RCG 020 0094

Enjeux et perspectives du pilotage de la RSE pour les
entreprises d’une économie en développement

Boniface Bampoky
Dans Revue Congolaise de Gestion 2015/1 (Numéro 20), pages 94 à 129
Éditions Éditions ICES
ISSN 1729-0228
DOI 10.3917/rcg.020.0094
© Éditions ICES | Téléchargé le 19/07/2023 sur www.cairn.info (IP: 196.50.12.34)
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Enjeux et perspectives du pilotage de
la RSE pour les entreprises d’une
économie en développement
Résumé
Une méthode inductive à l’aide
d’entretiens exploratoires enrichis
d’études bibliographiques et Boniface
documentaires a conduit à une BAMPOKY*
typologie explicative de la
diffusion et de l’appropriation des
outils de pilotage de la RSE dans
un contexte d’émergence
économique comme celui du
Sénégal. La question centrale est

celle de savoir dans quelle mesure
pourrait-on effectivement prendre
en charge dans les entreprises la
préoccupante question du *
développement économique Université Cheikh
Anta Diop,
durable dont le choix des moyens
Ecole Supérieure
pour y parvenir fait débat. En Polytechnique
effet, les pays en développement BP 15839 Dakar Fann,
ou les pays émergents n’ont pas Sénégal
rompu avec la pauvreté, et
l’appropriation de la question du
Revue congolaise de gestion, N° 20, Juil. – Déc. 2015 94

Enjeux et perspectives du pilotage de la RSE pour les entreprises d’une
développement durable n’est pas
effective. Cette recherche pointe
du doigt les goulots
d’étranglement et propose des
voies de sortie de l’impasse.
Mots clés : Développement durable, performance globale,

pilotage de la RSE, parties prenantes de la RSE.
Abstract
An inductive approach which uses exploratory
interviews enriched by bibliographic and documentary
studies has led to an explanatory typology of the diffusion
and the appropriation of CSR (Company Social
Responsibility) management tools in an emerging
economic context such as Senegal. The central question is
to what extent the emerging issue of sustainable economic
development, whose means choice to arrive at it is
debated, could be effectively taken into account in
companies. Indeed, developing countries or emerging
countries have not broken with poverty, and the issue of

sustainable development has not effectively been
appropriated yet. This work underlines the different
problems and suggests ways out of the impasse.
Keywords : Sustainable development, overall performance,

CSR Management, CSR stakeholders.
1. Introduction
D ans la poursuite d’une maximisation de la valeur pour

l’actionnaire (Gomez, 2009), on ne peut ne pas
prendre en compte les questions d’équité
95-130 Boniface Bampoky
intergénérationnelle, de préservation des ressources

naturelles ou de protection de l’environnement, et de
développement social. La non-prise en compte de ces
questions engendre des inégalités sociales résultant en
général de la mauvaise répartition des richesses, des
famines ou déséquilibres alimentaires, l’insécurité
alimentaire, des cataclysmes naturels (réchauffement de la
planète, les sécheresses, etc.), des conflits sociaux, des
maladies, etc. Sobczak (2011) indique qu’il est illusoire de
penser que les pouvoirs publics seuls pourraient faire face
à la complexité des enjeux économiques, sociaux et
environnementaux, sans le soutien des acteurs privés. Les
entreprises, structures sociales de base de l’activité
économique, en sont les principaux acteurs. La
préoccupation de cet auteur est de voir comment intégrer
les enjeux du développement durable sous la forme d’une
démarche de responsabilité sociale des entreprises dans les
prises de décisions, les stratégies et les actions
quotidiennes des managers.
Les dommages environnementaux et la plupart des
maux sociaux sont, pour l’essentiel, la conséquence des

acticités incontrôlées de recherche et de création de
richesses dont principalement prennent part les
entreprises. Le concept de responsabilité renvoie à
l’obligation de remplir une charge, et cette charge est,
dans ce cas précis, l’exigence sociale ou sociétale en
termes de bien-être des générations présentes et futures.
Dans une approche institutionnaliste de l’entreprise,
on sait déjà avec Selznick (1949), cité par Saussois (2007),
que :
« l’organisation concrète fait partie d’un champ
politique, la plupart du temps local, qui s’exprime

à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de ses
frontières » (p. 90).
La responsabilité sociale ou sociétale de

l’entreprise (R.S.E.) modifie ainsi ses frontières et
implique un nouveau système de pilotage qui intègre
d’autres méthodes et outils. Dans les sociétés humaines
qui constituent des entités juridico-politiques différentes,
les pressions et les exigences sociales peuvent différer. Le
pilotage de la responsabilité sociétale peut alors être perçu
comme une contrainte ou une opportunité, devenir un
élément marketing, de stratégie ou un simple élément
« trompe œil ». Dans tous les cas, les outils de pilotage ne
se diffuseront ni ne s’approprieront de la même façon.
Cette recherche se propose de voir, dans le cadre
d’une économie en développement comme le Sénégal,
pourquoi et comment doit-on s’approprier les outils de
pilotage de la R.S.E. dans les entreprises. Les intérêts de
cette recherche sont multiples. Elle expose les enjeux de la
R.S.E. pour les entreprises d’un pays en développement
comme le Sénégal, met en exergue la façon dont est elle

déployée et permet de comprendre pourquoi et comment
doit-on la mettre en œuvre. Dans un premier temps, les
raisons, les enjeux et les outils de pilotage de la R.S.E.
sont l’objet d’un état de l’art. La problématique et la
démarche de la recherche sont par la suite présentées. Le
cadre théorique de référence a suivi la problématique. Les
résultats de la recherche et leurs commentaires ferment le
travail.

2. Les raisons, les enjeux et les outils de

pilotage de la R.S.E. : état de l’art
Les raisons qui justifient le pilotage par les
entreprises de la R.S.E. sont multiples. La démultiplication
des catastrophes naturelles, dont les causes ont le plus
souvent pour origine les comportements et les activités
humains, fait peur. Sous l’angle environnemental (facteur
économique), les dommages provoqués par les activités
humaines sont désignés sous le vocable d’externalités
négatives. On peut citer en exemple le réchauffement
climatique, les sécheresses, les accidents industriels ou
dans les transports, les agressions contre le patrimoine
naturel par des guerres ou par une surexploitation des
ressources primaires, le problème de qualité des produits
fabriqués et, dans le même sens, de sécurité alimentaire, la
pollution environnementale, etc. Au plan social, le débat
peut être posé en termes de problèmes du mal être au
travail, de suicides, de travail des enfants, de la faible
place des femmes et des inimités visibles dans les sociétés
humaines, etc. La question sociale est présente dans les
pays développés, alors que le facteur économique semble

prédominant dans les pays pauvres plus confrontés à des
problèmes de famines, de déséquilibre et sécurité
alimentaires (Ziegler, 2011).
Ces problèmes, ramenés au plan de la gestion des
entreprises, posent la problématique de la performance
globale (Reynaud, 2003 ; Quairel, 2006). En effet, les
pouvoirs publics prennent de plus en plus des mesures
d’incitation pour permettre aux entreprises de faire face à
la complexité des enjeux sociaux et environnementaux en
matière de R.S.E.. D’après Helfer, Kalika et Orsoni
(2010) :

« les activités mondialisées butent sur les limites

posées par les ressources de la nature qu’on
s’approprie sans retenue. On épuise des
ressources naturelles irremplaçables. S’ajoutent
à pareille inconséquence, la surexploitation
effrénée des sols, la pollution de l’air et des eaux,
le dépérissement des forêts » (p. 3).
Pour la préservation de l’environnement et la prise

en compte des facteurs sociaux, dans les pays développés,
les pressions des Organismes Non Gouvernementaux
(ONG), des collectivités publiques, des syndicats, des
États, dans les pays en développement, des organismes
multilatéraux comme les Nations Unies, des bailleurs de
fonds, des donneurs d’ordre ou des maisons mères de
grandes firmes multinationales, constituent des contraintes
qui pèsent sur les entreprises. Ces différentes institutions
ou organisations qui exercent des pressions sur les
entreprises ainsi que l’actionnariat ou la propriété de
l’entreprise sont les parties prenantes de la R.S.E.
La littérature est assez exhaustive sur la notion de

performance globale et ses parties prenantes (Molho et
Fernandez-Poisson, 2003 ; Martinet et Reynaud, 2004 ;
Sobczak, 2004 ; Berland et Dohou, 2007, etc.), sur les
dimensions économique, réglementaire, éthique et
discrétionnaire de la R.S.E. (Reynaud, 2007). Ces
recherches nous donnent une justification de raisons de
pilotage de la R.S.E. que nous avançons.
Toutefois, quand on aborde la question de la
diffusion et appropriation des outils de pilotage de la
R.S.E., on est plus proche du contrôle de gestion. On
s’intéresse alors à l’ensemble des dispositifs formels et

informels qui assurent la convergence des comportements

dans l’entreprise pour atteindre ses buts stratégiques.
Jusque-là, la comptabilité est une modélisation, une
représentation du réel, de l’entreprise et de sa performance
économique. Ainsi sommes-nous, dans le cadre de la
performance globale, dans une perspective
d’élargissement de cette discipline au-delà de ses objectifs
traditionnels. Le pilotage de la R.S.E. conduit à
l’élargissement du scope de l’accountibility des
propriétaires aux parties prenantes, parties prenantes
proches et parties prenantes éloignées (Moquet et Pezet,
2006 ; Acquier et Aggeri, 2008). Les contrôleurs de
gestion pourraient être désignés comme des acteurs
internes du pilotage de la performance globale. Les
matériaux employés pour atteindre les objectifs de
performance globale sont nombreux et variés. Les outils
peuvent être de deux natures : ceux proposés par
l’institution juridique et qui permettent de situer la
responsabilité sociale de l’organisation, et ceux
développés par les entreprises elles-mêmes (Dreveton,
2009). Pour la mesure des coûts externes, se développe

une comptabilité dite environnementale (comptes
satellites) et ceci se greffe à la comptabilité classique pour
une aide à la prise de décision. Ceci n’est pas le seul outil
connu dans ce sens. Le pilotage peut se faire à l’aide de
bilan social, de bilan carbone, des rapports sociaux, des
chartes, des pressions exercées par des agences de
notation. Les objectifs de la R.S.E. devant faire partie
intégrante du plan stratégique de l’entreprise, peuvent être
poursuivis par l’usage du Sustainability Balanced
Scorecard avec dans les axes un cinquième axe lié à
l’environnement à côté des quatre axes traditionnels

(apprentissage, process, clients, finance) (Norton et
Kaplan, 2001 ; Figge, Hahn, Schaltegger et Wagner,
2002). Dans certains cas des procédures débouchant sur la
certification internationale (norme ISO 26 000 par
exemple) peuvent être mises en œuvre (Quairel, 2006 ;
Meyssonnier et Rasolofo-Distler, 2008).
Le pilotage de la R.S.E. s’impose aux entreprises,
dans la mesure où celles-ci prennent part à des réseaux où
elles sont obligées de respecter des normes. Les
entreprises se voient également imposées par les Etats
l’application des chartes internationales favorisant le
développement des échanges, la protection de
l’environnement et de la société. Dans le cadre des réseaux
sociaux ou professionnels, Sobczak (2004) indique que le
recours à la responsabilité sociale de l’entreprise peut
compléter le droit du travail. Dans les pays développés, la
prise en compte de la R.S.E. par les entreprises tend à
prendre la forme d’une obligation formelle (en France, on
peut citer la loi N° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux
nouvelles régulations économiques qui a favorisé le
développement de démarches R.S.E.) qui fait parfois

l’objet d’une imposition directe des entreprises (fiscalité
verte ou écotaxes). C’est le cas dans certains pays
d’Afrique, notamment des pays du Maghreb comme le
Maroc (Bouayad Amine, 2013), l’Afrique du Sud où le
concept a été mondialement reconnu lors du Sommet de
Johannesburg en 20021, etc.
Dans les pays africains au Sud du Sahara, comme la
plupart des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique
1
Rapport du Sommet Mondial pour le Développement Durable,
Johannesburg (Afrique du Sud), 26 août au 4 septembre 2002.
Centrale, la R.S.E. n’a pas encore fait l’objet d’une

réglementation très formelle et rigoureuse (Giz, 2011)2.
Au Sénégal, le dialogue entre entreprise et collectivité
locale n’est pas encore structuré et optimal, et la vision
commune du développement est plus orientée vers des
actions « trompe œil » que ne valorise aucune des entités
(Ba et Bambara, 2011)3. Si les entreprises sénégalaises
peinent à mettre en œuvre des pratiques R.S.E., c’est que
celles-ci ne sont pas sans effets négatifs sur la continuité
de l’exploitation. Déjà, Savall et Zardet (2005) ont établi
que l’application de plusieurs pôles de normes
(tétranormalisation) par les entreprises peut mettre en péril
leur gestion.
Le champ de la recherche académique dans le
domaine de la R.S.E. n’est pas aussi fourni en articles
scientifiques. Quelques auteurs tentent à partir d’étude de
cas, de comprendre ses modes de diffusion au sein
d’entreprise (Gnanzou, 2011 ; Payaud, 2012 ; Ngaha Bah,
2013) ou de chaîne de valeur de secteurs spécifiques
(Ngaha Bah et Bambara, 2011).
Si l’on se base sur les observations de l’organisme

R.S.E. Sénégal4, l’expérience de l’Afrique de l’Ouest et
2
Promotion de la responsabilité sociétale des entreprises en Afrique
subsaharienne - Note d’orientation basée sur un exercice de
cartographie. Publié par GIZ (deutsche Gesellschaft für Internationale
Zusammenarbeit).
3
Rapport final de l’étude réalisée en juin 2011 par l’Institut des
Sciences de l’Environnement du Sénégal. Titre du rapport : « Ancrage
territorial des entreprises dans le cadre de la R.S.E. : étude du dialogue
entre entreprises et collectivités locales au Sénégal ».
4
Forum Francophone de Lyon préparant Rio+20 – Contribution
R.S.E. Sénégal pour l’atelier sur la R.S.E., 07 février 2012.
aussi du Sénégal en matière de Responsabilité Sociale se
résume en quatre points :
 un constat sur le très faible niveau d’appropriation
du concept de Développement Durable par les entreprises
et le secteur privé ouest africains : les parties prenantes
que sont les organisations professionnelles, les pouvoirs
publics, les syndicats de travailleurs et la société n’ont pas
pu s’impliquer fortement aux principes de la R.S.E. ;
 les défis et opportunités d’un déploiement de la
RSE en Afrique de l’Ouest grâce à la publication de la
norme ISO 26000 : Selon Barry et Ba (2012), la norme
ISO 26000 constitue une opportunité pour les pays de
l’Afrique de l’Ouest car permettant de favoriser l’emploi
des jeunes, de lutter contre la pauvreté, de renforcer la
compétitivité des entreprises en recrutant un capital
humain qualifié ;
 ensuite, une première réponse nationale et sous
régionale au déploiement de la R.S.E. : les objectifs sont
de promouvoir la R.S.E., intéresser les pouvoirs publics et
les autres parties prenantes à la notion de Responsabilité
Sociale des Entreprises…

 en fin, les perspectives et attentes d’un véritable
déploiement de la R.S.E. en Afrique de l’Ouest : l’objectif
est de partager avec les différentes parties prenantes les
principes de la R.S.E.
Ces constats suscitent la curiosité scientifique de
voir, dans un contexte d’économie en développement à
l’instar du Sénégal, les problèmes liés à la diffusion et
l’appropriation par les entreprises (fers de lance du
développement) des outils de pilotage de la R.S.E.
On a un éclairage sur la diffusion, l’adoption et
l’appropriation par les entreprises des innovations dans le

domaine du management général (Kimberly, 1981 ;

Godowski, 2003 ; De Vaujany, 2006 ; Grimaud, 2012 ;
etc.), en comptabilité et contrôle de gestion (Alcouffe,
Berland et Levant, 2003) ou dans le domaine du
management de la qualité (D. Bede, S. Bede, Fiorello et
Maumon, 2012). Parallèlement au domaine managérial,
des études sont réalisées dans le domaine technologique
notamment par Tornatzky et Klein (1982), Moore et
Benbasat (1991) et Rogers (2003). Dans le cadre du
contrôle de gestion responsable, le champ de la diffusion
et l’appropriation des outils par les entreprises reste encore
à explorer.
3. Problématique et démarche de la recherche

Sous l’angle du contrôle de gestion, cette
investigation constitue la première en contexte sénégalais.
La problématique de notre recherche est ainsi formulée en
trois questions :
- Quels sont les enjeux de la R.S.E. pour les
entreprises au Sénégal ?
- Quels sont les facteurs d’adoption, d’appropriation

ou de rejet des outils de pilotage de la R.S.E. dans les
entreprises au Sénégal ?
- Pourquoi et comment doit-on conduire dans les
entreprises sénégalaises des démarches de changement
favorables à l’amélioration du pilotage de la performance
globale ?
Le tissu des entreprises au Sénégal est écartelé entre
les entreprises étrangères que sont principalement les
filiales de firmes multinationales, les entreprises publiques
et parapubliques, et les entreprises privées autochtones
purement sénégalaises (familiales ou non). Une approche

instrumentale consistant en des études de cas basées sur
des entretiens en vis-à-vis complétés par une étude
documentaire à partir des sources disponibles sur place,
est conduite auprès de ces catégories d’entreprises. Il
s’agit, selon David (2005), d’une étude de cas
« collective » puisque destinée à mieux circonscrire un
phénomène à partir de cas multiples, dans une optique
plutôt exploratoire. L’objectif visé est de parvenir dans un
premier temps à une typologie explicative des modes de
diffusion, d’appropriation ou de rejet des outils de pilotage
des la R.S.E. dans le contexte d’une économie en
développement comme le Sénégal. Il convient ensuite de
faire un bilan permettant de mettre en relief les enjeux
d’une pratique de la R.S.E. dans les entreprises et de faire
à cet endroit des perspectives de structuration de la
gestion.
D’après Barry et Ba (2012)5, seuls les grandes
entreprises publiques, les filiales de multinationales et des
entreprises privées nationales dominantes sur leur marché
répondent peu favorablement aux principes de la R.S.E.
C’est cela qui justifie le choix de notre échantillon. Nous

sommes donc partis d’un échantillon global de
convenance, dans la mesure où nous nous sommes
intéressés aux entreprises qui mettent en œuvre des
pratiques R.S.E. Nous avons par la suite sélectionné les
entreprises, de part et d’autre, jusqu’à un niveau où nous
ne sentons plus une variation des réponses par rapport à
celles déjà accumulées sur des entreprises ayant déjà fait
l’objet d’enquête.
5
Barry et Ba in Forum Francophone de Lyon préparant Rio+20 –
Contribution R.S.E. Sénégal pour l’atelier sur la RSE, 07 février 2012.
Au Sénégal, le nombre d’entreprises signataires de

la « charte de la R.S.E. et du Développement Durable »6
est de 22. La liste de ces entreprises ainsi que le guide
d’entretien sont fournis en annexe. Un nombre de 7
entreprises a fait l’objet d’une étude exploratoire avec des
entretiens semi-directifs de 2 heures par entreprises. Les
entretiens sont relayés par quelques études documentaires
à partir des sources disponibles à l’Agence Nationale de la
Statistique et de la Démographie (ANSD) du Sénégal ou au
sein des entreprises.
Toutefois, nous précisons que certaines entreprises
non signataires de la charte R.S.E. ont quand même initié
des démarches R.S.E. Elles ne sont pas nombreuses, et
nous en avons sélectionné deux, à savoir : la SOCOCIM et
l’ECOBANK. Le nombre d’entreprises constitutives de
l’échantillon global étant restreint et ne respectant pas la
loi des grands nombres pour asseoir des études statistiques
concluantes, la recherche qualitative est envisagée.
Pour permettre de comprendre la posture
épistémologique de notre recherche, nous présentons notre
cadre théorique de référence. Cela permet de bien cerner

nos apports par rapport à ce qui est jusque-là établi en
matière de contrôle de gestion responsable.
6
Depuis 2012, l’initiative R.S.E. Sénégal s’est dotée d’une charte
intitulée « Charte de la RSE et du Développement Durable ». Celle-ci
vise à guider les entreprises dans leur choix et le suivi de leurs plans
d’action R.S.E.
4. Cadre théorique de référence de la
recherche
En dehors des outils de pilotage de la R.S.E. que
tente de développer le contrôle de gestion, la littérature en
contrôle de gestion laisse entrevoir plusieurs structurations
possibles de la fonction contrôle de gestion.
Pour certains auteurs, le contrôle de gestion peut être
une fonction garde-fou (Lambert et Sponem, 2009) ou un
système « barrière » limitant l’opportunisme des acteurs
ou les déviances (Simons, 1995). Le contrôle peut aussi se
faire par la bureaucratie (Ouchi, 1979 ; Simons, 1995).
Dans le cadre de la R.S.E., il est question du respect,
dans le cadre du pilotage interne, des exigences des parties
prenantes en termes de sauvegarde de l’environnement,
d’équité intergénérationnelle dans l’exercice des activités
économiques et l’exploitation du patrimoine naturel, et de
promotion du bien-être collectif.
La prise en compte de la R.S.E. implique une
gestion en interne des comportements ainsi que
l’observance des règles qui s’imposent au plan social ou
sociétal. Ces modèles de contrôle de gestion inspirent

notre réflexion quant à la détermination des pistes
d’amélioration de la performance globale des entreprises
étudiées, en proposant les axes de réflexion pour la
construction d’un modèle de contrôle de gestion
responsable.
De nos études bibliographiques, il ressort une
connaissance des outils de pilotage de la R.S.E. et des
types d’entreprises qui la pratique. Ce qui n’est pas encore
mis en lumière, c’est l’appropriation et la diffusion de la
R.S.E. dans le contexte des pays en développement

comme le Sénégal ; ceci parce que les enjeux de la R.S.E.

sont loin d’être cernés.
5. Résultats de la recherche
Le contenu des verbatim d’entretiens en vis-à-vis
enrichis de l’exploitation documentaire ont fait l’objet
d’un tri et d’un classement ayant permis, d’un côté, de
faire la synthèse des enjeux de la R.S.E. pour les
entreprises au Sénégal et, de l’autre, de faire un point sur
sa pratique et son instrumentation dans les entreprises.
5.1. Les enjeux de la R.S.E. pour les entreprises au
Sénégal
Les entreprises ne pourraient s’approprier
véritablement la R.S.E. si elles ne parviennent pas à cerner
l’intérêt de la pratiquer. Après avoir mis en relief le
contexte d’émergence de la R.S.E., notre œuvre a été de
voir si véritablement la pratique de la R.S.E. présente un
intérêt pour les entreprises au Sénégal. Il s’est agi ensuite
de voir comment elle a été et devrait-elle être pilotée.
5.1.1. Le contexte d’émergence de la RSE dans les
entreprises de l’échantillon

Le pilotage de la RSE reste une gouvernance
volontariste et non activiste dans la plupart des entreprises
sénégalaises. Le responsable de la R.S.E. à la C.B.A.O.
soutient :
« Sur le plan théorique, la RSE existait chez nous
mais rien n’était réellement mis en place…pour
l’heure le problème est que le budget n’a pas
augmenté…en conséquence nous allons surtout
nous axer sur la communication en interne des
enjeux d’intégrer une démarche de RSE. C’est
plutôt une démarche volontaire de ma part et
d’une collègue ».

Les entreprises du secteur industriel de la
transformation, comme la SOCOCIM, sont dans l’obligation
d’adopter une démarche R.S.E. compte tenu de leur
implantation en ville avec forcément des externalités
négatives telles que la pollution de l’environnement, le dépôt
des déchets toxiques, etc. Cela n’est pas encore fondé sur un
droit dur, mais constitue plutôt une action préventive en vue
de pérenniser l’implantation industrielle. Une fondation
s’occupant du volet R.S.E. est créée à la SOCOCIM. Un fait
marquant également l’émergence de la RSE est le partenariat
avec des entreprises déjà plus avancées dans les projets
R.S.E. C’est le cas de plusieurs entreprises comme BUREAU
VERITAS, CFAO MOTORS SENEGAL, BICIS,
ECOBANK, etc. Sous cet angle, nous avons recueilli auprès
de CFAO MOTORS SENEGAL, une filiale de CFAO
GROUP (distributeur français d’automobiles,
d’équipements, de produits pharmaceutiques, de nouvelles
technologies de l’information), les propos suivants :
« En 2012, le Conseil Français des Investisseurs

en Afrique (CIAN) a créé la commission RSE qui,
en association avec l’agence française de notation

extra-financière Vigeo, a travaillé pendant
plusieurs mois sur l’identification des initiatives
menées en matière de RSE par les entreprises en
Afrique. L’objectif est de favoriser un partage
d’expériences pour permettre à tous de progresser
dans une démarche encore relativement
nouvelle ».
Les ONG internationales font un travail de

sensibilisation sur le terrain et influencent les politiques
gouvernementales sur le nécessaire respect des critères de
développement durable. C’est dans ce cadre que bien des
entreprises sont signataires de la charte R.S.E. et du

développement durable. Celles-ci sont en quête des
marchés publics et internationaux incluant les normes
R.S.E. et du développement, de la protection et du soutien
de l’État, des collectivités locales, des ONG, etc. Dans ce
sens, le responsable R.S.E. de « CFAO Motors Sénégal »
soutient :
« Chez CFAO MOTORS SENEGAL la démarche

RSE a été adoptée depuis la signature de la charte
RSE par son PDG, Fabrice de CREISQUER, le
11/09/2012. Cette charte vise à promouvoir la
Responsabilité Sociétale (RSE) auprès des
Entreprises du Sénégal. Notre Assistante RH en a
la charge ».
5.1.2. La RSE : un facteur de promotion d’un

Entrepreneuriat Eco Responsable
Notre contact avec « BUREAU VERITAS -
SENEGAL » a permis de déceler ce que la RSE, au travers
d’outils de pilotage, pourrait apporter aux entreprises
sénégalaises. En effet, BUREAU VERITAS est un

fournisseur de services d’évaluation de conformité et de
certification dans plusieurs domaines dont la
Responsabilité Sociale des Entreprises. La certification
permettrait d’améliorer la compétitivité grâce à la qualité
(certification ISO 9001), la mise en place d’un système de
management incluant la notion d’échange avec les parties
prenantes et qui est basé sur l’amélioration continue
(certification SA 8000), de montrer son engagement pour
l’environnement (ce qui constitue un facteur clé d’achat
auprès de nombreux clients) (certification ISO 14001), de
démontrer son engagement pour la protection du

personnel, des personnes présentes sur les sites de travail
et les biens (certification OHSAS 18001), de s’engager sur
le respect des principes de management de sécurité des
denrées alimentaires (certification ISO 22000), et de
garantir la légalité demandée par les clients (certification
OLB).
Tous ces enjeux et les moyens existant pour les
intégrer dans le management des entreprises, ne sont
encore que peu perçus et connus par les entreprises au
Sénégal, d’après le responsable R.S.E. de BUREAU
VERITAS-SENEGAL (Mme P. R.). Son travail de fond
réside donc en la sensibilisation des entreprises aux bien-
fondés de la R.S.E. pour les emmener à se l’approprier.
Une entreprise comme « SOCOCIM » laisse
comprendre que la poursuite de la certification ISO 14001
(obtenue en 2010 et renouvelée en 2014 par un cabinet
international) s’est traduite par l’achat de nouvelles
machines (une technologie propre, efficace et efficiente).
En effet, cette société industrielle de production du ciment
est implantée en pleine ville et s’est vue dans l’obligation
d’adopter une démarche R.S.E. largement soutenue par la

fondation SOCOCIM créée en 2010. La fondation
participe à la création de projets pérennes. ECOBANK,
s’engageant à respecter l’environnement, encourage
l’ensemble de ses filiales à se montrer économiquement
responsable en consommant moins de papiers et à utiliser
sa plate-forme technologique pour assurer plus de 50% de
communication.
5.1.3. La RSE comme un inducteur de l’efficience en
matière de coûts
Dans le domaine de la construction par exemple, le
BUREAU VERITAS aide à mener à bien les projets de

construction ou de déconstruction, dans la mesure où

ceux-ci sont en général sources de risques financiers, de
risques pour les personnes et pour les biens ou pour
l’environnement. L’assistance technique et la maîtrise
d’ouvrage permettent une meilleure gestion du temps et
des délais. Au plan environnemental, BUREAU VERITAS
pousse les entreprises à faire local par l’usage de moyens
de production moins coûteuses comme l’énergie solaire.
Dans ce cadre, on peut également citer ECOBANK qui a
initié un projet de réduction de la consommation de papier
à travers une plate-forme technologique employée pour la
communication.
5.1.4. La RSE comme moyen d’intégration efficace de
l’environnement socio-économique
La RSE apparaît comme un élément fédérateur des
entreprises autour d’un même idéal, et permet de
développer des relations interpersonnelles et
interprofessionnelles. La CFAO, par exemple, cherche la
couverture médicale de tous les salariés et participe
comme membre fondateur au club Santé Afrique qui
associe plusieurs entreprises privées autour d’une ONG.

L’ONG vend l’image de marque des entreprises et
constitue en même temps un élément de publicité
permettant d’attirer des différents bailleurs internationaux
des financements à destination des projets socialement
responsables.
Dans le secteur hôtelier (hôtel Onomo par exemple),
la RSE reste un élément de marketing. Les démarches
qualité introduites rassurent la clientèle étrangère
(touristes) sur les conditions d’hygiène et de sécurité
alimentaire dans un univers où la crainte de certaines
pandémies graves comme la fièvre Ebola limite certaines

fréquentations. De même, dans le secteur bancaire, le
rapport annuel 2012 de BNP Paribas indique que la RSE
est structurée à partir de 2012, comme une fonction qui
garantit à ce groupe la confiance de ses clients et de ses
collaborateurs. Le groupe BNP est présente dans 78 pays
et exerce son activité dans le respect de droits et de
principes universels en tant que contributeur ou membre
actif du Pacte Mondial des Nations-Unies (niveau «
Advanced » au Global Compact), du Comité directeur du
Pacte Mondial France, des Women’s Empowerment
Principles des Nations-Unies , de l’Unep-Fi , du Carbon
Disclosure Project, de la Roundtable on Sustainable Palm
Oil (RSPO), d’Entreprises pour les Droits de l’Homme,
d’Entreprises pour l’Environnement , de Sida-Entreprises.
Au Sénégal, la BICIS, une filiale de BNP Paribas,
participe à un réseau de 130 relais RSE qui facilite la mise
en œuvre de la politique RSE dans les activités et pays
d’implantation.
5.2. Pratique et instrumentation de la R.S.E. au
Sénégal
Comme prélude à des perspectives de structuration

d’une pratique RSE dans les entreprises, les enquêtes ont
permis d’exposer les modes de gouvernance et de pilotage
de la RSE, sa difficile gestation au niveau opérationnel.
5.2.1. Mode de gouvernance et de pilotage de la RSE
Le constat est d’abord fait à la SOCOCIM que la
mise en place de RSE n’est pas une obligation légale
(c’est-à-dire régie par le droit du travail), mais une prise
de conscience de ses enjeux, qui se traduit par la mise en
place de démarches renforçant la compétitivité des
produits, l’accès facile aux financements de projets,
l’obtention d’une protection étatique, etc. Une revue dite

« Trait d’Union » existe à la SOCOCIM pour diffuser des

informations, de bonnes pratiques dans tout le groupe.
L’implication des acteurs internes dans la pratique de la
RSE relève ainsi de travail de communication et
d’information suscitant leur adhésion à la logique du
processus.
C’est cet appui qu’exerce la fondation SOCOCIM
qui a réussi à changer, via un processus de gestion
incitative (construction de règles ad hoc de travail
acceptées par tous et qui font tendre vers la certification),
les comportements des travailleurs.
Au niveau de la CBAO, où l’on note une absence
d’outils de pilotage formels de la R.S.E., s’est constitué
depuis 2010 un comité RSE logé au Capital Humain/RH
(Ressources Humaines). En effet, à la CBAO, la RSE est
en phase d’état des lieux et les constats suivants sont
faits : la charte de déontologie et les conventions
Internationales du travail considérées désormais comme
référentiel ; absence d’indicateurs ; refus de rédiger un
rapport RSE ; appui sur un cabinet d’expertise RSE
généraliste ne permettant pas de dresser une vision claire

de l’apport de la RSE dans le secteur d’activité de
l’entreprise.
Il apparaît que la RSE n’est pas l’objet d’une
planification stratégique devant permettre, au plan du
contrôle de gestion, la définition d’objectifs collectifs et
individuels pour sa prise en compte effective.
Il est constaté, du point de vue du pilotage de la
performance (mécanismes d’apprentissage en contrôle de
gestion), un cloisonnement entre les comités RSE et les
services Contrôle de Gestion.

Certaines entreprises emploient, dans un état
embryonnaire, des outils du contrôle de gestion sociétal.
En effet, CFAO MOTORS SENEGAL poursuit quatre
objectifs : mener une politique sociale en cohérence avec
la spécificité des territoires d’implantation du Groupe,
s’assurer que les filiales travaillent dans le respect de leur
environnement, contribuer, par ses initiatives sociétales,
aux objectifs du Millénaire, s’assurer que ses
collaborateurs travaillent dans des règles communes au
Groupe rappelées dans le Code de conduite des affaires.
Dans ce cadre, notre interlocuteur nous relate :
« CFAO utilise la plateforme développée par la

société ENABLON pour réaliser son reporting
environnemental. Cette solution permet au Groupe
CFAO dont les filiales sont décentralisées en
Afrique et dans les CTOM de faciliter et de
fiabiliser le reporting environnemental. En plus
d’ENABLON, la filiale dispose d’un suivi
environnemental développé sur Excel ».
Ainsi, les indicateurs environnementaux sont, au


niveau de CFAO, renseignés par un réseau de
correspondants propre à chaque activité du Groupe. Leur
rôle est de collecter les données requises tout au long de
l’année et de les renseigner dans l’outil ENABLON durant
la précampagne et la campagne de reporting. Ils doivent
également s’assurer de la qualité et de l’exhaustivité des
données au moyen de contrôles de cohérence. Les données
collectées sont ensuite remontées aux validateurs aux
sièges sociaux CFAO et Continental pharmaceutique, qui
réalisent à leur tour des tests de cohérence, revoient la
pertinence des informations saisies par rapport au contexte

de CFAO et à leur connaissance de l’activité des entités du

Groupe. Les principales étapes sont : l’ouverture de la
précampagne et de la campagne de reporting, la collecte et
saisie des données (assurées par les contributeurs pays), la
vérification globale et la consolidation : assurées par la
Direction RSE de CFAO appuyée par chacune des
divisions du Groupe.
Les principes cardinaux de pratique de la RSE, à
part les textes votés pour l’amélioration des conditions de
travail (accidents de travail, allocations familiales, primes
de panier, congés, etc.), ne sont pas encore inclus dans le
droit du travail. On est, dans ce sens, obligé d’aller
chercher un consensus chez les travailleurs pour la mise
en œuvre effective des démarches RSE.
Les certifications ne constituent pas une contrainte,
mais plutôt un choix de gestion motivé par la recherche
d’un avantage compétitif.
5.2.2. La difficile gestation de la RSE au niveau
opérationnel dans les entreprises
Deux choses gangrènent la pratique de la RSE dans
les pays comme le Sénégal.

La première est l’absence de règles de droit du
travail formelles pour sa mise en œuvre. Le responsable
RSE du groupe CBAO (une banque marocaine au Sénégal)
nous indique :
« Le comité RSE est logé au capital humain/RH. Il

dépend du DRH qui coordonne et valide les
décisions du comité… ce que je ne comprends pas,
c’est le désintéressement des membres. Je pense
que c’est dû à une absence de règles, d’objectifs
définis, mais aussi du choix des membres du
comité…il n’y avait que des cadres par exemple.

Et des directeurs n’y participaient pas comme
celui des achats…point central de la RSE… ».
La deuxième est l’absence de sociétés de

consommation régulièrement constituées et pouvant faire
pression sur les entreprises pour leur imposer des
contraintes. Les entreprises restent heureuses de pouvoir
continuer à maximiser leur profit sans aucune contrainte
sociale ou sociétale majeure. Il est difficile dans ce cadre
d’associer la RSE au système formel de mesure, de
pilotage et de développement de la performance (contrôle
de gestion). Si l’apport de la RSE n’est pas bien perçu par
les acteurs du contrôle de gestion, l’instrumentation
concomitante ne peut suivre.
6. Discussions
La synthèse des résultats nous permet de répondre
aux deux préoccupations majeures de cette recherche : la
question de l’appropriation des outils de pilotage de la
RSE, et celle de leur diffusion au sein des entreprises. Il
ressort des cas étudiés que les enjeux de la RSE ne sont

pas toujours bien perçus par les entreprises. La
gouvernance de la RSE est de type volontariste. En
convoquant la typologie de contrôle d’Ouchi (1979), on
pourrait s’imaginer de passer d’un isomorphisme d’ordre
mimétique à un isomorphisme d’ordre coercitif (dans un
souci d’aide aux entreprises) impliquant la mise en place
d’un contrôle de gestion de type bureaucratique (Simons,
1995) et suffisamment apprenant pour démystifier et
exploiter les pistes de développement de la performance
durable. Au plan externe, on pourrait, devant de nombreux
avantages de la RSE en termes compétitivité coût si l’on

considère le rapport prix-qualité, suggérer aux Etats

l’initiation des programmes de mise à niveau des
entreprises et de promotion de l’entrepreneuriat
responsable par la création d’incubateurs des entreprises,
et par l’incitation au développement de la recherche-
intervention ou de la recherche-action.
En effet, la RSE reste pour les entreprises
autochtones un concept nouveau, une fonction dont la
formalisation dans les entreprises ne reçoit jusque-là
aucun appui théorique de la part des chercheurs, hormis
les chants de louange qui lui sont ici ou là consacrés. Le
travail qu’abat BUREAU VERITAS doit être soutenu et
renforcé par d’autres nouvelles initiatives en faveur des
entreprises. Dans certains secteurs comme l’hôtellerie et la
restauration, la pratique de la RSE s’impose mais se
diffuse encore de façon mimétique, dans la mesure où elle
demeure une pratique libre et volontariste pouvant
toutefois constituer un élément marketing de taille.
Vu les apports réels négligeables de la RSE aux
entreprises autochtones et les débats qui abondent sur la
question, on pourrait se demander si la RSE doit vraiment

intéresser l’Afrique. Sous l’angle de l’efficience
organisationnelle, des pistes d’accroissement des
avantages compétitifs sont désormais identifiées mais les
moyens d’y parvenir restent jusque-là ignorés ou trop peu
implémentés par la plupart des entreprises ; et cela
s’explique par le fait que les enjeux d’une démarche RSE
ne sont pas bien cernés. Sous l’angle des parties prenantes,
le contexte d’économie en développement se caractérise
encore par une législation molle et l’absence de pressions
sociales ou de sociétés de consommation qui font que les
entreprises n’opèrent pas dans une logique d’anticipation

adaptative notamment pour ce qui concerne les outils de
pilotage faisant débat et que nous avons précisés en
littérature. Dans ce sens, les aspects externes de la RSE
(contribution à la préservation de l’environnement, à la
protection et au développement du patrimoine naturel, à
l’amélioration du bien-être social, etc.) sont difficiles à
intégrer dans la gestion des entreprises. Pour étayer ces
points de vue, on peut convoquer le modèle de la
structuration adaptative de DeSanctis et Poole (1994) qui
stipule que la structure de l’organisation a pour sources,
non seulement, la technologie (dont il est question dans
cette étude), mais également, l’activité et l’environnement.
Pour ce qui concerne l’adoption des outils de la RSE,
il ressort des entretiens et des études documentaires que
jusque-là leur transmission se fait généralement par le
canal des maisons mères et la plupart des entreprises qui
mettent en œuvre des politiques RSE sont étrangères. La
diffusion de l’instrumentation se fait immédiatement sans
décalage temporel dans ces entreprises. Ceci rejoint les
résultats d’une recherche déjà effectuée sur le terrain sur le
plan de la pratique et de l’instrumentation du contrôle de

gestion (Bampoky et Meyssonnier, 2012 ; Bampoky,
2013).
La remarque fondamentale est que la plupart des
entreprises qui ont des politiques RSE sont celles qui
travaillent à l’international et qui auraient des soucis de
parvenir à pénétrer les marchés pauvres. La RSE apparaît
alors comme à la fois un élément de communication et de
management en milieu pauvre (stratégie BoP).
Dans une vision macroéconomique, tout peut laisser
entrevoir que les entreprises des pays développés se
délocalisent pour chercher de nouvelles opportunités afin

de maintenir ou d’accroître leurs avantages compétitifs. Le

contrôle de gestion mis en place est selon Simons (1995)
de type « belief system », c’est-à-dire orienté vers la
recherche de nouvelles opportunités. À contrario, les
entreprises autochtones, de type PME, sont dans bien des
cas dans une situation « dilemme » ou elles cherchent
encore à positionner les produits. La fonction contrôle de
gestion n’y existe presque pas (Bampoky, 2013) pour
permettre de mettre en œuvre des démarches de
changement.
7. Perspectives de structuration d’une pratique

R.S.E. dans les entreprises
Il apparaît évident que pour aider les entreprises
autochtones à décoller, la clé de voute est la recherche-
action pour un double intérêt : éclairer les choix de gestion
stratégiques des organisations et instrumenter leur gestion
interne en adaptant les outils au contexte.
Au plan macroéconomique, un cadre institutionnel
favorable au développement durable doit être élaboré ainsi
que des mécanismes incitant l’effectivité de la recherche

appliquée et de la recherche fondamentale adéquates. Dans
cette perspective, il est important de mener des campagnes
renforçant le rôle citoyen des entreprises. Cela passe par la
compréhension par les États des différents enjeux pour
l’économie dans l’optique de façonner un cadre global
incitant à l’adoption des politiques de management axées
sur la RSE.
La formalisation du contrôle de gestion doit être
effective au sein des entreprises et des organisations, le
rôle du contrôleur de gestion devant s’étendre à l’initiation
des démarches de recherche, de pilotage et de

développement de la performance globale. Face aux
entreprises étrangères, les entreprises locales doivent alors
situer leurs manœuvres stratégiques à la fois dans une
logique défensive (résistance à la concurrence) et une
logique constructive en ce qui concerne les systèmes de
gestion. La logique constructive interpelle ainsi à bien des
égards les systèmes locaux d’éducation, de formation et de
recherche.
8. Conclusion
Ce travail de recherche tente de mettre en lumière
les obstacles ainsi que les enjeux de la mise en œuvre des
politiques RSE dans les entreprises d’une économie en
développement tel que le Sénégal. Les débats et les
discours abondent sur la question de la RSE alors que les
outils de sa mise en œuvre sont un peu trop faiblement
déployés dans les entreprises autochtones. Les raisons sont
multiples.
Par rapport à l’aspect externe du pilotage de la RSE,
l’environnement sénégalais est caractérisé par une
législation molle qui se traduit au sein des entreprises par

des pratiques volontaristes pouvant, dans certains cas, être
assimilées à des à des actions « trompe-œil » devant les
organismes multilatéraux qui cherchent à promouvoir le
développement durable. En effet, dans les pays
développés, les parties prenantes organisées (O.N.G.,
syndicats, collectivités locales, associations de
consommateurs, etc.) exigent toujours de se faire entendre,
ce qui finit par constituer une contrainte dont les
entreprises ne peuvent se dérober. Par rapport à l’aspect lié
au management des entreprises, les opportunités qui sont
liées à des pratiques RSE et qui peuvent étayer leur

formalisation dans les entreprises, sont méconnues. À ce

sujet, ce travail établit que la RSE peut constituer un
élément permettant d’agir sur les coûts et les réduire, un
moyen efficace d’intégration de l’environnement socio-
économique, un facteur de promotion d’un entrepreneuriat
éco-responsable. Tous ces aspects peuvent constituer des
déterminants de poids de la compétitivité et par-delà du
développement durable.
Dans la mesure où l’activité et l’environnement sont
des sources majeures de structuration de la gestion des
entreprises et des organisations, la recherche des clés de
succès pour le développement de la performance durable
doit être associée aux manœuvres d’élaboration
stratégique. Cela doit permettre de formaliser, sur le plan
du contrôle de gestion, les méthodes et outils appropriés.
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ZIEGLER, J., 2011, Destruction massive : géopolitique de la
faim, Seuil, 352 p.
Annexe 1. Guide d’entretien à l’attention des contrôleurs de

gestion

1. Pourriez-vous nous présenter votre entreprise ?
2. On parle beaucoup de Responsabilité sociale ou sociétale
des entreprises, de critères ESG pour éthique social et
gouvernance. Nous aimerions que vous me disiez ce que
vous en pensez et ce qui se passe dans votre entreprise à ce
niveau. ?
3. Revenons sur ce qui se passe dans votre entreprise :
Quand avez-vous adopté une démarche RSE / intégré la
RSE au sein de votre entreprise ? Qui en a la charge ?
4. Comment se fait la diffusion de la RSE entre votre maison
mère et votre filiale? au sein de votre entreprise ?

5. Existe-t-il des outils de pilotage de la RSE au sein de votre
entreprise ? Pouvez-vous les énumérer ?
6. Est-ce des outils adoptés par la maison mère et que vous
suivez ? Ou avez-vous développés vos propres outils ?
7. Certains sont-ils imposés par la maison mère ? lesquels ?
8. Comment ces outils sont-ils mis en pratique au niveau de
l’entreprise ?
9. Est ce qu’il y a un processus de concertation sur les modes
de management de la RSE au sein de votre entrepris ?e des
échanges entre les départements ?
10. Existe-t-il des phases pour vous approprier les outils de la
RSE (communication ou formation sur l’outil) ? Quelles
sont ces différentes phases ? comment cela s’est passé dans
votre service ?
11. Y-a-t-il vraiment obligation à adopter une démarche RSE ?
Pourquoi ?
12. Avez-vous l’impression que la RSE a changé quelque
chose au sein de l’entreprise ? Pourriez-vous nous donner
des exemples ?
13. Que voudriez-vous améliorer, changer pour que la RSE
soit réellement intégrée dans l’entreprise et notamment au
sein de votre service ?
14. Comment voyez-vous l’avenir concernant le déploiement

de la RSE dans votre entreprise ?

Annexe 2. Liste des entreprises signataires de la charte

RSE et Développement Durable des entreprises du
Sénégal à la fin octobre 2013
Date de l’adhésion
Nom de l’Entreprise Secteur
Oromin JVS Mines Novembre 2012
Terangagold Mines Novembre 2012
International Drilling Company-Idc Mines Novembre 2012
Banque de l’Habitat du Sénégal Banque Novembre 2012
Sgbs Banque Novembre 2012
Cbao Attijariwafa Bank Banque Novembre 2012
Eiffage Sénégal Btp Novembre 2012
Palm Btp Btp Novembre 2012
Neurotech Tic Novembre 2012


Transport
Dhl Global Forwarding Sénégal Novembre 2012
Logistique
Transport
Bolloré Africa Logistics Sénégal Novembre 2012
Logistique
Cfao Sénégal Distribution Novembre 2012
Fumoa Emballage Janvier 2013
Cofisac Emballage Janvier 2013
Contrôle
Bureau Veritas Sénégal Janvier 2013
technique

Pcci Tic Mars 2013
Energeco Energie Mars 2013
Bicis Banque Avril 2013
Wartsila wa Energie Mai 2013
Hôtel Onomo Hôtellerie Mai 2013
Contrôle
Sgs Sénégal Octobre 2013
technique
Sodefitex Agro industrie Octobre 2013
Source : RSE Sénégal, 2013, le 5ème forum international sur la

RSE, Thiès - Dakar 18-22 novembre.

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Keywords : Sustainable development, overall performance,

D ans la poursuite d’une maximisation de la valeur pour

intergénérationnelle, de préservation des ressources

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Revue congolaise de gestion, N° 20, Juil. – Déc. 2015 96

La responsabilité sociale ou sociétale de

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2. Les raisons, les enjeux et les outils de

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« les activités mondialisées butent sur les limites

Pour la préservation de l’environnement et la prise

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informels qui assurent la convergence des comportements

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Centrale, la R.S.E. n’a pas encore fait l’objet d’une

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domaine du management général (Kimberly, 1981 ;

3. Problématique et démarche de la recherche

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Au Sénégal, le nombre d’entreprises signataires de

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comme le Sénégal ; ceci parce que les enjeux de la R.S.E.

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« En 2012, le Conseil Français des Investisseurs

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Les ONG internationales font un travail de

entreprises sont signataires de la charte R.S.E. et du

« Chez CFAO MOTORS SENEGAL la démarche

5.1.2. La RSE : un facteur de promotion d’un

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construction ou de déconstruction, dans la mesure où

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« Trait d’Union » existe à la SOCOCIM pour diffuser des

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