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Filippo DELLANOCE
Psychanalyste. Docteur en Psychanalyse et Psychopathologie (Université de Paris).
Chercheur associé au laboratoire LIRCES – UCA Nice.
Université Côte d’Azur (UCA)
Campus Carlone – 98 boulevard Edouard-Herriot – 06209 Nice Cedex 3 – France
Houria ABDELOUAHED
Psychanalyste. Professeur des Université, Université Paris 13.
Université Paris 13
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99 avenue Jean-Baptiste-Clément – 93430 Villetaneuse – France
RÉSUMÉ
Dans le Séminaire III consacré à l’étude des psychoses, Lacan dit de Schreber
qu’il est certes un écrivain, mais pas un poète. Le délire de Schreber et, par
extension, la psychose, sont essentiellement caractérisés par un manque de
métaphore. Dans notre contribution, nous examinerons d’abord la littérature
psychanalytique et psychiatrique concernant le diagnostic de la psychose de
Schreber, puis nous analyserons la thèse de la forclusion du signifiant Nom-du-
Père comme cause de la psychose. Pour comprendre la fonction métaphorique
du signifiant, nous examinons ensuite la nature linguistique de la métaphore,
sur la base des théories d’Aristote et de U. Eco. La métaphore est un instru-
ment de connaissance cognitive et additive : par la métaphore, nous attei-
gnons une nouvelle connaissance, et la métaphore apporte la connaissance
en dessinant par le langage une nouvelle caractéristique du fonctionnement
de la réalité. Une fois que la première métaphore, celle paternelle, est absente,
c’est la métaphore comme fonction de connaissance additive qui manque. Par
conséquent, aucune autre métaphore ne sera possible, puisque le sujet n’a pas
rencontré la possibilité pour une nouvelle signification d’apparaître, celle-
ci apportée par le travail du métaphorique. Nous proposons enfin quelques
considérations conclusives sur le langage psychotique, ainsi qu’une nouvelle
articulation entre métaphore, doute et certitude délirante.
MOTS-CLÉS : psychose, métaphore, D. P. Schreber, J. Lacan, U. Eco
ABSTRACT
Psychosis and Metaphor
In Seminar III devoted to the study of psychoses, Lacan says of Schreber that
he is certainly a writer, but not a poet. Schreber’s delusion and, by exten-
sion, psychosis, are essentially characterized by a lack of metaphor. In our
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KEYWORDS: psychosis, metaphor, D. P. Schreber, J. Lacan, U. Eco
RESUMEN
La psicosis y la metáfora
En el Seminario III sobre el estudio de las psicosis, Lacan dice de Schreber que
es efectivamente un escritor, pero no un poeta. El delirio de Schreber y, por
extensión, la psicosis, se caracterizan esencialmente por una falta de metá-
fora. En esta contribución, examinaremos primero la literatura psicoanalí-
tica y psiquiátrica relativa al diagnóstico de la psicosis de Schreber y luego
analizaremos la tesis de la forclusión del significante Nombre-del-padre como
causa de la psicosis. Para entender la función metafórica del significante,
examinamos a continuación la naturaleza lingüística de la metáfora, basán-
donos en las teorías de Aristóteles y U. Eco. La metáfora es un instrumento de
conocimiento cognitivo y aditivo: a través de ella alcanzamos nuevos cono-
cimientos, y la metáfora aporta conocimiento al dibujar, por el lenguaje, un
nuevo elemento del funcionamiento de la realidad. Al faltar la primera metá-
fora, la paterna, lo que se pierde es la metáfora como función del conocimiento
aditivo. En consecuencia, ninguna otra metáfora será posible, ya que el sujeto
no ha encontrado la posibilidad de que aparezca un nuevo significado, traído
por el trabajo de lo metafórico. Finalmente, proponemos algunas considera-
ciones finales sobre el lenguaje psicótico, así como una nueva articulación
entre metáfora, duda y certeza delirante.
PALABRAS CLAVE: psicosis, metáfora, D. P. Schreber, J. Lacan, U. Eco.
RESUMO
A psicose e a metáfora
No Seminário III dedicado ao estudo da psicose, Lacan diz de Schreber que ele
é de fato um escritor, mas não um poeta. A ilusão de Schreber e, por extensão,
a psicose, são essencialmente caracterizadas por uma falta de metáfora. Nessa
contribuição, primeiro examinaremos a literatura psicanalítica e psiquiátrica
relativa ao diagnóstico da psicose de Schreber e depois analisaremos a tese da
forclusão do significante Nome-do-pai como causa de psicose. Para entender
a função metafórica do significante, examinamos então a natureza lingüís-
tica da metáfora, com base nas teorias de Aristóteles e U. Eco. A metáfora é
um instrumento de conhecimento cognitivo e aditivo: através dela alcança-
mos novos conhecimentos, e a metáfora traz o conhecimento desenhando,
pela linguagem, uma nova característica do funcionamento da realidade. Se
a primeira metáfora, a paterna, está ausente, é a metáfora como função do
conhecimento aditivo que fica faltando. Por conseguinte, nenhuma outra
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metáfora será possível, já que o sujeito não encontrou a possibilidade de um
novo significado, trazido pelo trabalho da metáfora, aparecer. Finalmente,
propomos algumas considerações finais sobre a linguagem psicótica, bem
como uma nova articulação entre metáfora, dúvida e certeza delirante.
PALAVRAS-CHAVE: psicose, metáfora, D. P. Schreber, J. Lacan, U. Eco
1. Z. Lothane (1989, p. 222) suggère que Schreber pourrait avoir tiré cette distinction du rapport
que son médecin, Flechsig, avait produit pour l’hôpital dans lequel il travaillait pendant la période
1882-1886.
2 . … non pas à Sonnenstein, comme il apparaît dans la traduction française à (1956 (1979), p. 172) :
Cf. (Israëls, 1986, p. 188).
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caractérisé par une tentative de suicide par défenestration.
3. J. M. Alvarez (1993 (1998), p. 183) démontre que, si Weber avait fait son expertise entre 1910 et
1915, il aurait considéré Schreber comme schizophrénique/dément du type paranoïde.
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« meurtre d’âme ». Lorsque Weber émit son diagnostic de paranoïa, Schreber
avait déjà dépassé cette phase de persécution proprement dite et était en
train de construire son délire cosmologique sur sa transformation en femme
et sur la fin du monde. Pour ces raisons, Lothane propose un diagnostic diffé-
rentiel de « psychotic depressive illness » (1989, p. 223).
4. Effectivement, il manque chez Schreber, comme il le souligne lui-même dans ses Mémoires, la
« désagrégation de la pensée – pour les psychiatres allemands toujours le symptôme le plus impor-
tant de la schizophrénie » (Peters 1993 (1998), p. 67) – chose qui pourrait faire abandonner l’idée de
la schizophrénie, comme Weber lui-même l’avait observé.
5 . Schatzman (1973, p. 101) a d’ailleurs démontré que le docteur Flechsig avait effectivement prati-
qué la castration sur au moins trois patients de son hôpital comme forme de cure (P. E. Flechsig, « Zur
gynaekologischen Behandlung der Histerie », Neurologisches Contralblatt, vol. 3, n. 19 et 20, p. 46).
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« l’image psychopathologique » (p. 66).
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2- Lacan a vu dans le manque au sein de l’inconscient – à entendre comme
l’Autre, l’ordre symbolique – d’un seul signifiant spécifique dit « primor-
dial » la cause de la psychose. Ce signifiant, qu’il va appeler le Nom-du-Père,
manquerait suite à un « rejet », suite à la mise en place du mécanisme de
la Verwerfung ou forclusion qui l’aurait placé à l’extérieur, dans le réel, en lui
rendant impossible l’expédition de sa fonction métaphorisante – la « méta-
phore paternelle ». C’est ce défaut du Nom-du-Père qui va précipiter le
« désastre croissant de l’imaginaire » (Lacan, 1958 (1966), p. 577), et « ce qui
a été rejeté du symbolique réapparaît dans le réel » (1955-1956 (1981), p. 57)
sur un mode hallucinatoire. Le langage se trouve, par exemple, pris dans « ce
désastre » de « Je viens de chez le charcutier » (p. 55-68), le désastre d’un
signifiant qui tient un rôle autre que symbolique et qui se trouve éjecté de
l’inconscient comme « truie » lorsqu’il y a un échec de la métaphore pater-
nelle comme moment structural pour le sujet. C’est cette forclusion qui est
responsable de la psychose de Schreber, laquelle psychose se caractériserait
essentiellement par l’absence, dans le langage, de toute métaphore.
p. 91, 11 janvier 1956). Cette absence de métaphore fait que les Mémoires d’un
névropathe ne nous introduisent pas « à une dimension nouvelle de l’expé-
rience » puisqu’elles ne nous donnent pas accès à un monde autre, tel que
par exemple le font les créations de Saint Jean de la Croix, Proust, Gérard de
Nerval (1955-1956 (1981), p. 91, 1er janvier 1956).
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qui captivent le sujet » (Lacan (1953) 1966, p. 301), tout autre est le rapport
du psychotique au corps et au langage. Que la phrase maternelle soit décor-
tiquée puis convertie assez rapidement en une ou plusieurs langues étran-
gères, faisant ainsi du langage un langage « désossé » (G. Deleuze) comme
chez L. Wolfson (1970), ou que la patiente dise : « C’est comme s’il y avait une
drôle de merde là-dedans qui va vers la gauche » pour exprimer : « Je sens que
cette drôle de merde de thérapeute, qui vient d’entrer dans cette pièce, est
en train de devenir communiste » (Searles, 1977, p. 203-204), ou que chaque
syllabe devienne un poignard (Bion, 1983) (et nous pouvons multiplier les
exemples), le langage dans la psychose témoigne du déchaînement du signi-
fiant ou de sa prise dans le filet des processus primaires hors la dimension
symbolique. Désarticulé, il n’atteste plus de son assujettissement à l’ordre
symbolique 6 . Rappelons que la remarque de Freud au sujet de la malade de
Tausk va dans ce sens : elle dit, de son-bien aimé, qui l’a séduite, qu’il est
un « tourneur d’yeux », qu’il lui a « retourné les yeux » (1915 (2010), p. 80).
Le psychotique appréhende les mots comme des choses. La métaphore fait
défaut dans la psychose.
3. La métaphore en question
6. Cf. les différents articles sur le mîthâq (Le pacte primordial), (Abdelouahed, 2003).
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qu’en produisant un écart avec l’ordre antérieur. Cette idée négative d’écart
s’accompagne d’une idée positive d’emprunt. De par l’écart et l’emprunt, la
métaphore échappe à la banalité en usant des mots étrangers à l’usage quoti-
dien (1458a) : la métaphore produit un écart avec la langue courante, que
ça soit au niveau élevé de la poésie, ou bien au niveau intermédiaire de l’ars
oratoria (Eco, Aristotele e la metafora. Conoscenza, similarità, azione, enuncia-
zione, 2005, p. 33).
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C’est à cette seule condition que la pensée « regarde en entendant et entend
en regardant » (Heidegger, 1962, p. 127).
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genre humain, et que la connaissance apporte de la joie ; la métaphore est
la forme qui permet le plus de connaître avec facilité et rapidité ; le plaisir
qu’on ressent quand on rencontre une métaphore est le signe de la nouvelle
connaissance acquise. La connaissance nouvelle est donnée non seulement à
celui qui entend, mais aussi à celui qui produit la métaphore puisque celui-ci,
comme un vrai philosophe, est capable de repérer des similarités et d’iden-
tifier des choses qui semblent apparemment différentes les unes les autres
(Poétique, 22, 1459a 4-8 ; Rhétorique, III, 11, 1412a 11-15). La métaphore est
ainsi – et déjà pour Aristote lorsqu’il parle des métaphores du 4e type, à 4
éléments – un instrument de connaissance nouvelle.
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se faire surprendre. Ainsi, on peut parler de « la prose du monde » (M. Merleau-
Ponty) ou de l’image qui est « l’aurore de la parole » (G. Bachelard).
4. Le métaphorique à l’œuvre
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Si la métaphore exerce une « fonction cognitive », comme le soutient
U. Eco en s’appuyant sur Aristote 12 , et si Schreber, comme les autres exemples
de patients psychotiques évoqués, est incapable de concevoir une quelconque
métaphore – selon Lacan, il ne nous en offre aucune dans ses Mémoires – c’est
parce que le métaphorique, en tant que fonction de la pensée introduite par
le signifiant Nom-du-Père (NdP), est inopérant chez lui. Seulement en intro-
duisant cette considération nous pouvons essayer de comprendre la thèse
lacanienne du manque de métaphore dans la psychose de Schreber : la méta-
phore exerce une fonction qui opère au niveau de la pensée et qui « donne à
penser » en ajoutant une connaissance nouvelle au dynamisme de la réalité.
Là où toute métaphore manque dans le langage, c’est parce qu’elle manque
aussi au niveau de la pensée en tant que « fonction cognitive » ou instrument
de connaissance. L’apport particulier de Lacan c’est d’avoir fait dépendre
l’existence du métaphorique en tant que fonctionnement de la pensée d’un
signifiant particulier, le NdP.
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(1913/1959 (2016), p. 106, traduction nôtre, italiques ajoutés) –, l’acte de la pensée
et la vie sexuelle humaines sont structurés, selon Lacan, par le(s) signifiant(s).
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Comme C. Soler le souligne (2008), la psychose est alors à considérer comme
un « défaut de métaphore » à tous les niveaux. Non seulement au niveau
de l’Autre – voici la thèse du manque de la métaphore paternelle déployée
dans la Question préliminaire et qui est à considérer comme pouvant rendre
compte de la causalité de la psychose, en tant que sa « condition essentielle
mais non suffisante » (2008, p. 202) – ; non seulement au niveau du style
propre aux Mémoires de Schreber et du manque total d’une quelconque méta-
phore – affirmation, celle-ci, que nous allons méthodologiquement récupé-
rer – mais aussi au niveau des phénomènes : les symptômes de la psychose
– l’exemple lacanien évoque l’hallucination verbale – ne sont pas, comme
dans le cas de la névrose, des métaphores – à savoir, « substitution qui efface
un signifiant et qui le remplace par un autre » (2008, p. 169) – mais, plus
primitivement, « signifiants dans le réel ». Il reste toutefois, selon Lacan, la
« métaphore délirante » qui ferait suppléance à ce triple manque de méta-
phore dont Schreber témoigne.
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paraît. Nous ne pouvons pas reconfirmer l’affirmation (et préférons maintenir
le questionnement) dans notre réponse à la certitude de la thèse lacanienne.
D’abord, puisque nous ne nous sommes pas engagés en une lecture analy-
tique des Mémoires, dans leur version allemande, à la recherche d’une quel-
conque métaphore. Ensuite, puisqu’il n’existe pas, dans la littérature scienti-
fique et à notre connaissance, une étude linguistique de ce type conduite par
un lecteur attentif d’extraction non-psychanalytique. Encore, puisqu’aucun
auteur n’a jamais rencontré le patient Schreber, ni avant, ni pendant et ni
après la phase délirante. Ensuite, puisque les Mémoires sont un document
soumis aux règles de publication éditoriale, et l’auteur Schreber n’est pas
complètement homologue au patient Schreber. Enfin, puisque la « langue
fondamentale » de Schreber présente, néanmoins, d’autres figures rhéto-
riques, comme J.-F. Rabain l’a montré en 1980 et comme Prado de Oliveira
l’a rappelé (1997, p. 22). Il s’agit surtout de l’oxymoron et l’euphémisme, mais
pas que : « la syntaxe de la langue fondamentale, son organisation en figures
précises, euphémismes, antithèses, allusions ou antiphrases recouvre en
effet les procédés psychiques de dénégation, de déni ou de retournement
en son contraire » (Rabain, 1980, p. 344) afin de restituer un vrai « jeu des
contraires » qui dissimule l’insoutenable de la pulsion (p. 346). Ainsi, si on ne
trouve aucune métaphore dans le texte de Schreber, ce n’est pas pour autant
que toute autre figure rhétorique disparaisse.
13 . Ne sommes-nous pas devant une contradiction manifeste à support de la thèse lacanienne qui
verrait dans le manque de métaphore linguistique dans un texte publié la signature de l’essence
psychotique et de son langage et, en même temps, la métaphorisation comme nature propre du
délire, conçu en tant qu’opération langagière ?
Conclusions
Au-delà de la confirmation ou de la réfutation de la thèse lacanienne, nous
pouvons plutôt nous interroger sur le sens de cette thèse, à savoir sur la signi-
fication, telle que Lacan semble la concevoir, de l’incapacité du psychotique à
produire des métaphores.
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désir, mais il le nomme de façon métaphorique. La métaphore paternelle est
ce qui permet l’écart entre l’objet primordial du désir et sa nomination dans
le langage. Or, dans le cas de la psychose, il n’existe aucune différence entre le
mot et la chose, ou entre la représentation du mot et celle de la chose, comme
déjà Freud l’avait souligné : pour son patient schizophrénique, un trou est un
trou, rappelle-t-il : « l’égalité dans l’expression langagière et non la ressem-
blance des choses désignées » permet et prescrit un remplacement entre les
deux (1915 (2010), p. 83) ; le rapport verbal entre les mots détermine et subor-
donne le rapport entre les choses et l’on comprend ainsi que « le mot trou
reste identique à lui-même, quelles que soient les différences qui séparent les
“choses” qu’il peut venir à désigner » (Arrivé, 2003, p. 17).
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évoque la nature de la paranoïa au niveau de la pensée et de son fonction-
nement, comme nous l’avons déjà amplement décrit ; la réception littérale
décrirait au contraire la manière propre du psychotique de s’y rapporter,
manière qui ne se construirait pas par la médiation de la métaphore.
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