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L'organisation de la radio à la RTBF

Philippe Caufriez
Dans Courrier hebdomadaire du CRISP 1990/12 (n° 1277-1278), pages 1 à 51
Éditions CRISP
ISSN 0008-9664
DOI 10.3917/cris.1277.0001
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L'organisation de la radio à la RTBF

Phillppe Caufrlez
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Introduction 3

1. Points de repère historiques 4

2. La radio à la RTBF aujourd'hui 30

Conclusions 48

CRISP CCrn:I 1277-1278 1990


Introduction

Ce dossier tend à éclairer le fonctionnement de la radio de ser-


vice public de la Communauté française de Belgique. Tout orga-
nisme de radio-télévision, qu'il soit privé ou public, est amené·
à prendre en compte l'évolution des goOts du public, l'audience
de ses émissions, le contexte de la concurrence, l'organisation
concrète de la production. S'y ajoutent, pour l'organisme public,
diverses contraintes ou garanties selon le point de vue que l'on
adopte. Il s'agit, sur le plan des programmes, notamment en ma-
tière d'information, d'être un instrument au service de l'ensem-
ble d'une communauté et des groupes ou sensibilités, politiques
ou non, qui la composent. Il s'agit également, sur le plan des
finances et du personnel, de gérer une station de radio, dont la
nature des activités relève d'une logique d'animation culturelle
et de spectacle, selon les règles et le statut de la fonction pu-
blique.

Une première manière de situer la spécificité de la radio de ser-


vice public est de la replacer dans son évolution historique. Le
contexte socio-politique et institutionnel belge a influencé les
structures de l'audiovisuel et les programmes, bien que ces der-
niers s'inscrivent par ailleurs dans une évolution générale de la
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radio dont nous rappellerons, pour la bonne compréhension, les
grandes étapes.

Dans la seconde partie du dossier, on se penche sur l'organisa-


tion de la radio telle qu'elle fonctionne aujourd'hui à la RTBF :
politique de programmes, filières de décision, organisation de la
production sur le plan du personnel et du budget, situation des
émetteurs notamment.

Dans la conclusion, on s'attachera à dégager les diverses logi-


ques de la production et de la gestion des programmes radiophoni-
ques dans le contexte du service public RTBF.

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1. Points de repère historiques

Une approche du fonctionnement général de la radio de service pu-


blic en Belgique depuis ses origines amène à considérer divers
contextes.

Un premier contexte est d'ordre socio-poli tique et institution-


nel. Il influence les structures de la radiodiffusion et jusqu'à
un certain point ses programmes. Il se marque, sur base des prin-
cipes de l'autonomie culturelle, par la séparation progressive
des structures de diffusion à 1' égard des publics francophone,
né er landophone et germanophone. D'un institut commun fondé en
1930, l'INR-NIR, on est passé à la fin des années 70 à la consti-
tution de trois organismes autonomes que sont la RTBF, la BRT et
le BRF (Belgische Rundfunk). Il se marque également, singulière-
ment du côté francophone, par une "r.5gion8lisation" de l'organi-
sation interne et des programmes de la radio-télévision. Autant
d'évolutions en lien étroit avec les processun intervenus au ni-
veau de l'Etat.

Un second cadre de réf~rence est celui de l'évolution propre au


secteur d'activité audiovisuel, celui de la réflexion sur les
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programmes et de l'évolution technique. Il influence le contenu
et la qualité des émissions et jusqu'à un certain point les
structures d'organisation. Il va amener le service public à élar-
gir progressivement sa production et à spécialiser le contenu de
ses chaînes radiophoniques. Cette évolution en matière de pro-
grammes n'est toutefois pas indépendante du contexte légal. Le
développement important que connaît le service public à partir de
1945 correspond en effet au monopole dont il bénéficiera pendant
plus de trente ans, de 1945 à 1978 ou 1981, selon que l'on prenne
en compte l'irruption dans les faits ou la reconnaissance légale
des radios privées.

Nous avons distingué dans cette évolution deux périodes, de 1930


à 1977 (de l'établissement du service public à celui de la RTBF)
et de 1977 à 1990. Nous .aurions pu, dans une perspective plus

4 CRISP/CH 1277-1278
strictement historique, évoquer l'avant et l'après 1960, tant il
est vrai que 1960 marque une étape particulièrement importante
pour l'institut dans son autonomie vis-à-vis du pouvoir de tu-
telle et dans l'évolution de ses programmes.

DE L'INRA LA RTBF (1930-1977)

Les programmes avant 1940

Les premières émissions régulières de radio en Belgique, après


diverses émissions expérimentales intervenues dès 1913, ont lieu
comme dans beaucoup de pays européens, dans les années 20, en
l'occurrence en 1923. Elles émanent de Radio Bruxelles, bientôt
rebaptisée Radio Belgique, station privée exploitée par des cons-
tructeurs d'appareils de TSF, des propriétaires de journaux, des
banquiers et diverses personnalités, dont les ressources provien-
nent de la publicité et d'une majoration du prix des supports de
lampe fabriqués par la firme Société belge Radio électrique-SBR.
Du côté néerlandophone, i l faudra attendre 1929 pour voir se
constituer, avec le soutien du Boerenbond, une station elle aussi
privée la NV Radio.

De quoi sont composés les programmes de Radio Belgique à l'épo-


que ?· Dans un premier temps, de concerts et de conférences.
Viendront ensuite les premières séquences d'actualité et le ler
novembre 1926, la création du journal parlé. En 1927, apparais-
sent les premiers commentaires sportifs, des émissions didac-
tiques et de service. Les bulletins colombophiles, fait singulier
de notre radio, sont créés dès 1929. Le théâtre radiophonique et
les émissions enfantines sont introduits la même année. Les émis-
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sions parlées restent à l'époque très minoritaires dans l'éven-
tail des programmes.

En 1930, la radio acquiert le statut de service public avec la


création de l'Institut national belge de radiodiffusion- INR-NIR
dont les émissions françaises et néerlandaises se voient attri-
buer deux longueurs d'ondes différentes.

Sur le plan des programmes en langue française, l' INR s'inscrit


dans la continuité de Radio Belgique, notamment du fait des per-
sonnalités qui l'animent. Dans le domaine musical, l'INR met sur
pied divers orchestres. Ils seront cinq en 1938 - le grand or-
chestre symphonique (83 musiciens), 1' orchestre radio (30 musi-
ciens), l'orchestre léger ou d'opérette (24 musiciens), l'orches-

CRISP/CH 1277-1278 5
tre de salon (9 musiciens) et un orchestre de jazz (15 musiciens)
- et animeront la plus grande partie des programmes. C 1 est la
grande époque de la musique en direct à la radio. LAs émissions
parlées vont cependant connaître avant guerre un développement
certain. Les comptes rendus de matchs de football en direct dé-
butent en 1933. Le journal parlé passe à cinq éditions journaliè-
res en 1935, les reportages d'événements en direct se mul ti-
plient. Il y a des émissions scolaires, des programmes pour en-
fants (Radio Jeunesse), des conseils culinaires (G. Clément) et
d'autres séquences de service. La période 1931-1940 constitue
également un âge d'or du théâtre radiophonique, qui donne nais-
sance à des genres spécifiques comme les jeux radiophoniques et
les sketchs.

Sur le plan de l' audi taire, le développement des émissions et


l'extension du nombre de récepteurs font passer le public de
77.000 auditeurs déclarés en 1930 à près de 1.150.000 en 1939.

Avant la guerre, 1' INR diffuse donc deux programmes en ondes


moyennes, l'un néerlandophone, l'autre francophone, auxquels est
venu s'ajouter depuis 1934, après plusieurs ann~es d'exp8rimenta-
tion, un programme régulier unique à destination du Congo. Toutes
ces émissions sont réalisP.es H Bruxelles où les bâtiments de la
Place Flagey, érigés à partir de 1935, seront final0nent achevés
en 1939.

Deux particularités méritent encore d'~tre relevées concernant la


période d'avant 1940.

D'une part, la loi fait obligation à l' INR de diffuser des ·~mis­
sions réalisées par des associations extérieures reconnues (Radio
catholique belge, Radio Emission socialiste d'expression fran-
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Ç8ise, Société libérale de radiodiffusion, Radio Wallonie ~ par-
tir de 1932). Ces associations se voient concéder en 1930 plus du
tiers du temps d'antenne selon une structuration organisée par
journées : la soirée du mardi était réservée aux émissions des
associations catholiques, celle du jeudi à des associations
socialistes, celle du vendredi à des associations libérales,
Ce système qui amena à diffuser à l'entracte des concerts des
causeries d'ordre politique sera revu après la guerre. Il
constitue cependant le précurseur des émissions philosophiques et
politi-ques que la RTBF continue de diffuser.

D'autre part, l' INR ne bénéficie pas du monopole des ondes. En


1938, seize stations locales privées, diffusant des disques de-
mandés et diverses émissions parlées, cohabitent avec le service
public. Soumises à un régime d'autorisation, elles vivent notam-

6 CRISP/CH 1277-1278
ment de la publicité et sont souvent très populaires. Elles ont
pour noms Radio Liège, Radio Châtelineau, Radio Schaerbeek, Radio
Conférences, Radio Wallonie-Bonne Espérance, pour ne citer que'
les plus connues.

Le développement de l'autonomie culturelle

L' INR est un organisme uni taire - placé sous la tutelle du mi-
nistre ayant les PTT dans ses compétences - doté en 1931, d'un
directeur général, d'un service technique, d'un service musical,
de deux services des émissions parlées (francophone et néerlando-
phone) et d'un service de la comptabll i tt3.

Dès 1936 cependant, 1' INR 3 deux directeurs généraux, 1' un pour
les émissions en langue française, l'autre pour les émissions en
langue néerlandaise, auxquels seront adjointes bientôt deux
commissions culturelles consultatives chargées de les seconder.
Cette réorganisation, justifiée par le volume de la production,
s'inscrit également dans l'affirmation, en termes institu-
tionnels, de l'autonomie cul ture lle au ni veau du pays dans l' im-
médiat avant-guerre. Il s'agissait pour le gouvernement Van
Zeeland de manifester par cette réorganisation "une large compré-
hension des aspirations propres et du désir d'épanouissement au-
tonome qui caractérisent de plus en plus nos deux cultures natlo-
nales" (1). "Il est significatif", note égalemenl X. t1abille,
"que le nouveau gouvernement triparti te qui se constitue en sep-
tembre 1939 ( •.• ) s'assigne comme une priorité la réalisation de
l'autonomie culturelle" (2).

Après la guerre, alors que l' INR commence à diffuser des émis-
sions en langue allemande à destination des cantons d'~ l' F:st, di-
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vers projets et propositions de loi visent à accentuer l'autono-
mie culturelle dans le domaine de la radiodiffusion. Le projet de
loi du ministre des Communications A. Van Acker (1949) stipule
ainsi la création de deux conseils de gestion et d'un conseil
général pour les questions communes de l'INR-NIR. L'ensemble des
problèmes institutionnels fait, de 1948 à 1955, l'objet de tra-
vaux du Centre Harmel, finalement publiés en 1958.

A l'issue de ceux-ci, la réalisation de l'autonomie culturelle


est à nouveau considérée comme une préoccupation primordiale du

-:-:--:---:---:--------,~-- --- -----


(1) La radio a 50 ans, brochure RTBF, 1973, p. 27.
(2) x. Mabille, Histoire politique de la Belgique, Ed. du CRJSP, 1986, p. 246.

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gouvernement (3). En 1959, l'INR dépend du ministre des Affaires
culturelles, P. Harmel, qui va se donner pour tâche de procéder à
une révision du statut de la radipdiffusion, qui débouchera sur
la loi organique des Instituts de la radiodiffusion-télévision
belge du 18 mai 1960.

Ce texte marque une étape importante, bien que non décisive, dans
la séparation fonctionnelle des organismes de radiotélévision. Il
prévoit en effet, dans la continuité de ce que proposait déjà A.
Van Acker, l'existence de trois instituts juridiquement dis-
tincts, 1' un assurant le service des émissions en langue fran-
çaise (RTB), le deuxième étant chargé des émissions en langue né-
er landaise ( BRT), le troisième regroupant des services communs
aux deux instituts d'émission. L 1 ensemble des services techni-
ques, administratifs et financiers ainsi que certains services
culturels tels le Grand orchestre symphonique, les émissions en
ondes courtes ou encore les programmes en langue allemande, dont
ce sera le début du réel développement, font ainsi partie de
l'Institut des services communs.

On notera que les dispositions adoptées dans le domaine de la ra-


diotélévision viennent précéder la scission linguistique du ~1i­
nistère de la Cul ture et de l'Education nationale entreprise au
ni veau de 1' Etat par le gouvernement Lefèbre-Spaak installé en
avril 1961 dont on sait qu'elle aboutira notamment à la mise en
place de deux ministres chargés respectivement de la Cul ture
française et de la Culture néerlandaise. Les arrêtés royaux des 8
septembre 1965 (Moniteur belge du 21 septembre 1965) et 21 avril
1966 (Moniteur belge du 17 mai 1966) portant désignation des mi-
nistres dont relèvent les Instituts de la radio-diffusion belge,
établissent la scission linguistique du contrôle sur les deux
instituts.
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La révision constitutionnelle de 1970 va ensuite marquer un pre-
mier aboutissement de l'autonomie culturelle, avec la création
notamment des Conseils culturels. La loi du 21 juillet 1971 pré-
cise la liste des matières culturelles visées à l'article 59bis
par. 2, 1° de la Constitution et y intègre, et relevant donc de
la compétence des Communautés, la radiodiffusion et la télévi-
sion, à l'exception des communications gouvernementales et de la
publicité commerciale.

Une révision du statut de la RTB s' impose dans le nouveau con-


texte institutionnel. Il s'agit notamment de tenir compte des
différentes disposi tians de la loi du 16 juillet 1973 garantis-

(3) x. Mabl 1le, op. cft., p. 314.

8 CRISP/CH 1277-1278
sant, en application du Pacte cul tu rel, la protection des ten-
dances idéologiques et philosophiques. L'occasion est également
donnée d'adapter le statut de la RTB à l'évolution de la radio-
télévision et en particulier au mouvement de "régionalisation"
amorcé dès 1962. Après plusieurs projets avortés, un projet de
décret organique de la RTBF est déposé par J.-M. Dehousse, à
l'époque ministre de la Culture française, au Conseil culturel en
décembre 1977.

Parallèlement au cheminement législatif, la RTB et la BRT entre-


prennent dès 1971 une séparation du personnel et des services qui
aboutit , par la loi du 18 février 1977, à la suppression de
1' Institut des services communs. En conséquence de la scission
intervenue avec la BRT, la RTB se dote en 1978 d'une structure
interne propre qui continue aujourd'hui à régler son fonctionne-
ment.

La scission linguistique des services de l'INR, amorcée en 1936,


s'est donc affirmée dès 1960 pour se finaliser entre 1977 et 1979
par la création de trois instituts indépendants quant à leur po-
litique générale et à leurs moyens : le BRF pour les émissions en
langue allemande (loi du 18 février 1977), la RTBF (décret du 12
décembre 1977) et la BRT (décret du 20 décembre 1979). Seuls au-
jourd'hui certains biens ou équipements - comme le bâtiment et
les studios restés en activité à la Place Flagey ou le site des
émetteurs de Wavre - continuent à être gérés en commun par la
RTBF et la BRT.

La "régionalisation"

Parallèlement aux progrès de l'autonomie des Communautés, se sont


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affirmées dans le domaine audiovisuel, comme au niveau général de
l'Etat, des exigences en matière de prise en compte du fait ré-
gional (4). Déjà en 1931, le conseil de gestion de l'INR, présidé
par le ministre des PTT, est composé, par souci d'équilibre, de
trois Wallons, de trois Flamands et de trois Bruxellois.

(4) Dans le texte Il est fait référence à la fols au processus Institutionnel qui
a consacré en 1970 l'existence de trois régions <Flandre, Wallonie, Bruxelles) et
à la prise en compte du fait régional à la RTBF par la mise en place d'une décen-
tralisation vers des centres régionaux en Wallonie et à Bruxelles, que les docu-
ments de la RTBF désignent par le mot régionalisation. Nous mettons le mot
régionalisation entre gulllements dans ce dernier cas.

CRISP/CH 1277-1278 9
Dans l'immédiat après-guerre, une proposi tian du député libéral
J. Rey, appuyée par le Congrès national wallon et contresignée
par des députés wallons des trois partis traditionnels, prône une
régionalisation radiophonique à trois (Flandre, Wallonie,
Bruxelles) avec la création d'une dizaine de studios régionaux
francophones, Liège devenant dans cette perspective le siège cen-
tral de la radiodiffusion wallonne. A la même époque, des voix
s'élèvent également à Bruxelles pour réclamer davantage d'émis-
sions régionales. Cette aspiration régionale est fortement tein-
tée d'affirmation culturelle. Les stations locales privées exis-
tant avant la guerre ne sont plus par ailleurs autorisées à émet-
tre, à l'instar de ce qui se passe dans d'autres pays, comme la
France. La raison de ce retrait d'autorisation parait se situer
dans la crainte d'une pratique mal contrôlée de l'information.

Un tel contexte va amener l' INR à développer des activités "ré-


gionales" qui bénéficieront, au niveau de l'équipement technique,
des émetteurs installés par la Résistance avant la libération du
pays. Ainsi vont se créer à Liège, Namur, Mons et Arlon des sta-
tions ayant chacune leur longueur d'ondes et leurs programmes
tout en relayant les informations provenant de Bruxelles. En
1949, le plan de Copenhague, qui met de l'ordre dans l'attribu-
tion des fréquences en ondes moyennes sur le plan international,
oblige les stations régionales à se partager une seule et même
longueur d'ondes, ce qui a pour effet de diminuer quelque peu
leur production. En 1954, les studios de Namur et d'Arlon fusion-
nent. Le dispositif ainsi mis en place est le précurseur de l'ac-
tuelle chaine Radio Deux de la RTBF.

A côté du programme "national" de l' INR réalisé à Bruxelles,


s'instaure par conséquent, après la guerre, un programme entière-
ment produit en région wallonne. Ce renforcement du secteur pu-
blic de la radio n'est pas propre à la Belgique (lancement à la
même époque de BBC 2, RAI 2, ••• ).
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Il faut ensuite attendre les années soixante pour que s'amorce à
la RTB, une véritable politique de décentralisation. La loi du 18
mai 1960 qui fixe le statut du nouvel institut ne contient pas de
dispositions explicites en matière de décentralisation, sinon la
possibilité de créer des commissions consul tati v es de programme
sur le plan "local ou régional" • Se manifeste en re v anche, sui te
notamment aux grèves de 1960, une tendance politique et cul tu-
relie visant à donner une importance croissante aux régions. Les
années 1961 et 1962 voient ainsi se succéder des assises où sont
débattus des projets de fédéralisme (MPW, VVB, socialistes wal-
lons, Rénovation wallonne) qui amèneront, en avril 1962, l'ins-
tallation par le gouvernement d'un groupe de travail chargé

10 CRISP/CH 1277-1278
d'élaborer des formules d'aménagement des institutions dans le "
sens d'une déconcentration et d'une décentralistion.(5).

La décision prise par la RTB en 1961 de renforcer 1' action des


stations régionales de Liège, Mons et Namur, qui vont se trans-
former progressivement en centres de production, s'inscrit par
conséquent dans 1' évolution politique en cours. Elle marque une
étape importante sur le plan de la "régionalisation" de la pro-
duction de programmes. Confinés jusque-là, sauf exception, au
deuxième programme, les centres wallons vont désormais avoir ac-
cès à trois chaînes radiophoniques. Un troisième programme, voué
à la culture et à la musique classique est en effet créé en oc-
tobre 1961. Ces dispositions vont avoir pour conséquence
d'augmenter de manière sensible le volume de production des cen-
tres wallons et de leur permettre de diversifier très largement
la nature des programmes qu'ils produisent.

Le processus, qui suppose la mise à disposition des centres wal-


lons ( 6) de nouveaux moyens techniques, humains et financiers,
s'échelonnera sur dix ans, de 1960 à 1970. On relèvera, dans cet-
te évolution, le début, à partir de 1965, d'une véritable politi-
que de décentralisation des bulletins d'information avec la créa-
tion en avant-soirée du magazine interrégional Antenne-Soir et
surtout en 1968, la diffusion, le matin, d' informations ré gio-
nales propres à chaque centre (Liège, Mons, Namur) • Notons au
passage que les élections législatives de 1965 et de 1968 voient
précisément une forte poussée des partis régionalistes.

Le mouvement de "régionalisation" se poursuivra en radio par la


création en 1971 du Centre de Bruxelles. L'affirmation politique
de la région bruxelloise est alors à ses débuts. La révision
constitutionnelle de 1970 consacre faut-il le rappeler le prin-
cipe de l'existence des trois régions.
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Sur le plan des programmes, les centres de production constitués
développent, à partir de 1972, à côté de leur participation aux
trois chaînes communautaires, des émissions matinales d'animation
et d'information régionale qui vont rapidement connaître le suc-
cès. Elles continuent d'exister aujourd'hui en semaine de 6h30 à
9h et ont pour noms Liège matin, Nationale 4 matin, Hainaut-matin
et Bruxelles 21. En télévision, de nombreuses expériences de pro-
grammes vont déboucher sur la mise en place officielle en 1976,

(5) X. Mabille, op. cft., p. 333.


C6l Dont certains vont jouer un rÔle Indiscutable d'activation Interne (Centre de
Liège).

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de centres TV à Liège et Charleroi auxquels viendra s'ajouter en
1979 un centre régional TV à Bruxelles.

Le décret organique de 1977 charge le conseil d'administration de


la RTBF de veiller à la décentralisation effective des services.
La réforme des structures interne, adoptée en septembre 1978,
renforce le poids des responsables de centres en instaurant des
directions régionales et leur attribue une plus grande autonomie
sur le plan de la gestion financière. Outre la gestion d'un
centre et la couverture de l'information régionale, les
responsables régionaux sont également chargés, sur le plan des
programmes, de l'animation culturelle de leur région et des
contacts avec les autorités locales.

La prise en compte du fait régional est donc bien ancrée à la


RTBF. Sa mise en place suit de près le mouvement poli tique et
précède sa consécration institutionnelle (article 107quater de
décembre 1970, loi sur la régionalisation préparatoire de 1974 et
révision constitutionnelle, et lois de réformes institutionnelles
de 1980). L'importance des moyens accordés aux centres régionaux
après 1960 avec - symbolique non-négligeable - l'installation et
l'occupation de nouveaux bâtiments en Wallonie, en collaboration
avec les autorités locales et provinciales, la mise en place
d'une information politique, sociale et économique propre à cha-
que région, la création du centre de Bruxelles - indépendante de
toute notion de déconcentration géographique - indiquent la vo-
lonté de la RTB d'alors de s'inscrire dans un mouvement politique
et institutionnel plus large.

Fruit, par la loi de 1960 (RTB) , de 1' autonomie culturelle, la


"régionalisation" des trois chaînes radio est une spécificité de
la RTBF si l'on songe qu'à la BRT les studios régionaux (Anvers,
Hasselt, Gand, Courtrai et Bruxelles) ne participent qu'au seul
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deuxième programme et disposent de moins de moyens que les stu-
dios ou centres régionaux correspondants de la RTBF. Quant à
France Inter ou France Musique, ce sont des programmes entière-
ment réalisés à Paris, même si des captations se font en province
et si, par ailleurs, les radios régionales créées depuis quelques
années par Radio France constituent un support important sur le
plan de l'information.

l'augmentation de la production

On distingue traditionnellement la préparation et la production


des programmes (contenu, enregistrement, montage, ••• ) et la dif-

12 CRISP/CH 1277-1278
fusion de ceux-ci. En radio de service public, les deux notions
tendent à se confondre dans la mesure où, contrairement à ce qui
se passe en télévision, il n'y a pratiquement pas d'achat de pro-
grammes. Les seules productions extérieures diffusées relèvent
d'échanges établis avec d'autres radios de service ·public dans le
cadre notamment de l'Union européenne de radiodiffusion-UER et de
la Communauté des radios publiques de langue française - CRPLF
(France, Suisse, Canada, Belgique).

La seule donnée sur laquelle nous avons pu nous baser pour éta-
blir des comparaisons est l'évolution des temps de diffusion heb-
domadaire de la grille des programmes. Ces données peuvent toute-
fois avoir des significations différentes selon les époques, en
fonction de la nature de la production (légère ou lourde, en di-
rect ou enregistrée).
Tableau 1
Temps d'émission hebdomadaire INR-RTB-RTBF 1930-1917

Instituts 1er progr. 2e progr. Décrochages 3e progr. Total


régionaux

INR 1931 35h00 35h00


1936 75h00 75h00
1955 106h30 73h30 180h00
RTB 1961 117h30 86h30 32h30 236h30
1970 121 h30 111h30 22h30 118h00 373h30
RTBF 1977 123h00 107h00 17h30 113h00 420h30

Source : Rapports annuels RTB<F>

En 1931, l'INR diffuse chaque jour ses programmes de 17 à 22h. En


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1936, les plages horaires se sont étendues au matin (6h30-9h) et
au midi (12h-14h) tandis que la soirée tend à se prolonger (17h-
23h ou 24h). Après guerre, l'installation des stations régionales
wallonnes, dans leur configuration définitive à partir de 1955,
amène une première phase de développement importante.

Ce sont toutefois les années 60 et 70 qui sont à 1' origine de


l'essor de la RTB. La spécialisation des programmes et le proces-
sus de "régionalisation" déroulent alors tous leurs effets. En
dix ans, de 1960 à 1970, la RTB est amenée à produire près de 150
heures de programmes supplémentaires par semaine. Après 1970,
l'augmentation du volume de la production est.dû au développement
des décrochages ~égionaux.

CRISP/CH 1277-1278 13
Durant cette période, les centres régionaux vont participer pro-
gressivement, selon leur dynamisme propre, à l'ensemble des chaî-
nes. C'est ainsi qu'en 1970, les premier et troisième programmes,
réalisés à l'origine exclusivement à Bruxelles, sont pris en
charge respectivement pour moitié et pour un tiers par les cen-
tres de production wallons. Pour ne citer qu'un autre exemple de
l'accroissement du rôle des centres, le Centre du Hainaut qui
produisait en 1960 22 heures de programmes par semaine, produira
62 heures en 1968 et 97 heures en 1976, ce qui représente en
quinze ans une multiplication par quatre de sa production.

La spécialisation des chaînes et l'évolution technique

La pression externe de l'autonomie culturelle et de la régionali-


sation, alliée à la naissance du monopole, n'explique cependant
pas, à elle seule, le développement de l'INR-RTB après la guerre.
Ce dernier tient également à l'évolution du rôle de la radio et
aux innovations techniques qui vont la concerner.

Durant la guerre 40-45, la radio joue un rôle important dans le


domaine de l'information (écoute de la BBC). Elle est également
utilisée comme instrument de propagande.
L'après-guerre va voir s'accentuer le rôle informatif de la radio
avec la multiplication des bulletins d'information (de cinq par
jour en 1947 à quatorze en 1960), des reportages - que vient fa-
ciliter pour les journalistes l'introduction de l'enregistreur
portable - et des chroniques d'actualité littéraire et artisti-
que. Les autres émissions (théâtre, jeux radiophoniques, program-
mes didactiques) restent bien vivantes, ce qui amène l'ensemble
du domaine parlé à occuper en 1960 25% du temps d'antenne.
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Dans le domaine musical, l'évolution de l'après-guerre se marque
par la prédominance des variétés sur la musique classique tandis
que s'opère une véritable mutation sur le plan technique avec la
sortie en 1948-1949 des premiers microsillons 33 et 45 tours et
des enregistreurs sur bande magnétique. Alors qu'en 1932, les or-
chestres de l'INR assurent en direct 60% des émissions musicales
(1.155 heures par an pour 773 heures de disques), en 1954 la ten-
dance est totalement inversée : sur 3. 033 heures de musique lé-
gère, on dénombre 2.319 heures d'enregistrement et 634 heures de
direct tandis que la musique classique représente 631 heures
d'enregistrement et 472 heures de direct par an.

14 CRISP/CH 1277-1278
Plus encore peut-être que le contenu de ses programmes, c'est le
ton de la radio qui a changé après la guerre : moins solennel, il
cherche à être plus proche de ses auditeurs, plus direct et sé-
ducteur. L'influence de Radio Luxembourg et d'Europe 1 dans les
années 50 n'est pas négligeable à cet égard.

Jusqu'en 1960, la spécialisation des deux programmes de 1' INR


n'est pas encore très marquée si ce n'est le rôle informatif de
la première chat ne et 1' implantation régionale des activités de
la seconde.

Les années 60 marquent un tournant important dans le domaine de


la radio à l'INR-RTB. Pourquoi ? Parce que l'on va assister à la
convergence de facteurs institutionnels et politiques, déjà abor-
dés, et de facteurs culturels ou ·sociologiques et techniques.

Rappelons tout d'abord que le statut de la nouvelle RTB bien


qu'encore sous tutelle nationale lui assure une plus grande auto-
nomie culturelle, lui permettant de mieux épouser les sensibili-
tés de sa communauté, et une indépendance de gestion accrue vis-
à-vis du pouvoir exécutif. L'Institut se dote par ailleurs d'une
nouvelle direction.

Ensuite, depuis 1953, la radio a une concurrente, la télévision.


Cette dernière connatt, à l'occasion de l'Exposition universelle
de 1958 et surtout à partir de 1960, un important développement :
de 1.000 heures par an on passe en 1962 à 2.000 heures et en 1970
à 3. 000 heures. Cette situation va entraîner, particulièrement
entre 1960 et 1965, une diminution générale de l'écoute de la ra-
dio.

Les habitudes d'écoute se modifient également. Le temps où la fa-


mille se réunissait en soirée autour d'un poste de TSF est ré-
volu. Avec le succès de la télévision, l'écoute de la radio pen-
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dant la journée se trouve maintenant valorisée. Elle se révèle
souvent passive et accompagne, davantage que la télévision,
l'exercice d'autres activités.

En outre, sur le plan de l'équipement, avec l'arrivée du transis-


tor et de 1' autoradio, la radio gagne en mobilité et son écoute
s'individualise. Il y a désormais plusieurs postes par ménage,
ainsi qu'en témoigne, malgré 1' arrivée de la té lé vision, 1' ac-
croissement du nombre de récepteurs (de 2.274.604 en 1958 à

CRISP/CH 1277-1278 15
3.045.476 en 1966 et à 3.396.107 en 1970). Il en découle plu-
sieurs situations ou manières d'écouter la radio (7).

La radio dans un tel contexte, va devoir reconsidérer ses pro-


grammes.

Depuis la guerre, une certaine spécialisation des programmes ra-


diophoniques s'était déjà manifestée avec la création d'un troi-
sième programme à la BBC en 1946 et à la RAI en 1950. Des initia-
tives semblables avaient été menées en République fédérale
d'Allemagne et en France. C'est ainsi que France Culture et
France Musique, sous d'autres noms initiaux, furent créés dès
1946 et 1954. L'idée commune de ces programmes, progressivement
émis en fréquence modulée (FM), était de prendre en compte les
souhaits d'un public intellectuel ou soucieux de culture, recher-
chant des émissions de qualité dans le domaine parlé ou musical.

La découverte par la radio de la multitude de ses publics, l'in-


térêt récent porté aux réactions des auditeurs (le service d'en-
quêtes de la RTB est créé en 1955) et le développement de la con-
currence télévisuelle vont renforcer le processus de spécialisa-
tion des programmes. La mise en service à la RTB à partir de
1961, de deux réseaux d'émetteurs n1 et la diffusion, à partir de
1965, d'émissions en stéréophonie, vont apporter à cet égard à la
radio des atouts importants. La fréquence modulée offre en effet
une nouvelle qualité sonore et constitue de plus, en raison de la
couverture géographiquement limitée de ses émetteurs, un support
idéal aux émissions à vocation régionale. Elle va dès lors per-
mettre le développement de nouveaux programmes. Elle va consti-
tuer également dans un premier temps un complément indispensable
à la réception du deuxième programme et par conséquent participer
au succès de celui-ci.
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Dorénavant, les trois chaines se voient assigner, dans le cadre
d'une réorganisation générale, des objectifs relativement spéci-
fiques : "La première chaine aura pour vocation d'atteindre un
public très large par un éventail composé d'information intensive
et vivante, de divertissement musical et d'émissions de service.
La deuxième chaine s'adressera spécialement aux collectivités ré-
gionales et à des publics particuliers. La troisième chaine gar-
dera sa mission culturelle spécifique" (8). La spécialisation des
chaines se double d'une spécialisation du contenu des émissions.
Elle se trouve appliquée "tantôt à des goûts, des disposi tians

(7) G. Thoveron, La mutation radlophon 1que, Etudes de rad lo-té lévis lon, No 14,
janvier 1968, PP• 43-52.
(8) La radio belge a 50 ans, op. clt., p. 86.

16 CRISP/CH 1277-1278
d'esprit et de coeur, tantôt à des catégories d'auditeurs regrou-
pées selon leur nature : femmes, jeunes, personnes âgées" (9)
auxquelles il faut ajouter la prise en compte progressive de leur
implantation régionale.

Cette spécialisation des programmes n'est pas propre à la RTB.


Bien qu'étant moins régionalisée dans sa production, la BRT, avec
trois programmes aux objectifs semblables à ceux de la RTB, par-
ticipe au m~me mouvement. Un peu partout en Europe, on va assis-
ter entre 1965 et 1970 à une réorganisation des programmes des
radios de service public, sur base d'une spécialisation des chaî-
nes, en ce compris la composante régionale (10). Toujours en
avance, la BBC a d'ailleurs lancé l'idée de développer des émis-
sions régionales dès 1958.

Ajoutons que le phénomène n'est pas propre à la radio. Il concer-


ne aussi, avec le développement des magazines spécialisés, la
presse écrite.

La spécialisation des chaînes radiophoniques va par ailleurs in-


duire des modifications dans l'organisation structurelle des or-
ganismes de radiodiffusion par la désignation de responsables de
chaîne, chargés de définir et de coordonner le contenu des émis-
sions. A la RTB, en 1970, la hiérarchie radio se compose, sous
l'autorité du directeur de la radio, de trois directeurs de chaî-
ne et de quatre chefs de centres régionaux auxquels il convient
d'ajouter le directeur radio-TV de l'information. La logique "ré-
gionale" va cependant l'emporter et en 1978 les nouvelles struc-
tures de la RTBF ne prévoient plus, à côté du directeur de la ra-
dio, qu'un directeur chargé de coordonner l'ensemble des activi-
tés des responsables régionaux promus au rang de directeurs.

De l'INR à la RTBF
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Cette longue évocation historique permet de mettre en place le
contexte de la radio à la RTBF aujourd'hui.

(9) M. Hankard, La radio vivante, Etudes de la radio-télévision, No 13, mal 1967,


P• 36.
<10> H. Lhoest, Radio 73 : Tendances en Europe, La radio hier et aujourd'hui,
Etudes de radio-télévision, No 20, décembre 1973, PP• 37-60.

CRISP/CH 1277-1278 17
Sur le plan des programmes, pour reprendre l'analyse de M.
Hankard, ancien directeur de la radio à la RTBF, la radio, de
1923 aux années 70, a connu cinq phases ou âges (11)

- de 1923 à 1939, elle a connu le temps des amateurs et des mélo-


manes;
- pendant la guerre, elle affirme son importance dans la trans-
mission de 1' information et de la propagande. Elle s'érige en
"mass-média";
-après la guerre, la radio se dissipe, à l'image du monde déli-
vré. Elle se dépouille de sa dignité, de son éducation puri-
taine. C'est le temps des variétés;
- de 1960 à 1965, elle endure le choc de la télévision et voit
son audience diminuer;
- elle renaît ensuite par une spécialisation des chaînes et la
prise en compte des réalités régionales, avec l'appui de tech-
niques nouvelles dans le domaine de l'émission et de la récep-
tion. Cette dernière constatation, dans sa généralité, reste
tout à fait d'actualité.

Sur le plan des structures, le secteur de la radiodiffusion s'est


inscrit dans les bouleversements institutionnels de l'Etat belge.
La forte "régionalisation" de la RTBF en particulier est à
1' image des courants qui ont traversé la Communauté française.
(L'existence de particularismes sous-régionaux du côté flamand
n'a pas eu les mêmes effets sur les structures internes de
l'organisme de radio-télévision). Il n'y a rien que de très
logique à cela si l'on songe aux conditions légales d'existence
d'une radio de service public et à 1' attention qu'un tel média
peut porter à l'évolution politique. La structure de France
Inter, de France Musique et de France Culture est peut-être aussi
le reflet d'un certain centralisme français. En République
fédérale d'Allemagne, la radio est organisée sur base des Lander
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et le phénomène de spécialisation des chaînes s'est effectué de
manière interne à chaque radio régionale (Westdeutsche Rundfunk,
Hessische Rundfunk, Bayerische Rundfunk, etc.).

(11 lM. Hankard, La radio en Belgique à travers 50 ans d'existence, Idem, pp. 5-
36.

lB CRISP/CH 1277-1278
FACTEURS D'EVOLUTIO~ 1978-1990

A peine installée dans ses nouveaux meubles "RTBF" (12), la radio


va subir de nouveaux chocs de 1978 à 1990. Les dix dernières an-
nées sont marquées par diverses tendances :

- la continuation, jusqu'à un certain point, de la politique de


"régionalisation", avec l'instauration des "radios de base";
- 1' irruption des radios privées, en termes de complémentarité
(1978-1980) d'abord, en termes de concurrence ensuite (Contact,
SIS, etc.) ce qui va, outre l'aspect programme, entraîner de
fermes discussions sur l'attribution des fréquences et avoir un
impact sur le dossier de la publicité;
- 1' adaptation de la RTBF au nouveau contexte radiophonique par
une nouvelle spécialisation de ses programmes, avec le dévelop-
pement de Radio 21 et une analyse en termes de "produits" que
va venir confirmer la réforme des structures radio adoptée en
1988;
-l'importance, durant cette période, du contexte budgétaire qui
va avoir pour effet de mettre en avant les considérations éco-
nomiques et politiques avec, suite aux élections législatives
de 1985, le changement de majorité intervenu à la Communauté
française;
-l'ouverture, enfin, vers le privé avec le processus de filiali-
sation (décret du 27 mars 1985) et l'introduction du parrainage
commercial (décret du 17 juillet 1987 complété par celui du 4
juillet 1989), le décret de juillet 1987 situant clairement la
RTBF dans un paysage audiovisuel large et diversifié.

La continuation de la politique de "régionalisation"


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La "régionalisation" a d'une part consisté, on l'a vu plus haut,
à faire participer les centres de production wallons à la produc-
tion de l'ensemble des chaînes. Ce processus, amorcé en 1961, an-
cré à partir de 1970, s'est poursuivi sans modification notable
jusqu'en 1980. Depuis lors, on a assisté, en ce qui concerne les
trois programmes traditionnels (hors décrochages), à un certain
recentrage bruxellois, dQ au troisième programme et dans une me-
sure moindre au premier. Ces tendances sont reprises dans le ta-
bleau 2 :

(12> La nouvelle cité Reyers, qui vise à regrouper sur un seul site radio et té-
lév 1s 1on, a un effet 1ndu 1t non -nég Il geab 1e sur 1a modern 1satl on des outils de
production.

CRISP/CH 1277-1278 19
Tableau 2
Répartition par site des heures d'émissions Radio 1 + 2 + 3
hors décrochages - 1970-1990 <en %>

Bruxelles Hainaut Liège Namur


<Mons+ Charleroi)

Octobre 1970 39 21 23 17
<R3 : 58)
Janvier 1980 33 24 22 21
<R3 : 53>
Janvier 1990 51 21 14 14
CR3 : 75 >

Source Grilles de programmes RTB<F>

La "régionalisation" a débouché d'autre part sur la diffusion


d'émissions propres à chaque centre, dites "en décrochage", dif-
fusées en parallèle à certains moments de la journée, le plus
souvent sur le réseau Radio Deux. Cette poli tique, entamée dès
1964 avec les soirées dialectales, s'est développée fortement
dans les années 1970. Elle se prolonge, après 1977, par l'instau-
ration d'émissions régionales le samedi matin. (1978) et en avant-
soirée la semaine (1983).

Elle s'est concrétisée également, à partir de 1981, par le projet


dit des radios de base. L 'idée de la RTBF était de prendre en
considération, à l'intérieur des zones provinciales ou interpro-
vinciales déjà desservies par les centres de production wallons,
1' existence des sous-régions. Ce faisant, la RTBF s'inscrivait
une fois de plus dans l'évolution des radios européennes de ser-
vice public (Grande-Bretagne, Suède, France) d'une part, dans les
préoccupations exprimées sur le plan politique belge d'autre part
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(la notion de sous-région est notamment reprise dans les accords
avortés de Stuyvenberg).

A la RTBF, dix "régions" de base, auxquelles i l faut ajouter le


cas particulier de Bruxelles, sont définies dès avant 1980, re-
groupant une population allant de 150.000 à 650.000 habitants se-
lon les cas :

- dans le Hainaut : Hainaut Est (Charleroi-Thuin); Mons-Borinage;


Centre (Soignies - La Louvière); Hainaut occidental (Tournai,
Mouscron, Comines);
- dans la province de Liège Liège agglomération; Région de
Verviers; Huy - Waremme;

20 CRISP/CH 1277-1278
- dans le ressort de Namur - Luxembourg - Brabant wallon : pro-
vince du Luxembourg; province de Namur; région du Brabant wal-
lon.

Le projet est d'installer dans ces "régions", en collaboration


avec diverses instances locales ou régionales (administrations
communales, maisons de la culture, intercommunales, etc.), un
studio et un bureau, desservis par un personnel limité (cinq per-
sonnes maximum), réalisant formation et animation régionales, sur
des émetteurs de relative faible portée, fonctionnant quelques
heures par jour en décrochage d'un ou de réseau(x) plus large(s).
Une des idées est, en effet, en dehors des émissions spécifiques
à la sous-région, de relayer "à la carte" les programmes des
chaînes existantes.

Le projet s'inscrit aussi dans la perspective de 1' attribution,


sur un plan international, des fréquences de la bande 100-108 Mhz
FM. Les radios privées sont certes apparues depuis 1978. Elles
restent cependant à l'époque du projet, dans leur majorité, d'in-
térêt purement local, donc complémentaires à la RTBF, ce que con-
firme d'ailleurs l'esprit du décret du 8 septembre 1981 fl.xant
les conditions de leur reconnaissance. En juillet 1981, le con-
seil d'administration de la RTBF approuve le principe de mener
des expériences de radios de base à Charleroi, Verviers, Arlon et
Tournai. Canal 13 (Charleroi) se met en place fin 1981, Radiolène
(Verviers) et Fréquence 4 (Arlon) entrent en fonctionnement à la
fin de l'été 1982. Radio Picardie (Tournai) ne commencera jamais
ses émissions. En dehors d'un bref essai de Fréquence Liège
(Liège agglomération), ce sera le cas aussi pour les autres ra-
dios de base du plan initial.

Les radios de base de la RTBF vont, en effet, se heurter à des


problèmes de moyens, budgétaires et techniques, qui vont limiter,
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sur le plan interne, leur développement auxquels il faut ajouter
les discussions relatives à leur audience et leur opportunité.
Sur un plan externe, elles vont apparaître de plus en plus en
concurrence avec les radios privées axées sur le divertissement,
apparues en 1980 (Contact, SIS, Métropole, ••• ) (13), dont l'ambi-
tion est régionale, voire communautaire ou nationale. Ces der-
nières vont affirmer leur audience au fil des années et faire
l'objet en 1985 des premiers mouvements de concentration et de

(13) Ph. Caufriez, Points de repère pour une histoire des radios libres en Commu-
nauté française, Revue Communauté des radios publiques de langue française- CR-
PLF, No 49, 1982.

CRISP/CH 1277-1278 21
formation de réseaux, inspirés dans certains cas par la presse
écrite (14).

En 1986, après que soit intervenu le changement de majorité poli-


tique à la Communauté française (coalition PRL-PSC après les
élections d'octobre 1985), les organes de gestion de la RTBF vont
débattre à de nombreuses reprises des radios de base, l'institut
étant soupçonné par la tutelle d'une politique générale visant à
l'occupation de l'ensemble du paysage radio-TV et d'une démarche,
en ce qui concerne les radios de base, conduisant à étendre ses
activités démesurément afin d'empêcher l'activité "d'autres". Di-
verses hypothèses sont alors envisagées telles la suppression
pure et simple des radios de base, leur "reconversion" ou encore
leur filialisation. En définitive, faute de solutions consen-
suelles sur le plan de la gestion et des sensibilités régionales
ou politiques, les activités des radios de base existantes seront
maintenues. Le plan global est cependant abandonné. Depuis 1989,
à l'initiative de la RTBF, les émissions du Centre de Charleroi
sont intégrées à Radio Deux et diffusées sur 1' ensemble de la
Communauté française le dimanche matin entre 6h30 et lOh. Seules
subsistent par conséquent aujourd'hui, au titre de décrochages de
Radio Deux, les radios de base de Radiolène (Verviers) et de
Fréquence 4 (Arlon).

En conclusion, l'effort de "régionalisation" à la RTBF a été par-


ticulièrement intense dans les années 1970 par le lancement
d'émissions propres aux régions et aux sous-régions avant de
connaître, à partir de 1983, un certain tassement en raison d'une
part de l'arrêt de la politique des radios de base et de la pres-
sion des contraintes extérieures et d'autre part du déplacement
de moyens en diminution vers d'autres priorités. Le tableau 3 re-
prend le détail de ce phénomène "d'afflux et de reflux". Il in-
dique aussi le glissement progressif de la politique de la radio
vers un autre pôle de développement, à savoir Radio 21.
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Radio 21

Radio 21 s'est construite en deux temps à partir d'émetteurs à


vocation régionale bruxelloise.

<14) s. Govaert, Les radios privées en Communauté française, Courrier hebdoma-


daire du CRISP, No 1201-1202, 1988.

22 CRISP/CH 1277-1278
Tableau 3
Emissions régionales RTB<F> -Evolution 1964-1990

1. L'afflux

Années Début des programmes suivants

1964 Soirées dialectales (Hainaut, Liège, Luxembourg)


1965 Magazine d'Information Interrégional Antenne-Soir
1968 Journaux matinaux régionaux <Hainaut, Liège, Namur> de
10 minutes par jour en semaine
1972 -Emissions régionales matinales d'Information et animation
5h30-9b en semaine (Hainaut, Liège~ Namur>;
- 4,soirees d!alectales <Hainaut, Lie99, Namur, luxembourg>;
-Debut des decrochages bruxellois: emissions matinales
(6h30-9h> et d'avant-soirée (17h-19h) en semaine.
Soirée le vendredi de 19h à 23h.
1974 Journaux régionaux de 10 minutes le samedi matin <Hainaut,
Namur>
1978 -Emissions régionales d'information et d'animation le samedi
matin (Hainaut 7h-9h; Namur 6h30-9h>;
-Début à Bruxelles de Radio Cité C9h-19h samedi-dimanche>;
1981-82 -Radios de base <Charleroi, Verviers, Arlon>
En 1982, Canal 13 <Charleroi) mène une politique propre de
diffusion de 10h par jour;
-Bruxelles 21 semaine C6h30-19h en 1981 >
1983 - Décrochages wallons semaine C1Jh-19h)
Uniformisation Hainaut-Namur-Liege-Luxembourg;
.-Radio 21 -Radio Cité : les émissions "ré9tonales" bruxel-
loises s'érigent en 4e chafne (diffusion a Bruxelles, Liège
et Charleroi)
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2. Le reflux

Années Réduction ou suppression des programmes suivants

1982 Fusion soirées dialectales Namur et Luxembourg


1983 -Canal 13 devient un décrochage de Radio 21 (17h-19h
d'abord; 6h30-9h en semaine, à partir de 1984)
- Sugpresslon du décrochage Fréquence Liège <radio de base
Liege agglomération) sur Radio 21
1989 -Suppression Radio 21 Charleroi (ex-Canal 13);
- Suppression des émissions régionales du samedi matin

CRISP/CH 1277-1278 23
En octobre 1978 est lancée Radio Ci té, un programme "music and
newsn diffusé le week-end de 9h à 19h sur le Canal 21 (93,2 Mhz
FM), un émetteur diffusant en semaine des émissions d'information
régionale et en dehors de celles-ci, un relais du premier pro-
gramme en FM. Cette initiative a du succès (un auditeur sur qua-
tre de la RTBF écoute Radio Cité le week-end) et influence de ma-
nière sensible le monde des radios privées. Elle précède, pour
rappel, de près de deux ans l'arrivée des premières radios de di-
vertissement. Lorsque ces dernières prennent leur essor, si tué
dans un premier temps à Bruxelles, la RTBF va transformer ses
programmes de semaine pour lancer, en octrobre 1981, à destina-
tion d'un public 15-35 ans, Bruxelles 21. Ce programme, en raison
de son impact sur le public, va assez rapidement étendre ses pla-
ges horaires (jusqu'à lh du matin en janvier 1983; 24h sur 24 en
septembre 1984) et sa couverture, sous le nom désormais de Radio
21, à l'ensemble de la Communauté française, à Liège tout d'abord
(octobre 1982), dans le Hainaut ensuite vià notamment 1 'émetteur
de Canal 13 (octobre 1983, lors de la chute du pylone de Wavre),
dans les provinces de Luxembourg (1984) et de Namur enfin (1985).
Cette progression présente également des similitudes avec le dé-
veloppement géographique, en termes d'audience, des radios pri-
vées commerciales.

Depuis 1986, Radio 21 englobe sous un même vocable et selon une


structure d'organisation unifiée, émissions de semaine et du
week-end.

En définitive, davantage que les radios de base, Radio 21 a cons-


titué une réponse de service public à la nouvelle manière d'écou-
ter la radio des années 1980 qu'ont pu représenter Radio Ci té et
les radios privées et qu'affecte particulièrement un auditoire
"jeune" à savoir, à côté d'un certain ton et d'une mise en ondes
rythmées, la recherche d'une continuitué musicale (d'inspiration
largement anglo-saxone) que symbolise également l'usage très ré-
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pandu du baladeur. Radio 21 aura également innové en matière
d'information par la pratique des flashs immédiats. Sa crédibi-
lité dans ce domaine a certainement constitué un de ses atouts
vis-à-vis des radios privées (voir les explications fantaisistes
lancées par ces dernières lors du tremblement de terre à Liège en
1985 notamment).

Son développement sur le plan interne RTBF est dû, à côté du suc-
cès quasi immédiat de ses émissions, à la facilité et au moindre
coût de son implantation (studios existants à Bruxelles, consti-
tution de 1 'équipe de production par mobilité interne dans un
premier temps).

24 CRISP/CH 1277-1278
La question des fréquences

De 1980 à 1986, le paysage radiophonique est quelque peu mouve-


menté : du côté RTBF, politique des radios de base et lancement
de Radio 21, du côté des radios privées, modification des
rapports de force entre radios associatives locales (Association
pour la libération des ondes-ALO) et radios commerciales
(Groupement des radios indépendantes de Belgique-GRIB) sans
compter les créations, disparitions ou absorptions de stations;
du côté politique, processus de reconnaissance de ces nouvelles
radios (textes légaux à partir de 1979, installation du Conseil
des radios locales en avril 1982), difficulté de faire coïncider
le nombre de fréquences disponibles (sous autorité nationale) et
le nombre de stations reconnues (sous autorité de la Communauté),
changement de majorité politique en 1985 dans un sens plus
favorable aux radios commerciales.

Ces bouleversements vont se cristaller sur le problème de l'at-


tribution des fréquences dans la bande 100-108 Mhz FM en ap-
plication des accords internationaux de Genève (1984). Suite à
l'avis n° 6 de la Commission consultative de l'audiovisuel, un
compromis est trouvé en 1985 entre demandes de service public et
des radios privées, qui servira de base à l'affectation des fré-
quences par les PTT (15).

Par de complexes calculs techniques, les fréquences à grande


puissance (10 à 50 kw) obtenues à Genève et dévolues à l'origine
au service public font l'objet d'un fractionnement géographique
permettant d'octroyer aux radios d'agglomération des fréquences
d'une puissance d'l kw. Pour sa part, la RTBF voit confirmée sa
position en-dessous de lOO Mhz et reçoit un nombre limité de fré-
quences au-dessus de lOO Mhz. En 1987, elle se voit invitée par
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la tutelle à céder l'usage, par une convention de neuf ans, de la
fréquence 101,1 (Bruxelles) à Radio Judaïca. Cette fréquence
reste cependant la propriété de la RTBF en vertu de l'arrêté
royal du 21 mars 1989. L'attribution des fréquences aux radios
privées, qui a amené une paix relative au secteur depuis 1987,

(15) Depuis lors, la Cour d'arbitrage, par un arrêt du 25 janvier 1990, a reconnu
que la loi de 1979 sur les radiocommunications comportait des dispositions abu-
sives en regard des compétences dévot ues aux Communautés en matière audiovi-
suelle, ce qui permet d'envisager Je transfert aux Communautés, sur le plan lé-
gislatif, de diverses compétences d'ordre technique <autorisation d'émettre, dé-
finition de normes techniques, fixation et perception des redevances à payer par
les radios privées reconnues). Le Conseil supérieur de l'audiovisuel de la Commu-
nauté française de Belgique a élaboré un projet d'avis détai lié à ce propos (31
mal 1990).

CRISP/CH 1277-1278 25
représente des concessions importantes pour la RTBF dans la me-
sure où, contrairement à la BRT, la RTBF n'est pas en mesure au-
jourd'hui, malgré une gestion serrée de ses fréquences, de propo-
ser une couverture totale en FM de ses quatre chaînes.

Les données économiques

La RTBF a, certes, développé des initia ti ves en matière de pro-


grammes dans les années 1980 (à celles déjà citées, il faut ajou-
ter le début des émissions avancé à 5h30 en 1981 et leur fin
fixée à lh du matin en 1983). Le contexte budgétaire va cependant
peser lourdement sur ces projets. Il freine dès le départ le dé-
veloppement des radios de base, favorise au contraire celui de
Radio 21, dont les investissements de départ sont peu importants
et dont la production est centralisée à Bruxelles au sein d'une
petite équipe. Il éclaire, en raison du coût du réglement des
prestations, le retour de l'arrêt des émissions, depuis 1984, à
23h45 sur toutes les chaînes et le choix, pour le programme de
nuit de Radio 21, d'un système de diffusion automatique au lieu
d'une animation et information réalisées en direct. Le même souci
de rationalisation et de coordination, s'agissant d'une chaine
spécialisée, inspire le recentrage bruxellois d'une partie de la
production de Radio trois.

Sur un plan plus général, le contexte des années 80 est celui de


la poussée du libéralisme économique qui met notamment en avant
la notion 11 d 1 entreprise". Le contexte politique belge vient con-
firmer la remise en cause du secteur public. D1 octobre 1985 à
février 1988, la RTBF se retrouve sous la tutelle d'un ministre
libéral, Ph. Monfils.

Dès 1984, l'administrateur général de la RTBF, R. Stéphane, mani-


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feste comme orientation priori taire, pour résoudre le problème
des ressources et améliorer la qualité des programmes, une vo-
lonté d'ouverture vers l'extérieur et de collaboration avec d'au-
tres organismes. En 1985, à l'initiative de la RTBF, des rapports
d'audit financier sont commandés au cabinet Berger, Black,
Kirschen, Schellekens et Cie et d'audit stratégique, à la société
Mc Kinsey. Cette politique d'ouverture vers le privé se concré-
tise, par le truchement d'une modification du décret de la RTBF
autorisant la création de filiales (27 mars 1985), par la créa-
tion en octobre 1985 de la Régie média belge-RMB (en association
avec le Cinéma publicitaire belge), chargée notamment de gérer la
publicité non-commerciale et le sponsoring commercial que les dé-

26 CRISP/CH 1277-1278
crets du 8 juillet 1983 (Moureaux) et du 17 juillet 1987 (Mon-
fils) accordent successivement à la RTBF.

Ces mêmes données économiques sont - faut-il dire plus que ja-
mais ? (16) - au centre de l'act ua li té. Elles ne se traduisent
pas uniquement en termes de ressources financières. Elles impli-
quent aussi pour la RTBF d'être, service public ou pas, sur un
"marché", celui de l'offre des programmes au public d'une part,
celui des annonceurs privés d'autre part. La RTBF, dans cette op-
tique, est candidate à l'octroi de la pub li ci té commerciale en
radio.

La réforme des structures radio

La spécialisation des programmes est un des leitmotivs de la ra-


dio depuis les années 1960. Les années 1980 vont cependant voir
une accentuation du phénomène. D'une part, on l'a dit, l'émergen-
ce des radios privées dénote de nouvelles attentes vis-à-vis de
la radio et va amener les radios de service public, en Belgique
(Radio 21, Studio Brussel à la BRT) mais aussi dans d'autres pays
européens (Couleur 3 en Suisse, WDR 4 en République fédérale
d'Allemagne, etc.), à proposer de nouvelles chaînes entièrement
consacrées à la musique rock. D'autre part, en ce qui concerne
particulièrement la RTBF, une certaine remise en cause de ses
"activités hégémoniques", tant en termes de programmes que de
fréquences, et sa volonté propre de resituer sa stratégie globale
de programmes, ce que feront le rapport Mc Kinsey et le document
dit de la "Troisième voie" (mars 1986), l'amènent à vouloir ren-
forcer encore la spécificité de ses chaînes et à adopter ses
structures d'organisation en conséquence. Des rapports internes
de réflexion sur les programmes (voir le rapport Delcuvellerie
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sur Radio Une) viennent également appuyer cette démarche.

La réforme des structures radio proposée en 1987 s'inscrit dans


la foulée de certaines recommandations de Mc Kinsey et de la
"Troisième voie" (17). Mise en place en 1988, la réforme radio
tend à distinguer les responsabilités de coordination du contenu

<16) On peut en effet lire dans l'avant-propos du rapport annuel de I'INR en 1948
la constatation suivante : "Bref, une fols de plus, la gestion culturelle s'est
trouvée coincée, au point de vue de ses ressources, entre la montée constante de
dépenses Incompressibles et le plafond fixé pour les dépenses dans leur en-
semble"(p. 43). Un énoncé très clair des problèmes "structurels" de la RTBF •
<17) A côté d'un recentrage en matière de programme, la "Troisième vole" compor-
tait en effet des propositions de 1'Administrateur général de la RTBF visant à
modifier profondément l'organisation Interne de la RTBF.

CRISP/CH 1277-1278 27
des émissions et de production et à remplacer l'ancien directeur
de la coordination (parti à la retraite en 1986) par quatre res-
ponsables de chaîne, le coordonnateur de Radio Une ayant rang,
par ailleurs, de directeur adjoint de la radio. Cette structure
avait été esquissée par la désignation, quelques années aupara-
vant, de coordonnateurs pour Radio Trois et Radio 21 (18). L'or-
ganisation mise en place rejoint, jusqu'à un certain point, les
nouvelles structures adoptées dans d'autres organismes (par
exemple en Suisse). A 1' inverse, la BRT, dans un environnement
relativement semblable, a supprimé les directions de chaîne pour
mettre en place, à côté du directeur de la radio, un directeur
des programmes et un directeur de la production.

Evolution du volume de la production

Un bilan chiffré peut être donné des dix dernières années par la
lecture du tableau 4 qui reprend, sur base du mode de calcul ap-
pliqué à la période 1930-1977, l'évolution du volume hebdomadaire
de diffusion.

De 1977 à 1990, le volume global de diffusion passe de 420


heures/semaine à 607 heures/semaine, ce qui peut représenter un
accroissement important. Les trois chaînes traditionnelles (Radio
1, 2, 3) restant égales à elles-mêmes, l'augmentation du volume
de diffusion provient d'une part de la poursuite de la politique
de la "régionalisation", avec le phénomène d'afflux et de reflux
évoqué plus haut, et d'autre part de la création de Radio 21 24
heures sur 24 (programme de nuit inclus).

Si 1' augmentation du volume hebdomadaire de diffusion est aussi


importante que durant la période 1960-1977, la nature de la pro-
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duction en est toutefois différente. Radio 21, avec son programme
automatique de nuit, relève d'une production légère. Durant le
même temps, des productions plus "lourdes" comme la captation de
spectacles thé at raux, la création de dramatiques radio origina-
les, la production de concerts de tous types de musiques, malgré
diverses initiatives, ont disparu ou sont en régression. Il faut
ajouter, bien que ce secteur n'ait pas fait 1' objet de notre
étude, que les émissions en ondes courtes, depuis la scission
avec la BRT en 1977, ont vu progressivement diminuer leur produc-

(18) Pour rappel, des directions de chalne existaient déjà dans les années 1960 à
1970 à la RTB. ·Elles avalent dÛ s'effacer devant le rÔle grandissant des direc-
tions régionales.

28 CRISP/CH 1277-1278
tian propre pour faire place au relais de programmes choisis des
autres chaînes (19).

Cette évolution dans la production tient à la politique des pro-


grammes menée dans un environnement audiovisuel en mutation
continue et surtout au contexte économique.
Tableau 4
Evolution heures de diffusion hebdomadaires 1970-1990

Rl R2 Décrochages R3 R21 Prog. Total


pg commu- wallons bruxellois nuit hebdomad.
nautalre y compris
radios de base

Octobre 1970 !21h30 !11h30 22h30 !18h00 373h30


Janv 1er 1977 !23h00 107h00 53h00 24h30 !13h00 420h30
Janv 1er 1980 123h00 99h00 64h00 57h30 112h00 455h30
Octobre 1982 1:Z5h00 !OOhOO !28h30 12h30 112h00 96h30 574h30
dt 65h00
rad. de base
Janvier 1986 125h00 96h30 !13h30 12h30 !17h00 !12h00 43h00 619h30
dt 30h00
rad. de base
Janvier 1990 !25h00 99h00 98h30 12h30 !17h00 112h00 43h00 607h00
dt 20h00
rad. de base

Source gril les de programme RTB(FJ


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<19> La communautarisation des émissions "a


destination des belges de 1•étranger"
n'a pas été favorable à un secteur dont la décolonisation a modifié les données
et où les coûts d'exploitation <érretteurs) et la concurrence des grands orga-
nismes de radio <Radio France, BBC, ••• ) sont très Importants.

CRISP/CH 1277-1278 29
2. La radio à la RTBF aujourd'hui

ORGANISATION GENERALE DE L'INSTITUT

Les organes de gestion de la RTBF sont cons ti tués du conseil


d'administration et du comité permanent.

Le conseil d'administration est l'autorité sous laquelle s'exer-


cent 1' ensemble des activités de l'institut (réunion toutes les
trois semaines). Il est composé de treize membres désignés selon
la représentation proportionnelle des groupes politiques reconnus
au Conseil de la Communauté française.

Le comité permanent est chargé de 1' instruction préalable des


dossiers soumis au conseil d'administration et veille de manière
générale à la gestion quotidienne de l'institut (réunion toutes
les semaines). Il veille aussi au respect de l'objectivité en ma-
tière d'information et à l'équilibre de l'expression des tendan-
ces idéologiques et poli tiques. Il est composé du président du
conseil d'administration et d'autant de vice-présidents qu'il y a
de groupes politiques représentés à celui-ci.
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A côté de ces organes de gestion existent divers organes consul-
tatifs, dont notamment une commission consultative permanente des
programmes et des commissions auprès de chaque centre régional,
soumis également dans leur composition au pluralisme découlant du
pacte culturel.

L'administrateur général qui dirige l'ensemble des services de la


RTBF est nommé par arrêté royal sur proposition du conseil
d'administration pour un mandat de dix ans renouvelable.

Il y a à la RTBF quatre grands départements - la télévision, la


radio, l'administration générale et les frais communs, les ser-
vices techniques - dont les contours sur le plan du personnel et
des compétences, sont actuellement fixés comme suit :

30 CRISP/CH 1277-1278
- la télévision et la radio, chacune pour ce qui la concerne, re-
groupent les collaborateurs culturels, techniques et adminis-
tratifs chargés de réaliser les émissions et d'en assurer la
production ou la gestion sur le plan des moyens budgétaires et
humains, à quelque niveau que ce soit;
- l'administration générale et les frais communs regroupent plu-
sieurs services centraux : cabinet de l'administrateur général,
bureau d'études et service d' enquête permanente, service de
presse, service de promotion et relations publiques, services
financiers et du personnel, service juridique, informatique,
services généraux (achats, courrier, maintenance, ••• ), service
médical et social, centre de formation et de recyclage;
- les services techniques sont chargés des installations tech-
niques (bâtiments, ••• ) , de 1' équipement des studios radio et
télévision, des émetteurs, trois secteurs dont ils assurent la
politique d'investissement et la maintenance. Le département
technique coordonne, par ailleurs, la politique de 1' ensemble
du personnel technique, y compris celui attaché aux émissions
radio et télévision (notamment sur le plan des relations pari-
taires, de la formation, etc.) et comprend également le service
sécurité et hygiène et le gardiennage.

Le poids en budget et en personnel de ces quatre secteurs pour


l'année 1989 (20) est donné par le tableau 5 :
Tableau 5
RTBF -Budget et personnel <1989)

Secteurs Crédits Personnel (au 31 /12>


En BEF En % En nombre En %

Télévision 2.445.489 39,4 1. 283,7 43,8


Radio 1. 229.981 19,8 811,7 27,6
Administration générale 1.604.559 25,9
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et frais communs 838,3 28,6
Services techniques 925.521 14,9

Total 6.205.550 100,0 2.933,7 100,0

On notera que :

- les chiffres en matière de personnel représentent 1' ensemble


des collaborations fournies à la RTBF, sous des statuts divers,

(20) Pour fa facilité des calculs et comparaisons, on a considéré Je budget de fa


dernière année écoulée. Les ordres de grandeur ne sont pas modifiés pour 1990.

CRISP/CH 1277-1278 31
exprimées en prestations à temps plein. Moyennant cette préci-
sion, la RTBF compte 2.605 collaborateurs permanents (cadres ou
contractuels de longue durée) et l'équivalent de 330 collabora-
teurs occasionnels payés sur un budget "cachet";
- les services de production radio-TV représentent 60% du budget
total de la RTBF et 70% de son personnel. Pour apprécier les
volumes en présence, notamment sur le plan du personnel, i l
faut signaler, en télévision, le niveau élevé de production
propre, par rapport à la situation européenne (46% des pro-
grammes en 1988) en regard des achats de programmes; et en
radio, au-delà des 95% de production propre, le nombre de pro-
grammes élaborés dans leur forme ou leur contenu (une émission
"pousse disque" coûte nettement moins cher qu'un magazine
d'information ou une dramatique radio);
- le budget de la RTBF comprend par ailleurs des secteurs qui,
dans d'autres pays européens, relèvent du budget d'autres dé-
partements publics ou qui constituent à eux seuls des organis-
mes distincts de la radio-télévision, disposant par conséquent
de leur budget propre. L'exemple de la France est significatif
à cet égard. L'archivage sonore (Institut national de l'audio-
visuel-INA), les investissements et la gestion des émetteurs
(Télédiffusion de France-TDF), les émissions en ondes courtes
(Radio France internationale-RF I), pour n'évoquer ici que la
radio, constituent autant d'entités distinctes. Cette situation
se retrouve également, à des degrés moindres, dans des pays à
plus petite échelle comme la Suisse.

ORGANISATION GENERALE DE LA RADIO

L'organisation de la radio se fonde sur la double logique de co-


ordination de chaîne et de "régionalisation" de la production. Il
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y a :

- cinq coordonnateurs de chaîne (Radio 1, 2, 3, 21, 4 Internatio-


nale);
- cinq directeurs ou chefs de centre (Bruxelles, Namur, Mons,
Charleroi, Liège) auxquels i l faut ajouter le département de
l'information radio (journal parlé et rédaction sportive) dont
le responsable a rang de chef de centre et le service Orchestre
et choeurs, ces deux secteurs étant situés à Bruxelles.

Concrètement, la préparation de la grille et le suivi des pro-


grammes reposent sur les discussions intervenant, notamment au
sein du collège général de direction radio, entre coordonnateurs
de chaîne en charge du contenu des émissions et de la cohérence

32 CRISP/CH 1277-1278
générale de chaîne, et directeurs ou chefs de centre en charge de
la production des émissions et de la gestion des moyens budgé-
taires et humains. Ce fonctionnement se vérifie particulièrement
pour les trois chaînes traditionnelles (Radio 1, 2, 3) dont la
production et la diffusion sont éclatées sur plusieurs sites. Les
coordonnateurs de chaîne, placés sous l'autorité immédiate du di-
recteur de la radio (voir organigramme), sont localisés pour Ra-
dio Une et Trois à Bruxelles et pour Radio Deux à Mons, compte
tenu de la coloration wallonne de cette chaîne. Ils so~t égale-
ment appelés à occuper d'autres fonctions. Le responsable de
Radio Une a rang de directeur adjoint de la radio et a autorité
sur les modifications ponctuelles de programmes et la production
des spots de promotion des émissions. Le responsable de Radio
Deux reste inséré dans le circuit de la production en étant le
producteur de certaines émissions et opérations spéciales. Enfin,
le coordonnateur de Radio Trois, outre la prise en charge des
divers aspects de la vie musicale en Communauté française, a la
responsabilité directe des captations de concerts en région
bruxelloise.

La situation des coordonnateurs de Radio 21 et de Radio Quatre


Internationale (ondes courtes) est quelque peu différente. Leurs
chaînes étant centralisées à Bruxelles, ils sont en charge du
contenu et de la production quotidienne des émissions sur le plan
budgétaire, du personnel ou des moyens techniques. Ces deux sec-
teurs sont placés, au même titre que les centres régionaux, sous
l'autorité du directeur de la radio.

Celui-ci a la responsabilité générale de la politique des pro-


grammes et de la gestion des moyens. Il est assisté dans ce der-
nier domaine d'un staff coordonnant notamment la politique du
personnel, le parrainage des émissions, l'attribution et le con-
trôle des budgets aux différents secteurs d'activités. Sur le
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plan technique, la direction de la fabrication coordonne, pour
compte du directeur de la radio, l'activité technique des centres
de production et la gestion du personnel chargé de la mise à
l'antenne des émissions.

Il faut rappeller par ailleurs, sur le plan de l'information, la


responsabilité particulière du directeur de l'information sur le
contenu des bulletins et magazines d'information radio-TV et
l'affectation des journalistes. Sur le plan des moyens, le jour-
nal parlé et la rédaction sportive centrale sont placés sous
l'autorité du directeur de la radio.

Malgré une forte décentralisation de la production radiophonique,


de nombreux services restent concentrés à Bruxelles (60% du bud-

CRISP/CH 1277-1278 33
get de la radio). Outre les différents secteurs de production dé-
jà mentionnés, se trouvent également à la Cité Reyers divers ser-
vices communs tels que la documentation de l'information (radio-
TV), le centre de commutation technique, le service des musiciens
modulateurs (chargés de la qualité technique des captations de
concerts), les archives, la bibliothèque générale et, sur le plan
des contacts et des échanges de programmes avec d'autres organis-
mes de radio, le service des relations internationales. A Flagey
restent installés le service Orchestre et choeurs, qui comprend
une bibliothèque musicale (partitions) et divers studios dont les
plus utilisés sont le grand auditorium (studio 4) et le studio 1.

Les décisions essentielles dans le domaine de la radio sont dis-


cutées et arrêtées au sein du collège de direction radio qui re-
groupe tous les responsables cités et se réunit au minimum une
fois par mois.

UN SYSTEME PLURALISTE ET PARTICIPATIF

De l'INR à la RTBF, le statut de l'institut va dans le sens d'une


plus grande autonomie de gestion vis-à-vis du pouvoir de tutelle.
Rappelons qu'en 1931, le ministre des PTT présidait de droit le
conseil d'administration. Depuis 1960, le ministre de tutelle a
la seule faculté d'assister, sans voix délibérative, aux organes
de gestion. D'autre part, la loi du 18 mai 1960 instituant la RTB
abolit (ce que confirme le décret de 1977) toute censure préa-
lable du gouvernement (le directeur général R. Clausse en 1958
avait démissionné pour des raisons de cet ordre) et stipule que
"les émissions d'information sont faites dans un esprit de rigou-
reuse objectivité" (art. 28). Ces principes ont été, dans la pra-
tique, étendus à l'ensemble des émissions.
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Cette prise de distance relative vis-à-vis du pouvoir de tutelle
a fait place à un système pluraliste et participatif qu'illustre
le décret de 1977 et que viennent renforcer diverses dispositions
internes. Pluralisme politique et philosophique d'abord au tra-
vers de la composition des organes de gestion (le comité perma-
nent est chargé de veiller à l'objectivité) et de diverses com-
missions consultatives, de l'équilibre politique de la hiérarchie
et du personnel journalistique et culturel. Participation du per-
sonnel ensui te par l'instauration, en fonction du dé cret ou des
disposi tians du statut syndical, de nombreux lieux de dialogue
avec les organisations syndicales.

34 CRISP/CH 1277-1278
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Ç3
(J)
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N Directeur de la radio
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1 M. Ph. DASNOY
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Sta~L_.~àfi~~Ii'on
finances
parrainage

J

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CQ
-,
COORDINATION CHEF PRODUCT
1
R2 RADIO 21 2-
J.L. VISEUR c. DELACROIX 1»
,
COORDL'iATION [
R3 0
C. RE.'lARD

Wallonie Rruxelles

Vol
I.J1

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Nous illustrerons la réalité de ce fonctionnement par le parcours
décisionnel que suit la grille des programmes pour être adoptée.
Le projet de grille radio, établi trois fois par an par le col-
lège de direction (périodes couvertes : janvier à juin, juin à
septembre, septembre à décembre) reprend le détail des change-
ments prévus dans les émissions des différentes chaînes. Après
avoir reçu l'aval de l'administrateur général (R. Stephane), le
projet est présenté successivement :

- aux comités régionaux de concertation syndicale (un par


centre);
- au comité permanent pour un premier accord;
- aux commissions consultatives régionales (représentants poli-
tiques et syndicaux);
- à la commission consultative permanente (représentants des cou-
rants philosophiques);
-au comité permanent à nouveau, suivi, s'il y a lieu, d'une com-
mission d'avis (comité permanent plus délégués syndicaux);
-au conseil d'administration, enfin, pour adoption définitive.

Un délai de deux mois doit, dès lors, être souvent envisagé pour
1' adoption définitive de la grille, a fortiori si celle-ci pré-.
sente des changements majeurs. Ce processus institutionnel, par
sa lenteur et jusqu'à un certain point sa redondance, peut pa-
raître paradoxal en regard de la vitesse à laquelle les projets
de changement de programmes se diffusent à l'intérieur de la RTBF
et dans la presse. Système contraignant en regard de la logique
du privé, i l cons ti tue en fait une des garanties du fonctionne-
ment démocratique et pluraliste du service public.

LES PROGRAMMES
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Le décret de 1977 donne pour missions à la RTBF d'assurer l'in-
formation, le développement culturel, l'éducation permanente, le
divertissement ainsi que la mise en valeur du patrimoine culturel
de la Communauté française de Belgique.

La diversité de cette mission peut constituer en soi le fondement


de la prise en compte de la multiplicité des publics que visent à
atteindre quatre chaînes, dont deux peuvent être qualifiées de
généralistes (Radio Une et Deux) et deux de spécialisées (Radio
Trois et 21). Il faut y ajouter le programme particulier que
constituent les émissions en ondes courtes, à destination princi-
palement des belges séjournant à l'étranger (Radio Quatre
Internationale).

36 CRISP/CH 1277-1278
Chaque chaîne diffusée en Communauté française a son profil pro-
pre qui tient au contenu de ses émissions ou aux objectifs de
programme qu'elle se donne, à la composition de son public et à
son implantation régionale. Quant à l'audience des chaînes, l'en-
quête RTBF et le CIM en donnent, en raison d'une méthodologie
différente, des images constrastées. Le CIM, en l'occurrence, at-
tribue une plus grande audience relative aux radios privées par
rapport à l'ensemble des chaînes RTBF et à l'intérieur de la RTBF
à Radio 21.

Tableau 6
Auditoire jour moyen 1989 Bruxelles+ Wallonie (1 >

CIM RTBF

Radio 1 16,0% (571.000 aud. > 39,8%


Radio 2 13,5% (480.000 aud.) 41,5%
Radio 3 2,6% (92.000 aud.) 9,5%
Radio 21 14,0% (500.000 aud. > 22,0%
Radios privées 24,6% (876.000 aud. l 23,8%

(1 l Auditoire jour moyen : auditeur ayant écouté au moins 10 minutes pendant les
24 dernières heures (CIMl, ayant écouté la radio au moins 1 fols pendant la se-
maine écoulée (RTBF>

Sur le plan de la politique de programmes, Radio Une est la chaî-


ne de l'information. Au sens strict tout d'abord, avec la diffu-
sion quotidienne d'une vingtaine de bulletins ou séquences d'in-
formation qu'accompagnent commentaires, reportages et magazines
spécialisés (Faits divers, les débats politiques de Samedi
Première, les réactions du public que suscite Décrochez la Une).
Radio Une est également le support privilégié de l'actualité et
des reportages sportifs. Information au sens large ou curiosité
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du savoir ensuite, avec les nombreux magazines parlés consacrés à
l'actualité culturelle, aux débats de société ou à la vie quoti-
dienne (Point de Mire, Rencontre, Micro Média, Musiques et Pa-
roles, C'est la vie, ••• ). Des rendez-vous fiction (deux feuille-
tons par jour), documentaires (Jours de guerre), dérision (La se-
maine infernale), une ouverture vers l'ensemble des musiques
(classique, variétés d'hier et d'aujourd'hui, jazz, ••• ) complé-
tent les programmes. Radio Une constitue enfin la chaîne de réfé-
rence pour un certain nombre de services communautaires : messes,
émissions philosophiques et religieuses, tribunes politiques et
syndicales, radioguidages, bulletins colombophiles notamment. La
chaîne atteint de manière particulièrement sélective les cadres
et employés moyens ou supérieurs ( CIM 1989). Le public de Radio

CRISP/CH 1277-1278 37
Une est largement bruxellois (plus de la moitié de l'auditoire à
certains moments de la journée) (21).

Radio Deux est davantage tournée vers le divertissement et cons-


titue par ailleurs le support de l'animation régionale wallonne.
Elle propose son programme d'accompagnement axé sur la détente,
les rubriques vie pratique, les jeux, 1' actualité culturelle en
bref. Elle diffuse également des émissions à destination du pu-
blic senior, des agriculteurs, ou axées sur une thématique parti-
culière (tourisme, aventure, chanson française, ••• ). Radio Deux
se caractérise moins par un contenu que par un ton familier, une
manière d'aborder les sujets et une programmation musicale desti-
nés au plus grand nombre. Elle est bien implantée parmi les ou-
vriers et les niveaux d'instruction primaire et technique. Elle
est également, à l'inverse de Radio Une, très fortement implantée
en Wallonie pour des raisons historiques et techniques (moins
bonne réception dans la région bruxelloise) mais également en
raison de la diffusion simultanée, sur son réseau, d'émissions
d'information et d'animation destinées aux différentes provinces
ou régions qui composent la Wallonie.
Tableau 7
Emissions régionales diffusées sur le réseau Radio Deux
Juin 1990

Horaire {semaine) Emetteurs

6h30-9h Liège matin <CPLl AM 243m; FM 90,5 103 94,6 89,1, 89,4
Hainaut matin <CPHl AM 267m; FM 92,3 101,8
Nationale 4 matin AM 230m; FM 97,3 92,8 89,3 91,5 89,4
<CPNl 90,2
11h-13h Radlolène <Verviers> FM 103 94,6 89,1 98,4
17h-19h Café liégeois AM 243m; FM 90,5
·Hainaut soir AM 267m; FM 92,3 101,8
Nationale 4 soir FM 97,3 92,8 89,3
Fréquence 4 <Arlonl(l l AM 230m; FM 91,5 89,4 90,2
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Vendredi 19h-22h : Soirées voir émissions matinales
dialectales CPL, CPH, CPN

(1) Emission actuel lament diffusée entre 13h et 15h en raison de la chute du py-
lone de Légltse.

Radio Trois est la chaîne culturelle de la RTBF. Elle propose aux


mélomanes des émissions commentées, des programmes musicaux éta-
blis souvent sur une base thématique. Elle participe à la produc-
tion de divers concerts et diffuse un nombre important de relais

(21 l La radio et ses publics, Service enqu~tes RTBF, 1986.

38 CRISP/CH 1277-1278
en direct et en différé de nos grands organismes musicaux. Elle
se veut à ce titre le reflet le plus complet possible de l'acti-
vité musicale à Bruxelles et en Wallonie (22). Elle mène égale-
ment un effort important en faveur de la musique contemporaine
(Art Musica) et essaie de soutenir, tant au niveau de la produc-
tion que de la diffusion, les compositeurs belges. Outre cet te
dominante musicale, Radio Trois diffuse divers magazines con-
sacrés au théâtre, à la littérature, aux sciences. Il s'y main-
tient une production originale de dramatiques qui constitue un
débouché pour les auteurs, adaptateurs et comédiens belges. A
Radio Trois se trouvent également associés l'orchestre et les
choeurs de la RTBF. Ceux-ci font partie intégrante de la vie mu-
sicale belge en proposant une cinquantaine de concerts annuels en
Belgique et à l'étranger. L'orchestre participe également aux
programmes de Radio Une et de la télévision. Radio Trois trouve
son public privilégié parmi les niveaux d'instruction supérieurs.
Tableau 8
Comparaison radios - Indice âges
250------------------------------~

.~

' :
200---.·~------------------------~

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15-24 · 25-34 35-44 45-54 55-64 65 ET +

1- RTB 1+2+3 ~ RADlO 21 D TOT.P.AD.UB. 1


Radio 21 tranche sur les autres programmes de la RTBF par sa pro-
grammation musicale continue, largement anglo-saxonne, interrom-
pue seulement par des flashs d'information (Radio 21 a une rédac-

<22l L'ouverture à l'ensemble des groupes musicaux de la Communau-té. française


const 1tue un fa 1t marquan-t de l' évo 1ut 1on du trol si ème programme. Notons qu 1 une
poli-tique de captation de concerts, outre le coût Interne qu'elle représente pour
1a RTBF, n'est pas sans conséquence sur 1es droits vo 1s 1ns <cachets
supplémentaires réclamés par les musiciens).

CRISP/CH 1277-1278 39
tian journalistique autonome), des séquences d'actualités diver-
ses, le radioguidage. Son public, en termes d'âge, est à l'opposé
des chaines Radio Une, Deux et Trois et composé en majorité
d'auditeurs de 15 à 45 ans. Radio 21 est également bien suivie
(voir Radio Une et Trois) par les niveaux d'instruction supérieu-
re. Les radios privées ont pour leur part un public plus jeune
(forte percée 15-24 ans) et de niveau d'instruction moyen par
rapport à Radio 21.

LES EMETTEURS

Tableau 9
Parc des émetteurs radio juin 1990

Chafnes AM FM

Radio 1 1 5
Radio 2 3 13
Radio 3 6
Radio 21 7
Ondes courtes 2

Le réseau AM, dont le coût d'exploitation (consommation électri-


que) est élevé, reste surtout utile en ce qui concerne Radio Une
dont la couverture FM est incomplète.

En FM, il faut six émetteurs à grande puissance (5 à 50 kw) pour


couvrir le territoire dénivelé de la Communauté française de Bel-
gique (contre cinq pour la partie flamande) (23). Les sites
d'émission, identiques pour les différentes chaines, se situent à
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Anderlues et Tournai (Hainaut), Profondeville (Namur), Léglise
(Luxembourg), Liège Bol d'Air (Liège) et Wavre et/ou Bruxelles
(centre du pays). A ces émetteurs principaux s'ajoutent divers
émetteurs de faible portée qui, soit témoignent de la politique
des radios de base (Radio Deux), soit visent à couvrir certaines
zones plus difficiles d'accès (ex : Chimay-Couvin par Radio Deux
et 21).

(23) Cette situation est particulièrement Inconfortable pour l'écoute en voiture


<changements multiples de fréquence). Cet Inconvénient est désormais corrigé par
le Radio Data System (recherche automatique par l'autoradio de la meil Jeure fré-
quence possible d'un programme donné>.

40 CRISP/CH 1277-1278
La FM constitue également à la RTBF le support des "décrochages".
Un même programme - en 1' occurrence Radio Deux à la RTBF - est
susceptible d'être émis sur 1' ensemble du réseau à certains mo-
ments de la journée. A des moments choisis, chaque émetteur ou
groupe régional d'émetteur a toutefois la possibilité de diffuser
un programme qui lui est propre. C'est ce qui permet à Radio Deux
de diffuser le matin trois émissions simultanées à destination
respective des habitants des provinces de Hainaut, de Liège et de
l'entité Namur-Luxembourg-Brabant wallon. Ces programmes sont ac-
tuellement relayés par les émetteurs de Radio 21. En ce qui con-
cerne la région bruxelloise, Radio 21 diffuse sur 93,2 Mhz un dé-
crochage propre qui, outre des journaux d'information régionale,
s'inscrit dans la tonalité musicale de la chaine (Bruxelles 21).

Malgré la multitude apparente des fréquences, la couverture FM de


Radio Une et Deux n'est qu'imparfaitement assurée. Il reste, tou-
tes chaînes confondues pour des raisons de relief géographique,
quelques zones relativement mal desservies (par exemple la botte
du Hainaut). La zone de service d'un émetteur FM, même à forte
puissance (50 Kw), installé en Communauté française, ne permet
pas toujours non plus d'atteindre correctement la côte belge. Il
y a surtout la réglementation en matière d'utilisation des fré-
quences sur le plan international qui oblige à respecter, pour
chaque fréquence, une puissance maximale pour un site géographi-
que donné, cette même fréquence pouvant être réattribuée à une
certaine distance géographique à un autre organisme de radio.
C'est ainsi qu'en ce qui concerne Radio Une, les émetteurs situés
à Bruxelles (99,3) et Liège (96,4) ont leur puissance limitée à 1
kw et que des fréquences n'ont pu lui être attribuées dans le
Hainaut. La réception de Radio Deux est mal assurée à Bruxelles
du fait de la mise à disposition d'une station privée de la fré-
quence 101,1 (Bruxelles) destinée à Radio Deux dans la capitale.
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La situation en matière d'émetteurs ne manque pas d'influencer la
politique des programmes. Si l'on entend en effet donner à Radio
Une une tonalité davantage "haut de gamme", il faut pouvoir pro-
poser Radio Deux, chaine "populaire", dans de bonnes conditions
d'écoute à 1' ensemble de la Communauté française, y compris à
Bruxelles, ce qui n'est guère possible actuellement.

C'est pour les mêmes raisons techniques que la RTBF ne diffuse


pas sur une seule et même chaine (Radio Deux) ses diverses émis-
sions régionales ( 1' émission régionale bruxelloise est diffusée
sur Radio 21). En terme de profil, cette situation peut présenter
pour d'éventuels annonceurs privés quelques inconvénients compte
tenu de la non-concordance de la composition sociale et régionale
du public des différentes chaînes.

CRISP/CH 1277-1278 41
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CRISP/CH 1277-1278
Carte des émetteurs FM avec couverture territoriale

42
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LES MOYENS BUDGETAIRES ET HUMAINS

Le tableau 10 fournit pour 1' année 1989 1' état du budget de la


radio et le volume du personnel par secteurs d'activités. Il ap-
pelle un certain nombre de commentaires.

Le budget de la radio est de BEF 1,2 milliard par an, le person-


nel de 700 agents permanents et de 120 "collaborateurs temps
plein" au cachet pour quatre chaînes communautaires, une chaîne
en ondes courtes, un orchestre et un choeur, dans une structure
largement décentralisée. A titre indicatif, le budget 1989 de Ra-
dio France est de 12 milliards de francs belges (2,1 milliards de
FRF), le personnel de 3.066 agents permanents (dont 422 journa-
listes) et de 3. 000 collaborateurs au cachet à temps plein ou
partiel, pour il est vrai des missions plus larges : quatre chaî-
nes nationales (France Inter, Musique, Culture, Info), deux pro-
grammes particuliers (FIP et Radio Bleue), près de cinquante sta-
tions locales (budgets réduits) et deux orchestres et un choeur.

Le budget provient pour l'essentiel de la dotation. A titre indi-


catif, les recettes provenant de la publicité non-commerciale (25
millions), du parrainage commercial (25 millions) et de diverses
conventions avec des tiers (45 millions), représentent en 1989
plus de 95 millions (résultat effectif) soit environ 8% du budget
radio. Ces recettes ne revenant pas dans leur ensemble au secteur
concerné, on peut estimer à 6% la part des recettes propres dans
le budget radio 1989.

Sur le plan de la répartition interne, la production réalisée à


Bruxelles et en Wallonie représente respectivement 45 et 40% du
budget total. Les 15% restants, situés à la Direction de la radio
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au sens large, ne sont pas pour autant des frais de structure
hors émissions. Ils comprennent également des services et budgets
liés à la production (unités service et radioguidage, centre de
commutation technique et cabine programme, musiciens modulateurs,
budgets affectés à des productions Radio Trois et internationa-
les, crédits non-affectés, •• ). Pour le reste, il s'agit de per-
sonnel et de services liés à la direction ou à des fonctions hors
antenne (antenne administrative centrale, coordination des pro-
grammes, discothèque et arc hi v es, bibliothèque, ••• ) servant pour
l'ensemble des centres et des émissions. Le budget de la direc-
tion radio prend également en charge certains postes indivisibles
(droits d'auteurs, cotisations internationales, etc.).

Il est relativement hasardeux de procéder à des comparaisons de


budget entre les différents secteurs de production. On pourrait

CRISP/CH 1277-1278 43
Tableau 10
Budget et personnel radio 1989

Secteurs d'activités Crédits budgétaires Effectif global


en milliers de BEF au 31 /12/89 <1 )

Direction
Radio 105.589
Radio 1 27.360
Fabrication 51.592
Coord. R3 7.627
Total 192.168 15,6% 78,4 9,7%
Production site de Bru xe 11es
Journal parlé 126.337 10,3% 66,1 8,1%
Rédaction sportive 22.055 1,8% 8,0 1, O%
Orchestre et choeurs 148.168 12,0% 104,0 12,8%
Radio 21 27.325 2,2% 29,1 3,6%
Radio 4 13.392 1, 1% 9,0 1, 1%
CPIC 46.390 3,8% 43, 1 5,3%
Centre de Bruxelles 172.199 14,0% 116,4 14,3%
Tot a 1 hors CPB 383.667 31,2% 259,3 31,9%
Total avec CPB 555.866 45,2% 375,7 46,3%
Production centres wallons
Mons 152.227 12,4% 117,0 14,4%
Charleroi 11.433 0,9% 8,2 1,0%
Liège <2> 155.375 12,6% 116,2 14,3%
Namur 162.912 13,2% 116,2 14,3%
Total 481 .947 39,2% 357,6 44,0%

Total Radio 1.229.981 100,0% 811,7 100,0%


dont frais Indirects 929.997 76,2% 692,6 85,0%
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directs 290.690 23,8% 119,1 15,0%

(1 > 1 unité 1 temps plein; <2> Y compris Antenne-Soir

44 CRISP/CH 1277-1278
certes mettre en regard budget et heures de diffusion-antenne
pour chaque secteur (24). Il reste que tout dépend du type de
production réalisée et en particulier du degré d'élaboration sur
le plan culturel ou technique du programme. Un rapport
qualité/prix peut toujours être établi sur base de l'audience des
programmes. L'appréciation de la production culturelle, s' ins-
crivant a fortiori dans un esprit de service public (par exemple,
la mise sur pied d'une manifestation de soutien et d' encoura-
gement à la musique contemporaine, le relais donné aux auteurs et
artistes belges) échappe toutefois, outre son caractère parfois
éminemment subjectif, à ce genre de calcul économique. Il reste
cependant indispensable de pouvoir établir le coût des diffé-
rentes productions afin d'en dégager le meilleur coût et les
choix de politique générale.

Le coût des différentes chaînes radio (enjeu de la mise en place


de la "comptabilité analytique") a été établi, il y a quelques
années, par la firme Mc Kinsey. Sur base du budget 1984 (BEF 1,02
milliard), Radio Une coûtait - frais indirects et directs - BEF
290 millions/an, Radio Deux en ce compris les émissions régiona-
les et les radios de base : BEF 209 millions, Radio Trois en ce
compris l'orchestre : BEF 250 millions, Radio 21 : BEF 44 mil-
lions, les ondes courtes : BEF 28 millions, ce qui, comparé à
leur part d'audience, est favorable à Radio 21 et défavorable à
Radio Trois. Depuis lors, des moyens complémentaires ont été ac-
cordés en frais directs à Radio Une et Deux.

Le budget des centres wallons comprend d'une part des frais de


structure et de fonctionnement (exemple : encadrement, documenta-
tion, caféteria, ••. ) et d'autre part les frais de production des
émissions en ce compris le personnel permanent. A Bruxelles, la
situation est plus complexe sur le plan de la lisibilité budgé-
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taire. L'administration générale et la direction de la radio
prennent en charge divers services ou coûts d'encadrement. D'au-
tre part, sur le plan technique, le journal parlé, la rédaction
sportive, les ondes courtes et l'orchestre font appel au CPIC
(centre de production international et commun) pour la réalisa-
tion de leurs émissions. Les budgets indiqués pour ces secteurs
ne comprennent, par conséquent, pas leur coût en personnel tech-
nique. Il en est de même pour Radio 21 dont la réalisation tech-
nique est assurée par le centre de Bruxelles. En réalité, l'ins-
tauration d'un centre de Bruxelles en 1970 en bonne cohérence
avec l'existence de centres wallons, est quelque peu artificielle

(24) Hors programme de nuit C7%>, 49% du -temps de diffusion es-t réalisé sur le
site de Bruxelles e-t 44% par les cen-tres wallons ( grille janvier 1990).

CRISP/CH 1277-1278 45
sur le plan fonctionnel en regard des différents rapports de col-
laboration établis sur le site.

Gérer le budget d'un secteur d'activités représente la prise en


compte d'une série de contraintes qui limitent singulièrement la
marge de manoeuvre budgétaire de son responsable. Il est impor-
tant de noter à cet égard la part respective du budget total que
prennent à la RTBF et à la radio particulièrement les frais indi-
rects (76%) et directs (24%). Les frais indirects représentent
toutes les dépenses récurrentes, incompressibles par nature. Il
s'agit essentiellement des frais liés au personnel permanent et
contractuel de longue durée, dont la majorité est affectée aux
émissions (journalistes, producteurs, assistants, ••• ). Les frais
directs comportent principalement les frais d'engagement des col-
laborateurs au cachet, les divers frais de consommation liés aux
émissions (frais de déplacement, location de lignes de captation,
prestations dominicales et supplémentaires, disques, etc.) ainsi
que certains frais de fonctionnement du secteur (téléphone, cour-
rier, ••• ) • Dans un con tex te aussi figé, la masse budgétaire sur
laquelle peut intervenir le responsable pour développer des ini-
tiatives personnelles ou faire des économies est en moyenne de
23% par rapport au budget global qui lui est alloué. Elle est in-
férieure à ce volume dans la réalité vu le caractère relativement
incompressible des prestations dominicales et la portée de di-
verses dépenses contractuelles.

Il faut rappeler à cet égard que la majorité du personnel à la


RTBF (85% en radio) est sous statut de service public (25), ré-
parti en trois catégories principales (culturel, administratif,
technique) entre lesquelles n'existe que peu de mobilité, rému-
néré selon une diversité de fonctions ou grades qui renforce le
fractionnement du travail. Les conditions de travail sont notam-
ment définies pour le personnel lié aux émissions (dit à horaire
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variable), dans le cadre d'un règlement des prestations adopté, à
l'origine du moins, dans les années soixante.

(25) Les 85% (692,6 temps plein> Incluent les agents ayant un statut de fonction-
naire et un nombre limité de contractuels à durée Indéterminée dont l'Inscription
sur les frais Indirects correspond à une certaine ancienneté. Les 15% représen-
tent 1'ensemble des prestations rémunérées au cachet. Les chiffres cités en ma-
tière de personnel comprennent 1'ensemble des diverses collaborations converties
en temps p 1e 1n (y compr 1s, par exemp 1e, 1es correspondances jour na 11st 1ques l et
ne font qu'approcher par conséquent le nombre réel de collaborateurs.

46 CRISP/CH 1277-1278
DIVERSES LOGIQUES

La gestion des programmes - et toute réflexion sur la grille -


amène à intégrer diverses contraintes ou logiques de fonctionne-
ment dont les paramètres ne se rejoignent pas forcément.

Sur le plan général il y a à tout le moins :


- la logique budgétaire basée sur l'annuité (alors que le rythme
d'une saison de programmes va de septembre à juin) et la prévi-
sion des dépenses (un media doit gérer l'imprévu de l'actuali-
té), le tout dans un cadre parfois étroit d'initiative;
- la logique technique imposant via le règlement des prestations
les conditions de faisabilité technique des programmes (coût
élevé des heures d'émissions de 23h45 à 6h et le dimanche);
- la logique administrative qui définit des grades et circonscrit
de manière étroite, dans le cadre du statut, les incitants que
l'on peut octroyer à des collaborateurs amenés en première li-
gne de la grille des programmes;
- la logique de programme enfin, tournée vers le contenu et la
production, qui, elle, s'énerve des contraintes énoncées précé-
demment et de l'absence de moyens en général.

Sur le plan des programmes, on pourrait certes évoquer, au titre


des conflits d'intérêt possibles, la relative concurrence entre
les centres et les chaînes. Si celle-ci intervient, ce serait
plutôt sur le plan de 1' obtention des moyens budgétaires et hu-
mains qu'à proprement parler des programm~s. Il reste qu'une lo-
gique communautaire de cohérence de chaîne au meilleur coût peut
s'opposer aux logiques régionales, du moins potentiellement. Par
rapport à sa région, un centre peut en effet être tenté de cou-
vrir tous les domaines de l'activité radiophonique et occuper par
conséquent des terrains qui, dans une perspective communautaire~
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peuvent apparaître comme redondants par rapport aux autres
centres.

La politique de programmes d'une chaine, enfin, peut être frei-


née, dans son implantation auprès du public, par la logique d'im-
plantation des émetteurs telle qu'elle s'est réalisée au fil des
années. Radio Une ("un ton au-dessus") reste, en simplifiant
quelque peu, très bruxelloise dans son écoute. Radio Deux ("popu-
laire") est wallonne. Chacune des chaînes a du mal à s'implanter
plus complètement dans l'autre partie de la Communauté française
pour des raisons techniques (couverture incomplète de Radio Une
en Wallonie, pas d'émetteur Radio Deux à Bruxelles) qui viennent
se cumuler à des habitudes d'écoute héritées du contexte histo-
rique de la radio évoqué ci-dessus.

CRISP/CH 1277-1278 47
Conclusions

Les conclusions porteront sur les questions qu'appelle au-


jourd'hui la gestion de la radio de service public.

Un premier ordre de réflexion porte sur le passé et ses implica-


tions actuelles.

L' INR-RTB(F) a connu diverses phases de développement radiopho-


nique : la mise sur pied jusqu'en 1970 de trois chaines complètes
avec la participation progressive des centres de production wal-
lons, de 1970 à 1982 le développement d'émissions régionales et
sous-régionales, de 1982 à 1986 le lancement d'une chaine "music
and news" destinée à un public jeune. Cette évolution correspond,
avec des nuances, à celle qu'ont connu beaucoup d'organismes ra-
dio européens de service public.

L'autonomie culturelle de la radio-télévision est à 1' image du


processus institutionnel de l'Etat belge. La manière dont la RTBF
a appliqué la "régionalisation" tient largement compte des sensi-
bilités politiques et des volontés institutionnelles qui ont tra-
versé la Communauté française. On peut s'interroger sur ce phéno-
mène, y voir une anticipation, dans le chef de la RTBF, témoin
privilégié s'il en est de l'évolution politique francophone, une
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occasion de redéployer ses activités dans un contexte de monopole
de fait. On peut y voir plus simplement le souci de la RTBF, en
tant que service public, objet de sollicitations d'ordre poli-
tique, de s'inscrire, par ses structures, dans l'évolution de la
Communauté qu'elle est censée représenter.

Les structures de production de la RTBF, avec des centres régio-


naux wallons qui ont demandé des investissements importants, sont
certes à l'image de la sensibilité francophone.

Le fonctionnement décisionnel (organes de gestion, commissions


consultatives) et hiérarchique interne l'est encore bien davan-
tage puisqu'il s'appuie sur le Pacte culturel et l'équilibre po-

48 CRISP/CH 1277-1278
litiqu~ au sein du .Conseil de la Communauté française. On peut
dès lors se demander si l'on attend de la radio (télévision) de
service public qu'elle soit représentative de sa communauté ou
société de référence, quitte à en supporter les coOts ou qu'elle
soit une entreprise performante, à la gestion maximalisée, quitte
à ce qu'elle acquière une très large autonomie d'action.

Poser cette question revient à s'interroger - ce sera le second


ordre de réflexion - sur la notion de service public.

Aujourd'hui, après la poussée, dans les années 1980, un peu par-


tout en Europe, du libéralisme sorti de la crise économique, plus
personne n'accepte la "mauvaise gestion" de services publics pré-
sentés comme tentaculaires et peu efficaces. Encore faut-il voir
quelle évolution on souhaite leur donner. La notion de service
public, en radio-télévision, peut être abordée sous 1' angle du
contenu des émissions, de son financement et de son mode de fonc-
tionnement interne.

La spécialisation du contenu des chaînes est, depuis les années


1960, sur le plan européen, la réponse de la radio au succès de
la té lé vision. Cet te spécialisation, si 1' on songe à RTL et Eu-
rope 1 qui pendant longtemps n'ont gardé qu'une chaine (26), est
surtout le fait des radios de service public dans la mesure où
celles-ci ont compris leur mission comme étant de satisfaire la
diversité des publics. Cette conception continue à être mise en
exergue. Le rapport déposé en mars 1989, à la demande du gouver-
nement français, sur les missions du secteur public de 1' audio-
visuel, relève que la spécificité essentielle des radios-télé-
visions publiques est d'être un instrument au service de la dé-
mocratie et du pluralisme, par la prise en compte de la diversité
des opinions, des cultures et des goOts présents dans le pays
(27). Pour M. Albert Scharf, président de l'Union européenne de
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radiodiffusion, "la radiodiffusion publique est nécessaire pour
garantir une variété et une diversité réelles, une pluralité
équilibrée, et pour protéger les concepts et contenus de pro-
grammes obéissant à d'autres critères que celui du succès commer-
cial" (28).

Cette prise en compte des diversités amène le service public à


offrir un large spectre de programmes sans le mettre à l'abri des

(26) Ces stations se diversifient aujourd'hui vers le public jeune de la FM (ex:


Europe 2).
<27> Le secteur public de l'audiovisuel :missions et complémentarité, <Président
du groupe de travail : J.-P. Hosse), La Documentation française, décembre 1989.
(28) Colloque NOS, avril 1989, Revue de J'UER, juillet 1989.

CRISP/CH 1277-1278 49
critiques. Tantôt accusé de tomber dans la démagogie, tantôt ab-
sent. - et donc "en perte de vitesse" - des courbes d'audience
pour cause le plus souvent d'émissions de nature culturelle, le
service public fait en réalité l'objet de sollicitations ou de
souhaits contradictoires qui l'amènent en définitive à rechercher
un équilibre constant entre émissions à destination du grand pu-
blic et des publics plus particuliers. Cette exigence tous azi-
muts est alimentée par une certaine méconnaissance des coQts de
production de la radio-télévision, le sentiment de la financer
via la redevance (29) et enfin, sur un plan politique, la diver-
sité de la conception du rôle de l'Etat dans la vie économique et
politique. Nous illustrerons, de manière volontairement caricatu-
rale, les données de la notion de service public en prenant pour
hypothèse d'école, en cas d'impasse budgétaire, "une" révision
drastique de la grille des programmes radio. Si l'on supprime Ra-
dio Trois ou que l'on diminue une part importante de son budget,
d 1 aucuns trouveront argument au renoncement, de la part de la
RTBF, à sa mission de service public. Si l'on supprime Radio 21
ou Radio Deux, on pourra regretter à l'inverse que le service pu-
blic se coupe de toute une génération ou du grand public.

Une autre manière d'aborder le service public est de s'intéresser


à son mode de financement et de fonctionnement interne. La dota-
tion en radio continue à représenter plus de 90% des ressources.
Le décret du 4 juillet 1989 sur la publicité commerciale à la
RTBF limite à 25% par rapport à la subvention le plafond de ses
recettes commerciales. On pourrait en conclure que la mission
traditionnelle du service public - loin de toute logique commer-
ciale - s 1 en trouve rappelée. La logique de marché qu 1 introduit
la concurrence et le recours aux annonceurs privés oblige cepen-
dant, sans que celui-ci en perde son identité, le service public
à se positionner davantage dans l'offre de programmes même si, en
radio, la concurrence européenne paraît moins présente.
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Sur le plan du mode de fonctionnement, la RTBF est actuellement,
sous couvert de la loi du 16 mars 1954, un organisme d'intérêt
public de catégorie B soumis à divers mécanismes de contrôle

- approbation des budgets et des comptes par l'exécutif;


- statut et cadre du personnel fixés par l'exécutif;
-tutelle de suspension et d'annulation exercée à l'intervention
des commissaires de l'exécutif;
- contrôle d'un réviseur désigné par l'exécutif;
- contrôle de la Cour des comptes;
- éventuellement, intervention du Comité supérieur de contrôle.

C29l Cel le-cl-n'est, pour rappel, versée que partiel lament aux Communautés.

50 CRISP/CH 1277-1278
Un rapport (le "rapport Wangermée") remis en avril 1990 aux
organes de gestion de la RTBF, explore les possibilités de mo-
dification du statut et du système de gestion de 1' institut. Il
relève notamment le statut de société anonyme, à actionnariat pu-
blic, que possèdent les sociétés de programme Antenne 2 et FR3 et
le projet de statut de parastatal E destiné en Belgique à accor-
der une autonomie plus grande de gestion à la RTT, à la Régie des
postes et à la SNCB, à un moment où la Communauté française, en
vertu des réformes d'août 1988, n'est plus tenue de se référer
aux modèles institutionnels de la loi nationale de 1954. Déjà, la
RTBF a pu, récemment, obtenir un assujettissement partiel à la
TVA et organiser sa compatibilité sous une forme commerciale. Sur
le plan du personnel, le rapport note que, dans la plupart des
pays européens, les organismes chargés du service public de ra
dio-télévision sont aujourd'hui des sociétés de droit public dont
le personnel est contractuel, donc soumis au droit commun. Une
proposition de décret du PRL visant à faire de la RTBF une so-
ciété anonyme à actionnariat mixte a par ailleurs été déposée.

La question de la finalité et des moyens d'action qui sont oc-


troyés au service public se pose aujourd'hui avec d'autant plus
d'acuité que les cartes du jeu paraissent bien embrouillées. En
télévision, les stations privées proposent avec succès de 1' in-
formation et des émissions culturelles, points forts tradition-
nels du service public. En radio, les missions données aux radios
privées par le décret de juillet 1987 sont très semblables à cel-
les de la RTBF à savoir "la promotion culturelle, 1' éducation
permanente, l'information, l'animation locale, le divertissement,
les services au public soit séparément soit cumulativement" (art.
31). Dès lors, la spécificité et l'avenir de la radio de service
public paraissent être de préserver un volume important de pro-
duction, propre ou en sous-traitance, ancré en Communauté fran-
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çaise et axé notamment sur des programmes de type élaboré, tout
en bénéficiant d'une plus grande souplesse de fonctionnement.

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