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INVESTISSEURS & CAPITAUX rendez-vous

La due diligence financière d’acquisition :


retour aux fondamentaux
Très morose depuis 2008, le marché des acquisitions pourrait esquisser une reprise à l’automne
2009. Difficultés de lever de la dette, incertitudes sur les flux de trésorerie prévisionnels,
frilosité des acteurs,… la conjoncture est peu propice aux opérations d’acquisitions / cessions
depuis la fin de l’été 2008.

C
ependant, un certain nombre de signes nous de nature financière. Le contenu de ces « due diligence »
semblent annoncer l’esquisse d’une reprise dans le contexte actuel nous semble différer substantiel-
de l’activité dans le domaine des acquisitions lement de ce qui était demandé pendant la période précé-
et cessions d’entreprises. dant la crise.

Du côté des grands groupes : En effet, la crise et ses effets sur les entreprises ont en-
• La conjoncture semble propice à des rapprochements traîné un besoin croissant d’appréciation et d’évaluation
d’activité, parfois défensifs, qui peuvent s’effectuer du risque, à travers trois facteurs qui nous paraissent les
sans recours à la dette et (ou) sous forme d’échange plus déterminants :
de papier ; • La prise de conscience de la volatilité de la rentabilité
• Des cessions de filiales ou d’activité sont étudiées, voire dans bien des secteurs. Le niveau des agrégats de ré-
préparées puis lancées ; férence, essentiellement l’EBIT et l’EBITDA, n’est pas
• Certaines sociétés sous LBO en difficulté, ou des entre- un acquis, que l’on peut projeter à l’infini en y appli-
prises en procédures collectives (redressements judi- quant parfois de forts coefficients de croissance ; la
ciaires par exemple) pourraient constituer des opportu- crise l’a brutalement rappelé.
nités de cibles d’acquisitions pour étoffer des branches • La mise à jour de certaines pratiques de vendeurs
d’activité ; ayant maximisé la valeur de leur cession par
Sur le marché des small & mid-caps, les fonds de Private quelques actions de « window dressing », ou parfois
pire (stocks sur-évalués, éléments hors-bilan non ré-
vélés, besoin en fonds de roulement pollué par des
éléments hors exploitation,…). La compétition entre
Des travaux ciblés, analytiques, acheteurs des années 2004 – 2008 avait entraîné la
signature de protocoles sans clauses de protection,

dont les conclusions sont considérées comme handicapantes, secondaires


dans ce contexte ; la crise remet au goût du jour la

claires et pragmatiques nécessité de mieux protéger l’acheteur.


• La tension de la trésorerie, qui affecte la plupart
des sociétés, dont celles qui constitueront les cibles
Equity restent assez actifs, et des cessions liées à des pour les futurs acheteurs ; cette tension est à son
transmissions d’entreprises, différées depuis 2008, pour- paroxysme dans les sociétés sous procédure collec-
raient se débloquer pour la fin de l’année 2009. tive. La situation de trésorerie et son évolution sont
Quant aux fonds de retournement, plutôt discrets pour incontestablement les indicateurs les plus sensibles
le moment, ils pourraient passer à l’offensive quand ils dans ce nouveau contexte.
considéreront que l’activité est au plus bas et que la re-
prise se profile. Ces facteurs constituent autant de points-clés déter-
minant l’essentiel de la substance des travaux de due
Dans ce contexte, les analyses conduites par les ex- diligence financières, qui accompagneront les opé-
perts du « Transaction Support », auteurs des rap- rations d’acquisitions et de rapprochement d’entre-
ports de due diligence, doivent s’adapter aux nou- prises de la rentrée 2009.
velles priorités des acheteurs. Or, durant les années fastes pour les opérations d’ac-
Dans le cadre de ces opérations, l’analyse des cibles est quisition, en particulier pour les investisseurs en capital
cruciale. Les acheteurs potentiels ont donc recours à des pour des schémas LBO (on a vu, en 2006, jusqu’à une
cabinets spécialisés, en particulier dans leurs diligences vingtaine d’investisseurs en concurrence pour racheter

54 décideurs : stratégie finance droit


Par Frédéric Duponchel, Président-directeur général. Accuracy

une même société…), travail, le rapport se doit - La vraisemblance de ces prévisions,
les cibles étaient fré- d’être clair et explicite, compte tenu des données du marché
quemment analysées la tendance des années -…
à travers un produit fastes ayant parfois été
type : la « Vendor Due de diluer les conclusions En outre, la due diligence « buy-side »
Diligence ». dans un ensemble volu- doit, pour être efficace, être conduite en
Celle-ci correspon- mineux et indigeste. grande partie sur site, en contact avec
dait aux standards la direction générale et avec la direction
imposés par la place Ainsi, l’Expert doit analy- financière de la cible, afin d’obtenir des
londonienne : des Frédéric Duponchel, ser et critiquer les agré- réponses, des compléments d’informa-
centaines (voire de Président-directeur général gats financiers et les élé- tion et des explications en temps réel.
milliers) de pages, ments susceptibles de S’il est possible, l’accès à d’autres cadres
dans lesquelles le respect de ces « stan- faire varier la valeur de la Cible, faire de la cible (Commercial, Production,
dards » l’emportait parfois sur la perti- l’objet de protections spécifiques dans Technique,…), permet le recoupement
nence des analyses et dont le volume le protocole, ou même compromettre la d’informations. Ceci est indispensable
pouvait dans certains cas empêcher une décision d’investissement. Par exemple, dans certains secteurs, par exemple les
exploitation efficace par les acheteurs, les étapes des travaux de due diligence activités de contrats long-terme, afin
compte tenu de délais très courts. financière « buy-side » comportent : d’analyser les résultats prévisionnels à
Ce document permettait avant tout d’ac- - Une analyse de la réalité, de la substance fin d’affaire et les conditions du déroule-
célérer la conclusion de l’opération. Pré- et de la pérennité du chiffre d’affaires ment d’un contrat.
parée à l’initiative du vendeur, la Vendor - Une étude de la récurrence des indica-
Due Diligence était parfois le seul do- teurs de profitabilité : EBIT, EBITDA,…, ré- La « data-room » électronique est cepen-
cument analytique de référence pour la sumée sur des tableaux de retraitement dant toujours adaptée dans des phases
transaction. Le candidat acheteur et ses de ces indicateurs, qui présentent les très préliminaires, mais elle n’est plus
conseils devaient se limiter à une lec- « ajustements » effectués sur les indica- suffisante pour analyser une cible de fa-
ture attentive et, si possible, apprécier teurs présentés initialement par la Cible çon approfondie.
la qualité des données présentées. Au - Une revue de la disponibilité de la tré- Ainsi, on retiendra, parmi les « leçons
mieux, cette revue de la Vendor Due Di- sorerie, c'est-à-dire de la possibilité de la crise », un retour « aux fondamen-
ligence était complétée par des données concrète d’en disposer dans des délais taux » dans la conduite des due diligence
présentées dans une « data room » élec- raisonnables financière pré-acquisition : des travaux
tronique; les questions soulevées étaient - Une analyse de l’endettement net ciblés, analytiques, dont les conclusions
traitées lors des séances de « Q&A  », réel, incluant les éléments hors-bi- sont claires et pragmatiques. Ils sont des-
limitées à quelques heures et dûment lan susceptibles de donner lieu à des tinés à informer sur les risques encourus
chronométrées. décaissements prévisibles, ainsi que par l’acheteur d’une cible et à préparer sa
des éléments «  hors exploitation ré- négociation et (ou) sa protection.
Dans le nouveau contexte, les candidats currente » présentés par la cible dans En complément de ces travaux de due di-
acheteurs ne peuvent plus se contenter le BFR ; là encore, les retraitements ligence, il est également important pour
de ces travaux conduits sur une base proposés sont présentés dans un ta- l’Expert de pouvoir, sans contraintes
parfois très incomplète. Il est aujourd’hui bleau clair et explicite. liées à l’exercice de professions règle-
crucial d’étayer une décision d’investis- - Une revue de la capacité de la cible à mentées du Chiffre, assister ses clients
sement par un travail de due diligence réaliser les objectifs d’activité («  top et leurs conseils lors des négociations du
financière « buy-side », qui doit être une line ») et de flux de trésorerie annoncés prix, des modalités d’ajustement du prix,
analyse des chiffres avant tout critique et dans les budgets et le plan d’affaires, des définitions des agrégats de référence
approfondie. Quant à la synthèse de ce compte tenu des réalisations passées et de la rédaction du protocole.

LES POINTS CLÉS SUR L'AUTEUR


L e marché des acquisitions pourrait esquisser une reprise Frédéric Duponchel est diplômé de l’ESCP et titu-
laire du diplôme d’Expert-comptable. Il a passé plus
à l’automne 2009.
de quinze ans chez Arthur Andersen où il est de-
Les analyses conduites par les experts du « Transaction venu associé en 1999.
Support » doivent s’adapter aux nouvelles priorités des Depuis 2004, il est Président -Directeur Général
acheteurs. d’Accuracy, société spécialisée dans le conseil en fi-
Après plusieurs années d'accélération des processus transac- nance d’entreprise qu’il a fondée avec ses associés.
tionnels, la difficulté d'accès au marché de la dette donne de Accuracy est présent à Paris, Madrid, Amsterdam,
nouveau le temps de mener des diligences approfondies. Milan et Francfort et compte 130 consultants.

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