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Camille Rondot
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la démarche, favorisant plutôt le raisonnement leurs investissements publicitaires. Ils ont pris
inductif que déductif. Avec ce mode d’extraction conscience de leur ascendant dans la relation
des données, on part souvent des données qui les unit aux diffuseurs de contenus dans le
collectées pour ensuite poser les questions financement des innovations médiatiques telles
et déterminer les hypothèses pertinentes. Les que la télévision interactive.
difficultés posées concernent aussi la repro- L’apport de ce livre réside dans le fait de poser
ductibilité des expérimentations scientifiques, la question de l’évaluation dans son rapport avec
d’où la proposition formulée par les auteurs la communication, l’information et les médias.
de mutualiser les savoir-faire, notamment en Dans différents secteurs, les métriques se multi-
s’appuyant sur le logiciel libre et la coopération plient, que ce soit pour mesurer la performance
entre les équipes de chercheurs. d’individus, d’institutions ou d’entreprises. Si
Alain Bovet et Olivier Voirol démontrent que les l’évaluation désigne un « vaste ensemble de
émissions de talents shows françaises et alle- processus et de résultats fait de récits et de
mandes consacrées au domaine musical com- représentations, de mécanismes, d’instruments,
prennent des épreuves évaluatives sur lesquelles de pratiques et d’institutions qui fabriquent les
règne une incertitude relative aux critères prési- qualités et les valeurs des entités » (p. 3), cela
dant à l’évaluation. Le spectateur est appelé à semble parfois s’accompagner de processus
combler lui-même les incertitudes en participant d’homogénéisation, de standardisation et de ra-
à la sanction par son vote téléphonique. Et tionalisation des comportements. Dès lors, nous
le jugement émis n’est pas tant un jugement pouvons nous demander dans quelle mesure
individuel, susceptible d’être défendu et argu- les équivalences postulées par la réduction
menté en public, que son agrégation, en tant que des qualités en quantités mesurables seraient
participation à un ensemble d’évaluations quan- susceptibles de nuire à l’indispensable existence
tifiées qui produisent une somme. La validation de conceptions variées et de regards pluriels sur
s’opère donc sur un mode comptable, à partir le monde.
d’un nombre d’appels téléphoniques tarifés. Ces
émissions donneraient à voir la manière dont le ALAN OUAKRAT
marché s’affirme comme un mode d’approbation
de la valeur des activités et des performances
humaines. De plus, elles affirmeraient une exi- E-RÉPUTATION, REGARDS CROISÉS SUR UNE
gence de transparence pesant sur les sujets con- NOTION ÉMERGENTE
temporains, soumis à des dispositifs impliquant Christophe Alcantara (dir.), Gualino Éditeur et
l’évaluation continue. De fait, la transparence est Lextenso éditions, Issy-les-Moulineaux, 2015,
alors justifiée comme principe de gouvernement 204 p.
des populations, rendu acceptable et nécessaire. Cet ouvrage collectif est le résultat d’un col-
Lee McGuigan prend pour objet la télévision loque international pluridisciplinaire organisé
interactive. Il montre comment les informations à Toulouse en 2013 et intitulé « E-réputation
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conceptuels et des cadres juridiques. La seconde réputation numérique véhiculées par les profes-
partie interroge les dimensions opérationnelles sionnels du « conseil en identité numérique ».
de l’e-réputation : la notion est ancrée dans la Pour Audrey Laplante, il s’agit de relever les
praxis et l’ouvrage semble vouloir poser les jalons conséquences de l’exposition des goûts musi-
d’une prise en compte d’une pragmatique de caux des adolescents sur Facebook. Enfin, Gérald
l’e-réputation. Nous en donnerons d’abord ici une Lachaud, Martine Vila-Raimondi et Stéphane
approche générale. Degroisse questionnent la notion dans l’espace
Dans la première partie de l’ouvrage, la contri- du musée : son apparente contradiction avec
bution de Louise Merzeau permet d’appréhender l’image poussiéreuse du musée, mais aussi la
l’e-réputation à la fois comme une valeur façon dont sa gestion peut amener à une nouvelle
mesurée, un savoir-faire technique et une idéolo- économie des écritures.
gie. Pour Étienne Candel et Gustavo Gomez- Marqué par sa diversité, cet ouvrage permet de
Mejia, l’e-réputation est une formule1 marquée saisir la dimension plurielle de l’e-réputation et
par une opérativité spécifique. Quant à Cléo des manières de l’envisager, de la conceptualiser
Collomb, elle propose, grâce à la mobilisation et de l’opérationnaliser. Plus encore, la partie
des travaux de Jacques Derrida, de dépasser consacrée à ses « composantes juridiques »
le paradigme indiciaire pour sortir d’une con- l’inscrit dans un cadre et dans un système de
ception instrumentale de la trace. Julien Pierre contraintes en développement. En ce sens, il
présente le cadre des théories des industries s’agit d’en interroger à la fois les sens (juridiques,
culturelles comme permettant de dépasser une sémiotiques, sociaux) et les effets de sens :
critique sur l’emprise de la sphère marchande. aller d’une épistémologie de la notion à la
La seconde section de cette première partie mo- prise en compte de la réflexivité des pratiques
bilise un ensemble de spécialistes du droit. Pierre qui lui sont liées. Pour ce faire, les différents
Trudel explicite les différences entre conceptions auteurs mobilisent des cadres théoriques et
américaine et européenne de l’e-réputation. méthodologiques propres. Les travaux de Louise
Philippe Mouron articule cette dernière avec Merzeau liés à la trace sont ainsi régulièrement
le droit à l’identité et la liberté d’expression. cités, tout comme ceux de Dominique Cardon
Les deux contributions suivantes interrogent la sur la visibilité, ou encore les théories de
question du droit à l’oubli : Édouard Cruysmans l’acteur-réseau. Mais encore, les méthodologies
et Céline Romainville en pointant sa dimension déployées sont propres à chaque contribution :
complexe et non aboutie, notamment au regard de l’analyse sémiotique à l’analyse juridique
de la liberté d’expression ; Christina Kompli en passant par des terrains sociologiques.
en abordant son remplacement par le droit à Ces différents cadres permettent aux auteurs
l’effacement. d’analyser des objets empiriques pluriels, ces
Dans la seconde partie de l’ouvrage, Serge « observables »2 de l’e-réputation en devenant
Agostinelli et Marielle Metge abordent la dimen- alors des déclinaisons sociales.
sion sémiotique de l’e-réputation, pour laquelle le Tous ces objets amènent à envisager une
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