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Jean-Luc Rossignol
Dans Management & Avenir 2010/3 (n° 33), pages 175 à 186
Éditions Management Prospective Editions
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.033.0175
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Résumé
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Le rapport entre la fiscalité et la responsabilité globale de l’entreprise n’est pas
évident au premier abord. Le lien est pourtant réel, au regard notamment de
l’évolution de la fiscalité mais aussi de l’organisation de sa gestion. Emerge
là une nouvelle posture de l’administration fiscale comme acteur engagé de
cette responsabilité globale. Il pourrait en résulter la création d’un véritable
contrat fiscal dans le cadre d’une régulation fiscale renouvelée.
Abstract
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là, d’une certaine manière, une nouvelle approche reposant sur le constat de
changement de posture de l’administration fiscale, comme nouvel acteur engagé
de la responsabilité globale de l’entreprise.
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norme (la création d’un cadre conceptuel fiscal serait, sans conteste, d’une utilité
certaine).
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considérablement renforcé. Ainsi, l’organisation de l’administration en fonction
même du risque contribue-t-elle à élever le niveau de risque. La mise en place
de nouvelles applications informatiques ainsi que la création de la direction des
grandes entreprises (DGE) et celle du service des impôts des entreprises (SIE)
s’inscrivent précisément dans cette perspective, même si elles visent, en premier
lieu, à améliorer la qualité du service rendu aux usagers et à promouvoir un
meilleur civisme fiscal.
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comités d’audit et des risques) et sa mise en place constitue en soi un véritable
instrument de pilotage fiscal pour la société qui s’en dote dans la mesure où,
globalement, le contrôle fiscal interne permet en fait de :
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s’apprécier dans le temps, dans l’espace mais aussi par rapport à la performance
globale de l’entreprise.
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législatif et réglementaire, dans ses dimensions nationale et communautaire,
avec ses contraintes mais aussi ses opportunités. Pour respectivement y faire
face et les saisir, une véritable organisation est nécessaire ; elle l’est pour assurer
une sécurité juridique bien comprise mais aussi pour bénéficier pleinement de la
liberté de gestion accordée. C’est cette liberté qui peut inciter les entreprises à
« opter pour le « grand large » des montages fiscaux internationaux » dans le cadre
de planifications fiscales agressives, dont il convient de bien cerner les contours
aux confluents de l’analyse juridique et de la morale. De telles planifications sont
au demeurant facilitées par la véritable concurrence fiscale qui s’est instaurée
entre les Etats en lien avec leur propre stratégie de développement. De telles
pratiques posent à la fois le problème de la définition des outils de lutte contre
les schémas les plus abusifs, pour placer cette liberté sous surveillance, mais
aussi celui de la responsabilité sociale des entreprises et des acteurs de leur
gouvernance au regard notamment du recours aux paradis fiscaux ou à d’autres
manœuvres frauduleuses établies pour fuir les obligations fiscales, en adoptant
des stratégies de free-rider susceptibles d’être contraires à l’intérêt général.
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contrats qu’elle génère dans la plénitude de son objet.
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façon de plus en plus sensibles au risque et, en particulier, depuis peu, au risque
de réputation (ce risque s’explique par l’éventuel impact négatif d’un manque
de transparence sur l’image et la crédibilité de l’entreprise auprès du public).
L’administration fiscale britannique a d’ailleurs récemment lancé des démarches
auprès des conseils d’administration des plus grandes entreprises du Royaume-
Uni pour attirer l’attention de leurs membres sur les problèmes qu’elles peuvent
rencontrer en termes de risque fiscal. Il s’agit, à ce niveau, à la fois de rendre les
dirigeants de ces organisations moins audacieux et d’obliger à un recensement
exhaustif et accessible des positions fiscales risquées. L’objectif recherché est,
sans conteste, ambitieux alors que, selon une étude de Ernst & Young de 2006,
67% des directeurs fiscaux indiquent ne pas avoir encore de stratégie fiscale
formalisée ; seuls 15% de ceux ayant procédé à une première formalisation sous
forme de charte, de description de mission, voire de politique fiscale groupe,
obtiennent la validation de ce document par leur conseil d’administration avec
le niveau de prise de risque toléré. Il se fonde, tout au moins en partie, sur une
notion d’entreprise responsable ou citoyenne. Cette dernière s’auto-censurerait
en fait dans ses pratiques en limitant sa propre créativité fiscale, par la définition
d’une deuxième frontière, celle précisément de l’ « acceptable », en plus de
celle du légal, dans le cadre de ce que l’on pourrait appeler une « co-gestion »
de l’optimisation fiscale. Cette « co-gestion » s’appuierait, elle-même, sur un
véritable code de bonne conduite entre administrations fiscales et entreprises
à partir d’un comportement disciplinaire d’auto-limitation. Le respect de ce
code aurait comme contrepartie la promesse que les choses se passent au
mieux en cas de contrôle (OCDE, 2006). L’administration fiscale néerlandaise
propose d’ailleurs déjà le contrôle renouvelé, dans lequel elle s’engage à opérer
les contrôles de la manière la plus courte possible, en échange précisément
d’une transparence de l’entreprise sur sa propre analyse de ses risques fiscaux
(OCDE, 2006).
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accrue avec l’extension de la déclaration de soupçon aux délits fiscaux prévue
par l’ordonnance 2009-104 du 30 janvier 2009 (cf. Michaud, 2009).
Une telle évolution est significative en tout cas de la place que souhaite occuper
l’administration fiscale dans cette gouvernance, alors que la notion d’éthique
dans le comportement fiscal est complexe et difficilement mesurable en dehors
d’extrêmes plus commodément identifiables ; si elle repose sur une réalité bien
comprise reliée à la notion de régularité fiscale, elle est à la fois ambiguë et
relative, car dépourvue d’une réelle autonomie. Si l’opportunisme fiscal fait
partie de l’éthique fiscale (il établit simplement un intervalle d’égalité entre les
entreprises contribuables, intervalle fonction de la nature et du développement
de leur politique fiscale), cette éthique fiscale, au demeurant difficilement
dissociable de l’éthique financière, est susceptible de s’envisager selon différentes
acceptions et, lorsque le juge doit prendre position au cas par cas, il produit de
la norme juridique à partir d’une approche inévitablement « morale ». De fait, et
à défaut de critères précis dans les textes (de tels critères seraient probablement
impossibles), le contribuable en est réduit à examiner les faits des jurisprudences
pour apprécier les risques que l’opération qu’il envisage soit considérée comme
un « montage artificiel » selon les termes désormais consacrés par le Conseil
d’Etat59. La délimitation du champ exact d’une mesure anti-abus générale ressort
ainsi davantage de la technique du « case law » que du droit écrit avec une
certaine convergence des deux approches de l’optimisation fiscale inacceptable :
par la responsabilité sociale (social responsibility) et par le risque (corporate
governance) (Taly, 2009, p. 387).
59. Par deux décisions récentes du 7 septembre 2009, la Haute Juridiction exclut de condamner les schémas d’optimisation fiscale qui
ne vont pas à l’encontre des objectifs poursuivis par l’auteur des dispositifs fiscaux (CE, 7 septembre 2009, n° 305596 et n° 305586).
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Ainsi, alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 soumet
aux cotisations sociales, dès le premier euro, les indemnités de départ dont le
montant est supérieur à trente fois le plafond annuel de la sécurité sociale, la
loi de finances pour 2009 prévoit qu’à compter de l’imposition du résultat de
2008, pour les SA cotées, ces rémunérations dues à raison de la cessation
ou d’un changement de fonctions ne sont désormais déductibles des résultats
imposables qu’à hauteur de six fois ce même plafond (205 848 euros pour 2009) ;
sont là notamment visées les parachutes dorés, les indemnités de clauses de
non-concurrence et les indemnités de retraite versées après le départ, dont les
montants parfois astronomiques ont suscité polémiques et critiques. Une telle
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mesure a été retenue par le législateur « pour limiter réellement, en s’attaquant
aux règles fiscales, les dérives constatées en la matière », et cela alors que le
gouvernement souhaitait se reposer davantage, dans un premier temps, sur le
code de bonne conduite mis en place par le MEDEF. Une démarche similaire avait
été tentée l’année précédente, sans le même succès, alors que la limite prévue
était d’un million d’euros. Le rapport d’information du député Philippe Houillon60
sur les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de
marché fait d’ailleurs de nouveau état de cette dernière limite qui lui apparaît
« constituer un compromis raisonnable, notamment en ce qu’il ne changerait rien
à la situation actuelle des plus petites sociétés du SBF 250 » (p. 59).
Mais, est-ce bien son rôle ? On peut en douter ; l’administration n’a pas à
s’immiscer dans la gestion des entreprises et en devenir un contrôleur. Pourquoi
ne plus vouloir se reposer sur la décision des conseils d’administration ou de
surveillance, qui, dans la plupart des cas, s’appuient sur l’avis de comités des
rémunérations (non encore institutionnalisés) composés de membres que l’on
espère pleinement compétents et responsables ? Et cela, d’autant que :
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- De plus, depuis l’adoption de la loi TEPA (art. L. 823-10 du code de
commerce), les commissaires aux comptes certifient de nouveau
l’exactitude et la sincérité des informations relatives aux rémunérations
et aux avantages de toute nature versés à chaque mandataire social,
disposition qui avait été supprimée par l’ordonnance du 8 septembre
2005.
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détaillée à destination de la seule Autorité des Marchés Financiers ;
- l’instauration d’un droit de suite en matière de contrôle fiscal au niveau
de l’Union européenne avec renforcement des instruments européens
de lutte contre la fraude fiscale ;
- la création d’une obligation pour les établissements financiers de déclarer
tout mouvement financier, tout produit ou tout montage en lien avec un
territoire non coopératif ;
- et même la création, pour les professions juridiques et financières, d’une
obligation de déclarer les montages réalisés pour leurs clients en lien
avec les paradis fiscaux.
Conclusion
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Corporate Governance and Tax Risk Management (p. 5). Il pourrait en résulter, en
particulier, la création d’un véritable contrat fiscal dans le cadre d’une régulation
fiscale renouvelée.
Bibliographie
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