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Transformation digitale et avènement des plateformes

programmatiques : la publicité digitale en question


Nabyla Daidj, Thierry Delecolle, Cédric Diridollou, Catherine Morin
Dans Management & Avenir 2017/4 (N° 94) , pages 131 à 151
Éditions Management Prospective Editions
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.094.0131
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Transformation digitale et avènement des plate-
formes programmatiques : la publicité digitale
en question1
Nabyla DAIDJ2
Thierry DELECOLLE 3
Cédric DIRIDOLLOU4
Catherine MORIN5

Résumé
Cette recherche mobilise le concept de plateforme pour
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analyser la transformation digitale à l’œuvre dans le secteur de
l’achat d’espace médias confronté depuis 2012 à l’émergence
de plateformes programmatiques. Ces plateformes permettent
aux éditeurs de diffuser des invendus et aux annonceurs
d’acheter des espaces en rabais à l’aveugle. La transformation se
caractérise par l’apparition de nouveaux acteurs intermédiaires
dans la chaîne allant de l’annonceur à l’éditeur. Une revue de
littérature sur le concept de plateformes permet de poser les
bases d’une grille d’analyse des logiques d’acteurs à travers
treize entretiens de professionnels de la publicité digitale.
Elle illustre les ressorts économiques associés aux plateformes
mais aussi les rôles des acteurs et les enjeux auxquels doivent
répondre les acteurs historiques pour justifier leur valeur

1 Les auteurs sont cités par ordre alphabétique. Ils remercient les évaluateurs ano-
nymes ainsi que les participants au colloque « Vers une transformation marketing et digitale
de l’entreprise et de ses rôles? » de l’ISTEC pour leurs commentaires.
2 Nabyla DAIDJ : Associate Professor, Telecom Ecole de Management et LITEM -
nabyla.daidj@telecom-em.eu
3 Thierry DELECOLLE : Enseignant-chercheur, ISC Paris Business School -
thierry.delecolle@iscparis.com
4 Cédric DIR IDOLLOU : Enseignant-chercheur, ISC Paris Business School -
cdiridollou@iscparis.com
5 Catherine MOR IN: Alumni MBA eBusiness, ISC Paris Business School -
catherine.morin@iscparis.com

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ajoutée sur le marché. De plus, elle montre que les acteurs


sur les versants peuvent inf luencer la conf iguration de
la plateforme et appelle une réf lexion sur l’évolution des
plateformes.

Abstract
Through the concept of platform, this research analyses the
digital transformation at work in the media space buying
sector faced since 2012 with the emergence of programmatic
platforms. These platforms enable publishers to distribute
unsold space and advertisers to buy discounted space, in a
blind system. The transformation is characterized by the
emergence of new intermediate actors in the chain from
the advertiser to the publisher. A literature review on
the concept of platforms lays the foundation for a grid of
analysis of actors’ logical through thirteen interviews of
digital advertising professionals. It illustrates the economic
mechanisms associated to the platforms but also the roles of
actors and issues that incumbents should meet to justify their
value on the market. Moreover, it shows that the players on
the two sides can inf luence the configuration of the platform
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and calls for a ref lection on the evolution of the platforms.

Depuis le début des années 2010, le concept de transformation digitale suscite


de très nombreuses réflexions et fait l’objet aussi bien de travaux académiques
que d’études de cas dans des secteurs aussi variés que les services (banque et
assurance), les transports, la grande distribution, etc. La transformation digitale
prend plusieurs formes, concerne tous les acteurs au sein d’une même entre-
prise (processus opérationnels, métiers et modes de travail des collaborateurs,
acculturation de la culture numérique) mais aussi les relations avec toutes les
parties prenantes extérieures (client, fournisseur, prestataire, partenaire, etc.).
Elle est perçue d’autant plus comme une tendance structurelle fondamentale
qu’elle est généralement associée à une autre évolution majeure qui est celle de
la collecte, de l’exploitation et de la commercialisation des données massives
(big data) par le biais de plateformes. La commercialisation de la publicité sur
Internet, qui avait connu peu de changements depuis ses débuts dans les années
2000, n’échappe pas à cette révolution. Grâce à l’achat programmatique, il est
désormais possible d’acquérir l’espace publicitaire de façon automatisée et en
temps réel, alors qu’auparavant il s’agissait de négociations de gré à gré entre
annonceurs et éditeurs très souvent pilotées par des agences médias. Cette
nouvelle modalité transactionnelle a été lancée en 2010 aux États-Unis et en
2012 en France pour écouler aux enchères les inventaires display invendus.
Elle s’appuie sur des algorithmes capables d’analyser une immense quantité
de données et offre la possibilité d’acheter les impressions à l’unité sans for-
cément recourir aux agences médias.

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Transformation digitale et avènement des plateformes
programmatiques : la publicité digitale en question

Les achats programmatiques se trouvent en fait au cœur de la problématique


des plateformes. L’objectif de ce travail est justement d’analyser sur le plan
théorique le concept de plateforme en prenant comme domaine d’application
l’évolution de la digitalisation dans le secteur de la publicité digitale, un secteur
d’activité qui n’a pas été analysé sous cet angle jusqu’à maintenant : quelles
sont les caractéristiques des plateformes qui se retrouvent dans la publicité
programmatique ? En effet, l’achat programmatique prend une importance
croissante sur le marché de la publicité digitale et gagne progressivement les
autres médias. Comme c’est déjà le cas pour d’autres secteurs, les plateformes
sous la forme de places de marché jouent un rôle clé. Il s’agit ici de places de
marché « programmatiques » qui se multiplient pour faciliter et simplifier
l’achat d’espaces publicitaires dans les médias. Ces plateformes sont au cœur
d’une nouvelle forme de mise en réseau des acteurs, d’une reconfiguration du
marché, avec par exemple, l’intensification de la concurrence, aussi bien sur le
marché international qu’en France avec notamment Adwanted, AdBooking et
AdinTime. De plus, l’apparition des data management platforms (DMP), bases
intégrant des données venant d’acteurs tiers et permettant un ciblage publi-
citaire plus fin, pourrait reconfigurer le jeu des acteurs.

Les travaux sur les plateformes technologiques permettent-ils d’appréhender


le fonctionnement de la publicité programmatique et le positionnement des
différents acteurs, au cours du temps ?
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La première partie porte sur le concept de plateforme sur le plan théorique.
Les plateformes ont donné lieu à de nombreux travaux et l’objectif ici n’est pas
de reprendre l’ensemble de ces réflexions mais de proposer une grille d’ana-
lyse de ces plateformes technologiques sur la base de critères spécifiques et
définis. Quels sont les déterminants théoriques de ces plateformes technolo-
giques? La deuxième partie est consacrée aux plateformes programmatiques qui
conduisent à l’arrivée de nouveaux entrants, chacun tentant de se démarquer
avec un modèle ou un positionnement différent. Une étude qualitative, auprès de
13 experts de la publicité digitale, illustre ces mouvements qui redéfinissent le
partage de la valeur autour de ces plateformes de publicité digitale. Elle montre
également, que les annonceurs et les éditeurs ont initié des manœuvres pour
contrebalancer le pouvoir des acteurs propriétaires des plateformes pourtant
au centre du système.

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1. Les plateformes : revue de la littérature et cadre


théorique

1.1. Le développement des plateformes

1.1.1. Les origines : de la notion de plateforme aux écosystèmes

Les plateformes existent depuis de nombreuses années (Baldwin et Woodard,


2009 ; Gawer, 2009a et 2009b) mais c’est l’ensemble des techniques et outils
de traitement de l’information qui ont facilité profondément leur accès, leur
fonctionnement, et modifié leurs mécanismes de création de valeur et leur
modèle d’affaires qui s’appuie notamment sur les données (Van Alstyne et
al., 2016). Les plateformes ont été considérées soit comme des catégories de
marché, à savoir des marchés bifaces (Rochet et Tirole, 2004), soit comme
des architectures technologiques modulaires (Baldwin et Woodard, 2009 ;
Franke et von Hippel 2003 ; Gawer et Cusumano, 2002, 2008) qui permettent
d’accéder à des ressources.

Les plateformes (notamment technologiques), sources d’accélération et d’in-


novation, sont également étroitement liées aux écosystèmes (Parker et Van
Alstyne, 2005 ; Hagiu, 2007a et 2007b ; Gawer et Cusumano, 2012 ; Koening,
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2012, 2013). En effet, c’est par le biais des plateformes qu’il est possible d’ana-
lyser la transformation progressive des formes d’organisation en réseau jusqu’à
l’émergence des écosystèmes d’affaires. Une entreprise ne doit pas être consi-
dérée comme une structure relevant d’un seul secteur mais comme une entité
appartenant à un écosystème d’affaires dans lequel les entreprises co-déve-
loppent des capacités autour d’une nouvelle innovation : « elles travaillent en
collaboration et en compétition pour soutenir les nouveaux produits, satisfaire
les besoins des clients et, éventuellement incorporer le prochain tour des innova-
tions » (Moore, 1993, p. 76). Cette perspective souligne l’intérêt d’approfondir
les relations entre les acteurs.

1.1.2. Les typologies des plateformes

Les plateformes peuvent prendre plusieurs formes. Gawer (2014) distingue


ainsi trois grandes familles de plateformes :

• Les plateformes internes : celles-ci ne dépassent pas la frontière d’une


entreprise et consistent en une organisation particulière de la conception et
de la production des produits, à l’image des véhicules Renault Kadjar et Nissan
Qasqhai qui partagent la plateforme modulaire CMF (châssis, motorisation
et autres pièces) de l’alliance Renault-Nissan. Le mode de coordination de
ce type de plateforme est nécessairement hiérarchique.

• Les plateformes logistiques : elles correspondent à la chaîne logistique


établie par une entreprise qui joue le rôle d’assembleur ou d’intégrateur.

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programmatiques : la publicité digitale en question

Tout comme les plateformes internes, l’objet des plateformes logistiques


est de dégager des économies d’échelle (Hagiu, 2009).

• Les plateformes technologiques (ou industrielles) : elles élargissent et


assouplissent significativement les deux précédents types de plateformes
puisqu’elles s’entendent à un niveau méso-économique. Ces plateformes sont
souvent désignées comme des plateformes digitales et souvent observées
dans le développement de logiciels. Elles lient, de manière plus ou moins
formelle, plusieurs acteurs entre eux (des entreprises et des consomma-
teurs) grâce à un système technologique dont ils sont chacun une partie
prenante, plus ou moins critique. Ces différentes composantes sont parfois
amenées à produire des technologies interopérables et/ou des biens ou des
services mutuellement complémentaires. À la différence des deux catégo-
ries précédentes, la gouvernance des plateformes technologiques n’est pas
nécessairement centralisée ou, plus spécifiquement, individualisée. Il s’agit
plutôt d’un écosystème d’acteurs contribuant à une forme collective de pro-
duction mais dont le mode de coordination n’est pas uniforme. Peuvent en
effet y coexister notamment des logiques formelles ou informelles (contrats,
prix, règles communes d’interaction, etc.). Ces plateformes multi-versants
se distinguent aussi des intermédiaires traditionnels en ce qu’elles ne pos-
sèdent pas les actifs qui font l’objet des interactions entre leurs différents
membres (Hagiu et Yoffie, 2009) et qu’elles mettent souvent directement
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en relation les différents versants (Hagiu et Wright, 2011).

1.2. Stratégie de plateforme technologique et logique d’acteurs :


des approches complémentaires
Les plateformes technologiques renvoient aux stratégies des acteurs et aux
pratiques relationnelles qu’ils développent dans un tel contexte.

1.2.1. Les externalités au centre de l’approche économique

L’approche économique des plateformes technologiques trouve son fondement


théorique dans les travaux de Rochet et Tirole (2006) qui sont prolongés dans
un corpus encore en formation (Caillaud et Julien, 2003 ; Armstrong, 2006 ;
Einsenmann et al., 2009 ; Roson, 2005 ; Rysman, 2009).

La plateforme technologique est définie comme un moyen d’interaction per-


mettant de mettre en relation plusieurs catégories d’acteurs (constituant cha-
cune un versant du marché) qui ont besoin les unes des autres. Ce dispositif
d’intermédiation trouve sa légitimité dans sa capacité à assurer une coordi-
nation efficiente en termes quantitatifs et qualitatifs. L’une des fonctions éco-
nomiques principales de la plateforme est de baisser les coûts de recherche
et de transaction, notamment en facilitant l’appariement entre les acteurs, en
diminuant leur incertitude et en garantissant un certain niveau de confiance.
Ces plateformes sont ainsi productrices d’externalités de réseau indirectes :

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le volume des effectifs de l’un des versants affecte l’utilité des membres ap-
partenant aux autres versants. Les externalités de réseau sont soutenues par
l’existence d’interfaces garantissant l’interopérabilité ou la compatibilité entre
les différentes composantes s’articulant autour de la plateforme technologique.
Plus le nombre de composantes s’élève plus les possibilités de combinaisons
sont importantes et donc l’utilité des produits ou technologies générés par la
plateforme augmente aux yeux de ses membres.

C’est la nature de ces plateformes, ouverte versus fermée, qui conditionne la


valeur susceptible d’être créée (Daidj, 2011). L’arbitrage entre fermeture et
ouverture d’une plateforme technologique revient au final à s’interroger sur les
modalités de contrôle de celle-ci par son fournisseur ou son sponsor. Le contrôle
porte soit sur l’accès à la plateforme, soit sur les composantes centrales de la
plateforme. Dans le premier cas, il s’agit de déterminer quelles sont les règles
d’entrée et d’action sur la plateforme pour les fournisseurs de composantes
périphériques et pour les utilisateurs finaux. Ce premier niveau de contrôle
concerne ainsi les modalités d’offre des composantes périphériques (produits,
services ou technologies complémentaires) à l’ensemble des utilisateurs de
la plateforme. La littérature met en avant deux dimensions supplémentaires
(Rysman, 2009). D’une part, le nombre de versants qu’entend couvrir la plate-
forme (lien avec le degré d’intégration verticale de la plateforme). D’autre part,
les relations qu’elle peut établir avec les plateformes concurrentes, c’est-à-
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dire le degré d’horizontalité déterminant la possibilité pour un groupe d’une
plateforme d’interagir avec un ou d’autres groupes d’une autre plateforme
(arbitrage entre interopérabilité ou non, intégration ou non). Concernant le
degré de contrôle sur les composantes centrales, il s’agit de déterminer les
modalités d’action sur l’architecture de la plateforme et en particulier sur les
composantes centrales. Ce second niveau de contrôle renvoie alors à la question
plus large de la coordination au sein de la plateforme à travers les interfaces,
standards et autres designs dominants. Au final, selon le degré d’ouverture, le
contrôle et la propriété de la plateforme seront plus ou moins partagés (Thomas
et al., 2014). La bonne coordination de la plateforme va déterminer l’intensité
des externalités de réseau ainsi que sa capacité à favoriser une offre riche et
compétitive grâce à un processus de combinaison des composantes efficace.
Le choix auquel sont confrontés les propriétaires de plateforme revient donc
à un arbitrage entre croissance et appropriabilité de la valeur économique
d’ensemble (West, 2003). Cet arbitrage sera différent selon le degré de maturité
de la plateforme (Eisenmann et al., 2009).

La plateforme est considérée comme étant d’autant plus efficace qu’elle est
capable de générer le maximum d’externalités indirectes. Son rôle est ensuite de
permettre l’internalisation des externalités produites (Rochet et Tirole, 2004),
principalement en minimisant les coûts de transaction (Evans et Schmalensee,
2007). Cette internalisation repose sur le modèle économique mis en place par
la plateforme pour capter la valeur économique générée. Cette captation dépend
largement de la structure de tarification. Il s’agit d’un thème qui se rattache

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programmatiques : la publicité digitale en question

essentiellement à la littérature sur les marchés à versants multiples. La centralité


des externalités de réseau indirectes implique que la question de la structure
de la tarification6 (i.e., l’allocation du prix total entre les différents versants)
est au moins aussi sensible que le niveau de prix. Cette structure détermine en
effet l’intensité de ces externalités et conditionne la dynamique de croissance
d’une plateforme technologique et le succès de son modèle économique. Très
généralement, cette structure est asymétrique et l’enjeu est de proposer le prix
le plus bas possible (éventuellement négatif) aux acteurs produisant le plus
d’externalités. En phase de lancement d’une plateforme, cet aspect peut être
encore plus critique7. Pour ce qui est des stratégies de tarification, il n’existe
pas de règles d’or. Certaines plateformes proposent un accès gratuit pour les
consommateurs finaux (les payant même indirectement dans le cas des cartes
de crédit) et préfèrent tirer leurs revenus du côté des fournisseurs de compo-
santes complémentaires. De plus, les stratégies de subventions croisées sont
fréquemment mobilisées. Sur cette question, la littérature conduit au résultat
général suivant (Rysman, 2009) : il ne s’agit plus de se focaliser sur l’élasti-
cité-prix et le coût de production d’un seul côté du marché mais de tous les
côtés. C’est la comparaison des élasticités qui permet d’affiner la politique de
discrimination tarifaire. L’hétérogénéité de l’attractivité de l’acteur d’un groupe
pour les acteurs d’autres groupes de la plateforme (notion de « marquee buyer/
seller » au sens de Rochet et Tirole, 2004, 2006) constitue aussi un critère de
discrimination tarifaire. Enfin, la possibilité pour un acteur de se raccorder à
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plusieurs plateformes (multi-homing) ou non (single-homing) va conditionner
la politique tarifaire pratiquée à son égard (Armstrong, 2006). La concurrence
pour attirer les acteurs se rattachant à une seule plateforme est potentielle-
ment forte entre plusieurs plateformes concurrentes et la structure tarifaire
s’adapte en conséquence.

1.2.2. Des approches variées en gestion autour des écosystèmes


industriels et des écosystèmes d’affaires : vers une multitude
d’acteurs ?

L’approche de la littérature en gestion met en exergue le concept d’écosystème


pour expliquer les conditions d’émergence des plateformes technologiques :
« l’utilisation des plateformes digitales permet aux entreprise de dépasser les
frontières traditionnelles de leurs industries et d’opérer dans de nouveaux espaces
et de nouvelles niches qui n’étaient définies auparavant uniquement qu’à travers
ces ressources digitales » (Bharadwaj et al., 2013, p. 474).

6 Voir Evans et Schmalensee (2007) pour une distinction entre tarif d’accès (partie
fixe du tarif ) et tarif d’usage (partie variable du tarif ) pour les plateformes technologiques et
leur impact respectif sur leurs effectifs et le volume des transactions au sein de celles-ci.
7 Voir le fameux problème du « chicken-egg » (Caillaud et Jullien, 2003) qui rappelle
la nécessité d’atteindre des seuils d’effectifs de membres d’une plateforme pour enclencher les
effets d’externalités de réseau.

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Les auteurs tels que Thomas et al. (2014) appréhendent la plateforme techno-
logique non pas comme un dispositif de marché mais plutôt comme le point
central d’un écosystème industriel basé sur une infrastructure technologique.
Cette infrastructure est constituée de différentes composantes, qui peuvent
être des produits ou des technologies, dont certaines sont critiques, centrales
et d’autres périphériques. La plateforme technologique est constituée par les
composantes centrales, qui se caractérisent par une moindre variété et une plus
grande stabilité, et elle offre un dispositif permettant à celles-ci d’interagir avec
les composantes périphériques, qui se définissent par une plus grande variété
et variabilité (Baldwin et Woodward, 2009). Le tout forme un écosystème
industriel dont, schématiquement, les piliers les plus fréquemment observés
sont : le sponsor ou le fournisseur de la plateforme (entendue ici comme la
structure de contrôle de l’ensemble des composantes centrales), les producteurs
de composantes périphériques et les utilisateurs de l’ensemble des composantes
combinées en produits et services. Le fournisseur de la plateforme n’est pas
nécessairement celui qui propose ces produits et services mais il constitue un
premier point de contact avec les utilisateurs (Eisenmann et al., 2006, 2008).
Le sponsor ne traite pas toujours directement avec eux, il peut laisser le soin
de le faire à un ou plusieurs fournisseurs. En revanche, il a le contrôle sur l’ar-
chitecture de la plateforme (notamment sur sa dimension technologique et sur
les droits et modalités d’accès). Dans les deux cas de figure, ces rôles peuvent
être pris par un ou plusieurs acteurs, simultanément ou non. Le rapport de
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complémentarité qui s’établit entre le cœur et la périphérie constitue la valeur
ajoutée d’une plateforme et il lui appartient d’offrir les interfaces et les règles
de coordination propices à ces interactions.

Plus généralement, Van Alstyne et al. (2016, p. 56) rappellent que « bien qu’elles
relèvent de différentes variétés, les plateformes partagent le même écosystème
avec la même structure basique, comprenant quatre types d’acteurs. Les pro-
priétaires de la plateforme contrôlent la propriété intellectuelle et gouvernent.
Les fournisseurs servent d’interface avec les utilisateurs. Les producteurs créent
les offres et les consommateurs utilisent ces offres ». Tous ces acteurs de nature
diverse sont considérés comme des créateurs de valeur. Ils n’ont pas toujours
de rôles fixés, pouvant intervertir et changer de rôle rapidement affectant
ainsi la logique d’acteurs aussi bien au sein qu’à l’extérieur de l’écosystème.
Le contrôle de ce réseau passe par le contrôle des composantes centrales et
des règles d’interaction entre l’ensemble des acteurs, produits et technologies
composant le réseau. Il est possible alors de distinguer une tête de réseau (le
leader de la plateforme) qui interagit, de manière directe ou indirecte, avec les
acteurs périphériques composant le reste de l’organisation.

Enfin, dans la continuité des travaux de Moore (1993, 1996 et 1998) sur les
écosystèmes d’affaires, Iansiti et Levien (2004) se servent également de la
métaphore biologique pour décrire les écosystèmes d’affaires. Ils considèrent
qu’il existe trois conditions qui déterminent le succès des écosystèmes : la
productivité, la « robustesse » (la capacité à résister aux chocs et à s’adapter

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programmatiques : la publicité digitale en question

à un environnement changeant) et la possibilité de créer des niches et des


opportunités pour de nouvelles firmes. Ils distinguent quatre catégories d’ac-
teurs au sein d’un écosystème : les acteurs de niche (niche players), les « domi-
nateurs » (dominators), les « centres d’affaires » (hub landlords) et les firmes
pivots (keystones). À l’inverse des « dominateurs », l’entreprise pivot n’a pas
pour objectif de contrôler l’ensemble du réseau, mais cherche à se positionner
sur quelques nœuds stratégiques. Il est généralement admis que l’écosystème
d’affaires repose sur une ou plusieurs firmes pivots qui jouent un rôle essen-
tiel. Ces entreprises pivot ont une influence déterminante sur le processus de
co-évolution. Leur évolution conditionne celle des autres firmes constituant
l’écosystème. Comme le souligne Ronteau (2009, p. 201), « elles permettent,
par leur vision et leurs capacités relationnelles, de mettre sur pied un nouveau
réseau de valeur [et elles] captent une part importante de cette même valeur
(value dominators au sens de Iansiti et Levien, 2004) ». Les entreprises pivot
ont recours généralement à des stratégies de plateforme qui leur permettent
de bénéficier des apports des autres acteurs du réseau.

Ainsi, si la notion de plateforme renvoie à des éléments techniques, elle intègre


également une dimension relationnelle qui est fondamentale (Encadré 1).

Encadré 1 - Les caractéristiques principales des plateformes


technologiques
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Nature de la plateforme : ouverte vs fermée

Composantes centrales / Périphériques

Degré de contrôle : accès à la plateforme et à ses composantes centrales

Verticalité : intégration verticale

Horizontalité : possibilité d’interaction avec d’autres plateformes

Externalités de réseaux directes, indirectes et structure de tarification

Acteurs : tête de réseau / propriétaire / producteur / fournisseur / utilisateur /


acteurs de niche / acteurs dominants / centres d’affaires / firmes pivots

Ecosystème d’affaires : productivité / robustesse / niche et nouveaux acteurs

« En général, devenir le leader de la plateforme nécessite une vision convaincante


de l’avenir ainsi que la capacité à créer un écosystème dynamique en évangéli-
sant un modèle d’affaires qui fonctionne à la fois pour l’aspirant chef de file de
la plateforme et ses partenaires potentiels » (Gawer et Cusumano, 2008, p. 35).
On retrouve alors les pratiques relationnelles qu’adopte la firme pivot avec

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N°94 - Juillet/ Août 2017

ses différents partenaires au sein de l’écosystème. En définitive, toutes ces


approches soulignent la diversité des acteurs engagés dans des plateformes
ce qui implique une redistribution des rôles entre eux ainsi qu’une complexi-
fication de leurs pratiques relationnelles. C’est l’objet de la deuxième partie
qui est consacrée aux plateformes relevant de la publicité digitale dans un
contexte marqué par la transformation digitale.

2. Les plateformes dédiées aux achats programmatiques :


vers un nouvel écosystème de la publicité digitale ?

Les technologies de l’information et de la communication ont favorisé l’appa-


rition de la publicité programmatique définie comme « l’ensemble des cam-
pagnes associées à l’utilisation de logiciels et d’algorithmes » (Mercanti-Guérin
et Vincent, 2016, p. 60).

À ses débuts, la publicité en ligne était commercialisée en mode direct : la né-


gociation s’effectuait entre annonceurs et éditeurs et les impressions étaient
vendues au coût pour mille affichages (CPM). Des serveurs informatiques (Ad
Servers) permettaient aux annonceurs et aux éditeurs de piloter les campagnes :
le site média lançait une requête auprès de l’Ad Server pour aller chercher les
gabarits publicitaires déposés par les annonceurs. Des intermédiaires sont
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rapidement intervenus dans cette vente de gré à gré : les agences médias, man-
datées par les annonceurs pour acheter l’espace et par les régies publicitaires
des éditeurs chargées de commercialiser leurs inventaires.

Dans les années 2000, sont arrivés les réseaux publicitaires appelés « ad
networks ». Ils se sont mis à diffuser des annonces « display » (impressions)
en masse à prix parfois cassés : ils offraient aux éditeurs la possibilité de vendre
une partie de leurs espaces invendus. Ces brokers, agrégeaient les inventaires
des différents éditeurs et les revendaient sous forme de packages, les annon-
ceurs ignorant très souvent la liste des sites composant les packs. Certains ad
networks ont travaillé la valeur de leur offre en se spécialisant sur des cibles
(exemple : les femmes), un centre d’intérêt (l’automobile) ou encore un sup-
port de consultation (mobile). Parallèlement à l’essor du display, les années
2000 ont vu émerger un nouvel acteur du search marketing qui allait être à
l’origine du modèle du Real Time Bidding (enchères en temps réel) : Google
Adwords. Il offrait aux annonceurs la possibilité de paramétrer des enchères
sur des mots clés (requêtes) ciblés pour afficher leurs liens sponsorisés en tête
des résultats du moteur de recherche Google. Ce mode de commercialisation
a inspiré la création des « Ad Exchanges », les futures places de marchés du
programmatique.

Les premiers Ad Exchanges sont apparus en 2010 aux États-Unis, lorsque les
géants de l’Internet (Google, Microsoft, Yahoo!) ont lancé ces plateformes
d’achats d’espaces automatisées pour commercialiser leurs impressions in-
vendues. Plus que de l’achat d’impression, les Ad Exchanges vendent l’accès à

140
Transformation digitale et avènement des plateformes
programmatiques : la publicité digitale en question

une audience qualifiée. Ce temps réel facilite la relation agences-annonceurs


et permet de suivre en direct le ROI des campagnes. L’apparition de ces Ad
Exchanges a favorisé l’émergence de la publicité programmatique.

2.1. Méthodologie et échantillon


La perspective historique développée précédemment, illustre l’émergence de
plusieurs technologies successives sur le marché de la publicité digitale, ayant
conduit à l’arrivée de la publicité programmatique8. Cette dernière connaît un
nouveau développement autour de la gestion des données. Notre démarche
a été caractérisée par des allers retours entre la théorie et le terrain de re-
cherche. Nous avons souhaité apporter une nouvelle contribution à l’analyse
des plateformes technologiques dans ce secteur d’activité.

Ce travail repose sur une analyse qualitative sur la base de 13 entretiens d’ex-
perts réalisés en juillet et août 2015. Les experts interrogés ont été sélectionnés
pour représenter l’ensemble des parties prenantes de l’écosystème du pro-
grammatique : annonceurs, agences médias, data-providers, DMP, Ad Exchanges,
régies, éditeurs, conseil en stratégie digitale, trading desk (Tableau 1).

Tableau 1 – Échantillon
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Initiales Fonction Nature de Durée de
des l’entreprise l’entretien
interviewés
AA Directeur Marketing Éditeur 2 heures
EL CEO Ad Exchange 1 heure
GT Directrice Marketing Éditeur 50 minutes
Digital
ID Directrice Conseil Agence médias 1 heure
Média
CL Digital Media Agence médias 45 minutes
Manager
MA Directrice Recherche Régie 1 heure 15 minutes
& Développement
EC Country Director Data provider 45 minutes
VL Responsable Annonceur 1 heure
Marketing Web
CD Directrice Media Annonceur 1 heure 30 minutes
GV CEO Cabinet de conseil 40 minutes
FG Chief Data Officer DMP 2 heures

8 À ce titre, nous renvoyons le lecteur intéressé aux travaux de Mercanti-Guérin et


Vincent (2016, p. 60 et suivantes).

141
N°94 - Juillet/ Août 2017

Initiales Fonction Nature de Durée de


des l’entreprise l’entretien
interviewés
YL Directeur Général Régie 50 minutes
Adjoint
TC Trader Media Trading desk 1 heure 10 minutes

Les entretiens ont été réalisés à l’aide d’un guide d’entretien semi-directif et ont
fait l’objet d’une analyse de contenu thématique. Les premiers thèmes visaient
à définir la publicité programmatique et à identifier ses principaux enjeux, les
thèmes suivants avaient pour objectif de mieux appréhender la complexité
des pratiques relationnelles entre les différents acteurs de l’écosystème de la
publicité digitale.

L’anonymat a été retenu à la demande de la majorité des interviewés afin de


favoriser un climat de confiance et la liberté de la parole. Un tiers de l’échan-
tillon est féminin, mais par convenance, le genre masculin sera utilisé pour
les désigner.

2.2. De la chaîne de valeur traditionnelle à l’écosystème de la


publicité digitale
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Traditionnellement, la chaîne de valeur de la publicité comportait quatre
grands types d’acteurs : les annonceurs, les agences, les régies et les éditeurs
de médias. Les annonceurs achetaient des espaces publicitaires pour promou-
voir leurs produits ou services. Leur objectif était d’atteindre le maximum de
consommateurs potentiels pour dynamiser leurs ventes. L’audience était un
élément déterminant. Les régies assuraient la commercialisation d’espaces
publicitaires. Les agences étaient des intermédiaires entre les annonceurs
et les régies chargées de la conception, de la réalisation et de la diffusion des
campagnes de publicité. Les éditeurs diffusaient la publicité des annonceurs.

Dans les années 1990, la publicité en ligne était commercialisée en mode direct :
la négociation s’effectuait entre annonceurs et éditeurs et les impressions étaient
vendues au CPM (coût pour mille affichages). Puis les régies se sont imposées
en tant qu’intermédiaires enrichissant leur discours marketing au delà du
CPM en complétant l’approche contextuelle d’un ciblage socio-démographique.

Depuis la fin des années 2000, on observe une transformation du marketing


digital avec notamment les achats programmatiques qui impliquent une au-
tomatisation des processus d’achat grâce à l’utilisation de logiciels et d’algo-
rithmes. Les plateformes programmatiques permettent ainsi aux entreprises
d’automatiser leurs processus d’achat et de vente d’espaces publicitaires, en
s’affranchissant des agences média jouant traditionnellement les intermédiaires
entre annonceurs et régies. Les données et l’objectif d’une plus grande per-
sonnalisation sont en jeu. On distingue trois catégories de données : first party

142
Transformation digitale et avènement des plateformes
programmatiques : la publicité digitale en question

data (informations collectées côté annonceur), second party data (données


collectées par un partenaire d’un annonceur et disponibles gratuitement ou
non), third party data (données commercialisées par des data fournisseurs).

Selon l’Union des Entreprises de Conseil et Achat Media (UDECAM), « l’achat


programmatique est un nouveau mode de commercialisation des espaces publi-
citaires en ligne : il recouvre l’ensemble des transactions publicitaires opérées de
manière automatisée et à l’unité : c’est l’acheteur qui sélectionne l’impression et
le profil sur lequel il souhaite diffuser. L’achat programmatique peut être réalisé
aux enchères ou à CPM fixe. L’achat programmatique peut-être non garanti ou
garanti ».

À son origine, on trouve le real time bidding (RTB) qui est apparu en France en
2012 (2008 aux États-Unis). Le RTB offre la possibilité d’acheter des espaces
publicitaires aux enchères pour y afficher la publicité de son choix en temps
réel et de manière automatisée. Il permet la mise en relation d’acheteurs et de
vendeurs de publicité via des technologies d’achat DSP (Demand Side Platform)
et de vente SSP (Supply Side Platform) et voit l’apparition de sociétés de conseil
spécialisées en achat (Trading desks). Ces plateformes peuvent être ouvertes
ou contraintes et reposent sur différentes technologies d’achat et de vente de
publicités telles que :

• Demand-Side Platform (DSP) : plateforme technologique d’optimisa-


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tion sur laquelle les acheteurs peuvent planifier, cibler, exécuter, analyser
une campagne publicitaire digitale. Elle permet à un trading desk (société
de service spécialisée dans l’achat et l’optimisation d’espace programma-
tique, par le biais d’une technologie DSP) ou un annonceur via une interface
centralisée, d’acheter en temps réel, et aux enchères, les inventaires display
proposés par les différents SSP. En France, les principaux opérateurs de DSP
sur le marché du display sont : DoubleClick Bid Manager (Google), AppNexus,
Mediamath, dataXu, Adobe Media Optimizer et Turn.

• Supply-Side Platform (SSP) : plateforme technologique sur laquelle les


éditeurs peuvent mettre à disposition leurs inventaires par le biais d’un Ad
Exchange. C’est une plateforme d’arbitrage entre les différents acheteurs qui
permet d’optimiser la commercialisation de l’inventaire publicitaire d’un
éditeur. Elle met en concurrence les acheteurs potentiels grâce à un système
d’enchères. Les SSP reposent sur des algorithmes de « yield holistique »
(yield management appliqué à la vente d’espaces publicitaires) qui offrent
la possibilité d’arbitrage entre le RTB et la vente directe. Les principaux SSP
pour le display programmatique sont : Admeld (Google) AppNexus, Improve
Digital, Pubmatic et Rubicon Project.

• Data Management Platforms (DMP) : système centralisé permettant de


collecter des données first ou third party. C’est une base de données « avan-
cée ». Les informations collectées dans ce système permettent d’élaborer
des stratégies publicitaires en ciblant par exemple des internautes. La DMP

143
N°94 - Juillet/ Août 2017

est « une plateforme technologique qui permet le traitement et la gestion des


données anonymes utilisées à des fins de ciblage publicitaire telles que profils
sociodémographiques, centres d’intérêt ou intentions d’achat. Ces données
peuvent provenir de sources annonceurs/éditeurs (first party) ou de données
tierces (third party data) » (IAB France).

Comme le montre le Schéma 1, viennent s’ajouter à ces plateformes de nouveaux


acteurs qui ont émergé grâce à ces technologies. C’est le cas notamment des Ad
Exchanges qui sont des places de marché virtuelles où se rencontrent offreurs
(éditeurs et applications mobiles, régies) et acheteurs (annonceurs, agences
et prestataires technologiques) et des trading desks qui peuvent être affiliés
aux agences média ou indépendants. Certains acteurs (tels que AppNexus)
peuvent se retrouver des deux côtés du marché (DSP et SSP).

Schéma 1 – De la reconfiguration de la chaîne de valeur de la


publicité digitale à l’émergence d’un nouvel écosystème autour
de la « data »
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De nouvelles relations s’établissent entre les différents acteurs et la donnée
(data) est désormais au centre du système. L’écosystème de l’achat program-
matique en France est extrêmement dynamique mais également très compliqué
en raison du grand nombre d’intervenants qui le composent.

Il semble que la data soit le levier sur lequel les acteurs se positionnent en
qualité de firme pivot dans cet écosystème. SSP, Ad Exchanges et DSP sont
aujourd’hui au cœur du système et le discours sur la transformation digitale
concerne les acteurs traditionnels et leurs moyens de revendiquer une place
dans l’organisation en réseau.

2.3. La publicité programmatique comme plateforme


La publicité programmatique est structurée autour de plusieurs outils et ac-
teurs s’appuyant sur le digital pour « fluidifier les procédures d’achat » selon
un éditeur interviewé (AA). En cela, il s’agit d’une plateforme ouverte qui offre

144
Transformation digitale et avènement des plateformes
programmatiques : la publicité digitale en question

aux acteurs de la publicité digitale l’opportunité d’innover et de proposer des


nouveaux services pour capter de la valeur. C’est à l’image des Ad Exchanges
qui commercialisent les invendus à la fois des éditeurs et des Ad Networks ou
des SSP et DSP qui ont développé des services permettant respectivement aux
éditeurs et aux annonceurs de mieux vendre/acheter les impressions publici-
taires. Aujourd’hui, l’enjeu est à l’achat d’impressions ciblées, avec une dimension
donnée de la cible qui prend de plus en plus d’importance. Ces quatre typologies
d’acteurs représentent aujourd’hui les composantes centrales de la plateforme.
À la périphérie, se situent pour l’instant les fournisseurs de données tierces,
qui pourraient prendre une place toute autre si les DMP venaient à s’imposer
dans l’environnement concurrentiel (cf. supra).

Cette plateforme n’appartient à aucun acteur en particulier, mais favorise l’inter-


connexion des acteurs entre eux : les DSP se connectent ainsi aux Ad Exchanges
et Ad Networks pour vendre leurs emplacements, et les SSP se connectent aux
mêmes outils pour acheter ces mêmes emplacements. Certains Ad Exchanges
ont été créés par d’anciennes régies, ce qui illustre bien l’intégration verticale
sur ce marché. De même, les trading desks sont issus d’agences média qui ont
décidé de s’équiper pour faire levier sur la publicité programmatique et créer
de la valeur (« le trading-desk étant hors loi « Sapin », il permet de réaliser des
marges confortables, ce qui est rare en digital » TC).

La multiplication des acteurs entraîne une structure de tarification favorable aux


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SSP et DSP. Comme l’évaluent Mercanti-Guérin et Vincent (2016), « la somme
des SSP et DSP peut représenter un surcoût de 15 % du prix du média » (p. 71).

2.4. De nouvelles relations


Pour l’ensemble des experts interrogés, l’achat programmatique « a révolu-
tionné la façon de vendre et d’acheter la publicité » (EC) ; « c’est une innovation
de rupture qui a complétement changé la chaîne de valeur et le rôle des acteurs
de la vente d’espace publicitaire online » (GT). Les différents acteurs identifient
aussi des apports de l’achat programmatique, qui sont les prémisses de la
reconfiguration de la chaîne de valeur. Agences et régies y voient « une fluidi-
fication des procédures d’achat », du « temps gagné sur les échanges d’ordres
d’achat et de mails [… permettant] de gagner en qualité de la relation client et
en intelligence marketing » (ID), la possibilité de faire de la marge ; les éditeurs
ont la possibilité de « vendre au dernier moment des espaces qui n’auraient
jamais trouvé preneur » (AA), autant d’éléments illustrant les externalités de
l’approche économique des plateformes.

2.4.1. La data, au cœur du jeu des acteurs

Data et temps réel sont au cœur du discours des interviewés. Ils permettent
un meilleur ciblage, une diffusion en temps réel, et améliorent la capacité de
mesure de l’efficacité des campagnes de communication : l’optimisation des
performances et des coûts. C’est autour de la data que se construisent les firmes

145
N°94 - Juillet/ Août 2017

pivots – qui sauront justifier leur présence dans l’écosystème de la publicité


digitale. DSP, Ad Exchanges et SSP en qualité de plateformes technologiques
sont au cœur du système et représentent des outils que les autres acteurs
doivent s’approprier pour exister. « Les régies proposant des packs média + data
ont beaucoup plus de chances de rester dans la course que les autres » affirme
ainsi un expert de la data (EC).

Le ciblage comportemental en temps réel est reconnu comme efficace par


l’ensemble des experts. Mais l’un des annonceurs a insisté sur l’intérêt pour
lui de « combiner le ciblage comportemental et le ciblage contextuel par analyse
sémantique du contenu des sites ». Il considère qu’« il ne faut pas trop vite jeter
aux orties les notions d’environnement contextuel et d’effet de caution des sites »
et son exemple est assez parlant : « on peut être en recherche d’un placement
financier et aller sur Marmiton, mais la caution apportée au produit financier
et l’attention portée au message seront certainement meilleures sur le site des
Échos ! » (VL).

Les annonceurs ont expérimenté l’efficacité du retargeting mais aussi du look-


alike modeling, « qui permet la création de larges audiences par l’identification de
jumeaux statistiques qui ont les mêmes habitudes de navigation que les clients »
(GV). D’après le professionnel des DMP, « cette technique de ciblage permet de
faire de l’acquisition de prospects alors que le retargeting génère surtout des
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conversions » (FG).

Aujourd’hui, la mise en place d’une DMP apparaît de plus en plus nécessaire


aux annonceurs qui y voient l’opportunité « d’agréger et unifier les données
comportementales pour améliorer le rendement des campagnes digitales » (CD).
Pour autant, « l’importance des ressources financières et humaines qu’il faut
engager et les restructurations organisationnelles nécessaires » sont un frein à
ces projets. Des projets de DMP mutualisées ont été proposés par les agences
médias à leurs clients annonceurs, sans succès, ces derniers s’inquiétant de la
confidentialité des données (« je ne souhaite pas que l’agence puisse poser son
tag chez nous et récupérer les données », CD). Cette critique sur la confidentia-
lité appelle une autre critique plus générale sur le manque de transparence
de ce système de la part des annonceurs concernant le taux de visibilité des
emplacements achetés en RTB. Le problème se pose à différents niveaux, le
principe même d’achat à l’aveugle sans connaître l’emplacement au moment de
la diffusion, l’incertitude sur la diffusion réelle de la publicité (les annonceurs
ont spontanément mentionné une étude de Quantcast, montrant qu’au sein de
certains Ad Exchanges, seuls 45 % des achats d’impressions Above the Fold9
étaient effectivement visibles), et la difficulté de connaître a posteriori les sites
sur lesquels la campagne a effectivement tourné avec parfois un sentiment de
déception (l’un des annonceurs précisant qu’il avait été très surpris d’avoir été

9 Impressions visibles sans que l’internaute ait besoin de faire défiler la page vers le
bas.

146
Transformation digitale et avènement des plateformes
programmatiques : la publicité digitale en question

diffusé sur des sites de jeux en ligne alors qu’il cherchait à toucher des femmes
pour un soin visage…).

2.4.2. La dimension relationnelle des plateformes

Les plateformes intègrent une dimension relationnelle fondamentale pour que


la (les) firme(s) pivot(s) puisse(nt) agréger les ressources des autres acteurs. Il
est intéressant de noter que la critique sur le manque de transparence illustre
les rôles des acteurs et la perte de pouvoir des agences médias traditionnelles.

Parmi les acteurs traditionnels, en ce qui concerne les trading desks, les annon-
ceurs ainsi que les agences médias attendent davantage de transparence de
leur part. Ils aimeraient « travailler plus directement avec les trading desks et
pouvoir être en contact avec leur trader media » (ID). Un annonceur souhaiterait,
lors de son prochain appel d’offres d’agence médias, lever l’exclusivité sur le
trading desk, ainsi comme il l’a déjà fait pour le SEA, « afin d’avoir davantage
de visibilité sur le programmatique » (CD).

Les annonceurs attendent de leurs agences médias des recommandations aussi


poussées sur les achats programmatiques qu’elles en ont sur l’ensemble des
autres médias. « C’est le conseil média qui est le cœur de métier des agences »
(VL). Mais ils regrettent de n’avoir à faire qu’à des juniors sur les budgets
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digitaux. En effet, comme ces budgets nécessitent beaucoup de tâches très
opérationnelles, les agences ont privilégié des profils plus juniors à ces postes.
Elles entrevoient la nécessité de faire évoluer leur business model dans la di-
mension rémunération. « Être rémunéré à la commission n’a plus de sens avec
l’avènement du programmatique […] il faudrait être rémunéré au temps passé »
(CL). Cela s’accompagnerait du recrutement de profils techniques plus seniors
(data scientist, etc.).

À l’opposé de la filière, les éditeurs (Lagardère Publicité, TF1 publicité, Amaury


Médias, FigaroMedias, Les Echos, ExpressRoularta, Libération, Groupe M6,
Le Monde, Nextradio…) ont également cherché à conserver une partie de la
valeur en créant dès 2012 des places de marché, une alternative aux services
développés par Google : La Place Média (pour les quatre premiers) et Audience
Square (pour les suivants). Ces Ad Exchanges premium sont étudiés de près
par les professionnels interrogés qui s’attendent à leur fusion « pour augmen-
ter leur taille critique et dépasser ce qui avait été initialement à l’origine de la
création de deux Ad Exchanges séparés : de grands groupes médias concurrents
qui ne souhaitaient pas s’allier (GV) ». Mais les éditeurs interrogés entrevoient
également la possibilité qu’ils reprennent leur autonomie pour se recentrer sur
un simple rôle d’opérateurs technologiques pour leurs clients, « une société de
moyens qui va expérimenter les technologies, les nouveaux formats, les outils de
visibilité et de brand safety (i.e. des technologies pour s’assurer que les publicités
des annonceurs sont bien diffusées sur des sites recommandables) » (AA).

147
N°94 - Juillet/ Août 2017

Mais le changement le plus significatif sera lié au rôle central que joueront les
acteurs de la data. À ce titre, les DMP devraient mettre en relation les deux
versants s’ils veulent s’imposer comme acteur central. Or, aujourd’hui seuls les
annonceurs semblent intéressés et pourraient investir dans cette technologie.
Les éditeurs semblent, quant à eux, plus réservés pour des raisons financières.

2.4.3. La dynamique des plateformes

La publicité programmatique est apparue à l’initiative de firmes pivots qui, par


leurs plateformes digitales, proposaient une économie de coûts transaction pour
les acteurs aux deux versants du système : les éditeurs (offreurs d’espaces) et
les annonceurs (acheteurs d’espaces). L’automatisation apportée par le digital
sur l’achat d’espace auprès de profils qualifiés a très vite remporté un succès et
l’achat programmatique a pris beaucoup de poids. Dans un premier temps, en
cohérence avec les travaux théoriques mobilisés en première partie, les firmes
pivots qui ont développé les plateformes ont capté la valeur en apportant une
coordination efficiente de l’achat d’espace.

Pour développer des externalités, les acteurs ont fait le choix de l’ouverture afin
de garantir la plus grande interopérabilité possible. Cependant, ce choix aurait
dû être compensé en partie par des mécanismes de contrôle. Par exemple, si
la plateforme Android (téléphonie mobile) est qualifiée de plateforme neutre
parce qu’elle ne se caractérise pas par un contrôle serré des composantes clés
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génératrices de valeur ou de la clientèle (Ballon, 2009), elle maîtrise les kits
de développement et reste un point de passage obligé pour les développeurs
et utilisateurs d’applications.

Dans le cas de la publicité programmatique, les deux versants sont généralement


les parents pauvres de l’écosystème construit autour d’une plateforme tech-
nologique dans la mesure où c’est la plateforme qui commercialise leurs actifs
sans les posséder et qu’elle constitue un point de passage obligé parce qu’elle
a accès à la clientèle. Cependant, ces versants sont en réalité très conscients de
leur situation comme le fait de payer plusieurs fois le même espace. Ils cherchent
donc à se protéger, à l’image du refus de trop partager ses données avec les
agences et/ou trading desk pour les annonceurs illustré précédemment, et à
oeuvrer à ne pas laisser s’installer un seul acteur pivot. À l’inverse, ils développent
des accords avec plusieurs plateformes (multi-homing) et surtout essaient de
renouer des relations en direct. « Les éditeurs développent des relations en direct
avec les annonceurs, dans une logique de contractualisation annuelle. Le contrat
permet notamment aux annonceurs de maîtriser l’emplacement de l’affichage
[…] Above the Fold, être dans la partie haute visible de la page. C’est un retour à
la négociation de gré à gré, qui continue par contre de fonctionner par les SSP.
On travaille nos segments de data avec l’aide d’un prestataire qui analyse les
navigations et pose des questions complémentaires et on les commercialise en
gardant la main via notre SSP. » Et contrairement aux achats en RTB, cela est
plus sécurisant pour les annonceurs et les éditeurs. « Si ça se passe bien, on
peut être sûr de reconduire le budget l’année suivante. » (AA)

148
Transformation digitale et avènement des plateformes
programmatiques : la publicité digitale en question

Alors que la théorie laisse entendre que les firmes pivots, à l’origine de la plate-
forme, ont la main pour concevoir et guider l’évolution de l’écosystème dont
elles sont à l’origine, le cas de la publicité programmatique illustre une réalité
différente. Il semble qu’en faisant face à la contrainte de l’interopérabilité pour
s’insérer dans un écosystème complexe, les Ad Exchanges n’ont pas réussi à
ériger de barrières à l’entrée et à se protéger d’une reprise en main par les
annonceurs/éditeurs ou l’arrivée de nouveaux entrants. Ceci renvoie dans une
certaine mesure à un problème de design de business model.

Conclusion

Les plateformes programmatiques continuent de bouleverser le marché de la


publicité display, fragilisant les entreprises traditionnelles de la vente d’espaces
publicitaires. Ce faisant, elles ont réussi à dynamiser le marché en créant un
écosystème complexe, composé de multiples acteurs, dont beaucoup n’existaient
pas avant 2012. Le premier enseignement à destination des managers tient au
design du business model de ces plateformes : la nécessaire interopérabilité, qui
garantit l’intérêt de la plateforme pour les différents versants, doit être bien
réfléchie au risque d’une perte de contrôle sur la plateforme. De plus, les acteurs
historiques doivent aujourd’hui composer avec ces nouveaux venus dans une
nouvelle organisation en réseau. Les agences médias traditionnelles sont les
plus chahutées, et doivent aujourd’hui légitimer l’évolution de leur business
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model d’un modèle de commission à un modèle de temps passé. Cependant,
les outils que représentent les DSP, SSP et Ad Exchanges sont aujourd’hui à
portée de main des annonceurs qui souhaitent comprendre le fonctionnement
de l’achat programmatique et éviter de partager de la data avec leurs agences
médias. Les éditeurs avaient un peu anticipé ce mouvement en créant dès
2012 La Place Média et Audience Square afin de proposer une alternative aux
Ad Exchanges de Google et conserver une partie de la valeur. Plus encore, les
éditeurs et annonceurs s’avèrent très actifs dans la défense de leurs intérêts
en favorisant l’émergence de nouveaux venus au cœur de l’écosystème pour
ne pas trop laisser grandir un acteur. Ils travaillent d’autre part à renouer
des relations en direct sur la base de contractualisation annuelle. Ceci illustre
une évolution dans la nature de la plateforme, qui appelle à des travaux com-
plémentaires sur l’étude de la dynamique des plateformes en prolongement
de l’étude de leur émergence (Gawer et Cusumano, 2013). Il faut également
étudier l’impact de telles plateformes sur l’innovation et la concurrence, et
notamment s’interroger sur l’éventualité d’un effet négatif sur le bien-être
social, dans la mesure où la dynamique concurrentielle peut conduire à des
positions de domination de marché.

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N°94 - Juillet/ Août 2017

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