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Alexandre Evin-Leclerc
2017/5 N° 5 | pages 77 à 81
ISSN 1969-1009
DOI 10.3166/gfp.2017.00102
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-gestion-et-finances-publiques-2017-5-page-77.htm
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Alexandre EVIN-LECLERC
Consultant du secteur public
M
ercredi 19 avril 2017, la deuxième Accessibles en présentiel ou en Webinar, ils
rencontre des Rendez-vous de la Trans- s’adressent aux Directeurs Généraux des Services
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doi:10.3166/gfp.2017.00102
GFP N° 5-2017 / Septembre-Octobre 2017 77
Finances locales
Mettling de septembre 2015 « Transformation une seule fois les difficultés, plutôt que les unes
numérique et vie au travail », après avoir établi un après les autres, des solutions ont été mises en
diagnostic précis et détaillé sur les impacts de la œuvre par et pour toute la collectivité. Enfin, tous
numérisation de nos cadres de travail, proposait ces choix ont permis une montée en compé-
36 préconisations pour adapter nos organisations tences des agents et une visibilité des expertises.
et accompagner les mutations sociales. 2. La digitalisation a été possible grâce à l’impli-
Aujourd’hui, comme les entreprises, les collecti- cation des opérationnels, un outillage performant
vités territoriales sont concernées par l’enjeu du et une information pertinente. En effet, la lisibilité
digital, hier par la mise en place de la procédure de la chaîne financière s’est construite par une
SEPA1 ou l’implémentation d’ERP2, aujourd’hui responsabilisation des opérationnels, une répar-
par la dématérialisation des factures, demain par tition des rôles plus claire entre opérationnels et
la généralisation de l’open data. Ces différentes financiers et enfin, une information enrichie et des
(r)évolutions ont pour le moment été bien adop- processus prévisibles.
tées, mais nécessitent de mettre en place de nou- En replaçant les responsabilités là où elles doivent
velles organisations, de nouveaux modes de faire. être, les opérationnels sont devenus responsables
C’est notamment le cas pour les directions des de leur projet et ce, grâce aux fonctions support
Finances, en mutation constante. Si elles restent qui les ont « équipés » : conseils, procédures admi-
garantes de la fiabilité de la chaîne comptable, nistratives, système de pilotage…
elles doivent aussi contribuer à une adaptation du « Les finances sont l’affaire de tous les agents,
changement pour leur direction et l’ensemble des même des opérationnels ! »
autres directions de la collectivité.
Il faut également retenir que permettre la déma-
La transformation digitale appelle ainsi à penser térialisation, c’est adapter les procédures aux
et définir un projet collectif et global, comportant contraintes de la dématérialisation et avoir une
un volet juridique, technique, métier, managérial structure suffisamment agile et maîtrisée pour
et surtout, humain. dépasser les blocages techniques. Afin d’arriver
à une dématérialisation de bout en bout, il a fallu,
Romain ROGUET concernant la Métropole européenne de Lille,
Directeur Général Adjoint aux Finances de adopter une approche par processus : quels sont
la Métropole européenne de Lille les besoins et comment les satisfaire ?
Comme d’autres collectivités qui travaillent ou qui
Roman ROGUET est revenu sur l’expérience de la
ont déjà mis en place la dématérialisation, il a
Métropole Européenne de Lille dans le déploie-
également fallu scanner en masse les entrées,
ment du chantier de transformation digitale de la
mais aussi maintenir un parcours du document
fonction finance.
100 % dématérialisé en interne.
« La dématérialisation à la Métropole euro-
La dématérialisation est une démarche progres-
péenne de Lille s’inscrit dans un projet plus
sive. C’est pourquoi il faut accepter de se laisser
global de réorganisation des fonctions support »
du temps : ne pas attendre que l’infrastructure
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Les DGA et directeurs ont également été régu- moins de stock restant en fin d’année, donc qu’un
lièrement informés sur le projet. Des échanges meilleur ciblage des factures à enjeux avait été
réguliers ont été mis en place pour anticiper les fait. Cela a permis d’obtenir une clôture financière
difficultés et impliquer la hiérarchie. beaucoup plus juste : l’atterrissage comptable
De plus, un important travail de formation du s’est fait à 20 M€ près en 2014 contre 1 M€ près
service de la dématérialisation comptable aux en 2016 !
Finances a été organisé (110 séances de formation, Notons également que la dématérialisation et
640 agents opérationnels formés et 60 financiers) centralisation de la chaine financière ont été
ainsi qu’une assistance de chaque groupe de indissociables. Les blocages de la dématériali-
directions, sur place, une fois par semaine pendant sation ont été essentiellement le fait de pratiques
trois mois après la bascule à la dématérialisation. « divergentes ». L’ordinateur ne connaissant
Le déploiement du projet s’est également qu’une ou deux manières de faire, il a fallu harmo-
appuyé sur la Direction des Ressources Humaines. niser les procédures. Celles-ci ont par ailleurs été
Celle-ci a participé à l’équipe projet, a permis accueillies assez favorablement par les opération-
l’organisation d’un forum de la mobilité spéci- nels. Enfin, la maîtrise de la totalité de la chaîne a
fique et à procéder à des rencontres individuelles permis une réactivité suffisante pour résoudre les
avec les agents le souhaitant (44 en tout). blocages en adaptant les procédures.
4. La Métropole Européenne de Lille a également Au final, la réforme a été assez bien comprise par
choisi d’associer les agents. les agents. Sur la base d’une enquête satisfaction
Elle a ainsi mis en place une structure de pilotage menée auprès de 2 500 agents et à laquelle 140 ont
connue de tous : Chef de projet (DGA Finances), répondu, 64 % connaissent les objectifs de la réor-
Comité de pilotage (DGS + DGA), Comité tech- ganisation et 85 % connaissent le rôle des CSP3.
nique (1 représentant par pôle) et des groupes de En mettant en place une stratégie d’accompa-
travail (4-5 réunions par fonction) mêlant opéra- gnement et de formation auprès des équipes, le
tionnels et fonctionnels. Ceci a permis d’effectuer projet s’est donc mis en place « facilement ».
un travail sur la répartition des tâches et sur les
procédures structurantes. 6. Certains facteurs clés de succès sont identi-
fiables. Le soutien de la Direction Générale a été
De plus, des conférences d’informations régu-
primordial. Mais il faut également souligner la
lières (trois sessions en neuf mois dont deux
confiance des équipes Finances et Commande
portant spécifiquement sur la dématérialisation)
Publique dans leurs cadres, ainsi que le maintien
ont été organisées à chaque étape du projet,
de relations de proximité entre ces agents et les
spécifiques aux agents concernés mais aussi -sur
opérationnels. Enfin, le dialogue avec les organi-
une base volontaire- à tous ceux de la Métropole.
sations syndicales, à chaque étape de décision, a
Enfin, le projet s’est déployé en toute transpa- permis d’éviter de créer des points de blocage et
rence. Tous les documents ont été mis à disposi- a permis d’intégrer les préoccupations concer-
tion de tous les agents sur un espace collaboratif nant les conditions de travail des agents.
avec la possibilité de réagir et de faire part de
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8. Les points de vigilance sont tout d’abord tech- Orange a fait de l’expérience salariée la base de
niques : établir un partenariat avec la SSII4 ; garantir cette démarche.
une réelle maîtrise d’ouvrage financière pour
1. À l’ère du digital, la transformation numérique
comprendre la technique et ses implications sur
peut sembler oublier, dans les entreprises,
l’activité des agents financiers et opérationnels ;
l’aspect humain. Afin de remédier à ce risque,
s’assurer de la réactivité des éditeurs dans la réso-
une « ambition RH » a été pensée chez Orange
lution de « bugs »… La mise au point d’un schéma
dès 2010, et réécrite en 2015. Elle vise à faire
technico-fonctionnel est donc indispensable.
d’Orange un employeur digital et humain.
Les points de vigilance sont également du ressort
des ressources humaines : impliquer les agents, Aujourd’hui, c’est la société civile qui pousse les
même si on n’en sent pas toujours immédia- entreprises à évoluer. Mieux encore, chaque échelon
tement la valeur ajoutée ; informer régulièrement hiérarchique apporte quelque chose aux autres.
sur les évolutions des outils et des procédures ; Et face à la présence – historique – de plusieurs
mettre en place des référents dans les services ; générations au sein d’une même entreprise, il
maintenir les liens entre les financiers et les opé- fallait résoudre une équation : comment faire
rationnels… travailler ces différentes populations ensemble ?
9. Pour 2017, les perspectives attendues portent, « Chez Orange, il n’est pas rare de voir des apprentis
tout d’abord, sur la valeur ajoutée de la dématé- “éduquer” leurs collègues. Nous appliquons le
rialisation : principe novateur du monitoring reverse ! »
– Simplifier les procédures (par exemple : défini- Orange a ainsi choisi une stratégie axée sur l’ex-
tion avec le comptable d’une liste fermée de périence salariée afin de comprendre ce que
pièces justificatives de dépense, limiter le type l’employé va vivre. Cette expérience repose sur
des formules de révision…) ; trois points : les compétences, l’agilité collective
– Développer des cadres de référence et des et l’engagement individuel.
aides (outils en ligne, tableur de calcul compor- 2. Afin de mener à bien sa transformation digitale,
tant l’impact des indices mis à disposition tous les Orange a créé une Digital Academy, visant à
agents, enrichissement des tableaux de bord des former les salariés au numérique. Cela passe par
opérationnels et des cadres. l’utilisation des réseaux sociaux, la création d’un
D’autres points seront travaillés comme le renfor- réseau social interne ou encore, des visas métiers,
cement de la synergie marchés publics/finance, la pour tous ceux qui veulent se former sur les ques-
stabilisation technique de la dématérialisation ou tions du numérique. Les méthodes de mana-
la révision du dispositif de support fonctionnel. En gement ont été revues et adaptées. Des recru-
effet, avec la dématérialisation, la Métropole est tements internes de salariés, connaissant bien
passée de 200 à 900 utilisateurs du système l’entreprise, ont été réalisés afin de mettre en
d’information financier, dont certains sont des place une méthode de type « change manage-
techniciens peu informés des questions financières ment ». Des groupes, non pas de salariés, mais
ou peu familiers avec l’outil informatique. Cela « d’intelligences », ont ainsi été créés pour parti-
nécessite de continuer une communication impor- ciper au changement.
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C’est en posant ce genre de question que la révo- mesure des étapes, ils apparaissent d’eux-mêmes
lution numérique a pu se mettre en place. et sont compris.
Dès septembre 2014, une équipe dévolue à la De plus, à chaque étape, il est essentiel de
transformation digitale a été créée, en accord « sonder » les collaborateurs. Ceci permet, d’une
avec la Direction de l’Innovation. Celle-ci a permis part, de leur montrer ce que l’on aimerait obtenir
d’accompagner les projets et l’expérimentation pour les équipes et, d’autre part, qu’ils expriment
au sein de l’entreprise mais également d’éviter ce qu’ils souhaitent. Ces échanges permettent
l’opposition entre les différentes directions. également d’adapter les discours pour accompa-
Afin d’amener la transformation, il a également gner les collaborateurs et mener une conduite du
été décidé de mettre à disposition toutes les changement. On en revient donc à une notion
informations concernant les conduites de projet. essentielle : la communication.
Chacun peut donc suivre les évolutions et propo- En 2010, Orange a mis en place un baromètre
sitions. Orange a ainsi joué la transparence auprès social, qui interroge les collaborateurs par échan-
des équipes. tillonnage. Celui-ci touche toutes les compo-
Pour accompagner davantage les salariés, un santes de l’entreprise. C’est aussi un élément de
système de formation a été mis en place : Orange discussion avec les organisations syndicales, qui
Learning. Ce système propose des formations en permet de mesurer ce qui fonctionne ou ce qui
présentiel, mais aussi en différé (MOOC5 par doit être corrigé. Aujourd’hui, avec la transfor-
exemple). De cette façon, chacun y trouve son mation digitale, ce baromètre évolue. C’est pour-
compte et monte en compétence à son rythme. quoi Orange propose à ses collaborateurs, par le
biais d’une application interne, de juger et dire
3. Une stratégie a dû être pensée pour mener
s’ils se sentent bien dans la conduite du change-
à bien le projet de digitalisation. Celle-ci a com-
ment. De plus, en proposant ce type d’outil, les
mencé par une analyse du besoin et une réflexion
« réfractaires » au changement intègrent petit à
organisationnelle, préalables à la préparation de
petit de nouveaux outils à leurs missions.
la mise en œuvre par phases.
Le changement se fait pas à pas, tant dans le
L’analyse du besoin s’est construite par une audi-
public que le privé. Mais en accompagnant les
tion individuelle des 10 DGAS, de l’ensemble des
équipes, et les formant et en les écoutant, tout
directeurs, des SG et des chefs de GFAJ et une
changement peut être une réussite.
analyse de ces auditions.
Suite à cela, la réflexion a pu se construire par un
travail sur les conséquences organisationnelles du
projet et une définition du rôle des cellules de Conclusion
pilotage et d’appui (CPA) et de leurs respon-
Des échanges et débats qui ont eu lieu, 3 facteurs
sables.
clés de succès du déploiement d’une démarche
Il est essentiel d’identifier les acteurs du change- digitale et d’une mobilisation des équipes
ment. Chez Orange, par exemple, des réseaux de peuvent être identifiés :
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