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La méthode des coûts-performances cachés au service de la

fonction achats
Sylvie Crouzet
Dans ACCRA 2022/3 (N° 15), pages 41 à 59
Éditions Association Francophone de Comptabilité
DOI 10.3917/accra.015.0041
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DOI : 10.3917/accra.0015.0041

La méthode des coûts-


performances cachés au
service de la fonction achats
The hidden cost-performance method
supporting the purchasing function

Sylvie Crouzet
Professeure Associée, Le Cnam Paris, Lirsa
sylvie.crouzet@​lecnam​.net
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RÉSUMÉ
L’article étudie l’instrumentation des achats, par la méthode des coûts-performances
cachés. La problématique peut s’exprimer sous la forme de la question suivante :
comment la méthode des coûts-performances cachés s’applique-t-elle aux achats et
quels en sont les apports ? L’étude s’appuie sur une recherche-intervention de 24 mois
menée dans le secteur de l’assurance, avec un positionnement de praticien réflexif.
Les résultats montrent que la méthode des coûts-performances cachés s’applique
aux achats en dotant les acheteurs de moyens de catégoriser les dysfonctionnements
et de les intégrer au coût d’achat. La prise en compte des dysfonctionnements par
l’acheteur renforcera la confiance/la légitimité de la fonction achats aux yeux des
clients internes.
MOTS CLÉS : coûts-performances cachés, coût d’achat, recherche-intervention,
praticien réflexif, légitimité

ABSTRACT
The article deals with the instrumentation of purchases using the hidden cost-per-
formance method. The issue can be expressed in the form of the following question:
how does the hidden cost-performance method apply to purchases and what are its
contributions? The study is based on a 24-month intervention-research carried out in
the insurance sector with a reflective practitioner positioning. The results show that
the hidden cost-performance method applies to purchases by providing buyers with
the means to categorize dysfunctions and integrate them into the purchase cost. The

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La méthode des coûts-performances cachés au service de la fonction achats

taking into account of dysfunctions by the buyer will reinforce the trust/legitimacy of
the purchasing function in the eyes of internal customers.
KEYWORDS: hidden cost-performance, purchase cost, intervention-research,
reflective practitioner, legitimacy

Introduction
Depuis de nombreuses années, les auteurs s’intéressent au coût d’achat
des biens et services. Ainsi, il y a près d’un siècle, Harriman (1928)
invitait le « Purchasing Officer » à tenir compte des réparations ou du
stockage dans le calcul du coût des biens. Plus récemment, Ellram, avec
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le concept de Total cost of Ownership (TCO), propose d’intégrer les
coûts les plus significatifs relatifs à l’acquisition du bien ou service, sa
possession, son utilisation et même sa cession ultérieure (Ellram 1995).
Le TCO dépasse le simple coût d’acquisition. Mais certains coûts ne
sont pas pris en compte : ce sont les coûts liés aux dysfonctionnements
qui perturbent les activités humaines. Les dysfonctionnements sont
identifiés, en tout ou partie, lors des contrôles formels et informels
avec les clients internes et les fournisseurs (Nogatchewsky 2003) ou par
le management des risques de l’entreprise (Ebondo et Zéghal 2009).
Mais, si l’acheteur a connaissance d’une partie de ces dysfonctionne-
ments, il sait, cependant peu de choses sur la façon de les évaluer et de
les intégrer au coût d’achat.
Les achats pourraient alors se tourner vers les contrôleurs de gestion.
Leur rôle de business partner les conduit à analyser des informations
financières/non financières et à conseiller les managers (Cavélius et
al. 2020). Ils pourraient alors contribuer à l’estimation du coût des
dysfonctionnements liés aux achats. Cependant, ces coûts ne sont pas
lisibles directement. Certains coûts sont dilués dans différentes lignes
de coûts dans les systèmes comptables. D’autres coûts représentent
l’absence de production suite aux dysfonctionnements. Ce sont des
temps rémunérés qui n’ont pas donné lieu à une création de produit
(Savall et Zardet 1987). Ils apparaissent comme « un gisement de pertes
de valeur ajoutée, donc une réserve endogène d’efficience, partielle-
ment convertible en performances » (Cappelletti et al. 2018, p.87).
Le coût d’achat reste principalement axé, dans les systèmes de
management de la performance achats (PPMS) sur le prix payé au

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fournisseur et sur les savings obtenus (Poissonnier 2009 ; Caniato et


al. 2014). Le TCO n’intègre pas le coût des dysfonctionnements qui
perturbent l’activité de l’entreprise. Pourtant, il existe une méthode
pour les évaluer : la méthode des coûts-performances cachés (Savall,
Zardet, Buono, Cappelletti, Bonnet 1974-2021). Cette méthode a été
appliquée dans de nombreux contextes. Mais elle ne semble pas être
utilisée par les acheteurs pour intégrer les impacts des dysfonctionne-
ments dans le TCO. Ce travail vise à combler ce manque. La problé-
matique s’exprime sous la forme de la question suivante : comment la
méthode des coûts-performances cachés s’applique-t-elle aux achats et
quels en sont les apports ? Pour répondre à cette question, la métho-
dologie choisie est celle de la recherche-intervention (Savall et Zardet
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2004). Les données exploitées dans cet article portent sur la phase
de diagnostic de la recherche-intervention, qui a été menée dans une
compagnie d’assurances sur une période de 24 mois (avril 2018-mars
2020). Ces données ont permis de proposer un coût d’achat qui intègre
une évaluation des dysfonctionnements liés aux achats. Cette évalua-
tion s’appuie sur la méthode des coûts-performances cachés (Savall et
Zardet 1987). Le premier paragraphe de l’article expose le cadre théo-
rique de la recherche, axé sur le purchasing performance management
system (PPMS) et sur la théorie socio-économique des organisations.
Nous préciserons ensuite la méthode (paragraphe 2) et les résultats
(paragraphe 3) qui feront l’objet d’une discussion (paragraphe 4).

1. Un cadre théorique axé sur le purchasing


performance management system (PPMS)
et sur la théorie socio-économique des
organisations
Dans le système de management de la performance achats (purchasing
performance management system/PPMS), les entreprises adoptent
encore aujourd’hui principalement une perspective externe. L’accent
est mis sur la mesure de la performance des efforts consentis par les
fournisseurs (Caniato et al. 2014 ; Poissonnier 2009). Le coût d’achat se
base généralement sur le Total Cost of Ownership de l’ensemble des
coûts de la supply chain (Shabani et al. 2019). Mais le TCO n’intègre pas
le coût des dysfonctionnements qui perturbent l’activité de l’entreprise.

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Pourtant, ces dysfonctionnements impactent la performance de l’en-


treprise. Pour évaluer ces dysfonctionnements, les tenants de la théorie
socio-économique des organisations ont développé un système perfor-
mant d’évaluation des coûts-performances cachés (Hayes et al. 2013)
mais qui ne semble pas être utilisé par les acheteurs.

1.2 Dépasser la perspective externe dans le purchasing


performance management system (PPMS)
Un Performance Management System peut être défini comme un
ensemble de mécanismes de contrôles utilisés par les managers et
les employés, dans le but de faciliter la réalisation des objectifs, en
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influençant le comportement et la performance des collaborateurs
(Franco Santos et Otley 2018). Il est composé de nombreux éléments
introduits par des groupes d’intérêt différents (Chatelain-Ponroy et
Deville 2020). Un dualisme existe entre la conception du Performance
Management System (PMS) comme un package ou comme un système
(Demartini et Otley 2020). Lorsque le PMS est construit comme un
« package », il « représente un jeu complet de pratiques de contrôles
mis en place, sans regarder s’ils sont interdépendants et/ou sans regar-
der si les choix du design prennent en compte l’interdépendance »
[Notre traduction, Grabner et Moers 2013, p. 408]. Les contrôles sont
mis en place pour aider les managers à orienter le comportement des
collaborateurs (Malmi 2008). Le PMS pourra, ainsi, être utilisé dans le
contexte des systèmes de management des ressources humaines pour
guider le comportement individuel des collaborateurs (Broadbent et
Laughlin 2009).
Lorsque le PMS est construit comme un système, les éléments sont
« interdépendants et les choix du design prennent en compte ces inter-
dépendances » [Notre traduction, Grabner et Moers 2013, p. 408]. Le
PMS est alors constitué de « mécanismes, de processus, de systèmes et
de réseaux utilisés par les organisations pour transmettre leurs objectifs
clés définis par le management, pour soutenir le processus stratégique
et la gestion courante » [Notre traduction, Ferreira et Otley 2009,
p. 264]. Dans la construction du PMS, Ferreira et Otley portent une
attention particulière aux flux d’informations utiles, aux interactions ou
encore à la dynamique d’évolution entre les composantes du système
(Meyssonnier et Mévellec 2016). Lorsque l’objectif est d’examiner les

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liens et les interdépendances, il convient de concevoir le PMS comme un


système (Grabner et Moers 2013). Or, dans les Purchasing Performance
Management System (PPMS), il est nécessaire de lier les éléments et
notamment les mesures de performance financière et non financière
(Pohl et Förstl 2011). Il faut dépasser la perspective externe fondée sur
les efforts consentis par les fournisseurs pour intégrer des dimensions
de processus internes (Caniato et al. 2014). Les dysfonctionnements
peuvent impacter la compétitivité et la profitabilité des organisations
(Monczka et al. 2015) comme l’ont montré les tenants de la théorie
socio-économique des organisations.

1.2 Mobiliser la théorie socio-économique des


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organisations pour évaluer les impacts des
dysfonctionnements
La théorie socio-économique des organisations se développe depuis
plus de quarante ans, à partir des premiers travaux d’Henri Savall. Elle
propose des concepts et des modèles de gestion qui intègrent des
variables sociales et économiques (Buono et al. 2018). Elle porte une
attention particulière aux dysfonctionnements qui représentent « l’écart
entre le fonctionnement souhaité de l’entreprise et le fonctionnement
réellement constaté » (Savall et Zardet 2001, p. 20).
Trois axes ont été développés et constituent la méthode Horivert
(Horizontal et Vertical) (Cappelletti et al. 2018) : un axe de processus
de changement, un axe instrumental et un axe politique et stratégique.
Pour convertir les coûts-performances cachés en revenus, une série
de projets doit être lancée. Ces projets vont former des cycles avec
4 phases : Diagnostic, Project, Implementation, Evaluation. Au fil du
temps, une spirale ascendante va se créer permettant de générer des
gains solides pour l’organisation (Boje et Strevel 2016). Le diagnostic est
composé de trois modules : le module qualitatif, le module quantitatif et
financier et le module de présentation des résultats appelé « effet-mi-
roir ». Dans le module qualitatif, les dysfonctionnements perturbant le
déroulement des activités sont repérés lors d’entretiens qualitatifs et
regroupés en six catégories : les conditions de travail, l’organisation du
travail, la communication – coordination – coopération, la gestion du
temps, la formation intégrée et la mise en œuvre stratégique. Dans le
module quantitatif et financier, les entretiens permettent d’identifier les

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La méthode des coûts-performances cachés au service de la fonction achats

causes des dysfonctionnements et de les évaluer financièrement. Cinq


indicateurs sont utilisés : l’absentéisme, les accidents du travail, la rota-
tion du personnel, les défauts de qualité et les écarts de productivité.
Pour pallier les dysfonctionnements, les organisations vont engager des
actes de régulation constitutifs de coûts-performances cachés. Ils sont
mesurés en s’appuyant sur six composants : les surtemps, les surcons-
ommations, les sursalaires, les non-productions, les non-créations de
potentiel et les risques. Les temps humains sont mesurés en calculant le
rapport de la valeur ajoutée sur coûts variables sur le nombre d’heures
de travail attendu. Les surconsommations de biens et services sont
évalués à partir du coût d’achat des biens et services (Savall et Zardet
2001). La méthode des coûts-performances cachés a été utilisée dans
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de nombreux contextes mais ne semble pas être utilisée par les profes-
sionnels des achats. Nous avons cherché à combler ce manque en nous
appuyant sur une méthodologie de recherche-intervention.

2. Une recherche-intervention de 24 mois au


sein d’une compagnie d’assurances
Nous allons tout d’abord présenter la pertinence du choix méthodolo-
gique, puis nous exposerons le terrain et le protocole.

2.1 Pertinence de la recherche-intervention pour


étudier l’objet de recherche
Dans cette étude, nous cherchons à instrumenter les achats par la
méthode des coûts-performances cachés. À cette fin, la méthodo-
logie de la recherche-intervention a été choisie pour trois raisons.
D’une part, les connaissances sont co-construites avec le terrain. Cette
co-construction repose sur trois principes épistémologiques (l’inte-
ractivité cognitive, l’intersubjectivité contradictoire et la contingence
générique) qui interagissent pour produire une connaissance générique
(Savall et Zardet 2004). La seconde raison est la visée transformative.
Dans la recherche-intervention, l’objectif est de changer les structures
et les comportements observés dans l’organisation (Coghlan et Brydon-
Miller 2014). Dans cette étude, la visée est clairement transformative.
Nous cherchons à intégrer les impacts des dysfonctionnements dans

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Sylvie Crouzet

le coût d’achat, ce qui n’est pas effectué aujourd’hui. La troisième


raison est la performance dans la construction d’outils de gestion. La
recherche-intervention conjugue les axes de contextualisation et de
formalisation pour accompagner l’entreprise dans son choix d’outil et
tout au long de sa mise en place (David 2000).

2.2 Terrain et protocole de la recherche


La recherche a été menée dans une entreprise du secteur de l’assu-
rance. Le choix du secteur n’est pas neutre. En effet, traditionnelle-
ment, les acheteurs intervenaient dans l’industrie sur les achats de
production. Au cours des années 1990, le périmètre des achats s’étend
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et des départements achats sont créés dans les assurances (Calvi et
Paché 2010). C’est à cette époque que la direction des achats a été
créée en France dans la compagnie d’assurances (1998). Avec cette
évolution, la place des achats change. Toutes les directions deviennent
des « clients internes » des directions des achats, qui doivent interagir
même s’ils font face à des barrières culturelles et politiques (Tassabehji
et Moorhouse 2008). Un décalage peut se créer entre le département
achats (qui s’intéresse principalement aux mesures financières) et le
client interne qui a besoin de mesures financières et non financières.
Les achats et leurs clients internes ne parlent pas toujours le même
langage (Sebti et al. 2015). Ces différences de perception mentionnées
par la littérature nous ont conduits à retenir ce terrain.
Nous avons réalisé la recherche au sein de notre propre organisation
avec un positionnement de praticien réflexif (Schön 1983). Au sein de
la compagnie d’assurances, nous avons notamment occupé un poste
d’acheteur pendant 5 ans au sein de la direction des achats. Nous
avons également été en charge d’une partie du contrôle de gestion
des achats de la direction des systèmes d’information. Nous avons
occupé ce second poste tout au long de l’étude que nous présentons
dans cet article (avril 2018 – mars 2020). La recherche-intervention
s’est déroulée sur une période de 24 mois. La collecte des données
primaires a reposé sur des entretiens semi-directifs en face à face : 60
collaborateurs ont été interrogés, dont 30 professionnels des achats et
30 clients internes, en retenant une diversité des niveaux hiérarchiques.
Les questions ont été posées de part et d’autre de la relation d’achats,
ce qui augmente la fiabilité des résultats de la recherche (Sumo et al.

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2016). Sur cet ensemble de 60 collaborateurs interviewés, 43 ont été


interrogés lors d’entretiens individuels et 17 dans 4 focus group. La
durée moyenne des entretiens individuels a été de 70 minutes et celle
des focus group de 81 minutes. Des données secondaires internes et
externes ont également été collectées. Les séances « effet-miroir » ont
permis de valider, par consensus, les résultats que nous allons présenter
dans un troisième paragraphe.

3. La méthode des coûts-performances cachés


dote les acheteurs de moyens de catégoriser
les dysfonctionnements et de les intégrer au
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coût d’achat
Dans le cadre de la recherche-intervention, les entretiens ont été
menés auprès de 30 acteurs achats et 30 clients internes. Auprès de
ces acteurs, nous avons cherché à identifier les catégories de dysfonc-
tionnements liés aux achats. La méthode des coûts-performances
cachés propose cinq catégories de dysfonctionnements : absentéisme,
accidents du travail – maladies professionnelles, rotation du personnel,
défauts de qualité et écarts de productivité. Dans le cadre des achats,
nous avons émis la première hypothèse suivante :
H1 – Les dysfonctionnements liés aux achats sont principale-
ment des défauts de qualité et des écarts de productivité. Selon les
clients internes, les acteurs achats devraient leur porter une attention
soutenue.

3.1 Des défauts de qualité et des écarts de productivité


sur lesquels les acteurs achats devraient porter une
attention soutenue
Lors des entretiens, les acteurs achats ont largement cité les défauts
de qualité (30/30 interviewés) et les écarts de productivité (22/30
interviewés). Les défauts de qualité peuvent concerner les moquettes :
« Certaines moquettes étaient mal calibrées. Tous les plateaux faisaient
dégueulasses » [Acteur achat, mai 2019]. Les écarts de productivité
peuvent porter sur les ascenseurs : « Les ascenseurs de la Tour, on les
attend beaucoup ». Peu d’acteurs achats mentionnent l’absentéisme

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Sylvie Crouzet

(1/30 interviewés), les accidents du travail et la maladie professionnelle


(4/30 interviewés) et la rotation du personnel (4/30 interviewés).
Les clients internes citent également les défauts de qualité
(27/30 interviewés). Ils peuvent concerner les achats de prestation d’en-
registrement de factures : « Le fournisseur fait beaucoup de doublons.
Manuellement, il faut reprendre l’ensemble des factures » [Focus group
clients internes, août 2019]. Pour les écarts de productivité (cités par
22/30 interviewés), les achats de matériel informatique sont souvent
mentionnés « Les postes de travail ne sont pas assez puissants. Ça
génère des pertes de temps » [Client interne, Juin 2019]. Les clients
internes citent peu l’absentéisme (1/30 interviewés), les accidents du
travail et la maladie professionnelle (0/30 interviewés) et la rotation du
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personnel (2/30 interviewés).

Nombre d’acteurs Nombre de clients


Perception des acteurs achats ayant exprimé internes ayant exprimé
cette opinion cette opinion
Un des dysfonctionnements
liés aux achats est le défaut 30/30 interviewés 27/30 interviewés
de qualité
Un des dysfonctionnements
liés aux achats est l’écart 22/30 interviewés 22/30 interviewés
de productivité

Si les clients internes citent principalement les défauts de qualité


et les écarts de productivité, ils expriment également l’opinion selon
laquelle les acteurs achats devraient porter une attention soutenue
à ces deux indicateurs de dysfonctionnements (19/30 interviewés) :
« les achats devraient regarder les pannes, le travail du support aux
utilisateurs avant d’acheter » [Client interne, Juin 2019]. Les résultats
obtenus valident la première hypothèse : les dysfonctionnements liés
aux achats sont principalement des défauts de qualité et des écarts de
productivité. Selon les clients internes, les acteurs achats devraient leur
porter une attention soutenue.
Dans la méthode des coûts-performances cachés, les impacts
des dysfonctionnements sont également catégorisés : les surcons-
ommations, les sursalaires, les surtemps, les non-productions et les

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La méthode des coûts-performances cachés au service de la fonction achats

non-créations de potentiel. Dans le cadre des achats, l’hypothèse H2 a


été posée et elle a été validée :
H2 – Les impacts des dysfonctionnements liés aux achats sont des
surtemps, des risques et des non-productions constitutifs de coûts-per-
formances cachés.

3.2 Des surtemps, des risques et des non-productions


constitutifs de coûts-performances cachés liés aux
achats
L’analyse de contenu a permis de mettre en évidence que les dysfonc-
tionnements génèrent des surtemps, tant pour les acteurs achats
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(20/30 interviewés) que pour les clients internes (29/30 interviewés).
Ainsi, dans le cadre des achats de logiciels : « Il faut attendre, relancer.
On ne peut pas continuer » [Client interne, Juin 2019]. Les acteurs
achats citent également les risques (24/30 interviewés). Dans le cadre
des achats de transport : « À l’étranger, ce n’est pas toujours facile de
vérifier si c’est bien un transporteur ou non. Il y a un risque d’image »
[Focus group acteurs achats, août 2019]. Les risques sont cités dans
une moindre mesure par les clients internes (9/30 interviewés) qui privi-
légient les non-productions (17/30 interviewés). Les autres composants
sont mentionnés dans une moindre mesure.

Nombre d’acteurs Nombre de clients


Perception des acteurs achats ayant exprimé internes ayant exprimé
cette opinion cette opinion
Les impacts des
dysfonctionnements
20/30 interviewés 29/30 interviewés
liés aux achats sont des
surtemps
Les impacts des
dysfonctionnements liés 24/30 interviewés 9/30 interviewés
aux achats sont des risques
Les impacts des
dysfonctionnements liés
7/30 interviewés 17/30 interviewés
aux achats sont des non-
productions

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Pour valoriser ces surtemps, ces risques, ces non-productions et,


dans une moindre mesure, les autres catégories d’impacts, la méthode
des coûts-performances cachés a développé une méthode d’évaluation.
Les consommations de biens et services sont évalués à partir de leur
coût effectif. Les temps humains sont valorisés à la contribution horaire
à la valeur ajoutée sur coûts variables (CHVACV). Elle correspond au
rapport de la valeur ajoutée sur coûts variables sur le nombre d’heures
de travail attendues. L’indicateur requiert donc des données qui sont
disponibles dans de nombreuses entreprises : la valeur ajoutée sur coûts
variables et le nombre d’heures de travail attendues. Cependant, dans
la compagnie d’assurances, la valeur ajoutée sur coûts variables n’est
pas communiquée. L’entreprise privilégie le résultat opérationnel. Nous
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avons donc adapté l’indicateur de CHVACV, au contexte du terrain,
pour obtenir une contribution horaire au résultat opérationnel.

Données
comptables Montant Détail
et sociales
Le résultat opérationnel de l’entreprise résulte de
Résultat
1 milliard € la souscription des contrats d’assurance et des
opérationnel
placements.
La compagnie d’assurances compte
Nombre 20 000 collaborateurs avec différents statuts (salariés,
28 040 00
d’heures externes, agents). Ces collaborateurs ont travaillé en
heures
travaillées moyenne 1 402 heures en 2020 (source OCDE).
20 000 x 1 402 = 28 040 000 heures
Le résultat opérationnel (1 milliard €) rapporté au
nombre d’heures travaillées (28 040 000 heures)
Contribution permet d’obtenir une contribution horaire au résultat
horaire au opérationnel (36 €). Une heure travaillée dans la
36 €
résultat compagnie d’assurances permet donc de dégager 36 €
opérationnel de contribution au résultat opérationnel. Une heure
perdue du fait d’un dysfonctionnement coûte 36 € de
perte de contribution horaire au résultat opérationnel

Pour l’année 2020, la contribution horaire au résultat opérationnel


s’élève à 36 €. Au sein de la compagnie d’assurances, les surtemps
peuvent alors être valorisés à hauteur de 36 € par heure perdue. Au

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sein de la compagnie d’assurances, l’exercice a été mené dans le cadre


des achats d’ordinateurs portables. Lors des interviews, 20/30 clients
internes ont indiqué que le manque de puissance des ordinateurs leur
faisait perdre du temps (en moyenne, 40 minutes par jour). La valorisa-
tion a donc été la suivante :

Nombre 40 minutes par jour x 205 jours travaillés par an = 136 heures par an
d’heures
perdues
Valorisation 136 heures valorisées à 36 € par heure = 4 896 €
Pondération Estimation de 20 clients internes sur 30 soit 4 896 x 20/30 = 3 264
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Total Cost of Coût visible : 500 € par an + Coûts-performances cachés (3 264 € par an)
Ownership soit un TCO de 3 764 € par an

Au-delà des notions de coûts, nous nous sommes demandé si la


prise en compte des dysfonctionnements renforçait la confiance/la
légitimité des acheteurs aux yeux des clients internes. Notre troisième
hypothèse est donc la suivante et elle a été validée lors de la recherche :
H3 – Selon les clients internes, la prise en compte des dysfonction-
nements par les achats renforce la confiance/la légitimité des acheteurs
aux yeux des clients internes.

3.3 La prise en compte des dysfonctionnements


renforce la confiance/la légitimité des acheteurs aux
yeux des clients internes
Pour valider cette hypothèse, nous avons analysé le contenu des inter-
views menées auprès des clients internes. Parmi les clients internes,
22 interviewés sur 30 ont confirmé cette hypothèse. Ainsi, « si l’ache-
teur s’intéresse aux dysfonctionnements, ça montre qu’il s’intéresse à
son travail. Ça renforce la confiance dans l’acheteur » [Client interne,
avril 2019]. Pour d’autres clients internes, « si l’acheteur n’a pas de visibi-
lité, on ne lui fait pas confiance. À l’achat, ce n’est pas cher. Mais après
il faut appeler le support » [Focus group clients internes, août 2019].
Lors de cette recherche, nous avons cherché à connaître les raisons
qui conduisent à renforcer la confiance/la légitimité. L’analyse de contenu
a mis en évidence que la prise en compte des dysfonctionnements

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Sylvie Crouzet

vient renforcer la confiance/la légitimité des acheteurs aux yeux des


clients internes, car elle améliore la connaissance des acheteurs sur le
métier des clients internes (22/30 interviewés) : « S’il [’acheteur] connaît
les risques, les problèmes qu’on a déjà eus, ça facilite la relation. On
parle le même langage. On croit davantage à ce qu’il nous dit » [Client
interne, août 2019]. Les résultats obtenus vont maintenant être discutés.

4. Discussion autour de l’application de la


méthode des coûts-performances cachés
dans le domaine des achats
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4.1 Contributions académiques
L’étude menée contribue à la connaissance sur le coût d’achat.
Celui-ci reste encore aujourd’hui principalement axé, dans le purcha-
sing performance management system (PPMS) sur les savings obte-
nus (Poissonnier 2009 ; Caniato et al. 2014). Pourtant, nos résultats
montrent la nécessité d’intégrer les dysfonctionnements. Dans la
compagnie d’assurances, ce sont principalement des défauts de qualité
et des écarts de productivité. Les impacts sont des surtemps, des
risques et des non-productions constitutifs de coûts-performances
cachés. Le coût global des achats doit donc intégrer des coûts visibles
et les coûts-performances cachés. Nos travaux viennent confirmer ceux
d’Ellram (1995) et de Carr et Ittner (1992) qui, dès les années 1990,
invitent l’acheteur à incorporer la perspective interne dans le coût
d’achat. Au-delà du prix payé au fournisseur, le TCO doit tenir compte
du coût des dysfonctionnements, comme le coût résultant des pannes
(Ellram 1995) ou de la mauvaise qualité (Carr et Ittner 1992). Plus
récemment, Saccani et al., (2017) montrent que le temps perdu par les
utilisateurs lors des arrêts de production doit être pris en compte dans
le TCO (Saccani et al. 2017).
Si cette étude a permis d’identifier les catégories de dysfonction-
nements et de coûts-performances cachés liés aux achats, elle éclaire
également sur la manière de valoriser les dysfonctionnements dans
le coût d’achat. La méthode des coûts-performances cachés propose
une méthode d’évaluation des dysfonctionnements. L’acheteur va
donc disposer d’un indicateur de coût d’achat qui reflète des données

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La méthode des coûts-performances cachés au service de la fonction achats

qualitatives (les dysfonctionnements exprimés par les clients internes


et les fournisseurs), des données quantitatives (la fréquence et la durée
des dysfonctionnements) et des données financières (coûts-perfor-
mances cachés des dysfonctionnements).

4.2 Contributions et préconisations managériales


Cette étude peut servir de guide à l’acheteur qui cherche à connaître
et à réduire le coût global des achats qu’il préconise (visible et caché).
Elle éclaire sur les catégories de dysfonctionnements sur lesquels il doit
porter une attention particulière : les défauts de qualité et les écarts de
productivité. Il doit également surveiller les impacts des dysfonctionne-
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ments que sont les surtemps, les risques et les non-productions. Mais
cette recherche a également une dimension identitaire. Nos travaux
ont en effet montré que la prise en compte des dysfonctionnements
renforce la légitimité/la confiance accordée par les clients internes. Le
dispositif d’évaluation des coûts-performances cachés fournit donc aux
professionnels des achats les moyens d’agir sur la perception des clients
internes à leur égard. La méthode des coûts-performances cachés peut
être utilisée par les acheteurs à des fins identitaires. Avec cette étude,
nous confirmons les travaux de Sebti et al. (2015) qui soulignent que
l’utilisation des dispositifs de contrôle par les acheteurs ne se limite
pas à l’insertion de nouveaux outils. Les acheteurs peuvent mobili-
ser certains dispositifs de contrôle à des fins identitaires. Ils peuvent
notamment mener une stratégie de compétition sociale qui est une
stratégie collective qui vise à modifier le statut social du groupe, en
modifiant ses caractéristiques, pour qu’il soit plus valorisant pour les
membres de ce groupe (Tajfel et Turner 1979). Les acheteurs peuvent
alors construire des dispositifs de contrôle pour renforcer leur position
dans la prise de décision. Nos travaux confirment également ceux de
Murfield et al. (2021) qui montrent que les achats doivent développer
des indicateurs autres que les savings pour modifier leur identité dans
l’entreprise. L’identité des achats est, aujourd’hui, étroitement liée
aux réductions de coûts des fournisseurs. L’une des causes est leur
présence excessive dans les tableaux de bord achats. Pour changer leur
identité, les achats doivent développer d’autres indicateurs. En nous
appuyant sur nos résultats, les travaux de Sebti et al. (2015) et ceux de
Murfield et al. (2021), nous préconisons l’utilisation, par les acheteurs,

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Sylvie Crouzet

de la méthode des coûts-performances cachés dans le cadre d’une


stratégie identitaire.

4.3 Limites et perspectives


Cette recherche présente des limites. D’une part, elle a porté sur une
entreprise de grande taille. Dans une plus petite entreprise, l’étude
aurait pu faire émerger des résultats différents : catégories de dysfonc-
tionnements, catégories de coûts-performances cachés et perception
des clients internes. Une autre limite porte sur l’unicité de la recherche
qui n’a été menée que dans une seule entreprise. Cependant, cette
unicité doit être mise en perspective avec la méthodologie de
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recherche-intervention. En effet, les connaissances produites s’ins-
crivent dans un ensemble plus large de nombreuses recherches-inter-
ventions (Savall et Zardet 2004). Enfin, cette étude ne porte que sur la
première phase (diagnostic) du premier projet permettant de convertir
les coûts-performances cachés en revenus dans un contexte d’achat.
Les prochains travaux pourront porter sur les phases suivantes de la
recherche-intervention.
D’autres perspectives de recherche s’ouvrent également, car certains
résultats mériteraient d’être approfondis : le lien entre la méthode
des coûts-performances cachés et l’identité des achats. Les futures
recherches pourront s’intéresser à ce lien, à l’heure où les chercheurs
s’interrogent sur l’identité des achats et leurs facteurs d’influence
(Ellram et al. 2020).

Conclusion
L’objectif de cet article était d’étudier l’instrumentation des achats par
la méthode des coûts-performances cachés, pour prendre en compte
les dysfonctionnements et identifier les apports d’une telle méthode
dans un contexte d’achats. La problématique s’exprime sous la forme
de la question suivante : comment la méthode des coûts-performances
cachés s’applique-t-elle aux achats et quels en sont les apports ? Pour
cela, nous avons mobilisé un cadre théorique axé sur le Purchasing
Performance Management System (PPMS) et sur la Théorie Socio-
Économique des Organisations. Sur le plan empirique, nous avons
mené une recherche-intervention de 24 mois au sein d’une compagnie

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La méthode des coûts-performances cachés au service de la fonction achats

d’assurances avec un positionnement de praticien réflexif. Nos résultats


suggèrent, tout d’abord, que les dysfonctionnements liés aux achats
sont principalement des défauts de qualité et des écarts de productivité
sur lesquels, selon les clients internes, les achats devraient porter une
attention soutenue. D’autre part, les impacts des dysfonctionnements
sont des surtemps, des risques et des non-productions constitutifs
de coûts-performances cachés. La méthode des coûts-performances
cachés permet à l’acheteur d’évaluer ces coûts-performances cachés et
de les intégrer dans le TCO. Enfin, nos résultats montrent que la prise
en compte des dysfonctionnements renforce la confiance/la légitimité
des achats aux yeux des clients internes. Nous préconisons l’utilisation
de la méthode des coûts-performances cachés par les acheteurs pour
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trois raisons : d’une part, elle aide l’acheteur à identifier les dysfonc-
tionnements et leurs impacts. D’autre part, elle dote l’acheteur d’une
méthode d’évaluation des dysfonctionnements et d’intégration dans
le coût d’achat. Enfin, elle procure à l’acheteur les moyens d’agir sur la
perception des clients internes à leur égard en renforçant la confiance/
la légitimité des acheteurs aux yeux des clients internes.

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