Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
et réalité
Hind Majdoubi
Dans Revue juridique de l’environnement 2016/3 (Volume 41), pages 536 à 550
Éditions Lavoisier
ISSN 0397-0299
© Lavoisier | Téléchargé le 10/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.101.193.119)
LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
EN DROIT MAROCAIN
ENTRE UTOPIE ET RÉALITÉ
Pr. Hind MAJDOUBI
Université Ibn Tofail, Maroc
RJ • E 3/2016
536
ARTICLES a
RJ • E 3/2016
537
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN
L’intérêt pour le développement durable trouve son fondement dans le droit de cha-
cun de vivre dans un environnement sain. À cet égard, la déclaration de Rio sur
l’environnement et le développement de 1992 énonce dans son principe 1er que
« les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement
durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature ».
Il est dès lors pertinent de s’interroger sur la manière dont le droit marocain appré-
hende la question du développement durable et de vérifier s’il lui donne corps opé-
rationnel ou s’il le réduit uniquement à un discours idéologique consensuel. Pour ce
faire, l’exploration juridique commencera par l’analyse de la consécration du dévelop-
pement durable par les instruments juridiques de portée générale annonçant le choix
du développement durable (première partie). Elle continuera en évaluant comment ce
choix est décliné dans des instruments juridiques sectoriels (seconde partie).
Au Maroc, l’intérêt pour le développement durable a été porté au plus haut niveau
puisque celui-ci a reçu valeur constitutionnelle. L’approche constitutionnelle du
développement durable se matérialise, d’une part, par la place qui lui y a été réser-
vée et, d’autre part, par le renforcement des prérogatives du Conseil économique,
social et environnemental.
RJ • E 3/2016
538
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN a
RJ • E 3/2016
539
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN
Le CESE peut aussi s’auto-saisir afin d’émettre des avis, formuler des proposi-
tions ou réaliser des études ou des recherches dans les domaines relevant de ses
attributions10.
Avis du CESE sur le projet de loi 27-13 relatif à l’exploitation des carrières
Le CESE a émis, le 27 novembre 2014, un avis sur le projet de loi 27-13 relatif à
l’exploitation des carrières11 qui porte sur les aspects suivants :
- les procédures prévues par le projet de loi pour en améliorer l’effectivité ;
- l’élaboration d’une feuille de route globale pour le secteur dans le cadre d’une
approche globale intégrant l’approche participative à même de garantir la protection
© Lavoisier | Téléchargé le 10/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.101.193.119)
RJ • E 3/2016
540
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN a
2014, aborde les mesures à retenir pour optimiser les effets des stratégies sec-
torielles et améliorer les impacts des accords de libre-échange sur la croissance
économique et le développement social du pays.
Avis du CESE sur le projet de loi-cadre 99-12 portant Charte nationale de l’environne-
ment et du développement durable13
Le CESE a proposé, le 29 novembre 2012, certains amendements à prendre en
compte dans le projet de loi-cadre portant Charte nationale de l’environnement et
du développement durable, dans l’objectif d’améliorer la cohérence du texte. Il a par
ailleurs soulevé certaines contraintes au sujet de sa mise en œuvre ainsi que des
opportunités à saisir.
Avis du CESE sur la gouvernance par la gestion intégrée des ressources en eau au
Maroc : levier fondamental de développement durable14
Suite à une auto-saisine, le CESE a émis, le 27 mars 2014, un avis sur la gouver-
nance du secteur de l’eau, dans le cadre duquel il a proposé des recommandations
qu’il a qualifiées de « majeures » et qu’il a présentées sous forme de « mesures
opérationnelles ». Le CESE considère ces recommandations comme visant à rendre
efficiente et transparente la gouvernance institutionnelle actuelle, axée sur la gestion
intégrée des ressources en eau.
Ces avis fournissent une preuve parmi d’autres que le développement durable n’est
pas qu’un principe gravé dans le marbre constitutionnel mais aussi une vision dont
la concrétisation est en marche.
B. LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
À TRAVERS LA CHARTE 15
© Lavoisier | Téléchargé le 10/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.101.193.119)
Il convient de prime abord de préciser que le développement durable est érigé par
la Charte en « valeur fondamentale que toutes les composantes de la société sont
appelées à intégrer dans leurs activités. Il constitue une ligne de conduite exigée
de tous les intervenants dans le processus de développement économique, social,
RJ • E 3/2016
541
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN
16 Articuler la définition du développement durable sur ces deux volets est une manière pour
le législateur de reprendre le sens du développement considérant le souci de l’équité intra et
intergénérationnelle. Ce sens est d’ailleurs celui adopté par la notion anglaise de sustainable
development (développement soutenable) et qui est occulté dans la traduction de dévelop-
pement durable.
17 Principe 1 : Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au déve-
loppement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature.
Principe 20 : Les femmes ont un rôle vital dans la gestion de l’environnement et le développe-
ment. Leur pleine participation est donc essentielle à la réalisation d’un développement durable.
Principe 21 : Il faut mobiliser la créativité, les idéaux et le courage des jeunes du monde entier
afin de forger un partenariat mondial, de manière à assurer un développement durable et à
garantir à chacun un avenir meilleur.
Principe 22 : Les populations et communautés autochtones et les autres collectivités locales
ont un rôle vital à jouer dans la gestion de l’environnement et le développement du fait de leurs
connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les États devraient reconnaître
leur identité, leur culture et leurs intérêts, leur accorder tout l’appui nécessaire et leur permettre
de participer efficacement à la réalisation d’un développement durable.
RJ • E 3/2016
542
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN a
RJ • E 3/2016
543
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN
a. Le principe d’intégration
Il est à relever que le principe d’intégration n’a pas été une nouveauté de la Charte,
puisqu’il avait déjà été consacré par la loi 11-03 relative à la protection et à la mise en
valeur de l’environnement. En effet, il est utile de rappeler que cette loi précise que son
application doit se baser, entre autres, sur le principe d’instauration d’un « équilibre
nécessaire entre les exigences de développement national et celles de la protection
de l’environnement lors de l’élaboration des plans sectoriels de développement et
l’intégration du concept de développement durable » (art. 2). La Charte, pour sa part,
a apporté la précision consistant à « adopter une approche globale, intersectorielle et
transversale lors de l’élaboration et la mise en œuvre des politiques, des stratégies,
des programmes et des plans de développement dans le moyen et long termes » (art.
2-a). Pour ce faire, la Charte appelle « l’État, les collectivités territoriales, les établisse-
ments publics et les sociétés d’État à intégrer les mesures inspirées du développe-
ment durable dans les politiques publiques globales et sectorielles qu’ils élaborent, en
tenant compte des spécificités de chaque secteur » (art. 13).
La Charte fixe, par ailleurs, un délai maximum de deux ans à compter de l’adoption
de la stratégie nationale du développement durable pour que les politiques publiques
globales, sectorielles et régionales soient mises en cohérence avec la stratégie20.
b . Le principe de responsabilité
La Charte s’appuie sur le principe selon lequel toute personne physique ou morale,
publique ou privée, a l’obligation de procéder à la réparation des dommages causés
à l’environnement. Pour ce faire, elle prévoit la mise en place d’un régime juridique
RJ • E 3/2016
544
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN a
Certes, le principe de responsabilité tel que posé par la Charte laisse espérer que le
régime juridique de responsabilité à mettre en place concernera une responsabilité objec-
tive et qu’il ne sera pas régressif par rapport à la loi 11-03. Il faudra bien évidemment
attendre l’adoption du texte d’application de la Charte en matière de régime de responsa-
bilité environnementale pour dissiper toute crainte liée à une régression à ce sujet.
RJ • E 3/2016
545
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN
23 Les déclinaisons juridiques sectorielles qui seront citées ne sont pas exhaustives.
24 La dangerosité devant s’entendre ici par rapport à l’environnement dans son sens le plus large.
25 Dahir n° 1-03-60 du 12 mai 2003 portant promulgation de la loi 12-03 relative aux études
d’impact sur l’environnement, Bulletin officiel n° 5118 du 19 juin 2003, p. 507.
26 La loi 47-09 relative à l’efficacité énergétique, promulguée par le dahir n° 1-11-161 du
29 septembre 2011, Bulletin officiel n° 5996 du 17 novembre 2011, p. 2404, a imposé l’obli-
gation de réaliser une étude d’impact énergétique à tout projet de programme d’aménage-
ment urbain ou tout projet de programme de construction de bâtiments quel que soit leur
usage, figurant sur une liste fixée par voie réglementaire.
27 On pourrait citer à titre d’exemples, la loi n° 27-13 relative aux carrières promulguée par
le dahir n° 1-15-66 du 9 juin 2015, Bulletin officiel n° 6422 du 17 décembre 2015, p. 4424 ;
la loi 13-03 relative à la lutte contre la pollution de l’air promulguée par le dahir n° 1-03-61 du
12 mai 2003, Bulletin officiel n° 5118 du 19 juin 2003, p. 511.
RJ • E 3/2016
546
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN a
28 Dahir n° 1-95-154 du 16 août 1995 portant promulgation de la loi n° 10-95 sur l’eau,
Bulletin officiel n° 4325 du 20 septembre 1995, p 626.
29 Dahir n° 1-10-123 du 16 juillet 2010 portant promulgation de la loi n° 22-07 relative aux
aires protégées, Bulletin officiel n° 5866 du 19 août 2010, p. 1581.
RJ • E 3/2016
547
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN
Un second exemple découle de la loi 29-05 relative à la protection des espèces de flore
et de faune sauvages et au contrôle de leur commerce30 et de son décret d’application31.
L’objet de cette loi porte sur la protection et la préservation des espèces de flore et de
faune sauvages, qui passe notamment par le contrôle des spécimens de ces espèces
(art. 1er). Pour ce faire, elle établit un classement par l’administration des espèces de
flore et de faune sauvages menacées d’extinction, selon le niveau de danger que leur
commerce fait peser sur leur survie (art. 4). Elle soumet, par ailleurs, leur commerce inter-
national à un contrôle se traduisant par l’obtention de permis et certificats nominatifs, non
cessibles et non transférables (art. 20). Dans ce contexte, le développement durable se
déduit implicitement du contrôle du commerce international de ces espèces sauvages en
vue d’une préservation de la biodiversité, notamment lorsqu’elle est menacée.
30 Dahir n° 1-11-84 du 2 juillet 2011 portant promulgation de la loi n° 29-05 relative à la pro-
tection des espèces de flore et de faune sauvages et au contrôle de leur commerce, Bulletin
officiel n° 5962, du 21 juillet 2011, p. 1860.
31 Décret n° 2-12-484 du 21 mai 2015, pris pour l’application de la loi n° 29-05 relative à la
protection des espèces de flore et faune sauvages et au contrôle de leur commerce, Bulletin
officiel n° 6366, du 4 juin 2015, p. 3034.
32 Dahir n° 1-10-16 du 11 février 2010 portant promulgation de la loi n° 13-09 relative aux
énergies renouvelables, Bulletin officiel n° 5822 du 18 mars 2010, p. 229.
33 Dahir n° 1-11-161 du 29 septembre 2011, portant promulgation de la loi n° 47-09 relative
à l’efficacité énergétique précitée.
34 Dahir n° 1-15-148 du 7 décembre 2015 portant promulgation de la loi n° 77-15 portant
interdiction de la fabrication, de l’importation, de l’exportation, de la commercialisation et de l’uti-
lisation des sacs en matières plastiques, Bulletin officiel n° 6422 du 17 décembre 2015, p. 4435.
35 Dahir n° 1-06-153 du 22 novembre 2006 portant promulgation de la loi 28-00 relative à la
gestion des déchets et à leur élimination, Bulletin officiel n° 5480 du 7 décembre 2006, p. 1984.
RJ • E 3/2016
548
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN a
à leur élimination qui met à la charge de toute personne qui détient ou produit des
déchets, dans des conditions de nature à porter atteinte à la santé de l’homme et
à l’environnement, l’obligation d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination dans
les conditions propres à éviter lesdits effets, et ce, conformément aux dispositions
légales et réglementaires (art. 6).
Par ailleurs, le droit semble muet quant à certains aspects de l’environnement pour
lesquels une durabilité est exigée pour le développement. On pourra citer en exemple
le vide juridique concernant les organismes génétiquement modifiés pour lesquels
une loi serait l’expression de transparence de la position du Maroc sur ce sujet. Ce
RJ • E 3/2016
549
H. MAJDOUBI - DÉVELOPPEMENT DURABLE EN DROIT MAROCAIN
vide ne permet pas d’encadrer la modification génétique, du moins dans son volet
alimentaire, et partant aucune protection de la biodiversité naturelle ne pourrait être
assurée de manière efficace et transparente.
RJ • E 3/2016
550