ;
quelquefois intégration de titres éditoriaux aux standards d’Internet (encyclopédies
notamment).
Les ENT sont souvent complétés par l’abonnement à des services éditoriaux en
ligne (CNS, KNE), mais sans que leur intégration en un espace numérique unique et
cohérent soit véritablement aboutie. La diversité des projets ENT, de la réalisation

22. Pour plus de facilité dans la description des réticularités de l’Intranet, on considère que ses
services sont fondés sur la distribution Eva web (http://spip-edu.edres74.net/), largement
diffusée et sur l’accès à la base documentaire via le logiciel BCDI Web (CRDP de Poitiers),
selon une configuration assez répandue.
23. En mai 2005, la Caisse des Dépôts et Consignations et le Ministère de l’éducation
nationale recensent une vingtaine de projets, représentant environ globalement
150 000 comptes ouverts
http://tice.education.fr/educnet/Public/services/bureau_virtuel/scolaire. Consulté le 5 juin
2005.
298 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

associative au produit clé en main, en passant par la prestation sur-mesure d’une


société de services, ne confère qu’une valeur d’exemple limitée à l’analyse d’une
réalisation spécifique. Elle permet néanmoins d’apprécier l’ampleur de l’épure de
tels projets.

Pénétration/diffusion

La situation d’origine du projet est celle d’un réseau local techniquement


opérationnel, régulièrement exploité dans les possibilités qu’il offre pour la sphère
pédagogique. Ses usages concernent principalement la mise à disposition de
documents d’accompagnement, les possibilités de reprise et prolongements après la
séquence, les travaux collectifs, etc., sous la forme de conservation et partage de
fichiers. En revanche, les usages de vie scolaire sont réduits ; la sphère
administration/gestion, qui reste soumise à la règle de séparation formelle des
réseaux, n’est pas concernée ; les usages personnels se limitent à assurer une
continuité occasionnelle des travaux entre salle de travail et séquence pédagogique.
L’Intranet pédagogique, en tant qu’évolution des déploiements antérieurs, trouve
sa légitimité dans son origine au cœur du projet pédagogique de l’établissement.
Dans le cadre du projet, il définit des objectifs d’extension du domaine d’usage
existant, en particulier par l’extension fonctionnelle du réseau local, notamment en
facilitant par des services plus conviviaux l’accès aux utilisateurs réticents. Des
usages de vie scolaire peuvent être envisagés, en s’appuyant notamment sur les
capacités d’interconnexion entre domaines administratif et pédagogique de la plate-
forme S2I2E24, mais ils sont dans tous les cas limités par les capacités des
applications disponibles et le respect des règles administratives de sécurité.
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L’analyse réticulaire se fonde, en ce qui concerne la pénétration et la diffusion,
sur une évaluation en fonction de l’échelle de valeurs définie plus haut. Dans
l’exemple développé, l’analyse ne concerne qu’un établissement, et seules les
pénétrations respectives du réseau local, de l’Intranet et de l’ENT seront donc
évaluées. Les valeurs attribuées sont le reflet de l’ensemble des situations observées
par l’Observatoire des ressources multimédias en éducation (ORME), mais ne sont
pas issues d’une analyse conduite sur un établissement donné. Elles se limitent à
alimenter et illustrer l’exemple développé, comme une prise de position de l’auteur à
partir de son point de vue sur le développement des réseaux numériques éducatifs,
mais sans que l’analyse précise du constat dressé ne soit ici visée.

24. Les plates-formes S2I2E actuellement généralisées pour prendre en charge les fonctions
de sécurité permettent une interconnexion limitée (unidirectionnelle) entre administratif et
pédagogique ; elles prévoient cependant aussi la mise à disposition de services accessibles des
deux domaines, sous la forme de services Intranet localisés dans une zone spécifique, dite
DMZ (demilitarized zone).
Les réseaux numériques éducatifs 299

On notera que la pénétration du réseau local est envisagée comme le constat


d’une situation à un moment donné, alors que celles de l’Intranet et de l’ENT
relèvent de l’expression d’un objectif « cible », dans le cadre d’une analyse
intentionnelle (Auziol, 2000).
L’ENT est le fruit d’une initiative territoriale visant un ensemble
d’établissements et une pénétration maximale chez leurs usagers. L’établissement ne
fixe ni les objectifs généraux ni l’épure réticulaire, négociés dans d’autres cercles
entre collectivité et institution. Les objectifs de pénétration de l’ENT sont définis par
sa maîtrise d’ouvrage, en fonction de la définition de l’objet technique telle qu’elle
est exprimée dans le SDET. Ils sont dans tous les cas élevés, entre diffusion forte et
généralisation, à l’exception du domaine administratif pour lequel la structuration
existante des systèmes d’information s’érige en limitation.
L’Intranet s’inscrit en revanche dans un objectif d’extension du réseau local,
avec une volonté d’accroître la pénétration à divers usages, mais en restant dans une
dimension interne et dans une logique de continuité. L’expression des objectifs est
ici étroitement liée au projet de l’établissement. Les usages visés sont en continuité
avec l’existant, et non pas, comme dans le cas des ENT, structurés à partir de
fonctionnalités techniques pour lesquelles l’établissement aura la charge
ultérieurement de définir une contextualisation. Les objectifs cibles de l’Intranet en
matière pédagogique et documentaire est au moins une diffusion forte, voire
généralisée ; ils sont plus mesurés en matière de vie scolaire, et faibles ou inexistants
dans les domaines des usages personnels et de la gestion (tableau 2).
REMARQUE. — La comparaison des cibles de pénétration met en évidence des
objectifs largement plus ambitieux pour les ENT que pour les Intranet. La
comparaison doit ici tenir compte du caractère endogène des objectifs de l’Intranet
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(liés au projet d’établissement), alors que l’ENT fonde sa logique sur des objectifs
exogènes de généralisation, intégrant des contraintes et déterminants techniques et
institutionnels plus larges. Les fonctionnalités cibles de l’Intranet sont des
applications contextualisées, alors que celles de l’ENT relèvent davantage d’une
approche technique, dont l’application nécessite une contextualisation.

Usages
Diffusion Usages Usages Usages Usages
administratifs
pénétration pédagogiques vie scolaire documentaires personnels
et gestion
Pénétration du réseau
Moyenne très faible Moyenne non concerné faible
local
Pénétration cible de
Forte Moyenne Forte non concerné faible
l'Intranet
Pénétration cible de
Forte Généralisation Forte Moyenne Généralisation
l'ENT

Tableau 2. Pénétrations cibles comparées de l’ENT et de l’Intranet


300 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

Usages pédagogiques

Usages Usages
personnels vie scolaire

ENT
Intranet
Réseau local

Usages
Usages
administratifs
documentaires
et gestion

Figure 1. Pénétrations cibles comparées de l’Intranet et de l’ENT

Réticularité technique

Le réseau local, considéré largement déployé, assure d’ores et déjà une


connectivité forte des postes de travail ; les services de l’Intranet sont
immédiatement accessibles aux postes connectés ; ils n’exigent plus d’installations
logicielles par application, ce qui contribue à en accroître la disponibilité. En
revanche, Intranet et réseau local sont limités au périmètre géographique de
l’établissement, alors que l’ENT généralise la connexion aux postes externes, dès
lors qu’ils sont connectés à Internet. Il en est de même pour les personnels et les
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élèves : utilisateurs du réseau local, l’Intranet leur apporte une convivialité
déterminante pour un recours généralisé. L’ENT ouvre la voie à la connectivité
externe, mais permet aussi aux acteurs externes que sont notamment les parents de
rejoindre le groupe des utilisateurs. Si l’Intranet développe la capacité d’usage
interne, l’ENT permet de s’affranchir des contraintes de lieu, mais ne se conçoit que
dans une perspective de généralisation. En matière de contenus, les productions
locales sont un objet essentiel des services de l’Intranet, et l’ENT leur apporte une
disponibilité accrue, échappant aux contraintes géographiques. Les contenus
éditoriaux, qui se sont développés dans le cas des réseaux locaux (encyclopédies),
souffrent d’une absence d’offre commerciale en matière d’Intranet comme d’ENT.
Les canaux de ressources qui se mettent en place se constituent parallèlement aux
dispositifs Intranet/ENT, sans intégration réellement aboutie (tableau 3).
REMARQUE. — La principale différence entre ENT et Intranet réside dans la
connectivité externe qui caractérise le premier. On notera aussi, dans le domaine
interne, que l’ENT s’élabore pour répondre à l’épure d’usage la plus large. Cette
situation est à nouveau liée à la conception exogène et a priori, qui vise dans le
cadre d’une opération étendue à satisfaire potentiellement une large variété de
Les réseaux numériques éducatifs 301

besoins. Cependant, l’offre de services apparaît davantage comme la mise en place


d’un cadre fonctionnel, alors que l’Intranet, réponse directe au projet local, est
davantage fondé sur une évolution liée entre cadre fonctionnel et cadre d’usage25.

Réticularité Etablissem ent / Contenus


technique Term inaux Usagers
institution produits
Forte M oyenne M oyenne Faible
Réseau local
Non concerné Non concerné Non concerné Non concerné
Intranet Généralisation Forte Forte M oyenne
pédagogique Non concerné Non concerné Non concerné Non concerné
Généralisation Généralisation Généralisation Forte
ENT
Généralisation Forte M oyenne Forte

Tableau 3. Réticularités techniques interne et externe de l’Intranet et de l’ENT26

Terminaux Terminaux
Externe Interne
Usagers Usagers

Institution Etablissement

Contenus Contenus
produits produits
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ENT
Contenus Contenus
Intranet
acquis acquis
Réseau local

Figure 2. Réticularité technique comparée de l’Intranet et de l’ENT

Réticularité pédagogique

Le réseau local a permis de développer des usages pédagogiques significatifs,


mais qui restent l’apanage de groupes restreints d’acteurs. Ils sont du domaine de
l’action volontariste, que ce soit pour les individus comme pour l’établissement. Les
autres acteurs font preuve d’intérêt, mais ne développent pas d’action significative.

25. En référence aux travaux de Patrice Flichy (2003) relatifs à la dimension sociotechnique.
26. Chaque cellule comporte deux mentions, relatives respectivement à la réticularité interne
et externe.
302 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

L’Intranet, fortement lié au projet d’établissement, est fondé sur la volonté de


développer des mises à disposition d’information et de documents en vue d’usages
pédagogiques, ce qui impose une structuration conjointe du service et des activités
d’usage. Pour l’établissement, cette démarche constitue la (ré)affirmation d’une
priorité. Les ENT apportent sur ces deux volets des fonctionnalités techniques
permettant l’extension des usages de l’Intranet ; l’individualisation du service induit
une structuration supplémentaire, mais la complexité technique du dispositif prive
l’établissement d’une part importante de sa maîtrise. L’institution a marqué son
intérêt pour les usages pédagogiques des réseaux locaux, notamment en apportant un
soutien aux expérimentations. L’Intranet devient un domaine d’action plus affirmé,
avec notamment l’expression de recommandations (S2I2E). Les ENT parviennent au
statut de priorité, avec les travaux du SDET et les initiatives associées. Les
collectivités mènent une progression parallèle, avec une action de soutien matériel
aux projets de réseaux locaux et d’Intranet, mais l’affirmation d’une priorité dans le
cadre de projets conjoints en matière d’ENT. Dans les deux cas, cependant, les
usages pédagogiques sont cités comme une potentialité, dont la réalisation est
renvoyée à l’établissement (tableau 4).
REMARQUE. — La dimension pédagogique des réseaux est revendiquée depuis
les premières initiatives, avec des situations cibles souvent analogues : enfants non
présents à l’école (enfants malades, sportifs), soutien scolaire, échanges avant et
après le cours. Restreintes au périmètre de l’établissement, ces possibilités sont
fortement limitées par les contraintes de temps et d’espace ; les ENT apportent une
dimension supplémentaire, en autorisant des échanges entre enseignants et enseignés
avant et après le cours sans contrainte de lieu, mais le recul manque pour en
apprécier l’impact.
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Les travaux d’observation de l’offre conduits notamment par l’ORME mettent en
évidence un secteur économique en position attentiste pour les réseaux locaux et les
Intranet ; l’offre se cantonne le plus souvent aux aspects techniques et sa spécificité
éducative reste limitée. Les ENT, en revanche, sont à l’origine d’une offre
commerciale organisée autour de services présentés comme pédagogiques, avec en
particulier des possibilités d’accès et d’échanges, avant et après le cours.

Rét icularit é L 'in div idu- L 'in st it ut io n


L 'ét ablissem en t L a co llect iv it é L 'éco n o m ique L es co n t en us
P édago gique usager EN
Réseau lo cal A ct io n A ct io n In t érêt In t érêt In t érêt In t érêt
In t ran et St ruct urat io n P rio rit é A ct io n A ct io n In t érêt In t érêt
ENT St ruct urat io n St ruct urat io n P rio rit é P rio rit é St ruct urat io n A ct io n

Tableau 4. Réticularité pédagogique comparée de l’Intranet et de l’ENT


Les réseaux numériques éducatifs 303

L'individu-usager

Les contenus L'établissement

L'économique L'institution EN

ENT
Intranet
Réseau local La collectivité

Figure 3. Réticularité pédagogique comparée de l’Intranet et de l’ENT

Réticularité de vie scolaire

Usagers et établissements ont souvent manifesté un intérêt pour un usage des


réseaux locaux dans le domaine de la vie scolaire, mais les réalisations ne se sont
que rarement concrétisées. Pour l’institution, la collectivité ou le secteur
économique, la séparation formelle entre réseaux pédagogique et administratif a
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encouragé cette non exploitation. L’Intranet comme l’ENT, avec des périmètres
techniques différents, sont tous deux au cœur des problématiques de vie scolaire, et
conduisent à des structurations différentes pour les acteurs et l’établissement.
L’institution a marqué son intérêt sur ce point en intégrant cette dimension dans les
recommandations S2I2E ; pour les ENT, c’est aujourd’hui une priorité, pour
l’institution comme pour la collectivité, avec notamment l’identification d’une
demande forte des familles. Le secteur économique, après avoir renoncé à des
évolutions de logiciels spécialisés en version Intranet, aborde les ENT, avec
l’amorce d’une structuration des offres. Les contenus restent globalement
faiblement concernés par les usages de vie scolaire ; seules sont concernées les
activités de publication interne ou externe, dans le cadre de productions d’élèves ou
de groupe dans les activités de vie de l’établissement, (tableau 5).
REMARQUE. — Pour les usagers et l’établissement, l’ENT devient un support
pour des activités prévues en Intranet, et qui connaîtront ainsi une extension
opportune vers l’extérieur. Pour l’institution, la collectivité et les acteurs
économiques, la vocation généralisatrice des ENT en fait un cadre de
développement potentiel important.
304 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

Rét icularit é v ie L 'in div idu- L 'in st it ut io n


L 'ét ablissem en t L a co llect iv it é L 'éco n o m ique L es co n t en us
sco laire usager EN
Réseau lo cal In t érêt In t érêt n o n co n cern é n o n co n cern é n o n co n cern é n o n co n cern é
In t ran et St ruct urat io n St ruct urat io n In t érêt In t érêt In t érêt A ct io n
ENT St ruct urat io n St ruct urat io n P rio rit é P rio rit é St ruct urat io n A ct io n

Tableau 5. Réticularité de vie scolaire comparée de l’Intranet et de l’ENT

L'individu-usager

Les contenus L'établissement

L'économique L'institution EN

ENT
Intranet
Réseau local La collectivité
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Figure 4. Réticularité de vie scolaire comparée de l’Intranet et de l’ENT

Réticularité documentaire

Le réseau local est un domaine d’action important pour le documentaire, avec


pour la première fois la possibilité d’exploiter des bases documentaires communes
aux documentalistes et aux usagers. L’Intranet apporte une possibilité de diffusion
élargie, grâce à l’accès web depuis tout poste, mais le service est limité à la seule
consultation. Quant à l’ENT, les applications documentaires ne tirent pas parti de ses
capacités de personnalisation, et le service est au mieux identique à celui rendu
anonymement en établissement. Pour autant, la mise à disposition généralisée de
l’information documentaire est affirmée comme une priorité des projets
d’établissement en matière d’Intranet, et les ENT intègrent cette attente.
L’information documentaire, par nature secondaire, tisse des liens réticulaires
renforcés avec les contenus nativement numériques, avec notamment une distinction
moins affirmée entre information primaire et secondaire.
Les réseaux numériques éducatifs 305

L’institution marque un intérêt mesuré pour cette dimension, en la mentionnant


dans les recommandations (S2I2E, SDET), sans définition explicite des services
correspondants. La collectivité apporte un soutien financier, permettant de répondre
à la sollicitation du marché en matière de logiciel spécialisé. On note cependant que
les offres ENT, dans leur grande majorité, n’offrent que des services génériques
fondés sur la recherche plein texte, (tableau 6).
REMARQUE. — La prise en compte du documentaire reste modérée et en faible
évolution. L’ENT n’apporte pas de valeur ajoutée spécifique, si on excepte la
réticularité technique étendue à l’extérieur de l’établissement. Cependant, cet accès
est déjà réalisable au travers des services Internet publics, l’ENT n’apportant pas de
dimension complémentaire. L’exploitation des ressources numériques, qui pourrait
faire le lien entre contenus primaires et secondaires, reste du domaine de
l’exceptionnel.

Ré t icula rit é v ie L 'in div idu- L 'in st it ut io n


L 'ét a blisse m e n t L a c o lle ct iv it é L 'éc o n o m ique L e s co n t en us
sc o la ire usager EN
Ré sea u lo ca l In t é rêt In t é rêt n o n c o n c ern é n o n c o n c ern é n o n c o n c ern é n o n c o n c ern é
In t ra n e t St ruc t ur at io n St ruc t ur at io n In t é rêt In t é rêt In t é rêt A c t io n
ENT St ruc t ur at io n St ruc t ur at io n P rio rit é P rio rit é St ruc t ur at io n A c t io n

Tableau 6. Réticularité documentaire comparée de l’Intranet et de l’ENT

L'individu-usager
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Les contenus L'établissement

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ENT
Intranet
Réseau local La collectivité

Figure 5. Réticularité documentaire comparée de l’Intranet et de l’ENT


306 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

Réticularité d’organisation

Les projets de réseau local et d’Intranet sont toujours pour l’établissement


l’occasion d’une réflexion sur l’organisation, mais dans une acception souvent
limitée à la sphère pédagogique. L’ENT est fondé une structuration significative,
assemblant des services personnalisés conçus à partir d’une représentation des rôles
et des positions de chacun. Pour l’institution, l’ENT procède d’une démarche de
traduction en matière d’organisation, avec une approche nouvelle des systèmes
d’information et de leur accessibilité. La collectivité comme le secteur économique
prennent progressivement cette dimension en compte, jusqu’à la poser en priorité
dans la plupart des réalisations ENT. Les contenus restent largement hors de cette
épure, les canaux de ressources numériques installant leur propre système de
gestion, rarement interfacé avec les ENT (tableau 7).

Rét icularit é L 'in div idu-


L 'ét ablissem en t L 'in st it ut io n E N L a co llect iv it é L 'éco n o m ique L es co n t en us
d'o rgan isat io n usager
Réseau lo cal A ct io n In t érêt n o n co n cern é n o n co n cern é n o n co n cern é n o n co n cern é
In t ran et A ct io n A ct io n In t érêt In t érêt In t érêt n o n co n cern é
ENT St ruct urat io n St ruct urat io n T raduct io n St ruct urat io n P rio rit é A ct io n

Tableau 7. Réticularité d’organisation comparée de l’Intranet et de l’ENT

L'individu-usager
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ENT
Intranet
Réseau local La collectivité

Figure 6. Réticularité d’organisation comparée de l’Intranet et de l’ENT


Les réseaux numériques éducatifs 307

REMARQUE. — L’ENT, qui se veut superstructure des équipements ou chaînon


manquant des politiques territoriales TIC, fonde son approche sur les logiques
d’organisation, et dépasse ainsi le cadre opérationnel de l’établissement pour
installer une logique réticulaire nouvelle entre usager, établissement, institution et
collectivité.

Espace numérique d’éducation et environnement de communication scolaire


médiatisée

L’exemple d’un établissement fictif, souhaitant dépasser le réseau local pour


aller vers de nouveaux services rendus en ligne, est évidemment limité et ne permet
pas de rendre compte de la diversité des situations. L’analyse ne prend pas en
compte les spécificités locales qui font la richesse du projet. Pour autant cependant,
l’exemple choisi correspond à la situation de nombreux établissements, à la
rencontre entre un projet d’évolution d’un usage local existant et la participation à
une initiative de généralisation territoriale. Au premier, la prépondérance d’un cadre
sociotechnique scolaire lié à l’établissement, associant étroitement un cadre
fonctionnel maîtrisé et un cadre d’usage qui aspire à s’étendre par ajout de nouveaux
services et adhésion de nouveaux usagers ; au second, une vision organisationnelle
globale, s’inscrivant dans la décentralisation, l’aménagement du territoire et le
partage des compétences entre Etat et collectivités, situation qui apporte une
dimension essentielle de généralisation, mais s’inscrit davantage dans la définition
d’un cadre fonctionnel a priori que dans la liaison avec un cadre d’usage existant.
Par sa double nature d’objet chargé de représentations symboliques et de
métaphore agissante, le réseau, plus sans doute que de nombreux autres objets de la
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communication scolaire médiatisée, nécessite un regard distancié, élargi à l’espace
numérique d’éducation dans son ensemble. Les enjeux en matière de macro-
organisation sont aujourd’hui clairement affirmés, la dimension de généralisation
apparaissant déterminante pour créer les conditions d’un large développement de
l’usage ; l’établissement reste en revanche focalisé sur la constitution d’un espace
local d’information et de communication, qui peut se décrire comme un espace de
communication scolaire médiatisée.
Au-delà du seul registre pédagogique, ENT et autres canaux éditoriaux en ligne
se situent dans le domaine éducatif, et cette tendance est confortée par l’affirmation
de l’importance du développement des maîtrises des TIC à l’Ecole27, sans qu’elles
fassent l’objet d’un enseignement spécifique. Mais le réseau devient bien davantage
un instrument quotidien du fonctionnement scolaire : par ses capacités de

27. La loi d’orientation sur l’avenir de l’école (2005) inscrit les compétences TIC comme
faisant partie du « socle » de « connaissances et compétences indispensables » constitutives
d’un « bagage commun minimal » pour lequel la loi doit « instaurer une obligation de
résultats ».
308 D&S – 3/2005. L’enseignement scolaire

communication et d’information, il ouvre pour tous, élèves, parents, enseignants,


établissement, un moyen de vivre l’école autrement, et trouve là un prolongement et
une modalité nouvelle pour sa fonction éducative.
Macro-initiative d’équipement et d’infrastructure, composante du projet local
pour l’établissement, le réseau relève du domaine de l’évidence pour les élèves,
qui l’approchent comme un « donné », comme une déclinaison au contexte
scolaire des outils de communication qui jalonnent leur vie quotidienne : SMS,
mail, chat, blog, etc. Pour les personnels enseignants et non enseignants comme
pour les parents, il est davantage du domaine de l’acquis, de l’objet dont on
développe une maîtrise par nécessité. Pour tous, le réseau devient support de la
communication personnelle et collective au sein de la sphère scolaire,
communication intégrant des aspects liés à l’organigramme, au sociogramme et à
la communication personnelle (Marty, Xech, 1997).
Si on envisage le processus de mise en usage du réseau comme l’élaboration
d’un cadre sociotechnique scolaire, l’enjeu réside alors dans la capacité à associer
étroitement un cadre fonctionnel largement exogène chargé d’un ensemble de
déterminants incorporés et un cadre d’usage fondé sur le recours personnel et
collectif à une communication médiatisée. La maîtrise du cadre fonctionnel et la
construction d’un cadre d’usage lié nécessitent réflexion, débats, controverses sans
doute, ajustements, alignements. La recherche d’un alliage fécond entre le projet
local d’usage et le chantier de généralisation infrastructurel et technique s’inscrit
dans une démarche d’ingénierie éducative (Chaptal, 1996), dans une logique
d’accompagnement du projet et d’aide à la décision. L’analyse réticulaire d’usage,
appréhendée comme une méthode souple et adaptable, constitue un instrument de
cette démarche d’ingénierie, en fournissant aux acteurs locaux un outil
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d’investigation commun, un moyen d’ouvrir la boîte noire, de mettre en évidence un
ensemble d’éléments du cadre sociotechnique, de rechercher les modalités des
alliages possibles entre fonctions et usages, de mettre à jour et d’expliciter autant
que possible et nécessaire les déterminants incorporés au réseau.
Davantage fondée sur des évaluations qualitatives que sur des données factuelles,
l’analyse réticulaire d’usage suppose un travail collectif et des débats contradictoires
permettant de mieux cerner les alliages potentiels entre fonctions et usages. Elle vise
ainsi à faciliter le dialogue et l’aboutissement des controverses, dans la construction
sociotechnique d’un environnement de communication scolaire médiatisée.

Bibliographie

Auziol E., « L’analyse intentionnelle des médias éducatifs », Les cahiers de Nîmes, Nîmes,
Mélanges, 2000.
Blanchet R., La Vie de l’élève et des établissements scolaires, Rapport au ministre de
l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, Paris, La Documentation
française, 1998.
Les réseaux numériques éducatifs 309

Callon M., Akrich M., Curien N., Réseau et coordination, Paris, Economica, 1999
(Innovation).
Callon M., Latour B., Unscrewing the big Leviathan: how actors macro-structure reality and
how sociologist help to do so”, in K. Knorr-Cenita et A. Cicourel (Eds.), Advances in
social theory and methodology toward and integration of micro and macro sociologies,
Boston : 1981.
Caisse des Dépôts et Consignations (France), Du cartable électronique aux espaces
numériques de travail : réflexion conduite par la Caisse des dépôts et la FING, Paris, La
Documentation française, 2004 (les Cahiers pratiques du développement numérique des
territoires).
Centre de Sociologie de l’innovation (France), Ces réseaux que la raison ignore, Paris,
l’Harmattan, 1992 (Logiques sociales).
Chaptal A., « Pourquoi une ingénierie éducative ? » in Séminaire franco-québécois, École
informatisée clés en mains, Comment informatiser l’école ? ». Montréal 1996, Paris,
CNDP, 1996, p. 45-51.
Crozier M., Freidberg E., L’acteur et le système, Paris, Le Seuil, 1992 (Essais).
Derouet J.-L., « Une science de l’administration scolaire est elle possible », Paris, Revue
française de pédagogie, n° 130, 2000, p. 5-14.
Durpaire J.-L., Les politiques documentaires des établissements scolaires - Rapport à
Monsieur le Ministre de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la
recherche, N°2004-037, [en ligne] Paris, MEN, 2004. [consulté le 5 juin 2005].
Disponible sur Internet
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/syst/igen/rapports/ politiques_documentaires.pdf
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nouvelles technologies de l’information et de la communication, Terminal, n° 83 [en
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ligne], Paris, L’Harmattan, 2001, [consulté le 5 juin 2005]. Disponible sur Internet
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Flichy P., L’innovation technique : récents développements en sciences sociales, Paris, La
Découverte, 2003 (Sciences et société).
Marty R., Xech J., Vers un management assisté par le réseau [en ligne]. Grenoble, EUNIS,
Actes du colloque 9-11 septembre 1997 [consulté le 25 mai 2005] Disponible sur Internet
<http://www.eunis.org/html3/congres/EUNIS97/papers/022808.html>
Mattelart A., Mattelart M., Histoire des théories de la communication, Paris, La Découverte,
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Miège B., L’information- communication, objet de connaissance, Bruxelles, De Boeck, Paris,
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Moeglin P., L’industrialisation de la formation. Etat de la question, Paris, CNDP, 1998
(Actes et rapports).
Moeglin P., Outils et médias éducatifs : une approche communicationnelle, Grenoble, PUG,
2005 (Communications, médias et société).
Musso P., Télécommunications et philosophie des réseaux – La postérité paradoxale de Saint-
Simon, Paris, Puf, 1998.

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