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Respect des normes prudentielles et solvabilité des

banques commerciales : étude empirique des banques


tunisiennes
Mohamed Karim Kefi, Hichem Maraghni
Dans Management & Avenir 2011/8 (n° 48), pages 382 à 403
Éditions Management Prospective Editions
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.048.0382
© Management Prospective Editions | Téléchargé le 22/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.2.222.201)

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Respect des normes prudentielles et


solvabilité des banques commerciales :
étude empirique des banques tunisiennes

par Mohamed Karim Kefi103 et Hichem Maraghni104

Résumé

L’évolution de l’environnement réglementaire bancaire au cours de ces


dernières années suscite de nombreuses interrogations quant à l’efficacité
des dispositifs prudentiels et la pertinence de l’appareil juridique dans ce
nouveau paysage. Le ratio Cooke, remplacé en 2003 par le ratio Mc Donough,
est devenu depuis, une référence internationale pour les banques. L’objectif
du présent travail est d’identifier et d’analyser l’impact du respect des règles
internationales prudentielles sur la solvabilité de l’établissement bancaire.
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Nous avons essayé de voir quelles sont les causes qui ont bouleversé les
systèmes bancaires partout dans le monde, et en particulier en Tunisie. Les
banques moins risquées et qui respectent les normes prudentielles, s’avèrent
de loin plus solvables. Ainsi avec leur respect des normes prudentielles, les
banques commerciales tunisiennes sont relativement à l’abri des risques
qu’engendrent leurs activités d’exploitation et particulièrement des risques
de crédit et de marché. Quelques banques ne respectent pas cette norme
et adoptent une politique de gestion de risque de crédit qui nécessite une
révision surtout après la révolution du 14 janvier 2011.
Abstract

The evolution of banking regulation environment during last year’s arises many
questions regarding the effectiveness of prudential devices and relevance
of legal apparatus in this new landscape. Mc Donough ratio replaced in
2003 the Cooke ratio and became an international reference for the banks.
Its respect supports their continuity and represents a safety against the
insolvency risk regarded as the most dangerous for the financial industry.
Mishkin [2004], the need for a prudential international regulation is to answer
the existence of a «market failure», amongst other things the asymmetry
of information, the moral risk and costs of transaction. The objective of this
work is to identify and analyze the impact of the compliance with prudential
international rules on bank’s solvency. We tried to understand the casualties
of the global financial crisis and especially in Tunisia. In particular lack of
rigour on the level of the application of the prudential international rules.

103. Mohamed Karim Kefi, Professeur Chercheur (ISTEC Paris), k.kefi@istec.fr


104. Hichem Maraghni, Assistant Professeur (ISG Gabés : Tunisie), Hichem.maraghni.1@ulaval.ca

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solvabilité des banques commerciales :
étude empirique des banques tunisiennes

Les progrès de l’ingénierie financière, les changements technologiques, la


mondialisation de la concurrence et l’évolution de la demande de services financiers
forcent les institutions et les systèmes financiers à s’adapter et à se transformer
pour survivre et profiter des nouvelles opportunités (J. Roy, 2004). Dans le cadre
de la théorie moderne de l’intermédiation financière, la réglementation prudentielle
des banques occupe sans doute une place singulière. Le secteur bancaire des
pays développés et en cours de développement, représente l’un des secteurs de
l’économie où l’immersion du pouvoir public est la plus accentuée105.

Pour accomplir ces missions prudentielles et monétaires, les autorités


réglementaires disposent d’une panoplie d’instruments, parmi lesquels on
distingue l’assurance des dépôts, la fonction du prêteur en dernier ressort, les
restrictions de portefeuille et les exigences en matière de capital réglementaire.
Des règles prudentielles internationales ont été imposées à tous les établissements
de crédit par le comité de Bâle. Sur le plan théorique, ce thème a fait l’objet de
plusieurs travaux de recherche106.

Le système de protection (safety net) conçu pour isoler l’industrie bancaire


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de certains effets adverses n’est pas encore en mesure de résoudre tous les
problèmes engendrés par ces mutations environnementales et leurs effets
pervers, traduits par la prise excessive de risque et on site la crise financière
mondiale en 2008 (Sub-Prime). De plus, les autorités de régulation n’ont pas
toujours réagi avec promptitude pour réorganiser ou liquider les banques
insolvables. En particulier, en présence d’un mécanisme d’assurance des
dépôts, un retard dans la déclaration de l’état d’insolvabilité d’une banque peut
engendrer un accroissement des pertes futures dans la mesure où les managers
sont encouragés à adopter des stratégies excessivement risquées107.

Afin d’identifier l’impact du respect des normes prudentielles sur la solvabilité


des banques commerciales tunisiennes, nous avons cherché à répondre aux
questions centrales suivantes : Quelles sont les principales causes qui pourraient
bouleverser le système bancaire et quelles sont les conséquences du non respect
des règles prudentielles en termes de prise de risque ?

Dans cet article nous présentons d’abord une revue de la littérature portant sur
la réglementation prudentielle bancaire et sur les risques inhérents à l’activité
105. La justification traditionnelle d’une telle intervention dans l’industrie bancaire repose sur les défaillances classiques du marché,
entre autre, la présence des asymétries informationnelles, des externalités et du pouvoir de marché, mais aussi sur les spécificités du
secteur, en l’occurrence, la fragilité inhérente à la structure du bilan bancaire, les ruées bancaires, le spectre du risque systémique et
le fonctionnement du système de paiement. Les missions prudentielles et monétaires doivent être accomplies, avec prudence, dans un
environnement économique extrêmement dynamique caractérisé par la variabilité excessive des marchés. Exemples : la diversité des
instruments financiers, la complexité générée par l’intégration, l’internationalisation des marchés financiers et du métier bancaire.
106. S. Gangopdhyay et G. Singh (2000), R.-S. Kroszner et P.-E. Stahan (2000), R. Levine, J. Barth et G. Caprio (2001 et 2002), J.
Roy (2001 et 2004), C. Calomiris et J.-R. Mason (2003), R. Levine et B. Thorsten (2003), C. Kahn et J. Santos (2004), H. Pagès et
J.-C. Santos (2004).
107. Un dispositif réglementaire conçu d’une manière inadéquate est susceptible d’inciter à des comportements indésirables de la part
des institutions bancaires (moral hazard) mais aussi de la part des autorités de régulation (regulatory forbearance).

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de la banque. Ensuite, nous allons définir quelques objectifs et approches


de la réglementation bancaire. Enfin, une étude empirique sur les banques
commerciales tunisiennes (un échantillon composé de 10 banques commerciales
de la place, sur une période allant de 1995 à 2009) sera effectuée pour mesurer
l’impact du respect de ces normes sur la solvabilité de dix établissements de
crédit agréés en qualité de banque.

1. Revue de la littérature théorique

La théorie financière moderne et particulièrement la littérature relative à la théorie


bancaire, ont mis l’accent sur les motifs de la prolifération des produits dérivés,
l’essor de l’ingénierie financière, et le développement d’une gestion des risques
de plus en plus scientifique108. Les gouvernements doivent s’assurer de donner à
leurs institutions le cadre réglementaire qui leur permettra non seulement de suivre
mais aussi de réaliser leur plein potentiel de développement local et international.
La réglementation prudentielle bancaire doit promouvoir l’équité, la solvabilité
et l’efficience du système financier. Dans le cadre des réformes des secteurs
bancaires, plusieurs approches, méthodes et organismes spécialisés sont
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apparus109. En effet, l’objectif de la réglementation prudentielle est principalement
l’assurance de la stabilité financière du système110 en sa totalité et la protection
des déposants en particulier. Diamond et Dybvig (2002) ont abordé le fondement
théorique sur lequel se sont basées les autorités pour expliquer que l’absence
d’un mécanisme d’assurance de dépôt peut donner naissance à des paniques au
niveau du système bancaire111.

Dans le cadre de la théorie moderne de l’intermédiation financière, les


explications112 les plus marquantes sur l’existence des intermédiaires, comme
des institutions dépositaires sont leurs capacités à fournir de la liquidité et
l’amélioration des services de contrôle113. Comme l’indiquent Diamond et Dybvig
(2002), la valeur des banques apparaît dès qu’elles fournissent de la liquidité
et offrent aux déposants une assurance implicite contre les ruées bancaires.
En collectant des dépôts, les banques peuvent réaliser une croissance sur un
marché concurrentiel car ces ressources gratuites permettent une meilleure
distribution de risque entre les actionnaires.
108. La maîtrise de ces nouvelles techniques nécessite des compétences non seulement au niveau individuel mais aussi au niveau
de l’intégration organisationnelle.
109. La plupart sont efficaces et aboutissent à des résultats encourageants, d’autres demeurent insuffisants et même défaillants.
110. Stephan G. Cecchetti, « La nécessité de protéger les consommateurs donne lieu à la réglementation prudentielle dont l’objectif :
s’intéresser à la faillite des firmes individuelles et sauvegarder les intérêts de ceux qui détiennent les passifs de ces intermédiaires ».
111. Par ailleurs, Mc Culloch et Yu (1998) et Subhashis Gangopdhyay et Gurbachan Singh (2000) ont montré que contrairement à
l’hypothèse de Diamond et Dybvig, l’assurance de dépôt, imposée par les autorités, n’est pas nécessaire au fonctionnement des
établissements de crédit. Daripa et Varotto (2002) ont montré que la réglementation prudentielle bancaire ne se limite pas à protéger les
déposants, mais elle permet aussi d’atteindre d’autres objectifs, notamment, garantir la solvabilité du système de manière à maintenir
la confiance du public et promouvoir l’efficience du système financier à travers la compétition et l’innovation.
112. Ramakrishman et Thakor (1984) et Millon et Thakor (1985), fournissent l’explication de l’existence des intermédiaires financiers,
comme des courtiers dont le rôle est de produire de l’information.
113. Gordon et Pennacchi (1990), ont aussi dérivé une théorie de l’intermédiation financière basée sur l’approvisionnement en service
de liquidité.

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étude empirique des banques tunisiennes

Les banques sont supposées avoir plus d’informations sur leurs projets
d’investissements que les déposants. Ces derniers peuvent apprendre cette
information mais uniquement après avoir payé un coût de contrôle. Les mesures
prises pour l’assurance de la liquidité représentent le côté du passif de bilan de la
banque et celles de services de contrôle représentent la partie de l’actif. Diamond
et Rajan (2002) ont examiné ce sujet dans un modèle où les investisseurs et
les emprunteurs tiennent compte de la liquidité. Ils ont montré que les banques
peuvent tomber en faillite soit parce qu’elles sont insolvables ou encore suite à
une insuffisance de liquidité qui touche à leur solvabilité.

Les chercheurs continuent à s’intéresser à l’intermédiation financière en examinant


le fonctionnement des établissements de crédit, d’une part motivés par leur rôle
indispensable dans l’économie, d’autre part pour des raisons de simplifications
car les modèles sont suffisamment compliqués pour contenir différentes formes
d’intermédiation114. Pour le cas de la banque, les chercheurs n’ont pas encore
abouti à un consensus sur le fait que les banques devraient êtres régulées ou
non. Si oui comment doivent-elles être régulées ?
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Dewatripont et Triole (1994), ont proposé une réglementation bancaire rationnelle
utilisée à la place du problème d’agence caractérisé par la séparation entre les
propriétaires et les gestionnaires, ainsi que l’incapacité des déposants à contrôler
les banques. Le point de départ de leur argument est que les banques sont face
aux problèmes de l’aléa moral et de la sélection adverse. En effet, il est important
que les investisseurs exercent un contrôle sur la banque, mais cela est coûteux
et nécessite un accès à l’information et que la dette bancaire soit principalement
détenue par des déposants non sophistiqués avec un manque d’information
nécessaire pour un contrôle plus efficace115.

2. Les modifications du ratio Cooke

La Banque des Règlements Internationaux (BRI) a proposé en juin 1999 un projet


de réforme visant à la définition d’un nouveau dispositif d’adéquation des fonds
propres, mieux adapté aux risques bancaires. Cette réforme s’est achevée vers
la fin de l’année 2001 et a ensuite été appliquée en janvier 2006. La simplicité
du ratio se heurte à la globalisation et à la sophistication de la finance où le
développement de la titrisation et de l’innovation financière est de plus en plus
difficile à prendre en compte. Le capital réglementaire ne reflète plus le capital
économique (capital calculé par les banques pour mesurer les risques réels),
114. Pour Goodhart (2002) il y a deux principales justifications pour la nécessité de la réglementation bancaire :
- La protection des déposants étant donné qu’ils sont incapables de contrôler les banques.
- La gestion de risque d’insolvabilité et de risque systémique (l’effet de contagion).
115. Une réglementation efficiente nécessite une intervention de l’Etat lorsque la performance bancaire se détériore moyennant un
mécanisme crédible pour transférer le contrôle aux régulateurs lorsque la solvabilité de la banque est faible. Le besoin minimum
de solvabilité peut faire partie d’une telle régulation si l’on arrive à définir le seuil pour transférer ce contrôle aux responsables
régulateurs.

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qui est désormais la norme de gestion des banques. Le capital des banques est
fondé sur les probabilités de défaillances liées aux emprunteurs et tient compte
des mécanismes de réduction des risques.

Le ratio Cooke est devenu un élément de coût, de ce fait ses défauts sont
devenus de plus en plus apparents d’autant que les établissements de crédit
ont suivi une démarche, qui consiste à allouer des fonds propres en fonction
des risques de façon à dégager une rentabilité. La réforme du ratio Cooke a
modifié le pilotage stratégique et financier des banques et sa mise en œuvre
a nécessité des changements en profondeur des systèmes de gestion, une
approche pragmatique, scientifique et progressive et une implication forte du
management.

Le raffinement du ratio par reconnaissance non plus seulement du risque de


crédit, mais aussi des risques de marché et opérationnel, s’est traduit par une
segmentation réglementaire entre les portefeuilles bancaires et les portefeuilles
de négociations, pouvant conduire à des arbitrages prudentiels de plus en
plus importants. Le ratio peut donc sur-pondérer ou sous-pondérer les risques
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individuels et ainsi favoriser des arbitrages. La réforme du ratio de solvabilité
proposée par le comité de Bâle en 2001, s’inscrit en convergence avec l’action
entreprise par les banques au cours de ces dernières années, même si certains
points de cette réforme paraissent contestables, notamment la mesure du risque
opérationnel.

La démarche des banques s’est caractérisée :


-- Dans un premier temps, par l’introduction de la problématique de
gestion des fonds propres au cœur de la démarche stratégique et de
mesure retenue étant généralement le capital réglementaire.
-- Dans un second temps, par la volonté de substituer au capital
réglementaire une mesure fondée sur le capital économique, l’objectif
étant de mieux appréhender la réalité du couple risque-rentabilité.

3. Le risque systématique et la réglementation de fonds propres


bancaires

Diamond et Rajan (2002), ont montré que la provision en liquidité, laisse les
banques exposées à des problèmes de solvabilité. Etant donné les espérances
des déposants sur la valeur de leurs dépôts qui dépendent de leurs emplacements
dans la queue au moment de leurs retraits, à cause de la règle « first come, first
served » un problème peut se manifester avec la publication de l’information
défavorable sur les actifs bancaires et même si l’information est parfaite116.
116. Comme l’évoquent Bhattacharya, Gale (1987) et Mellwig (1994), s’il n’y a aucune incertitude et si chaque investissement bancaire
dans un actif à court terme est publiquement observé, alors les déposants devraient être assurés complètement contre le risque de
liquidité auquel leurs banques font face.

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Bhattacharya (1998), a affirmé que l’asymétrie d’information sur les rendements


des actifs bancaires rend les banques plus exposées à une source additionnelle
de paniques. La ruée bancaire provoquée par la publication de l’information
indiquant leur faible performance pourrait être bénéficiaire dès qu’elle est une
source de discipline. Au contraire, et comme l’indique Calomiris (2000), une
ruée provenant de la peur des déposants ou de la publication de l’information
asymétrique sur les rendements des actifs, ne sera pas bénéficiaire117.

Afin de protéger les banques des ruées, plusieurs propositions se présentent.


Kareken, Litan, Gorton et Pennacchi (1992) suggèrent la nécessité de développer
des faibles banques qui investissent uniquement dans les actifs sans risques tels
que les bons de Trésor à court terme alors que d’autres chercheurs118 montrent
que l’inconvénient majeur de ces faibles banques résulte de leur incapacité
d’exploiter les gains provenant de la combinaison de la collecte des dépôts avec
l’octroi des crédits.

Une autre proposition se base sur la suspension de la convertibilité, si les


banques s’engagent préalablement à ne pas liquider plus que la proportion de
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leurs fonds propres nécessaires pour faire face aux demandes de liquidité des
consommateurs qui espèrent consommer le plutôt possible, alors elles pourront
éliminer l’incitation des autres consommateurs à provoquer des problèmes pour
les banques. Ainsi la suspension de convertibilité fournit une assurance complète
si la part des consommateurs espérant consommer tôt est connue119.

La garantie de dépôts gouvernementale a été une technique réussie dans la


protection des banques contre les ruées, mais à un coût non négligeable puisque
elle a géré le problème de l’aléa moral120. Selon Murdock, Stiglitz, Matutes et
Vives (2000), le risque bancaire est en augmentation dès que la concurrence
dans le secteur bancaire est élevée. Le commerce introduit par la garantie de
dépôts a motivé les propositions pour changer la conception du plan d’assurance
de dépôts ou introduire des réglementations complémentaires ayant pour but la
protection des déposants121.

L’ancienne littérature sur la régulation de fonds propres bancaires telle que celle
de Kahane, Kareken, Wallace et Sharpe (1978) qui ont étudié l’efficacité des
normes de fonds propres pour le contrôle de la solvabilité bancaire, dans le
cadre de marchés complets en utilisant des modèles d’états de préférence, est
117. Dans ce cas le problème est coûteux et nécessite une liquidation prématurée des actifs, ce qui signifie une rupture dans le
processus de production.
118. Kashyap, Rajan et Stein (1999).
119. La plus ancienne des propositions associées à Bagehot (1873), est souvent attribuée à la première analyse du rôle de la banque
centrale comme le prêteur du dernier ressort juste pour empêcher les paniques bancaires de devenir plus sérieuses. Voir pour une
analyse complète des plans d’assurance dans les différents pays : Kyei (1995), Barth, Nolle et Rice (1997) et Garcia (1999).
120. Kareken et Wellace (1978) et Othan et Willians (1980) ont étudié l’aléa moral associé à la garantie de dépôts en utilisant des
modèles des préférences d’états.
121. Boser, Chen, Kane (1981) suggèrent que le fournisseur de la garantie de dépôt délibérément charge la prime de l’assurance pour
atrier les banques à se soumettre aux régulateurs.

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devenue une référence et un concept de base pour la réglementation du capital


bancaire122.

Dans le cadre de la réglementation de fonds propres dans des marchés


incomplets, Pyle (2004) a adapté l’approche du portefeuille123. Par contre Koken
et Samtomero, Kim et Samtomero (1988) ont adopté cette approche tout en
supposant dans le cadre du marché incomplet que les banques sont averses
aux risques et que par conséquent elles maximisent leurs fonctions d’utilité de la
richesse financière nette.

En guise de conclusion la littérature stipule qu’un excès de réglementation


aboutit à une augmentation du risque de faillite. Furlong et Keeley (1991), ont
aussi évoqué la question de l’effet défavorable de la rigidité des normes sur les
fonds propres, en argumentant qu’on pourrait empêcher la réalisation des faillites
lorsqu’une assurance de dépôts est rigoureusement mise en œuvre. Ces auteurs
ont utilisé un modèle de maximisation de la valeur d’une banque commercialisant
publiquement des actions. Ils ont montré ainsi que la banque n’augmentera
jamais son risque de portefeuille suite à une augmentation de normes sur
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l’adéquation de ses fonds propres, dés qu’elle paie une prime d’assurance de
dépôt appropriée.

Une augmentation dans les normes sur fonds propres, pousse la banque à
ajuster ce contrat afin d’expliquer les sources des coûts élevés de financement
puisque le capital est plus cher que le dépôt. Cet ajustement dans le contrat de
financement incite la firme à contrôler voir diminuer son risque qui tour à tour va
réduire le risque de solvabilité bancaire. Des auteurs124 ont étudié l’implication de
cette hypothèse : la propriété est gérée par le même agent. Dans leur modèle les
initiés à la banque possèdent uniquement une fraction d’actions et purement des
décisions non observables qui maximisent leurs propres richesses. A ce niveau
des normes élevées de fonds propres ont l’effet de substitution d’actif qui mène à
une réduction du risque de l’actif bancaire. Les frictions de l’information peuvent
aussi donner naissance aux problèmes de la sélection adverse125.

Comme les profits bancaires dépendent des effets non observables de la


réglementation des fonds propres, l’objectif des régulateurs est d’aboutir à une
régulation de la solvabilité qui sera efficiente, minimisant les pertes provenant de
122. Parmi les problèmes qui se posent avec la réglementation rationnelle de fonds propres on peut citer le fait que si les marchés sont
complets et en l’absence de l’asymétrie d’information, alors la garantie de dépôts n’est plus nécessaire sinon, son existence devrait
être évaluée correctement afin d’éliminer les incitations qui atténuent la prise de risque.
123. Ils ont modélisé la banque comme un portefeuille de titres. Les banquiers choisissent la composition de leur portefeuille dans le but
de maximiser le profit espéré pour un niveau donné de risque, étant donné que le rendement de tous les titres est connu. L’introduction
du besoin réglementaire en fonds propres limite la frontière du risque touchant les rendements de la banque de manière à réduire le
levier et reconfigurer la composition de son portefeuille d’actifs risqués ce qui va conduire à une augmentation de la probabilité de
faillite de la banque.
124. Besanko et Kanatos, Dewatripont et Triole (1993), ont étudié les problèmes car par la séparation de la propriété de la gestion, pour
expliquer la réglementation bancaire, ils se sont intéresses par la régulation des fonds propres dans l’allocation des droits de contrôle
entre les groupes différents d’actionnaires, et l’impact sont les incitations des gestionnaires de la banque.
125. La présence de ce problème ainsi la qualité des actifs bancaires est une information privée pour les propriétés de la banque.

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l’assurance de régulateur. Les exigences de solvabilité devaient être ajustées


au risque et leur qualité devrait être définie en termes d’informations « intrim »
mesurées par les agences de rating. Cette littérature est basée sur une analyse
d’équilibre partiel, et cependant n’a pas pris en compte les coûts des autres
secteurs de l’économie, suite à une augmentation de la demande de capitaux
due aux normes sur les fonds propres. Gorton (1992) a montré que ces coûts
peuvent inciter le régulateur à fixer des normes sur les fonds propres moindres
que ceux désignés pour des considérations de solvabilité seulement126.

Les filets de sécurité financière sont en terme général, une sorte d’instruction,
des lois et des procédures qui renforcent le système financier afin de résister aux
ruées bancaires ainsi qu’aux turbulences systématiques. Ils se sont développés
aux cours du temps et leurs innovations se sont propagées entre les pays. Ils
devraient orienter le comportement de la banque et approfondir son intermédiation
financière, tout en assumant une partie du risque au gouvernement et assurer
l’équilibre entre les bénéfices et les coûts, ainsi qu’entre ses composantes
: les facilités du prêteur du dernier ressort, la garantie de dépôts, les besoins
réglementaires en fonds propres, la supervision, les règles de recapitalisation.127
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La littérature portant sur les filets de protection est devenue techniquement
plus précise, en tirant avantage de la théorie des contrats et la structure
gouvernementale optimale. En effet Dewatripont et Triole (1993) ont fait un
exemple d’une bonne application d’une nouvelle théorie de la conception des
filets de protection financière.

Les déposants sont laissés à côté du filet de protection informel, l’extension de ce


concept aux déposants est relativement nouvelle et non encore bien développée
dans la littérature. La garantie de dépôts a comme but d’étendre la portée de
l’intermédiation en diminuant le coût de financement pour les banques. Si l’état
possède l’avantage comparatif dans le contrôle des banques, la garantie des
dépôts a le potentiel pour améliorer le bien-être. Pour limiter la prise de risque
bancaire et financière, généralement ceci dépend de deux mécanismes à
savoir :
- La discipline du marché
- La réglementation prudentielle bancaire

3.1. La discipline de marché


L’approche pour la mesure et l’évaluation de la discipline du marché se sont
intéressées aux liens entre les caractéristiques observables des banques, les
réactions du marché telles qu’elles sont considérées dans l’évaluation du risque
de dépôt ainsi que les contractions dans le volume de dépôts. Un système
126. Diamond et Rajan (1999) montrent une autre face de formes sur les fonds propres, dans le cadre où la fragilité financière est
essentielle pour les banques afin de créer de la liquidité.
127. Jean Roy (2002), Benstion (1986), Brock (1992), Dewatripont et Triole (1993), Hasman et Rajas-suarez (1997) et quelques articles
tels que ceux de Calomiris (1996), Mishkin (1996) et Garber (1997).

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bancaire dans lequel la discipline du marché est une contrainte importante sur la
prise de risque par les banques présente trois caractéristiques.

a- Les mesures du marché et les réactions envers le risque de faillite


devraient être variées à travers les banques. Le système bancaire dans lequel
les déposants n’arrivent pas à distinguer les mauvaises des bonnes banques, est
une évidence par laquelle la discipline de marché est probablement inexistante.

b- Les différences entre les taux d’intérêts sur les dépôts et leurs
croissances à travers les banques doivent refléter les différences dans le risque
d’actif bancaire qui, selon la théorie économique, devrait être source de risque de
faillite.

c- La discipline des déposants devrait être une contrainte pour le risque


de faillite sur les dépôts.

Les modèles récents des banques insistent soit sur les services de la liquidité des
dépôts tels que démontrés par Gorton et Pennachi (1992), soit sur la délégation
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de contrôle des emprunteurs de la banque telle que démontrée par Calomiris
(2000). Ces derniers ont montré que les déposants ne font pas simplement
évaluer le risque de faillite mais aussi réagissent pour le limiter. On distingue
deux types d’obstacles à l’exercice de la discipline de marché. D’une part le
problème d’opacité de l’information, et d’autre part les problèmes d’incitation ou
de dispersion des acteurs qui seraient susceptibles d’y participer. Une politique
de divulgation publique de l’information transmise par la banque au régulateur
contribuerait significativement à lever l’opacité informationnelle qui fait obstacle
à la discipline de marché.

Comme le soulignent Kupiec et O’Brien (1995), une telle politique aurait deux
sortes d’effets incitatifs. En premier lieu, la banque serait incitée à affiner
la précision de son engagement. Elle n’aurait pas intérêt à surestimer sa
capitalisation car dans ce cas, elle surestimerait son risque d’exposition : sur le
marché, le coût de ses ressources serait alors supérieur à ce que son véritable
risque autoriserait. Réciproquement, elle n’aurait plus intérêt à engager un capital
trop faible puisqu’en cas d’infraction elle subirait également la sanction du marché
conjuguée à l’instruction progressive du régulateur. En second lieu, la divulgation
publique de son infraction signalerait au marché la faiblesse de son système
de contrôle et affaiblirait sa réputation. Réciproquement, la conformité régulière
de la banque à ses engagements lui permettrait d’affirmer sa réputation. La
mise en place d’une telle politique s’inscrit dans la lignée des recommandations
du Comité de Bâle, les banques sont encouragées à améliorer la diffusion de
leurs informations auprès de leurs apporteurs de fonds. On peut supposer que
la publication périodique des pertes et des créances douteuses, ainsi que la
structure de l’actif réduiraient considérablement l’asymétrie informationnelle que

390
Respect des normes prudentielles et
solvabilité des banques commerciales :
étude empirique des banques tunisiennes

pâtissent les apporteurs de fonds. Concernant le second obstacle évoqué, à


savoir les problèmes d’incitations ou de dispersion, il est clair que tous les acteurs
du marché n’ont pas la possibilité d’exercer la discipline de marché. Cependant
il existe deux types d’acteurs incontournables : les investisseurs institutionnels et
les agences de notation.

3.2. La garantie de dépôts et la prise de risque supplémentaire


Parmi les instruments mis à la disposition des pouvoirs publics pour encadrer
l’activité des banques à des fins prudentielles, les systèmes de garanties des
dépôts occupent aujourd’hui une place souvent privilégiée. Conçus pour protéger
les épargnants contre la défaillance de l’établissement qui gère leurs comptes,
ces fonds de garantie constituent en effet un puissant levier de désamorçage des
paniques bancaires. Or en se traduisant par une course généralisée des déposants
au guichet, ces phénomènes de bank runs peuvent transformer des difficultés
passagères de liquidité enregistrées par un établissement de crédit en une crise
de solvabilité susceptible de rejaillir sur l’ensemble du système de paiement.
C’est peut-être la récurrence des paniques bancaires dans l’histoire des Etats-
Unis qui explique que ce thème et celui de sa prévention sont essentiellement
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abordés dans la littérature financière anglo-saxonne. Ces paniques peuvent
survenir en raison d’un comportement stratégique des déposants. Ainsi Diamond
et all (2002) ont montré qu’une panique bancaire peut toucher une banque saine
du simple fait d’un défaut de coordination des déposants.

Le risque encouru en cas de panique bancaire est bien connu. La défaillance


d’un établissement peut remettre en cause la stabilité de l’ensemble du système
financier en s’étendant par contagion aux autres établissements nationaux ou
étrangers. Cette défaillance exerce des externalités négatives sur l’économie
réelle en interrompant les activités économiques qui dépendent des crédits
accordés. Elle entraîne par ailleurs des coûts supplémentaires pour la collectivité.
La garantie des dépôts est un dispositif de sécurité qui vise à assurer la solvabilité
du système financier en protégeant la fonction essentielle d’intermédiation
financière des banques  (soit mettre l’épargne au service de l’investissement et
du développement économique) et leur rôle dans le système de paiement. En
général, il comporte outre la garantie des dépôts, le guichet de prêts à court terme
de la banque centrale qui contrôle la liquidité des banques aux États-Unis.

Cette opération revêt deux formes : les prêts garantis du guichet d’escompte
du système de la Réserve Fédérale qui fournit aux banques solvables les
fonds dont elles ont besoin en cas de difficultés de trésorerie à court terme ainsi
que des découverts à échéance encore plus courte destinés à assurer le bon
fonctionnement du système de paiement. Le rôle de la garantie de dépôt est
de stabiliser le système financier en cas de faillite bancaire en donnant aux
déposants l’assurance qu’ils auront immédiatement accès à leurs fonds en

391
48

pareille éventualité : ceux-ci seront ainsi moins incités à « se ruer » sur leurs
banques. Ce faisant, la garantie des dépôts peut empêcher la panique de gagner
tout le système financier et de menacer les banques saines en même temps que
les autres.

Selon Thakor (1996)128, pour qu’un système d’assurance des dépôts contribue à
prévenir le risque systémique, il doit être non seulement crédible afin d’empêcher
effectivement le développement de paniques bancaires ; mais il doit minimiser la
possibilité d’aléa moral et de sélection adverse. L’aléa moral se manifeste lorsque
l’agent assuré est incité à accroître, par son comportement, le risque contre
lequel il est couvert. Ce type d’effet apparaît généralement lorsque le contrat
d’assurance ne comporte pas suffisamment d’incitation à la prudence. Qu’il soit
ou non freiné par l’existence d’un système de garantie de dépôts, le contrôle
des risques par les déposants se heurte à l’évidence à un grand nombre de
difficultés et reste dans la pratique peu opérant. Il apparaît dès lors indispensable
de le compléter pour une autorité bancaire, afin d’éviter quelques problèmes.
En pratique, le contrôle effectué par ce type d’autorité s’opère notamment par la
limitation du levier des banques. La plupart des ratios prudentiels imposent ainsi
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des normes de fonds propres.

L’impossibilité de parvenir à une tarification optimale de la garantie (prime


d’assurance) accroît la nécessité d’un système de garantie obligatoire pour
les établissements de crédit. Si la participation des banques au mécanisme de
garantie des dépôts était facultative, une tarification trop faible de leur contribution
n’attirerait que les plus risquées des bonnes banques refusant de payer pour
ces derniers, tandis qu’une tarification excessive dissuaderait l’ensemble des
établissements d’y participer.

Selon Thakor (1996), tout système de garantie des dépôts doit avoir les
caractéristiques suivantes :
- La garantie doit être plafonnée afin de donner aux déposants une part de
responsabilité dans le contrôle des banques et limiter ainsi les incitations aux
risques des établissements bancaires.
- Les cotisations doivent être indexées sur le niveau de risque de la banque ;
en l’absence d’une mesure objective de risque, des variables imparfaitement
corrélées comme des ratios prudentiels peuvent être utilisées.
- L’utilisation de « proxy » du risque implique que la tarification des cotisations
sera nécessairement imparfaite : le système de garantie doit donc être obligatoire
afin d’éviter les phénomènes de sélection adverse liés à une mauvaise tarification
dans un système non obligatoire.
- Le système de garantie est d’autant plus crédible que son assise financière
est forte. Il est logique d’envisager un système de garantie universel qui
128. Cette conclusion fut nuancée par Frexas et Rochet (1994) qui ont montré que dans certain cas, cela pourrait aboutir à une
situation où les établissements les moins efficients sont subventionnés par les plus efficients.

392
Respect des normes prudentielles et
solvabilité des banques commerciales :
étude empirique des banques tunisiennes

s’applique à l’ensemble des établissements de dépôts afin de constituer un fond


de garantie conséquent. De plus l’adossement solide à l’état ou à la banque
centrale permettrait de renforcer cette crédibilité dans la mesure où le risque de
panique bancaire est un risque prudentiellement systémique et donc non ou peu
diversifiable : un assureur privé aurait donc des difficultés à assurer ce type de
risque avec la crédibilité nécessaire.

3.3. Le problème d’aléa moral


L’aléa moral est une expression que les économistes utilisent pour désigner
tout ce qui encourage les grandes institutions financières à prendre des risques
(garantie ou subvention d’état par exemple…), elle se traduit par une prise de
risque excessive par la banque.

L’existence des « filets de sécurité » incite les intermédiaires financiers et leurs


actionnaires à prendre davantage de risques. Les agents économiques ne sont
pas encouragés à se montrer prudents dans le placement de leur épargne, ils
sont au contraire incités à rechercher des rendements élevés même au prix de
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risques élevés, dès lors qu’ils ont la certitude que le mécanisme de garantie
les mettra à l’abri des conséquences défavorables de leurs comportements. Le
soutien accordé à une institution financière insolvable pourrait créer un problème
d’aléa moral, mais même lorsqu’une institution en difficulté est solvable, ce
problème est à craindre, si l’institution est protégée des anomalies du marché.
Au niveau de la conception et de l’application du dispositif réglementaire, il est
important de trouver un équilibre entre deux principaux objectifs : assurer la
solvabilité du système financier lorsque se posent des problèmes de liquidité ou
d’insolvabilité tout en réduisant au minimum l’aléa moral.

Toutefois, des pays de diverses régions du monde ont essayé de sauver les
institutions qu’ils jugeraient « trop grandes pour qu’on les laisse faire faillite ».
Il importe donc de laisser les banques insolvables faire faillite et si une banque
à besoin d’aide pour rester opérationnelle, ses actionnaires vont perdre leurs
mises de fonds.

S’agissant de la modélisation, on distingue trois méthodes à savoir celle de


Marcus et Shaked, Ronn, et Verna, et Merton (1995) qui ont constitué chacune
une amélioration de la précédente dans le sens où elle modélisait avec davantage
de précision moyennant les éléments du bilan de la banque129.

129. On peut également citer la contribution plus récente de Kerfriden et Rochet (2001) qui ont introduit dans le calcul de la prime, la
maturité des éléments du bilan, le risque de taux d’intérêt et la volatilité des zéro coupons. En ce qui concerne les tests empiriques les
plus récents, l’essentiel des études à été appliqué sur des banques japonaises, par Sato et Alii (1999) ou Oda (2002).

393
48

4. Le risque d’insolvabilité et l’indice du risque de la firme


bancaire : une analyse empirique sur des banques tunisiennes

Le risque de crédit ou de défaut est lié à l’incertitude qui concerne le remboursement


du crédit. Lorsque les emprunteurs n’honorent pas leurs engagements, les
banques rencontrent des difficultés financières. Cependant les intermédiaires
financiers sont confrontés à l’existence de problèmes d’asymétrie d’information
sur le marché de crédit. Plus la situation des emprunteurs est fragile, plus les
problèmes de sélection adverse et d’aléa moral sont aigus, lorsqu’il est question
de leur octroyer des prêts. En effet une diminution de la situation nette pour une
entreprise donnée, signifie que les prêteurs disposent d’une garantie moindre
en contrepartie de leurs prêts, ce qui implique que les pertes dues à la sélection
adverse, sont donc plus importantes. Par conséquent la dégradation de la situation
nette, qui aggrave le problème de sélection adverse, aboutit à une réduction
des prêts destinés à financer les dépenses des investissements. Si l’actif d’une
banque est en majorité formé par les crédits alors sa fonction de crédit joue un
rôle critique dans la gestion de la totalité de son risque. L’objectif de la fonction
de crédit d’une banque se résume au fait de créer de la valeur pour la banque. Il
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souligne à ce propos qu’une gestion convenable et prudente du risque de crédit
est une manière de créer de la valeur pour la banque.

La majorité des faillites des banques américaines (y compris celles des années
80) peuvent êtres relatives aux problèmes associés aux risques de crédit et
parfois aux risques opérationnels reliés aux fraudes des banquiers et aux effets
externes.

4.1. Méthodologie
Nous avons calculé l’indice de risque (I.R) des banques de notre échantillon selon
la formule suivante :

I.R = [E (ROA) + CAP] / σ (ROA)

Ratio de couverture des risques : RCR = Fonds propres nets prudentiels/Actifs


ajustés aux risques
Ratio de risque de crédit : RC = Provisions requises (y compris les agios à
réservés) / total prêt
Ratio de risque de marché : RM = capitalisation boursière / total actif
Ratio Return On Assets : ROA = bénéfices nets / total Bilan
La marge d’intermédiation bancaire : MA = Intérêts perçus – intérêts versés

Ensuite nous avons procédé à un classement des banques selon ces ratios et
l’indice de Risque de J. Sinkey (1999).

394
Respect des normes prudentielles et
solvabilité des banques commerciales :
étude empirique des banques tunisiennes

4.2. Les Résultats obtenus

4.2.1. L’indice de risque (en moyenne sur quinze ans)


Banque B1 B2 B3 B4 B5
IR 120,5510 32,3122 83,8396 6,2185 9,9813

Banque B6 B7 B8 B9 B10
IR 12,0647 5,0717 43,0182 22,1450 17,3291

(Calcul fait par l’auteur)

4.2.2. Le Ratio de couverture de risque (RCR) (moyenne sur quinze


ans)
Banque B1 B2 B3 B4 B5
RCR 10,5861 9,0602 11,4716 7,8566 11,8861
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Banque B6 B7 B8 B9 B10
RCR 6,2966 8,2906 9,8633 10,3019 9,28711

(Calcul fait par l’auteur)

4.3. Interprétations des résultats


Pour les dix banques et sur la période de 1995-2009, les indices de risque (RI)
varient d’une banque à une autre et parfois avec un écart important, soit au
maximum 120,5510 et au minimum 5,07174. On constate alors que les banques
commerciales tunisiennes ne gèrent pas leur risque de crédit par les mêmes
techniques, elles sont cependant menacées par ce risque à des degrés différents.
Le ratio de solvabilité est en moyenne égal à 9,051%, supérieure à la norme
prudentielle internationale qui est de l’ordre de 8%. Mais il est à signaler qu’il
existe deux banques (B6 et B4) parmi dix, qui ne respectent pas cette norme, par
conséquent leur politique de gestion de risque de crédit semble inappropriée. On
remarque que l’établissement de crédit B1, possède l’indice de risque le plus élevé
(120,5510), elle est une banque qui gère bien son risque de crédit. D’ailleurs son
ratio de solvabilité au cours de l’année 2008 est de l’ordre de 11,92% nettement
supérieur à la norme prudentielle fixée par la Banque Centrale de Tunisie (8%).
On note une incohérence au niveau de degré d’exposition au risque d’insolvabilité
de ces dix banques commerciales même si la plupart de leurs ratios de couverture
des risques (RCR) respectent la norme internationale. Les tableaux suivants
résument les ratios de risques de crédit et de marché calculés sur la base des
états financiers des dix banques de notre échantillon.

395
48

4.3.1. Ratio de risque de crédit : RC = Provisions requises (y compris


les agios à réservés) / total prêt
Banque B1 B2 B3 B4 B5

RC 34,376 14,3734 12,726 3,9724 23,7948

Banque B6 B7 B8 B9 B10

RC 15,223 2,3202 13,2087 9,2876 11,2021

(Calcul fait par l’auteur)

4.3.2. Ratio de risque de marché : RM = capitalisation boursière / total


actif
Banque B1 B2 B3 B4 B5
RM 5,7963% 12,7660% 30,8191% 14,2037% 19,5873%

Banque B6 B7 B8 B9 B10
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RM 18,1275% 9,1844% 15,0977% 14,5457% 16,0786%
(Calcul fait par l’auteur)

Suite au calcul des ratios représentant le risque de crédit RC et le risque de


marché RM, on montre que la banque B1, ses provisions requises (y compris les
agios) représentent le pourcentage le plus faible de ses crédits accordés, soit
34,3785%, par contre la B7 a enregistré en moyenne le ratio le plus faible sur
les six dernières années, soit 2,3202%. On remarque que la différence entre la
max et le min de ces derniers ratios de risque de crédit est grande, ce qui prouve
que les banques de dépôt ne constituent pas leurs provisions pour les risques
de perte des crédits sur la base des mêmes prévisions. Concernant le risque de
marché, on note que la banque qui déteint le plus de titre admis à la cote, sur le
marché est celle qui sera la plus exposée aux fluctuations des cours boursiers
et sera par conséquent beaucoup plus menacée par ce risque. On remarque
que B3 est la banque la plus exposée au risque de marché, tandis que B1 est la
moins menacée. Leur respect de la norme prudentielle les rend en sécurité et
plus prudentes indépendamment de leur montant de capitalisation boursière.
4.3.3. Ratio Return On Assets : ROA = bénéfices nets / total Bilan

Banque B1 B2 B3 B4 B5

ROA (en %) 0,73913 0,82233 0,21595 0,48638 0,24980

Banque B6 B7 B8 B9 B10
ROA (en %) 0,80856 0,58145 0,70212 0,52101 0,65410

(Calcul fait par l’auteur)

396
Respect des normes prudentielles et
solvabilité des banques commerciales :
étude empirique des banques tunisiennes

Suite au calcul des rendements des actifs des banques de notre échantillon,
on remarque que ces derniers sont pratiquement de valeur comparable. La
banque B2, qui respecte la norme prudentielle en matière de gestion de risque
de crédit, possède des actifs de bonne qualité, leur ROA moyen est de l’ordre
de 0,8233%. Tandis que les actifs de B5 sont relativement les moins rentables,
soit un ROA de l’ordre de 0,21595%. L’hétérogénéité des résultats aboutis
proviennent essentiellement de la spécialisation des banques dans des activités
particulière, à savoir l’Habitat, l’Agriculture, l’Industrie, le privé. Selon J. Sinkey
(1999) le classement des banques selon l’indice du risque (RI) se fait de façon à
ce que la banque qui possède le score le plus élevé est celle qui gère le mieux
sa fonction de crédit. Dans ce qui suit nous allons classer les dix banques
susmentionnées selon les indicateurs de risque et de rendement évoqués ci-
dessus. Pour les ratios indiqués nous allons affecter le numéro 1 à la banque qui
soit la moins risquée, c’est-à-dire celle qui est la plus prudente. Pour l’indicateur
du rendement, le classement de ses dix banques commerciales sera tel que le
numéro 1 est affecté à la banque qui a enregistré le rendement de ses actifs
le plus important. Le résultat de classement des dix banques commerciales
tunisiennes, se présente comme suit :
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RI RCR RC RM ROA MA
B1 1 3 1 10 3 1
B2 4 7 4 8 1 4
B3 2 2 6 1 10 6
B4 9 9 9 7 8 8
B5 8 1 2 2 9 3
B6 7 10 3 3 2 10
B7 10 8 10 9 6 5
B8 3 5 5 5 4 2
B9 5 4 8 6 7 9
B10 6 6 7 4 5 7

(Calcul fait par l’auteur)

Suite au classement des banques selon l’indice de risque et les différents ratios
reflétant les risques traditionnellement rencontrés par ces établissements,
on retrouve que les banques qui sont moins risquées et qui gèrent le mieux
leur risque de crédit, sont loin d’être menacées par le risque d’insolvabilité.
Ainsi avec leur respect des normes prudentielles, relativement rigides (lois et
circulaires), les banques commerciales tunisiennes sont supposées à l’abri des
dangers qu’engendrent les risques dont elles font face quotidiennement dans
leurs exploitations. En se basant sur la remarque de J. Sinkey (1999) qui affirme
que les risques bancaires sont interdépendants et que l’indice de risque (RI) est
fonction des autres risques. Il présente l’expression suivante :

RI = f (Risque de crédit, risque de marché, risque de taux d’intérêt, risque de liquidité…)

397
48

Par définition le ratio de couverture des risques est le rapport entre les fonds
propres nets prudentiels et les actifs ajustés aux risques. Il exprime le montant
nécessaire des fonds propres de bases et complémentaires que les banques
doivent détenir afin de couvrir leurs risques de marché, de crédit et opérationnel.
Dans le cadre de la théorie bancaire et particulièrement concernant la gestion
des risques, ce ratio de synthèse est considéré le plus intéressant pour
l’évaluation des niveaux des risques encourus par les établissements de crédits.
Afin d’expliciter les relations existantes entre ces différents risques nous avons
essayé de présenter un modèle simple qui met en relation six variables reflétant
respectant le risque de crédit, de taux d’intérêt, d’illiquidité, de marché et le
volume des activités des banques pour voir leur impact sur le ratio de couverture
des risques.

Comme hypothèse à ce travail empirique est 130 : « Le risque d’insolvabilité est


celui propre à la banque et concerne la survie de l’entreprise bancaire. Il est en
général la conséquence de la manifestation d’un ou de plusieurs des risques
précédents (risque de crédit, risque de marché, de taux d’intérêt d’illiquidité) et
que la banque n’a pu prévenir ». Ainsi le risque d’insolvabilité d’une institution
financière résulte de l’ensemble des risques qu’elle est susceptible de porter à
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travers ses activités. Dans ce contexte, les ratios de solvabilité des dix banques
de notre échantillon au 31 juin 2008 sont nettement supérieurs à la norme
réglementaire (8%). Le tableau suivant présente ces valeurs et confirme la
prudence des banques commerciales tunisiennes en matière de détention des
fonds propres réglementaires.
Ratios de solvabilité des banques tunisiennes (31/06/2009)
Banques B1 B2 B3 B4 B5 B6 B7 B8 B9 B10
Ratios de
12,27% 9,82% 9,97% 9% 13,43% 10,6% 9,9% 9,02% 9,7% 8,4%
solvabilité

Source : Banque Centrale de Tunisie

4.4. L’échantillon
Notre échantillon se compose de dix banques commerciales tunisiennes s’étalant
sur une période allant de 1995 au 2009. Les états financiers des banques sont
collectés auprès de la Banque Centrale de Tunisie.

4.5. Les variables du modèle


Dans le cadre de notre analyse empirique, pour chaque banque (i) et année (t),
les variables utilisées sont :
Le ratio de couverture des risques : Fonds propres nets prudentiels / actifs ajustés
aux risques (RCR). C’est un ratio réglementaire qui selon la réglementation
prudentielle bancaire ne doit pas être inférieur à 8%.
130. Sylvie De Coussergue (1992) : Gestion de la banque Edition Dunod (1992), p. 107-108.

398
Respect des normes prudentielles et
solvabilité des banques commerciales :
étude empirique des banques tunisiennes

Le ratio : provisions requises (y compris les agios à réserver) / total crédits


accordés ou encore (prêt / total actif). Ce ratio sera la variable déterminante du
risque de crédit (RC).
Le ratio : Produit net bancaire / total bilan. Ce ratio sera la variable déterminante
du risque de taux d’intérêt (RTI).
Le ratio : Actifs réalisables / passifs exigibles. C’est le ratio de liquidité
(réglementaire) qui doit être égale à l’unité au minimum. Il détermine le risque
d’illiquidité (RL).
Le ratio : capitalisation boursière / total bilan. Ce ratio a comme numérateur
(nombre de titre admis à la cote) x (cours de l’action au 31/12 de chaque année).
Il présente le risque de marché (RM).
La variable qui présentera le volume des activités des banques est le Logarithme
Népérien des totales des bilans des banques (V = Ln (total Bilan)).
Une variable déterminant la qualité des actifs des banques de notre échantillon :
ROA : (Bénéfice net / total actif).

4.6. Le modèle
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Le modèle est une régression à double indice entre ces différentes variables
présentées ci-dessus :
RCRit = βit RCit + λit RTIit + θit RLit + δit RMit + Φit Vit + ωit ROAit + ξit

L’estimation de ce modèle est par la technique de Zellner (Seemingly Unrelated


Regression). On dispose dans ce modèle de six variables, pour dix banques et
sur quinze ans. Comme notre modèle ne dispose pas des variables à retard il
n’est donc pas nécessaire de détecter les autocorrélations entre les variables.
Il est à signaler que l’estimation de ce modèle par la méthode des Moindres
Carrés Ordinaires, n’est pas intéressante car l’échantillon est relativement petit.
On procèdera à une analyse économétrique par la technique des données de
panel à savoir la méthode de Zellner car ceci pourrait spécifier le modèle selon
deux dimensions : individuelle (i) et temporelle (t) et augmentera ainsi le nombre
d’observation.

4.7. Les Hypothèses


On avance les hypothèses suivantes :
H1 : Le risque de crédit est un indicateur explicatif du risque d’insolvabilité de la
banque
H2 : Le risque de taux d’intérêt est un déterminant du risque d’insolvabilité de la
banque
H3 : Le risque d’illiquidité est un déterminant du risque d’insolvabilité de la
banque
H4 : Le risque de marché est facteur explicatif du risque d’insolvabilité de la
banque

399
48

H5 : Le volume de l’activité de la banque est un déterminant du risque d’insolvabilité


de la banque.

4.8. Résultats et interprétations


Avant de procéder à l’estimation du modèle nous avons effectué le test de Ferrar
et Blooder, concernant l’hypothèse de multicollinéartité entre les variables et
nous avons détecté les interdépendances entre les variables explicatives. Les
résultats ont donné à travers la matrice de corrélation, que la variable RTI est
fortement corrélée avec la variable RL. Ainsi, on a intérêt à éliminer la variable
déterminante du risque de liquidité puisqu’elle va être mal estimée par le modèle
et biaiser le résultat. Notre modèle devient alors :
RCRit = βit RCit + λit RTIit + δit RMit + Φit Vit + ωit ROAit + ξit

Sur une période allant de 1995 jusqu’à 2009 et pour dix banques commerciales
de la place, l’estimation du modèle selon la méthode de Zellner a fourni les
résultats suivants :
Coefficients Valeur d’estimation T-Student
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Β 0,044678 1,467144
Λ 0,045478 1,751687**
Δ 0,024310 0,791827
Φ 0,006166 10,77049*
Ω - 0,3278825 -2,727427*

** significatif à 10% ; * significatif à 1%

Les résultats de l’estimation du modèle montrent qu’il y a trois variables sur cinq,
qui sont statistiquement significatives. En effet le coefficient de sensibilité au
risque de taux d’intérêt (λ) et celui reflétant l’impact du volume de l’activité de la
banque sur sa solvabilité (Φ) sont positifs et égaux respectivement à 0,045478
et 0,006166 et ayant un t-student de l’ordre de 1,751687 et 10,77049 significatifs
à un seuil de probabilité égale respectivement à 10% et 1%. Le risque de taux
d’intérêt est un déterminant du risque de crédit et chaque fluctuation affectant
les taux d’intérêts aura des conséquences sur la fonction du crédit de la banque.
Ainsi lors des octrois des crédits ces établissements doivent tenir compte de ce
risque implicite. La Banque Centrale de Tunisie garde toujours son pouvoir de
contrôle et de fixation du taux d’intérêt sur le marché monétaire et veille aux taux
débiteurs et créditeurs.

Il importe de signaler que si le volume des activités des banques augmente, alors
leurs prises de risque deviennent de plus en plus importantes et particulièrement
le risque d’insolvabilité. Les banques de la place sont invitées à renforcer leurs
systèmes de gestion et ne pas trop se concentrer sur l’élargissement de leur
activité et l’augmentation de leur taille, mais c’est comment avoir un grand

400
Respect des normes prudentielles et
solvabilité des banques commerciales :
étude empirique des banques tunisiennes

volume d’activité tout en étant le plus prudent que possible. On remarque que le
coefficient de sensibilité à la qualité des actifs (Return On Assets) est négatif, il
est égal à (-0,327825), ce coefficient est statistiquement significatif à un seuil de
probabilité 1% et ayant un t-student de l’ordre de 2,727427 en valeur absolue.
Ce résultat montre que le ratio de solvabilité des banques commerciales dans
notre échantillon est expliqué par le rendement de leurs actifs. Ce qui signifie
qu’une augmentation des bénéfices dégagés par ces établissements signifie une
augmentation de leurs activités risquées. Ainsi les banques de notre échantillon,
afin d’améliorer le rendement de leurs actifs, doivent prévoir une hausse de leur
risque d’insolvabilité. Ces résultats sont conformes à ceux dégagés suite aux
classements effectués plus haut, selon les critères IR et ROA. Par exemple la
banque B1 est classée en dernière place dès qu’elle possède l’indice de risque
le plus élevé (120,5510), par contre elle est classée troisième selon la qualité de
ses actifs. La banque B3 est classée première selon son indice de risque et en
même temps la dernière selon la qualité de ses actifs. La significativité du modèle
est importante. En effet, le coefficient de détermination R² est égal à 35,135%.
Tandis que le coefficient de détermination ajusté R² est égal à 28,1225% montrant
l’importance de la significativité globale du modèle.
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Cette estimation reste insuffisante et souffre de plusieurs limites : la taille de
l’échantillon, l’existence d’autres variables qui sont à leurs tours déterminantes
du risque d’insolvabilité telles que la capitalisation et la taille de la firme bancaire,
la qualité de l’information disponible pour la banque concernant la qualité de ses
emprunteurs et la qualification de son personnel.

Conclusion

La révolution technologique, la complexité des instruments financiers, la


mondialisation de la concurrence et la mutation de la demande des services
financiers se conjuguent pour confronter les institutions financières à un effort
d’adaptation sans précédent. La montée de l’instabilité financière est sans doute
l’un des faits marquants de l’économie mondiale durant la période récente.

Le respect des normes prudentielles par les banques de dépôts tunisiennes


reste une condition nécessaire mais insuffisante pour être à l’abri du risque
d’insolvabilité. D’autres comportements et facteurs doivent être considérés par
ces établissements afin de minimiser leurs expositions à ce danger inévitable. La
loi du 10 juillet 2001, amendée le 02 mai 2006, vient actualiser les textes légaux
relatifs aux deux lois précédentes (décembre 1961 et décembre 1994), et préparer
notamment les banques à s’adapter aux nouvelles règles internationales émises
par le comité de Bâle pour la supervision et le contrôle bancaire. Le secteur
bancaire tunisien a franchi une étape importante pour préserver sa solvabilité
et sa pérennité. Il est toutefois impératif dans cette phase de préparation des
établissements de crédits de la place, de faire face à la compétition étrangère

401
48

de veiller à ce qu’elles se dotent de moyens appropriés afin de circonscrire


tout risque pouvant porter atteinte à leur stabilité financière. Les banques sont
invitées à consolider leurs fonds propres, diversifier leurs activités, se doter des
ressources nécessaires au bon fonctionnement de leurs intermédiations, et d’un
personnel qualifié qui sera responsable à chaque prise de décision (l’octroi des
crédits). Les banques tunisiennes peuvent réussir leurs missions et prospérer
dans leurs environnements. La réglementation prudentielle des banques n’est
pas une science exacte. Les éléments discrétionnaires sont inévitables dans le
processus de surveillance et de contrôle, d’autres risques restent à mesurer et
surtout le risque opérationnel juste après la révolution tunisienne du 14 janvier
2011. Cette recherche constitue une première étape d’un travail futur qui portera
sur d’autres banques du bassin méditerranéen en intégrant d’autres variables
empiriques plus significatives et en tenant compte du contexte politique, social et
économique actuel.

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La loi n° 2001-65 du 10 juillet 2001, relative aux établissements de crédit.
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