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Michèle Leclerc-Olive
Dans Techniques Financières et Développement 2013/3 (n° 112), pages 97 à 102
Éditions Épargne sans frontière
ISSN 1250-4165
DOI 10.3917/tfd.112.0097
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Double bind ?
D’un côté, on semble prêt à vouloir expérimenter des formes de décentralisation
de l’initiative en matière de politiques publiques et faire confiance aux acteurs
locaux pour conduire les affaires et dépenser les ressources qui leurs sont allouées
(voir infra) mais, de l’autre, on leur demande de rester des spectateurs passifs de
l’exploitation des richesses du territoire dont ils ont la responsabilité. D’un côté,
les populations attendent de ces collectivités qu’elles leur apportent bien-être et
développement socio-économique, de l’autre, celles-ci assistent impuissantes à
la prédation des ressources locales (laquelle s’accompagne le plus souvent d’une
dégradation des sols et de l’environnement pour plusieurs dizaines d’années, voire
pour plus d’un siècle, sans parler des expulsions fréquentes de cultivateurs et d’éle-
veurs des terres accordées aux sociétés minières).
Ce contexte, qui surdétermine la faible capacité des collectivités territoriales à
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implantation ne répond à aucune logique de terrain ; qu’elles ne s’insèrent pas dans
un projet cohérent de développement social ; qu’elles ignorent le plus souvent les
plans de développement économique, social et culturel des communes. On ne peut
que se réjouir que ces équipements améliorent les conditions de vie des habitants.
Cependant, ce ne sont que des mesures ponctuelles, compensatoires, qui ne consti-
tuent en rien des « leviers » de développement pour l’économie locale.
Globalement, le paradoxe demeure donc : vivre sur un territoire dont les richesses
sont exportées afin de générer du développement économique ailleurs, et rester
condamné à gérer des budgets dérisoires qui ne permettent aucun investissement à
la hauteur des besoins en matière de développement économique local4.
Fiscalité
Si les réformes de décentralisation ont mis en avant la libre administration locale sur
la base de l’autonomie financière, cette dernière expression est elle-même source
de confusion. En effet, si plus encore que l’autonomie de gestion, c’est la capacité
d’initiative qui constitue l’objectif de ces réformes, il paraît expédient de ne pas
confondre autonomie de gestion et autonomie fiscale (Bouvier, 2012) ; et celle-ci
– la capacité de la collectivité territoriale à définir les règles de ses prélèvements –
est elle-même en général entendue comme une compétence définie dans les seuls
termes d’une fiscalité locale propre qui se surajoute à une fiscalité nationale définie
unilatéralement par l’Etat.
Cette fiscalité nationale est par ailleurs plus que complaisante à l’endroit des
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Les chantiers
Permettre aux collectivités territoriales d’assumer la double mission qui leur a été
confiée – consolider la démocratie et créer les conditions d’un développement
socio-économique de leur territoire – requiert de réduire les paradoxes de la situa-
tion actuelle. C’est donc au point de rencontre de diverses questions qu’il convient
de placer la réflexion :
1. comment passer d’une politique minière définie exclusivement par l’Etat à des
politiques relatives aux activités extractives négociées entre l’Etat et les collecti-
vités territoriales qui ont à faire face aux dommages environnementaux et autres
que ces activités génèrent ?
5 On notera au passage que cet organisme n’a pas vocation à rendre public les revenus du secteur minier qui quittent le pays.
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Financement des PME
2. comment faire en sorte que les activités d’extraction génèrent localement
d’autres activités économiques, notamment industrielles, susceptibles de perdu-
rer au-delà du temps d’exploitation des ressources minières ?
3. comment intégrer le temps d’impact de l’activité extractive sur l’environnement
toujours beaucoup plus long que la durée de l’activité elle-même ?
4. comment adapter le système financier local à ce nouvel environnement
économique ?
5. comment passer de l’autonomie de gestion à l’autonomie fiscale ?
Références bibliographiques
• BOUVIER Michel (2012), « Refonder l’autonomie financière locale. Une ques-
tion politique », Espace Public, Note 5, mars 2012.
• CAMPBELL Bonnie (2012), « Le chiffre comme outil politique », Colloque inter-
national organisé par le GEMDEV, La mesure du développement, UNESCO, 1-3
février 2012.
• PAULAIS Thierry (2012), Financer les villes d’Afrique. L’enjeu de l’investissement local,
AFD, Banque mondiale.
• YATTA François Paul (2009), La décentralisation fiscale en Afrique – Enjeux et pers-
pectives, Karthala.
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