Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Correspondance : Institut d’administration des entreprises – LEG, Fargo, UMR CNRS 5118
Pôle d’économie et de gestion
BP 26611 – 21066 Dijon Cedex
e-mail : evelyne.poincelot@u-bourgogne.fr.
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 110
Introduction
Les déterminants justifiant l’utilisation des critères non financiers pour évaluer ou piloter la perfor-
mance sont multiples et renvoient à des explications théoriques diverses. L’intérêt que nous portons à
ces critères se justifie dans un contexte actuel (scandales financiers, volatilité accrue des marchés, etc.)
montrant les limites de l’information comptable et financière comme vecteur de communication de
la performance 1. En parallèle, des mesures financières ont rencontré un regain d’intérêt à travers la
valeur ajoutée économique (traduction de l’EVA) et des mesures non financières ont été introduites
dans des outils comme par exemple le Balanced Scorecard. Quelles sont en définitive les justifications
à mettre en place des indicateurs non financiers ? Ne sont-ils qu’un vecteur de communication interne
ou externe ? Nous tenterons d’apporter des éléments de réponse à ces questions en nous focalisant sur
les explications théoriques (théories contractuelles et théories cognitives) supposant que les critères
non financiers sont utilisés dans le but de créer de la valeur 2.
Il ne se dégage pas de la littérature une définition synthétique de la notion d’indicateur non financier 3.
Les indicateurs non financiers sont le plus souvent appréhendés par opposition aux indicateurs finan-
ciers, en fonction de leur finalité ou de manière contextuelle. Des auteurs comme Kaplan et Norton
(1998), dont les indicateurs non financiers constituent le sujet central, expliquent qu’ils complètent
© Association Francophone de Comptabilité | Téléchargé le 20/01/2024 sur www.cairn.info (IP: 154.126.38.184)
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 111
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 112
popularisées alors qu’il n’existe pas de travail théorique justifiant qu’elles améliorent la performance
(p. 413).
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 113
État du marché
Environnement Environnement légal
(concurrence, client,
« technologique » (impôts, loi antitrust, etc.)
fournisseur)
Stratégie de l’entreprise
Nature des produits et des services ; type de clientèle ; nature des avantages comparatifs (stratégie fondée
sur les coûts ou sur la différenciation) ; degré d’intégration verticale.
Architecture organisationnelle
Cohérence entre l’allocation des droits décisionnels et les systèmes de contrôle
(dont le système d’évaluation de la performance).
Valeur de la Firme
Source : BRICKLEY et al., 1997 p. 179.
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 114
Cette recherche de cohérence est un rôle qui a traditionnellement été dévolu aux dispositifs de
contrôle de gestion (Anthony, 1965). Mais ils reposaient pour l’essentiel sur des mesures financières
fondées sur des calculs de coûts ou relatifs à de la gestion budgétaire. L’idée que des critères non finan-
ciers puissent jouer un rôle non négligeable dans cette recherche de cohérence est assez récente.
Johnson et Kaplan (chapitre 11 : « Des systèmes de mesure des performances pour le futur », 1987)
avancent l’idée, à l’issue d’un constat très sévère sur l’état du contrôle de gestion, que les critères non
financiers peuvent faciliter la déclinaison de la stratégie d’une organisation et la validation de ses choix
stratégiques, c’est-à-dire garantir la cohérence entre la stratégie et l’allocation des droits décisionnels.
De nombreux travaux sont venus par la suite confirmer cette intuition. La présence de critères non
financiers facilite cette cohérence, soit en jouant le rôle de mécanisme incitatif (Ittner et Larcker, 2002
et Chenhall, 1997), soit comme composant essentiel du système de contrôle (Ittner et Larcker, 1997),
soit les deux à la fois (Fullerton et McWatters, 2002), soit enfin comme moyen de mieux évaluer la
performance réalisée (Perera et al., 1997). Ces derniers notent (1997, p. 561 et 569) la nécessité d’in-
citer les subordonnés à concentrer leurs efforts sur les priorités stratégiques de l’organisation. Lorsque
ces priorités sont orientées vers la satisfaction des clients, les critères non financiers permettent de
mieux évaluer la performance des subordonnés. Ittner et Larcker (1997), Govindarajan et Gupta
(1985), Fullerton et McWatters (2002) appuient leurs démonstrations relatives à la cohérence entre la
© Association Francophone de Comptabilité | Téléchargé le 20/01/2024 sur www.cairn.info (IP: 154.126.38.184)
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 115
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 116
à déployer (différenciation, domination par les coûts ou focalisation). Cet outil semble s’inscrire dans
une logique de coûts de dédouanement du dirigeant dans la relation d’agence le liant aux actionnaires.
Pour Kaplan et Norton (1998), les acteurs principaux de la mise en œuvre d’un Balanced Scorecard
sont des consultants et les dirigeants de l’entreprise. La participation des opérationnels n’est pas
requise. Il s’agit d’un dispositif mis à la disposition de la direction générale (Ponssard et Saulpic, 2000,
p. 11). Il est bien souvent adossé à des systèmes de rémunération individuelle au mérite (Bourguignon
et al., 2002). Le caractère « prédéterminé » de la stratégie et l’objectif d’évaluer la performance limi-
tent le processus d’apprentissage et de création de connaissances.
Germain (2004) a testé, à partir d’une enquête réalisée auprès de 83 petites et moyennes entre-
prises, si la mesure de la performance est d’autant plus équilibrée (l’auteur fait explicitement référence
au Balanced Scorecard) que l’environnement des entreprises est incertain et complexe et que la struc-
ture des entreprises est décentralisée. Il conclut qu’il existe une relation positive avec l’environnement
et aucune relation avec la structure. En outre, Dubé et Gosselin (2002) ont montré que les entreprises
« prospectrices » qui doivent faire face à un niveau important d’incertitude contextuelle utilisent
davantage de mesures non financières que les entreprises « défenderesses » évoluant dans un environ-
nement plus stable.
Nous conclurons cette première partie en faisant ressortir les points communs des approches
© Association Francophone de Comptabilité | Téléchargé le 20/01/2024 sur www.cairn.info (IP: 154.126.38.184)
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 117
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 118
intellectuel ». Les éléments de ce capital intellectuel sont alors perçus comme des ressources straté-
giques de premier ordre, susceptibles de procurer aux entreprises un avantage concurrentiel détermi-
nant. En s’appuyant sur la théorie évolutionniste, le MRC invite également le manager à accorder une
attention toute particulière à une exploitation pertinente de compétences dites secondaires.
La théorie de l’apprentissage organisationnel et le MRC renvoient à un mode stratégique émergent
et interactionniste qui consiste notamment à identifier les ressources et les compétences pas à pas, puis
à analyser l’interaction entre ces ressources et compétences et les conditions de l’environnement.
Mintzberg et al. (p. 184, 1999) expliquent que les théories de l’apprentissage organisationnel appar-
tiennent à ce qu’ils nomment le « courant cognitif de la stratégie » 9.
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 119
2.3. Le rôle des critères non financiers dans les théories cognitives :
susciter des apprentissages, anticiper des évolutions et faire
© Association Francophone de Comptabilité | Téléchargé le 20/01/2024 sur www.cairn.info (IP: 154.126.38.184)
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 120
Les indicateurs non financiers, à travers l’utilisation du capital intellectuel (CI), sont un moyen de
mieux appréhender le potentiel de création de valeur au travers des compétences humaines et organi-
sationnelles. Le CI renvoie à la capacité d’une organisation à créer de la valeur à partir de son stock de
connaissances. Edvinsson et Sullivan (1996) expliquent que le CI se compose du capital humain
(connaissances, savoir-faire, expériences des salariés, attitudes et capacités d’innovation et d’appren-
tissage) et du capital structurel (compétences qui peuvent être valorisées sur le marché). Le capital
structurel comprend des actifs tangibles, mais surtout des actifs intangibles en relation avec les parte-
naires commerciaux, ou en relation avec la structure (systèmes de calcul de coût, processus de fabrica-
tion et d’innovation, processus de décision, etc.). Cette définition du CI met l’accent sur des leviers
de création de valeur fondés sur des aspects cognitifs. Il s’agit en effet d’encourager la création de capi-
tal humain par de nouvelles formes organisationnelles, de nouveaux styles de management ou encore
des dispositifs de formation. Il s’agit également de favoriser la création d’actifs commercialisables issus
du capital humain et, enfin, d’améliorer la protection des actifs intellectuels. Le CI révèle la capacité
d’une organisation à s’adapter à un environnement fluctuant parce que sa stratégie est réfléchie en
fonction de son socle interne de compétences, et établit une reconnaissance de l’importance du rôle
des salariés dans le processus de création de valeur 12.
Rappelons, pour terminer, que les approches cognitives sont focalisées sur la justification des indi-
© Association Francophone de Comptabilité | Téléchargé le 20/01/2024 sur www.cairn.info (IP: 154.126.38.184)
Tableau 4.
Présentation des cinq points de divergence entre les approches contractuelle et cognitive :
caractérisation de ces points pour l’approche cognitive
APPROCHE COGNITIVE
Destinataire Les mandataires en priorité
Objectif principal Piloter et coordonner
Horizon temporel Création de valeur non immédiate
Principal déterminant Décentralisation de la connaissance
Nature des conséquences Non prédéterminées
Conclusion
À notre connaissance il n’existe pas d’études centrées sur les variables qui justifieraient qu’une entre-
prise choisisse les indicateurs non financiers dans une logique contractuelle plutôt que cognitive (et
inversement). Pourtant, en reproduisant les rôles spécifiques qui peuvent être dévolus aux indicateurs
non financiers ainsi que quelques exemples d’indicateurs selon ces deux approches, nous constatons
que ces grilles théoriques permettent d’en justifier un nombre assez important.
Les lectures contractuelle et cognitive ont en commun de montrer que ces indicateurs sont utilisés
comme des instruments au service d’un même objectif : la création de valeur. Une extension de notre
étude serait de réaliser une analyse empirique permettant de corroborer ou non l’hypothèse selon
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
© Association Francophone de Comptabilité | Téléchargé le 20/01/2024 sur www.cairn.info (IP: 154.126.38.184)
Tableau 5.
Rôles spécifiques attribués aux approches contractuelle et cognitive et exemples d’indicateurs selon les deux approches
RÔLES SPÉCIFIQUES DES INDICATEURS DANS UNE PERSPECTIVE COGNITIVE TYPES D’INDICATEURS SUSCEPTIBLES D’ILLUSTRER CES RÔLES
Accompagner la modernisation des systèmes d’informations d’une entreprise Indicateurs appréciant le potentiel des systèmes d’information (capacité à antici-
per des évolutions concurrentielles et à stimuler l’apprentissage : présence de sys-
05 - Poincelot-Wegmann
« d’employabilité », etc.)
Orienter le management vers la création de solides liens de confiance (clients, Indicateurs appréciant la capacité à nouer des partenariats de long terme avec
fournisseurs, etc.) des clients et/ou des fournisseurs, à mesurer le poids de ces partenariats
11:23
Améliorer le climat social en améliorant entre autres la communication interne Mesure de l’évolution du nombre de conflits sociaux et de leurs caractéristiques
(conflits majeur/mineur, etc.)
Faciliter la création d’un esprit d’équipe au sein des groupes de travail d’une unité Estimer la cohésion des différents groupes de travail, leurs synergies (degré de
Page 121
créatives/administratives
RÔLES SPÉCIFIQUES DES INDICATEURS DANS UNE PERSPECTIVE CONTRACTUELLE TYPES D’INDICATEURS SUSCEPTIBLES D’ILLUSTRER CES RÔLES
Évelyne POINCELOT et Grégory WEGMANN
Concentrer les efforts vers les priorités stratégiques définies par la direction générale En fonction des stratégies suivies : mesure des défauts de qualité des produits, com-
paraison des offres de l’entreprise/demandes (prix, délais, mode de distribution, etc.)
Évaluer la performance des subordonnés Taux horaire de productivité des salariés
Relier les performances des salariés à des mécanismes incitatifs Part des rémunérations au mérite dans la masse salariale
Assurer une bonne remontée des informations à la direction générale Délais de collecte et de remontée des données budgétaires et de reporting
Justifier une sanction Taux d’absentéisme, nombre d’infractions à la sécurité
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
Apprécier si les actions managériales vont dans le sens souhaité par les action- Taux de satisfaction des actionnaires (des clients s’il s’agit d’apprécier la perti-
naires nence de nos actions/clients)
UTILISATION DES CRITÈRES FINANCIERS POUR ÉVALUER OU PILOTER LA PERFORMANCE :
Permettre une analyse pertinente de l’environnement concurrentiel Indicateurs de mesure des positions comparées (benchmarking) d’une entreprise/
concurrents
Apprécier l’efficacité des structures productives et organisationnelles Taux d’utilisation de l’outil de production, délai de réalisation de certaines tâches
administratives, etc.
121
laquelle les firmes pour lesquelles il est possible de dégager une cohérence entre la présence d’indica-
teurs non financiers et les variables explicatives justifiant ce choix (contractuelles ou cognitives) réali-
sent une performance supérieure à celles pour lesquelles cette cohérence n’est pas attestée.
Les grilles de lecture contractuelle et cognitive s’opposent sur un nombre important de points.
Même s’il paraît délicat de construire un cadre théorique unificateur, un autre prolongement à cette
étude est cependant envisageable. Il pourrait consister à déterminer des points de convergence entre
ces deux grilles de lecture théoriques, certains indicateurs étant susceptibles d’être déployés à la fois
pour des motifs contractuels et cognitifs. L’étude de ces points de convergence permettrait d’appro-
fondir la compréhension théorique du rôle joué par les indicateurs non financiers dans la création de
valeur.
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 123
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 124
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)
05 - Poincelot-Wegmann 26/01/06 11:23 Page 125
COMPTABILITÉ – CONTRÔLE – AUDIT / Tome 11 – Volume 2 – décembre 2005 (p. 109 à 125)