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: LA RESTRUCTURATION DES
ENTREPRISES EN CROISSANCE
Fin légale de l'entreprise, la dissolution est comparable selon une image répandue des sociétés à
la mort des personnes physiques car la dissolution marque la fin irrémédiable de l'entreprise constituée
sous la forme sociale initialement choisie par les associés. .Aux termes des dispositions de l’article
L.237 -2 du code de commerce et 204 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des sociétés
commerciales et du GIE une société est en liquidation dès l’instant de sa dissolution. La liquidation est
la conséquence normale de la dissolution voire de la disparition de la société. Or dans le cadre des
fusions, il n’ya pas lieu à liquidation ce d’autant plus que la société absorbée se trouve liquidée du seul
fait de la réalisation de la fusion sans qu’il n’y ait lieu à liquidation L’opération implique transmission
universelle des biens de la société absorbée et exclusion de la nomination du liquidateur de même que
les règles relatives à la procédure de liquidation des sociétés.71.A la suite des opérations de
restructurations, la société absorbée est dissoute. Cette exigence initialement posée par la
jurisprudence dans un arrêt de principe rendu par la Cour de cassation le 28 janvier 194664conserve
aujourd'hui toute sa valeur. Ainsi, deux sociétés qui conviennent de regrouper leurs activités
commerciales sans perdre leur existence proprene peuvent être considérées comme ayant fusionné65.
La solution est incontestable depuis que 64Cass. 28 janvier 1946 D. 1946, jurispr. p. 168.65Cass. soc.,
14 mars 1979 : Bull.civ. 1979, V, n° 233.
34l'article 1844-8 du Code civil applicable à toutes les sociétés a décidé que la dissolution de la société
en dehors des cas de fusion ou de scission emporte sa liquidation. 72.Ce sont les modalités de
réalisation de l'opération qui déterminent les sociétés qui disparaîtront à la suite de la fusion ou de la
scission. En cas de fusion-absorption, seules la ou les sociétés absorbées sont dissoutes ; l'opération se
soldant pour la société absorbante par une augmentation de capital. La fusion n'affecte absolument pas
la personnalité morale et ne saurait donner naissance à un être moral nouveau. Dans l'hypothèse d'une
fusion par création de société nouvelle, la personnalité morale de toutes les sociétés regroupées
disparaît. 73.A défaut de disparition de la personnalité morale d'au moins l’une des sociétés parties à
l'opération, celle-ci ne saurait recevoir la qualification de fusion qui en raison de la perte de la
personnalité morale entraîne d’importantes conséquences juridiques
36sociétés commerciales à toutes les autres personnes morales à commencer par les sociétés civiles
dans la mesure où l’article1844-4 du code civil qui envisage l’hypothèse de la fusion et de la scission
d’une société étant à cet égard muet pour ce qui concerne les associations déclarées. Cette extension
analogique est pleinement justifiée dans la mesure où la règle exprimée par l’article L.236-3 n’est que
la manifestation d’un principe plus général, au demeurant parfaitement formulé dans le visa, selon
lequel le patrimoine est indissociablement lié à la personne.78.Il s’ensuit que le patrimoine ne peut
exister sans le support d’une personne physique ou morale mais encore que la personne ne peut exister
sans patrimoine. En conséquence, dans le cas d’une personne physique, la transmission de l’ensemble
du patrimoine ne peut s’opérer qu’après son décès. De la même façon, dans le cas d’une personne
morale, la transmission universelle du patrimoine ne peut s’opérer qu’après son décès,ce qui suppose
qu’elle est liée à la disparition préalable de la personne moralelaquelle suppose une dissolution du
groupement. En tout état de cause, la disparition de l’absorbée est la condition posée par le législateur
pour enclencher la transmission du patrimoine de celle-ci vers l’absorbante. A défaut, l’opération de
fusion ne peut valablement se réaliser. 79.Cette solution a été étendue égalementà une autre décision
dans laquelle, la cour de cassation a décidé que la transmissionuniverselle à une association du
patrimoine d’une association absorbée est indissociable de la dissolution de cette dernière et ne peut se
réaliser tant que cette personne morale n’est pas dissoute. En conséquence, eten l’espèce, l’association
absorbante ne peut se subroger dans les droits de l’absorbée au motif que la dissolution de cette
dernière ne figure pas parmi les conditions suspensives de la fusion70. La cour sesitue en amont pour
refuser à l’absorbante la transmission d’une créance à l’absorbée; elle lui répond qu’elle ne pourrait se
prévaloir d’une transmission universelle si l’organisme d’origine avait pu lui transférer son
patrimoine, ce qui aurait supposé qu’il fut dissout. Ce faisant, la cour applique le principe classique du
patrimoinetel qu’Aubry et Rau l’avaient dégagée à la findu 19èmesiècle dans une approche
personnaliste71. Elle accrédite ainsi un peu plus son application généralisée à toutes les personnes
morales. D’un point de vuepurement intellectuel, on pourrait discuter cette assimilationparce que la
philosophie personnaliste qui sous tend la conception classique du patrimoine n’a de sens que pour
lespersonnes 70Cass.com., 31 Janv.2006, n° 04-14576, BJS 01 Juin 2006, n° 6, p. 814.71Voy.,
dictionnaire de la culture juridique, sous la direction de D.Alland, et F.T. Rials, LAMY, PUF, v°
«patrimoine» par P.L.Frier.
37physiques. En outre,la malléabilité infinie de la personnalité morale, qui est utilemais pure création
de l’esprit, rend difficilement assimilable l’un à l’autre. Mais, d’un point de vue réaliste, rien ne
s’oppose vraiment à la transpositiondès lors qu’elle présente un intérêt pour les personnes morales et
leurs métamorphoses. La théorie classique du patrimoine peut elle cependant être appliquée telle
quelle, alors qu’elle ne relève plus en cas d’une conception philosophico politique de l’être humain,
mais d’un besoin pratique? est il vraiment nécessaire de conditionnerle transfert universel du
patrimoine à la disparition de la personnalité juridique de la personne morale absorbée? le patrimoine
n’est pas de l’essence de la personne morale, des entités pouvant ne pas en avoir,au premier chef les
associations. La preuve en vient du droit des sociétés, qui attache également le transfert universel du
patrimoine au simple apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions, ce qui a également été
discuté mais a été définitivementconfirmé. La raison en vient de la fictivité de la personnalitémorale
qui lui confère une formidable souplesse et adaptabilité. Il n’en reste pas moins que la jurisprudence
maintientle cap, ce que confirmentles arrêtsétudiées et n’admet le transfert universel de patrimoine en
matière de fusion que lorsque le groupement absorbée a juridiquement disparu.80.A l’instar du décès
d’une personne physique, c’est le patrimoine tout entier qui se transmet et non les biens sociaux
envisagés isolément. Par conséquent, la société absorbante ou nouvelle acquiert tous les biens et toutes
les créances de la société absorbée ou scindée et prend en charge le passif de celle-ci selon les
modalités prévues au contrat de fusion ou de scission et sans que l’on doive respecter les formalités de
l’article 1690 du code civil ou cellesde la cession de fonds de commerce72. La société absorbante
devient l’ayant cause à titre universel de la société absorbée, tenue de toutes les obligations de cette
dernièrenon réservées lorsde la fusion73. Elle vient par voie de conséquenceaux droits de la société et
requiert l’ensemble du patrimoine de l’absorbée tant dans sa phase active que dans sa phase passive.
Elle se substitue à l’absorbée dans tous ses droits, biens et obligations74même si cette règle connait
des tempéraments au nom de la liberté contractuelle et de l’autonomie de la volonté ainsi qu’en raison
de l’existence de droits extrapatrimoniaux telle la responsabilité pénale. 72DAIGRE J.J., note sous
cass.com.1erjuin 1993: BJS 1993, p.892.73Com. 13 février 1963,: Bull. civ.III, n° 104.74Cass. Com.,
8 novembre 2005, p. 2875, rappelant que la fusion absorption d’une société propriétaire d’un
immeuble donné à bail entraîne le transfert de plein droit du cautionnement garantissant le paiement
des loyers.
3881.En résumé, la transmission ne peut s’opérer tant que la société n’est pas dissoute.Cette hypothèse
se trouve aux antipodes de la théorie de madame YvonneCHEMINADE75qui invite à constater
combien le sort de la société absorbée est confus: la fusion opère t’elle dissolution ou transformation?
S’agit-il d’un terme oud’une évolution qu’imposent des nécessités économiques? Pour cet auteur, la
fusion n’étant qu’une simple transformation, le critère de dissolution doit être abandonné. Elle
continue en s’interrogeantsi une dissolution qui n’a pas pour but de mettre un terme aux opérations
sociales est une dissolution véritable. Le fondement de cette idée pour l’auteur est que sous l’empire
de la loi du 24 juillet 1966, «la société est en liquidation dès l’instant de sa dissolution pour quelque
cause quece soit».En déclarant que la fusion entraîne «la dissolution sans liquidation...», on aurait pu
s’attendre à ce que le législateur reprenne le premier principe en ajoutant une exception pour la fusion.
Or,en l’absence d’une telle exception, la restructuration par voie de fusion devrait plus s’apparenter à
une transformation.82.Nous partageons difficilement cette idée de madameCHEMINADE pour la
raison toute simple que si,d’une part,la transformation de la société est analysée comme une
mesureautonomede restructuration par l’ensemble de la doctrine,au même titre que les fusions,elle
consisteà changer la forme c'est-à-dire de «vêtement» juridique de la personne76. D’autre part, dans le
cas de la transformation, il n’ya pas de disparition dela personne morale en d’autrestermes, de
dissolution. Or, en matière de fusion, comme il vient d’être démontré,il est obligatoire pour que la
transmission universelle du patrimoine s’opère que l’une des sociétés en l’occurrence
l’absorbée,disparaisse. Au surplus, cette impérativité nous amène à nous interroger sur une autre
finalité de la restructuration à l’instar de la croissance: celled’assurer la disparition des entreprises?
Cette finalité de la restructuration résulterait des articles L.236-3 du code de commerce et 189 alinéa 2
de l’acte uniforme OHADA relatif aux sociétés commerciales et au groupement d’intérêt économique
qui imposent la disparition de le la société absorbée.Ce principe a été posé par la haute juridiction77.
En affirmant que «le terme fusion suppose la réunion d’au moins deux sociétés préexistantes, soit que
l’une absorbe l’autre, soit que l’une et l’autre se confondent pour constituer une société unique», la
cour de cassation laissait entendre que l’une au moins des sociétés parties à l’opération devait
disparaitre. Cette position classique est également admise par la doctrine qui est unanime pour
considérer qu’une véritable fusion implique la disparition 75CHEMINADE Y., nature Juridique de la
fusion de sociétés anonymes, RTD Com., 1970,p.15.76RIASSETTO I., typologie des transformations,
BJS 2010, p.3890.77Arrêt du 28 janvier 1946 précité.
39d’une au moins des sociétés parties à l’opération. Il n’est pas certain, cependant qu’une telle
affirmation rende pleinement compte de la réalité. Si une société transmet à une autre la quasi-totalité
de son actif, si son personnel, ou la quasi totalité de celui-ci est mis au service de la dite société, si en
un mot, la substance de l’entreprise est transmise à une autre entreprise, est il raisonnable d’affirmer
qu’il n’a pas de fusion au seul prétexte que la première conserve une certaine vie juridique?83.Il est
difficile de le penser et l’examen de certains articles laisseentrevoir une évolutiondu droit positif sur ce
point. Dans cette perspective a été proposée,l’opportunité d’un régime alternatif aux fusions par voie
de disparition del'une des sociétés en cause. Les inconvénients inhérents à la fusion traditionnelle
amènent à s'interroger sur l'opportunité d'un modèle alternatif, qui pourrait s'inspirer, mais en les
simplifiant,des techniques déjà utilisées dans d'autres pays et qui viennent, par exemple, de permettre
la « fusion entre égaux ».84.Ainsi, à côté de la fusion-dissolution de la société absorbée que le droit
positif connaît, la « fusion-filialisation » devrait être prévue. Les actionnaires de sociétés parties à une
fusion devraient avoir le choix entre, d'une part, dissoudre la société absorbée et transférer à titre
universel son actif et son passif à la société absorbante, d'autre part, ne pas dissoudre celle-ci et
maintenir son patrimoine en l'état. Dans les deux cas, les actionnaires de la société cible deviendraient
actionnaires de la société initiatrice. Dans le premier cas, leurs actions disparaissent lors de la
dissolution sans liquidation de la société absorbée. Dans le second, leurs actions seraient
automatiquement transférées à la société initiatrice, la société cible devenant sa filiale. Les sociétés
souhaitant fusionner (économiquement) auraient alors une modalité alternative à la fusion (juridique)
traditionnelle. La souplesse apportée, évitant les inconvénients de la fusion-absorption, laisse penser
que cette forme,si elle venait à être prévue , sachant que peu de modifications seraient nécessaires et
des protections équivalentes à celles du régime de la fusion traditionnelle existeraient, pourrait
connaître succès.85.Quoiqu’il en soit,la dissolution de la personnemorale est la condition de
latransmission universelle du patrimoinedont le régime emprunté mérite d’êtrepréciséble. La Cour
étend ainsi le principe posé par l’article