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Hystérie éternelle, encore et toujours

Litza Guttieres-Green
Dans Revue française de psychanalyse 2003/4 (Vol. 67), pages 1139 à 1158
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0035-2942
ISBN 2130535658
DOI 10.3917/rfp.674.1139
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Hystérie éternelle, encore et toujours

Litza GUTTIÈRES-GREEN
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L’hystérie qui a été à l’origine de la découverte de la psychanalyse, existe-
t-elle encore ou a-t-elle été détrônée par d’autres tableaux au point qu’on
puisse mettre en doute la réalité de son existence ?
Il faut avouer que, bien qu’elle ait connu plusieurs éclipses depuis sa
découverte, les psychanalystes ont périodiquement éprouvé le besoin de réta-
blir son importance, ce qui prouve qu’elle continue de nous interroger.
Pendant ces trente dernières années, elle a tenu l’affiche à plusieurs
reprises.
Au 28e Congrès international de psychanalyse à Paris, en 1973, où
Laplanche a rendu compte d’un panel qui avait pour thème « L’hystérie
aujourd’hui », elle a été présentée comme un désordre de caractère plutôt que
comme un tableau symptomatique. Tout en demeurant, comme au temps de
Freud, une affection à prédominance œdipienne, l’accent a été davantage mis
sur l’importance des composantes agressives. C’est la destructivité refoulée qui
s’exprime à travers les symptômes et les traits de personnalité ; le fantasme
inconscient représentant une figure de compromis.
Éric Brenman (avec l’ensemble des auteurs kleiniens), la considérait alors
comme une défense contre des angoisses psychotiques plutôt que comme une
entité clinique individualisée. La prédisposition à l’hystérie serait influencée
par des angoisses prégénitales. D’où l’existence, derrière le conflit entre pul-
sions et refoulement, d’un risque de psychose en relation avec une mère « hys-
térogène » qui aurait perverti la réalité en déniant les conflits.
Pour Laplanche, en revanche, l’hystérie reste œdipienne ; il conteste le
rôle de facteurs prégénitaux qui n’entreraient en jeu que lorsque le refoule-
ment échoue et il insiste sur la mise en scène de fantasmes originaires dont le
but serait l’évitement de la sexualité génitale.
Rev. franç. Psychanal., 4/2003
1140 Litza Guttières-Green

Il a paru souhaitable de distinguer l’hystérie bénigne, névrotique, analy-


sable, les « bons hystériques » comme les a appelés Elizabeth Zetzel (1968), de
l’hystérie maligne dont les mécanismes font plutôt penser à des cas limites, à
la psychose, à la perversion ou à des affections psychosomatiques. La pre-
mière est en relation avec le complexe d’Œdipe et la triangulation, tandis que
la deuxième renvoie à des fixations prégénitales orales et à la relation duelle
avec la mère.
Depuis, les auteurs qui, dans la continuité de Freud, ont maintenu l’équa-
tion hystérie = névrose, se sont posé le problème du devenir de la conversion,
à laquelle ce dernier n’avait plus fait allusion à partir de Inhibition, symptôme
et angoisse (1926). Même si l’on continue à l’observer actuellement dans cer-
tains lieux de soins spécialisés, dans certains milieux particuliers et dans cer-
taines cultures, elle se fait rare. Selon M. de M’Uzan, elle serait un moyen de
lutter contre la dépersonnalisation.
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Les théorisations modernes ont privilégié le point de vue structural : c’est
lorsque la sphère psychique ne peut plus contenir le conflit que la scission
(dissociation) deviendrait nécessaire. Puis on a envisagé l’hystérie sous l’angle
de la relation objectale. Ces patients que l’instabilité des frontières du moi
rapproche des cas limites, confondraient les désirs de l’autre avec les leurs.
Étant donné le polymorphisme qu’on trouve aussi bien dans l’hystérie
que dans les cas limites, A. Green a proposé d’appuyer le diagnostic sur le
mode de fonctionnement plutôt que sur les symptômes. Il a opposé le carac-
tère sexuel ambivalent des hystériques – elles veulent être aimées de l’objet et
le détruire en même temps – à la fragilité du moi en jeu dans les cas limites.
En cas de décompensation, l’hystérie évoluerait vers la somatisation ou vers
une autre structure non névrotique. Green souligne encore la difficulté, en
relation avec la bisexualité, d’un choix identificatoire masculin ou féminin
dans la scène primitive.
En 1984, Augustin Jeanneau, dans son rapport au Congrès des psychana-
lystes de langue française, « L’hystérie, unité et diversité », met en avant le
« langage d’action » au détriment de la pensée, avec érotisation de l’activité
musculaire et difficulté à rester dans le psychique. Il décrit une « position hal-
lucinatoire » qui unit l’image de la satisfaction à une contracture musculaire
de décharge indifférenciée. L’hystérique chercherait, dans ce raidissement du
corps, à retrouver les tensions musculaires qui le rassemblent et le souvenir
hallucinatoire de la présence maternelle.
L’année suivante, au colloque de Deauville, Jacqueline Schaeffer avec
« Le rubis a horreur du rouge », a situé à l’origine de l’hystérie, l’explosion
dans le corps pubère, de la sexualité adulte qui agit comme un trauma et
entraîne une désorganisation. Du fait de son incapacité à la contenir et à la
Hystérie éternelle, encore et toujours 1141

représenter, le sujet va tenter de s’en débarrasser en la rejetant hors psychisme


(dans l’action, le corps) et surtout dans le corps de l’autre, tout en se vivant
comme la victime d’un désir qui viendrait de l’extérieur.
En 1999, en Italie, a paru, sous la direction de F. Scalzone et G. Zontini,
Perché l’Isteria (Pourquoi l’hystérie) qui recense les principaux travaux post-
freudiens.
La même année, en France, Problèmes de l’hystérie, par Jacques André,
Jacqueline Lanouzière et François Richard.
La question que nous nous posons aujourd’hui, à propos des névroses de
transfert, est au centre d’une interrogation sur notre profession et le devenir
de la psychanalyse. Nous vivons à un rythme accéléré, dans un monde de plus
en plus impatient où l’agir est valorisé.
Les difficultés que rencontrent les candidats à la formation pour trouver
des cas pourraient faire penser que les névroses se font de plus en plus rares et
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qu’encore plus rares sont les gens qui acceptent les lenteurs et les contraintes
de la psychanalyse.
Les hommes et les femmes d’aujourd’hui vont-ils trouver encore le temps
et le désir de se pencher sur leur propre fonctionnement mental ? Notre
méthode a-t-elle été dépassée et rendue obsolète par d’autres avancées
plus performantes ou apporte-t-elle quelque chose d’unique qui permette
d’affronter le conflit central de l’humain ?
Ni la pharmacologie ni les nouvelles thérapies n’ont réussi à obtenir des
résultats convaincants. Les hystériques, en proie à leur angoisse et à leurs
symptômes, courent les médecins, les charlatans ou les psychothérapeutes de
tous bords, cherchant la solution miracle, et finissent parfois par s’adresser à
nous. Nous nous trouvons alors face à une souffrance névrotique et pas seule-
ment à un caractère.
Pendant les semaines où je lisais les travaux de mes collègues et pensais à
elles, le nombre des hystériques a augmenté parmi les nouvelles consultations et
je me suis demandé si je les suggestionnais par mon intérêt silencieux qu’elles
percevaient, ou si j’étais devenue plus attentive à des signes qui m’auraient
peut-être échappé auparavant. Toutes avaient pris des neuroleptiques ou des
antidépresseurs, certaines avaient été hospitalisées, sans succès.
Quelles que soient les transformations que l’hystérie a adoptées, ce que
Green et Gaddini ont appelé son « caméléonisme », il faut reconnaître qu’elle
possède une identité qui nous permet de la repérer et de l’isoler. On a pu se
demander si les hystériques des Études étaient des névroses ou, pour certaines
d’entre elles, des cas non névrotiques, voire psychotiques. La relecture des pre-
miers travaux de Freud m’a convaincue que, contrairement aux idées reçues,
ses patientes ne différaient pas tellement des nôtres.
1142 Litza Guttières-Green

Donc l’hystérie existe toujours et, si elle donne l’impression de ne plus


être la même, jusqu’à disparaître des classifications (dans le DSM elle a été
remplacée par l’un de ses symptômes, la dissociation), c’est à la fois pour des
raisons qui lui sont propres et parce que Freud, puis ses successeurs nous ont
fait voir et interpréter autrement certains tableaux.
Même si elle n’a plus la vedette, elle survit, voilée, masquée, pour refaire
surface, en particulier lors des décompensations ou des catastrophes privées
ou collectives déclenchant des régressions et elle continue d’être un problème
pour les médecins et les analystes. Il ne suffit pas de bourrer ces patients
d’antidépresseurs et d’anxiolytiques pour en venir à bout.
Pour mieux comprendre l’hystérie d’aujourd’hui, il m’a paru sage de me
tourner vers le passé de cette affection si ancienne.
On connaît l’hystérie depuis la nuit des temps et elle a toujours été consi-
dérée comme une maladie féminine. Les anciens Égyptiens avaient incriminé
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des déplacements de l’utérus qui, comme une bête, habitait le ventre des fem-
mes ; elle a reçu son nom d’Hippocrate en référence à cet organe.
Tout le monde sait ce que l’on désigne par hystérie : trop de tout chez les
femmes, à la fois pleines et « manquantes ». Quand on les traite d’hystériques,
on vise cette caricature du féminin que mettent en scène les grandes folles ou
les travestis qui, eux, revendiquent leur hystérie comme une preuve de leur
bisexualité, tout en exprimant leur hostilité par cette image à la fois dérisoire
et provocante.
C’est pourquoi, on nie l’hystérie, on la rejette, on la refoule, on l’ignore :
« Moi, une hystérique ?.... » c’est une insulte qui signifie à la fois, séductrice,
trompeuse, menteuse, simulatrice, folle !
Et comme les hystériques veulent plaire, elles cherchent à donner le
change, elles essayent, parfois au prix d’efforts et de souffrances considéra-
bles, d’effacer les différences, de se montrer contrôlées, fiables, surmoïques,
obsessionnelles, selon un modèle dont elles ont fait leur idéal parce que c’est
ce qu’on leur demande. La névrose obsessionnelle et la phobie sont devenues
les maladies du siècle ou plutôt celles de nos sociétés avancées : contrôle et
peur des microbes, des acariens, de la saleté, de la maladie, de la vieillesse, de
la mort.
Après avoir passé au Moyen Âge, pour ces sorcières possédées par le
diable que Michelet a magistralement décrites, puis pour des simulatrices que
les médecins ignoraient, les hystériques ont gagné leurs lettres de noblesse
avec Charcot. Lui a su s’intéresser à ces patientes qui disaient avec leur corps
une souffrance psychique. Pour la première fois, il les a distinguées dans le
chaos des autres atteintes nerveuses et il a séparé la grande hystérie, épilep-
toïde, de toutes les formes mineures qui se rapprochent de la normalité. Les
Hystérie éternelle, encore et toujours 1143

descriptions de cette époque évoquent cependant un véritable pandémonium


et elles nous paraissent plus près des possédées d’antan que de ce que nous
connaissons aujourd’hui. Peut-être était-ce dû en partie à la contagion, à la
surenchère à laquelle elles se livraient pour attirer l’attention ; l’intérêt qu’il
leur avait prêté ayant suscité une véritable culture de l’hystérie. Après la mort
de Charcot, leur nombre a d’ailleurs chuté de façon significative et pas seule-
ment en France.
Nous sommes redevables à Charcot d’avoir à la fois cherché à com-
prendre le sens de ce qu’elles montraient et, en décrivant une hystérie mascu-
line, d’avoir sorti cette affection du cercle vicieux hystérie = folie féminine. Le
premier cas publié par Freud (1886) était également un homme, mais par la
suite, volens nolens, la prédominance féminine de ce tableau devait s’imposer.
L’hystérie moderne est donc née à la Salpêtrière. Charcot avait montré les
liens de la névrose et du système génital mais l’hystérie restait pour lui une
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maladie « dégénérative héréditaire », même s’il avait fait une place aux « idées
pathogènes ».
Élève de Charcot, Freud a pris l’hystérie comme base pour l’étude et le
traitement de toutes les maladies mentales et même plus généralement du
fonctionnement psychique de l’humain. À partir d’elle, il a dessiné un modèle
de la psyché.
1. Dans un article de 1888, « Hysteria », Freud affirmait déjà que
l’hystérie est une névrose qu’aucun signe neurologique ou anatomique
n’explique. Il le confirmera en 1893 : « L’hystérie se comporte [...] comme si
l’anatomie n’existait pas » (p. 55). De plus tous ses symptômes sont mobiles,
se déplaçant, se succédant ou alternant d’un malade à l’autre et chez le même
patient ; ils sont « excessifs » par comparaison avec ceux liés à des atteintes
neurologiques. Et Freud insiste sur le théâtralisme et les attitudes passionnel-
les. Déjà, il récuse l’étiologie de la dégénérescence et met en lumière le rôle
du fantasme et du conflit intrapsychique en relation avec un traumatisme psy-
chique.
Progressivement, il va affiner sa théorie.
En 1892, il définit comme traumatique « toute impression dont la liquida-
tion par le travail mental associatif ou réaction motrice offre des difficultés au
système nerveux ». L’origine des paralysies hystériques implique une « asso-
ciation subconsciente avec le souvenir du trauma » (p. 59). Les symptômes
font le lien entre les émotions, la psyché et le corps, ils traduisent des affects
inconnus des patients eux-mêmes parce que refoulés.
Dans Les Psychonévroses de défense (1894), elle est caractérisée par la
conversion ; par celle-ci « de grandes sommes d’excitation [sont transposées]
dans l’innervation corporelle » (p. 5). Ce transfert dans le corps la distingue
1144 Litza Guttières-Green

des autres névroses, obsession et phobie, où la représentation inacceptable,


déplacée, transformée, reste psychique.
Toutes les névroses cherchent à résoudre un conflit entre un désir et
l’interdit qui le condamne, l’hystérie est un reflet de ce conflit.
Le diagnostic d’hystérie est donc jusqu’à aujourd’hui, d’abord un dia-
gnostic négatif.
Les symptômes, associés à une hyper-expressivité, et à une suggestibilité
remarquables, n’ont ni stabilité, ni permanence :
— ils ne sont pas exprimés psychiquement mais corporellement ;
— ils n’ont pas de concordance avec l’anatomie ;
— ils symbolisent un désir refoulé, nié, oublié (la névrose est le négatif de la
perversion, l’une refoule, l’autre transgresse).

L’hystérique mime d’autres pathologies, s’adapte à l’attente implicite du


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médecin, elle séduit et trompe, elle-même et les autres. Comment se fier à
elle ? À force de jouer différents tableaux, de se plaindre de son entourage et
de mettre tout le monde en échec, elle finit par lasser ses thérapeutes et ses
amants, c’est bien connu.
Ainsi, en 1967, Lucien Israël mettait en garde les médecins contre « le
piège » (sic) que les hystériques leur tendent.
Je me souviens d’une jeune femme, une infirmière, par ailleurs charmante, qui
s’injectait un anticoagulant. Les médecins se cassaient les dents sur ces saignements
inexpliqués. De grands professeurs défilaient au pied de son lit, jusqu’au jour où,
alerté par son comportement théâtral, un interne découvrit le médicament dans le
tiroir de sa table de nuit. Démasquée, elle menaça de se suicider et elle fut transférée à
l’hôpital psychiatrique où je fis sa connaissance. Elle se plaignait de ne pas avoir été
aimée de sa mère et sollicitait constamment les médecins, non sans succès d’ailleurs.
Par exemple elle frappait à la porte de mon bureau et tombait évanouie juste avant
que je ne lui ouvre. Après sa sortie, elle reprit son travail dans un service de médecine
où elle était estimée pour sa compétence et son dévouement. Mais, toutes les nuits,
elle appelait à l’aide les médecins de garde de la ville dont l’irritation allait croissant,
parfois simplement pour obtenir des médicaments. Évidemment ils étaient convaincus
que ce n’était qu’une manière de les manipuler. Elle finit par se défenestrer et devint
une malade grabataire, hospitalisée pour le reste de ses jours et nourrie à la cuillère
comme un bébé.
À l’hôpital où j’allai la voir, personne ne pouvait dire si elle était réellement
aphasique et paralysée. Aucun signe neurologique ne le confirmait. Je ne sait
même pas si elle m’a reconnue. Évidemment la maladie de Münchausen est consi-
dérée comme une forme maligne d’hystérie, une psychose, mais cette femme en
dehors de ce comportement, n’était pas plus folle que les hystériques des Études. Elle
n’a pas fait d’analyse. Elle ne l’a jamais demandée et nous n’avons pas su la lui
proposer.

Malgré les déguisements que l’hystérie peut prendre, Freud a maintenu


l’idée d’un statut indépendant : « Je ne voudrais pas qu’on crût que je ne tiens
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pas l’hystérie pour une affection névrotique autonome » (Études sur l’hystérie,
p. 209).
Il l’a distinguée de la névrose d’angoisse et de la neurasthénie qui expri-
ment directement un désordre sexuel. La première trouverait son origine dans
une accumulation de traumas. On pense au trauma cumulatif décrit par
Masud Khan (1974) qui a insisté sur le rôle de la mère.
Tandis que la conversion réussit à calmer l’angoisse, d’où la fameuse belle
indifférence, dans la névrose d’angoisse, l’affect, aggravé de nos jours par les
prises répétées d’anxiolytiques, est au premier plan avec anticipation des
catastrophes, de la mort ou de la folie. « Le mécanisme – écrit Freud (1895) –,
... est à rechercher dans la dérivation de l’excitation sexuelle somatique à dis-
tance du psychisme et dans l’utilisation anormale de cette excitation, qui en est
la conséquence » (p. 31, ital. de Freud).
Grâce à la conversion qui réalise une transposition hors de la sphère psy-
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chique, Freud a pu penser le refoulement comme une exclusion à l’intérieur
du psychisme et une solution pour sortir de la névrose.
Dès 1888, il avait signalé la fréquence des névroses mixtes où les diffé-
rents modes de défense se combinent. Ceci est d’autant moins surprenant qu’il
voyait dans l’hystérie le « soubassement de toutes les névroses de transfert »,
la première, la plus fondamentale. Dans tous les cas de névrose obsession-
nelle, existerait « un substratum de symptômes hystériques » (p. 67) qui serait
le garant de l’analysabilité.
Dans les Études sur l’hystérie, 1895, Freud avance l’hypothèse d’une étio-
logie psychogène et psychosexuelle, douleur psychique conservée dans la
mémoire, revécue comme une douleur somatique. Il conclut que les souvenirs
oubliés sont des pensées inconscientes transformées.
Évoquant une étiologie traumatique, Freud fait découler l’hystérie d’une
séduction sexuelle, vécue passivement, avec indifférence ou effroi (1896). La
névrose est le fruit « d’un conflit psychique, une représentation inconciliable
mettant en action la défense du moi et provoquant le refoulement » (p. 102).
L’excitation provoquée par la séduction active de la part d’un adulte, n’ayant
pas pu être canalisée, et déviée dans la conversion, empêche le retour du sou-
venir traumatique : « C’est de la réminiscence que souffre l’hystérique » (Étu-
des, p. 5).
Freud ne renoncera à sa « neurotica » qu’en septembre 1897, dans la
fameuse lettre à Fliess. La séduction réelle sera remplacée par des fantasmes
de séduction.
L’hystérie rendrait compte, non d’une agression venant de l’extérieur
mais de la culpabilité et de la honte en rapport avec un fantasme sexuel inces-
tueux où le séducteur serait le père. Pourtant déjà, dans Dora (1905), c’est
1146 Litza Guttières-Green

Mme K... qui apparaît comme la séductrice. Après l’échec de la cure, Freud,
se reprochera de ne pas avoir su interpréter le transfert et l’homosexualité. Il
avait cru à une névrose œdipienne simple, hétérosexuelle, alors qu’il était con-
fronté à un double Œdipe, positif et négatif et à la bisexualité. Lacan revien-
dra sur le cas de Dora, mettant en valeur son désir de s’identifier à la femme
féminine aimée du père (1951).
Rappelons que, vingt ans après son analyse avec Freud, Dora a consulté
Felix Deutsch pour des symptômes hystériques, alors que ses enfants devenus
adultes avaient quitté la maison. Elle avait des troubles du caractère, était
mécontente de son mariage, se montrait à la fois plaintive et séductrice. Elle
se dérobera au traitement comme elle l’avait fait étant jeune. Elle devait mou-
rir quelque temps après d’un cancer du colon. La psychanalyse l’avait déçue
comme le reste.
C’est seulement en 1908, dans Les fantasmes hystériques et leur relation à
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la bisexualité que Freud élaborera le rôle de cette dernière : « Un symptôme
hystérique est l’expression, d’une part d’un fantasme sexuel inconscient mas-
culin, d’autre part d’un fantasme sexuel inconscient féminin. »
Il faudra attendre 1931, avec son étude « Sur la sexualité féminine », pour
que Freud explicite l’hypothèse de la mère comme première séductrice. Cette
nouvelle façon de voir est une véritable révolution dans la pensée freudienne.
Elle anticipe toutes les découvertes que ses soi-disant « préjugés » auraient
empêchées.
D’ailleurs il avait déjà noté auparavant, dans les Études, chez Élisabeth
v. R., la revendication phallique et l’amour pour la mère auprès de qui elle
aurait voulu remplacer le père mort : elle « était elle-même très mécontente
de sa féminité, forgeait quantité de plans ambitieux, voulait faire des études
ou devenir musicienne, s’insurgeait contre l’idée de devoir sacrifier, dans
quelque mariage, ses inclinations et sa liberté » (p. 110). Mais il n’en avait pas
tiré toutes les conséquences.
Nous avons dit que la conversion a perdu de son importance. De nos
jours, elle est souvent remplacée par des symptômes physiques qu’il n’est pas
toujours facile de différencier de symptômes psychosomatiques, ou par des
plaintes portant sur l’aspect extérieur, le nez, les jambes ou les seins pour les-
quels on préfère faire appel au chirurgien esthétique.
Le saut dans le somatique, tout en permettant la décharge et en calmant
l’angoisse par l’évitement de la représentation pathogène, empêche tout risque
de réaliser le désir interdit, en installant une sorte de handicap. De plus, il
réussit à nier l’origine psychogène et plus encore sexuelle de la souffrance, et il
permet de s’adresser au médecin qui touche, palpe et soigne, réalisant ainsi un
compromis entre le désir et l’interdit.
Hystérie éternelle, encore et toujours 1147

C’est par ce biais que le symptôme joue son rôle de substitut (1915). Le
corps se comporte tout entier comme un organe génital excité, l’organe
malade, érotisé, sert à nier l’absence du pénis, tout en mettant en scène la
castration.
Une de mes patientes, amoureuse du neveu de son mari, était prise de tremblements
chaque fois qu’elle sortait sans sa mère dont la présence la protégeait de son désir
incestueux tout en satisfaisant son besoin régressif de rester une petite fille.

À travers ses symptômes physiques et psychiques, l’hystérique sexualise


les relations. La psychanalyse pourrait lui offrir un lieu où sa souffrance serait
parlée et non plus exprimée « dans » le langage du corps (Jeanneau), où le lien
corps-représentation pourrait être retrouvé. Encore faut-il qu’elle le supporte
et y trouve un avantage puisqu’elle doit aussi renoncer à décharger l’exci-
tation par la voie la plus courte.
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En 1908, Freud a mis en évidence, chez « l’Homme aux loups », l’ancêtre
de nos cas limites, le soubassement hystérique. Quand on lit les Entretiens
avec l’homme aux loups, de Karin Obholzer, on est impressionné par le narcis-
sisme de Sergueï, mais aussi par sa capacité de séduire ses analystes tout en
niant le transfert. On comprend le lien de séduction et de revendication agres-
sive qu’il avait noué avec Freud puis avec ses élèves qui cherchaient en lui les
traces de leur maître et espéraient sans doute faire mieux : Somatisations,
dépendance et rejet qui nous ramènent à l’hystérie grave de nos cas limites,
mais s’agit encore d’hystérie ?
C’est avec ses premiers cas, dès les Études, que Freud a renoncé à la sug-
gestion, pour se borner à l’association libre. Il espérait ainsi aboutir à la levée
du refoulement qui aurait dû suffire à faire disparaître les symptômes. Nous
savons qu’il allait déchanter : le retour, pendant la thérapie, du souvenir refoulé
n’entraînant pas toujours la guérison. Mettant en cause les résistances des
patients, il reste modeste sur le succès attendu, les patients devront se contenter
de remplacer « leur misère hystérique par un malheur banal » (p. 247).
Mais ce projet est-il à la hauteur des espoirs que les analysants mettent en
nous ?
Pourquoi se soumettraient-ils aux contraintes et à l’ascétisme de l’analyse,
alors qu’on leur promet si peu ? Et Freud entrevoit le rôle du transfert qu’il
assimile à une résistance et dont il ne sait pas encore se servir.
L’hystérie a été le modèle pour l’étude du transfert, transfert sur le corps,
et transfert sur l’autre.
Les souffrances provoquées par la remémoration des souvenirs traumati-
ques, au cours de l’analyse, ne peuvent être acceptées que parce que les patien-
tes trouvent auprès du médecin « un succédané d’amour » suggère Freud, et
1148 Litza Guttières-Green

aussitôt, pressentant le danger, il insiste : « Les efforts du médecins et son atti-


tude bienveillante doivent constituer de suffisants succédanés » (p. 245).
En 1915, dans Observations sur l’amour de transfert, il reviendra sur la
question. Il explicite le danger que représente pour la psychanalyse, la com-
plaisance du médecin. Qu’il cède à l’amour de sa patiente ou que, effrayé, il
interrompe la cure, il aura chaque fois favorisé la compulsion de répétition,
contrevenant ainsi au but même de toute analyse. Le transfert n’est plus uni-
quement un obstacle, une résistance contre laquelle il faut mettre en garde les
analysants, mais un levier nécessaire pour tout changement, à condition de
l’analyser et non de l’agir !

LES POST-FREUDIENS
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Ferenczi qui reprochait à Freud sa froideur, a franchi le pas et tenté de
modifier le cadre. Sous prétexte de combattre la haine primaire sous-jacente à
la réaction thérapeutique négative, il a proposé une technique plus active, pre-
nant en compte la souffrance narcissique, prônant une plus grande implica-
tion contre-transférentielle de l’analyste. Il sera désapprouvé par Freud (voir
Bokanowski). Ferenczi faisait allusion à une disponibilité et à une sollicitude
non érotiques, le langage de la tendresse aboutissant à des modifications du
cadre préconisées aujourd’hui avec les cas limites qui ne peuvent tolérer la
frustration du cadre analytique.
Mais notre bienveillance, quel que soit notre pouvoir de séduction, ne
suffit pas, nous en avons tous fait l’expérience. Seuls la souffrance et le désir
de surmonter leur handicap, peut-être aussi une curiosité acceptée, permet-
tront de dépasser les résistances.
Neutralité ne signifie pas indifférence, mais respect des choix qui ne sont
pas forcément les nôtres, renoncement à exercer une emprise sur des person-
nes vulnérables parce que régressées, refus de la complicité qu’ils demandent
en accédant à leur exigence insatiable d’amour et de dépendance. Certaine-
ment beaucoup de psychanalystes succombent, chacun à leur manière, au
charme de leurs patients, dans une croyance infantile en leur toute-puissance,
sans voir la haine et la rancune, pointées par Masud Khan, qui se cachent
derrière l’érotisation affichée.
Certains contemporains de Freud parlaient déjà d’une caractérologie hys-
térique. Melanie Klein, comme je l’ai déjà signalé, considérait l’hystérie
comme une défense contre des angoisses primitives et non comme une entité
nosographique. D’où la crainte, exprimée par Rosenfeld, que ces patients ne
Hystérie éternelle, encore et toujours 1149

courent le risque, si l’on réussit à supprimer le symptôme psychique ou corpo-


rel, de voir surgir des angoisses psychotiques. Il semble plutôt que l’apparition
d’une psychose démente le diagnostic d’hystérie et fasse penser à la décompen-
sation d’une structure non névrotique.
J’avais vu en hôpital psychiatrique, une patiente qui présentait un Gilles de la Tou-
rette très handicapant : elle poussait une sorte d’aboiement tout en s’arrachant le vête-
ment de la main gauche. Elle pouvait répéter ce tic à une fréquence telle qu’il rendait
sa vie et surtout celle de son mari insupportable. Il était apparu peu après son
mariage. C’était une belle femme très sympathique, intelligente et, malgré tout, sédui-
sante. Elle avait face à son handicap une certaine indifférence. Son histoire était trau-
matique. Un père incestueux l’avait obligée à partager les rapports sexuels de ses
parents.
Son rituel faisait penser à la fois à un viol, une main la déshabillant, le cri expri-
mant à la fois colère et jouissance.
Elle entreprit une psychanalyse associée à des neuroleptiques à doses faibles. Les
tics disparurent pour faire place à des angoisses si effrayantes qu’elle disait à son ana-
lyste : « Rendez-moi mes tics. » Elle interrompit le traitement.
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Toujours dans la mouvance de Klein, Bion a émis l’hypothèse d’angoisses
non pensables, non élaborables qui doivent être expulsées et que seule la rêverie
de la mère aide à transformer en pensées.
Après Ferenczi, Winnicott, nous a ouvert une nouvelle voie. Il a proposé
d’associer une très grande tolérance et des modifications du cadre, allant
jusqu’à un allongement du temps des séances, avec la reconnaissance et
l’élaboration de la haine dans le contre-transfert lorsque nous sommes face à
des échecs répétés.
Incriminant la défaillance de l’environnement maternel, il a décrit des
personnalités que le désir d’être aimées conduit à instaurer un « faux self ».
On les a souvent assimilées à des hystériques à cause de leur désir de corres-
pondre à l’attente de l’autre, mais elles en diffèrent par leur fonctionnement.
B. Brusset inclut les faux self dans le registre des cas limites, à différencier de
l’aliénation au désir de l’objet des hystériques. Il insiste sur les pathologies
« mixtes », mêlant non seulement les différentes névroses de transfert mais
l’hystérie et les troubles du narcissisme, avec des symptômes névrotiques et
une atteinte du moi.
Masud Kahn (1974) s’est appuyé sur l’importance de la relation avec une
mère qui a instillé à sa fille la haine des hommes. Le piège tendu à son ana-
lyste refléterait donc l’hostilité de l’hystérique envers sa mère, et lorsque
l’analyste cède à l’érotisation de la relation, c’est qu’il refoule à son tour une
hostilité qui le culpabilise.
Cherchant à faire le lien entre Freud et Winnicott, Christopher Bollas
(2000), met l’accent sur la relation à l’objet primaire. L’hystérique fuyant la
sexualité convertit l’excitation sexuelle en excitation spirituelle, voire en
1150 Litza Guttières-Green

« extase ». Si elle refuse de s’engager charnellement, c’est que la sexualité coupe-


rait le lien avec sa mère. Pour moi, Bollas prête à l’hystérique une trop grande
capacité d’éviter le sexuel, toujours présent dans le tableau qu’elle nous offre.
Les psychanalystes après avoir mis au centre de l’hystérie, la séduction
par le père œdipien incestueux en sont venus à privilégier le rôle de la mère,
objet primaire.
Ainsi la bisexualité est-elle le reflet d’une identification avec le premier
objet, la mère phallique, et d’une rivalité avec le père pour l’amour d’elle.
Comment comprendre les séductions incestueuses par un substitut paternel
auxquelles nous sommes confrontés ? Loin de les considérer sous l’angle d’une
défense contre des fixations prégénitales, on pourrait faire l’hypothèse que la
séduction du père a pour but de s’approprier de son pénis pour devenir
capable de combler la mère. Ceci expliquerait les fixations homosexuelles
cachées derrière les apparences.
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Certains auteurs se sont placés dans une perspective génétique et ont
essayé de faire la synthèse entre la fixation paternelle génitale et la fixation
maternelle prégénitale antérieure.
C’est lors de la séparation d’avec la mère, selon Ute Rupprecht-Scham-
pera, 1997, que l’hystérique chercherait refuge auprès du père, comme troi-
sième terme de la triangulation. Par identification avec sa mère, elle tenterait
de le séduire tout en l’interposant entre elles. Si le père est absent ou trop
incestueux, l’enfant déçue sera obligée de l’idéaliser, de nier ses perceptions
puis de chercher un autre père idéal, répétant compulsivement cette déception.
Abordons maintenant les contributions de l’École française qui se dis-
tingue par des positions dont nous nous sentons plus proches : elle insiste en
particulier sur la génitalité et l’importance du père, à côté de la mère.
Lacan, dans une formule lapidaire, a pointé le désir insatisfait et la
bisexualité : « C’est ainsi que l’hystérique s’éprouve dans les hommages adres-
sés à une autre, et offre la femme en qui elle adore son propre mystère à
l’homme dont elle prend le rôle sans pouvoir en jouir. En quête sans répit de
ce que c’est qu’être une femme, elle ne peut que tromper son désir, puisque ce
désir est le désir de l’autre, faute d’avoir satisfait à l’identification narcissique
qui l’eût préparée à satisfaire l’un et l’autre en position d’objet » (p. 452).
Lucien Israël a opposé l’hystérie masculine caractérisée par la coexistence
du désir d’être viril avec une identification maternelle féminine, à la femme
hystérique qui sait qu’elle est une femme, mieux elle se veut femme, pour
mieux se rassurer sur sa bisexualité.
Dans un bel article de 1988, où il cherche à faire la synthèse des idées de
Lacan, de Freud et de Klein, Rosolato défend la persistance de l’hystérie
comme névrose et comme cadre symptomatologique, dans la vie et dans
Hystérie éternelle, encore et toujours 1151

l’élaboration des désirs de l’homme. Le cri de l’enfant, dans sa hilflosigkeit,


serait la première manifestation du débordement de la violence initiale décrite
par Bergeret. Lorsque la pensée réussit à élaborer cette angoisse, elle prend la
forme de l’angoisse de castration qui sert alors de substitut actif et protecteur.
Pour Rosolato, l’hystérique resterait « fixé à l’inconnu » parce que l’angoisse
« devient un moyen de satisfaire et de tempérer une culpabilité qui a pour fonc-
tion [...] de contrôler activement, [...] ce qui a été subi passivement ». L’angoisse
serait le résultat d’une absence de repères signifiants, d’une perte de sens.
Julia Kristeva, soutient que c’est la bisexualité, plus accentuée chez la
femme, qui explique la prédominance féminine de l’hystérie. Le monisme
phallique serait une illusion infantile qui demeure cependant organisatrice du
psychisme. C’est au moment du changement d’objet, nommé « Œdipe bis » (le
premier étant le lien prégénital avec la mère), que, rencontrant ce nouvel obs-
tacle sur le chemin de la féminité et confrontée à la dissociation de la percep-
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tion et de ses croyances, la fille en retire la conviction que le phallus est « illu-
soire » et elle cesse d’y croire.
Ceci pourrait expliquer, me semble-t-il, le moindre investissement profes-
sionnel des femmes et leur plus grande vulnérabilité dépressive, signalée par
Monique Cournut-Janin.
L’École psychosomatique de Paris a mis en évidence le fonctionnement
mental déficient, l’absence de fantasmatisation de ces structures. Leur carac-
tère est bien loin du fonctionnement névrotique des hystériques. Rosolato a
pu comparer la belle indifférence des hystériques au manque d’insight des psy-
chosomatiques. Il est vrai qu’on assiste à des va-et-vient entre les deux struc-
tures ; des névrosés se réfugiant parfois dans la maladie psychosomatique, ou
le passage à l’acte, lorsque le refoulement échoue.
André Green, en 1964, a mis en parallèle hystérie et névrose obsession-
nelle : l’hystérie serait le domaine de l’Éros, du transfert et de l’Œdipe positifs
ainsi que de la bisexualité. En revanche, la névrose obsessionnelle serait du
domaine de la régression anale privilégiant le sadisme, de l’Œdipe négatif, de
la sexualisation de la pensée dominée par le narcissisme. Il oppose le trop
éprouvé de l’hystérique au trop comprendre de l’obsédé.
Pointant la confusion des niveaux et l’ambiguïté du désir, il conclut :
« Pour l’hystérique, le sein est déjà un pénis et le pénis encore un sein. »
Je crois que l’hystérie pourrait exprimer le souvenir d’une modalité pri-
maire de notre fonctionnement mental, de ce fonctionnement que nous avons
partagé, hommes et femmes, et qui précède l’installation d’un fonctionnement
névrotique, modifié par les défenses contre l’explosion des pulsions, la trans-
gression des interdits, pour notre adaptation au réel, à nos idéaux et à notre
morale. On pourrait voir un lien entre le narcissisme primaire et ce que Win-
1152 Litza Guttières-Green

nicott a appelé le féminin pur. Ce féminin anobjectal, que l’hystérique reven-


dique sans l’atteindre car justement elle ne réussit pas à se consoler de
n’appartenir qu’à un seul sexe.
Nous avons donc répondu à la première question posée : Voyons-nous
encore des névroses comme au temps de Freud ? Sans aucun doute.
Si la symptomatologie a changé et le théâtralisme est moins affiché, il
nous arrive d’en rencontrer des exemples :

Comme cette patiente de 40 ans, boulimique depuis l’âge de 15 ans qui riait et pleurait
convulsivement en me demandant de l’aide : « Vous voulez bien de moi ? Je me
dégoûte, je suis grosse, je vomis... » Elle travaillait, avait des amis qu’elle ne « suppor-
tait plus », elle s’enfermait chez elle et menaçait de « se flinguer ». Je lui ai fixé un
autre rendez-vous pour lequel elle m’a remerciée les larmes aux yeux et elle n’est pas
venue !
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Une deuxième question me paraît capitale : Les hystériques sont-elles
curables par la psychanalyse ? Que pouvons-nous leur apporter ?
On a longtemps dit que la névrose était la maladie du XIXe siècle, au
temps de la famille hiérarchisée où le père avait pouvoir et autorité.
Avec la libéralisation (plutôt que la libération) sexuelle avons-nous fait
disparaître l’hystérie ? Le sexuel, sous le prétexte de l’évolution des mœurs, en
est venu à perdre de son intérêt, comme s’il fallait lui réserver un refuge qui
en préserve l’interdit et le mystère, au profit de l’accent mis sur les relations
d’objet avec les rivalités et l’envie que suscite la différence des sexes et qui
amène hommes et femmes à imaginer « sur le corps de l’autre » (Monique et
Jean Cournut, 1993) des avantages dont ils sont privés. Cet espoir de guérir
les conflits en réformant les mœurs reviendrait à confondre sexualité et génita-
lité. C’est le conflit œdipien qui est refoulé et il ne peut être résolu ni par une
plus grande liberté sexuelle, ni par une connaissance rationnelle. On ne peut
éviter l’interdit de la transgression, et donc la névrose, à moins de verser dans
la perversion. Le scénario œdipien, la scène primitive, la séduction paternelle
et maternelle, l’interdit des désirs incestueux et le complexe de castration, tout
ce que Freud a mis au centre de l’hystérie, ne peuvent être résolus par décret
et la « parité » n’efface pas la différence des sexes.
Depuis la deuxième moitié du XXe siècle et en ce début de millénaire, on a
vu apparaître de plus en plus de cas non névrotiques, « borderline », pervers,
psychopathes délinquants, structures psychosomatiques et on a fini par consi-
dérer le fonctionnement névrotique comme celui de la normalité, si bien que
toute pathologie nous fait douter de sa structure névrotique.
Franco Scalzone (1999) rend responsable de cette évolution la dépendance
de l’hystérie par rapport au contexte culturel qui modifie ses caractéristiques,
Hystérie éternelle, encore et toujours 1153

les patients s’influençant mutuellement et s’adaptant aux modes, tandis que


certains traits restent constants, en particulier le lien avec la sexualité.
Jean Laplanche récuse le fondement biologique à la base du concept de
pulsion, c’est la séduction maternelle, adressant à l’enfant des messages énig-
matiques indéchiffrables, qui agit comme objet source. L’origine vient de
l’adulte, on pense à la confusion des langues de Ferenczi.
Gregorio Kohon, auteur anglais qui connaît bien la littérature française,
réaffirme l’affinité de l’hystérie avec le féminin. Il s’agirait d’une probléma-
tique humaine universelle ; un « stade hystérique » marquerait le passage de la
mère au père, chez les enfants des deux sexes. Si l’hystérie paraît se raréfier,
c’est par suite du déplacement de l’importance du père au profit de la mère.
La carence des pères actuels serait responsable, en empêchant le changement
d’objet, de fixer l’organisation hystérique avec la persistance de l’attachement
à la mère. S’il est vrai que de nombreuses femmes choisissent leur mari à
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l’image de leur mère, on peut penser avec Kohon, qu’au fond, elles restent
toutes peu ou prou hystériques. La patiente amoureuse de son analyste, loin
de réaliser son désir incestueux pour le père, se défendrait d’un transfert
maternel, et celle qui continue d’espérer que son mari remplacera sa mère ne
fait que rêver, pour se sentir insatisfaite au réveil.
Or on sait que l’hystérie fonctionne sur le modèle du rêve, recherche de la
réalisation d’un désir interdit et camouflé, similitude des mécanismes : condensa-
tion, identifications multiples, bénéfices primaires et secondaires (Freud, 1909).
Mais pourquoi le désir de mère serait-il refusé par leurs filles ? Les filles comme
les garçons sont confrontées à l’ambivalence de l’identification au père et à la
rivalité avec lui. Mais, tandis que chez les hommes, le complexe d’Œdipe « suc-
combe » à l’angoisse de castration en relation avec l’interdit, l’ambivalence et la
rancune éloignent les femmes de leur mère sans détruire pour autant les traces de
l’identification avec le premier objet. C’est la relation incestueuse au père qui est
interdite, celle à la mère est dangereuse parce qu’elle efface les limites et entraîne
le sujet vers les atteintes du moi et les troubles de l’identité.
Dans un travail récent (2000) Green a mis en continuité l’hystérie et les
cas limites, à un croisement, un « chiasme » où les symptômes se superposent.
Les points d’intersection se dilueraient dans un continuum avec toutes les for-
mes intermédiaires. Mais l’hystérie, malgré sa malléabilité est mieux délimitée
que les cas limites, la question du désir y est essentielle, de même que celle du
choix d’objet.
Elle ne prend son sens que dans le groupe des névroses de transfert avec
la capacité de répéter la scène traumatique, tandis que les structures non
névrotiques sont plus près des psychoses, des dépressions, des perversions ou
des structures psychosomatiques vers lesquelles il leur arrive d’évoluer.
1154 Litza Guttières-Green

L’hystérie demeure encore et toujours une névrose, elle « reste l’ex-


pression d’un conflit fondamental lié aux relations entre l’amour génital et la
sexualité » (p. 87) avec ses défenses contre les désirs interdits, refoulement,
substitution, et l’importance de la vie fantasmatique. Les identifications sont
contradictoires (défense « caméléonesque »), superficielles, confuses, la diffi-
culté d’aimer révèle le refus d’un engagement total.
Chez les cas limites, non névrotiques, c’est le narcissisme, le masochisme,
la destructivité, qui dominent le tableau. Le sujet reste piégé par le lien à une
imago maternelle effrayante dont il n’arrive pas à se dégager. Les manifesta-
tions témoignent de la fragilité des frontières du moi. Leur manquent les
structures intermédiaires qui permettraient un aménagement du conflit et évi-
teraient les régressions massives qui les mettent en danger.
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CLINIQUE

Pour des raisons de confidentialité, je ne puis rapporter des cas cliniques


qui auraient permis de comparer la cure d’une hystérie « banale » et celle d’une
hystérie masculine grave dont le fonctionnement est celui d’un cas limite.
Disons seulement que la première à laquelle je me réfère est une jeune
femme que j’appellerai Claude, et qui se présente comme une névrosée, sans
conversion, dont le seul symptôme somatique est la frigidité. Elle demande de
l’aide à un tournant de sa vie de femme. Elle quitte sa famille pour aller vivre
avec un homme et ce changement provoque une décompensation où l’anxiété
est au premier plan, exprimée par des larmes et un malaise ressenti « dans le
corps ». Nous retrouvons, dans son histoire, le lien ambivalent avec une mère
déprimée, associé à une identification au père auprès de qui elle joue le rôle du
fils. La revendication phallique va rendre difficile la relation amoureuse : riva-
lité, demande affective et sexuelle suivie de refus et de frigidité. Dès la première
rencontre, un transfert maternel se noue et entraîne une amélioration clinique.
On pense aux deux fixations dont nous parle Julia Kristeva. Nostalgie de
l’enfant phallique qu’elle a été, tout en se voulant femme, elle reste « entre » :
entre le fils et la fille, entre la séduction et le refus, entre son désir et celui de
l’autre. La culpabilité vis-à-vis de sa mère est révélée par les rêves et par les con-
flits que soulève le mariage. Cependant la séparation envisagée ne provoque ni
atteinte du moi, ni angoisse spécifique, ni dépression mélancolique.
Comme Claude, beaucoup d’hystériques nous offrent un tableau incom-
plet de cette affection, avec prédominance de la dépendance, de l’inhibition et
de la dépression. En revanche, elles expriment avec acuité une plainte liée à la
Hystérie éternelle, encore et toujours 1155

perte d’amour, à un déchirement entre le regret de l’enfance et le désir d’une


vie d’adulte, à un conflit entre amour et sexualité. La demande d’amour et le
dégoût de la sexualité sont souvent associés.
Seule l’analyse peut apporter de l’aide à ces patientes. Mais nous savons à
quel point, comme Dora autrefois, elles tiennent à leur mode de fonctionne-
ment et risquent de mettre tout en œuvre pour lutter contre le changement par
fidélité à leurs fixations maternelles.
M. X... est un borderline présentant des symptômes de caractère hysté-
rique : le lien primaire, fusionnel à la mère est un « collage » où les deux corps
se confondent, la séparation, vécue comme un « arrachage », entraîne des
troubles d’identité et une atteinte des limites du moi. La destructivité infiltre
les relations. Les attaques hystériques se sont déclenchées au moment où sa
vie sexuelle a commencé, accompagnées de fantasmes pervers. L’échec du
refoulement entraîne des passages à l’acte, des troubles psychosomatiques et
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des vécus de dépersonnalisation reflétant le débordement de la sphère de la
sexualité. L’angoisse non élaborée est « déchargée », abréagie, par des crises
clastiques qui déplacent l’excitation loin du psychisme, dans le corps.
L’analité permet une tentative de structurer ce que l’oralité a laissé désor-
ganisé, mais elle fait pencher la balance vers les troubles du caractère.
Pourquoi réunir ces deux cas dans l’hystérie ?
Notons que l’éclosion de la sexualité génitale les oblige tous deux à se con-
fronter à la séparation d’avec l’imago maternelle, mais tandis que Claude est
une névrose génitale où les problèmes de la prohibition de l’inceste (paternel et
maternel), des identifications et de la bisexualité sont au premier plan, chez
M. X... dominent les fixations prégénitales, responsables des symptômes rela-
tifs à l’oralité, à l’analité, au narcissisme et à la destructivité. Quelle place don-
ner à l’hystérie prégénitale ? Faut-il décider du niveau de fixation par rapport
aux stades les plus archaïques ?
Si l’on peut se passer de répondre à ces questions pour des cas comme
Claude, on est obligé d’en tenir compte pour M. X... chez lequel on constate
des clivages, des crises de dépersonnalisation et des régression anales. M. X...
et les cas qui lui ressemblent nous obligent à tenir compte des pulsions de des-
truction mêlées à la libido.
En discutant avec André Green des contradictions qui caractérisent l’hys-
térie, il m’a proposé de considérer l’existence d’une double perte. Après la
perte du sein, dont l’hystérique paraît ne jamais pouvoir faire le deuil – sans
aboutir cependant à des fixations du type de la mélancolie, voire de la vraie
toxicomanie –, et après la période de latence où le conflit paraît se tasser, la
puberté vient réactiver la sexualité infantile à laquelle s’ajoute maintenant la
poussée sexuelle génitale qui va compromettre l’équilibre antérieur. Là où
1156 Litza Guttières-Green

chez d’autres la transformation est vécue comme un enrichissement, fût-il con-


flictuel, chez l’hystérique tout se passe comme si ce changement était ressenti
comme une perte. Une deuxième perte est celle du corps prépubère aimé par
la mère. Cette fixation en deux temps pourrait rendre compte du polymor-
phisme de cette affection.
L’appréciation de l’importance respective de ces niveaux de régression,
commande la mise en place, selon les cas, d’un cadre classique fermement
maintenu par l’analyste, contre les tentatives du patient de l’attaquer ou de le
transgresser pour faire sortir l’analyste de sa neutralité, ou, s’il s’avère impos-
sible à établir, l’installation de mesures techniques incluant soit des modifica-
tions isolées du cadre, soit un face-à-face, éventuellement associé à des médi-
caments prescrits par un autre thérapeute. Ainsi, grâce à une adaptation au
cas par cas, on pourra espérer mener à bout des cures qui semblaient conduire
fatalement l’analyse à un échec.
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CONCLURE

L’hystérie fait donc partie de la première topique. Freud n’a jamais remis
en question la fixation de l’hystérique à la problématique génitale. Après les
premières difficultés, il a tenté d’en comprendre la cause : le narcissisme, la
réaction thérapeutique négative, la pulsion de mort et de destruction. Puis il a
conçu la deuxième topique avec les trois instances.
En revanche, il n’a pas théorisé les atteintes du moi. Ceux qui sont venus
après lui ont pu contester son optique justement au regard de ces nouveaux
cas. Aujourd’hui, l’important est moins de choisir que d’articuler les diffé-
rentes problématiques
Remarquons que, si incapacitante que soit la conversion, elle a tout de
même donné à Freud l’occasion de décrire des mécanismes ayant un étroit rap-
port à la symbolisation. C’est cette référence à la symbolisation qui paraît man-
quer dans toutes les formes où sont mises en évidence les fixations prégénitales
et maternelles. D’autres mécanismes entrent alors en jeu pour la compréhen-
sion de ces symptômes. La relation entre symbolisation « conversionnelle » et
d’autres fonctionnements appartenant à la prégénitalité, me paraît capitale.
L’analyse doit donc conduire, à travers l’interprétation du transfert – en
évitant l’érotisation – à l’élaboration permettant le travail psychique par le
fonctionnement de la libre association, afin d’étoffer le préconscient qui
pourra protéger le moi des attaques et des clivages. Ainsi le sujet parviendra à
se dégager d’un surmoi archaïque et rigide et de l’autopunition qui l’oblige à
Hystérie éternelle, encore et toujours 1157

se soumettre à ce masochisme mortifère qui fait retourner en prison les psy-


chopathes, rechuter les toxicomanes, se multiplier les tentatives de suicide et
autres acting, destinés à battre en brèche les prises de conscience.
Après Klein, Bion et Winnicott, André Green et Benno Rosenberg ont
tenté, chacun à leur manière, de jeter un pont entre les névroses de transfert et
les atteintes du moi ou structures non névrotiques, restituant à la théorie une
cohérence : il n’y avait pas de discontinuité entre la normalité et la névrose,
selon Freud. Aujourd’hui, on peut dire qu’il n’y en a pas entre les névroses et
les atteintes non névrotiques du fonctionnement mental.
Litza Guttières-Green
9, avenue de l’Observatoire
75006 Paris

BIBLIOGRAPHIE
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