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Revue Marocaine de Gestion et d’Economie, Vol 3, N°7, Juillet - Décembre 2016

L'entrepreneuriat Féminin au Maroc: Réalité, freins et perspectives


de réussite.

Par :

Khadija BENAZZI
Enseignant -Chercheur, Université Caddy Ayad, -Marrakech- Maroc
&
Latifa BENAZZI
Enseignant -Chercheur, Université Moulay Ismaïl, -Meknès- Maroc

Résumé

Au cours des dernières années on assiste à une croissance du nombre des entreprises
créées par les femmes dans le monde. À ce niveau on trouve que la promotion de
l’entrepreneuriat féminin constitue l’un des aspects de la maitrise de la femme des axes liés à
l’économie que sont la création des unités génératrices de valeurs ajoutées et son intégration
aux sphères politiques et autres. Donc l’objet de cet article est de bien comprendre et analyser
l’apport de l’entrepreneuriat féminin dans le développement socio-économique au Maroc, aussi
de reconnaitre les difficultés auxquelles font face les femmes entrepreneures marocaines.

Mots clef : Entrepreneuriat féminin, freins, motivation, facteurs de croissance socio-


économique

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Introduction

Pendant longtemps, la femme s’est occupée de la sphère privée et familiale: ménage,


éducation des enfants, cuisine. Peu à peu, ces fonctions sont devenues de véritables métiers:
agents d’entretien, institutrice, infirmière, sage-femme, et ont donc commencé à être rémunérés
mais peu. Ce lourd passé culturel du travail gratuit des femmes, explique pourquoi les femmes
sont de plus en plus présentes dans des métiers d’éducation, soignante ou de communication. La
femme tend à affirmer son identité dans la population active. Son rôle est passé d’un rôle de
femme «épouse mère» à une femme associée, autonome et désireuse de carrière professionnelle.

Depuis plusieurs années, l'hommes est devenu de plus en plus incapables de subvenir seul
aux besoins de sa familles à cause du chômage structurel et de la faible croissance des salaires,
ce qui a amené la femmes à investir de plus en plus dans le marché de l’emploi. Cette situation a
contribué au changement de la structure familiale et à améliorer la position de la femmes dans la
société.

Toutefois les attitudes sociétales, empêchent certaines femmes même d'envisager la


création d'entreprise, tandis que les obstacles systémiques font que de nombreuses femmes
entrepreneures restent confinées à des petites entreprises opérant dans l'économie informelle.
Cette situation non seulement elle limite leur capacité de gagner un revenu pour elles-mêmes et
pour leurs familles, mais restreint également leur vrai potentiel de contribuer au développement
socio-économique, à la création d'emplois et à la protection de l'environnement.

L’entreprenariat féminin participe réellement au développement économique des pays.


Ce développement est dû à l’augmentation et à la prédominance de la part des activités tertiaires
dans l’économie (tertiarisation), à l’accès à l’éducation et à l’enseignement supérieur de la
femme. Face à cette poussée importante des femmes entrepreneures, notre travail portera sur
l’entrepreneuriat féminin au Maroc.

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Ainsi, la question qui se pose avec plus d'acuité: Dans quelle mesure l’entrepreneuriat
féminin au Maroc peut-il constituer un levier majeur dans la dynamique économique et
sociale?

La méthodologie de recherche adoptée, commence par survoler la littératures qui exhume


le passé selon les différents écrits, puis faire le lien avec le présent selon des études empiriques
traitant le thème afin de laisser un chemin d'amélioration dédié au futur, pour cela une démarche
d'étude s'avère obligatoire.

Pour répondre à notre question, on va mettre l'accent sur plusieurs éléments qui sont : le
contexte institutionnel, le profil sociodémographique et les difficultés rencontrées par les
femmes, chefs d’entreprises ; que nous essayerons de traiter dans cet articles.

L’analyse de la motivation permettant aux femmes de bien réaliser leurs projets et


entreprendre des actions de création de valeurs, s’avère nécessaire dans la mesure où sa
compréhension permet de détecter les entraves qui freinent la bonne continuation et ou
provoquent un arrêt d’activité avant même son commencement , ainsi une discussion sur le profil
socio-économique des femmes entrepreneure en confrontant plusieurs pensées théoriques
classiques afin de bien mener une explication des facteurs de réussite des femmes dans leurs
idées d’entreprendre des projets de création de valeurs socio-économiques.

I- La femme entrepreneure au Maroc


Contrairement à ce qu’on peut remarquer dans les pays de l’Afrique subsaharienne, les
femmes entrepreneures sont peu nombreuses au Maroc. Seulement 10%1 des créateurs
d’entreprises sont des femmes, mais cette proportion masque la réalité de la dynamique
entrepreneuriale féminine, principalement à cause du poids de l'informel.

la définition de l’entrepreneuriat féminin au Maroc, dépend grandement de la


reconnaissance des secteurs et activités économiques dans lesquels les femmes s’investissent.

1
selon l'enquete réalisée par l'AFEM en 2006 avec l'assistance financière de la commission eureupéenne et l'appui
de CGEM. Taille de l'échantillon: 579 femmes chefs d'entreprises (77 membres de l'AFEM et 502 non membres)

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Certains ne considèrent que les entreprises du secteur formel, ce qui limite


considérablement le nombre des femmes qui peuvent être considérées comme entrepreneures
puisqu'une grande majorité d’entre elles sont présentes dans le secteur informel et réalisent des
activités à domicile.

Actuellement, l’encouragement de l’entreprise féminine au Maroc s’inscrit dans le cadre


d’une approche de promotion et d’amélioration de la situation de la femme dans les différents
domaines de la vie active.

Cet encouragement commence à avoir ses fruits, puisqu’on constate une évolution
remarquable de l’entrepreneuriat des femmes qui apparaît au niveau de leur contribution au
développement économique.

Le stimulus primordial de cette évolution de l’état d’esprit, est l’avènement de la nouvelle


Moudawana (code de la famille) qui a contribué à la vulgarisation d’une nouvelle culture fondée
sur les principes de l’égalité effective entre la femme et l’homme.

La femme entrepreneur marocaine2 est soit un travailleur-indépendant ou un employeur :

 Le travailleur indépendant : il travaille au sein de sa propre entreprise sans salarié, le taux


de féminisation de cette catégorie atteint 15,3% de la population féminine active.
 L’employeur : il dispose d’au moins un salarié, le taux de la féminisation de cette
catégorie n’est que de 4,2% du total des employeurs dans le milieu urbain.

La grande majorité de cette catégorie exerce dans le secteur artisanal, suivi de l’industrie
et de l’agriculture.

A- Le profil socio-économique des femmes entrepreneures

Selon l’étude réalisée par l’AFEM3 plusieurs critères peuvent être pris en compte pour
caractériser le profil socio démographie des femmes chefs d’entreprises au Maroc: l’âge, la
formation, la situation familiale et l’expérience.

2
Ahmed CHERGAOUI (2008, p.6) , l'entrepreneuriat féminin au Maroc, SlideShare
3
AFEM, 2005, "Etude sur l'entrepreneuriat féminin", Rapport

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a- Age

Au niveau du premier critère, l’âge moyen des femmes entrepreneures au Maroc se situe
entre 35 et 44 ans. C’est l’âge de maturité en matière d’entreprendre qui suscite la décision
d’entreprendre étant donné que les capacités et les expériences sont accumulées par les femmes.

C’est un âge de maturité qui est susceptible de permettre aux femmes de gérer
efficacement leurs affaires4.

b- Formation
Quant à la formation5, les études montrent que la femme entrepreneure, dispose
généralement d’un niveau d’instruction supérieure à celui de la moyenne nationale. Cette
variable est essentielle en matière d’acquisition d’outils de gestion et d’aide à la décision :
comptabilité, fiscalité, techniques de vente, marketing.

Au Maroc, les femmes entrepreneures ont dans leur grande majorité un niveau
d’instruction élevé. Les deux tiers d’entre elles disposent d’une formation universitaire, c'est-à-
dire d’au moins bac + 4. Celles qui ont même un bac plus quatre et plus sont assez importantes.

Ce niveau de formation est essentiel et fortement utile pour les femmes dans leur vie
professionnelle puisqu’il leur permet d’une part, d’acquérir des bases solides dans le domaine
des techniques de gestion des entreprises et d’autre part, de combler leurs lacunes et
insuffisances spécifiques tout en constituant une certaine assurance pour investir dans le monde
des affaires.

Il faut souligner que les femmes entrepreneures non ou peu instruites, ne gèrent que des
micros et petites entreprises à domicile essentiellement dans des activités comme le commerce et
l’artisanat.

4
Mohammed BOUSSETTA (2011,p.17)Entrepreneuriat Féminin au Maroc: Environnement et contribution au
développement économique et social" rapport de Juillet, site www.trustafrica.org/icbe.
5
A.CORNET (2004,p48), Entreprendre au féminin : une réalité multiple et des attentes différenciées”, Revue
Française de Gestion N° 151, Juillet-Aout.

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c- La situation familiale6
Concernant la situation familiale, plusieurs auteurs estiment que le lien familial joue un
rôle important puisqu’un grand pourcentage de femmes entrepreneures descendent d’un père ou
d’un mari lui-même entrepreneur. Provenir d’une famille d’entrepreneurs renforce certainement
le désir et le goût d’entreprendre tout en assurant la continuité d’une tradition qui est souvent
ancestrale. Ainsi, un parent ou un mari entrepreneur exerce une certaine influence sur le choix de
création d’entreprise pour la fille et /ou la femme.

Cette situation familiale favorable et particulière, ne signifie pas pour autant l’inexistence
de femmes qui créent et/ou gèrent leurs entreprises et qui ne bénéficient pas d’un entourage
entrepreneurial.

Le statut matrimonial et son influence sur l’activité entrepreneuriale de la femme, sont


aussi importants .Il est considéré tantôt comme un frein, tantôt comme un stimulateur. Dans
l’enquête d’Hernandez7 par exemple, les femmes mariées représentent 52% et les femmes
divorcées ou veuves 48%. Au Maroc, les femmes entrepreneures mariées sont encore
prédominantes avec 71%.

Elles ont des enfants à charge majoritairement de bas âge pour 77% d’entre elles. Des
raisons socioculturelles sont à l’origine de cette caractéristique à savoir notamment leur jeune
âge, leur mariage précoce. Dans les traditions nationales, la femme doit assurer d’abord ses
obligations familiales.

d- Expérience
Enfin, sur le plan de l’expérience, les femmes entrepreneures se caractérisent par
certaines spécificités telles que le caractère fondamentalement administratif de leur expérience,
la prédominance des aspects liés au service dans lesquelles elles exercent comme le secrétariat,
la formation, les services. Elles sont généralement peu nombreuses dans des domaines comme
l’industrie, la finance.

6
AFEM (20050), "Etude sur l'entrepreneuriat féminin", Rapport
7
D.BONET FERNANDEZ (2014, p. 4), Entreprendre en France? Les motivations des femmes,
http://www.ipag.fr/fr/accueil/la recherche/publications-WP.html

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Dans ce domaine également, on peut noter que la littérature (Hisrich et Brush 1994)
montre que les femmes ont beaucoup moins d’expérience que les hommes dans l’activité choisie.

Au Maroc, les deux tiers des femmes entrepreneures ont exercé une activité
professionnelle et ont en déjà une certaine expérience dans un poste d’encadrement et de
direction dans le secteur privé.

On peut même dire qu’une grande continuité existe entre cette ancienne expérience et
l’entreprise créée ou gérée. Ainsi, souvent il ne s’agit pas d’une véritable rupture dans la
trajectoire professionnelle des femmes. Bien au contraire, cette continuité joue un rôle important
dans la réussite et la croissance de leur entreprise.

B- Les caractéristiques des entreprises créées et/ou dirigées par les femmes au Maroc

a- Taille
Les entreprises créées et ou gérées par les femmes au Maroc sont dans leur majorité de
petite taille, du type TPE (Très Petites Entreprises) ou des PME8 (Salmane, 2011). Les deux tiers
d’entre elles emploient moins de 20 salariés, avec un peu moins de la moitié des effectifs
employés de sexe féminin. Ainsi on est majoritairement devant le cas de la TPE et PME, ce qui
correspond à la réalité économique marocaine touchée de plus de 90% de PME. La plupart de
ces entreprises sont relativement jeunes, la moitié de celle-ci a moins de 5 ans.

b- Les formes juridiques


Juridiquement, la constitution de société est beaucoup plus rare chez les femmes ; elles
préfèrent demeurer propriétaire unique, contrairement aux hommes. Elles optent plus souvent
pour le statut indépendant (personne physique) que pour la constitution en société (personne
morale)9.

Au Maroc, les entreprises dirigées par des femmes sont le plus souvent des SARL(57%)
ou des entreprises individuelles (22%). Elles sont plus rarement des sociétés anonymes (16%).

8
N.SALMAN (2011), L'entrepreneuriat féminin au Maroc, Communication au 7èmes Rencontres Internationales,
Corte, France du 29 au 30 septembre.
9
A.CORNET et CONSTANTINDS (2004), Entreprendre au féminin: une réalité multiple et des attentes
différenciées", Revue française de Gestion N°151, Juillet-Aout.

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Cette forte proportion d’entreprises individuelles est justifiée par sa simplicité et son
adéquation aux PME ainsi que la souplesse de son statut et du capital social qui reste moins élevé
avec des facilités en termes de blocage à la création.
c- Le secteur d’activité
La littérature considère aussi que les femmes créent et/ou gèrent souvent les entreprises
liées aux services tels que le commerce, les relations juridiques et les services éducatifs et le
conseil.

Au Maroc, également les entreprises féminines sont concentrées dans le secteur des
services avec 37%, le commerce et la distribution avec 31% et l’industrie et notamment le textile
& l’agro-industrie avec 21%10. Ainsi l’entrepreneuriat féminin est de moins en moins limité aux
secteurs classiques comme le commerce ou l’artisanat même si le tiers des femmes exercent
toujours leur activité à domicile en milieu urbain contre presque les deux tiers en milieu rural.
Une grande partie des femmes soit à titre individuel ou collectif et ce dans le secteur informel
(cas des associations microcrédits).

d- L’étendue de l’activité

En terme de l’interaction de leurs entreprises avec les marchés extérieurs, les femmes
prennent aussi le risque de rechercher de nouveaux consommateurs, et ce en se basant sur des
campagnes publicitaires, qui peuvent à leurs avis, apporter un succès réel mais aussi de nouveaux
investisseurs, sans pour autant demander des investissements en communication très lourds que
la structure ne peut pas supporter11.

Les entreprises féminines privilégient le marché local (31%) et national (44%) et seul
21% font de l’export. L’essentiel de cette dernière catégorie d’entreprises est de grande taille.
Cette caractéristique n’est pas d’ailleurs spécifique aux entreprises créées et/ou dirigées par des
femmes.

10
AFEM, 2005, "Etude sur l'entrepreneuriat féminin", Rapport
11
A. CHIRCOVA. (2001, p.6 et p.19), Women as a Company Head, Problems of Economic Transition, Vol.43,
N°9, January

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C- Les motivations des femmes entrepreneurs

L'entrepreneuriat féminin se base, sur la motivation qui alimente son esprit et qui lui
permet de réussir son projet.

Diverses raisons sont avancées pour expliquer l’engagement entrepreneurial des femmes.
Il s’agit entre autres du désir d’indépendance qui se manifeste particulièrement chez les femmes
qui étaient salariées auparavant. Parfois, certaines ont quitté de manière volontaire leur emploi
pour se lancer dans les affaires. Dans ce cas, l’entrepreneuriat est en quelque sorte une deuxième
carrière dans la trajectoire des femmes entrepreneures.

Le motif d’autonomie vis-à-vis du mari ou même de la famille, est également avancé


comme importante motivation dans la perspective d’entreprendre.

De même, la volonté de survie constitue aussi un objectif essentiel dans ce domaine


essentiellement pour les femmes qui ont abandonné l’école de manière précoce ou en cas de
difficultés imprévues : veuvage, divorce. Cet entrepreneuriat de survie, est extrêmement
important dans les pays en développement dans lesquels la protection sociale n’existe pas pour
une grande partie de la population féminine.

Au Maroc, les motivations qui lancent dans la création de ces entreprises sont multiples
et assez diversifiées .Ainsi, le tiers des chefs d’entreprises enquêtées mettent en avant tout
d’abord leur volonté de réussir leur projet personnel (33,3%), ensuite, leur intérêt pour le
domaine d’activité qu’elles exercent (26,7%). Le troisième facteur par ordre d’importance est le
fait que l’opportunité de créer leur propre entreprise s’est présentée(20,0%) et enfin la volonté
d’acquérir une certaine autonomie (10%).

La motivation de réaliser un projet chez les femmes entrepreneures, se constitue


particulièrement; de la compétence, de la maîtrise d’un savoir-faire dans un secteur d’activité
donné, vient ensuite le souci de s’affirmer sur un même pied d’égalité que l’homme et devenir
une femme d’affaires.

La maîtrise d’un savoir-faire avant la création d’entreprise s’explique par une certaine
spécificité féminine qui est: la prudence.

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Dans un contexte de concurrence de plus en plus acharnée, le créateur doit être sûr de son
savoir-faire et devra préparer son projet avec le maximum d’atouts de son côté. Crée une
entreprise, c’est-à-dire investir, c’est prendre le goût du risque, pour répondre aux besoins
matériels. Le principal objectif de la motivation de la création de son propre projet reste
l’épanouissement personnel et le défi de réussir afin d’assurer son avenir et une bonne retraite.

II- Les obstacles au développement de l’entrepreneuriat féminin au Maroc

Selon les études présentées par l'AFEM, le Maroc encourage l’entreprenariat féminin à
créer de nouvelles ressources pour participer au développement économique de notre pays.

L’association des femmes-chefs d’entreprises du Maroc (AFEM) a dévoilé que la


contribution de la femme au développement économique de notre pays, rencontre plusieurs
problèmes structurels qui bloquent l’avancement des femmes, chefs d’entreprise. Cette réalité
s'expliquent par les facteurs suivants:

 Les contraintes socioculturelles à l'entrepreneuriat féminin: le rôle de la femme, selon la


culture, est limité à la cellule familiale souvent associé à la reproduction.
 le faible niveau de socialisation des filles qui limite le développement de certaines
aptitudes nécessaires à l'entrepreneuriat, tel le gout de l'innovation et le sens de risque.

Au Maroc le choix pour la femme de développer une activité rémunératrice est souvent
dicté par la nécessité.

La conviction culturelles sur la capacité de la femme à gérer une entreprise sont souvent à
l'origine de croyances erronées qui peuvent conduire à des stéréotypes discriminatoire de la
femme.

Le nombre d’entreprises créées par les femmes a certes augmenté, mais continuent à
rencontrer des difficultés énormes qui, souvent précarisent leurs projets les plus ambitieux ou
tempèrent leurs initiatives les plus audacieuses.

Les obstacles sont de plusieurs types :

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- Obstacles sociaux et culturels : comme les attitudes négatives à l’égard des femmes
dans les affaires : le fait que les femmes sont censées assumer d’autres rôles non sociaux, les
restrictions concernant le choix du secteur d’activité, le manque de soutien de la part de la
famille et le manque de mobilité.

- Obstacles liés au niveau d’instruction : les femmes ont souvent un niveau d’instruction
relativement inférieur à celui des hommes, elles reçoivent une éducation tendancieuse et leurs
chances de suivre une formation supérieure ou professionnelle sont généralement réduites.

- Obstacles professionnels : en général, les femmes ont moins d’occasions que les
hommes pour améliorer leurs compétences dans le secteur structuré.

- Obstacles infrastructurels : par exemple, les femmes peuvent rencontrer de grandes


difficultés pour accéder au crédit, à la technologie, aux services d’appui, à la terre et à la
formation économique, commerciale, fiscale.

- Obstacles juridiques : il existe des régions où il est encore difficile pour les femmes
d’engager une action en justice de manière indépendante.

- Obstacles psychologiques : il arrive que les femmes soient peu sûres d’elles et aient une
image d’elles-mêmes négative.

Un environnement institutionnel pas très favorable à la création et au développement de


l’entreprise en général.

Il y a autant d’obstacles qui ralentissent encore le long cheminement des femmes vers
leur prise d’initiative économique, passage obligé pour la création d’entreprises porteuses de
croissance, créatrices de richesse et d’emploi.

Différentes recherches se sont intéressées aux obstacles que les femmes rencontrent et
doivent dépasser pour mener à bien leurs entreprises. On cite particulièrement les travaux de
Thompson LOGHSTONE (1997)12. Parmi ces obstacles, nous pouvons citer la discrimination

12
Thompson LIGHSTONE and COMPAGNY LTD (1996 et 1997, P.143 et P.144), Small and Medium Sized,
Business in Canada: an on going satisfaction with financial Institution des Banquiers canadiens.

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systémique inhérente à leur condition de femme, un difficile accès au financement et des


conditions de crédits très peu avantageuses, la crédibilité de ces femmes, qui est souvent mise à
l’épreuve, à l’extérieur de leur entreprise lors des relations avec les institutions ou certains
partenaires13.

A- L’accès au Financement

L’accès au financement reste sans nul doute le plus grand obstacle pour les femmes
entrepreneures. Les divers aspects du financement qui sont déterminants pour les femmes
entrepreneures sont : l’importance du capital lors du démarrage et pendant la croissance, la
provenance des fonds et les attentes des organismes emprunteurs, la qualité du risque de crédit
qu’elles représentent et les difficultés particulières rencontrées pour l’obtention des fonds
nécessaires.

De manière générale, les investissements de démarrage chez les femmes restent plus
faibles que celles des hommes même si la réputation des femmes entrepreneures est enviable, en
particulier en ce qui concerne le remboursement d’emprunts et de crédits.

À la lumière de plusieurs études réalisées sur l’entrepreneuriat féminin et en particulier


celles traitant le financement, on constate des disparités quant à l’accès au financement des
femmes entrepreneures par rapport à leurs homologues masculins.

On connaît l’importance du financement dans le développement des PME, que ce soit au


stade du démarrage, de la consolidation des activités de l’entreprise ou de la croissance de celle-
ci.

Les femmes14entrepreneures marocaines préfèrent financer leurs projets grâce à leurs


épargnes personnelles ou l’aide familiale. Ainsi, dans la culture de la PME marocaine, l’essentiel
du financement de l’entreprise féminine, est constitué par l’apport personnel et familial et le
recours au crédit bancaire reste très faible et demeure une exception.

13
J.ZOUITEN (2004), l’entrepreneuriat féminin en Tunisie, Xème colloque international du CEDIMES, Alexandrie,
Mars.
14
H.BOUZEKRAOUI (2011, p.9), Les obstacles au développement de l’entrepreneuriat féminin au Maroc, thèse de
doctorat, effectué à l'Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Tanger Université Abdelmalek Essaâdi.

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Cette préférence pour les fonds propres s’explique par les difficultés rencontrées par les
femmes marocaines pour obtenir des crédits bancaires.

Ces difficultés peuvent se résumer en deux points : le coût excessif du crédit (taux de
base, durée, etc.) imposé aux entrepreneurs de manière générale, qu’ils soient hommes ou
femmes ainsi que les garanties exigées. Dans ce sens, des études antérieures confirment les
exigences du système bancaire marocain en terme de garanties, y compris dans le cas des
programmes de financement proposés par l’État (Crédit Jeune Promoteur, Moukawalati, etc).

Quant à la discrimination sexiste à laquelle peut faire face la femme-entrepreneure


marocaine lors de la demande d’un crédit bancaire, les femmes interrogées 15 réfutent toute
discrimination basée sur leur sexe et déclarent que les décisions bancaires sont fondées
essentiellement sur la solidité de leurs dossiers notamment en terme de garanties. Elles trouvent
que les garanties exigées par les banques marocaines sont trop élevées et que malheureusement
les banques ne prennent pas en considération d’autres critères tels que l’expérience
professionnelle, les diplômes et les compétences.

B- Le problème de formation

Le besoin de formation des femmes-entrepreneures est ressenti comme très utile,


notamment quand elle porte sur des concepts techniques précis et immédiatement opérationnels.

Pour réussir une formation qui renforce les capacités entrepreneuriales des femmes, il
conviendrait d’utiliser des méthodes plus adaptées, par exemple le contexte dans lequel vivent
ces femmes et les caractéristiques des femmes apprenantes. D’après l’Association des Femmes
Chefs d’Entreprises au Maroc16, Les domaines les plus importants dans lesquels les femmes
souhaitent avoir un soutien et du conseil externe: le management de façon général (47%),
marketing (41%), fiscalité (25%) et finance et comptabilité (21%).

C- L’accès aux réseaux de soutien17

15
selon l'étude menée par Salmane 2011c, op-cite
16
Etude réalisée par l'AFEM 2005.
17
H.BOUZEKRAOUI (2011, p.10),Les obstacles au développement de l’entrepreneuriat féminin au Maroc", thèse
de doctorat, effectué à l'Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Tanger Université Abdelmalek Essaâdi.

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Malgré l’existence au Maroc de plusieurs associations et organismes de soutien et de


promotion de l’entreprise féminine, on constate que peu de femmes adhèrent à ces groupements.

Parmi les associations les plus connues au Maroc, on peut citer en premier lieu
l’Association des Femmes Entrepreneures du Maroc (AFEM) qui a été créé en 2000 et dont les
missions consistent à : encourager et appuyer la création d’entreprises par les femmes, informer,
encadrer et assister les femmes chefs d’entreprises dans la gestion et la pérennisation de leurs
entreprises, développer les compétences managerielles des femmes-entrepreneures en leur
assurant des formations et enfin constituer un réseau afin de jouer un rôle de lobbying auprès des
pouvoirs publics et des institutions internationales.

Une autre institution importante dans ce domaine est l’association Espace de Départ
(ESPOD) fondée en 1991. L’ESPOD représente un espace de rencontre, d’information, de
formation et de solidarité visant l’amélioration de l’environnement et de la qualité des entreprises
féminines.

Malheureusement, plusieurs femmes qui souhaitent entreprendre ignorent l’existence de


ces structures. Des campagnes d’information s’avèrent donc nécessaires pour faire rapprocher ce
genre d’organisme des femmes marocaines.

D- Les pratiques socioculturelles.

D’autres obstacles plus particuliers sont ressentis par les femmes entrepreneures
marocaines avec plus d’acuité comme la discrimination sexiste, notamment au début de leur
activité ou lorsqu’elles sont jeunes célibataires.

Ainsi, l’étude faite par Salmane en 2011, révèle que dans leurs rapports quotidiens,
l'harcèlement, le manque de crédibilité et la réticence des différents partenaires (client,
fournisseurs, etc.) sont les principales difficultés dont souffrent les femmes marocaines au
démarrage de leur projet. L’entourage familial semble également être un obstacle quoique,
également, la femme marocaine n’est plus obligée de demander l’autorisation à son père ou à son
mari, comme par exemple en cas de déplacements répétitifs à l’étranger ou en cas des rencontres
avec des clients.

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Ces pratiques sociales sont justifiées par les traditions et coutumes caractérisant la société
Marocaine, qui imposent à la femme de respecter certaines règles de conduite vis-à-vis de sa
famille et de la société.

E- Conciliation Vie privée/vie professionnelle

Au Maroc, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale ne semble pas poser
des problèmes aux entrepreneures féminines. La plupart de des femmes interrogées, déclarent
que quel que soit l’âge de leurs enfants, concilier le travail et la vie privée demeure une question
d’organisation. Ces femmes déclarent également disposer des moyens financiers pour engager
une aide-ménagère qui s’occuperait à la fois des tâches ménagères ainsi que de leurs enfants. Ces
femmes peuvent également compter sur leur entourage familial (parents et beaux-parents) pour
garder leurs enfants pendant qu’elles travaillent.

En dépit des tous ces obstacles, le mouvement des femmes dans le mouvement dominant
de l'entreprise et l'esprit d'entreprise, peut être consulté dans une lumière optimiste.

Conclusion

La femme-entrepreneure est reconnue comme étant une force importante sur le plan
économique qu'il faut la soutenir pour développer son activité économique. Le succès de son
entreprise est conditionné par l'adaptation au changement et l'utilisation de nouvelles façons de
faire les affaires, pour prospérer en période de changement. Un bon exemple est l'utilisation des
technologies les plus récentes.

Cette femme-entrepreneure, doit avoir une confiance en soi et la confiance en bonne


santé dans ses capacités et compétences. Doute interne - qualité naturelle, mais confiant
entrepreneure est en mesure de faire face avec eux. Elle ne tient pas compte des erreurs ou des
critiques sur son compte personnel, plutôt elle doit les utiliser comme une opportunité
d'amélioration.

Avec une vision claire de l'avenir, la femme entrepreneure doit être ambitieuse, mais en
même temps réaliste et accessible. Elle doit faire de grands efforts pour traduire l'idée en réalité,

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Revue Marocaine de Gestion et d’Economie, Vol 3, N°7, Juillet - Décembre 2016

et toutes ses décisions dans le but de réaliser la mission et la vision de l'entreprise. Elle doit
toujours être à la recherche des occasions d'améliorer la performance de son entreprise.

Investir dans les femmes reste l'un des moyens les plus efficaces d'accroitre l'égalité et de
promouvoir la croissance économique inclusive et durable. Des programmes d'investissement
doivent se réaliser au profit des femmes entrepreneures, afin d'avoir des importantes
répercussions sur le développement car les femmes consacrent généralement une plus grande
part de leurs revenus à la santé, à l'éducation et au bien-être de leurs familles. Parallèlement; il
faut éliminer les aspects discriminatoires, des politiques, programmes et pratiques économiques
et sociaux qui peuvent entraver pleinement la participation des femmes à l'économie et à la
société.

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