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Les droits du contribuable au Cameroun

Steve Thiery Bilounga


Dans Gestion & Finances Publiques 2018/1 (N° 1), pages 109 à 118
Éditions Lavoisier
ISSN 1969-1009
DOI 10.3166/gfp.2017.00157
© Lavoisier | Téléchargé le 02/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.202.207.4)

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International

Steve Thiery BILOUNGA1


Docteur en Droit public, Faculté des Sciences juridiques et politiques,
Université de Ngaoundéré, Cameroun

Les droits du contribuable


au Cameroun

Mots-clés : droits contribuable - administration - sécurité juridique - État de droit - protection

Malgré la multitude de prérogatives de puissance publique de l’admi-


nistration fiscale lors du déroulement du processus d’imposition, le droit
fiscal camerounais, enclin aux exigences de sécurité juridique et d’État de
droit, reconnaît plusieurs droits au contribuable dans ses relations avec le fisc
ou, éventuellement, avec le juge. Il peut s’en prévaloir durant les opérations
de contrôle et de redressement qu’il subit de manière générale, et même en
cas de litige avec la personne publique, lorsqu’il estime avoir été lésé dans
ses droits.
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D
ans les États en développement en gé- de la bonne gouvernance, commandent ces États
néral et ceux africains en particulier, à doter les contribuables avant pendant et après
le contribuable, tel un doigt entre leurs relations avec l’administration fiscale, de
l’écorce et l’arbre, se situe au point de rencontre plusieurs droits dont la protection est tout aussi
de deux dynamiques a priori de sens opposés : impérative que la contribution pécuniaire pu-
celle d’un rendement fiscal sans cesse croissant
blique elle-même. La position du contribuable
et celle d’une protection tous azimuts des droits
devient alors délicate, car d’un côté, elle requiert
du contribuable. D’une part, les fluctuations des
de la part de l’État, un encadrement normatif,
cours du commerce extérieur et les aléas des
matériel et psychologique utile à un acquittement
processus d’endettement intérieur et extérieur,
inclinent les pouvoirs publics à faire des contri- efficace de sa dette fiscale et d’un autre côté, elle
buables la panacée de leurs problèmes de finan- emmène l’administration fiscale, en dépit de ses
cement budgétaire. D’autre part, les exigences multiples prérogatives de puissance publique, à 1
Vice-Doyen en charge de la
de libéralisation et de démocratisation que dialoguer, au besoin, à négocier avec ce nouveau Programmation et du Suivi
des Activités académiques
charrie le mouvement universel de promotion partenaire des opérations financières obligatoires. à la Faculté éponyme.

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Le contribuable camerounais n’échappe pas à la confrontation des intérêts pécuniaires de


cette réalité. Bien que sortant progressivement la puissance publique et du contribuable tend
d’un niveau d’endettement élevé à un endet- parfois à faire pencher la balance beaucoup
tement soutenable, l’État camerounais fonde plus du côté de l’assujettissement au droit au
l’essentiel de ses espoirs de financement budgé- détriment de celui de la promotion et de la
taire sur le contribuable, en dépit de toutes les défense des droits, en dépit malheureusement,
opportunités de financement susceptibles de de l’adhésion de l’État camerounais au statut
découler de l’importation des divers produits noble d’État de droit2. En effet, la volonté légale
locaux. Le besoin de plus en plus croissant de et légitime d’accroissement des revenus fiscaux
ressources nécessaires au financement des semble parfois obnubiler l’administration fiscale
projets structurants initiés sur les chemins de en mettant l’accent surtout sur la position du
l’émergence en 2035, accentue d’ailleurs cette contribuable comme assujetti. Dès lors, ce qui
attention particulière sur le contribuable, car la paraît le plus compter dans les relations fiscales,
majorité d’accords internationaux de financement ce sont les obligations du contribuable à partir de
des grands investissements en cours, imposent à la détermination de l’assiette jusqu’à la collecte
la partie camerounaise une participation finan- de l’impôt. Et la moindre inadvertance du contri-
cière, soit-elle moindre, dont la constitution voit buable est susceptible de déclencher automa-
l’apport des ressources fiscales. En même temps, tiquement l’arsenal sanctionnateur de la collec-
la session législative de décembre 1990 suivie de tivité publique. Pis encore lorsqu’il s’agit d’un
la réforme constitutionnelle de 1996 s’est soldée comportement fraudatoire délibéré. Pourtant,
par la reconnaissance de plusieurs droits au autant cette attitude de la personne publique est
citoyen camerounais en général, et au contri- tout à fait normale dans l’optique d’une promo-
buable en particulier. En droit fiscal camerounais, tion efficace d’un sens du devoir fiscal, autant, elle
le contribuable est défini comme toute personne pourrait paraître rébarbative lorsqu’elle met en
physique ou morale assujettie aux champs d’appli- veilleuse les droits que pourrait faire valoir le
cation d’un prélèvement obligatoire et qui sup- contribuable durant le processus fiscal. Tant il
porte directement la charge des contributions, semble impérieux que le contribuable soit dans
impôts, droits ou taxes dont le recouvrement est un État de droit comme le Cameroun, à la fois
autorisé par la loi. Il s’agit donc de chacun de ceux sujet de droit objectif et objet de droits subjectifs.
qui supportent une contribution, c’est-à-dire, la Un parfait équilibre devrait ainsi être établi entre
part incombant à chaque citoyen dans la réparti- l’exigence d’assujettissement au droit par le
tion de la charge des dépenses publiques. Laco- contribuable et celle de promotion et de défense
niquement, le contribuable est toute personne de ses droits par l’administration fiscale. Il est
assujettie au paiement de l’impôt, une entité sujet de droit parce qu’il est au centre de tout
générique qui désigne plus largement tout indi- l’arsenal juridique interne et international enca-
vidu amené à établir des contacts avec l’adminis- drant l’activité fiscale au Cameroun. Il est par
tration fiscale en son nom ou au nom d’une ailleurs objet de droits subjectifs parce que la
personne morale. législation en vigueur lui reconnaît un ensemble
de prérogatives qu’il est en droit de faire valoir
Cette position à la fois décisive et délicate du
lors du déroulement du processus fiscal. Conçus
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contribuable, qui traduit son importance non
en grande majorité pour servir de contrepoids aux
seulement dans la collecte des ressources
prérogatives de puissance publique mobilisées
publiques, mais aussi dans la promotion et la
par l’administration pendant la réalisation du
défense des droits de l’homme au Cameroun,
contrôle fiscal et ses suites possibles, les droits du
suscite de vives interrogations au sujet du rapport
contribuable vont au-delà de la procédure de
particulier qu’entretient cette entité avec le droit.
contrôle et de redressement, pour concerner
En effet, quels sont les droits reconnus au contri-
toutes les opérations d’établissement et de
buable par la législation et la réglementation en
contestation de l’impôt.
vigueur au Cameroun ? En d’autres termes,
quelles sont les différentes garanties reconnues
L’intérêt d’une étude sur les droits du contri-
aux assujettis au Cameroun durant le processus
2
Bilounga S.T. (2015). L’État
buable au Cameroun semble à cet effet percep-
d’imposition ou de contestation éventuelle de sa
camerounais à la croisée des tible sur le double plan théorique et pratique. Du
chemins de l’État de droit et dette fiscale ?
de l’État de police. (À propos point de vue théorique, en sus de l’analyse des
de la loi du 23 décembre 2014 La réponse à cette interrogation apparemment sources originales du droit fiscal telle la doctrine
portant répression des actes
de terrorisme), Cahiers banale dans les facultés de droit, semble pourtant administrative dont elle nous donne l’occasion de
juridiques et politiques de fondamentale sur le terrain de la mise en œuvre cerner, ce travail scientifique offre l’opportunité
l’Université de Ngaoundéré,
pp. 9-32. effective du droit applicable au contribuable, où d’examiner au regard du droit camerounais, des

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notions ou catégories juridiques dont l’intel- La volonté de parvenir aux vérités scientifiques 3
Le juge fiscal tend à devenir
Janus triface parce qu’avant
lection n’est pas toujours aisée en science juri- propre à notre étude, impose la mobilisation l’intervention des juges
diques telle le juge fiscal ou le dualisme juridic- d’une méthode particulière. Nous ferons à cet administratifs et judiciaire,
l’administration occupe une
tionnel. En effet, cette recherche concourt à effet, recours aux méthodes analytique et socio- place importante dans le
dépouillement du contentieux
trancher le nœud gordien de l’identification de logique. Traditionnelle pour le juriste, la méthode fiscal où elle est à la fois juge
ce Janus biface, voire triface3, en droit fiscal analytique consiste à l’exégèse des textes de et partie.
camerounais. Du point de vue pratique, ce travail droit et à la casuistique de la jurisprudence. Cette 4
En faisant la nuance entre
l’effectivité et l’efficacité,
permet d’abord au contribuable de se fixer sur les méthode n’exclut pas la technique documentaire LAITHIER affirme : « est effectif
différents droits qui lui sont reconnus lors du qui permettra aussi d’exploiter les textes de ce qui produit un effet ; est
efficace ce qui produit l’effet
déroulement du processus d’imposition et même, doctrine et de faire, en toute opportunité, des attendu ».Voir Étude
comparative des sanctions de
en cas de litige avec le fisc, lors de la procédure comparaisons utiles avec des expériences étran- l’inexécution du contrat, Paris,
juridictionnelle de solution dudit litige. Ensuite, gères. Basée sur des entretiens conduits avec les LGDJ, Collection Bibliothèque
de droit privé, t. 419, 2004,
les différents mécanismes de protection des contribuables, les membres de la société civile et p. 19. Lire aussi. Frison-Roche
droits du contribuable sont abordés dans ce les agents de l’administration fiscale, la méthode M. A., « L’efficacité des
décisions en matière de
travail, de manière à permettre au contribuable sociologique quant à elle, permettra de confron- concurrence : notions, critères,
typologie », LPA 28 décembre
de les mobiliser en toute connaissance de cause. ter le droit à la réalité quotidienne, afin de mieux 2000, n° 259, pp. 4 et suiv.
Enfin, cette étude fixe les balises sur une nouvelle jauger de l’efficacité4 du dispositif juridique et insti-
forme de relation entre l’administration fiscale tutionnel de protection des droits du contribuable.
et le contribuable, suite à la volonté gouverne- L’on pourra alors, à juste titre, corroborer ou réfuter
mentale d’améliorer la gouvernance fiscale à la thèse selon laquelle, au Cameroun, le contri-
travers l’intensification des procédés de commu- buable, en dépit de la multitude des prérogatives
nication externe. Il se crée alors un dialogue franc de puissance publique, est titulaire de plusieurs
entre le contribuable et l’administration fiscale droits susceptibles d’être mobilisés devant l’admi-
appréhendés dorénavant comme des partenaires. nistration fiscale (I) ou le juge de l’impôt (II).

1 Les droits du contribuable devant l’administration fiscale

En dépit des multiples prérogatives de l’adminis- de contrôle, avant de s’appesantir sur ceux liés à
tration en matière fiscale, le droit camerounais ces opérations.
reconnaît plusieurs droits au contribuable dans
ses relations avec le fisc, que ce soit durant le dé-
1. Les droits reconnus
indépendamment du contrôle
roulement normal du processus d’imposition, ou
alors pendant la réalisation des contrôles ou des Indépendamment de tout contrôle, la déclinaison
redressements éventuels de la dette fiscale. Étant du processus d’imposition proprement dit d’un
un système de déclaration contrôlée, les déclara- contribuable immatriculé permet de répertorier
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tions faites par le contribuable s’accompagnent un ensemble de droits dont le non-respect
impérativement de vérifications. Le contrôle, qu’il pourrait, si ce n’est vicier la procédure d’impo-
soit sur pièces ou sur place, devient par consé- sition, du moins la rendre quasiment impossible.
quent, consubstantiel au processus d’imposition. Ces droits tiennent pour l’essentiel à la produc-
La présentation des droits du contribuable devant tion obligatoire par le fisc des documents et infor-
l’administration fiscale intègre cette réalité en mations nécessaires à l’imposition. Il s’agit d’abord
distinguant les droits inhérents au processus de la Carte du contribuable. Que serait en effet
d’imposition contrôlé (A) des droits propres à la l’impôt sans contribuable ? Et que serait le contri-
procédure de redressement (B). buable sans sa Carte d’identité fiscale que consti-
tue la Carte du contribuable qui solde sa pro-
A. Les droits inhérents au processus cédure d’immatriculation, c’est-à-dire son inté-
d’imposition contrôlée gration dans le commerce fiscal. Il s’agit ensuite,
des formulaires et fiches d’imposition, du rôle
Même si le contrôle est consubstantiel au processus d’imposition pour les contributions directes comme
d’imposition, nous ferons l’effort de rendre distinc- l’impôt sur le revenu des personnes physiques, des
tement compte des droits inhérents au statut de avis de mise en recouvrement et titres de percep-
contribuable indépendamment de toute opération tions. Il serait difficile de déterminer l’assiette, de

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liquider et de recouvrer l’impôt en l’absence de ces les renseignements portant d’abord sur la date de
documents dont la production est non seulement début du contrôle sur place, étant entendu que
impérative mais nécessaire aux contribuables. le contribuable a la possibilité de demander, par
écrit, le report de cette date dans un délai de
Pour ce qui est des informations, le contribuable
quinze jours après réception de l’avis de vérifi-
doit, par exemple connaître son administration
cation ; ensuite, sur les impôts, droits et taxes
fiscale de rattachement, le régime fiscal auquel il
concernés par le contrôle et la date et l’heure de
relève, la position ferme de l’administration fiscale
la première intervention ; enfin, sur les noms et
au sujet de certaines situations prêtant à équi-
grades des agents chargés du contrôle. Car, seuls
voques. Toute fluctuation modifiant le contenu de
les agents des impôts assermentés ayant le grade
ces informations doit absolument être signifiée
d’Inspecteur ont le pouvoir de procéder valable-
au contribuable. La doctrine administrative et le
ment au contrôle. Le contribuable dispose d’autre
rescrit fiscal deviennent à ce titre de véritables
part, du droit de se faire assister d’un conseil de
instruments au service de la garantie des droits
son choix. Conformément à l’article L13 du LPF,
des assujettis. La doctrine administrative est un
tout contribuable, sous peine de nullité de la
ensemble d’instructions et de circulaires publiées
procédure de contrôle, doit être informé du fait
par le fisc, suite à une imprécision d’une dispo-
qu’il a la faculté de se faire assister d’un conseil
sition fiscale qu’elles ont vocation à élucider par
de son choix. Ainsi, qu’il s’agisse de la vérification
une interprétation claire et ferme susceptible
de comptabilité ou de vérification de la situation
de lier l’administration. Quant au rescrit fiscal, il
fiscale personnelle, le contribuable insuffisam-
s’agit d’un procédé qui permet aux contribuables
ment renseigné sur les questions fiscales réputées
de connaître à l’avance, et de manière précise, le
par essence très subtiles, a le droit de recourir à
régime fiscal applicable aux opérations qu’ils
un expert qui l’aidera non seulement à compren-
envisagent réaliser. La loi de finances pour l’exer-
dre, mais surtout à répondre aux différentes inter-
cice 2008 a institué pour le contribuable, la pos-
rogations des agents de vérifications Le système
sibilité de consultation préalable de l’adminis-
fiscal camerounais facilite alors l’assistance tech-
tration avec obligation de réponse pour cette
nique et intellectuelle du contribuable lors du
dernière.
contrôle, en vue des échanges nourris entre le
2. Les droits reconnus lors du contrôle contrôleur et le contrôlé.

Pendant le contrôle proprement dit, le contri-


En dépit de sa délicatesse tenant aux multiples
buable dispose d’un certain nombre de droits
prérogatives du fisc, la procédure de contrôle
relatifs notamment au lieu, au caractère oral
met néanmoins en exergue certains droits dont
et contradictoire, à la durée limitée et au non-
dispose le contribuable en prélude comme à
renouvellement du contrôle. D’abord, le contrôle
l’occasion de la réalisation des investigations.
sur place doit se dérouler dans les locaux de
Avant le contrôle, Le contribuable jouit d’une part l’entreprise. Dans l’hypothèse où le contrôle ne
du droit à l’information. Il doit être informé de peut s’effectuer dans ces locaux ou au lieu du
la venue du contrôle par la remise d’un avis de principal établissement de l’entreprise, il appar-
vérification contradictoire de l’administration. Le tient au contribuable de demander expressément
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contribuable est en outre informé qu’il peut se qu’il se déroule soit dans les bureaux de son
faire assister d’un conseil de son choix. Confor- comptable, soit dans les locaux de l’Adminis-
mément aux dispositions de l’article L13 du LPF, tration. Ensuite, en vertu de l’article L 22 du Livre
5
La taxation d’office est un la toute première intervention en entreprise doit des procédures fiscales, le contrôle, sous peine
mécanisme de sanction des
contribuables récalcitrants. impérativement être précédée huit jours à l’avance de taxation d’office5, est une procédure impérati-
Elle est prévue à l’article L 29
du Livre de procédures
d’un avis de vérification. Cet avis accompagné de vement contradictoire, afin de permettre au
fiscales. En effet, les la Charte du contribuable vérifié, doit être envoyé contribuable de se justifier sur sa situation fiscale.
contribuables qui n’ont pas
déposé dans le délai légal les sous pli recommandé avec accusé de réception Le caractère contradictoire semble donc ne pas
déclarations qu’ils sont tenus ou remis en mains propres au contribuable contre être l’apanage des procédures juridictionnelles.
de souscrire en application du
Code général des impôt en décharge. Le contribuable concerné doit donc Il est aussi un droit subjectif, une importante
leur qualité de redevable, sont d’abord être avisé dans un délai suffisant de garantie du contribuable dans le déroulement
taxés d’office. Cette sanction
n’est cependant possible que l’intention de l’administration de procéder à une des vérifications fiscales. Ce droit très proche du
si le contribuable défaillant ne
régularise pas sa situation vérification de sa comptabilité. L’absence d’avis principe du respect des droits de la défense, ne
dans les quinze jours qui rend la procédure automatiquement irrégulière. pourrait même pas dans sa jouissance par le
suivent sa réception de la
lettre de relance de Le contribuable doit alors être informé de contribuable, être obstrué à cause du vérificateur,
l’administration fiscale valant manière précise de la nature et de l’objet du par le déplacement ou l’emport des documents
mise en demeure de déposer
ses déclarations. contrôle dont il fera l’objet. À ce titre, sont requis, comptables en dehors des locaux de l’entreprise.

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Ainsi, la procédure de vérification devient irrégu- dure de redressement fiscal. Selon l’article L 23
lière, lorsqu’elle n’est pas orale et contradictoire, du Livre de procédures fiscales, lorsque l’adminis-
sauf si cette absence est imputable au contribua- tration constate une insuffisance, une inexacti-
ble lui-même. Le contribuable doit avoir la possi- tude, ou une omission dans les éléments servant
bilité d’être au centre d’un dialogue organisé avec de base au calcul des impôts dus, les redres-
le vérificateur, quelle que soit la procédure de sements correspondants sont effectués suivant la
vérification applicable. procédure contradictoire. Cette procédure est
judicieusement organisée autour d’une formalité
Enfin, selon l’article L40 du livre des procédures
substantielle, à savoir la notification de redres-
fiscales, les investigations sur place, entre le
sement, qui ouvre la voie aux réponses du contri-
commencement effectif du contrôle et sa dernière
buable, la charge de la preuve de l’inexactitude
visite, ne peuvent durer plus de trois mois dans le
des déclarations incombant à l’administration.
cadre d’une vérification de comptabilité, et un an,
en ce qui concerne la vérification de la situation
fiscale personnelle d’ensemble. En effet, maintenir
1. Le droit à la notification du
redressement ou de l’avis de
le contrôle pendant une durée très longue peut non-redressement
avoir des répercussions sur le moral du contribua-
ble contrôlé qui serait en permanence tendu. Conformément à l’article L 24 du Livre des procé-
Or il doit disposer de tout son confort moral et dures fiscales, à l’issue du contrôle, l’adminis-
mental pour bien conduire son activité écono- tration adresse au contribuable une notification
mique taxable. Et une présence permanente des de redressement motivée et chiffrée ou un avis
agents de contrôle est susceptible de freiner le d’absence de redressement. Cette disposition
déroulement de l’activité génératrice de revenus confère un véritable pouvoir au contribuable qui
imposables suite à une mise prolongée des doit formellement savoir si les opérations de
agents utiles au fonctionnement ordinaire de la contrôle se sont soldées ou non, par l’impératif
structure contrôlée, à la disposition des inspec- d’un redressement. Dans la première hypothèse,
teurs. En outre, lorsque la vérification au titre d’un une notification de redressement lui est adressée.
exercice fiscal donné, au regard d’un impôt ou Dans la seconde, un avis de non-redressement est
taxe ou d’un groupe d’impôts ou taxes est ache- formulé à son endroit. Quelle qu’en soit l’issue,
vée, l’administration ne peut procéder à de ces documents doivent être motivés et chiffrés.
nouveaux redressements pour ces mêmes impôts L’impératif de motiver le redressement ou le non-
ou taxes sur le même exercice fiscal. Une vérifi- redressement participe de l’obligation générale
cation est considérée comme achevée à la date qui est à la charge de l’administration de justifier
de la dernière intervention sur place du vérifi- de façon claire et précise tous ses actes de procé-
cateur. L’administration ne peut donc pas en dures. Car en droit administratif et plus encore en
principe, sans motivation valable, reprendre droit fiscal, la décision possède à la fois une
proprio motu, un contrôle déjà effectué. Ce n’est histoire et un destin : elle ne surgit pas du néant,
que dans des cas manifestes de fraude que la mais d’un passé procédural qui l’explique et elle
reprise d’un contrôle est possible. La vérification n’est pas une fin en soi car elle ne se justifie que
peut alors s’étendre aux deux années excédant le par sa mise en œuvre. Cette obligation adopte
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délai normal de reprise, même si les deux années des contours spéciaux en matière fiscale, tant
ont déjà fait l’objet d’un précédent contrôle. il est vrai que les questions pécuniaires sont
En sus de ces droits susceptibles d’être mobilisés potentiellement source de conflits. Les relations
en rapport avec les investigations fiscales, les entre le contribuable et le fisc, en l’occurrence ici
assujettis disposent d’autres droits à faire valoir en matière de redressement, ne doivent donc
lors de la réalisation, le cas échéant, de la procé- pas être sources de conflits. D’où, au-delà de
dure de redressement de l’impôt. l’obligatoriété6, la nécessité pour l’administration
d’apporter des éclaircissements sur toute prise
B. Les droits inhérents à la de décision. La motivation de la notification de
redressement constitue ainsi une garantie essen-
procédure de redressement
tielle pour le contribuable contrôlé car ce dernier
Les vérifications faites par les agents assermentés doit être en mesure de connaître très préci-
6
Cette expression désigne dans
du fisc sur la situation du contribuable peuvent sément, avec des chiffres à l’appui, ce qui lui est la théorie positiviste du droit,
avoir deux issues lorsqu’elles ont été fructueuses. reproché, d’apprécier le fondement légal des le caractère obligatoire qui
fonde la juridicité d’un acte.
Elles peuvent aboutir, selon le cas, à l’obligation griefs et, lorsque cela est nécessaire, de discuter Lire Kelsen H. (1962). Théorie
de minorer ou d’augmenter la dette fiscale de la pertinence des arguments qui lui sont opposés, pure du droit, Paris, Dalloz,
2eédition, traduction française,
l’assujetti initialement mal imposé : c’est la procé- en vue d’une réponse. Eisenmann, pp. 4 et suiv.

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7
En dehors des privilèges 2. Le droit de réponse au sujet du contribuable, une garantie précieuse en matière
généralement reconnus à la
personne publique en droit
redressement de preuve. En effet, en cas de contentieux ulté-
administratif à savoir, le rieur, il ne lui appartiendrait pas d’apporter la
privilège du préalable, de C’est à travers la possibilité pour le contribuable
l’exécution d’office et de preuve du montant de la matière imposable. Une
l’interdiction de voies de réagir par ses observations, et de marquer son
telle tâche incomberait à l’administration qui
d’exécution contre l’État, le accord dès réception de la notification de redres-
droit fiscal dote devrait dès lors combattre la présomption d’exac-
l’administration d’autres sement, qu’est clairement démontré le caractère
prérogatives susceptibles de
titude attachée à la déclaration. En effet, le droit
contradictoire de cette procédure. Le contribua-
fragiliser considérablement la fiscal consacre l’obligation pour l’administration
jouissance par le contribuable ble notifié du redressement dispose d’un délai
de ses droits en la matière. Il de supporter la charge de la preuve en cas de
s’agit, pour les plus illustratifs, de trente jours dès réception de la position de
procédure de redressement contradictoire à
des limites au droit du l’administration, pour lui faire parvenir ses obser-
contrôle (articles L34 à L41 du la lecture de l’article L23 du LPF. C’est dire que
LPF), du droit de vations et/ou son acceptation. Ce délai est de
communication (Chapitre II,
l’administration supporte une obligation de
quinze jours en cas de vérification partielle ou de
articles L 42 à L48 LPF), du preuve dans la procédure contradictoire de
droit d’enquête (Chapitre III, L contrôle ponctuel. La défaillance du contribuable
49 à L50 du LPF), de la taxation redressement dès lors qu’elle se propose de
en rapport avec cette condition de délai équivaut
d’office (articles L29 à L32 du « rectifier » la situation irrégulière d’un contri-
LPF). automatiquement à l’acceptation des impôts,
buable. Cette obligation la lie même lorsqu’elle
8
Le complexe du financier taxes ou droits qui seront immédiatement mis en
traduit l’attitude des agents envisage d’appliquer au redressement des sanc-
des services financiers recouvrement. Le contribuable peut exception-
consistant à paraître au-dessus
tions fiscales.
nellement aller au-delà de ces délais en cas de
de la loi. Or, toute opération
financière s’inscrit en principe circonstances exceptionnelles. Il devra alors justi- Ces multiples garanties du contribuable avant,
dans la légalité et toute
attitude s’inscrivant contre la
fier ce comportement particulier. La réponse aux pendant et après le contrôle, permettent de
légalité devrait être observations du contribuable dans son régime constater que les assujettis disposent tout de
sanctionnée.
juridique comporte tous les éléments substantiels même d’une gamme considérable de droits qu’ils
de forme et de procédure de l’acte administratif pourraient faire valoir dans leurs relations avec la
unilatéral dont l’absence est constitutive d’illéga- personne publique, même si leur étendue semble
lité. Pour ce faire, elle contient le timbre de à première vue négligeable, comparativement
service, la date, la signature de l’autorité desti- aux privilèges et prérogatives de puissance
nataire, la motivation, notamment des chefs de publique de l’administration fiscale7. Quelques
redressement. faits rédhibitoires à la jouissance de ces droits
méritent toutefois d’être relevés. Il s’agit de
3. Le droit à la présomption
l’insuffisance des voies de recours hiérarchique ou
d’exactitude des déclarations
des instances consultatives lors du déroulement
Le principe déclaratif permet, théoriquement, au du contrôle et des redressements d’une part, de
contribuable, qui a rempli sa déclaration, de la peur qu’éprouve le contribuable vis-à-vis de la
bénéficier d’une présomption d’exactitude. Tel personne publique et sa relative connaissance de
est aussi le cas en droit fiscal français où la décla- la plupart de ses droits, d’autre part. Ces légères
ration produite par le contribuable bénéficie tares trouvent toutefois un important palliatif dans
d’une présomption d’exactitude et de sincérité. la possibilité pour l’assujetti de saisir des juridic-
Cette présomption offre indéniablement au tions en vue de faire valoir ses droits.
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2 Les droits du contribuable devant le juge fiscal

Dirigé de bout en bout par l’administration, le l’État de droit, de reconnaître à ce dernier le droit
processus d’imposition est dans l’ensemble subi d’accès au juge de l’impôt (A), et celui de béné-
par le contribuable. Le glissement d’un processus ficier de ce dernier d’un procès équitable (B).
régulier à un processus irrégulier est souvent très
facile, du fait d’une erreur dans l’établissement ou A. Le droit d’accès au juge fiscal
la collecte de l’impôt. Aussi, du fait du complexe Doter le contribuable du droit d’accéder à la
du financier8, les agents des services fiscaux juridiction participe de la volonté de le munir des
tendent souvent à poser des actes anormaux qui moyens propres susceptibles de compenser,
violent les droits des contribuables. Il devient dès autant que possible, le déséquilibre résultant
lors juste, dans un contexte de promotion de de sa situation d’assujetti en rapport avec une

114 GFP N° 1-2018 / Janvier-Février 2018


International

administration fiscale qui, en dépit du caractère contribuable ne veut pas procéder au paiement à
contradictoire d’ensemble de la procédure fiscale, l’amiable de sa dette fiscale après une mise en
conduit de bout en bout l’activité fiscale. Il s’agit demeure restée sans suite, l’administration peut
du droit au procès fiscal qui concerne en principe exercer sur lui des moyens de contrainte dans le
tous les types de contentieux appelés à être cadre d’un recouvrement forcé. Malheureuse-
dépouillés par le juge de l’impôt. Même si le ment, ce mécanisme peut parfois être attentatoire
contentieux de l’imposition occupe en pratique des libertés des redevables. D’où la saisine par ce
une place primordiale, eu égard à son grand dernier du juge.
volume. Défini par Paul Marie Gaudemet et Joël
2. Les manifestations du droit d’accès
Molinier comme l’ensemble des voies de droit au
à la juridiction fiscale : la saisine
moyen desquelles sont réglés les litiges nés de
l’application par l’administration fiscale de la loi En fonction de la nature de l’impôt contesté ou
d’impôt au contribuable, le contentieux fiscal du type de recours, le contribuable peut saisir soit
mobilise aussi les contentieux de l’excès de le juge administratif, soit le juge judiciaire.
pouvoir et de la responsabilité de l’administration En vertu des dispositions de l’article L 126 du Livre
fiscale et le contentieux de la répression pénale des procédures fiscales, en matière d’impôts
des infractions fiscales. Quel qu’en soit le type, le directs et de taxe sur la valeur ajoutée ou de taxes
contribuable est fondé à se pourvoir devant une assimilées, les décisions rendues par le ministre
juridiction afin d’obtenir, selon les voies de droit, des Finances sur les réclamations contentieuses,
la solution au litige qui l’oppose au fisc. et qui ne donnent pas entièrement satisfaction
aux intéressés, peuvent être attaquées devant les
1. Le fondement du droit d’accès à la tribunaux administratifs dans un délai de soixante
juridiction fiscale jours à partir du jour de la réception de l’avis
Au Cameroun, le droit d’accès au juge est un droit portant notification de la décision. Ces juridictions
fondamental constitutionnellement reconnu aux sont saisies par une requête introductive d’ins-
citoyens. Conformément au préambule de la tance, déposée au greffe compétent ou adressée
Constitution du 18 janvier 1996, chaque citoyen par voie postale audit greffe avec accusé-récep-
quel qu’en soit le sexe, a le droit de se faire rendre tion. La saisine du tribunal administratif est le fait
justice. En matière fiscale, ce principe trouve la exclusif du contribuable qui conteste les imposi-
plénitude de son sens, car il faut impérativement tions. En vertu de l’adage selon lequel « nul ne
concilier les intérêts par essence antagonistes du plaide par procureur », il a été admis que le droit
contribuable et du fisc. Il sied en effet de recher- d’agir en justice n’appartient qu’à la personne
cher, autant que possible par des voies de droit, physique ou morale qui est tenue d’acquitter
l’équilibre entre l’ambition d’un rendement fiscal cet impôt, à savoir celle désignée dans la déci-
sans cesse croissant des services fiscaux et le sion exécutoire d’établissement de l’impôt. La
souci d’un gain en perpétuelle augmentation requête est dès lors en principe individuelle et
dans l’activité génératrice de revenus taxables toute requête collective est irrecevable, sauf
du contribuable. L’intervention du juge devient lorsqu’il s’agit d’un recours dirigé contre un acte
nécessaire dès lors que ce juste équilibre est indivisible.
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menacé. Les deux principales phases du processus Par ailleurs, contrairement au cas français, l’admi-
fiscal constituent au Cameroun les meilleures nistration fiscale camerounaise ne dispose pas de
illustrations de l’intervention légale et nécessaire la faculté de saisir le tribunal administratif. Les
du juge de l’impôt. La première phase consiste en décisions rendues par l’administration sur les
l’établissement de l’impôt et comprend à la fois réclamations contentieuses et qui ne donnent pas
la détermination de la matière imposable géné- entièrement satisfaction au contribuable, peuvent
ralement appelée assiette, le calcul de l’impôt être attaquées devant le tribunal administratif
ou la liquidation, et l’identification du redevable. dans un délai de soixante jours à compter de la
Plusieurs litiges portant pour l’essentiel sur la décision de rejet du recours gracieux. Malgré le
contestation du bien-fondé des impositions ou caractère englobant de la formule « décisions
de la régularité de la procédure employée au rendues par l’administration », c’est en fait la
moment de l’établissement de l’impôt, sont seule décision du ministre des Finances dont il est
portés devant le juge fiscal. La seconde phase, question. En effet, au regard de l’article L 119 du
quant à elle, pose aussi des problèmes suscepti- LPF, c’est la réclamation présentée au ministre qui
bles de justifier l’intervention du juge. Elle tient lieu de recours gracieux préalable. La déci-
consiste au recouvrement de la créance fiscale sion du ministre doit intervenir dans le délai de
issue des opérations de liquidation. Et lorsque le trois mois après sa saisine. C’est seulement après

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cette décision que le contribuable est fondé à Le contribuable lésé dans ses intérêts durant
saisir le juge de l’impôt. Il s’ensuit que le délai de l’établissement et la collecte de son impôt par
recours contentieux n’est opposable au contri- l’administration, peut donc saisir le juge afin
buable que si une décision suffisamment motivée d’être remis dans son droit. Celui- ci est tenu de
lui a été régulièrement notifiée. Le procès intenté respecter certaines règles de bonne administra-
par le contribuable n’est cependant pas fait à tion de la justice, ramenant les parties au litige
cette décision du ministre des Finances, mais à fiscal à une position d’égalité et dont le contribua-
l’acte d’imposition dont seules les irrégularités ble pourrait s’en prévaloir : les droits à un procès
sont susceptibles d’être censurées par le juge. Les équitable.
règles applicables au délai pour agir sont d’ordre
public. Au regard de l’article L128 du Livre des B. Les droits à un procès équitable
procédures fiscales, la requête du contribuable,
pour être recevable, doit être présentée par écrit, Une fois saisi, le juge, s’il est compétent, doit
signée par le requérant ou son représentant et impérativement se prononcer pour départager les
contenir l’exposé sommaire des faits, moyens et parties en rendant justice selon la loi et en toute
conclusions de la partie. Elle doit en outre préci- conscience. C’est dire que le juge fiscal doit
ser le montant des dégrèvements en droit et en conduire le procès en toute équité. Car son indé-
pénalité sollicité et être accompagnée d’une pendance lui confère une certaine objectivité
copie de la décision contestée. nécessaire à l’éclosion de la vérité, au sens de la
Le procès fiscal devant le juge judiciaire se loi, à travers ses décisions. Le déroulement du
déroule en premier lieu au niveau des tribunaux procès fiscal est donc une occasion pour le contri-
d’instance qui représentent à cet effet le premier buable de faire valoir ses droits intrinsèquement
degré de juridiction. Lorsque les parties ne sont liés à ces caractéristiques légales de la juris dictio9.
pas satisfaites des jugements rendus par ces Il dispose d’abord, du pouvoir de faire valoir ses
juridictions, elles peuvent saisir les juridictions vues par le biais de la procédure d’instruction
supérieures en se servant des voies de recours qui contradictoire. Il jouit ensuite du droit au double
leur sont offertes. L’intervention des juridictions degré de juridiction.
de l’ordre judiciaire dans le cadre général du
contentieux fiscal est prévue dans trois hypo-
1. Le droit à une instruction
contradictoire : les droits de la
thèses essentielles : le contentieux de la répres- défense
sion pénale des infractions fiscales, le contentieux
d’assiette des impôts indirects et le contentieux La procédure contentieuse fiscale est fondamen-
de la validité des actes de poursuite en matière talement écrite et nécessairement contradictoire,
de recouvrement. L’introduction et l’instruction quel que soit le degré de juridiction mobilisé. En
des instances ont lieu devant les tribunaux civils effet, dès la première phase qui vise à rassembler
du centre des impôts compétent. Ainsi, toutes et à analyser tous les éléments utiles à une solu-
réclamations portant sur des sommes inférieures tion éclairée du juge, l’instruction de la demande
à 10 000 000 (€) sont portées devant le Tribunal du contribuable suscite une production et un
de première instance. Quant aux réclamations échange de nombreux documents justificatifs
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portant sur les sommes supérieures à 10 000 000, et preuves écrites qui aboutissent souvent à un
elles ressortissent à la compétence du Tribunal de véritable débat fiscal entre les parties. Le contri-
grande instance. Contrairement aux règles de buable est alors fondé à réagir en fonction des
saisine du juge administratif, les tribunaux de positions de l’administration ou des sollicitations
première et de grande instance ne sont pas direc- du juge. Conduite selon les règles de procédure
tement saisis du litige par le contribuable. Leur de droit commun, le procès fiscal, dès l’instruc-
saisine se réalise au moyen d’une assignation, et tion, permet ainsi au contribuable de faire valoir
non par voie de requête introductive d’instance. ses droits de la défense. La procédure contradic-
Il s’agit d’un acte destiné à informer solennel- toire impose une véritable communication entre
lement le défenseur qu’il est invité à se présenter les parties au procès, afin de ne pas rompre leur
devant le tribunal pour débattre du litige et égalité. Chacune d’elles doit avoir ample connais-
le faire trancher par le juge. Encore appelée sance de l’ensemble des productions de son
« ajournement », l’assignation est signifiée par adversaire, de manière à pouvoir réagir en toute
9
un huissier de justice à la partie adverse dans un connaissance de cause. Le droit à la communi-
Bilounga S. T., La diction
du droit public financier au délai généralement de huit jours pour ceux qui cation des mémoires et celui de réplique consti-
Cameroun, Revue africaine sont domiciliés dans le lieu où siège le tribunal tuent donc les principaux droits utiles à la défense
de finances publiques, n° 1,
2015, pp. 54 et suivs. compétent. du contribuable.

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a. Le droit à la communication recours ouvertes aux parties : l’opposition, la


tierce opposition, le recours en révision, le recours
Il serait anormal, dans l’optique d’une bonne
en rectification d’erreur matérielle, l’appel et le
administration de la justice fiscale, de laisser les
pourvoi en cassation. Devant le juge judiciaire, le
parties aux procès sans informations l’une sur le
contribuable insatisfait de la solution apportée à
dossier de l’autre. Ce serait une diction du droit
son problème fiscal, peut partir des juridictions
fiscal à vases clos, propice à un climat d’opacité
d’instance saisies au premier degré, jusqu’à la
dans un cadre juridictionnel par essence voué à la
Cour suprême en épuisant toutes les voies de
transparence. En effet, l’hermétisme qui semble
recours autorisées par la loi. Certaines de ces
paradoxalement être la règle lors de la réalisation
voies de recours, principalement l’appel et le
des opérations financières dans l’administration,
pourvoi en cassation, sont la manifestation d’un
ne doit sous aucun prétexte, trouver terre fertile
grand principe conférant un pouvoir certain au
dans le domaine juridictionnel d’où devrait jaillir
contribuable : le principe du double degré de
la lumière. Le contribuable doit dès lors avoir la
juridiction. Ce principe voudrait que le justiciable
possibilité d’être renseigné sur le contenu du
qui n’est pas satisfait de la décision prise par les
dossier adverse, afin non seulement de suivre
juridictions inférieures, puisse saisir les juridictions
l’évolution de l’affaire, mais surtout de préparer
supérieures dans l’optique d’un gain de cause,
en toute connaissance de cause sa réponse éven-
jusqu’à épuisement de la hiérarchie juridiction-
tuelle, lorsque celle-ci est nécessaire. Dans le
nelle. Le contribuable a ainsi le droit de se pour-
cadre d’un procès nécessairement contradictoire
voir en appel et en cassation. Eu égard à la
comme celui en matière d’impôt, la violation
nouvelle configuration du contentieux adminis-
d’une telle garantie est susceptible de vicier toute
tratif issue des lois du 29 décembre 2006 sur les
la procédure. Et le contribuable peut valablement
tribunaux administratifs et la Cour suprême d’une
utiliser cette irrégularité comme un moyen sérieux
part, et à l’importance particulière de la produc-
dans un procès en annulation de la décision
tion juridictionnelle du juge administratif au
initiale devant les juridictions supérieures. Toute
Cameroun d’autre part, nous nous appesantirons
information doit donc être mise à sa disposition
exclusivement sur la procédure juridictionnelle
pour une réponse judicieuse.
administrative.
b. Le droit de réponse
a. Le droit d’interjeter appel
Dès réception au greffe de la requête du contri-
buable, une copie est adressée à l’administration Lorsque le contribuable n’est pas satisfait de la
pour la production de son mémoire en défense solution apportée à sa demande à l’issue de la
qui sera par la suite communiqué au demandeur procédure introduite devant le tribunal adminis-
en vue de la production de ses observations. Une tratif, il peut interjeter appel devant la Chambre
réponse de l’administration peut éventuellement administrative de la Cour suprême en introduisant
en résulter. Il s’ensuit alors un enchaînement de son recours devant le tribunal administratif qui
réponses alternées constitutif d’une discussion s’est prononcé en premier ressort et qui se charge
contradictoire qui est l’essence même de la de transmettre la demande à la section du
procédure contentieuse. C’est le seul moyen de contentieux fiscal et financier de la Chambre
soumettre au juge tous les éléments de la contes- administrative de la Cour suprême. Avec un effet
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tation. Toute insuffisance en la matière de la part non seulement suspensif mais également dévo-
de l’administration ou du contribuable est lourde lutif, la procédure d’appel conduit à juger le litige
de conséquences pour l’une ou l’autre partie. une seconde fois, en tenant compte de tous les
À cet effet, si le ministre en charge des finances éléments de fait et de droit. Elle peut aboutir soit
notifié ne produit pas sa réponse dans un délai de à la confirmation du jugement du tribunal admi-
trois mois, il est réputé avoir acquiescé aux faits nistratif initial, soit à sa reformation en tout ou en
exposés dans la requête du contribuable. Et partie, sur appel du contribuable. Et sur appel de
si pour sa part, le contribuable ne produit pas
l’administration fiscale, le juge peut soit rejeter le
d’observations à la réponse de l’administration
recours, soit annuler le jugement initial. Ce qui
dans un délai d’un mois, il est réputé s’être
l’oblige à statuer à nouveau dans les mêmes
désisté de son action. Il se verra dans l’impossibi-
conditions que les premiers juges.
lité de se prévaloir de son droit au double degré
de juridiction. b. Le droit de se pourvoir en cassation
2. Le droit au double degré de Le pourvoi en cassation est une innovation des
juridiction lois de 2006 réorganisant au Cameroun la procé-
Les jugements du tribunal administratif en matière dure administrative contentieuse en général, et
fiscale sont susceptibles de plusieurs voies de celle fiscale en particulier. En effet, à la lecture de

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l’article 14 de l’ordonnance du 26 Août 1972 la décision à casser. Seules les parties à l’instance
encadrant jadis le contentieux administratif, peuvent introduire un pouvoir en cassation, à
l’appel était l’unique voie de reformation en la condition qu’elles aient intérêt.
matière. Le pourvoi en cassation est introduit ici
par les dispositions des articles 83 à 103 de la loi Parvenu au terme de cette analyse, il semble
n° 2006/016 du 29 décembre 2006 fixant l’organi- manifestement se dégager qu’au Cameroun, les
sation et le fonctionnement de la Cour suprême. droits du contribuable ne se limitent pas aux
Il se présente comme la voie de recours instituée seules garanties qui lui sont accordées lors de
contre toute décision rendue en dernier ressort l’établissement, de la collecte ou du contrôle de
par une juridiction administrative afin de contrôler son impôt. Ceux-ci l’accompagnent même dans
la régularité de ce jugement définitif au titre de sa ses relations éventuelles avec le juge, en cas de
légalité interne ou externe, mais en dehors de conflit l’opposant à la puissance publique. Non
toute appréciation des faits. Tout contribuable seulement il a le droit de le saisir lorsqu’il s’estime
insatisfait lié par une décision revêtue de l’autorité insatisfait des suites de sa réclamation fiscale,
définitive de chose jugée, peut donc introduire un mais il s’attend également à ce que l’examen de
pourvoi en cassation devant la Cour suprême, sa requête soit respectueux de ses droits fonda-
sans que cela soit constitutif d’un troisième degré mentaux. Toutefois, la reconnaissance par l’État
de juridiction. Le pouvoir n’est pas, en effet, camerounais de tous ces droits au contribuable
destiné à faire juger une troisième fois la totalité s’accompagne-t-elle toujours d’une garantie
de l’affaire. Le juge de cassation a seulement pour effective ? L’étude du système de protection
mission de vérifier si la règle de droit a été bien édifié ici aurait peut-être pu trancher ce nœud
appliquée par les juges du fond lors de la prise de gordien. n
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