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Introduction
la gestion stratégique des résultats peut être définie, d'après Schipper (1989, p.92), comme I'inter-
u.rrtion délibérée des dirigean* d'une entreprise dans le processus de pr6enation de I'information
financière en vue d'obtenir un gain personnel au détriment d'autres parties. Une recension des
études sur ce sujet réalisée par Cormier et Magnan (1996) identifie la maximisation de leur ProPre
richesse comme l'un des objectifs spécifiques qui pourront amener des dirigeants d'entreprise à gérer
stratégiquement les résultats comptables.
Parmi les contextes étudiés par Cormier et Magnan (L996), et pour lesquels I'information finan-
cière joue un rôle essentiel, nous trouvons les tentatives de prises de contrôle. Selon la théorie de
l'agence, des conflits particulièrement aigus sont susceptibles d'apparaltre entre les dirigeants de la
cible et les acrionnaires dans le cadre des opératio ns de lrunaged buyouts lorsque les dirigeants cher-
chent à maximiser leur intérêt.
Cet anicle étudie la possibilité de gestion des résultats avant une opération de lneraged buyout'
(LBO). Deux types de gestion des résultats sont généralement distingués : la gestion réelle et la
gesrion comptable. La gestion réelle peut être définie comme I'ensemble des actions entrePrises Par
les dirigeants pour contrôler certains événements économiques. Elle affecte en général directement
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rer cer avantage informationnel. Le dirigeant peut udliser des ajustemenæ comptables pour minimi-
ser (cas otr il rachète les parts) ou maximiser (cas où il cède ses parts) la valeur des transactions de
LBO. Ainsi, si on suppose une situation d'asymétrie d'information, le dirigeant opportuniste P€ut
gérer stratégiquement les résultats compables de I'entreprise pour maximiser sa proPre richesse.
Cela nous p€rmer de formuler une hypothèse globale (non nulle) concernant les opérations de
LBO:
H:
avant une opération de LBO, les dirigeants des sociétés concernées adoptent un
comport€ment de gestion stratégique des résultats comptables aûn de maximiser leur propre
richesse.
DeAngelo (1980 a examiné cette question des manipulations comptables dans le cas des MBO.
Elle a utilisé une méthodologie a fondée sur les variables comptables de régularisation sur un échan-
tillon de 64 sociétés du NYSE et de l'Amex ayant reçu une proposition de MBO entre 1973 et 1982
pour tesrer I'hypothèse selon laquelle les dirigeants qui proposent de racheter leur entreprise dimi-
nuent qrstématiquement les résultats compables durant les périodes qui précèdent I'acquisition.
Cependant, ses résulats n'ont pas permis de corroborer l'hypothèse de manipulation par les diri-
geents.
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Nânmoins, comme le souligne Vu (1997), leurs résultats sont difficiles à inteqpréter. Première-
ment, il est difficile d'évaluer le gain pour les dirigeants engendré pâr un tel comportement de mani-
pulation des variables comptables de régularisation sans connaitre l'envergure de la minimisation des
r&ulats comptables. Deuxièmement, les auteurs ont seulement 11,3 observations en moyenne (voir
la description du modèle dans la section 2) pour estimer le modèle des variables compables de régu-
larisation non discrétionnaires. Par conséquent, moins de la moitié des coefficients de leur modèle
sont significatifs aux niveaux conventionnels. En outre, une étude récente a monûé que les modèles
de variables compables de régularisation discrétionnaires décomposent les variables compables de
régularisation en deux composantes discrétionnaires et non discrétionnaires au hasard (voir Guay,
Kothari et'Watts, 1996).
(3)
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DVCeo=N2*y_::,0 _lat=+_1.î(rn#;?n,'1..î(y_3
TAN-r l\TANitl '\ TAN-r | \r,qM-tl) '\l rnr
Une différence positive (négative) indique que les variables compables de régularisation publiées
en t0 sont supérieures (inférieures) aux variables de régularisation normdes. l,a composante discré-
tionnaire étant positive (négative), elle accroit (diminue) le bénéfice publié et uaduit donc une
gestion des résular à la hausse (baisse).
Dechow, Sloan et Sweeney (1995) font remarquer que I'utilisation du fiffre d'affaires comme
variable orplicative suppose implicitement que cet indicateur rfest pas manipulé. Or, en avançant la
comptabilisation d'un contrat avant même que les biens n'aient été produits, les dirigeants peuvenr
accroltre les ventes de l'orercice. [a variation du chiffie d'affaires devient alors une variable endo-
gène, positivement corrélée avec la variable expliquée. Dans ces conditions, le modèle va conduire à
sous-estimer la composante discrétionnaire. Dechow, Sloan et Sweeney (1995) proposenr donc de
coriger la variation du chiffre d'affaires par la variation des créances clients (C&,J.
ffi="(#)*(%?p(wp, (5)
Si cette différence est positive (négative), il y a gestion des résultats à la hausse Oaisse). Ce
modèle utilise les variables comptebles de régularisation de la période d'estimation (année - 2) pour
évaluer les variables comptables de régularisation non discrétionnaires attendus en - 1. Les variables
comptables de régularisation de la période d'estimation constituent donc la norme de ce que
devraient être les variables comptables de régularisation s'il rt'y avait pas de manipulation sur la
période d'événement considérée. En particulier, nous cherchons à savoir si la valeur moyenne des
variables comptables de régularisation anormales ou discrétionnaires est significativement négative
(Hl) ou positi'te (H2) I'année précédant le LBO pour notre échantillon de sociétés cibles. Un tel
résultat indiquerait l'existence de manipulations comptables sur la période qui précède les LBO.
ks variables comptables de régularisation auront normalement un signe négatif du fait de la
sousûacrion des charges damortissements dans la formule de calcul. Si les dirigeants des cibles de
LBO manipulent les résulats afin de maximiser le prix de vente de la cible, les variables comPtables
de régularisation anormales seront positives. En revanche, s'ils diminuent volontairement les résul-
tats afin de minimiser le prix de rachat des actions de la firme, les variables comptables de régularisa-
tion anormde seront négatives.
Cette approche considère qu'une variation dans le niveau des variables compables de rftularisa-
tion entre âàux périodes est entièrement à la discrétion des dirigeants. lihypothèse implicite de cette
approche .rt qo. les facteurs économiques pouvant affecter le niveau des variables comptables de
règdarisation, par exemple le chifte d'affaires, sont relativement stables lorsque la période de temps
considérée est courte.
où VRESi,l = variation standardisée (divisée par le total des actifs de la période précédente) des
résultats de la société iàladete t,
VRESm,t = variation médiane de VRES;,1 pour le grouPe de contrôle.
Pour affiner ces résultats, nous avons ensuite décomposé le totd des variables comptables de
régularisation de I'année - 1 des sociétés de notre échantillon. Nous nous sommes inspirés de l'ap-
proche en coupe insantanée de porefeuilles sectoriels (noss+ectional) utrlisée dans de récentes
érudes américaines (cf,, Jeter et Shivakumar, 1997 et trGsznik, 1997) et nous avons comparé les
niveaux des composantes des variables comptables de régularisation des sociétés de l'échantillon avec
les niveaux médians de ces composantes dans les groupes sectoriels. Nous avons retenu quetre
éléments des variables comptables de régularisation suscepdbles d'être manipulés et nous les avons
standardisés. Il s'agit de la variation du BFR divisée par le chiffre d'affaires, les dotations er.rx amor-
ffi Résultats
Nous présentons les résultats pour I'ensemble de notre échantillon constitué de 118 LBO. Puis nous
présentons les résultats pour le sous-échantillon de MBO (60 sociétés cibles) et les résultats pour le
sous-échantillon de non-MBO (46 sociétés cibles). I,e typ. d'opération n'a pas pu être identifié pour
12 sociét6 cibles de l'échantillon initial.
Dans un premier temps, nous présentons les tableaux concernânt les variations du résultat net et
les variations du résultat d'orploiation pour l'échantillon et les variations ajustées au seceur. Les
données des tableaux présentent les mesures moyennes et médianes des variations pour I'année
précédant immédiatement I'opération. Les ableaux indiquent également le nombre de variations
positives et négatives sur la période et les valeurs des tests non paramétriques (test de 'l?ilcoxon
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Tableau 2. Mesures des variations en -I des résultats comptables pour l'échantillon de MBO
Nous avons ensuite procédé à une comparaison des résultats pour les deux sous-échantillons. l,es
résultats apparaissent dans le tableau 4. Entre et l, l'augmenation du résulat d'exploitation
-2 -
est plus fone (différence significative au seuil de 5 o/o avec le test de'Wilcoxon Mann \fhitnry) pour
les non-MBO que pour les MBO, âvant et après ajustement au secreur, ce qui est conforme aux
hypothèses Hl et H2. En revanche, la différence pour I'augmentation du résultat ner n'est pas staris-
tiquement significative.
Tableau 4. Comparaison des variations avant et après ajustement au secteur des résultats
comptables pour les MBO et pour les non-MBO
a : Significatif au æuil de 1 %.
b : Significatif au seuil de 5 o/o.
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lamesure des variables comptables de régularisation discrétionnùes pour les MBO figure dans
le ableau 6. Les tests statistiques effecnrés sont unilatéraux cer Hl posnrle que les variables comp-
ables de régularisation discrétionnaires attendues en I sont négatives. Les variables comptables de
-
régularisation discrétionnaires sont en moyenne égales à + 0,0130 pour le sous-échantillon composé
de MBO, mais elles ne sonr pas signiûcatives satistiquement. lihypothèse Hl riest donc Pes corro-
borée.
læ tableau 8 présente les résultats de cette analpe pour l'échantillon total. Les différences entre
l'échantillon de LBO et les médianes sectorielles ne sont pas significatives statistiquement pour lâ
variation du BFR/chiffre d'affaires et les doations aux amortissements sur immobilisations/immobili-
Ainsi, les résultats de noue étude sont globalement contraires à nos hypothèses théoriques.
Plusieurs éléments d'inteqprétation sont possibles. Premièrement, en ce qui concerne les opérations
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Conclusion
Cet anicle étudie la question des manipulations comptables pour un échantillon de 118 opérations
de LBO râlisées en France ente 1994 er 1997. tÆs LBO sont des prises de contrôle susceptibles
d'engendrer des conflia d'intérêt entre les dirigeants internes er les acionnaires exrernes. Liobjectif de
l. Le LBO est une acquisition d'entreprise via la Les variables comptables de régularisation repré-
crâtion d'un holding endetté. Il s'agit d'un sentent l'ensemble des éléments qui permettent
management buyout lorsque I'opération est réali- de passer d'une comptabilité de trésorerie à une
sée par les dirigeants et les cadres de la firme comptabilité d'engagement.
reprise, et d'un management buyin lorsque les 4. Nous expliquons en détail son modèle dans la
repreneurs viennent de l'extérieur. section 2 car nous reprenons cette méthodologie
dans notre test empirique.
2. Les flux décâlés naissent des décalagCI entre Ia
réalisation des opérations et leur dénouement 5. Le modèle de Jones est présenté dans la section 2.
monétaire. Ils englobent les produia (charges) 6. Nous rappelons qu'aux É'tats-Unis les opérations
non encore encaissés (décaissés) et correspondent de LBO sont très souvent réalisées sur des socié-
'4c
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