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ÉVALUATION DES PROJETS DE SYSTÈME D'INFORMATION : UNE

APPROCHE PAR LES OPTIONS RÉELLES

Wilfrid Azan, Tarek Miloud

ISEOR | « Recherches en Sciences de Gestion »

2013/3 N° 96 | pages 69 à 89
ISSN 2259-6372
DOI 10.3917/resg.096.0069
Article disponible en ligne à l'adresse :
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revue Recherches en Sciences de Gestion-Management Sciences-Ciencias de
Gestión, n°96, p. 69 à 89

Évaluation des projets de système d’information : une


approche par les options réelles

Wilfrid Azan
Maître de conférences
Faculté de Droit, de sciences politiques et de gestion
Université de Strasbourg, HUMANIS

Tarek Miloud
Professeur associé
Groupe ESC Chambéry Savoie
INSEEC Alpes-Savoie, Savoie Technolac

Cette étude prolonge les travaux de Morley (1999), l’AFITEP


(2000), et de Bernard et al. (2004) sur les risques dans les projets de
SI, en intégrant la théorie des options. L’article procède à une revue
de littérature. La théorie des options est appliquée dans le cas des
projets d’ERP sur une étude de cas simplifiée, en respectant la
spécificité de ce type de projets et l’incertitude qu’elle comporte. Elle
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constitue de fait une formalisation et livre un modèle permettant un
approfondissement dans le cadre de travaux empiriques plus détaillés,
notamment intégrant la diversité des projets de SI.

Mots-clés : Projet de SI, Options réelles, Contrôle de gestion.

This contribution‘s starting point are Morley’s (1998), AFITEP


(2000) and Bernard et al. (2004)’s study of the risks in IS projects
(2004). The article analyses the literature and integrates a real option
model in the case of ERP projects, taking into account the specificity
of this kind of activity and the uncertainty it entails. It proposes a
70 Wilfrid AZAN & Tarek MILOUD

model that can be deepened towards future contributions that


integrate the diversity of the IS projects.

Key-words: IS project, Real option, Management control.

El presente artículo prolonga los trabajos de Morley (1999),


l’AFITEP (2000), et de Bernard y al. (2004) sobre los riesgos en los
proyectos de SI integrando la teoría de las opciones. El artículo
procede un estudio de la producción literaria sobre el tema. La teoría
de las opciones se aplica en el caso de los proyectos de ERP a un
estudio de caso simplificado, respetando la especificidad de tal tipo
de proyecto y la incertidumbre que conlleva. Constituye de hecho una
formalización y proporciona un modelo profundo y detenido en el
marco de estudios empíricos más detallados, principalmente
integrando la diversidad de los proyectos de SI

Palabras claves: Proyecto de SI, Opciones reales, Control de gestión.

1. – Introduction

La réussite de pans entiers de l’industrie s’est effectuée grâce à


l’utilisation massive de technologies de l’information
(Brynjolffson&MacAfee, 2008). Parallèlement, les utilisateurs
deviennent des clients du projet de SI et font partie des groupes de
pilotage, de réorganisation ou encore de projet. Ces groupes
constituent des mécanismes de liaison entre le projet de SI et les unités
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opérationnelles et stratégiques (Kirsch et al., 2002). Ce ne sont pas de
simples utilisateurs ni de banals chefs de projet. Ils interviennent
directement sur les fonctionnalités du système, valident les livrables,
stimulent les équipes projets pour l’atteinte d’objectifs, et sont des
relais entre les équipes techniques et les unités de production. De fait,
ils exercent un contrôle constant sur le projet de SI et mettent en
œuvre un pilotage.

–––––––––––––––––––––––––––
Les auteurs expriment leurs remerciements aux réviseurs et à P. Roger. Les faiblesses
éventuelles de l’article sont uniquement imputables aux auteurs.
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Pourtant, s’il est facile de chiffrer des écarts de performance


projet, le pilotage du projet s’avère délicat au vu des risques encourus.
Les systèmes de contrôle sont largement complétés par des dispositifs
informels pour faire face à l’incertitude et aux situations non
structurées. Par exemple, Kirsch, et al. (2002) face à des situations
non structurées interrogent la notion de contrôle informel en se basant
notamment sur l’observabilité des comportements, une des clefs du
succès du projet de SI. L’attitude des acteurs projets et leur
implication font l’objet de constantes évaluations (Hartwick&Barki,
1994) souvent basées sur l’informel et donc plus difficiles à valoriser.
Selon les auteurs, face à des projets peu contrôlables car souvent
complexes, les modes de contrôle mis en place sont alors tout à fait
divers, formels et informels et constituent un enrichissement
considérable de méthodes uniquement fondées sur le « management
by numbers ».
Au vu des risques encourus par les projets de SI (dans le cas
d’Herschey Food, Motwani et al., (2003), plusieurs millions de dollars
ont été perdus dans le projet de SI), cet aléa notamment
comportemental dans les projets de SI est un facteur de risque que
l’entreprise doit prendre en considération dans ses anticipations et ses
évaluations. Les approches de type simulatoire constituent une
alternative intéressante dont la théorie des options réelles constitue
une des pistes possibles1.
L’article propose un modèle prenant en compte des risques
évoqués par la littérature. Il poursuit un triple objectif : (i) proposer
une méthode d’évaluation des risques adaptée à un environnement de
plus en plus exigeant et largement financiarisé, y compris pour les
groupes industriels ; (ii) estimer la valeur de la flexibilité managériale
fournie par l’option de report lors d’un investissement dans un projet
ERP ; et (iii) identifier les limites d’une approche financière appliquée
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à des projets de SI.

2. – Revue de la littérature : Analyse des risques du projet


ERP et de l’option réelle de l’investissement

Nous développons ici une revue de littérature décrivant dans une


première sous-partie l’ensemble des risques dans les projets de SI.

1. L’outil de management et d’évaluation le plus prisé de la plupart des grandes


entreprises outre-Atlantique (Airbus, GE, Hewlett Packard, Intel) et des grands cabinets
de consultants (Mc Kinsey& Co, Stern Steward & Co, Ernst & Young Corporate,
PricewaterhouseCoopers).
72 Wilfrid AZAN & Tarek MILOUD

Dans une deuxième sous-partie nous appliquons un modèle d’options


réelles aux projets d’ERP.

2.1. Analyse des risques de projet de SI

Un préalable à une revue de littérature sur les risques dans les


projets de SI, peut-être de relever à quel point les coûts cachés ne sont
pas évalués dans les projets d’investissement informatiques (Savall &
Zardet, 1995). L’approche socio-économique remet au centre
l’humain (Cappelletti, 2010 ; Savall & Zardet, 2005) pour autant la
définition de normes de pilotage reste problématique (Savall & Zardet,
2005). Ces dernières se superposent au point de former une
tetranormalisation et de gêner la prise de décision. Les risques dans les
projets de SI, notamment pour les ERP, sont largement stigmatisés par
la littérature et les exemples abondent de pertes retentissantes dans le
simple domaine des ERP, les normes de gouvernance COBIT y
répondent selon des mécanismes de création décrits par la
tetranormalisation. De fait, les risques sont à la fois intrinsèques à la
technologie utilisée et liés aux dispositifs organisationnels en place,
ainsi qu’au comportement humain et à la valeur immatérielle que le
facteur travail concourt à créer (Cappelletti, 2010).Les gains générés
par les projets de SI à court terme peuvent résulter d’une dégradation
du cadre de travail à long terme, d’une surcharge informationnelle et
d’une mise en péril de la performance de l’entreprise à long terme
(Kalikaetal., 2007).
Plusieurs modèles empiriques permettent d’évaluer les risques
intrinsèques du projet de SI (Kirsch et al. 2002). La littérature va, dans
un premier temps, proposer une mesure d’exposition aux risques pour
les projets de développement informatique (Barki et al., 1993 ; Aubert
et al., 2002 ; Aubert et al. 2004).
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E(Ri) = f{I(Ri); I(Ri)}

P(Ri) désigne la probabilité d’occurrence du risque. I(Ri), les


pertes associées sur le projet au risque i. Ce dernier sera atténué dans
le cadre d’une gestion des risques diminuant l’exposition aux risques
en isolant chacun d’entre eux et en le traitant de manière analytique.
Rapidement, des modèles synthétiques de risques dans les projets
de SI sont élaborés. Ils visent à proposer des configurations de risques
dans les projets de SI (Marciniak& Rowe 1997 ; Morley, 1998 ;
Quinio 1998). L’idée est alors la suivante : les projets de SI
comportent intrinsèquement un risque déterminé par la stratégie, la
technologie, le contexte ou encore le périmètre du projet. Les risques
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sont déterminés empiriquement, sont non quantifiés et sont évalués ex


ante. La démarche vise à cerner une (ZAR) ou Zone à Risque, où le
maître d’œuvre fait face à une somme de risques. Par exemple, on
qualifiera un risque d’important s’il désigne un projet d’intégration
avec une complexité de périmètre, un grand nombre d’acteurs, un
contexte organisationnel difficile et une technologie peu maîtrisée.
Cinq types de risques peuvent être recensés :

a) Le risque stratégique est le premier et dérive de la durée de


retour sur investissement du projet (Gefen, 2004). Plusieurs
éléments permettent de comprendre la nature de ce risque. La
mauvaise appréciation d’un environnement mouvant trouve
souvent son origine soit dans une anticipation insuffisante de la
réaction des clients et/ou des employés, soit dans une évolution
brutale de la concurrence ou encore dans un choix technologique
inadapté. Ce risque est également associé à l’incertitude
stratégique, une implication insuffisante de la Direction Générale
dans la maîtrise d’ouvrage du projet (Besson, 1999). Comme les
projets stratégiques sont porteurs d’enjeux qui relèvent de la DG,
cette dernière présente généralement un intérêt. Néanmoins, son
engagement n’est pas toujours suffisant pour définir les priorités,
prendre des décisions, arbitrer tout au long du déroulement du
projet et éventuellement le réorienter.
b) Le deuxième type de risques est lié à l’utilisateur. La
complexité à laquelle doit faire face l’utilisateur émane largement
de l’importance stratégique du projet et de la complexité de la
solution choisie. Elle se manifeste par desusages détournés
(Azan&Beldi, 2009) ou la mauvaise utilisation du système (de
Vaujany, 2007a ; 2007b ; Kallinikos, 2004). A l’origine de ce
risque, on trouve souventdes défaillances dans la communication,
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la concertation, l’implication et la formation.
c) Le troisième risque est celui d’une dérive technologique. On
choisit de faire appel à une technologie émergente, procédant ainsi
à une exploration, au lieu d’une technologie éprouvée, s’écartant
par-là de l’objectif d’efficience assigné au projet. Le risque peut
consister à sous-estimer les travaux à réaliser (phasage des
travaux, charge et complexité du pilotage de ressources pluridis-
ciplinaires notamment) ; une conséquence fréquente est un dimen-
sionnement insuffisant de l’organisation et des ressources du
projet, qui affecte durablement son fonctionnement. Dans le cas
des ERP ou des systèmes d’entreprise, le scénario le plus grave est
la défaillance de l’éditeur (Aubert et al., 2004) : celui-ci disparaît,
ou bien il est racheté et le produit est abandonné. Mais l’éditeur
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peut aussi, tout en continuant à exister, décider de ne plus faire


évoluer le progiciel : les fonctionnalités et/ou la portabilité se
révèlent insuffisantes pour traiter durablement les besoins.
d) La quatrième catégorie de risques que nous évaluons dans le
cas du projet de SI est celui lié au client du projet de SI. Le
risque peut s’objectiver dans la reconduction tacite des principes et
des règles du système existant (Besson, 1999); cette absence de
remise en cause a généralement pour effet deminimiser les gains
potentiels. Le risque résulte d’une mauvaise prise en compte des
contraintes spécifiques du client. Dans le domaine bancaire,
beaucoup de projets de SI sous-évaluent les règles de confi-
dentialité et de protection des données des clients. L’échec est
alors assuré.
e) Le cinquième type de risques a trait à la solution techno-
logique, au sein de laquelle se trouvent les ERP.Plusieurs
risques sont associés aux solutions techniques et technologiques,
dont on peut trouver une typologie ci-dessous (Ross et al., 2002),
réalisée auprès de 30 grands groupes. Nous la croisons ici (tableau
1) avec les travaux de Morley (1998).

Tableau 1 – typologie de risques selon la solution SI


Progiciel applicatif  Non pérennité du produit sélectionné
 Sous-estimation de la charge /complexité de
l’intégration
 Pas de remise en cause de l’existant
 Gestion du changement déficiente
 Pas de prise en compte des évolutions du progiciel
Développement  Insuffisance du cahier des charges (besoins et
applicatif et solutions)
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expérimentation  Manque de compétences ou de pérennité du
logicielle prestataire
Intégration de système  Erreurs dans le choix des composants
 Sous-estimation des travaux de migration et
d’interfaçage
Infrastructure technique  Réduction du projet à sa dimension technique
 Technologie incompatible avec la maturité
technologique de l’entreprise
Maintenance  Mauvaise analyse d’impacts des modifications
envisagées
 Absence ou indisponibilité des ressources (humaines
et/ou documentaires)
ÉVALUATION DES PROJETS DE SYSTÈME D’INFORMATION : OPTIONS RÉELLES 75

Les risques sont également spécifiques à des produits logiciels


comme les ERP (incertitude stratégique ou incertitude utilisateur).
Ainsi, dans leur cas, les risques sont identifiables (figure 1). Citons ici
la non-pérennité du produit sélectionné. Le système et ou l’infras-
tructure sont défaillants (Aubert et al., 2004 ; Wu et al., 2007) ou
encore la sous-évaluation de la complexité de l’intégration du
progiciel dans l’environnement applicatif existant (Davenport, 1998).
Rappelons que le coût de mise en œuvre d’un progiciel applicatif est
un multiple de son prix d’achat. Si l’on appréhende mal l’effort requis
pour la migration et l’interfaçage de l’ERP avec les autres appli-
cations, les budgets et les délais vont être dépassés (Hartwick&Barki,
2001), et l’organisation du projet se révélera inadéquate ou
insuffisante. L’un des arguments de ventes de ces produits est
précisément de minimiser les risques, sous-évaluant l’affect et
l’émotion dans les pratiques d’utilisation (Azan et al., 2009).

Figure 1– Incertitude technologique et incertitude stratégique

Incertitude Complexité utilisateur


Complexité utlisateur faible
technologique forte

Amélioration Expérimentation
des processus et/ou Solutions
ERP, E- spécifiques
solutions

Maintenance
applicative Projet de
refonte
Infrastructure
Court terme Long terme
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informatique
Incertitude stratégique

2.2. Options réelles de l’investissement ERP

La théorie des options réelles s’appliquent aux risques évoqués


dans les projets de SI.

2.2.1. La théorie des options réelles et le projet d’ERP

Les risques inhérents à l’investissement dans les projets ERP


deviennent considérables (Wu et al. 2008) en raison de leur utilisation
massive et appellent des techniques de gestion adaptées. Ces
76 Wilfrid AZAN & Tarek MILOUD

techniques n’éliminent pas l’incertitude autour de l’investissement


réalisé mais s’adaptent à la spécificité des actifs en cause. Notre
approche de la décision d’investir respecte la dichotomie entre risque
(calculable) et incertitude (non calculable) et concède que le projet
d’ERP peut être complexe, principalement à cause des contraintes à la
fois managériales et techniques. De nombreuses études dans la
littérature, Benaroch et Kauffman (1999) ; Davenport (2000) ; Taudes,
et al. (2000), proposent l’évaluation de ces projets en utilisant les
options réelles. L’approche consiste en une modélisation stochastique
à plusieurs niveaux dont la solution permettra d’obtenir une décision
optimale pour le projet. Selon Amram et Kulatilaka (2000), l’approche
considère les projets ERP comme une source de valeur parmi d’autres,
dont il faut arbitrer les évolutions futures et actuelles en regard les
gains de flexibilité procurés à l’organisation par le progiciel. Ces
derniers par leur caractère souvent transversal, comportent des risques
tout à fait spécifiques qu’il nous faut détailler : Les risques et
incertitudes inhérents à l’investissement dans les projets ERP sont
considérables.
Kumar (2002) et Markus et al. (2000) stigmatisent le manque de
coopérations entre les services en interne et notent que le personnel
manque souvent des compétences techniques nécessaires. De même,
ils constatent que la réponse par la concurrence peut éliminer
l’avantage de l’entreprise, ou qu’une nouveauté technologique peut
être introduite, ceci rendant l’application en cours obsolète. Comme
dans le point précédent, ils notent que la technologie peut être
immature et ses capacités peuvent être exagérées. La coopération entre
les services n’a alors rien à voir avec la transversalité associée à la
mise en place de l’ERP (Davenport, 2000 ; Beretta, 2002 ; Kallinikos,
2004).
Une deuxième interrogation consiste à se demander comment
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l’entreprise peut reporter les investissements ERP et combien de
temps sera nécessaire pour la phase de préinvestissement. Compte
tenu de l’incertitude des états futurs, la décision de report du projet
favorisera l’accumulation de l’expérience et des connaissances
nécessaires permettant d’améliorer la réussite des investissements. En
effet, le report peut révéler des informations supplémentaires
importantes et fournit de nombreux avantages concurrentiels à
l’entreprise. Par exemple, l’acquisition du nouveau matériel
informatique (où un retard peut permettre de réaliser les
investissements à un prix inférieur) et des types de techniques de
prototypage (dans lesquelles un retard peut permettre l’utilisation des
nouvelles technologies). En outre, pendant la prise de décision de
reporter l’acceptation du projet, l’information est susceptible de
ÉVALUATION DES PROJETS DE SYSTÈME D’INFORMATION : OPTIONS RÉELLES 77

changer. La société peut continuer à collecter des informations plus


fiables, et par conséquent, les responsables peuvent atteindre une
spécification plus complète.
De plus, le report de l’investissement peut permettre l’utilisation
d’une technologie de pointe afin de réaliser des économies ou de
faciliter la réalisation des performances techniques souhaitées du
système.Une approche utilisée dans la pratique pour valoriser les
risques de projet d’ERP se fonde sur la théorie des options réelles.
Selon Amram et Kulatilaka (2000), l’approche considère les projets
ERP comme une source de valeur parmi d’autres, dont il faut arbitrer
les évolutions futures et actuelles en regard les gains de flexibilité
procurés à l’organisation par le progiciel. Ces derniers par leur
caractère souvent transversal, comportent des risques tout à fait
spécifiques qu’il nous faut détailler :

- Le premier risque apparaît lorsque l’objectif est exprimé en termes


de solutions à mettre en place et non de problématique à traiter.
Cette démarche, qui occulte l’analyse et l’évaluation des diffé-
rents scénarios possibles, est réductrice et ne permet pas de
s’assurer de la pertinence de la solution retenue.

- Le deuxième risque se caractérise par une structuration insuffisante


du projet, par méconnaissance des facteurs de complexité
(notamment un nombre élevé de composants, d’intervenants,
d’entités et de sites concernés). La durée des travaux s’en trouve
en général fortement affectée.

- Le troisième risque concerne une mauvaise anticipation des


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modifications des comportements collectifs qui résultent de
l’utilisation du nouveau SI (augmentation du nombre et de la
nature des transactions). Dans ce cas, l’utilisation dépasse les
prévisions, ce qui entraîne une dégradation des performances et
peut entraîner des perturbations significatives dans le fonc-
tionnement de l’entreprise.

2.2.2. Les différents types d’options réelles

Lors de l’investissement dans un projet ERP, ou même avant qu’il


soit retenu et mis en place, le responsable du SI devra choisir entre
plusieurs options. Par exemple, avant d’investir les ressources allouées
au projet, il peut décider s’il est opportun de lancer le projet ou
78 Wilfrid AZAN & Tarek MILOUD

adopter une approche attentiste. Une fois le projet lancé, le


responsable doit suivre les étapes en permanence et faire le choix
entre plusieurs décisions. En effet, c’est lui qui décide si le projet doit
rester au niveau pilotage, ou modifier l’importance de l’inves-
tissement, ou encore de l’abandonner purement et simplement. Dans
le cadre des options réelles, toute décision dépend d’un certain
nombre de facteurs qui présentent une incertitude majeure. Par
conséquent, le dirigeant doit prévoir une forme de feuille de route
pour le responsable du SI afin de rendre les décisions d’investissement
appropriées dans un environnement incertain. Nous exposons les
options les plus couramment utilisées dans l’évaluation des projets
d’investissement ERP.

- L’option d’« attendre pour investir » : La prise en compte de


cette option est un moyen d’identifier la meilleure stratégie
d’investissement, en comparant celle consistant à « attendre avant
d’investir » et celle consistant à investir immédiatement. La
technique du différé peut être avantageuse lorsque l’incertitude
est grande, que les flux monétaires immédiats du projet sont
faibles et que son caractère irréversible est marqué. Dans le cas
d’une nouvelle technologie, l’analyse en termes d’options permet
au responsable SI de comparer les revenus engendrés par ce
nouveau projet et les pertes évitées, en attendant, pour réduire
l’incertitude. L’option « attendre pour investir » est une option
d’achat de type américain dont le prix d’exercice correspond à la
valeur de revente de l’actif.

- L’option d’abandon : Cette option fournit au responsable du SI


une assurance partielle contre l’échec si les conditions du marché
sont défavorables. Ainsi, il peut réduire les pertes supplémentaires
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du projet ERP. Il s’agit d’une option de vente, de type européen,
dont le prix d’exercice est égal à la valeur des actifs du projet
ERP si ceux-ci étaient vendus ou bien déplacés vers une
utilisation plus rentable.

- L’option de croissance : Cette option permet de changer l’échelle


des investissements. Si l’environnement de marché est favorable
et dépasse toutes les prévisions, le responsable SI a toujours la
possibilité d’agrandir le projet ou le réduire dans le cas contraire.
L’option de croissance peut se définir comme une option d’achat
dont le prix d’exercice correspond au coût de l’investissement
optionnel.
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- L’option d’apprentissage : Il est utile de limiter la mise en place


du projet ERP au sein d’un service au lieu de le généraliser au
niveau de l’entreprise. Il s’agit d’une stratégie de mise en place
progressive. Elle permet de créer de l’information à chaque stade
du projet et un meilleur apprentissage de la technologie. Le
découpage de l’investissement en différentes étapes est une
méthode de gestion de l’incertitude qui favorise l’adoption à
grande échelle dans le futur de cette technologie au niveau de
l’entreprise. L’approche en termes d’options réelles valorise les
décisions contingentes.

3. – Timing de l’option d’investissement dans les projets


ERP

Plusieurs auteurs (Aladwani (2001) ; Oliver et Romm (2002) ;


Upton et McAfee (2000)) soulignent l’importance du timing de
l’option d’investissement dans les projets ERP. Waarts, et al. (2002)
notent qu’au lieu d’affronter les difficultés et trouver les solutions
adéquates aux différents problèmes, liées à la mise en place du projet
ERP, certaines entreprises privilégient la stratégie du reporter de celui-
ci. Considérons le cas d’une grande entreprise qui envisage d’investir
dans un system ERP. Les coûts d’investissement sont estimés à 60
millions d’euros, y compris les coûts des différents modules ERP, de
formation du personnel, du conseil, de main d’œuvre et des différentes
rémunérations pour le projet. Grâce à l’investissement dans le système
ERP, l’entreprise estime qu’elle pourra obtenir des avantages
concurrentiels en réduisant les effectifs, en améliorant la gestion de la
trésorerie et en atteignant une flexibilité supplémentaire précieuse
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dans le management.
Pour les cinq prochaines années, les flux de trésorerie estimés de
ces avantages s’élèvent respectivement, à 10, 15, 20, 15 et 10 millions
d’euros. La volatilité des bénéfices futurs, σ, est égale à 20% et le coût
d’opportunité d’une attente, δ, est de 10% par estimation de la
moyenne sectorielle. La valeur du taux sans risque, ρ, de référence
choisie est celle des obligations assimilables du Trésor (indice TEC à
10 ans). Sur le marché français le taux sans risque a progressé de 3,7%
en 2007 à 4,5% en 2009, ce qui montre qu’une valeur instantanée, si
elle reflète les meilleures anticipations du marché, reste très
contingente à sa date d’observation. Pour la suite, nous retenons la
valeur de 4% qui correspond à la dernière valeur de la moyenne
mobile sur six mois.
80 Wilfrid AZAN & Tarek MILOUD

Pour modéliser la décision dans le projet ERP, nous suivons


l’approche développée par Pindyck (1988) et Dixit et Rob (1994).
Contrairement à Black et Scholes (1973), leur modèle est spécifique à
une évaluation simple d’un actif réel. En effet, il s’agit d’un modèle
probabiliste permettant d’étudier un phénomène aléatoire au cours du
temps. Les auteurs proposent de faire l’analogie avec les options :
pour la décision d’investissement, le dirigeant a le choix entre ne rien
faire (attendre) ou investir tout de suite, choix dont l’irréversibilité
joue un rôle important. Ce modèle montre que l’incertitude sur la
demande future peut augmenter la valeur d’une unité marginale du
capital. Dans ce modèle, la valeur du projet est spécifiée d’une
manière exogène. Ce qui constitue une approximation raisonnable de
la réalité. On suppose que Vt, le flux de trésorerie du projet, suit un
mouvement géométrique brownien suivant :

dV/V = αv.dt + v.dzv (1)

Où αv et v représentent respectivement l’espérance mathé-


matique et l’écart-type du taux de rentabilité, dz est l’incrément d’un
processus de Wiener standard. dz est donc distribué suivant une loi
normale de moyenne nulle et de variance égale à dt. L’équation (1)
implique que la variation relative du flux de trésorerie dV/V comporte
deux composantes : la première αv.dt est de nature déterministe, quant
à la deuxième αv.dzv elle est de nature aléatoire.
En investissant I, dans un projet ERP, la période T*, l’entreprise
réalisera une valeur actuelle V des flux de trésorerie futurs générés par
l’investissement. V(t) désigne la valeur marchande des flux de
trésorerie générés par l’investissement, l’année t. Si V*>V(t), la société
décide de reporter la décision d’investissement à une date ultérieure.
Les valeurs de l’option de report et de l’exercice sont désignées
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respectivement par V0(C*) et V1(C*) dans la figure 2.

Figure 2 – Le seuil de rentabilité pour investir dans un projet ERP


La valeur de report de l’option La valeur d’exercice de l’option
V0(C*) V1(C*)
Time t
T*
T* : Le seuil du timing

A n’importe quel moment, la valeur de l’option européenne est


égale à Max {0, C1*–I}. Si la valeur de l’option est inférieure à la
valeur critique C*, la valeur actuelle nette du projet est nulle. En
ÉVALUATION DES PROJETS DE SYSTÈME D’INFORMATION : OPTIONS RÉELLES 81

revanche, si la valeur de l’option dépasse le seuil de rentabilité, le


projet vaut dans ce cas C1* – I. L’objectif du manager est de récolter le
maximum d’avantages disponibles entre le choix d’investir immé-
diatement ou le report de l’investissement à une date ultérieure.
Lorsque la valeur du projet dépasse le seuil de rentabilité, le dirigeant
investit dans le projet sans délai. Sinon, il n’a d’autre choix que de
reporter la décision d’investissement au moment opportun. Le
processus de prise de décision par le dirigeant est exprimé par la
relation suivante :

Vi(C) = Max{V0(C), V1(C)} (2)

Le dirigeant est informé de la valeur actuelle nette des flux de


trésorerie générés par l’investissement dans le projet ERP. Cependant,
il peut y avoir un risque σv sur comment l’entreprise peut en tirer
profit ? Soit F(V) la valeur marchande de l’investissement ERP, F(Vt)
désigne la valeur espérée du projet sur la période t. L’équation aux
dérivées partielles pour la valeur de l’investissement ERP est la
suivante :

½ ².V².F’’(V) + ( – δ).V.F’(V) – .F = 0 (3)


Cette équation doit satisfaire les conditions aux limites,
formulées par les trois conditions suivantes :

Première condition : F(0) = 0 (4)


Deuxième condition : F(V*) = V* – I (5)
Troisième condition : F’(V*) = 1 (6)

L’équation (4) désigne le cas où la valeur du projet est nulle.


Les dirigeants ne peuvent pas investir dans le projet tant que sa valeur
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reste égale à 0. L’équation (5) permet d’obtenir la perte maximale du
projet une fois l’option exercée. En effet, le projet est exécuté si et
seulement si : il y a égalité entre les coûts et les flux générés par
l’investissement. Dans cette équation, I et V* désignent respectivement
les capitaux investis et la valeur critique du projet. La condition du
smoothpasting, exprimée par l’équation 6, permet d’obtenir le point
optimal de la valeur d’exercice de l’investissement dans le projet ERP.
Théoriquement la valeur de l’option touche sa fonction de payoff
(pertes ou profits réalisés par l’entreprise à l’échéance) au point de
déclenchement du projet V*. Le projet peut être réalisé lors d’une
phase prématurée, lorsque le sous-jacent est en-dessous de la valeur
d’exercice. Il peut également être réalisé tardivement, si le sous-jacent
est au-dessus de sa valeur d’exercice. En conséquence, il n’existe
82 Wilfrid AZAN & Tarek MILOUD

aucune opportunité d’investissement au-delà du point d’exercice. Pour


une démonstration intuitive sur les conditions aux limites, voir à cet
égard Dixit et Rob (1994).
Nous pouvons déterminer la valeur de l’investissement comme
suit :

F = (V* – I).(V / V*)β1 où : V ≤ V* (7)

F=V–I où : V>V* (8)

oùF représente la valeur de l’opportunité d’investir dans le projet


ERP. V*, la valeur critique qui désigne la limite entre deux zones. Si
V<V*, la valeur du projet ERP n’est pas suffisante pour couvrir les
coûts d’investissement. Pour manque de rentabilité, le projet sera
reporté. Si V >V*, les profits seront certainement générés par
l’investissement dans le projet. Dans ce cas, le projet ERP est adopté
immédiatement sans report.

V* = [β1/(β1–1)]I ;
(9)
avec :

4. – Analyse numérique

A l’aide d’un tableur, nous avons modélisé le processus de


décision en utilisant trois niveaux différents de risque. Les résultats
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sont présentés sur la figure 3 pour un risque de 40% (entreprise A),
30% (entreprise B) et 20% (entreprise C). Supposons que
l’investissement dans le projet nécessite 60 millions d’euros, à partir
de l’équation 9, nous avonsβ1 = 4,45 etV* = 74,7 millions d’euros.
Selon la figure 3, la valeur du projet (V) pour l’entreprise A est de 62,3
millions d’euros qui est inférieure à la valeur optimale (V*). Cela
signifie que la valeur de la VAN avec une certaine flexibilité qui
correspond au point C est plus importante que celle du point D. En
effet, le point D correspond à la décision « maintenant ou jamais ».
Pour cette raison, la société est obligée de reporter le projet à une date
ultérieure. La différence entre les deux valeurs signifie que c’est au
dirigeant de faire le choix de l’option.
ÉVALUATION DES PROJETS DE SYSTÈME D’INFORMATION : OPTIONS RÉELLES 83

Grâce à ces informations, le dirigeant choisira d’attendre jusqu’à


ce que la valeur du projet se rapproche de la valeur critique de 74,7
millions d’euros. En fait, le V* est un déclencheur du changement
stratégique de la société entre les deux variantes, « attendre et
adopter ». La valeur de l’opportunité d’investissement dans le projet
s’élève à 6,63 millions d’euros. En revanche, la valeur de l’option de
report s’élève à 6,63 millions d’euros moins 2,3 millions d’euros, qui
représente la valeur du projet sans la flexibilité du management. A
savoir, la valeur de la VAN = 4,32 millions d’euros, montant
équivalant 7% du coût total des investissements. Cette valeur
correspond à la flexibilité managériale que possède l’entreprise, avec
laquelle elle se permet d’entreprendre un changement stratégique.

Figure 3– Mesure de la VAN pour différents niveaux de volatilité

45
VAN
Sigma = 20%
F(V): La valeur marchande d'une opportunité d'investissement (M€)

Sigma = 30%
Sigma = 50%
35

25

15 A
V*
B
C
5
D

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

-5
bénéfices futurs espérés
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Selon l’équation (9), si  est égal à 0, la valeur de
l’investissement est identique à celle obtenue à l’aide du critère de la
VAN. En revanche, plus la valeur de est élevée, plus il y a
d’incertitude sur la valeur inhérente du projet. Ainsi, la société exige
une prime de risque plus importante pour couvrir les risques du projet.
Si  est élevé, β1 est proche de 1, ce qui rend la valeurβ1/(β1–1) plus
importante, dès lors queV* = I.β1/(β1–1) ; β1/(β1–1) désigne les
différents facteurs du projet d’investissement que l’entreprise est
disposée à engager sous contrainte d’incertitude. A chaque fois que le
coût d’opportunité δ augmente, la valeur deβ1/(β1–1) baisse. Cela,
signifie que l’entreprise est plus disposée à exécuter l’option en raison
du coût d’opportunité élevé. Dans la figure (4), nous pouvons
constater que si δ augmente, la valeur critique de l’investissement
84 Wilfrid AZAN & Tarek MILOUD

devient faible, ce qui signifie que si les coûts d’opportunité de report


du projet sont élevés, il est préférable pour le dirigeant de réaliser
l’investissement le plus tôt possible afin d’éviter la perte liée à une
pénétration tardive du marché.

Figure 4 – Les coûts d’opportunité de report du projet


160 000

140 000
Sigma = 20%
V* : Le seuil de déclanchement de l'investissement (€ million)

Sigma = 30%
sigma = 40%
120 000

100 000

80 000

60 000

40 000

20 000

-
0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45

d: Le coût d'opportunité de report

La représentation graphique montre également que les coûts


d’opportunité fluctuent de manière significative, si le projet présente
un risque élevé. En revanche, plus le taux d’intérêt ρ est élevé, plus la
valeurβ1/(β1–1) est importante, ce qui signifie que l’entreprise n’est
pas prête à exercer l’option d’investissement. Etant donné que la
valeur future du projet est inconnue, investir immédiatement dans le
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projet ERP nécessite un coût d’opportunité. D’où, la règle
d’investissement est d’investir lorsque V est au moins égale à la valeur
critique V*, afin de couvrir les capitaux investis I. Cette valeur critique
est 1,29 fois plus importante que I. Cela signifie, que la société doit
reporter l’investissement jusqu’à ce que V soit supérieur à 1,29 fois le
montant des capitaux investis. Les résultats de l’analyse sont très
différents du critère de la VAN. Nos calculs montrent que la valeur du
seuil d’investissement obtenue par le critère de la VANs’élève
seulement à 60 millions d’euros, alors qu’elle est de 74,7 millions
d’euros si nous retenons la théorie des options.
La volatilité joue un rôle important en affectant le montant de la
« prime d’option ». L’augmentation de la volatilité accroît la valeur
globale du projet, tandis que le coût d’opportunité associé (δ) a l’effet
ÉVALUATION DES PROJETS DE SYSTÈME D’INFORMATION : OPTIONS RÉELLES 85

inverse. En effet, δ représente le coût d’opportunité d’un report de


l’investissement. Si la valeur de δ est nulle, alors il n’y a aucun coût
d’opportunité pour garder l’option en vie. Les deux variables
importantes dans la conduite de l’analyse sont en fait des compromis
dans la détermination de la valeur du projet. Elles influencent
l’investissement ERP dans le sens où l’entreprise doit consolider sa
position dans son secteur industriel. Le tableau 2 énumère les effets
des deux facteurs suite à l’investissement dans le projet ERP.
En fait, investir immédiatement n’est pas forcément la meilleure
décision à prendre, même si la VAN est positive. Si le projet ERP est
entrepris dans l’incertitude, il y a une valeur pour l’option du retard. Si
la direction a la possibilité d’attendre et de retarder la phase de
préinvestissement dans le projet ERP, c’est à dire, de laisser
l’incertitude se dérouler et prendre des décisions en fonction des
informations actualisées, la valeur de l’investissement sera différente
de la valeur basée sur la situation « investir maintenant ou jamais ».
La perspective de l’option assure un profil d’investissement ERP plus
riche, qui permet aux entreprises de mieux comprendre les économies
de l’investissement ERP.
Tableau 2 – Les facteurs explicatifs du risque
Variables Valeur du
Implication
projet
 F(V)  L’augmentation de la volatilité dans l’environnement
de l’entreprise a pour effet l’accroissement de la valeur
du projet.
 F(V)  La baisse de l’incertitude rend la valeur plus proche de
la valeur de la VAN « maintenant ou jamais ». Cette
baisse permet aussi de limiter la flexibilité
managériale.
δ F(V)  Le coût d’opportunité ne fait qu’augmenter la valeur
du projet, ce qui implique que l’entreprise doit entrer
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sur le marché dès que possible.
δ F(V)  Un monopoliste jouit pleinement de la valeur
d’attendre pour profiter du meilleur usage de la prime
d’option avant que l’opportunité d’investissement
expire.

5. – Conclusions et conséquences sur le management

Très souvent, ce n’est qu’une fois l’ERP en place que les


entreprises perçoivent les risques potentiels. Pourtant, s’il y a une
« zone de danger », elle se situe au début, c’est-à-dire pendant les
phases d’étude et de cadrage (Morley, 1998). Les investissements
dans les ERP sont coûteux et leurs mises en place nécessitent
86 Wilfrid AZAN & Tarek MILOUD

beaucoup de temps, du fait de leurs risques élevés et des changements


technologiques. La littérature montre que le projet ERP est un
processus à étapes. En d’autres termes, les entreprises n’investissent
pas toutes leurs ressources avant les phases d’étude et de cadrage.
Pour ces raisons, la prise de décision dans les investissements ERP
avec incertitude, nécessitent de prendre en considération la valeur de
l’option de report. L’évaluation de ces projets par la méthode de la
VAN ne prend pas en compte la valeur des risques. Ainsi, l’entreprise
peut manquer d’importantes opportunités.
Dans ce contexte, nous privilégions les options de report plutôt
que l’approche « maintenant ou jamais » lors des investissements
ERP. Dans cet article, nous présentons deux apports : (i) nous
montrons une approche d’évaluation des projets ERP caractérisés par
à la fois par des coûts et risques élevés ; (ii) nous examinons la valeur
de la flexibilité managériale offerte par l’option de report lors de la
phase d’étude dans les investissements dans les projets ERP. Tous nos
calculs peuvent être effectués facilement en utilisant un logiciel
tableur. Les résultats sont très différents de ceux des méthodes
d’évaluation classiques, utilisées pour évaluer les projets ERP. Notre
étude présente de nombreuses implications pour le management.
Notre recherche constitue un prolongement aux travaux de recherches
déjà réalisés, par la prise en compte du facteur risque dans l’évaluation
du projet ERP. L’utilisation de la méthode des options réelles permet
aux praticiens plus de flexibilité au niveau de la mise en place du
projet, afin de faire face aux conditions de l’environnement.
Contrairement à la VAN, cette méthode est un atout important pour les
dirigeants, basée sur la faculté de report de l’investissement dans le
projet ERP risqué. L’option de report offre également aux entreprises
une souplesse indispensable pour mieux gérer la phase de
préinvestissement du projet ERP. Nous suggérerons des études de cas
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dans des recherches futures. D’autres caractéristiques d’ERP seront
incorporées dans le modèle et leurs effets seront examinés afin de
garantir la réussite des investissements ERP.
Enfin et ce n’est sans doute pas le moindre des constats, notre
approche, ici calculatoire puisqu’évoquant les risques, converge avec
une vision constructiviste et chemin faisant du projet de SI.
L’apprentissage des situations et des risques par le système de
contrôle du projet de SI, ne constitue pas une couche de régulation
supplémentaire, à l’image de ce qu’évoque la littérature sur la
tetranormalisation. Au contraire, comme le confirme les travaux sur le
BSC (Kaplan & Norton, 1992), elle souligne l’importance de la
dimension de l’apprentissage dans la construction de la performance
des SI et de l’organisation.
ÉVALUATION DES PROJETS DE SYSTÈME D’INFORMATION : OPTIONS RÉELLES 87

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