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entreprises africaines
Boniface Bampoky
Dans Question(s) de management 2017/3 (n° 18), pages 39 à 45
Éditions EMS Editions
ISSN 2262-7030
DOI 10.3917/qdm.173.0039
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Boniface BAMPOKY
Résumé n n Summary
Un état de l’art faisant la synthèse des avantages et des A literary review on a summary linked to the advantages
difficultés d’adoption et de développement par les entre- and the difficulties of companies to adopt and develop dig-
prises des technologies digitales en Afrique et dans le reste ital technologies in Africa and all around the world have
du monde est réalisé. Une réflexion sur les facteurs pouvant been carried out. A study on the factors that may go with
accompagner la transformation digitale des entreprises the digital transformation has been done from it.
africaines est par la suite effectuée.
n Keywords: digital companies, African companies, digital
n Mots-clefs : entreprises numériques, entreprises afri- transformation, digital management.
caines, transformation digitale, management digital.
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académique, d’innombrables avantages peuvent Par contre, une autre étude réalisée en contexte
être tirés de l’enseignement virtuel. africain sur l’emploi de ces mêmes outils dans
Dans ce travail, nous discutons les voies pos- les pratiques comptables normées (Bampoky et
sibles de transformation digitale de ces entre- Wade, 2017) indique un grand bouleversement
prises. Un état de l’art ayant permis d’avoir un du métier classique de comptable impliquant le
regard croisé sur les progrès de la technos- changement du paradigme de l’enseignement
cience dans les pays du Nord (développés) et de la comptabilité. Au même moment, la profes-
ceux d’Afrique (en développement), révèle tout sion comptable française s’était déjà familiarisée
le gap numérique qu’il reste à combler chez les
avec la comptabilité événementielle qui consti-
africains pour pouvoir arriver au même niveau de
tue une remise en cause de la comptabilité clas-
compétitivité que les pays développés.
sique en partie double (Galanos, 2009 ; Tondeur
Pour accompagner et réussir la transformation
digitale des entreprises africaines, la nouvelle et De La Villarmois, 2003 ; Grenier, 2009), donc
culture managériale fondée sur le digital doit du traditionnel métier de « Bookkeeper » encore
révolutionner la culture africaine de l’entreprise dominant en Afrique.
par un changement radical des habitudes peu fa- Même si elle est amorcée, la transition vers le
vorables à l’amélioration de la performance éco- digital n’est pas effective en Afrique. Quand on
nomique (section 1). La transformation digitale regarde le fonctionnement de la société japo-
souhaitable pour les entreprises africaines est naise ou chinoise, on voit une familiarité dès le
celle qui conduit à une nette amélioration de la bas âge avec l’électronique ou le numérique,
productivité (section 2). Dans cette perspective, avec déjà une capacité de bricolage des outils
les coûts de transferts technologiques doivent extrêmement développée. Cela, au plan de la
parfaitement être maîtrisés (section 3). L’accent formation académique, accélère la maîtrise de
doit être mis sur une dynamique de formation la technologie, et c’est là qu’on peut véritable-
continue à l’usage des technologies digitales ment parler de la « société technicienne » pour
(section 4) dans un environnement digital des illustrer les propos de Penouil (1989). Dans ces
entreprises stable (section 5). La synthèse de pays, les investissements nationaux sont dans
la littérature en matière de développement des la plupart des cas concentrés sur les PME pour
technologies digitales laisse ainsi entrevoir ces
capitaliser ce phénomène social de masse.
cinq aspects comme les cinq piliers d’une trans-
Plus exactement, la nouvelle culture qu’il faille
formation digitale aboutie pour les entreprises
promouvoir est celle qui permet aux entreprises
africaines.
de pouvoir profiter très largement des innom-
brables apports de l’économie numérique. Trois
1. Promotion d’une nouvelle culture
choses complémentaires permettent de réus-
managériale : maîtrise de la transition
sir cette promotion. D’abord, le financement
vers le digital
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entreprise ne doit être opérée que lorsqu’on est à la mode comme cela pourrait être le cas en
certain de ses gains. Afrique. Elle nous garantit toutefois la prudence
dans l’adoption des savoir-faire dans un contexte
2. Réalisation de gains de productivité nouveau comme celui des pays en développe-
comme une autre condition pour la ment. L’adoption d’une innovation ne peut alors
transformation digitale de l’entreprise représenter un isomorphisme d’ordre normatif,
mais plutôt d’ordre adaptatif.
Pour mettre en lumière ce deuxième pilier, on
Dans le domaine de la technologie, il existe des
peut s’inspirer du modèle de Selznick (1957)
modèles d’adoption, de diffusion ou de rejet des
d’institutionnalisation des organisations, selon
lequel l’organisation est un système organique innovations qui participent des isomorphismes
affecté non seulement par les caractères so- d’ordre adaptatif. D’après Rogers (1995), par
ciaux de ses membres, mais également par les exemple, il existerait cinq éléments qui détermi-
pressions de son environnement. La digitalisa- neraient l’adoption ou la diffusion d’une nouvelle
tion d’une entreprise va sans doute se heurter technologie :
aux caractères sociaux de ses acteurs internes. • L’avantage relatif est le degré auquel une
Plusieurs travaux en management peuvent innovation est perçue comme étant meil-
s’inscrire dans le prolongement de la vision de leure à celles qui existent déjà. Il n’est pas
Selznick. En effet, Bourgeois (2006) a, à travers nécessaire que cette innovation possède
une approche sociologique de la théorie néo- beaucoup plus d’avantages que les autres,
institutionnelle, recherché les déterminants de mais ce qui est important, c’est que l’indi-
la diffusion au sein de l’entreprise d’un instru- vidu la perçoive comme étant avantageuse.
ment de management à la mode. De l’étude • La compatibilité est une mesure du degré
empirique réalisée, il apparaît que la décision auquel une innovation est perçue comme
d’adopter un instrument passe par trois facteurs étant consistante avec les valeurs exis-
à savoir : les facteurs déclencheurs, les facteurs tantes, les expériences passées, les pra-
moteurs et les facteurs discriminants. Par fac- tiques sociales et normes des utilisateurs.
teurs déclencheurs, on entend tous facteurs qui Une idée qui serait incompatible avec les
créent les conditions de l’adoption et traduisent valeurs et normes actuelles prendrait plus
le besoin des organisations de s’adapter aux de temps à être adoptée qu’une innovation
contraintes de l’environnement. Les facteurs compatible. De même, dans certains cas,
moteurs, favorisant l’adoption d’un instrument à l’adoption d’une innovation compatible, né-
la mode, correspondent aux isomorphismes nor- cessitera l’adoption au préalable d’un nou-
matif, coercitif et mimétique. En ce qui concerne veau système de valeur, ce qui peut prendre
l’isomorphisme normatif, une entreprise en un temps considérable.
recherche d’une légitimité a la perception que
• La complexité est une mesure du degré
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ront clairs et plus les individus l’adopteront (Build – Own – Operate – Transfer), en D.B.F.O.
facilement. (Design – Build – Finance – Operate), etc. La
Si l’adoption d’une innovation n’est intéressante formule B.O.T. consiste, pour le cessionnaire, à
que lorsqu’elle présente un avantage relatif faire des investissements, à gérer puis transfé-
par rapport aux pratiques existantes et que les rer l’infrastructure à l’État. En B.O.O., le conces-
résultats et les bénéfices sont perçus de façon sionnaire fait son investissement et l’infrastruc-
claire, il ressort de ce modèle de Rogers que ture lui revient. En BLT, un privé construit une
son implémentation dans des contextes nou- infrastructure qu’il loue au gouvernement qui
veaux comme l’Afrique nécessite au préalable se voit transférer le contrôle de l’ouvrage. Le
le développement de nouvelles compétences B.O.O.T signifie en français « Construction –
et la réalisation de certains investissements de Propriété – Exploitation – Transfert » et la diffé-
base. Mais, tout cela va être fonction des fac- rence avec le B.O.T est que le financement de
teurs de contingence spécifiques au contexte l’infrastructure est confié au concessionnaire
de l’entreprise. Cela est d’autant plus vrai que qui exploite puis transfert au concédant. Dans
dans le cadre du contrôle de gestion, une étude le D.B.F.O., le concessionnaire a la charge de
réalisée par De La Villarmois et Tondeur (1996) concevoir, financer et construire l’infrastructure,
a montré qu’en France les déterminants de la tout en gérant les services associés. Le conces-
mise en place d’une innovation managériale, à sionnaire est rémunéré à échéances régulières
savoir la méthode ABC, sont : l’environnement par l’administration.
de l’entreprise, l’activité, la technologie, la struc- Ces types de formules de concession, initiés
ture organisationnelle, les systèmes de contrôle dans les pays de common law, sont petit à petit
et les stratégies. En cas de technologies très d’usage en Afrique subsaharienne dans le finan-
innovantes comme celles digitales, le transfert cement de certains grands projets par les parte-
peut s’avérer très coûteux surtout dans les pays naires au développement. Ils peuvent apparaître
en développement comme ceux d’Afrique. sous plusieurs autres formes, c’est-à-dire qu’ils
peuvent être adaptés au cadre juridique d’un
3. Gestion des coûts de transferts pays. Dans tous les cas, il doit être mis en place
des instances de régulation pour des soucis de
technologiques
performance globale des parties prenantes.
Si la production des entreprises africaines n’est La question de la maîtrise des coûts de trans-
pas en générale compétitive, cela est dû à leur ferts technologiques ne peut être véritablement
difficile accès aux standards internationaux, réglée sans résoudre aussi le problème crucial
l’absence de bourgeoisies nationales à même qui situe à la base du fonctionnement des entre-
de réaliser des investissements privés massifs, prises, à savoir la maîtrise de l’énergie. En effet,
et donc la non maîtrise des coûts de transferts sur la question de l’énergie le constat suivant
technologiques. Là où le secteur public doit na- mérite une attention : « en Afrique subsaha-
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