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© Association internationale de droit économique | Téléchargé le 04/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 102.64.155.68)
Abdoullah CISSÉ*
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1 Introduction
2 Déjà dix ans et du chemin parcouru !
2.1 L’opérationnalité de l’OHADA
2.1.1 L’opérationnalité de l’OHADA sur le plan institutionnel
2.1.1.1 La mise en place d’institutions fonctionnelles
2.1.1.2 Articulation avec les autres institutions (nationales et
supranationales)
2.1.2 L’opérationnalité de l’OHADA sur le plan normatif
2.1.2.1 Les actes uniformes
2.1.2.2 Les autres sources de droit (jurisprudence, doctrine et pratique)
2.2 L’efficacité de l’OHADA
2.2.1 L’efficacité du droit OHADA par rapport à l’objectif d’harmonisation
2.2.1.1 Articulation avec les normes des autres institutions communautaires
2.2.1.2 Articulation avec les normes nationales
2.2.2 L’efficacité du droit OHADA par rapport à l’objectif de simplicité, de
modernité et d’adaptation
2.2.2.1 Le droit OHADA, un droit moderne et simple ?
2.2.2.2 Le droit OHADA, un droit adapté ?
3 Que dix ans et encore beaucoup à faire !
3.1 Le renforcement institutionnel de l’OHADA
3.1.1 L’amélioration des instances de l’OHADA
3.1.1.1 Amélioration du fonctionnement des institutions
* Professeur, doyen de la Faculté des sciences juridique et politique de l’Université Gaston Berger de
Saint-Louis du Sénégal. L’auteur tient à remercier son assistant de recherche M. Mamoudou Niane
pour son apport de qualité dans la réalisation de cette étude.
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1 INTRODUCTION
La recomposition de l’environnement juridique mondial sous les auspices des lois du
marché suscite des enjeux importants relativement à la croissance économique des
nations. Mais la dynamique de construction des nouveaux paysages normatifs
semble s’orienter vers une gestion communautaire des intérêts nationaux. C’est
pourquoi, en Afrique, l’intégration régionale est élevée au rang de palier fondamental
entre le national et l’international.
La signature à Port-Louis le 17 octobre 1993 du Traité instituant l’Organisation
pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA)1 a donné corps à une
vision jusque-là méconnue de l’intégration communautaire par le droit. Par cet
instrument juridique, les États signataires ont manifesté leur volonté de contribuer en
Afrique noire francophone à l’instauration d’un espace économique unifié et apte à
répondre aux attentes exigeantes des investisseurs2. Pour atteindre cet objectif, les
États membres de l’OHADA ont entendu remédier à un certain nombre de non-
conformités liées à la présence massive de lois nationales contradictoires, au contenu
souvent obsolète. En effet, les efforts de mise à niveau des systèmes juridiques
nationaux ont souvent conduit à une inflation et à une complexité superflue. En outre,
l’environnement judiciaire africain s’accommodait d’un niveau d’incertitude non
1. Le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique est entré en vigueur le 18 septembre
1995. L’OHADA regroupe actuellement 16 États membres (Bénin, Burkina Faso, Cameroun,
Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale,
Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo).
2. Il ressort des propos du Doyen Kéba Mbayé que « l’O.H.A.D.A. est un outil juridique imaginé et
réalisé par l’Afrique pour servir l’intégration économique et la croissance ». Sur la même question,
voir K. MBAYÉ, « Avant-propos sur l’OHADA », Numéro spécial sur l’OHADA, Recueil Penant,
n° 827, 1998, pp. 125-128.
L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : l’expérience de l’OHADA 199
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Traité de l’OHADA s’inscrit dans un vaste mouvement de régulation des relations
juridiques supervisé par les institutions financières internationales et ressortissant de
la logique de fonctionnement du marché6. À l’évidence, la philosophie économique
dominante aujourd’hui balance en faveur du libéralisme et place la prise en compte
des exigences du marché comme indicateur de la performance d’un ordre juridique
donné. De cette relation entre le droit et le marché, il est ressorti des techniques de
réforme des droits nationaux échappant de plus en plus à l’emprise de l’État. De telles
préoccupations se retrouvent logiquement transférées au plan régional avec un
surcroît d’intérêts relevant des enjeux nationaux d’une reformulation de leurs
attributions classiques en matière de législation. Ainsi, l’internationalisation des
relations juridiques a ouvert la voie à une compétition où la « manipulation des droits
nationaux et communautaires » est l’objectif premier. Comme l’on pourrait s’en
douter, le continent africain n’a pas pu résister à la tentation de vouloir accueillir les
flux financiers nécessaires à son développement. La réponse à l’appel des investis-
sements s’est faite au prix d’un remodelage des droits nationaux autour des principes
communs dégagés par l’autorégulation des forces en présence sur le marché mon-
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de l’OHADA. Au plan législatif, huit actes uniformes sont déjà disponibles sur des
matières aussi diverses que : le droit commercial général, le droit des sociétés
commerciales et G.I.E., le droit des sûretés, les procédures simplifiées de recouvre-
ment et des voies d’exécution, les procédures collectives d’apurement du passif, le
droit de l’arbitrage, la comptabilité des entreprises et les contrats de transport de
marchandises par route9. Au plan de la pratique judiciaire, la mise en œuvre du droit
de l’OHADA est à l’origine d’une abondante jurisprudence10 issue de la CCJA et des
juridictions nationales. La doctrine africaine non plus n’est pas en reste, ainsi une
abondante bibliographie est en ligne et regroupe d’éminents juristes de l’espace
OHADA11. Cependant, d’une part, la relative jeunesse de l’organisation communau-
taire pourrait valoir alibi à nombre de manquements, d’autant plus que la plupart des
textes sont en cours d’appropriation par les États membres. En effet, la poursuite de
la construction du cadre juridique communautaire s’accompagne d’une campagne de
promotion de l’OHADA et de ses produits au niveau des principaux investisseurs
internationaux et d’un rééquilibrage des compétences entre les organisations d’har-
monisation du droit des affaires existantes. Il s’y ajoute que les règles communes et
la capacité des institutions de l’OHADA doivent être mises à l’épreuve, afin
d’évaluer leur fiabilité. D’autre part, l’objet d’harmonisation de l’OHADA est très
vaste. Ainsi, l’imprécision du champ théorique du droit des affaires et le caractère
réduit des matières harmonisées rendent toute synthèse laborieuse, voire approxima-
tive. En outre, l’utilisation des nouvelles technologies dans les transactions d’affaires
élève la complexité de la régulation des relations juridiques dans un contexte de
fracture numérique profond. L’utilisation massive de l’électronique dans les échan-
ges commerciaux est encore mal perçue en Afrique. En effet, l’absence d’infrastruc-
tures adéquates et garantissant un niveau de sécurité appréciable détourne une bonne
partie des investissements au profit d’autres régions qui ont misé sur les nouvelles
technologies. Par ailleurs, l’absence de législation uniforme sur les nouvelles
technologies dans la zone OHADA contribue à amoindrir l’efficacité des innovations
apportées par les actes uniformes.
Toutefois, les raisons invoquées pour tenter de défendre l’OHADA après dix
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d’existence n’empêchent nullement de procéder à un bilan d’étape en considération
des activités menées par les instances communautaires.
Il y a lieu de constater que la mise en œuvre du droit uniforme a conduit à une
certaine résistance des ordres juridiques nationaux12. Ainsi, l’intervention de la
CCJA pour interpréter l’article 10 du Traité relatif à la règle de la supranationalité met
en évidence les contraintes liées à l’érection d’un ordre communautaire. De même,
la prolifération des instances d’harmonisation du droit communautaire pose un
problème de rationalisation des systèmes juridiques autonomes poursuivant des
objectifs similaires et présents dans une zone d’intégration à géographie variable. La
persistance de ces blocages structurels affecte la cohérence du droit de l’OHADA.
C’est pourquoi l’étude critique des progrès réalisés par le législateur communautaire
dans la voie de l’harmonisation des législations nationales trouve une justification
pertinente. Par ailleurs, l’OHADA s’est fixé des objectifs à atteindre dans la
sécurisation juridique et judiciaire de son environnement économique. Par consé-
quent, la recherche de la simplicité des normes du nouvel ordre juridique communau-
taire est posée comme une condition d’efficacité de l’attractivité du droit de
l’OHADA. La vérification de l’adéquation entre les objectifs affichés et l’état de
progression de la convergence régionale permet d’explorer les chances de survie de
l’organisation de l’harmonisation du droit des affaires.
Le regard critique jeté sur l’OHADA tente de situer les étapes franchies dans la
création d’un nouveau pôle économique (2) et les efforts qui restent à faire vers un
le développement économique par la voie de l’intégration juridique (3).
12. J. ISSA-SAYEGH, « Aspects techniques de l’intégration juridique des États africains de zone
franc », communication à la session de formation du CFJ de Dakar du 27 au 30 avril 1998, sur le
thème : « L’OHADA, un droit régional en gestation ».
202 L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : l’expérience de l’OHADA
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privilégier la simplicité institutionnelle et le principe de la supranationalité pour
atteindre ses objectifs.
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d’un instrument de nivellement de la pratique judiciaire dans l’application des actes
uniformes. En outre, la CCJA dispose de très larges prérogatives impliquant la faculté
de statuer au fond et la mise en œuvre d’un pouvoir d’évocation (article 14 du Traité
de l’OHADA). Ainsi, l’objectif de simplicité et de rapidité dans la gestion du
contentieux lié au droit OHADA semble bénéficier d’une organisation institution-
nelle propice. La rationalisation des instances de règlement des différends contrac-
tuels a aussi guidé le législateur de l’OHADA vers une promotion de l’arbitrage
comme principal outil de régulation. Il ressort de l’acte uniforme sur l’arbitrage, un
mécanisme de simplification de la procédure arbitrale et un renforcement des
garanties afférentes à l’exécution de la sentence arbitrale. Aussi, la mise en place de
la CCJA répond-elle à une politique de lutte contre la corruption16. D’ailleurs la
création de l’ERSUMA vise à pallier l’insuffisance des magistrats africains en
matière de déontologie. Pour ce faire, les institutions de l’OHADA cherchent avant
tout une meilleure articulation avec les autres instances nationales et régionales.
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à la dynamique continentale et internationale sont perceptibles à deux niveaux
d’élaboration de réseaux interactifs.
Un premier niveau de connexion est établi entre les États membres grâce à la mise
en place d’organes de gestion du fonctionnement de l’OHADA et à des méthodes de
participation croisées. Ainsi, l’existence du Conseil des ministres et de la CCJA
assure la convergence des institutions nationales de manière permanente. En effet, la
répartition des ressources au sein de ces institutions se fait souvent sur la base de la
représentativité égalitaire. Cette faculté permet de dépasser les spécificités nationa-
les et l’élaboration de stratégies communautaires dérivées des objectifs communs.
Par ailleurs, existe une sollicitation d’organes temporaires de participation à la
marche de l’OHADA. Le recours aux travaux des États membres dans l’élaboration
des règles communes et dans le contrôle de l’application des dispositions communau-
taires recense les différentes méthodes de participation entre institutions régionale et
nationale dans un même domaine (le droit des affaires)18.
Un second niveau de connexion s’installe à travers les rapports entretenus par
l’OHADA avec les autres institutions régionales et internationales. L’ambition de
l’OHADA de s’ériger en instance continentale pour le droit des affaires en fait de
facto un interlocuteur direct de toutes les organisations poursuivant une intégration
par l’économie. Ainsi, la mission principale de l’OHADA à ce niveau est de tenter
d’opérer un rapprochement entre les différents travaux entrepris. À l’échelle inter-
nationale, l’OHADA sert d’interface pour ses membres aux différents organismes
concurrents (ayant des objectifs similaires) ou de coopération dans une économie de
marché où la concurrence est une donnée fondamentale. L’articulation avec ces
institutions se fait sur la base de la conformité des objectifs poursuivis et la recherche
de la réciprocité dans les droits concédés. Cependant, les modèles de mise en
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tive plus pragmatique que les méthodes classiques d’harmonisation (édiction de
lignes directrices pour parvenir à l’objectif d’harmonisation). En ce sens, les actes
uniformes en s’imposant directement dans les ordres juridiques nationaux présentent
la fonctionnalité de recomposition du droit des affaires africain sur une base
conceptuelle quasi unitaire (sauf les cas de résistance des droits nationaux) et une
formule opératoire modulable.
La mise en œuvre des actes uniformes dans le droit national des États Parties
s’oriente en effet vers la détermination de secteurs d’activités économiques prioritai-
res par rapport à l’objectif d’harmonisation19. Par conséquent, un certain nombre de
matières ont fait l’objet d’actes uniformes. Jusqu’alors, la pratique consistait pour les
organisations africaines poursuivant une intégration économique à fixer tous les
domaines où un rapprochement des législations nationales était nécessaire. Le Traité
OHADA quant à lui donne compétence au Conseil des ministres pour l’introduction
dans le droit des affaires de toutes les matières existantes ou à venir pertinentes pour
le développement de la zone.
La construction du système juridique de l’OHADA procède d’une vision
substantielle de la communautarisation et cherche à encourager la production
normative consensuelle20 autour d’un organe régional assisté de panels d’experts
nationaux. Ainsi, le Conseil des ministres en collaboration avec les gouvernements
des États Parties traduit les volontés communes en actes uniformes.
La technique juridique de la supranationalité assure la convergence des droits
nationaux dans les matières harmonisées afin d’éviter la neutralisation du droit
19. F.-M. SAWADOGO, « Les Actes uniformes de l’OHADA : aspects techniques généraux », Revue
burkinabé de droit, n° 39-40, n° spécial, p. 37.
20. A. CISSÉ, « Ingénieurie juridique et intelligence stratégique », Revue Africajuris, n° 3, du 14 au 20
février 2002 et n° 4, du 21 février au 6 mars 2002, pp. 3-4. Voir L. BOY, « Normes », http://
www.Msh-paris.fr/redcs/communic/boyl.htm.
206 L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : l’expérience de l’OHADA
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la résolution des litiges nés de l’application des actes uniformes démontre la prise en
compte du paradigme de la souplesse dans l’élaboration de l’infrastructure juridic-
tionnelle. Ainsi, l’adéquation d’un droit moderne à une justice rapide est au centre des
préoccupations des actes uniformes.
Les actes uniformes sont de toute évidence les réceptacles d’un réalisme
juridique africain tourné vers la satisfaction d’enjeux économiques21.
Dans un tel contexte, les législations nationales et communautaires deviennent
des champs d’attraction au même titre que n’importe quel produit destiné à doper le
développement.
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d’existence de lacunes ou de vides juridiques où le juge est appelé à poser une
nouvelle règle non nécessairement contenue dans les actes uniformes (ou lois
nationales en cas de renvoi).
La formule d’une cour de justice et d’arbitrage retenue par le Traité de l’OHADA
semble propice à un travail de production normative de la part des praticiens. En effet,
les fonctions consultatives et juridictionnelles de la CCJA renforcent la capacité des
magistrats de l’OHADA à être en amont de l’homogénéisation des règles commu-
nautaires par leur travail d’interprétation. Mais à ce stade, le défaut de recours
préjudiciel devant la CCJA constitue un frein à l’exploitation efficace de la fonction
consultative. En effet, l’absence de recours préjudiciel devant la Cour par les
destinataires de ces normes prive a priori les juges d’un important travail de mise en
cohérence de la législation communautaire.
Pour ce qui concerne l’arbitrage, le Traité de l’OHADA ouvre l’opportunité aux
magistrats d’élargir leur champ d’investigation dans la recherche d’une solution
appropriée. L’article 15 de l’acte uniforme sur l’arbitrage renvoie « aux usages du
commerce international »24 qui renferme un fort potentiel d’uniformisation substan-
tielle des législations nationales. C’est donc bien dans cette perspective que la
jurisprudence constitue une source non négligeable de production normative.
La relative faiblesse des échanges intracommunautaires contribue à resserrer le
rôle de la pratique en tant que source dérivée de règles communes. Les normes
relevant des pratiques locales restent souvent limitées à l’usage des acteurs de
l’économie informelle. Cependant, la mise en œuvre du droit des affaires de
l’OHADA devrait permettre le développement de pratiques ressortissant des parti-
cularités de la zone.
23. F. OST et M. Van de KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, FUSL, Bruxelles, 1987,
pp. 355-436.
24. Article 15 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
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droit des affaires aux ambitions de développement et à la régulation internationale.
25. Plus particulièrement sur le contrôle des normes communautaires, voir « La problématique de la
délimitation des compétences entre la Cour de justice de l’UEMOA et la Cour commune de justice
et d’arbitrage de l’OHADA et les juridictions nationales des États parties », Actes de la session de
formation régionale sur l’UEMOA et l’OHADA, Centre de Formation judiciaire de Dakar, du 9 au
13 octobre 2000, Dakar.
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tions de l’UEMOA. Mais l’UEMOA par une série de décisions ponctuelles ou à long
terme tente de rapprocher les législations communautaires autour de l’objectif de
développement économique27.
En plus de l’UEMOA, l’OHADA partage des compétences avec d’autres
organisations d’harmonisation du droit des affaires, dont la Conférence
interafricaine des marchés d’assurance (CIMA), l’Institution de prévoyance retraite
du Sénégal (IPRES), la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale
(CEMAC), etc. L’articulation des normes de l’OHADA avec ces institutions est à la
fois bilatérale (coopération OHADA-CIMA) et multilatérale sous l’égide d’organis-
mes internationaux ou de pays tiers.
26. A. CISSÉ, « Cautionnement des tiers par les banques et établissements financiers : quel rôle pour le
Conseil d’administration ? », Revue Africajuris, n° 17-18, du 23 mai au 5 juin 2002, pp. 4-7.
27. Sur la question, le site uemoa.int offre les différents actes pris par l’UEMOA pour favoriser
l’harmonisation communautaire.
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innovation en laissant subsister une marge d’appréciation aux juridictions nationa-
les29 avec l’établissement d’un contrôle national. La règle de l’égalité entre les arrêts
nationaux et communautaires ne joue pas pleinement en matière d’arbitrage, ce qui
n’empêche pas la Cour de confirmer sa prééminence en matière arbitrale en déroulant
sa compétence exclusive dans l’octroi de l’exequatur. La compétence exclusive de
la Cour commune dans la procédure d’exequatur s’inscrit dans la logique de contrôle
de l’adaptation du droit des affaires dans l’espace OHADA, car la promotion du
recours à l’arbitrage comme mode de régulation des litiges d’affaires est conforme
à l’objectif de captation des investissements.
La formule d’articulation entre les normes nationales et communautaires permet
de voir une construction orientée (vers les investissements !) du droit OHADA avec
un aménagement des compétences nationales pour les questions « pudiquement »
qualifiables d’internes.
28. La CCJA, par avis n° 001/2001/EP, insiste sur la portée abrogatoire de l’article 10 du Traité de
l’OHADA. Lire aussi les développements de J. ISSA-SAYEGH, « La portée abrogatoire des actes
uniformes de l’OHADA sur le droit interne des États parties », Revue burkinabé de droit, n° 39-40,
n° spécial, p. 51.
29. M. DELMAS-MARTY, M.-L. IZORCHE, « Marge nationale d’appréciation et internationalisation
du droit : réflexions sur la validité formelle d’un droit commun en gestation », in Variations autour
d’un droit commun, M. DELMAS-MARTY et alii, UMRDC, Société de législation comparée, Paris,
2001, p. 73 et s.
L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : l’expérience de l’OHADA 211
simplicité du Traité et d’autre part à son adaptabilité dans une dynamique d’évolution
des affaires permanente.
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aux principes de la concurrence internationale traduit la modernité du droit des
affaires dans l’espace OHADA.
La recherche de la modernité par le Traité de l’OHADA ne peut s’analyser en un
retrait de la souveraineté des États Parties au profit d’une politique ultra-libérale
d’assimilation d’un modèle dominant. Le Traité de l’OHADA apparaît comme une
réponse régionale à un phénomène de mondialisation. L’internationalisation des
échanges sous l’impulsion des paradigmes de la vitesse, de la connectivité et de la
dématérialisation engendre la production d’un droit de type nouveau. Les caractères
de ce nouveau droit devront s’incarner dans une démarche favorisant l’accessibilité
et la sécurité.
La prise en compte de l’accessibilité concerne successivement la compréhension
et l’interprétation des textes communautaires. Il s’ensuit que la clarté des dispositions
dans leur rédaction et dans leur contenu devrait correspondre aux exigences essen-
tielles des concepts liés à l’économie de marché. À ce stade, la croissance de
l’emprise du marché sur les législations nationales a introduit un certain nombre de
pratiques (extension du nombre des acteurs intervenant dans la production norma-
tive…) qui devront être répercutées dans la réforme du droit des affaires. Ainsi,
l’harmonisation des notions utilisées par les acteurs du marché tend à renforcer l’idée
de modernité et préfigure une tendance à l’interconnexion entre les sphères écono-
miques. Parallèlement à l’accessibilité du droit des affaires, se pose aussi la question
de l’homogénéisation de l’interprétation des règles communautaires.
La centralisation de l’interprétation des actes uniformes au niveau de la Cour
commune de justice et d’arbitrage comme le précise l’article 14 du Traité de
l’OHADA procède d’une volonté d’uniformisation de la création normative inci-
dente des États Parties par le haut. Ainsi, le recours à la structure faîtière pour
interpréter les textes communautaires participe d’un souci de cohésion du système
normatif de l’OHADA. Cette mesure vise à compléter au niveau de la pratique la
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poursuivent « l’adoption de règles communes… adaptées à la situation de leurs
économies »31. Sur cette lancée, la création des actes uniformes vise à faciliter la
promotion des activités économiques génératrices de revenus substantiels et la
sécurisation des transactions et des investissements dans la zone OHADA. L’orien-
tation du législateur de l’OHADA vers des normes souples en matière de création
d’entreprises, de prévention et de traitement des difficultés des entreprises emporte
la mise en place d’un environnement propice à l’initiative économique personnelle
et collective.
Les axes de développement du droit de l’OHADA ne semblent pas privilégier
des domaines à fort taux d’attractivité comme le droit de la concurrence, le droit du
travail (pour ce secteur précis, l’harmonisation des législations nationales est en
cours), le droit des investissements et le droit des technologies de l’information et de
la communication, même si le Traité laisse au Conseil des ministres la faculté de
décider des matières à harmoniser. Cela pourrait s’expliquer par le caractère
stratégique pour l’économie d’un pays des dispositions législatives et réglementaires
relatives à la concurrence, à l’investissement ou au social. En outre, l’aspect
confidentiel des données liées à la gestion des flux financiers transfrontaliers par les
autorités administratives risque de provoquer ou d’aggraver les disparités consécu-
tives à l’intégration effective du droit communautaire.
L’existence d’un droit adapté aux économies locales dans l’espace de l’OHADA
pourrait être confrontée à l’ouverture progressive des États membres aux valeurs du
marché.
La prédominance du modèle économique libéral destine les entreprises de
développement, dans l’intégration, à osciller entre une formule d’ancrage systéma-
30. Sur cette question, des développements importants ont été consacrés à la durée de la justice et le temps
économique, in http://www.confparis.org/textes/tempsjustice.htm.
31. Article 1er du Traité OHADA.
L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : l’expérience de l’OHADA 213
tique aux règles concurrentielles du marché et l’élaboration d’un droit sui generis né
des contraintes et perspectives économiques de la zone OHADA. Sur cette question,
les États Parties de l’OHADA ont choisi de rechercher une solution d’équilibre en
optant pour une libéralisation mesurée de leur législation. Ainsi, la principale mesure
d’évaluation de l’adaptation du droit des affaires au contexte international prévue par
le Traité de l’OHADA consiste à « garantir la sécurité juridique des activités
économiques »32 dans l’optique de promouvoir les affaires et d’encourager l’inves-
tissement.
Mais est-il possible de réaliser tout cela en dix ans ?
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Parmi ces conditions relatives à l’accroissement des performances de l’OHADA, se
situent l’ancrage institutionnel (3.1) et la sécurisation de l’environnement juridique
des affaires (3.2).
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chaque pays. L’emploi de la technique du renvoi ne permet guère d’éluder les
contraintes structurelles et celles relatives à la compétence des acteurs.
L’édiction de règles pertinentes ne saurait suffire à elle seule pour assurer
l’attractivité du système juridique posé. Il ressort des principes mêmes de toute
réforme, la nécessité de poser les moyens de garantir la cohérence de ses normes par
une infrastructure judiciaire adaptée. L’adéquation entre la norme posée et son
application correcte par ses interprètes officiels (l’administration et le pôle judi-
ciaire) doit servir de lignes directrices à une politique de qualité visant à asseoir des
institutions polyvalentes et fiables. Dans cette mesure, l’OHADA voudrait offrir le
visage d’une organisation novatrice surtout par rapport aux solutions apportées aux
problèmes de rationalisation des institutions nationales et communautaires. Cepen-
dant, les procédés d’amélioration du profil des institutions ne dépendent pas d’un
processus d’évolution des connaissances de gestion administrative, mais d’une
conformité avec les tâches requises pour une participation efficace à l’économie de
marché. Ainsi, le cumul des fonctions exécutives et législatives par le Conseil des
ministres doit s’accompagner d’une capacité de gestion pluraliste des affaires ayant
trait au droit des affaires. En effet, le véritable problème des institutions africaines est
bien la capacité33.
La capacité pour une institution du type de l’OHADA doit s’analyser en une
aptitude de prise en charge réelle des contraintes qui se posent à la réalisation de ses
objectifs. Sur ce point, les progrès réalisés au niveau des nations pris individuelle-
ment doivent pouvoir se retrouver au niveau communautaire. Cette relation entre
structures complémentaires repose en grande partie dans la mise en œuvre de
33. L’exemple de la prise en charge du phénomène de la pauvreté a permis d’établir la corrélation entre
la capacité des institutions et les stratégies élaborées pour atteindre des objectifs de développement.
Voir A. CISSÉ, « État de droit et pauvreté », Revue Africajuris, n° 1, du 31 janvier au 6 février 2002
et n° 2, du 7 février au 13 février 2002, pp. 8-9, 4-5.
L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : l’expérience de l’OHADA 215
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par la mise en concurrence des droits nationaux et des procédés de règlement des
différends. Pour les pays africains, la recherche de la solution optimale dépend de la
nature des activités à entreprendre. La compréhension de l’exercice par les institu-
tions de l’OHADA de la fonction de création normative et de contrôle de leur
application est loin d’être appréhendée par l’analyse institutionnelle uniquement. La
lecture de l’environnement économique actuel est subordonnée à la faculté de
décrypter les stratégies des acteurs du marché et à la pertinence des solutions
proposées pour les incorporer dans l’ordre juridique communautaire35. Pour cela,
l’activité des instances administratives et législatives de l’OHADA (en l’occurrence
le Conseil des ministres, plus précisément le Secrétariat permanent) est d’identifier
les besoins exprimés par les acteurs locaux et par les investisseurs afin de mettre en
œuvre les processus de mise en conformité entre la demande et l’offre de normes.
La perception des besoins des participants aux transactions d’affaires dans
l’espace OHADA devrait être poursuivie par un travail de réduction de l’incertitude
inhérente à la complexité des systèmes actuels36. En effet, l’une des tâches fondamen-
tales des instances communautaires est d’identifier les aspects techniques d’un
problème qui sont pertinents dans un environnement de concurrence des normes. En
effet, pour les experts de l’OHADA, la solution stratégique devrait associer la
conception, la décision et l’information. Dans la phase de conception, les institutions
devront se reposer sur les techniques d’évaluation combinée des risques encourus par
les acteurs du marché régional et des avantages escomptés. Il ressort de cette phase
l’élaboration de modèles décisionnels sous forme de scenarii de participation aux
échanges intracommunautaires et internationaux. Les modèles de décision serviront
de base de l’évaluation de la conformité entre les besoins des clients (d’une nouvelle
législation communautaire) et la solution optimale qui sera adoptée. En effet,
l’activité des institutions de l’OHADA constitue des réponses à des contraintes
soulevées par les opérateurs économiques particuliers (investisseurs nationaux ou
étrangers) et non une projection de ce que devrait être le comportement d’un agent
économique dans un marché donné. Ainsi, les réponses apportées par l’OHADA
devront être portées à la connaissance de ses destinataires non seulement par les voies
communes (Journal officiel et site officiel) mais par un ensemble d’opérations de
promotion des innovations consacrées en termes de sécurité juridique et de souplesse
dans l’utilisation du droit commun.
Pour répondre à la demande de justice des agents économiques, les modes de
règlement des litiges d’affaires doivent incarner la garantie d’une procédure rapide
(temps économique oblige !) et d’une solution appropriée. Pour la CCJA, l’amélio-
ration de la voie arbitrale semble offrir le meilleur indice d’attractivité en tant que
modèle de justice. Sur ce point, il y a lieu de souligner la marge de manœuvre
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appréciable de l’arbitre lorsqu’il recourt aux « règles de droit… les plus appro-
priées… » découlant du choix des parties. Si l’arbitrage offre des perspectives
intéressantes pour les opérateurs économiques, il n’en demeure pas moins que
l’amélioration des activités de la justice dans l’OHADA doit allier la polyvalence des
magistratures économiques et les garanties offertes par les juridictions nationales
(surtout dans la force exécutoire des décisions rendues).
37. Sur ce point, des bilans de l’OHADA ont été dressés en vue de mesurer l’efficacité de l’Organisation
sur une période donnée. Voir par exemple, J. LOHOUES-OBLE, « Le Traité OHADA, cinq ans
après », texte d’une conférence prononcée à Abidjan ; K. KOUASSI, « Bilan et perspectives de
l’OHADA », Écodroit, n° 11, mai 2002, p. 10.
38. F. CHESNAIS, La mondialisation du capital, Syros, Paris, 1997, pp. 69-88.
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le profil des marchés impliqués dans la croissance économique de l’OHADA. En
effet, le droit de l’OHADA s’adresse à la fois aux agents des économies domestiques
et aux investisseurs étrangers à la recherche de la rentabilité de leurs capitaux. De ce
fait, les efforts consentis dans la diffusion du droit uniforme vers l’extérieur doivent
aussi se ressentir au sein du marché africain. Ainsi, l’amélioration de l’accès au droit
peut se poursuivre à travers une série d’activités ponctuelles et à long terme.
Dans l’immédiat, une sensibilisation générale sur les droits et obligations des
agents économiques apportés par le Traité de l’OHADA et sur le rôle des ses
institutions pour les différentes couches du marché local (sociétés commerciales,
GIE, secteur informel…) permettrait une meilleure diffusion du droit uniforme. À ce
niveau, la manipulation de la langue de travail doit être aussi une préoccupation
majeure des experts de l’OHADA. Par ailleurs, des sessions de consultations
juridiques sur tous les aspects de l’OHADA pourront être organisées en permanence
dans tous les États membres à l’intention des agents économiques (formels et
informels, surtout illettrés)39. Par ailleurs, la consultation pourrait se prolonger par
une assistance des agents économiques locaux dans la bonne utilisation des ressour-
ces offertes par le droit uniforme de l’OHADA.
Dans le long terme, les institutions de l’OHADA devraient, en partenariat avec
les États Parties, prévoir des procédés d’imprégnation des règles communes suscep-
tibles de minimiser les incertitudes et assurer l’effectivité de son droit. Une telle
action requiert un plan d’action plus vaste, incluant la formation permanente et la
participation globale à l’élaboration des normes. Dans cette perspective, l’arbitrage
est préconisé comme outil de facilitation de l’accès au droit.
39. Même s’il existe une session de formation en ligne au niveau du site de l’OHADA.
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est laissée à la discrétion des parties qui s’assurent ainsi du respect de leur volonté
dans la résolution de leur différend. En effet, la contractualisation du litige entraîne
l’incompétence des juridictions nationales avant que l’instance arbitrale désignée ne
s’en saisisse. Par ce moyen, les parties devront avoir l’opportunité de choisir le droit
qui leur sera applicable sous réserve de l’observation de l’ordre public international
et, en partie, les arbitres qui devront se prononcer sur le différend (sauf désignation
par le juge d’un État Partie en cas de blocage dans le choix des arbitres). Cependant,
l’on note une insuffisante instrumentalisation de la clause compromissoire dans les
contrats commerciaux et il s’y ajoute le déficit en experts locaux spécialisés dans
l’arbitrage. La mise à l’écart des juridictions nationales constitue pour la plupart des
agents économiques un îlot de confidentialité, postulat fondamental dans les rela-
tions d’affaires. En tout état de cause, le législateur de l’OHADA fait de la primauté
de la volonté des parties, le fondement de l’arbitrage.
L’égalité des parties tout au long de la procédure arbitrale et l’existence de voies
de recours contre la sentence arbitrale constituent les principales garanties du droit
uniforme sur l’arbitrage. L’égalité des parties dans la procédure se retrouve à presque
tous les niveaux de l’arbitrage. Cette règle est affirmée de manière précise par
l’article 9 de l’acte uniforme. Cette égalité pendant l’instance est précédée par le
caractère éminemment consensuel (contractualisation de la justice arbitrale) de
l’arbitrage. L’exercice des voies de recours par les parties à un litige arbitral fait partie
des moyens traditionnels de toute réglementation processuelle. Ainsi, la mise en
œuvre du recours en annulation et des autres voies de recours extraordinaires pour les
parties s’accorde avec l’idée d’une sécurisation du traitement des différends.
40. A. FENEON, « Un nouveau droit de l’arbitrage en Afrique (De l’apport de l’Acte uniforme relatif
au droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA) », Recueil Penant, n° 833, mai-août 2000, pp. 126-
136.
41. P. MEYER, Droit de l’arbitrage, Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 28-50.
L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : l’expérience de l’OHADA 219
L’exécution de la sentence arbitrale par les parties est entourée par des garanties
liées à la force reconnue aux décisions des arbitres et à la délivrance de l’exequatur
par la CCJA. Ainsi, le législateur de l’OHADA par le biais des certains mécanismes
simplificateurs apportés au Traité et au règlement sur l’arbitrage entend faire de ce
moyen de régulation des relations juridiques l’une des principales dans l’espace
OHADA. La promotion de l’arbitrage s’insère dans un mouvement de recherche de
simplicité et de sécurité dans l’intégration juridique sous-régionale.
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envisager des voies d’articulation de leurs normes avec celles des États membres et
un renforcement des mesures pénales propres à la stabilité du système.
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est la méfiance à l’endroit d’une gestion commune et transnationale. Cette distance
à l’encontre de la mouvance communautaire est sensible en matière de droit
commercial et des sociétés et en droit des personnes. L’existence d’une résistance à
l’unification n’est pas spécifique au domaine du droit, d’autres secteurs de régulation
des phénomènes sociaux ou naturels connaissent des cas de rejet (la société, la
religion…). Toutefois, l’édification d’un système communautaire requiert une
certaine stabilité dans la composition de ses différents éléments. Sur ce point, mis à
part l’élaboration collective des actes uniformes, les mécanismes de leur réception
doivent être clairement établis.
La règle de la primauté du droit communautaire sur le droit national pose déjà le
cadre des relations d’échange entre les deux systèmes normatifs. Cependant, la
réception du droit communautaire dans l’ordre interne soulève la problématique de
l’effectivité des règles communes. À ce niveau, l’administration et le juge sont les
principales courroies de diffusion des actes uniformes. L’administration a, pour sa
part, la responsabilité de faciliter l’imprégnation des agents économiques et des
justiciables aux normes définies. Le juge quant à lui devra à chaque fois que les
conditions d’application du droit communautaire sont réunies faire respecter la
norme supranationale. En effet, le système judiciaire constitue le chaînon le plus
efficace en termes de fonctionnalité pour la reproduction du droit communautaire
dans les ordres internes. L’application du droit harmonisé par les juges nationaux
associée aux fonctions consultative et juridictionnelle de la CCJA rend réelle
l’amélioration de la réceptivité des règles communes. Et sur tous ces aspects, il reste
encore beaucoup à faire.
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contradiction entre les dispositions de l’OHADA et de l’UEMOA sur une matière où
elles détiennent une compétence directe. À défaut de principe de résolution de
concours de supranationalité entre deux normes communautaires, le risque d’im-
passe pour les théoriciens et praticiens est avéré. Pour l’instant des solutions semblent
s’orienter vers la coopération entre les organisations communautaires (surtout en
matière judiciaire) ou l’application de principes généraux relatifs à la concurrence
entre normes d’égale valeur (« lex posterior derogat priori »).
À côté des organisations à vocation économique générale, interviennent des
structures à vocation sectorielle qui interfèrent directement dans des matières
relevant de la compétence de l’OHADA. Il s’agit en particulier de la CIMA et de
l’OAPI (Organisation africaine de la propriété intellectuelle). Ainsi, le démantèle-
ment latent du droit uniforme par des droits voisins au nom de la spécificité peut
engendrer à long terme un labyrinthe normatif fatal à l’ambition d’attirer les
investisseurs par la simplicité du droit OHADA recherchée.
Le risque potentiel de dislocation du droit uniforme des affaires au niveau
africain ne peut être jugulé qu’avec une définition rigoureuse des principes directeurs
communs à toutes ces entreprises de communautarisation, de sorte à créer les
conditions favorables à une unification substantielle des règles communes. Une autre
voie verrait la rationalisation des divers organismes à prétention économique autour
d’une structure unique dédiée à la création d’un marché continental commun et
adoptant des règles similaires. La volonté de l’OHADA semble aller dans ce sens,
mais la superposition des ordres juridiques dans un espace géographique restreint ne
milite pas en faveur d’une telle option. En effet, en dehors des techniques juridiques
d’articulation des normes communautaires entre elles, la régulation de tels conflits
implique nécessairement une volonté politique franche. La mise en cohérence des
droits communautaires devrait aussi se prolonger par un processus similaire avec le
droit international.
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faciliter la récupération systématique de ces règles, synonyme de conformité aux
exigences du marché international. Toutefois, les problèmes issus de la mise en
œuvre effective de certaines règles internationales en matière de commerce condui-
sent à des phénomènes de résistance nationale ou collective et débouchent sur la
revendication d’un pluralisme juridique. À côté du droit de l’OMC, la lex mercatoria
permet de dégager des principes directeurs autorisant le rapprochement entre normes
internationales et droit communautaire de l’OHADA. En effet, le règlement
OHADA sur l’arbitrage fait une mention explicite de la lex mercatoria comme source
de droit.
Au vu de toutes ces considérations, la mise en cohérence du droit de l’OHADA
avec le droit international présente un intérêt en matière d’interopérabilité des règles
juridiques dans un contexte où l’interpénétration des marchés est facilitée par les
progrès des nouvelles technologies. Le législateur de l’OHADA en affichant son
ambition de doter la zone économique d’un droit moderne et adapté lance le défi de
l’harmonisation du droit des affaires africain avec la régulation économique interna-
tionale. Cependant, la rationalisation du dispositif normatif met en exergue l’aspect
disciplinaire du comportement des agents économiques.
44. M. DELMAS-MARTY, Pour un droit commun, Seuil, Paris, 1994, pp. 283-284.
L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : l’expérience de l’OHADA 223
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L’éclatement de la compétence en matière pénale fait surgir la nécessité pour
l’OHADA de circonscrire le champ du droit des affaires en Afrique, afin de viser les
écarts de comportement susceptibles de correspondre à des infractions d’affaires.
L’imprécision du domaine des affaires est due à une liste indicative, insuffisante à
prendre en compte les diverses manifestations de la criminalité d’affaires. De
surcroît, des secteurs essentiels à la pratique des affaires et propices à la commission
d’infractions récurrentes n’ont pas été expressément désignés. Le secteur bancaire et
financier (même s’il existe des législations allant dans ce sens, telles que les règles
sécrétées par l’UEMOA ou la CEMAC…) fait figure de plate-forme indispensable
aux transactions d’affaires et les infractions sur ce domaine sont nombreuses. La
prudence avérée du législateur de l’OHADA (article 2 du Traité) sur sa conception
du droit des affaires ne devrait pas le dispenser d’étendre la fourchette d’harmonisa-
tion des infractions. En effet, l’abandon aux États membres de la faculté de définir
les infractions sur des matières relevant du droit des affaires pourrait engendrer une
rupture de cohérence au niveau de la politique criminelle communautaire. Ainsi, une
harmonisation efficace des infractions d’affaires repose sur l’engagement collectif
(OHADA, UEMOA, CIMA…) à la fixation d’un seuil commun de disqualification
des comportements attentatoires aux valeurs du marché. Le caractère consensuel de
la démarche devra permettre d’atteindre un minimum d’efficacité des normes
édictées, en considération de l’identité des valeurs de référence chez les émetteurs de
la règle commune. Un premier pas a été franchi avec l’acte uniforme sur le droit des
sociétés47. Cependant, une telle cohésion dans la construction juridique ne se retrouve
pas au niveau des sanctions.
45. N. DIOUF, « Actes uniformes et droit pénal des États signataires du Traité de l’OHADA : la difficile
émergence d’un droit pénal communautaire dans l’espace OHADA », Revue burkinabé de droit,
n° 39-40, n° spécial, p. 63.
46. M. DELMAS-MARTY, Les grands systèmes de politique criminelle, PUF, Paris, 1992, pp. 61-68.
47. A. CISSÉ et alii, OHADA, société commerciales et G.I.E., Bruylant, Bruxelles, 2002.
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souvent invoqués pour justifier l’option du Traité de l’OHADA. Cependant, le propre
de l’harmonisation est bien l’établissement de principes communs à toutes les parties
afin de conférer une certaine consistance aux valeurs à préserver.
Une seconde conséquence de l’absence d’une politique criminelle cohérente
dans l’espace OHADA est une concurrence des justices des États membres. En effet,
la captation des investissements pourrait guider les législateurs nationaux vers plus
de clémence envers les délinquants d’affaires. Ainsi, la sanction des infractions
découlant de la mise en œuvre des actes uniformes pourrait prendre la forme d’une
simple mise en garde ou d’un reproche (faiblesse totale ou partielle de la sanction).
Plus encore, le système répressif pourrait devenir un élément pertinent de la
détermination de la compétitivité du système économique d’un État par les agents
économiques. Par conséquent, le risque de voir se multiplier les « forum shopping »
dans l’espace OHADA est grand.
Le rapprochement des sanctions pénales doit trouver une espace d’expression
dans la création de vecteurs communs de fixation des peines encourues (amende,
prison…) par les transgresseurs des normes communautaires. À ce stade, la combi-
naison des principes directeurs pourrait offrir un éventail de solutions au législateur
de l’OHADA dans la perspective d’une harmonisation des sanctions pénales49.
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order to progressively unify national business legislation, the Council is competent
to adopt ‘uniform acts’ (actes uniformes). Those acts do not need to be nationally
implemented in order to come into force in the member States, but have some sort of
direct effect. They also logically take precedence over national legislation.
It may be said that a whole new legal system had been put into life within ten years
time.
But the author acknowledges that there is still a lot to do to achieve the ambitious aim
of the 1993 Treaty. Existing bodies need to be reinforced and to work on a more
rational base. Both the Council of Ministers and the Member States have to ensure
broader public acceptance of the uniform acts in force. Arbitration should be
developed, and relationships with economic trans-national organisations operating
in the zone need to be clarified. As features of criminal law of the new uniform
business law are still lacking or underdeveloped, another effort has to be made in this
respect.