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Décision managériale et neurosciences : une nouvelle

vision de la gouvernance ?
Bernard Roullet, Olivier Droulers
Dans Management & Avenir 2014/3 (N° 69), pages 13 à 31
Éditions Management Prospective Editions
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.069.0013
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Décision managériale et neurosciences :
une nouvelle vision de la gouvernance ?

par Bernard Roullet1 et Olivier Droulers2

Résumé
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De manière subtile et discrète, l’invention puis la maîtrise grandissante de
l’imagerie cérébrale fonctionnelle depuis 1990, ont bouleversé la façon
d’aborder la cognition dans le vivant. Les progrès des neurosciences
(affectives et cognitives) ont progressivement mais massivement infusé
les sciences humaines et sociales. Aujourd’hui, un chercheur en sciences
humaines et sociales (SHS), en particulier en sciences politiques, en
sociologie ou en sciences de gestion, ne peut faire l’impasse sur certains
acquis des neurosciences qui renouvellent notre vision de la gouvernance
au travers du processus de prise de décision.
Abstract

In a subtle and inconspicuous way, the invention and the growing practice
of functional brain imaging (fMRI) in the early 1990s have revolutionized
the approach to cognition in living organisms. Far from only focusing on
biology and physiology, advances in neurosciences have slowly but heavily
pervaded the humanities and social sciences (HSS). Today, a researcher in
HSS, particularly in political science, sociology or public governance, cannot
overlook some achievements of neuroscience which are profoundly altering
our vision of the human being and her relations with her kin, especially
through decision-making.

Les acquis des sciences cognitives, dans lesquelles s’inscrivent les neurosciences,
permettent pour la première fois dans notre histoire d’avancer des explications
plausibles et scientifiquement testables pour la survenance de phénomènes
mentaux. Nous pensons que la gouvernance ne peut faire l’économie de telles
connaissances pour guider et satisfaire au mieux les individus qu’elle a en charge.
Nous proposons de rappeler les fondements de la gouvernance appréhendés
par des gestionnaires, de dévoiler les promesses suscitées par la révolution
cognitive, ainsi que les raisons des oppositions dans certaines disciplines des
Sciences Humaines et Sociales (SHS). Nous présenterons ensuite quelques cas
susceptibles d’illustrer la diffusion grandissante des préceptes neuroscientifiques
dans l’ensemble des SHS, en particulier en management et dans la théorie de la
décision. Dans une section finale, nous discuterons des limites inhérentes à ces
1. Bernard Roullet, Maître de conférences, IREA EA 4251, Université de Bretagne Sud, bernard.roullet@univ-ubs.fr
2. Olivier Droulers, Professeur des Universités, CREM UMR 6211, IGR-IAE, Université de Rennes 1,
olivier.droulers@univ-rennes1.fr

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nouvelles pratiques. Afin de conserver une concision dans notre propos, nous
nous intéresserons donc essentiellement à la neuroscience de la décision. Le
processus de décision suppose en effet un ensemble de mécanismes cognitifs
et affectifs – partiellement étudié en management et sciences de l’organisation –
qui a fait l’objet d’un renouveau d’intérêt au travers des neurosciences sociales
et de la neuroéconomie, en apportant de nouvelles révélations touchant à son
déroulement, ses processus et ses niveaux de conscience.
Nous tenterons ainsi de démontrer dans cet article que les neurosciences
transforment notre vision de la gouvernance.
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1. De nouvelles ressources pour gouverner

Gouverner, gérer au mieux et exercer le pouvoir de manière efficace suppose


de comprendre ses concitoyens ou salariés, voire de prévoir ou prédire leurs
attentes et comportements. Dès lors, et les auteurs classiques, de Sun Tzu à
Machiavel, en sont la preuve, gouverner et gérer implique une compréhension de
la psychologie humaine. Gouverner ou gérer, si c’est connaître ou comprendre
autrui, c’est aussi et avant tout décider, c’est-à-dire opter pour un choix que
l’on supposera optimal dans l’optique de l’atteinte d’un but prédéterminé (e.g.
pérennité d’une organisation ou bien-être des concitoyens). On distinguera ici
gouvernance et management, dans la mesure où le manager doit comprendre
les processus de décision (les siens et ceux des collaborateurs, individuels et
collectifs) et où les individus chargés de la gouvernance (conseil de surveillance,
cour des comptes etc.) doivent comprendre les mécanismes psychologiques
qui gouvernent le management. Partant de la conviction évoquée supra
(maîtriser la psychologie humaine), les dirigeants, stratèges et autres managers
du XXIe siècle éprouveront nécessairement un intérêt croissant à l’égard des
neurosciences cognitives et affectives (Lecerf-Thomas, 2009). Les pouvoirs
publics ont commencé à témoigner un certain intérêt pour les sciences cognitives
à partir des années 1980. L’émergence de techniques d’imagerie permettant
l’étude non invasive du cerveau in vivo a renforcé cet intérêt de manière plus
spécifique. En outre, la prise de conscience du vieillissement de la population,
s’accompagnant de pathologies mentales que l’espérance de vie autrefois plus
limitée occultait, n’est pas étrangère à l’intérêt en question. En 1990, le président
étatsunien avait décrété « la décennie du cerveau », inaugurant de multiples
initiatives, subventions et financements de centres de recherches (reconduits
à présent ; Cf. infra). Des fondations ont été créées pour sensibiliser le public
et initier de nouvelles recherches. L’accessibilité grandissante aux techniques
d’imagerie cérébrale, son appropriation par les pays émergents, la croissance
exponentielle des publications scientifiques mondiales (Schmidt, 2011) ont
conduit les neurosciences à une certaine prééminence parmi les autres sciences
de la vie et à une influence subreptice parmi les SHS, ce qui a pu susciter des
inquiétudes.

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une nouvelle vision de la gouvernance ?

2. Des résistances farouches (et des conversions massives ?)

La défiance, voire le rejet de la biologie dans les SHS pour appréhender des
phénomènes humains et sociaux, provient du modèle standard des sciences
sociales, largement dominant aujourd’hui selon Pinker (2006). Il conteste fortement
ce modèle, qui repose essentiellement selon lui sur trois postulats erronés : (1)
la primauté de l’acquis qui pose que l’apprentissage est la source essentielle
de toute connaissance et de tout comportement, (2) la nature intrinsèquement
pacifique de l’homme qui est uniquement pervertie par les institutions sociales
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et (3) l’épistémologie dualiste qui suppose implicitement que physiologie et
phénomènes psychiques sont des éléments distincts (parfois associés). De ces
trois croyances du modèle standard succinctement résumées et de la réticence
à une certaine « naturalisation », découlent occasionnellement des oppositions
entre sciences sociales et sciences de la nature. Des travaux contredisent ou
du moins relativisent considérablement ces postulats pourtant pérennes dans
certaines disciplines. Pour le premier postulat, on sait que le génome humain recèle
plusieurs prédispositions tempéramentales et comportementales (conditionnées
par la survenance de facteurs environnementaux et épigénétiques), que l’on
constate précocement chez le nouveau-né (Izard et al., 2009). Quant au deuxième
postulat, des chercheurs d’inspiration évolutionniste (Buss, 1995), considèrent
que la Nature n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Les espèces s’y plient ou
dépérissent ; et pour ce faire, elles doivent parfois faire des choix « altruistes »
pour leurs congénères, mais « égoïstes » ou « cruels » pour d’autres espèces
concurrentes (Dawkins, 2006). Enfin, le troisième postulat dualiste a subi les
coups de boutoir des sciences neurocognitives qui ont amassé en une vingtaine
d’années des faisceaux concordants d’évidences qui indiqueraient fortement
une identité du corps et de l’esprit, tant dans des contextes pathologiques que
normaux (Crick, 1994).

Compte tenu des progrès accomplis dans le domaine des sciences cognitives,
va-t-on donc assister à des « conversions épistémologiques » en masse parmi
les chercheurs en SHS ? Car l’adhésion aux techniques et aux raisonnements
des neurosciences implique un changement radical d’épistémologie. On peut en
effet évoquer le terme de « conversion » (voire d’apostasie !) car les tenants
des neurosciences sont majoritairement matérialistes et monistes et leur
épistémologie est plutôt néopositiviste, tandis les chercheurs en SHS sont parfois
dualistes, souvent constructivistes et holistes. Pourquoi donc les neurosciences
seraient-elles les nouvelles mannes des humanités ? Brièvement, nous dirons
que les neurosciences cognitives et affectives apportent aux SHS des modèles
explicatifs et prédictifs, qui s’inscrivent dans une logique évolutionniste, vérifiable
et réfutable. Les techniques actuelles d’imagerie cérébrale fonctionnelle
répondent précisément au problème de la mesure objective (i.e. sans perturbation
de l’observateur), constatée dans d’autres disciplines, dont le management et les

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sciences organisationnelles en particulier (Schmidt, 2008). Il convient néanmoins


d’expliciter cette approche qui consiste à « s’approprier un paradigme ». En effet,
il ne s’agit pas simplement de recourir à des techniques importées, de manière
purement utilitaire, mais bien de s’approprier les théories et cadres de pensée des
neurosciences afin d’entamer une fructueuse relecture des dogmes disciplinaires.
Il ne faudrait donc pas « picorer » ici ou là des terminologies neuroscientifiques
pour les « relooker » sous des atours managériaux. Cette pratique serait inepte,
comme furent exposés et condamnés certains excès du culturalisme ou de la
sociologie des sciences (Sokal et Bricmont, 1997). Nous pensons qu’il est utile
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de rappeler dans la section suivante, pour la poursuite logique de l’argument,
quels sont les éléments, facteurs ou croyances qui fondent les neurosciences et
leurs paradigmes.

3. De nouvelles lectures théoriques et des éclairages nouveaux

Le paradigme des neurosciences repose sur quelques concepts fondamentaux


que nous proposons de rappeler brièvement. Nous pouvons brièvement mettre
en avant les points suivants, soulignés précédemment par Ilardi et Feldman
(2001) : (a) notre cerveau et les cognitions qui lui sont associées sont le produit
d’une très longue évolution phylogénétique ; les fonctions ou capacités cognitives
humaines ne peuvent être pleinement appréhendées que dans un contexte
évolutionniste, (b) il y a identité entre évènements psychiques et évènements
neuronaux ; la conscience émerge d’un processus complexe d’interactions entre
le cerveau et le reste du corps, dont les états sont représentés neuralement,
(c) tout comportement humain explicite est la résultante d’une intentionnalité,
générée dans le système nerveux central : il n’y a pas de « causalité mentale »,
comme antécédent ultime, (d) les gènes semblent offrir certaines prédispositions,
cependant conditionnées par la survenance de facteurs environnementaux. L’inné
et l’acquis sont ainsi moins antagonistes que supposé autrefois (Feltz, 2000).

La diffusion grandissante des paradigmes décrits supra dans les SHS est
d’autant plus compréhensible que les neurosciences cognitives et affectives
ont effectivement produit ces dernières années, un corpus de nouvelles
connaissances, qui corrigent, infirment, remodèlent ou valident des théories
existantes. Nous présenterons ci-après quelques exemples issus de disciplines
qui apparaissent pertinentes en manière de management et de gouvernance, à
savoir la psychologie, la sociologie et les neurosciences cognitives sociales, qui
toutes, de manière transversale, supposent des processus de décision, qu’ils
soient explicites ou non.

Après avoir rappelé les grandes étapes d’un processus de décision (3.1.),
nous proposerons dans un premier temps d’explorer ce processus, tel qu’il est
diversement étudié, modélisé et expliqué par les neurosciences cognitives (3.2.).

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une nouvelle vision de la gouvernance ?

Dans un deuxième temps, nous rappellerons les principales théories de la décision


issues de l’économie comportementale et des sciences de l’organisation (3.3.).
Enfin, nous verrons ce que peuvent apporter les neurosciences à ces disciplines
(3.4.), ainsi qu’aux autres disciplines de gestion (3.5.), en conservant à l’esprit
que l’inverse (i.e. enrichissement des neurosciences) est également valide.

3.1. Le processus de décision : modalités et décours temporel


La décision est l’un des processus biologiques les plus partagés dans le
règne animal. Tout organisme doit opter continûment pour une alternative
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comportementale, afin de s’adapter à l’environnement, d’optimiser l’atteinte de
ses objectifs et d’assurer in fine sa survie provisoire. L’existence d’un but suppose
également un objet (matériel ou mental) et donc une intentionnalité au sens de
Brentano3 (Jacob, 2007). Il existe dans la nature une grande hétérogénéité des
décisions humaines. Ces dernières peuvent être individuelles ou collectives
(sociales), orientées vers un but utilitaire ou ludique/hédoniste, d’essence morale
ou non, prises dans l’instant (contraintes temporelles) ou mûrement réfléchies
dans le temps. Ces décisions peuvent avoir lieu dans un contexte de certitude (le
décideur connaît à l’avance l’issue de chaque alternative possible) ou au contraire,
dans un contexte d’incertitude ou d’ambigüité (probabilité non calculable). Ce
contexte peut être familier ou nouveau, consensuel ou hostile, auxquels cas
des séquences programmées (heuristiques) pourront ou non être invoquées.
Certaines alternatives peuvent comporter des risques plus ou moins délétères,
dont la probabilité d’occurrence est connue ou calculable et envers lesquels
le sujet sera plus ou moins hostile (Trepel, Fox et Poldrack, 2005 ; Roullet et
Droulers, 2010), auquel cas le traitement de l’information sera plus affectif (hot
executive function) que dans le cas contraire (cold executive function). Chaque
option décisionnelle représente une valeur en soi, non-nulle, objective (de
manière absolue sans base de comparaison) ou subjective (en regard avec le
contexte ou des expériences passées) et que l’on supposera évaluée à la même
aune4, quelle que soit la modalité sensorielle convoquée (Grabenhorst et Rolls,
2011). Enfin, la résultante du choix optionnel (la récompense espérée) peut être
immédiate ou différée, modulant ainsi sa valeur subjective (dégradation de la
valeur de la récompense future) (Wittmann et Paulus, 2009). Selon la valence
positive ou négative de l’issue décisionnelle et l’écart absolu entre la récompense
attendue et celle vécue, une actualisation de la valeur sera effectuée (Bossaerts,
2009). La microéconomie et l’économie comportementale analysent et tentent de
modéliser ces paramètres de la décision depuis des décennies.

3. « Selon la définition de Brentano, l’intentionnalité est le pouvoir mental de viser des objets. Le mot qu’on traduit en français par «
intentionnalité » est formé sur la racine du verbe latin tendere : l’intentionnalité est la capacité mentale de viser une cible ou de tendre
l’esprit vers un objet » (Jacob, 2007 ; 154).
4. Il semble aujourd’hui que magnitude et proportion, sous-tendant les valeurs absolue et relative, aient des substrats neuronaux
omniprésents (Jacob, Vallentin et Nider, 2012).

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De manière classique, la prise de décision s’inscrit dans une succession logique


d’étapes rationnelles, destinées à optimiser l’alternative choisie. Elle est donc
définie comme le processus de choix entre plusieurs alternatives, considérées
comme des solutions plausibles à un problème identifié. Sept étapes successives
sont alors généralement avancées (Robbins et DeCenzo, 2008) : identification du
problème, identification des critères de décision, allocation des pondérations par
critère, développement des alternatives, analyse de ces dernières, choix d’une
alternative et implémentation de ce choix. Une huitième étape correspondrait à
l’évaluation de l’issue et à l’apprentissage associé. Néanmoins, cette approche
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classique présuppose une rationalité qui ne peut être envisagée que si des
conditions initiales bien précises sont remplies : le problème est clair et sans
ambiguïté ; un but unique et clairement défini doit être atteint ; toutes les
alternatives et leur issue propre sont connues ; les préférences sont accessibles
mentalement et elles sont stables dans le temps ; aucune contrainte temporelle
n’est exercée sur le décideur et enfin, le choix final doit maximiser la récompense
économique. Or l’on sait que de nombreuses violations de ces conditions existent
dans le monde réel, ce qui explique le relatif isolement des théories normatives
de la décision, au profit des théories dites descriptives et computationnelles, qui
ont inspiré neuroéconomistes, neuropsychologues et neuroscientifiques de la
décision.

3.2. Le processus de décision, selon les neurosciences


cognitives
Un thème majeur des neurosciences cognitives appliquées est la neuroscience
de la décision (Shiv et al., 2005), qui s’efforce de comprendre et d’expliquer les
mécanismes biologiques qui sous-tendent les prises de décision, en situation
de risque ou non, d’incertitude ou non. Des chercheurs ont étudié les substrats
neuronaux des concepts économiques, telle que l’utilité attendue d’un bien
(Padoa-Schioppa et Assad, 2006), qui guident la nature du choix (Preuschoff et
al., 2006). D’autres ont ainsi démontré que l’issue d’une délibération mentale – le
choix de prendre telle ou telle décision – repose sur un subtil déséquilibre entre
deux structures corticales, l’une codant l’appétence de l’utilité évaluée (circuit
de la récompense), l’autre codant le niveau aversif des conséquences liées à
une mauvaise décision éventuelle. L’activation supérieure de l’une par rapport à
l’autre prédit la décision finale de l’individu (Knutson et al., 2007). Nous verrons
dans les points suivants qu’à chaque étape cognitive – abstraite et formelle –,
correspond une activation biologique corrélée, qui rend plus incarnés ou réalistes
les traitements de l’information. Selon Ernst et Paulus (2005), le processus de
décision se déroule en trois étapes principales dans le cerveau : (1) la formation
des préférences, (2) l’exécution de l’action et (3) l’expérience du résultat.

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3.2.1. Formation des préférences


Il s’agit ici d’étudier la formation des valeurs subjectives associées à chacune des
alternatives. Des processus à la fois cognitifs et affectifs ont alors lieu pour prédire
des valeurs attendues (expected values). Différents circuits neuronaux coderont
les valeurs relatives (striatum), les probabilités supposées (pariétal inférieur,
insula), le nombre possible d’options (préfrontal dorsolatéral), les expériences
passées (succès ou échec en mémoire ; hippocampe, temporal médian et
amygdale) et le contexte de décision (incertitude, ambigüité etc. ; cingulaire
antérieur et insula). L’évaluation affective (appraisal) correspond à ce qui a été
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nommé « étiquetage émotionnel » par certains auteurs et elle s’inscrit dans
l’hypothèse dite des marqueurs somatiques5, avancée par Damasio (1996).
3.2.2. Exécution de l’action de choisir
Il s’agit ici d’initier, de réaliser et d’achever une action en fonction des préférences
établies (Ernst et Paulus, 2005). Cela suppose d’établir une hiérarchie entre
préférences, de survaloriser la préférence présentant l’utilité maximale (c’est-
à-dire ayant atteint un seuil minimal en cours de délibération ; Johnson et
Busemeyer, 2010), d’inhiber ou de supprimer les options alternatives (non-
retenues) et d’implémenter les séquences motrices de l’action destinée à obtenir
la récompense attendue, en s’assurant en parallèle de l’absence de toute erreur
en cours d’exécution. Structurellement, il apparaît que toutes les séquences
motrices (des différentes alternatives) sont planifiées dans l’aire prémotrice et
l’aire motrice supplémentaire et que seule la séquence de la préférence choisie
n’est pas inhibée par le cortex préfrontal dorsolatéral. Le cortex cingulaire
antérieur assure les fonctions de contrôle et de détection d’erreurs.
3.2.3. Ressentir et évaluer la conséquence du choix
Des valeurs sont alors attribuées à l’expérience de la conséquence, avec une forte
dimension affective. Il s’agit des valeurs subjectives réelles, qui seront comparées
aux valeurs attendues initialement. Elles auront une valence et une saillance
résultant de l’activation des marqueurs somatiques, qui interviennent à nouveau.
Dès lors qu’une différence ∆ entre valeur attendue et valeur constatée est perçue,
une « surprise » est suscitée affectivement et la nouvelle valeur mémorisée. La
magnitude de cette différence dictera la force du signal d’apprentissage. Il semble
que le striatum ventral et le cortex orbitofrontal participent à l’évaluation de cette
magnitude (Niv et al., 2012). Le processus de décision n’est donc ni univoque
ni localisé précisément dans le cerveau (i.e. un module unique) : « il existe de
multiples systèmes pour le jugement et la prise de décision […] des processus
massivement parallèles – incluant les processus affectifs – qui opèrent de
manière à déterminer le comportement de choix » (Vartanian et Mandel, 2011).
Nous voyons à ce stade que « l’objectivation » de l’imagerie (avec les réserves
5. En quoi consiste cette hypothèse ? « L’idée-clé de l’hypothèse des marqueurs somatiques est que la prise de décision est un
processus qui est influencé par des signaux-marqueurs qui émergent de processus biorégulatoires [qui maintiennent l’homéostasie],
incluant ceux qui s’expriment dans les émotions et les sentiments [émotions perçues consciemment] » (Bechara, 2004 ; p. 33).

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requises), qui permet de matérialiser des liens et des causalités hypothétiques


sous la forme d’activations neuronales, répétables et mesurables dans le temps
et l’espace, représente un « juge de paix » qui permet de trancher entre diverses
conjectures théoriques (par exemple, les mémoires explicite et implicite : s’agit-il
d’un ou de deux systèmes ? – probablement deux ; Yang et Li, 2012).

Comme indiqué supra, il convient de distinguer dans le processus de décision


les situations risquées des situations ambigües : les probabilités sont connues
dans un cas et pas dans l’autre, tandis que les valeurs (utilités) sont différentes
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dans un cas et pas dans l’autre. Cela entraîne l’activation de systèmes neuraux
distinguables (Huettel et al., 2006). Ainsi, une décision ambiguë est associée avec
une activité accrue du cortex préfrontal dorsolatéral, le cortex cingulaire antérieur
dorsal et le cortex pariétal, tandis qu’une décision risquée mobilise davantage
le cortex orbitofrontal, le cortex cingulaire antérieur rostral et le cortex pariétal.
Les comparaisons laissent apparaître un surcroît d’activité du cortex orbitofrontal
(affectif) dans les situations risquées et un surcroît d’activité du cortex préfrontal
dorsolatéral (rationnel) dans les situations ambigües mais peu risquées. Ces
structures frontales seraient les substrats neuronaux des fonctions exécutives
(décision) dites « chaudes » et « froides », respectivement6. Au contraire, dans
le cas de situations peu ambigües, il existe un biais cognitif assez net en faveur
de choix fondés sur des règles (heuristiques), biais qui intervient en fonction
de l’apprentissage antérieur, évalué par le niveau d’activation de l’hippocampe.
Ainsi, « les réponses hippocampales sont atténuées quand la règle sous-jacente
est apprise et qu’elle est appliquée à un contexte sans ambiguïté » (Chambley
et al., 2012). Le biais est d’autant plus fort que le contexte est familier ou
anodin. Les valeurs mémorisées ont alors préséance sur les valeurs actuelles.
Kahneman (2011) évoque des systèmes de pensée rapides ou lents, c’est-à-dire
massivement parallèles et inconscients d’une part (heuristiques ou système 1)
ou séquentiels et conscients, d’autre part (raisonnements ou système 2). On
trouvera une analogie dans les « états somatiques de fond », faibles et forts
respectivement, proposés par Bechara et Damasio (2005) pour expliquer le
processus de décision. Un modèle dominant dans le domaine des neurosciences
cognitives est probablement celui de l’hypothèse des marqueurs somatiques,
d’abord avancée par Damasio (1996), puis développée ensuite (Reimann et
Bechara, 2010). Cette hypothèse, quoique contestée par ailleurs (Dunn, Dalgleish
et Lawrence, 2006), apparaît renforcée par des recensions récentes.

Kable et Glimcher (2009) établirent un état des points d’accord et de désaccord


dans la communauté neuroscientifique à propos du processus neurobiologique de
décision. Il ressort de leur recension qu’un consensus apparaît sur une séquence
d’au moins deux étapes : celle de la valuation (attribution de valeurs selon un

6. Les disciplines ayant envisagé un aspect duel de la prise de décision sont nombreuses. En SHS, on évoque les systèmes 1 et 2
(Kahneman et Frederick, 2002), les processus heuristiques et rationnels, les processus intuitifs ou raisonnés, les modes cognitifs positif
ou négatif (Schwarz, 2002), les cognitions chaudes et froides (Goel et Dolan, 2003) ou encore les voies A et B (Damasio, 1996).

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une nouvelle vision de la gouvernance ?

système unique) et celle du choix (sélection de la valeur maximale). L’étape de


valuation qui semblait univoque pourrait même être duelle : en effet, deux parties
distinctes du cerveau seraient nécessaires à la prise de décision selon Camille,
Tsuchida et Fellows (2011). Dans ce processus, il reste à investiguer selon Kable
et Glimcher (2009), deux points distincts : comment les valeurs subjectives sont-
elles apprises, stockées et représentées ? Comment la plus haute valeur est-
elle choisie et implémentée dans le système d’exécution du choix ? L’économie
comportementale, en retour, peut contribuer à cette élucidation.

3.3. Le processus de décision, selon l’économie


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comportementale et le management
Les théories de la décision représentent une discipline per se et plusieurs écoles
cohabitent. Traditionnellement, l’école classique voit le décideur comme un
être rationnel, disposant d’une information complète. On a rapidement souligné
que même un individu rationnel ne disposait que d’une connaissance et de
compétences limitées, voire d’une rationalité limitée (Simon, 1972). Par la suite,
des processus intuitifs ou implicites ont été pris en compte (Tversky et Kahneman,
1981) et la dimension affective, longtemps absente des sciences cognitives,
a de nouveau été abordée (Zey, 1992). Bien que l’on puisse approcher les
théories de la décision sur une base chronologique ou taxonomique, force est de
constater que diverses écoles cohabitent toujours et s’attribuent périodiquement
les capacités de meilleures prédictions. Gilboa (2010) constate que près de 50
ans après les fondements de l’utilité attendue, des questionnements subsistent,
tandis que d’autres continuent à privilégier la prédictibilité de modèles formels au
réalisme comportemental (Dekel et Lipman, 2010). Ainsi Birnbaum (2008), l’un
des initiateurs de la Configural Weight Theory, considère que cette dernière résiste
mieux aux paradoxes de choix que la Cumulative Prospect Theory proposée
par Tversky et Kahneman (1992), pour améliorer la théorie des prospects,
encore très prégnante en économie comportementale (expérimentale) ou en
neuroéconomie.

Gilboa (2010) considère qu’un « mix » optimal peut être trouvé entre les théories
normatives (utilisant des modèles descriptifs) et les avancées neuroscientifiques
dans le domaine de la prise de décision. Compte tenu de la multiplicité des
modèles théoriques de la décision économique, nous ne pouvons ici qu’esquisser
brièvement les deux théories computationnelles évoquées ci-dessus, qui
appartiennent à la classe des Modèles d’Echantillonnage Séquentiel et qui
veulent afficher une plausibilité biologique et neurale, tout en dépassant les
limites (violations observées) des théories normatives ou descriptives.

Busemeyer et Townsend (1993) ont proposé la théorie du champ de décision


(DFT ; s’inspirant des travaux fondateurs de Kurt Lewin) qui appartient à la famille

21
69

des théories de la diffusion7. L’objectif initial était de pouvoir prédire la probabilité


de choix, les temps de réponse, les niveaux de prix arrêtés et les comportements
résultants. Ce modèle se veut à la fois probabiliste (non déterministe) et dynamique
(les préférences peuvent varier en fonction du temps accordé pour la décision),
et suppose qu’à chaque instant, des valences sont attribuées aux différentes
options au fur et à mesure de la délibération et qu’elles se cumulent (en plus et
en moins), la valence positive d’une option entraînant une valence négative pour
les autres. La première option qui atteint un seuil préétabli est acceptée. C’est en
quelque sorte une course vers le seuil minimal d’acceptation.
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Usher et McClelland (2001) ont avancé un modèle de type accumulateur
stochastique, qu’ils ont dénommé Modèle d’Accumulation Concurrentielle
Dissipative (Leaky Competitive Accumulator ; LCA). L’accumulation signifie que
chaque option disponible se voit affecter des valeurs (valences) en fonction des
attributs satisfaits. Les différentes options sont en concurrence par inhibition
latérale (ce que gagne une option est perdu pour les autres concurrentes) et
coexistent lors de la délibération. Le modèle est dissipatif au sens où l’information
subit une décroissance exponentielle en fonction du temps, ne permettant pas
une accumulation optimale. Comment rendre alors plus réalistes ces modèles
formels ?

3.4. Processus de décision : apports de l’approche naturaliste


ou « neurocentrée »
Concrètement, qu’est-ce que les neurosciences (cognitives et affectives ; NSCA)
apportent de plus aux sciences de la décision ou à l’économie comportementale ?
L’apport est multiple. Après avoir abordé leurs apports épistémologiques, nous
en évoquerons deux autres. Ils concernent la prise en compte des phénomènes
affectifs, d’une part (Damasio, 1996) et des phénomènes cognitifs sous le seuil de
conscience, d’autre part, qui complètent et assistent les phénomènes délibératifs
conscients (Naccache, 2006). Ces aspects pourraient nourrir la réflexion à venir
des économistes expérimentaux envers leurs modèles.
3.4.1. Apports épistémologiques et méthodologiques
Tout d’abord, les NSCA permettent une « confrontation » avec le réel biologique :
recourir aux méthodologies neuroscientifiques, c’est aborder la cognition
« humide » (biologique). La Nature est en effet l’ultime juge de paix. Ensuite,
les NSCA deviennent un outil épistémologique autorisant la confortation ou la
réfutation de théories8. Les neurosciences permettent de biologiser, d’incarner
des éléments de théorie en substrats neuronaux. Ainsi, Forstmann et al. (2011)
indiquent que des modèles cognitifs explicatifs sont contraints d’intégrer des

7. Le modèle prototypique étant le Diffusion Drift Model (DDM ; Ratcliff et McKoon, 2008) qui semble également trouver des substrats
neuronaux dans des choix binaires (Milosavljevic et al., 2010).
8. Par exemple, la cause première de la dyslexie a pu être imputée à un dysfonctionnement du module phonologique et non un trouble
purement visuo-perceptuel (Willingham, 2009).

22
Décision managériale et neurosciences :
une nouvelle vision de la gouvernance ?

résultats d’imagerie (tel module activé pour telle tâche) à leur actualisation de
modules intégrés, pour être plus réalistes. Egalement, Knutson et Peterson
(2005) proposent d’interpréter l’utilité attendue (une espérance mathématique)
comme l’interaction entre deux structures sous-corticales. La notion de valeur
ou d’utilité est prégnante en microéconomie : les neurosciences permettent de
souligner et de discriminer les nuances existantes entre l’utilité attendue, l’utilité
associée à l’action sous-tendant le choix et l’utilité ressentie post-choix (avec
éventuellement la détection d’une erreur de prédiction, positive ou négative). Un
autre apport relève de l’appréhension de phénomènes fugaces : des traitements
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de l’information peuvent survenir en quelques centaines de millisecondes
sans que la prise de conscience ne soit possible ; l’imagerie fonctionnelle et
l’électrophysiologie peuvent alors appréhender et identifier fonctionnellement ces
phénomènes fugitifs. Mais l’imagerie a particulièrement abondé dans les aspects
affectifs, sous-conscients et collectifs de la prise de décision.
3.4.2. Les phénomènes affectifs
Depuis 30 ans, les travaux menés en neurosciences ont permis de remettre
l’émotion au centre des préoccupations des sciences cognitives, un siècle
après James. On sait désormais qu’un dysfonctionnement affectif entraîne des
processus de décision sous-optimaux : « les émotions font partie intégrante d’une
décision raisonnée » (Bossaerts, 2009). Le choix peut alors être vu – dans une
certaine mesure – comme « le résultat d’un arbitrage délicat entre les différentes
caractéristiques affectives d’un problème décisionnel, telles que la déception, le
plaisir, le regret, le soulagement, l’envie ou la joie malsaine ». L’hypothèse des
marqueurs somatiques intègre pleinement l’implication affective, tant lors de la
phase d’évaluation pré-choix que lors de la phase d’évaluation des résultats. Les
affects suscités par un stimulus peuvent n’être qu’imparfaitement ressentis (ou
pas du tout), tout en exerçant une subtile influence (implicite) sur les traitements
informationnels en cours (Bargh & Morsella, 2008). Les NSCA les révèlent
pleinement.
3.4.3. Les phénomènes cognitifs sous le seuil de conscience
On peut distinguer ici : a) les cognitions qui ne parviennent jamais à la conscience
de l’agent (c’est le cas d’une majorité des traitements) ; b) les cognitions
inconscientes qui aboutissent à un résultat porté à la conscience de l’agent. On
parlera alors d’intuition, phénomène qui fait l’objet d’une attention grandissante
de la part des chercheurs de la décision.

a) La plupart des phénomènes perceptifs incluent des traitements non-conscients.


L’imagerie cérébrale permet de suivre précisément le décours temporel d’un tel
traitement perceptif. Ainsi, la récupération mémorielle d’un mot dans un discours,
active des réseaux sémantiques dont nous ne sommes pas conscients. L’imagerie
permet de l’affirmer lorsque l’aire de Broca (« aire du langage ») est activée, de
concert avec le gyrus temporal médian (traitement phonologique et lexical). Enfin,

23
69

la plupart des « préjugés » et attitudes personnels influencent subrepticement des


cognitions conscientes dans le cas d’un entretien de recrutement, par exemple
(symétrie du visage, direction du regard, intonation, etc.).

b) On caractérise l’intuition comme étant « la capacité de comprendre quelque


chose immédiatement, sans avoir besoin de raisonner consciemment » (McCrea,
2010). L’intuition peut être diverse, par exemple d’essence mathématique
(Dehaene, 2009) ou d’essence financière (Bruguier, Quartz et Bossaerts, 2010).
Il s’avère que des aires associées aux récupérations de mémoires épisodiques et
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aux formations de nouvelles associations sémantiques sont activées de manière
privilégiée. On voit qu’à nouveau, l’imagerie cérébrale permet de comprendre
l’interaction et la chronologie de différentes fonctions cognitives. L’intuition serait
donc une forme de souvenir sans contexte : une connaissance déjà sue et
« familière », i.e. une reconnaissance et non un rappel qui lui, inclut une part
épisodique et contextuelle.
3.4.4. Les phénomènes collectifs
Dès lors qu’on étudie des interactions humaines dans l’organisation, on s’interroge
sur les phénomènes d’intentionnalité collective9, c’est-à-dire « des états
intentionnels [partagés] tels que des croyances, des désirs et des intentions »
(Searle, 1995 ; p. 201). Nous avons jusque-là évoqué des prises de décision
individuelles : qu’en est-il des cognitions collectives ? Des buts communs et des
actions communes ? Sänger, Lindenberger & Müller (2011) ont réalisé une méta-
analyse des études d’imagerie relatives aux processus collectifs ou sociaux.
Il s’avère que les oscillations des ondes cérébrales d’individus en interaction,
se synchronisent dans des parties bien spécifiques du cerveau (préfrontal et
pariétal inférieur), lorsque des tâches d’action coordonnée sont entreprises. Les
analyses semblent indiquer que cette synchronisation n’est pas seulement due
à des flux sensoriels, mais bien aussi à des processus d’association, activés lors
d’une interaction sociale (p. 661). Pour comprendre autrui, il faut être capable
d’empathie. Celle-ci serait suscitée par l’imitation implicite du comportement
ou de l’affect observé, grâce aux « neurones miroirs » (Rizzolatti et Sinigaglia,
2010), qui correspondent à une classe particulière de neurones visuo-moteurs.
Les neurosciences sociales constituent ainsi un champ prometteur.

3.5. Des apports neuroscientifiques dans les champs connexes


du management
Dans l’organisation, la bonne gouvernance intègre la recherche du bien-être de
l’individu qui en fait partie et la prévention des causes susceptibles d’altérer ce
bien-être. Les gestionnaires en ressources humaines recourent aux préceptes
de la psychologie générale et sociale pour optimiser les rapports sociaux dans
9. Le concept d’intentionnalité collective représente un tel corpus scientifique et il a fait l’objet de tant d’échanges en sciences
cognitives, en philosophie des sciences et en théorie des jeux, qu’il est impossible de le développer plus avant. Les auteurs tiennent à
la disposition du lecteur des références complémentaires sur ce sujet.

24
Décision managériale et neurosciences :
une nouvelle vision de la gouvernance ?

l’organisation, en encourageant les comportements grégaires et solidaires et en


décourageant des propensions ouvertement individualistes, par la promotion
de valeurs ou de convictions organisationnelles, supposément partagées par
ses membres. Les neurosciences sociales peuvent ainsi apporter un éclairage
complémentaire utile à la réflexion, par exemple dans le domaine du leadership.
Des chercheurs en management ont en effet tenté d’expliquer pourquoi certains
individus faisaient montre de leadership, tandis que d’autres se satisfaisaient d’un
suivisme plus confortable. Des individus recherchent le pouvoir quand d’autres
le fuient. Il semblerait que l’intelligence émotionnelle et les facultés d’empathie
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doivent figurer parmi les qualités d’un « leader » (Goleman et Boyatzis, 2008),
en plus des hormones qui renforcent une tendance à la dominance. De fait, une
meilleure résistance au stress (à l’hormone stéroïde cortisol) est un facteur clé de
la résilience du leader. Des études indiquent aussi que certains individus préfèrent
des structures hiérarchisées à des structures strictement égalitaires, dès lors
qu’ils manifestent davantage d’aptitudes – identifiées cérébralement – en matière
de sociabilité, de compassion et d’empathie pour autrui (Chiao et al., 2009), tandis
que le charisme d’un leader peut inhiber cérébralement leurs facultés critiques
(Schjoedt et al., 2010). Neurosciences et recherche managériale en leadership
peuvent susciter des voies de recherche fructueuses : « il existe clairement
des avantages significatifs à recadrer les théories et concepts traditionnels du
leadership et de son développement, au travers du prisme neuroscientifique »
(Ringleb et Rock, 2008 ; p. 1). Dans un contexte de mondialisation économique
accrue, avec ses corollaires de stress, d’anxiété et d’incertitude face à l’avenir,
un éclairage neuroscientifique pourrait également apporter des compléments de
réflexion, de compréhension dans un souci général de trouver des palliatifs, sinon
des solutions durables, à ces troubles occupationnels. La gestion des ressources
humaines pourrait ainsi s’enrichir de connaissances neuroscientifiques en
matière d’apprentissage ou de sous-performance en fonction du niveau de stress
(Gilkey et Kilts, 2007), de facteurs positifs de résilience ou de facteurs négatifs
du « burnout » (Eriksson et Wallin, 2004). De manière générale, la redécouverte
de l’affect en tant que médiateur de la cognition collective a permis de mener une
relecture moins « rationnelle » des comportements et des décisions de nature
stratégique ou managériale (Barsade, Ramarajan & Westen, 2009) et d’infuser
de l’émotion – ubiquitaire – dans les « relations d’agence » observées dans les
organisations ou sur les marchés financiers ou de biens.

4. Des limites inhérentes à toute révolution paradigmatique

Les neurosciences permettent d’éclairer d’un jour nouveau les fondements et


les substrats des comportements humains dans la société et l’organisation.
« La science du cerveau, dans ses relations avec le comportement, avec la vie
mentale, […] pénètre profondément le secteur des sciences de l’homme et de la
société » (Jeannerod, 2002). Elles permettent, de manière plus spécifique, de

25
69

contribuer « à la compréhension des comportements économiques, qui portent


essentiellement sur trois domaines : les choix, les risques et les interactions »
(Schmidt, 2011). Néanmoins, tout nouveau paradigme n’est pas nécessairement
la panacée et les limites qu’il manifeste doivent être rappelées : elles seront ici –
par souci de concision – de nature ontologique et méthodologique d’une part, et
de nature éthique, d’autre part.

4.1. Limites ontologique et méthodologique


Dans certains contextes de recherche, on s’aperçoit que seules des approches
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« biologiques », c’est-à-dire reposant sur l’étude des cognitions humaines
naturalisées, permettent l’explicitation de constats ou d’anomalies, voire
le contournement de paradoxes, constatés par exemple en finance ou en
gouvernance d’entreprise. Selon Charreaux (2005), une des voies possibles
« pour améliorer le pouvoir explicatif des théories de la gouvernance » est une voie
« quasiment inexplorée [qui] consiste à introduire dans le cadre de la gouvernance,
un certain nombre d’éléments issus de la littérature comportementale et plus
spécifiquement, de la recherche en finance comportementale » […qui s’inspire] de
« trois courants : les neurosciences, l’apprentissage organisationnel et l’économie
comportementale ». Néanmoins, et ce dès l’essor des publications scientifiques
à base d’imagerie cérébrale fonctionnelle, certains philosophes des sciences se
sont inquiétés de la diffusion et des interprétations de telles images et de l’impact
sociétal de ces dernières (Tiberghien, 2007). En effet, les dossiers proposés par
les revues scientifiques généralistes témoignent d’un engouement grandissant
dans le grand public tant en Europe qu’aux Etats-Unis pouvant laisser croire
(faussement) à une imagerie omnisciente (Trout, 2008). Les connaissances
actuelles ne permettent pourtant pas de trancher définitivement sur le statut
de la conscience. La contestation formelle de tout dualisme aurait donc des
répercussions philosophiques et religieuses et donc des incidences sociétales
majeures (Farah, 2011). A ce stade, les neurosciences ne peuvent s’arroger tous
les niveaux de compréhension et d’interprétation de l’homme et de son évolution.
Par exemple, la neuroéconomie « n’offre aucune description des états mentaux
des sujets lorsqu’ils prennent des décisions » (Schmidt, 2011). Par ailleurs, des
chercheurs se sont efforcés de rappeler les différences majeures qu’il existe
entre les réductionnismes ontologique et méthodologique (Ross, 2008). Autant
la première approche (nous ne sommes que nos neurones actifs) peut être
contestée, autant la seconde semble être scientifiquement éprouvée et efficace
(Changeux & Ricoeur, 1998). C’est le pluralisme disciplinaire qui ensemence
les nouveaux champs de connaissance. Des limites plus concrètes – d’ordre
méthodologique – viennent aussi tempérer l’optimisme : l’accès parfois limité
aux machines, leurs coûts, les protocoles complexes, la nécessité des équipes
pluridisciplinaires, les contraintes administratives sont autant de freins à lever.
Reste la conviction que la poursuite des progrès théoriques, méthodologiques et
technologiques dans cette discipline, naturellement transversale, rendra à moyen

26
Décision managériale et neurosciences :
une nouvelle vision de la gouvernance ?

terme l’approche neuroscientifique, accessible, maîtrisable et incomparablement


riche de résultats pour les SHS et la gouvernance.

4.2. Gouvernance et neuroéthique


Une des acceptions du terme « neuroéthique » (Farah, 2002) a pour synonyme
l’éthique des neurosciences, à savoir l’interrogation morale quant à l’usage,
l’interprétation et l’instrumentalisation des techniques neuroscientifiques. Un
des thèmes susceptibles d’être questionnés par ce champ est la « lecture de
cerveau » (brain reading), c’est-à-dire le décryptage de phénomènes mentaux
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par le truchement des techniques d’imagerie fonctionnelle. Cela concerne
naturellement toutes les SHS et génère des inquiétudes. Un autre thème est
le renforcement cognitif, prônant un homme « augmenté ». De tels progrès
suscitent la crainte de voir employer ces techniques à des fins eugénistes, voire
dans une visée transhumaniste, que certains appellent de leurs vœux et qui en
laisse d’autres dubitatifs.

Si les avancées technologiques et informatiques continuent à progresser à


ce rythme, les instances politiques et éthiques devront légitimement se saisir
de ce problème. Outre les interrogations purement éthiques (a-t-on le droit de
connaître les pensées intimes de quiconque ?), les techniques évoquées peuvent
susciter des questions juridiques, voire judiciaires, chez le chercheur, quant aux
découvertes médicales inopinées, à l’interprétation clinique de clichés et à la
propriété même des clichés cérébraux.

Conclusion

La question centrale de cet article était de déterminer si les NSCA pouvaient


apporter un regard complémentaire et fécond sur les objets d’étude du
management et de la gouvernance, en particulier dans l’appréhension du
phénomène décisionnel dans l’organisation. Nous pensons avoir avancé des
éléments de naturalisation qui plaident pour l’affirmative.

La plupart des gouvernements ont compris l’importance des enjeux que


représentent les sciences du cerveau à la fois dans un contexte académique
et économique mais aussi dans un contexte politique et géostratégique10. Les
pouvoirs publics investissent de manière considérable dans les laboratoires, les
équipements et les personnels dédiés aux sciences du cerveau11. Un clair effet
de levier est donc en cours et la résultante devrait en être un redoublement des
10.« La France se place dans le peloton de tête en Europe pour la recherche en neurosciences. Il est temps de mener une action
politique forte pour donner de la visibilité à cette recherche. » Pr André Nieoullon, Pdt. du Conseil scientifique de la Fédération pour la
Recherche sur le Cerveau (février 2013).
11. Dans son discours sur l’Etat de l’Union, le président étatsunien Barack Obama appelle à une nouvelle « décennie du cerveau »
[Markoff J. (2013), Obama Seeking to Boost Study of Human Brain, New York Times, February, 17]. L’Union Européenne accorde 1,19
milliards d’euros au « Human Brain Project » : Baquiast J.P. & Jacquemin C. (2013), « HBP (Human Brain Project), un grand projet
européen sur le cerveau humain », Mediapart, 9 février, http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-paul-baquiast/090213/hbp-un-grand-projet-
europeen-sur-le-cerveau-humain.

27
69

publications scientifiques. En parallèle, la plupart des SHS voient éclore des


champs de recherche intégrant des cadres théoriques émanant des NSCA. Dans
ce contexte de biologisation des SHS, on assiste à un rapprochement, voire une
intrication, entre économie comportementale et NSCA. Pour le management
et la gouvernance qui le contrôle, un nouvel apport de connaissances et de
compréhension de la psyché humaine, appelle à une relecture des fondamentaux
du processus de décision comme nous avons tenté de le faire ici, et plus largement
à celle des relations humaines et sociales dans l’organisation. Enfin, de manière
plus philosophique, on pourrait inférer que la connaissance intime de l’être peut
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contribuer à l’apport de davantage de vérité dans les appréhensions de la réalité
sociale, davantage de justice (en prenant en compte les facultés ou les déficits
de chacun) et par conséquent, davantage de solidarité et d’équité, notions qui
semblent être les pierres angulaires de la gouvernance. Enfin, à l’heure où les
religions, les idéologies ou les ethnies s’opposent, une meilleure connaissance
du cerveau humain ne fera que prouver de manière éclatante l’unicité de l’espèce
humaine, et l’universalité de ses affects et de ses cognitions, de ses espoirs et de
sa compassion. Notre conviction est que dans les prochaines années, les SHS
et la gouvernance, vue alors en tant que psychologie appliquée à des contextes
sociaux ou organisationnels, évolueront vers une plus grande naturalisation de
leurs construits et une objectivation de leurs paradigmes.

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