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Comment évaluer la productivité dans les activités de

service ?
Michel Gervais, Gervais Thenet
Dans Comptabilité Contrôle Audit 2004/1 (Tome 10), pages 147 à 163
Éditions Association Francophone de Comptabilité
ISSN 1262-2788
ISBN 2711734226
DOI 10.3917/cca.101.0147
© Association Francophone de Comptabilité | Téléchargé le 23/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.216.123)

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Michel Gpnvats, Gervais THnNET
COMMENT ÉVALUER L{, PRODUCTTVITÉ
DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE ?

Comment évaluer
Ito.,
ta productrvrte
dans les activités de senrice ?
Michel GERvAIsl, Gervais THnNs:'2
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(oneqondame: l. Michel GERvAIS, professeur, 2. Gervais T'HENET, professeur


Université de Rennes-l Université de Rennes-2
E-mail: E-mail:
michel.gervais@univ-rennes 1 . fr serveis. thenet@uhb. fr

CoMPDABUTÉ-C-oNrr.ôlr-ArDrr/Ibme l0 - Volume I -Juin 2004 (p. 147 ù163)


Michel Glrvars. Gervais TrENsr
C]OMMENT É,VALUER LA PRODUCTIVITÉ,
148 DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE ?

Introduction
Un service se caractérise par la narure immatérielle de sa prestation et une production asssz souvent
réalisée en présence (voire avec la participation) du client. læ caractère intangible de l'output ne faci-
lite pas la mesure d'un résultat qui peut se manifester au-delà de la réalisation de la prestation. Le
contacr entre le presataire et le client introduit une grande variabilité dans la nature même du service
et rend son contrôle plus complexe (Ducrocq, Gervais, Herriau, 2001). Ces propriétés créent en ef[et
du flou et de la variété dans le niveau des réalisations et I'impact sur la satisfaction du client ainsi que
sur les niveau de ressources à consommer. Aussi, I'efficience de la consommation de ressources ne peut
être appréciée, qu'en tenant compte du degré de satisfaction apporté au client et de la nécessaire flexi-
bilité à introduire dans la production pour être réactif au comportement du demandeur et produire la
variété voulue (Gervais, 2000).

Dans cet article, nous nous préoccupons de mesurer la productivité d'une activité de service, en
maintenant un niveau de qualité et de flexibilité compatible avec la satisfaction du client.

Par productivité, il faut entendre l'o agencement dzs rnolens de production qui assure Ie maximurn
d'ffitutile auec le rnircirnum de consommations > (Lauzel, Bouquin, 1988, p,37).
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Deux outils sont analysés : la méthode DEA et le Pendiscan. Nous avons choisi d'étudier ces deux
méthodes plutôr que d'autres (méthode des comptes de surplus du Cerc, méthode BAII) parce qu elles
se sont largement développées ces dernières années dans le secteur des services sous forme d'études
empiriques favorisant le benchmarking interne pour la méthode Ogl (6 Schaffirit, Rosen, Paradi,
L997 ; Sherman, Ladino, t995) ou d'outils de dialogue définissant des charges de travail pour le
Pendiscan (plusieurs dizaines d'utilisateurs en France en milieu hospitalier).

La méthode DEA permet une évaluation quantitative de la productivité, pour des unités utilisant
de nombreux inputs et produisant plusieurs outputs.

l,e Pendiscan a pour but d'aider les soignants, cadres infirmiers ou directeur de service de soins dans
un hôpital, à mesurer les états de dépendance des patients présents, et, à partir de cette mesure, de défi-
nir quotidiennement la meilleure allocation des ressources humaines (la charge de travail nécessaire).

Les analyses se fondent sur une réflexion théorique et des tests pratiques.

ffiN La méthode d'analyse par enveloppement de données


(méthode DEA)
La médrode DEA a pour origine la théorie rnicroéconomique liée à la production qui vise à mesurer
l'efficience2 (Debreu, l95l : le coefficient d'utilisation des ressources ; Koopmans, 1951 : la mesure
de l'efficience en termes de distance à un optimum). Plus précisément, elle renvoie à la notion de
performance productive définie dans la théorie de I'X-efficiency (Leibenstein,Ig66; 1972).

CouprentrrrÉ - CoNIRôLE - Auorr / Tome 10 - Volume 1 - Juin 2004 (p. 147 à t63)
Michel Gonvats, Gervais THBNE'I'
COMMENT ÉVALUER IÂ PRODUCI]VITÉ
DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE ? r49
Les fondements théoriques de la mesure
IJX-efficiency résulte du fait que les organisations riexploitent pas de façon optimale les ressources
dont elles disposent. À technologie et dotation en fadeurs de production identiques, les entreprises
n'obtiennent pas des résultats identiques en termes de productivité. Toutes les entreprises ne se situent
donc pas sur la u frontière çfiiciente u de production, à partir du moment où toutes ne valorisent pas
de la même façon le facteur K distinct des facteurs de production classiques (capital, uavail), qui
reflète la qualité globale de la gestion des ressources au sein de l'organisation.
Le fait qu'une entreprise ne parvienne pas, à niveau d'inputs donné, à obtenir le volume d'outputs
désiré peut s'expliquer par la motivation du personnel, le fait que les contrats de travail sont incom-
plets, que ceftaines machines génèrent des performances variables selon leur emploi, que toutes les
ressources mises à disposition ne sont pas utilisées, etc.
IJX-efficiency met en évidence à la fois l'inefficience technique (consommation d'inputs en excès)
et l'inefficience allocative (combinaison non optimale d'inpua) de la firme. Pour mieux préciser ces
concepts, imaginons une entreprise produisant un seul output Y à panir de deux inputs X, et Xr.
Figure 1
Efficience technique et efficience allocative
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Xz

La courbe dindifférence (ou isoquante) TT' représente la frontière de production de toutes les
firmes u techniquement efficientes D pour un niveau d'outpus donné Y.
Sur cette courbe, lavariation de la quantité du facteur à remplacer se comporte vis-à-vis de la varia-
tion du facteur remplaçant de la même façon que se compofte la productivité marginale du facteur
remplaçant vis-à-vis de la productivité marginale du faceur remplacé, iest-à-dire que :
d.*': ôY ' ôY
d\ ôx2 ôX'
La connaissance de cette frontière permet de mesurer I'efficience technique.

CoMpTÂBurrÉ - CoNrn.ôtr - AuDrr / Tome 10 - Volume l- Juin 2004 (p. 147 à 163)
Michel Grnvrus, Gervais TUBNB'I
COMMENT É,VALUER I.4, PRODUCTIVIT'É,
r50 DANS LES ACTTVITÉS DE SËRVICE ?

Si une firme consomme une quantité d'inputs, définie par le point B pour produire une unité
d'output, son inefficience technique peut être mesurée par la distance QP. Elle correspond aux
proportions d'inputs qui peuvent être réduites sans diminution du montant de l'output. Dans ces
conditions, pour chaque unité de production, l'efficience technique Ease mesure par le ratio :

Er= OQ/ OP

avec0<Ër<1
Une valeur égale à 1 signifie que la firme est efficiente du point de vue technique.
Parmi les nombreuses combinaisons de X, et X, qui permement d'obtenir le niveau de production
Y, la combinaison la meilleure est celle qui cotte le moins. Elle correspond au point de tangence entre
l'isoquante T'T' et la droite d'isocott AA' dont la pente est égale au rapport des prix des facteurs. Dans
ce cas, la combinaison des facteurs est allocativement efficiente : le taux marginal de substitution tech-
nique est égal au rapport des prix des facteurs. Pour le point P, I'efficience allocative se mesure par : {
EA=OR/OQ

avecO< ^%<1
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l,a distance RQ représente la réduction de cott si la production correspondait au point Q'. C.
dernier est efficient du point de vue allocatif, puisqu il est déterminé par la tangente de l'isocott AA'
à I'isoquante TT'.
Pour chaque unité de production, I'efficience totale Eros'évalue par :

Ero = OR / oP = (oQ/ OP) x(OR / oQ) = Er x Ea


Cependant, en pratique, la frontière efficiente de production correspond rarement à une courbe
mais plutôt à une ligne brisée (voir figure 2).
Ce résultat n'est pas sans inconvénient dès qu'il s'agit d'évaluer I'efficience technique. Sur la
frgure 2,les unités de production consommant des combinaisons C et D d'inputs X, et sont des \
firmes efficientes puisqu'elles sont sur la frontière. Les firmes A et B, elles, sont inefficientes.
Lefficience technique de la firme A et celle de la firme B sont respectivement égales à OA'/OA et
OB'/OB. Ces mesures sont discutables dans la mesure où le point A' n'est pas efficient puisqu'il est
possible d'obtenir le même niveau d'output en diminuant la quantité de X, du montaot CA'. CA' est
appelé slzch d'input ou input en excès.
l,es difficultés à spécifier correctement la fonction de production ont amené les auteurs à raison-
ner autrement.

CoMrTABILTTÉ - C-otvrRôr-E - Auon / Tome I0 - Volume I - Juin 2004 (p. 1.47 à 163)
Michel GBnvats, Gervais'ftuNn:r'
COMMENT ÉVALUER I.A PRODUCTIVITÉ
DANS LES ACTTVITÉ,S DE SERVICE ? 15r
Figure 2
Efficience et inputs en excès
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lN* rÏurl1ij Exposé de la méthode DEA
La méthode d'analyse par enveloppement de données ne demande pas de spécifier la fonction de
production. Elle consiste à déterminer la u frontière efficiente , de production d'un ensemble d'uni-
tés de décision. Chaque unité consomme un montant x,, d'inputs afin de produire un montant yir
d'outputs. Iæ problème revient à établir, à travers la programmation linéaire, la position de chaque
unité par rapport à sa situation optimale, qui serait celle d'une unité idéale qui réaliserait une quan-
tité donnée d'outputs avec le minimum d'inputs (ou qui, avec des inputs donnés, proposerait le maxi-
mum d'outputs).
Dans le cas général où l'on considère un nombre infini dinputs et d'outpu6, la mesure de l'effi-
cience productive EP se mesure par le ratio :
EP = Somrne ponàhée dzs outputs/Sornne pondérée dzs inpux
Sur la figure l, chaque unité consomme X inpua pour produire Y outputs. La frontière efficiente
est constituée des unités affichant des scores EP égaux à I (si les rendements sont constants) ou les plus
proches de 1 (si les rendements sont variables : ligne brisée AB).

CoMp'rÀBtl.rrÉ- CoNrr.ôt-E-Auorr/Tome l0-Volume I -Juin 2004 (p. 147 \163)


Michcl Genv rs. Gervais TntNsr
COMMENT ÉVALUER T.A. PRODUCTIVII'É
r52 DANS I.E,S ACTTVITÉS DE SERVICE ?

Figure 3
Principe de la méthode DEA

Frontière en
rendements U7
constan$ Pz(Xv'Yz)

Pn(&,Ya)
tu,
PoQk'Yo) P:(Xr,Yr)

.U,
Pz6z,Yz) Pl(&,Yl)
U1
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La méthode DEA peut être envisagée selon deux approches : une approche orientée inputs et une
approche orientée oatpats. La première minimise la consommation des inputs (se focalise sur la réduc-
don maximale possible d'inputs) pour un niveau d'outputs donné, la seconde maximise les outpus
pour un niveau constant d'inputs. En termes de résultat, les deux approches affichent des scores très
proches et. un classement idrnti.qae des firmes.
Exemple : supposons que, dans un réseau bancaire disposant de trois agences, on désire évaluer
I'efficience technique des agences. Chaque agence i dispose de deux types de ressources : des salaires
\, et des ressources informatiques Xr. Lactivité de production se réduit à un guichet qui offre à la
clientèle trois types d'outputs : les chèques encaissées \,, les crédit délivrés Yo et les demandes de vire-
ments reçus \r.
La constitution de la frontière de producdon revient à résoudre, pour chaque Agence, un
programme linéaire.
Par exemple, pour I'agence 1, on obtiendrait :

urYrr+ ozYtz* rtYtl


atXtt * u/tz
si les rendements sont constants, sous conditions que :
uz\z* ut\t
urYrr+
--13;;17; <l
urYrr+ urYrr+ uuY*
--iE;,8- <1

utYlt* urYur+ urY*


ar\r * uÂz <l

CoMprABrLrrÉ - CoturRôr-E - Auorr / Tome I 0 - Volume I- Juin 2004 (p. 147 ù 163)
Michel GBnvets, Gervais THrNBl
COMMENT ÉVAIUER t PRODUCTIVITÉ
DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE ? r53
ll>- O

a>0
où u et v sont des pondérations qu'il convient d'évaluer.
La résolution de ce programme fournit le point d'efficience pour I'agence 1. Pour construire la
courbe enveloppe, avec nagences, il faut résoudre z programmes linéaires.
La méthode revient à déterminer z optimisations (une par observation), iest-à-dire à identiûer la
mçilleure pratigue pour chaque cas, sans que celle-ci ait d'effea négatifs sur les inputs ou les outputs
des autres unités. lioptimum pour chaque unité peut se situer sur la frontière ou en dessous de la fron-
tière. Chaque unité dont l'optimum n'est pas sur la frontière prendra comme référence idéale I'opti-
mum de I'unité la plus proche qui s'y trouve. On peut ainsi déduire les inputs qu'une unité moins bien
plaséepeut économiser pour atteindre une ceftaine quantité d'outpur ou, de façon symétrique, inci-
ter une unité à faire des efforts pour augmenter sa production avec des inputs donnés.
Lorsque les rendements sont variables, il suffit de rajouter une constante au numérateur dans
chaque équation et le rapport à maximiser devient:
at\t+
azYtz* uuYru+ h,
,rXn* a{n
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l+iit&$lii1i[,.in Appréciation de la mérûode

li;,iil !,Æ INTÉRÊT DE t"q. MÉ'I'HoDE


. Ijapproche DEA permet de prendre en compte I'effet diffius des progrès dans le domaine des
services.
Par exemple, en milieu bancaire, les investissements informatiques s'accompagnent habituelle-
ment de modifications dans la qualité et l'étendue des prestations offertes, de modifications dans les
compétences et la qualification du personnel et de changements organisationnels. læur impact sur la
productivité est d'autant plus difficile à évaluer (Gollac et aI,1999) qu'ils s'accompâgnent d'une orga-
nisation des agences en réseau et de liaisons EDI (échange de données informatisées) avec des entre-
prises clientes. Toute tentative de mesure de la productivité d'un investissement en informatique ne
peut être que contingente et partielle, et, pour effectuer l'évaluation, la technologie ne peut être
déconnectée de I'organisation dans laquelle elle s'insère (C"by et aI,1999 ; Gollac et al., 1999). Ce
constat de dilution plaide en faveur d'une approche globale de la productivité fondée sur I'efficience-
X, au sens de læibenstein.
Les dépenses informatiques génèrent par ailleurs des cotts cachés non négligeables : cotts
d'apprentissage et d'assistance, mise au point des configurations, temps d'attente, etc. Ces cotts qui
relèvent pour l'essentiel du facteur travail sont intégrés dans les charges de personnel. Un investisse-
ment dans un faceur de production produit donc des effets dans l'autre, et l'ensemble détermine une
nouvelle productivité sans qu il soit possible de dissocier. La méthode DEA, qui repose sur l'hypothèse
de la combinabilité des facteurs, est particulièrement adapée pour apprécier ce phénomène.
.
IJapproche DEA autorise le benchmarking. Il est possible de rechercher les agences qui ont les
combinaisons de faceurs les plus efficiente et de les prendre pour points de référence pour les autres.

CoMprABnxrÉ - CoNrRôle - AuDrr / Tome 10 - Volume I- Juin 2004 (p. 147 L 163)
Michel Gsnvlts, Gervais THrNLl
COMMENT EVALUER LA PRODUCTIVI'TÉ
r54 DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE ?

Elle permet une analyse de la performance, même si des agences ont opté pour des dotations diffé-
rentes en facteurs de production. La méthode suppose que les unit& soient relativement homogènes
et comparables entre elles, ce qui est assez souvent le cas d'unités produisant des services.

' La méthode évite les problèmes de mesure rencontrés dans les outils < dassiques o d'évaluarion
de la productivité, comme celle des surplus développée par le Crnc3 (1969). ks comptes de surplus
se heurtent en effet à u des calculs arbitraires pseudo-économiques d'assierte (Lemaire, 1977). ,
Q""od il n'est pas toujours possible de déterminer un indicateur volumique (dotation aux provisions,
impôa et taxes, etc.), la cohérence d'une double analyse en vdeur et en volume perd de sa force. De
plus, le choix des indicateurs de volume et de prix résulte parfois d'une convention, ou plutôt d'une
interprétation, sur Ie rôle économique joué par l'organisme étudié (Crrc, 1987). Ainsi, dans un calcul
de surplus à partir des cornptes d'exploitation d'établissements financiers, le fait de considérer comme
indicateur de volume la variation de l'en-cours financier en francs constants, et, pour indicateur de
prix, la variation des taux d'intérêts pratiqués envers les déposants et emprunreurs, s'inscrit directe-
ment en faveur d'une approche par I'intermédiation de la fonction de production bancaire. On traite
la banque comme un interrnédiaire o qui collecte des capinux en les rémunérant à un certain taux et les
prête, sous une aune forme et aaec échéance, en Pratiquant des aux dintêrêts ais-à-uis dzs ernpranteurs ,
(Crrc, L987), Enfin, l'existence de services gratuits dans les services publics ou dans les banques rend
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difficile la décomposition prix/volume. Une partie du cott de ces services est incluse dans le montanr
des frais généraux et il devient difficile de rattacher le volume des services gratuits à des cotts (Petit,
1984). Comme le soulignent Burlaud et Simon (2000, p. 363), dans la banque < lzs aaiaités dinter-
médiatiorc et dc gestion des moyens de paiernent ne ?euuent être scindées sans recourir à des artif.ces
grossiers,.. [En effet], b dltenteur dhru compte courant n'en accepte la non-rérnunération qubn conffe-
?artie dz lhtilisation gratuite dc moyens dz paiement. Intermédiation et gestion des rnoyens dc paiement
sont donc deux actiuités liées et dnnt les résulats n€ pruaent êne appréhendls qu'au traaers dhn système dz
conumtions >.
IJapproche DEA n oblige pas à ces décompositions arbitraires.

rlrfiffilii,ir LIMITES
Les volumes opérationnels doivent faire I'objet d'un comptage précis et régulier, et les outputs ne
doivent pas être fuyants ou indéterminés (situation fréquente dans les services).
La nature et la qualité des résultats dépendent de la période de référence retenue. Si l'activité est
irrégulière, il faut calculer des indices d'efûcience u glissants , sur plusieurs périodes.
Le problème est posé dans le cadre d'un opdmum de Pareto. Selon Pareto, un étar social est défini
comme optimal si et seulernent s'il est impossible d'accroltre l'utilité d'une personne sans réduire celle
d'une autre personne. Ainsi, un état peut être optimal, au sens de cet aureur, même si certains indivi-
dus sont extrêmement pauvres et d'autres immensément riches, dès lors qu'on ne peur pas améliorer
le sort des indigents sans toucher au luxe des riches. Iæ programme linéaire est bien spécifié de cette
façon : il s'agit d'optimiser I'utilisation des ressources dans une unité (efficience technique) sans
réduire la productivité des autres unités (sans modifier fondamentalement l'allocation globale). En
fait, l'outil admet que l'allocation définie par la stratégie est satisfaisante a priori et il se demande
comment l'optimiser (vérification a posteriori du fait de savoir si I'utilisation des ressources est opri-
male par rapport aux choix effectués). Il se situe donc dans une optique classique de contrôle de

CoMprABrLuÉ - C-oNrRôtr - Auorr / Tome 1 0 - Volume 1 - Jlutn 2004 (p. 147 à 163)
Michel GsRvArs, Gcrvù TusNn'r
COMMENT ÉVAIUER T.t PRODUCTMI'É
DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE ? 155
gestion (mise en Guvre de la stratégie). Si, en revanche, I'allocation ne résulte pas de la stratégie, mais
d'un marchandage fondé sur les pratiques antérieures et le rapport de force actuel entre les chefs de
service, rien ne garantit que la solution obtenue sera souhaitable pour I'entreprise.
La firme exige de ses moyens d'exploitation un certain volume mais aussi une certaine qualité de
production. Si les moyens ne sont utilisés conformément à leur capacité qualiative, il est possible de
faire plus, mais en fournissant aux clients une qualité moindre. Une formulation adéquate du
programme linéaire permet de remédier à cet inconvénient. Iloutput obtenu peut être mesuré par un
indicateur quantitatif, et un critère appréciant le degré de satisfaction du client ou les attributsa
< qualité r du service. Il s'agit dans ce cas d optimiser une production qui est appréhendée à la fois en
termes quantitatifs et qualitatifs. t e problème se formulerait toujours :
urYrr+ urYrr+ urYru
atXt * ,{tz
mais avec Y'
la quantité du produit dans l'agence 1, et Y, et Y' deux attributs de la qualité de ce
même produit dans l'agence l, sous conditions que :
utYrr* uzYtz!-atYtt
,r4r+urXr, -=,r
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urYr, + urYu+ uuYru
ar\, + ur,X, <t
utY3t* uzY3z* u3Y33
--Vff+V6-=- ,r

uàO
u>- O

Lorsque l'activité connalt des fluctuations et une diversité de production, la zone d'utilisation opti-
male des moyens d'exploitation doit être relativement large : l'allocation des ressources doit être
flexible. Sur le plan stratégique, la flexibilité est une combinaison de ressources flexibles et de méca-
nismes de coordination flexibles. Selon Tarondeau (1999, p. 67), ,( kfctcibikté dhne ressource est ?lus
granfu brsqu'elle est utili"sable dans an ?lus grand nombre à'emplois, et brsque le coût et le temps dz chan-
gernent d'un eTnploi à an autre sont plus faibhs. Ia caordination fcxible dzs ressources ?orte sur lz choix dzs
eTnploh de ressources, sur la configaration dzs chatnes à'aaiaités erploinnt ces ressources et sur le déphit-
rnent des rcssources dans différents slstfues et Processus n Comme le notent Cohendet et Lléréna (1989,
p. 44),la flexibilité est assimilable à une valeur doption : Cest ., la ualeur que b dêcideur est prêt à payo
pour conseraer m hberté future dz choix r. Elle peut être obtenue en dimensionnant ses ressources à un
niveau supérieur au niveau moyen anticipé ou en se dotant d'un portefeuille de ressources et de
compétences plus étendu que celui nécessaire pour traiter la demande moyenne ; mais elle diminue
alors la producdvité, pèse sur la renabilité et réduit la liquidité de I'entreprise.
Cette forme de flexibilité peut être prise en compte en ajoutant une constante k représentant la
marge de manæuvre souhaitée à la combinaison d'outputs à maximiser (rendements variables).
Elle peut aussi s'obtenir par le recours à la sous-traitance ou à des partenaires extérieurs en cas de
besoin, avec des risques de perte de compétences, voire de dépendance à terme vis-à-vis des presta-
taires. La sous-traitance es[ un input qui prend la valeur zéro mais qui permet d'obtenir des outputs

CoMl'TABûrÉ- CoNrRôrr-AuDrr /Tome 10-Volume I -Juin 2004 (p.147 à163)


Michel GBnv,cIs, Gervais TseNn'
COMMENT ÉVEIUPN TA PRODUCTIVITÉ,
t56 DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE ?

plus importants. Formulée ainsi, la sous-traitance risque d'être toujours souhaitable. Il est préférable
de dire que la sous-traitance est un input supplémentaire, dont la quantité se situe dans une fourchece
assurant un rapport gains/cotts positif sur la longue période, pour optimiser les quantités d'outputs.
Elle peut s'obtenir surrout par une organisation adéquate, une aptitude à modifier rapidement les
relations entre les éléments (polyvalence des équipements et des compétences, satisfacdon d'un grand
nombre de besoins avec un nombre limité de modules, mise en place de structures réactives, de capa-
cités de création et d'anticipation...). Elle correspond à l'efficience du facteur X et, dans le cadre de la
méthode DEA, à la nécessité de formuler le problème avec des rendements variables.
Au total, la flexibilité s'introduit essentiellement par des rendements variables mais les résultats
deviennent difficiles à interpréter. Une unité qui obtient un coefûcient de productivité médiocre peut
être plus flexible. Est-elle forcément moins performante sur la longue période ? La méthode ne permet
pas d'en juger.
En pratique, face à des fluctuations de I'activité, il faut pouvoir maintenir entre productivité et
flexibilité un rappoft relativement équilibré. Si cet équilibre est rompu, des goulots d'étranglement et
une perte d'efficience apparaltront. En privilégiant I'optimisation des quantités, on peut oublier ce
nécessaire équilibre, ou rechercher Ie compromis avec des éléments de flexibilité facilement mesu-
rables. Les aspects plus qualitatifs de l'adaptabilité risquent alors d'être sous-estimés, notamment le
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fait que la flexibilité organisationnelle est un facteur essentiel de réussite.
Quelle que soit la formulation, la méthode reste très statique. Elle réalise l'optimisation en fonc-
tion des éléments connus à un moment donné. Elle ne tient pas compte du fait que les handicaps
d'aujourd'hui peuvent devenir les facteurs de réussite de demain et que la compréhension de la dyna-
mique du déséquilibre est souvent plus importante pour réussir.

"+,$ffi1 Illustrations des problèmes rencontrés


Létude de Thenet et Guillou'zo (2002) porte sur l'activité " Accueil guichet , d'un réseau de
42 agencrs bancaires.
Avec le modèle à rendement d'échelle variable, 8 agences seulement affichent des scores d'effi-
cience inférieurs àI (19 avec le modèle à rendement d'échelle constant). læs très bons ratios obtenus
témoignent des efforts entrepris pour restructurer le réseau : contracdons importantes du personnel
administratif ou redéploiement de ces derniers vers les tâches commerciales.
Lagence 4 fait figure de benchmarh à huit reprises. Ceme agence est composée d'un personnel expé-
rimenté et d'un équipement informatique en bon état de marche mais qui devrait être changé.
Avec le modèle à rendement constant, la plus grosse agence (27) affiche un score légèrement infé-
rieur à I'unité avec des effectifs en excès pour 1,5 personne et du matériel informatique également en
exês. Ce résultat s'explique par le fait que les personnels peuvent être affectés à des activités autres que
celles de guichet par un renouvellement quasi total des équipements informatiques, dotr un slack sur
le deuxième input.
læs agences 18 et 19 font figure de mauvais élèves avec des scores de 0,5. Ce phénomène s'explique
par des recrutements récents n ayant pas encore atteint leur plein régime et qui, de surcroit, appoftent un
soutien à d'auues secteurs d'activité (notamment au secrétariat des engagemenr et à factivité commer-
ciale) et par un exês de dépenses informatiques (renouvellement récent de la moitié du matériel).

CoMprArILrrÉ - Coll.rRôtr - AuoIr / Tome l0 - Volume I - Juin 2004 (p. 147 à 163)
Michel Gervers, Ger%is THENn
COMMENT ÉVALUER LA PRODUCTIVITÉ
DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE ? r57
Au totd, les inefficiences d'aujourd'hui pourraient être des facteurs de réussite de demain.
Dans un auue domaine, Leleu (1997) se propose d'appliquer la méthode DEA à la performance
hospitalière. Soulignant quLe o le problème dz k spécifcation dz kfonction dz prod.uction timt plus au
choix des out?ats quh celui dzs inpott , (Leleu, 1997 , p. 379) ,l'auteur retient, dans un premier temps,
trois indicateurs d'activité : la durée moyenne de séjour, le taux d'occupation et des ratios établis entre
les actes produits et les actes consommés.
Puis, dans un deuxième temps, il introduit deux indicateurs supplémentaires liés à la qualité :

l'adéquation de la prise en charge et la notion d'attractivité des services.


k premier indicateur vise à répartir les admissions en trois catégories : la première englobe les
admissions justifiées pour lesquelles le service d'accueil du patient paralt adapté ; la deuxième renvoie
aux hospitalisations n justifiées mais dans un service non approprié > ; la troisième catégorie corres-
pondant aux hospitalisations non justifiées.
Le second indicateur renvoie à la qualité des soins perçus ainsi quà la gravité des cas traités. Pour
I'auteur, comme o produire des soins dz meilleurs qualité, ou naiter dzs cas plus séuères, acooît les ressources
nécessaires pour k production d'un séjour... ,, le prix implicite d'une entrée peut être assimilée à une
fonction linéaire croissante de I'attractivité du service. Dans ces conditions, il admet le postulat,
somme toute contestable, que o lz choix d'un seruice plus éloigné qae le seruice dc mêrne spécialité lz plus
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proche du dpmicile du patimt peut naduire, soit une meilleure qualité dts soins perçue par le patimt, soit
une sêuérité acmr.e dz Ia pathohgie qui nécessite l'hospiulisation dans un seruice plus ad.apté ,. Finalement,
en assimilant I'indicateur d'attractivité à une simple comparaison entre la distance parcourue par le
patient hospitalisé dans un service et celle séparant son domicile du service hospitalier le plus proche
de même spécialité, l'auteur occulte I'existence de u Êlières de soins )), teut comme le rôle social dévolu
à I'hôpital (Escaffre, Gervais, Thenet, 1994).
IJusage de ces deux variables de qualité dans le modèle modifie substantiellement les scores d'effi-
cacité : l'inefrcacité technique diminue d'environ 5 o/o, voire plus pour certains services. Ses résultats
poftent sur un échantillon de 173 services se répartissant entre des services de médecine générale, des
services spécialisés et des services de cardiologie.
Leleu remarque une plus forte efficience technique pour les services généraux se démarquant par
une meilleure adéquation de la prise en charge et par un taux d'encadrement médicd légèrement plus
faible. Dans les services spécialisés, il explique les bons scores d'efHcience pour les structrues possédant
une activité plus importente en court séjour, et dans une moindre mesure lorsque ces dernières
accueillent des patients plus jeunes. Enfin, s'agissant du secteur de la cardiologie, I'efficience s'explique
par le fait que l'on y traite des pathologies plus lourdes (notamment au sein de services dotés dunités
de soins intensiÊ en plus grand nombre) avec une proportion plus faible d'internes au sein du person-
nel médical.
Comme le soulignent implicitement ces résultats, dans le domaine des services il est dangereux
d'apprécier l'efficience, sans tenir compte de la flexibilité des moyens ni de la qualité produite. [r
Pendiscan fournit une autre réponse à cette problématique.

CoMPrABuxrÉ- Cor:.lrRôr..e-Auorr/Tome l0 -Volume I -Juin 2004 (p.147 à163)


Michel GsnvAIs, Gervais THrNsr
COMMENT ÉVÂLUER IÂ PRODUCTIVI'| É
r58 DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE ?

ffi.WW Le Pendiscan
Loutilvise à apprécier l'adéquation des besoins des personnes hospitalisées (approchés par le concept
de dépendance) avec les moyens humains disponibles5. Dit autrement, il consiste à mettre en corres-
pondance un niveau de production exprimé quantitativement et quditativement avec I'effectif
présent.
Il est diffusé depuis 1994 sous la forme d'un logiciel. En 2001, 40 établissements Êançais I'utili-
saient. La contrainte imposée à I'outil est qu'il soit aisément utilisable et que ses résultats soient faci-
lement interprétables par les acteurs (soignants, cadres infirmiers, directeurs du service).
La dépendance d'un patient (Guillou, 1996) se traduit par une relation patient/soignant(s) avec
un double uansfert : la personne soignée transêre vers les soignants des actes qu elle ne peut, qu elle
ne sait ou qu'elle ne veut plus faire ; les soignants réalisent les actes au bénéfice du patient et donc lui
en transêrent les résultats. Elle se mesure par deux grandeurs :
sa lourdeur ou degré de dépendance ;

son intensité (ou nombre d'actes réalisés) par unité de temps.

Thois types d'actes sont fournis : des actes de la vie courante (hygiène, habillement, lever, déplace-
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ments, repas, élimination...), des actes relationnels, et des actes techniques (pouls, température,
perfusion, sonde, assistance respiratoire, prélèvements de sang ou d'urine, orygène...).
Lamélioration de la dépendance permet de recouvrer de l'autonomie. Celle-ci peut se mesurer par
les états fonctionnels du patient (mobilité, vision, parole, audition) et des états psychiques (compré-
hension, communication, humeur. ..).
Des analyses multifactorielles montrent que :

le patient se dégrade ou s'améliore dans toutes ses dimensions à la fois ;

les actes de la vie courânte, les actes relationnels et les actes techniques ne sont pas corrélés ;
les actes de la vie courante évoluent de concert, alors que les actes techniques sont assez indépen-
dants les uns des autres :
le profil de dépendance varie selon les unités de soins, mais pas obligatoirement de manière très
marquée;
les degrés de dépendance ne sont pas corrélés avec l'âge, les durées de présence ou les pathologies.
læs niveaux de dépendance devront donc être saisis vis-à-vis des actes de la vie courante, des actes
techniques et des actes relati<lnnels.
La charge en soins directs dépend :

du degré de lourdeur du patient ;


de I'intensité (nombre d'actes par degré de lourdeur, par unité de temps) ;

de la durée de I'acte.

Cette charge peut être estimée par la moyenne des intensités pour les degrés légers ou moyens de
la lourdeur (cette moyenne est stable dans le temps), mais pour les degrés lourds de dépendance cette
pratique est peu acceptable car le nombre de patients est faible et les moyennes très instables.

CoMpresmtr - CoNrRôr-E - Âuon / Tome 10 - Volume 1 - fuin 2004 (p. 147 à. 163)
Michel GBnvats, Gervais Tnwgr
COMMENT ÉVALUER TÂ PRODUCTTVITÉ
DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE
' I59

Fïf;#F..ilil ii1 Lo p"io"ipes de I'outil


Soit, dans une unité de soins, Js un jour jugé normd par le personnel de soins (pas de surcharge ou de
sous-charge de travail).
Pour les groupes légers, appelons Io et No respectivement l'intensité et le personnel présent le jour
J6 ; appelons I, et N, I'intensité et le personnel présent le jour Jr.

:
En Jo, la charge de travail s'écrit
' ='#
,o
/vo

En J,, elle devient , ,, =*r=#11,


.
^,
ll en résulte que :

tt'1' lro(ro + arl- + alr)


Ltr= tr- ,o=*- {g = ,r"tt - -{o(lro D'où :
,,1 i/, Nrl/, l/r.^/,
NoA/- /oAN
^.
-1 = /v;t/,
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Dans cette formule :

Noù,I : rnesure la variation des intensités à nombre constânt d'agents (effet patiena) ;

Irà'N: mesure la variation des charges à intensité constante (effet nombre dagens présena).
Si A/V < 0, cela a pour effet de rendre positive l'expression, c'est-à-dire d'accroltre la charge de
travail par agent présent.
Pour déterminer Io et Il, compre tenu du fait que I'intensité est âssez stable par patient, il suffit de
multiplier la moyenne des intensités par patient i pu I'effectif de patients du jour
Er:Io=7 x Eoet1,=7 x Er.
Pour les groupes lourds, le raisonnement s'efFectue à partir du nombre de patients lourds.

Si z est ce nombre de patienæ lourds, en Jo, la charge de travail s'écrit : ,, =


#;
et en J,, elle devient , ,, =#r=
ffi
. NnAn- noAN
D'oir: Atl =l ,^/o^-
On rerrouve I'effet n patients , (NAo) et I'effet < agents présents , ("4N.
Entre Jo et J,, la charge en soins globale évolue bien selon l'inrensité moyenne par agent pour les
cas légers ou moyens de lourdeur.
La variation du nombre de patients lourds par agent ne permet pas en revanche de prédire l'évo-
lution de la charge de uavail. Il faut discuter avec les agents pour cerner la situation réelle et optimi-
ser le mode de fonctionnement. On retrouve la notion d'espace de discussion de Detchessahar (2001,
p. 35) et la nécessité dune telle approche pour réguler des situations otr prévaut I'incertirude.

CoMpr BffrÉ - CoNrRôtr - Auotr / Tome 10 - Volume I - Juin 2004 (p. 147 à 163)
Michel Grnvars, Gervais THeNrt'
COMMENT ÉVAIUER I./, PRODUCTIVITÉ
160 DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE ?

Tout agent habilité peut obtenir immédiatement dans le Pendiscan :

les niveaux de dépendance du jour dans I'unité de soins choisie ;


l'évolution des dépendances dans I'unité ;

les croisements entre les trois types de dépendance (actes de la vie courante, actes techniques, actes
relationnels) ;
les positionnements de son unité par rapport à d'autres ;
les variations de la charge de travail en soins directs selon les trois types de dépendance ;
les causes de ces variations et leur importance respective (nombre de patients présents par niveau
de dépendance, nombre d'agents présents par catégorie).

La partie de I'outil se fondant sur I'intensité moyenne (la partie algorithmique) apprécie la produc-
tivité en tenant compte des besoins différents (de la qualité de soins différente) des patients. La discus-
sion sur les soins lourds introduit la nécessaire flexibilité dans le raisonnemenr.
Avec le Pendiscan, la réflexion peut même être poussée plus loin.
Escaffre (2001) envisage I'effet de la charge émotionnelle sur la productivité. Des études montrent
en effet que :
le ressenti de la journée de mavail n'est pas lié à la charge de travail moyenne par agent présent
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;

les ressentis sont spécifiques à chaque service ;

les routines (notamment les protocoles techniques) ne poussent guère au stress et à I'anxiété collec-
tive ; ce sont plus les situations où l'adaptation est permanente (les aides à la vie courante qui sont
spécifiques aux caractéristiques particulières de chaque patient) qui l'amènent ;
la tolérance des agents aux variations sensibles des charges en soins dépend plus de l'organisation
du service que de la quantité de travail.

Un indicateur de la pénibilité du travail ressentie par agent peut alors être mesuré, par exemple, par
une appréciation subjective de la journée de travail, et il est possible de tenir compte de cet indicateur
pour définir ou apprécier la productivité d'un service.

fiffil Appréciation de l'outil


',i..
Une enquête menée sur 7 700 patients dans cinq établissements (Escaffre, 1998) confirme que les
moyennes journalières d'actes par patient (les intensités moyennes) sont stables pour les groupes légers
et moyens de dépendance ; en revanche, pour les cas lourds, les moyennes journalières sont très
instables. [æ raisonnement utilisé (algorithme + discussion) pour optimiser la charge de travail semble
donc pertinent.
Loutil permet d'apprécier la producdvité tout en respectant la nécessité de prendre en compte la
grande variété de la demande et ses variations dans le temps.
I* fut d'introduire le ressenti de la pénibilité du travail permet d'envisager un management du
stress individuel ou collectif et d'en déduire immédiatement les conséquences sur la producdvité. ks
liens entre le ressenti psychologique, le comportement de l'agent et donc la productivité restent cepen-
dant à approfondir.

CoMprABu.rrÉ - CoNTRôrr - Auorr / Tome 1 0 - Volume | - Jwn 2004 (p. 147 à 163)
Michel GEnvas, Gervais THeNe'r
COMMENT ÉVALUER TA PRODUCTTVITÉ
DANS LES ACTIVITÉS DE SERVICE ? r6l
Dans le secteur de la psychiatrie, les actes relationnels ont plus d'importance qu'ailleurs. Aussi, à
l'usage, il apparalt que le modèle est trop simple pour ce domaine. La modification et I'enrichissemenr
des modalités concernent cette variable sont aduellement à l'étude.

Conclusion
Dans les entreprises de service, la main-d'æuvre est une ressource essentielle. Aussi, il e$ tentant de
mesurer la productivité en rapponânt le temps passé à Ia production obtenue. Une telle mesure risque
toutefois d être très caricaturale. La productivité ne doit pas nuire à la réalisation des différenæs compo-
santes de la presation aftendue par le client (adaptabilité à ses besoins, qualité de la prestation). læ
temps passé n'est plus forcément un critère d'efficience, la qualité du travail accompli (surtout lorsqu il
est intellectuel) intervient également. IJusage de moyens informatiques performants, l'infrastructure
administrative, I'organisation ont aussi une influence. La mesure de la productivité doit êue globale.
La métlode DEA, issue de la théorie économique, permet d'apprécier la productivité de plusieurs
inputs produisant différents outputs. Intégrer dans le modèle la qualité des prestations fournies et la
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flexibilité (surcapacités, sous-traitance, qualité de l'organisation) ne pose guère de problèmes tech-
niques. liinterprétation devient en revanche plus délicate : est-on str que la qualité que I'on sait mesu-
rer est celle auquel le client est sensible ? Une surcapacité pour répondre à des impératifs de flexibilité
rend forcément I'unité moins producdve. La méthode DEA suppose aussi que l'on se situe dans le
cadre d'une allocation de ressources bien pensée et définie par une stratégie pertinente, car, dans le cas
contraire, faisant référence à un optimum de Pareto, elle ne ferait qu'optimiser une mauvaise alloca-
tion. Enfin, l'optimum obtenu est très statique: il ne prend pas en compte les nécessaires inefficiences
d'aujourd'hui pour faire face à la concurrence de demain (il intègre mal les changements organisa-
tionnels).
k Pendiscan est davantage une mesure de la productivité du ûavail, en tenant compte de la variété
à produire, mais également de la qualité et de laflexibilité à respecter. S'il reste simple dans son prin-
cipe, il demande une bonne saisie de I'information primaire. Se fondant sur une observation empi-
rique, il demande de rester attentif aux facteurs d'évolution ou ar.D( spécificités de telle ou telle activité
(cas de la pqychiatrie) susceptibles de modifier les bases du modèle.

CoMprABr-rrÉ - CotvrRôLE - AuDrr / Tome I 0 - Volume I - Juin 2004 (p. 147 à 163)
Michel Grnv,cJs, Gervais TssNrr
COMMENT ÉVALUER I]4, PRODUCTIVITÉ
t62 DANS LES ACTTVITÉS DE SERVICE ?

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