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méthode PM
Natacha Trehan
Dans Management & Avenir 2014/4 (N° 70), pages 153 à 170
Éditions Management Prospective Editions
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.070.0153
© Management Prospective Editions | Téléchargé le 20/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.157.35.67)
Résumé
L’article présente les résultats d’une recherche prospective sur la
fonction Achats par la méthode PM avec 42 acteurs-experts. Il
ressort que les missions Achat de demain sont la création de valeur,
la contribution à la réinvention du business model de l’entreprise, alors
que le pouvoir s’inverse en faveur des fournisseurs clés. L’acheteur
pilote de ces évolutions est nommé « mutant noétique ».
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Mais, leurs éléments de réponses sont souvent contingents de leurs propres solutions
technologiques ou de conseils. Concernant les recherches académiques, fondées sur des
méthodes prospectives reconnues (scénarios, méthodes d’experts, analyse structurelle,
analyse des jeux d’acteurs…), il n’en existe à notre connaissance aucune sur la fonction
Achats. Les rares recherches prospectives sur une fonction connexe, la supply chain,
sont focalisées sur l’identification et la gestion des risques futurs (Gracht et al., 2010 ;
Markmann et al., 2012). Est-ce à dire que la fonction Achats se situera aussi dans la même
mouvance future de risk management ou évoluera-t-elle vers d’autres priorités ? Comment
la fonction Achats évoluera-t-elle à horizon 2025 ? Telle est notre interrogation. Notre
objectif est double : combler un manque académique de recherche prospective sur cette
fonction et permettre au monde professionnel de mieux (se) préparer (à) l’avenir. Afin
de répondre à notre question de recherche, nous utilisons une méthode d’experts : la
méthode PM. Ce travail s’articule en trois parties. Comme toute démarche prospective
requiert une bonne appréhension du présent et du passé (Scouarnec, 2008), nous pro-
posons, dans une première partie, une genèse de la fonction Achats. La seconde partie
est consacrée à la méthodologie. La troisième présente les futuribles et leur discussion.
En conclusion, sont présentées les limites et perspectives de cette recherche.
A partir d’une revue de littérature sur la fonction Achats, nous proposons une chronologie
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http://www.sap.com/ : « The new face of Purchasing » sponsorisé par SAP en avril 2005, http://www.
atkearneypas.com : « Succeeding in a Dynamic World: Supply Management in the Decade Ahead » (2007)
sponsorisée par AT Kearney.
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La fonction Achats de demain : analyse prospective par la méthode PM
les achats... Durant les Trente Glorieuses, les fournisseurs sont rarement considérés comme
des partenaires vecteurs de valeur ajoutée. Les relations sont de courte durée et plutôt
conflictuelles. Ali et al. (1997) caractérisent cette période de « adversarial approach ».
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gestion des Ressources Externes. La transformation des Achats, d’une logique « coûts à
réduire » vers une logique « Ressources Externes à manager », est amorcée dans l’industrie.
Elle se diffuse ensuite vers le tertiaire.
En synthèse, la fonction Achats est une fonction jeune puisque son réel essor est subséquent
aux chocs pétroliers des années 70. Son évolution est à relier aux crises économiques et/
ou aux secteurs confrontés à des niveaux de marges relativement faibles et à une forte
intensité concurrentielle. Preuve en est de son développement originel dans l’automobile
et de son apparition tardive (après 2000) dans des secteurs avec des niveaux de marges
encore confortables au début des années 2000 : la pharmacie, la banque, les assurances…
Ainsi, la reconnaissance de la fonction Achats est systématiquement passée en premier
par la réduction des coûts. De ce fait, cette fonction a toujours du mal à se positionner
au sein de l’entreprise et à légitimer sa dimension stratégique sur des sujets tels que :
les choix make or buy, l’apport d’innovation, la réduction des délais de mises sur le mar-
ché… Preuve en est de son rattachement hiérarchique (dans 27% des cas seulement à la
DG) ou de sa faible représentativité dans les comités de direction (dans 47% des cas)4.
Mais la finalité de la fonction Achats se limite-t-elle à une reconnaissance interne ? Ne
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La fonction Achats de demain : analyse prospective par la méthode PM
Notre objectif est de proposer une analyse en termes de tendances lourdes prenant en
compte les ruptures. Nous cherchons à identifier ce que De Jouvenel (1993) nomme
des futurs possibles ou « futuribles ». On note ainsi la différence entre la prospective
et la prévision. « La prospective est de l’ordre de l’anticipation, même imparfaite, des
changements, des discontinuités, des éventualités » (Scouarnec, 2008). L’attitude pros-
pective selon Godet (2001) est « un regard sur les avenirs possibles, destiné à éclairer
l’action présente ». En tant qu’étude des phénomènes de long terme, elle est pluridisci-
plinaire et d’inspiration systémique. Selon Thiétart et Bergadaa (1990), les méthodes
prospectives traditionnelles n’intègrent pas suffisamment le rôle des experts en tant
qu’acteurs du changement. Comme le souligne Godet (2001) : « Face à l’avenir, le jugement
personnel est souvent le seul élément d’information accessible pour prendre en compte
les événements qui pourraient survenir […] Aussi les méthodes d’experts sont-elles très
précieuses pour réduire l’incertitude et pour confronter le point de vue d’un groupe à
celui d’autres groupes ». Dans la littérature, trois méthodes d’experts sont répertoriées :
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des 42 fiches d’acteurs-experts et 297 pages d’entretiens. Les référents sont identifiés,
c’est-à-dire les thèmes pivots autour desquels s’organise le discours. Au sein de ces
thèmes pivots, les unités de contexte (phrase, mot, groupe nominal) les plus récurrents
sont notées ainsi que leurs associations les plus fréquentes. La synthèse de ce codage, en
thèmes pivots puis unités de contexte, est présentée dans la partie gauche du Tableau 3.
Elle sert de base aux ateliers de réflexion prospective en sous-groupe. La partie droite
du Tableau 3 présente les résultats de ces ateliers. Nous demandons aux acteurs-ex-
perts d’indiquer, en début de session, les 3 unités de contexte qui sont, selon eux, les
plus significatives par thème pivot. Nous notons leur occurrence. A la fin de la journée,
après débats, confrontation des opinions, nous notons (a) les consensus qui sont alors
considérés comme des futuribles clairs, (b) les points non retenus (pas de consensus clair
voire opinions déviantes isolées) que nous avons choisi de ne pas analyser, les premiers
résultats étant déjà très riches et (c) les points relevant plutôt du court ou moyen terme
qui sont écartés de l’analyse prospective. Nous sommes conscients qu’une limite de ce
travail réside dans la non étude des thèmes n’ayant pas fait consensus. De plus en plus de
travaux sur les méthodes experts recommandent leur étude5. En effet, leur rejet peut être
prospectif en lui-même. Ce point mériterait d’y consacrer une recherche à part entière.
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Choix de l’échantillon Sélection d’un échantillon de 42 acteurs-experts dans 34 entreprises (publiques et privées) et 24
secteurs différents. CA de 43 milliards à 23 millions. Part achats de 12,5% à 85% du CA.
Rédaction d’un Questionnaire sur (1) les principales mutations internes et externes qui impacteront vos
questionnaire ouvert pour missions, (2) vos organisations, (3) les relations avec les fournisseurs, (4) les relations avec les
des entretiens semi- clients internes. (5) Comment vont évoluer les mesures de performance des fournisseurs, (6)
directifs des acheteurs ? (7) Quelles seront les nouvelles compétences requises ? (8) Quels seront les
dossiers clés de l’acheteur de demain ? (9) Quels seront les outils, technologies de demain dont
auront besoin des acheteurs ? Nous leur demandons de se projeter à horizon 2025.
Rédaction d’un Rédaction d’un questionnaire en 5 grandes thématiques (rédigé sous forme d’affirmation) : (1)
questionnaire de synthèse Principales mutations externes qui vont impacter la fonction Achats. (2) Principales mutations
et envoi aux acteurs- internes qui vont impacter la fonction Achats. (3) Les relations fournisseurs de demain. (4) Les
experts avant la journée missions d’avenir de la fonction Achats. (5) Les postes et compétences de demain.
de travail
Partie 3 PM
Organisation d’une Deux sous-groupes de 12 (Gpe 1) et 13 (Gpe 2) acteurs-experts sont réalisés. Ils sont invités à
journée de travail réfléchir sur les 5 grandes thématiques identifiées dans la partie 2.
Réflexion en sous- La diversité des avis est d’abord recherchée, puis par la confrontation des opinions, des
groupes consensus émergent autour de possibles.
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3. Résultats et discussion
Nous présentons et discutons les « futuribles » ou futurs possibles (de Jouvenel, 1993),
constituant des développements plausibles, « alternatives plus ou moins formalisées »
(Godet, 2001), compte tenu des degrés de liberté des acteurs en jeu. Ils ont émergé de
la confrontation des opinions dans la partie 3 de PM. A titre illustratif, des verbatim
significatifs sont repris.
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La fonction Achats de demain : analyse prospective par la méthode PM
un rôle d’accompagnateur dans la réinvention de ces business models. « Notre priorité est
de créer pour nos clients les produits/services du futur en s’appuyant notamment sur
notre management de la relation fournisseur » (DA Nexans). « Dans le secteur public, la
fonction Achats avait pour mission, à l’origine, de protéger l’entreprise. Elle était bâtie
sur des fondements réglementaires et juridiques. Demain elle se doit de contribuer au
développement stratégique, commercial, à la transformation de l’entreprise» (DA La Poste).
Tableau 3 - Présentation des résultats des étapes 2 et 3 Etape 3 PM :
Résultats des sessions de réflexion en
de la méthode PM sous-groupe de 12 et 13 acteurs-experts
Etape 2 PM : En début de En fin de session
Résultats du codage thématique en thèmes pivots puis unités de contexte session les 3 - les consensus ì
qui vont être soumis à débats lors des sessions de réflexion prospective en points les + - point non retenuî
sous-groupe significatifs en nb - non prospectifè
d’occurrence
1. Dimensions externes qui vont impacter la fonction Achats Gp 1 Gp 2
1.1. Le développement durable va fortement impacter la fonction Achats 8 9 ì consensus
1.2. Le changement du centre de gravité vers l’Asie 3 2 î non retenu
1.3. La hausse des prix ou la raréfaction de certaines matières 1ère, NRJ 7 7 ì
1.4. Le renversement du rapport de force vers les fournisseurs « best-in-class » 7 9 ì
1.5. L’augmentation du réglementarisme, de la judiciarisation 2 2 î
1.6. Les retours de sourcing de l’Asie (+ Chine) vers l’Europe et les USA 3 2 è plutôt à CT/MT
1.7. Les mutations technologiques de plus en plus rapides et brutales 6 8 ì
2. Mutations internes qui vont impacter la fonction Achats Gp 1 Gp 2
2.1. Les organisations seront de plus en plus mondialisées et virtuelles 6 6 ì
2.2. L’utilisation d’outils collaboratifs et de partage va se généraliser 6 5 ì
2.3. Les besoins de réactivité, flexibilité seront clés 5 6 ì
2.4. Les Achats hors production / indirects seront la priorité à l’avenir 1 1 î
2.5. Il y aura un rapprochement avec le marketing / vente, les clients finaux 6 6 ì
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- Les exigences vis-à-vis des fournisseurs étant de plus en plus nombreuses et élevées (en
termes de RSE, de performances opérationnelles, managériales, capacité d’innovations,
santé financière…), seuls quelques fournisseurs sont capables de répondre à l’ensemble
de ces exigences et contribuent réellement à la création de valeur de leur client. Mais ces
fournisseurs « best-in-class » sont aussi en situation de choisir les clients avec lesquels
ils ont envie de travailler. Les propos des DA d’Essilor sont symptomatiques : « Demain
ce seront les fournisseurs best-in-class qui nous choisiront ».
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La fonction Achats de demain : analyse prospective par la méthode PM
fournisseur afin d’être capable de mesurer son attractivité client et d’agir en conséquence.
Ce modèle incite notamment à repenser les modes de rémunération des fournisseurs et
leur mesure de performance. Ces deux points sont systématiquement soulevés par les
acteurs-experts.
Concernant les indicateurs de performance, dès lors que l’on demande au fournisseur
de contribuer à la réinvention du business model de l’entreprise pour une plus grande
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Enfin, si la fonction Achats réinvente les relations avec les fournisseurs, c’est parce que
les « types » de fournisseurs ne seront plus les mêmes demain. A l’avenir la création de
valeur passera par l’open-innovation, selon la terminologie de Chesbrough (2003), basée
sur le partage, l’échange, la sérendipité. « Nous croyons beaucoup à l’open innovation
pour repenser nos produits du futur » (DA Bic). D’une logique de co-développement clas-
sique avec un fournisseur, l’innovation éclora au sein de relations réticulaires intégrant
aussi bien des particuliers, des clients, des centres de recherche voire des concurrents…
« Dans le domaine des hautes technologies, un concurrent peut être demain un allié.
L’ouverture est essentielle. L’open innovation fait partie de nos challenges futurs » (DG
SABCA). L’acheteur gérera à l’avenir une pluralité de fournisseurs protéiformes, ce qui
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3.3. Futuribles sur les organisations et les postes Achats : « vers une
‘f lexi-centralisation’ », « vers une spécialisation des postes Achats »
Le renversement du rapport de force en faveur des fournisseurs stratégiques combiné à
la raréfaction de certaines matières premières et énergies et à la concentration de nom-
breux marchés fournisseurs vont favoriser la transformation des organisations Achats
vers, ce que nous nommons, une « flexi-centralisation ». L’enjeu est d’être plus visible sur
les marchés fournisseurs. « Les enjeux d’attractivité fournisseurs pour la captation de
l’innovation sont tels que nous sommes en train de construire nos organisations achats
de demain en réponse à ces défis » (DMA Buyin). Certes, la concentration des volumes
est importante, mais l’essentiel est d’être capable de proposer un seul point d’entrée
pour les fournisseurs stratégiques, de parler d’une seule et même voix pour l’ensemble
de l’entreprise et de communiquer sur une seule et même vision homogène, que ce soit
dans une division ou dans une zone géographique lointaine. « Notre enjeu est de favori-
ser les synergies au niveau des ressources et des compétences Achats, de peser plus sur
le marché fournisseur mais surtout d’accroître notre visibilité » (DG BCA). « Il faut une
Direction Achats monde forte capable de véhiculer des valeurs, une vision, de donner
envie aux fournisseurs de travailler avec nous et à la fois il faut de la proximité » (DA
Club Med). Comme les besoins d’adaptabilité augmentent dans la même proportion que
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globalement, tous les acteurs-experts issus de grandes organisations soulignent que les
besoins d’avenir portent davantage sur des postes stratégiques et moins sur des postes
purement opérationnels. En quoi ces nouvelles organisations Achats vont-elles influencer
les relations avec les clients internes ?
3.4. Futuribles sur les relations avec les clients internes : « la relation
devient celle de partenaires d’affaires », « les Achats accompagnent les
clients internes dans une logique de Management de la Demande », « les
Achats se rapprochent du Marketing/Vente »
Pour un acheteur, les clients internes sont à l’origine du besoin. Toute la complexité de
cette relation réside dans la nécessité de les satisfaire tout en œuvrant pour l’intérêt
global de l’entreprise. Par exemple, redéfinir un cahier des charges peut permettre de
sortir d’un monopole artificiel avec un fournisseur, mais cela soulève parfois des résis-
tances au changement de leur part. Comme le soulignent les acteurs-experts, souvent
les négociations les plus complexes ne sont pas tant avec les fournisseurs qu’avec les
clients internes. L’enjeu de ces relations est bien résumé par le DA de La Poste « être au
service mais pas servile ». Pour certains acteurs-experts le terme de client interne biaise
la relation que l’on peut avoir avec eux. « Il faudrait appréhender ces relations selon
une logique de partenaires dans du développement d’affaires » (DA BioMérieux). Cette
évolution vers une logique de partenaires d’affaires (business partners) est d’autant plus
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est un élément renforçant notre compétitivité : il est essentiel d’intégrer les Achats avant
toute remise de prix à nos clients » (DG Bourbon). Ces deux premières explications sont
directement liées à la défense d’un avantage concurrentiel. La dernière explication est
plus tactique. Il s’agit du support apporté par les Achats dans l’acte de vente même :
« Les acheteurs accompagnent de plus en plus les forces de vente chez les clients finaux :
parler d’acheteurs à acheteurs crédibilise le discours. Par exemple, on n’a pas subi de
hausse liée aux matières premières » (DA FCI). Toutes ces transformations nécessitent
de nouvelles compétences pour les acheteurs.
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La fonction Achats de demain : analyse prospective par la méthode PM
(DG Maty). « La curiosité, l’éclectisme sont des qualités essentielles pour se projeter dans
les besoins futurs de l’entreprise, pour gérer les fournisseurs de demain » (DA Essilor).
3.6. Discussion
Afin d’enrichir l’analyse, il est intéressant de rapprocher ces résultats d’autres travaux
de prospectivistes. Ceux de Halevy (2012), physicien et philosophe, sur la révolution
noétique font résonnance. Cette révolution noétique (du grec noôs « connaissance ») est
native de la révolution informatique, avec pour parangon, Internet. Elle est le passage de
l’âge moderne à l’âge postmoderne, de la société des objets et de la consommation, à la
société de la connaissance et de l’information, d’une économie industrielle à une écono-
mie immatérielle, d’un monde compliqué à un monde complexe, d’une vision mécaniste
du monde à une vision organique et réticulaire. Cette révolution s’accompagne d’une
recherche de sens et de valeurs morales. Ce changement de paradigme économique
tel qu’il est décrit par Halevy correspond à cette complexité environnementale future
appréhendée par les acteurs-experts. C’est cette complexité liée à « l’hyper-information »,
« l’ultra-connectivité », « les exigences de personnalisation de consommateurs de plus
en plus responsables », pour reprendre leurs terminologies, qui, selon eux, impacte les
missions futures de la fonction Achats, dans le sens d’une contribution à la réinvention
du business model de l’entreprise. La recherche de sens caractéristique de cette révolu-
tion est aussi à rapprocher de ce que les acteurs-experts soulignent en termes de RSE
: la contribution des Achats à la création de valeur pour l’entreprise, a fortiori pour ses
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Conclusion
En synthèse, d’une logique historique de réduction des coûts, la fonction Achats est,
actuellement, au cœur d’une logique de gestion des risques. Demain, ses missions sont la
création de valeur, la contribution à la réinvention du business model de l’entreprise, dans
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