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Gilbert Diatkine
Dans Revue française de psychanalyse 2005/3 (Vol. 69), pages 917 à 931
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0035-2942
ISBN 2130552501
DOI 10.3917/rfp.693.0917
© Presses Universitaires de France | Téléchargé le 15/12/2023 sur www.cairn.info (IP: 92.88.170.106)
Gilbert DIATKINE
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« Nous ne sommes en deuil que de quelqu’un dont nous pouvons dire : J’étais
son manque1 ». Dans Psychanalyse d’un cas d’homosexualité féminine, Freud a
certes raison de dire que la conduite scandaleuse de la jeune homosexuelle dis-
simule le désir inconscient de recevoir un enfant du père : mais, plus qu’un
enfant du père, c’est le phallus qu’elle veut2. En général, Freud a manqué la
question de la femme3. Mais, au-delà de la féminité, c’est toute la conception
freudienne du monde interne qui doit être mise en question4. Freud a aussi
raté l’essentiel dans Totem et tabou. L’important, c’est la circoncision5. La
notion d’automatisme de répétition est critiquable : pourquoi la répétition
serait-elle automatique ? On répète pour réveiller le souvenir de Dieu6. Freud
a aussi tort de voir un « sacrifice » dans la défécation de l’Homme aux loups
au cours de la scène primitive. En fait, c’est un « passage à l’acte » au sens où
l’entend Lacan7.
Avec cette prise de distance par rapport à Freud, une partie essentielle du
programme du « Discours de Rome » passe à l’arrière-plan. En 1953, il
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L’AFFECT
1. S 10, p. 166.
2. S 10, p. 145.
3. S 10, p. 152.
4. S 10, p. 328.
5. S 10, p. 239.
6. S 10, p. 290.
7. S 10, p. 301.
8. J. Lacan (1953), Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse, p. 277.
9. J. Lacan (1959), À la mémoire d’Ernest Jones : sur sa théorie du symbolisme, p. 714.
10. A. Green (1973), Le discours vivant, Paris, PUF.
11. A. Green (1979), Psychanalyse, langage, l’ancien et le nouveau, in Propédeutique, Seyssel,
Champ Vallon, 1995, p. 204.
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structurale. Or l’affect se développe dans le temps et, loin d’être soumis aux
structures du système des phonèmes, il peut aller, au contraire, jusqu’à le
disloquer et à « détruire toute systématisation ». L’assimilation du représentant
psychique de la pulsion au signifiant pose la question du devenir de l’affect,
dont Freud montre que, dans le refoulement primaire, il se dissocie du
représentant psychique de la pulsion, et suit un destin propre1. Que devient
l’affect si on remplace le « représentant-représentation » par le signifiant ? La
question ne se pose plus dès que Lacan fait du « signifiant » un concept original
qui n’a plus qu’un rapport indirect avec la représentation inconsciente et avec
le signe saussurien.
Interrogé en 1974 à la télévision2 sur le reproche que lui avait fait André
Green d’avoir négligé la question de l’affect, Lacan répondit qu’il en avait
traité dans ce séminaire, L’angoisse. En fait, la question est évacuée dès le
21 novembre 19623, où Lacan, commentant un article de David Rapaport4,
fait de l’affect une catégorie psychologique fourre-tout qui n’a pas sa place
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L’ANGOISSE
L’angoisse de castration
L’angoisse de castration est seconde par rapport à cette angoisse du
retour au sein maternel, que Lacan décrit comme une captation totale par
1. S 10, p. 219.
2. S 10, p. 14.
3. Le fantasme de retour au sein maternel est un fantasme d’impuissant (S 10, p. 215).
4. S 10, p. 67.
5. S 10, p. 14.
6. « Ce qu’il y a de plus angoissant pour l’enfant, c’est justement quand le rapport sur lequel il
s’institue, du manque qui fait désir, est perturbé, et il est le plus perturbé quand il n’y a pas de possibi-
lité de manque, quand la mère est tout le temps sur son dos, et spécialement à lui torcher le cul,
modèle de la demande, de la demande qui ne saurait défaillir » (S 10, p. 67).
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l’image dans le miroir1. La seule chose qui résiste à cette menace d’absorption,
c’est l’investissement auto-érotique du phallus, qui constitue pour le sujet une
« réserve libidinale »2. Il en « résulte » une « cassure dans l’image spéculaire »,
qui fonde la conception lacanienne du fantasme de castration.
Le scénariste Pascal Bonitzer, qui connaît bien la pensée de Lacan, a fait
illustrer remarquablement cette idée par le cinéaste André Téchiné dans son
film, Les temps qui changent. Le héros, interprété par Gérard Depardieu, un
ingénieur riche et puissant, chargé d’un important chantier à Tanger, veut sor-
tir d’un hôtel sans voir une porte vitrée fermée, impeccablement astiquée, et qui
ne lui renvoie donc pas son image. Il se heurte violemment contre elle, et se
blesse le nez. Le choc est si fort qu’il perd presque connaissance et qu’on
l’entend murmurer, à celui qui le relève : « J’ai la chiasse ! » Il a aussi perdu son
contrôle sphinctérien.
Le héros a failli être absorbé totalement par son image dans le miroir,
comme Narcisse se noie. C’est sa blessure au nez qui le sauve de la « captation
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L’angoisse de séparation
1. S 10, p. 19.
2. S 10, p. 57.
3. S 10, p. 53.
Le Séminaire, X : L’angoisse de Jacques Lacan 923
de croire qu’il savait aussi très bien que la perte de l’objet est angoissante. Il
n’empêche : Lacan affirme à plusieurs reprises que ce n’est pas l’absence, mais
la présence du sein maternel1, ou de l’objet en général2, qui est angoissante. Il
retourne la démonstration de Freud dans « Au-delà du principe de plaisir » : si
l’enfant jette la bobine, ce n’est pas pour maîtriser sa disparition, c’est pour
faire disparaître une source d’angoisse3 !
Comme il est tout de même très difficile de soutenir que l’angoisse de
séparation n’existe pas, Lacan concède à l’enfant une angoisse d’être séparé
non de la mère, mais des enveloppes placentaires. Encore ces enveloppes ne
sont-elles que des parties de l’enfant, détachables de lui, tout comme le sein.
Ce n’est pas l’enfant qui suce le sein, c’est le sein et le placenta qui sucent le
corps de la mère4.
L’angoisse de la naissance
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L’angoisse-signal
1. S 10, p. 66.
2. S 10, p. 67.
3. S 10, p. 67. « Ce que l’enfant demande à sa mère est destiné à structurer la relation pré-
sence/absence que démontre le jeu originel du fort/da, qui est un premier exercice de maîtrise. Il y a
toujours un certain vide à préserver qui n’a rien à faire avec le contenu, positif ou négatif, de la
demande. C’est de son comblement total que surgit la perturbation où se manifeste l’angoisse » (S 10,
p. 80).
4. S 10, p. 195 et 337.
5. S 10, p. 142.
6. S 10, p. 143.
7. S 10, pp. 377-378.
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sujet de « rentrer dans le giron », c’est-à-dire se perdre tout entier dans l’image
spéculaire. Freud s’est trompé. Il n’y a pas de « danger interne », mais seule-
ment une angoisse de l’Autre : « Si le moi est le lieu du signal, ce n’est pas pour
le moi que le signal est donné. » Le signal avertit le moi que l’Autre le désire,
donc cherche à l’ « annuler »1.
LA JOUISSANCE
1. S 10, p. 179.
2. S 10, p. 20.
3. S 10, p. 53. Le phallus est plus important en tant qu’objet chu qu’en tant qu’organe érigé
(S 10, p. 197).
Le Séminaire, X : L’angoisse de Jacques Lacan 925
livrer chaque jour une douzaine de roses magnifiques, il ne provoque chez elle
aucun désir, mais au contraire une angoisse d’être envahie par un importun qui
l’exaspère. Au contraire, comme le hasard fait qu’elle assiste à la scène, dès
qu’elle le voit atterré, faisant sous lui et saignant du nez, il devient l’objet de
son attention, puis de son désir, et la passion ancienne qu’elle éprouvait pour
lui se rallume. À la fin du film, le héros a sombré dans un coma profond et vit
dans un état végétatif, et elle a tout quitté pour veiller sur lui.
Il semble d’abord que, en décrivant la « jouissance », Lacan ne fasse que
mettre l’accent sur le rôle de l’Autre dans ce que Freud a décrit depuis long-
temps sous le nom de « masochisme moral ». L’existence du masochisme moral
est le principal argument clinique de Freud en faveur de la pulsion de mort1.
Sans prendre position explicitement sur la question de la pulsion de mort,
Lacan situe lui aussi ce qu’il appelle la « jouissance » « au-delà du principe de
plaisir »2. En cela, la jouissance se distingue radicalement de l’orgasme, et du
« peu de satisfaction » qu’il apporte3. On sait bien que les névrosés jouissent
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L’OBJET a
L’AMOUR
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LE REFUS DE L’INTÉRIORITÉ
1. S 10, p. 247.
2. S 10, p. 276.
3. S 10, p. 342.
4. S 10, p. 341.
5. S 10, p. 192.
6. S 10, p. 53 et 107.
7. S 10, p. 337, pour la « mamelle », pour le phallus et pour l’objet anal.
8. S 10, p. 323.
9. S 10, p. 204.
10. S 10, p. 148.
11. S 10, p. 139.
12. S 10, p. 128.
13. S 10, p. 121.
14. S 10, p. 290 et 328.
15. S 10, p. 179.
Le Séminaire, X : L’angoisse de Jacques Lacan 927
1. S 10, p. 238.
2. S 10, p. 116.
3. S 10, p. 161.
4. S 10, p. 110.
5. S 10, p. 116.
6. S 10, p. 13, 51, 113, 115, 143.
7. S 10, p. 115.
8. S 10, p. 377.
9. S 10, p. 143.
10. S 10, p. 142, 143, 195, 267.
11. S 10, p. 93, 135 et 372.
12. S 10, p. 130.
13. S 10, p. 131.
14. S 10, p. 136.
15. S 10, p. 145.
16. S. Freud (1920), Sur la psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine, tr. fr.
D. Guérineau, in Névrose, psychose et perversion, Paris, PUF, 1973.
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LA FÉMINITÉ
1. S 10, p. 136.
2. S 10, p. 137.
3. « Ce que Freud manque là, nous le savons, c’est ce qui manque dans son discours. C’est ce
qui est toujours resté pour lui à l’état de question : que veut une femme ? » (S 10, p. 152).
4. « La femme ne manque de rien » (S 10, p. 211).
5. « L’objet phallique ne vient pour elle qu’en second, et pour autant qu’il joue un rôle dans le
désir de l’homme » (S 10, p. 214).
6. S 10, p. 307.
7. L. Andreas-Salomé (1915), « Anal » et « sexuel », tr. fr. I. Hildenbrand, in L’amour du nar-
cissisme, Paris, Gallimard, 1980, 209 p.
8. S 10, p. 87.
9. S 10, p. 307.
10. Le désir de la femme est curieusement localisé par Lacan : « Que le désir, qui n’est point la
jouissance, soit chez elle naturellement là où il doit être selon la nature, c’est-à-dire tubaire » (S 10,
p. 307).
Le Séminaire, X : L’angoisse de Jacques Lacan 929
l’Autre. Elles ont un rapport plus simple au désir de l’Autre1, et elles compren-
nent mieux que les hommes le « rapport du désir à la jouissance »2. Il en résulte
que les analystes femmes ont plus facilement accès à leur contre-transfert, et
qu’il n’est donc pas étonnant que ce soient surtout des femmes qui aient écrit
sur ce sujet3.
Les femmes ne craignent pas, comme les hommes, de perdre leur phallus4,
puisqu’ « elles ne l’ont pas »5, mais elles redoutent de provoquer l’angoisse de
castration de l’homme6. L’objet a de la femme, c’est « le membre perdu
d’Osiris » ou c’est le sacré cœur de Marie Alacoque, ou encore le pénis du
prêtre pour l’amoureuse des prêtres. Don Juan est un fantasme féminin, celui
d’un homme incastrable7. Reprenant l’hypothèse plus classique de la femme
comme phallus, Lacan écrit que la femme s’offre comme phallus « non
détumescent »8.
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1. S 10, p. 214.
2. S 10, p. 208.
3. S 10, p. 208 et 214.
4. S 10, p. 214.
5. S 10, p. 233.
6. « Ce devant quoi le névrosé recule, ce n’est pas devant la castration, c’est de faire de sa cas-
tration ce qui manque à l’Autre » (S 10, p. 58).
Cette idée est au centre du rapport de Monique et Jean Cournut au Congrès de psychanalyse des
langues romanes de 1992, « La castration et le féminin dans les deux sexes », Revue française de Psy-
chanalyse, t. LVII, no 5, 1993, 1353-1558.
7. S 10, p. 233.
8. S 10, p. 308.
9. S 10, p. 65.
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NOVLANGUE
1. S 10, p. 58.
2. S 10, p. 66.
3. S 10, p. 67.
4. S 10, p. 67.
5. S 10, p. 97.
6. S 10, p. 113 et 125.
7. S 10, p. 125.
8. S 10, p. 188.
9. S 10, p. 215 et 231.
10. S 10, p. 250.
11. S 10, p. 275.
12. S 10, p. 308.
Le Séminaire, X : L’angoisse de Jacques Lacan 931