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Force majeure
Fabrice GRÉAU
Professeur à l'Université Paris-Est Créteil (Paris 12)
juin 2017
Généralités 1 - 11
Sect. 1 - L'extériorité 26 - 41
Art. 1 - En matière contractuelle : de l'extériorité à l'incontrôlable 27 - 34
Art. 2 - En matière extracontractuelle 35 - 41
Sect. 2 - L'imprévisibilité 42 - 65
Art. 1 - L'exigence de l'imprévisibilité 43 - 48
Art. 2 - La relativité de l'appréciation de l'imprévisibilité 49 - 61
§ 1 - Les circonstances de l'événement 50 - 57
§ 2 - Les circonstances liées au défendeur 58 - 61
Art. 3 - Le moment de l'appréciation de l'imprévisibilité 62 - 65
Sect. 3 - L'irrésistibilité 66 - 84
Art. 1 - Définition 67 - 72
Art. 2 - Appréciation 73 - 84
Bibliographie
Généralités
6. La force majeure est une cause étrangère parmi d'autres. - L'étude de la
force majeure se fait très fréquemment dans le cadre de celle de la cause
étrangère. Cette formule figurait autrefois à l'ancien article 1147 du code civil (qui
écartait la condamnation du débiteur contractuel justifiant d'une inexécution
provenant « d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ») et ne se
retrouve plus aujourd'hui à l'article 1231-1, qui n'évoque que la force majeure.
Elle ne va toutefois probablement pas disparaître : si, dans une conception large,
la force majeure se confond avec la cause étrangère (c'est-à-dire tout
événement, quel qu'il soit, doté des trois caractères habituels), depuis l'arrêt
Jand'heur (Cass., ch. réun., 13 févr. 1930, DP 1930. 1. 57, note Ripert ;
e o
S. 1930. 1. 121, note Esmein, GAJC, 13 éd. 2015, t. 2, arrêt n 202), la Cour de
cassation distingue le « cas fortuit ou de force majeure » et la « cause
étrangère » non imputable au défendeur. De nos jours, on considère donc la force
majeure comme l'une des causes étrangères exonératoires, aux côtés du fait du
tiers et de celui de la victime. Même si les deux notions se recoupent en partie
puisque la force majeure est une application parmi d'autres de la cause
étrangère, leur distinction par la Cour de cassation semble aujourd'hui acquise.
Paradoxalement, elle apparaît clairement à la suite d'une confusion commise dans
deux arrêts d'assemblée plénière relatifs à la responsabilité des parents du fait de
leurs enfants mineurs : pour évoquer l'exonération des parents, l'un employait le
terme de cause étrangère là où l'autre utilisait celui de force majeure (Cass., ass.
o
plén., 13 déc. 2002, n 00-13.787 , D. 2003. 231, note Jourdain ). Afin de
prévenir toute ambiguïté dans l'interprétation de ces décisions, la Cour a ensuite
rendu un arrêt rectificatif substituant l'expression « force majeure » à celle de
o
« cause étrangère » (Cass., ass. plén., 17 janv. 2003, n 00-13.787 , D. 2003.
591, note Jourdain ), ce qui ne l'a pas empêchée par la suite de viser sur cette
e
même question « la cause étrangère ou la faute de la victime » (Civ. 2 , 17 févr.
o o
2011, n 10-30.439 , cité infra, n 41)… En dépit de ces tergiversations propres
à la responsabilité parentale, il apparaît aujourd'hui clairement que la relation
entre la cause étrangère et la force majeure est celle du genre et de l'espèce.
er
Chapitre 1 - Rôle théorique de la force majeure
re
Section 1 - L'extériorité
er
Art. 1 - En matière contractuelle : de l'extériorité à l'incontrôlable
Section 2 - L'imprévisibilité
er
Art. 1 - L'exigence de l'imprévisibilité
er
§ 1 - Les circonstances de l'événement
Section 3 - L'irrésistibilité
66. L'irrésistibilité est le noyau dur de la force majeure, l'élément vers lequel les
deux précédents critères doivent permettre de converger, « elle traduit la
supériorité de la force face à celle de l'homme qui l'affronte » (ANTONMATTEI,
o
thèse préc., n 77) ou, plus simplement, l'idée qu'elle est un phénomène contre
lequel on ne peut rien. Ce qui ne signifie pas qu'elle soit la seule condition
pertinente, contrairement à ce qu'avait pu affirmer de manière abrupte la
première chambre civile (« la seule irrésistibilité de l'événement caractérise la
re o o
force majeure » : Civ. 1 , 6 nov. 2002, n 99-21.203 , préc., n 34). Elle
présente plusieurs facettes qu'il faut d'abord tenter d'appréhender dans sa
os
définition (V. infra, n 67 s.) avant d'examiner la manière dont elle est appréciée
os
(V. infra, n 73 s.).
er
Art. 1 - Définition
Art. 2 - Appréciation
ACTUALISATION
75, 80 s. Caractère imprévisible et irrésistible du fait du tiers. - La
force majeure est caractérisée lorsqu'un tiers, schizophrène, ceinture un
autre homme sur le quai et se jette avec lui sur les rails dans un laps de
temps très court. Compte tenu de ces circonstances caractérisant un
évènement imprévisible et irrésistible, c'est à bon droit que les juges du fond
ont pu écarter la responsabilité de la SNCF sans qu'il puisse être reproché à
re
cette dernière de ne pas avoir installé des façades de quai (Civ. 1 , 8 févr.
o
2018, n 17-10.516 ; Dalloz actualité, 5 mars 2018, obs. Hacene).
ACTUALISATION
75, 80 s. Caractère imprévisible et irrésistible du fait du tiers. - La
force majeure est caractérisée lorsqu'un tiers, schizophrène, ceinture un
autre homme sur le quai et se jette avec lui sur les rails dans un laps de
temps très court. Compte tenu de ces circonstances caractérisant un
évènement imprévisible et irrésistible, c'est à bon droit que les juges du fond
ont pu écarter la responsabilité de la SNCF sans qu'il puisse être reproché à
re
cette dernière de ne pas avoir installé des façades de quai (Civ. 1 , 8 févr.
o
2018, n 17-10.516 ; Dalloz actualité, 5 mars 2018, obs. Hacene).
re
Section 1 - En présence d'un empêchement définitif et complet
86. La réalisation d'un événement de force majeure qui met le défendeur dans
l'impossibilité complète d'empêcher la réalisation du dommage soulève
classiquement deux questions, qu'il convient aujourd'hui de résoudre en
articulant les nouveaux articles 1218 alinéa 2, 1351 et 1351-1 du code civil. La
première relève de la responsabilité civile et porte sur l'étendue de l'exonération
permise par la force majeure (sauf évidemment dans les régimes spéciaux
d'indemnisation, en particulier celui des accidents de la circulation, où cette cause
d'exonération a été écartée). La seconde est propre au droit des contrats et
consiste à s'interroger sur le sort du lien contractuel une fois l'empêchement
définitif et complet d'exécuter survenu, au moins en présence d'un contrat
synallagmatique. À la première, le droit positif répond par l'exonération complète
os
de la responsabilité pesant sur le défendeur (V. infra, n 87 s.) ; à la seconde, il
os
répond par la résolution de plein droit du contrat (V. infra, n 94 s.).
er
Art. 1 - Exonération complète de la responsabilité pesant sur le
défendeur
98. La résolution, une cote mal taillée ? - Au-delà, pourquoi avoir conservé la
technique de la résolution alors que celle-ci aurait pu utilement être recentrée sur
l'inexécution imputable au débiteur et que l'article 1224 du code civil, qui
énumère les sources de la résolution, ne mentionne pas cette résolution de plein
droit, pas plus d'ailleurs que l'article 1229 qui porte sur le moment où prend effet
la résolution ? La technique employée semble ainsi plutôt être la caducité que la
résolution (BROS, art. préc. ; BOUCARD, art. préc. – En ce sens avant la
o
réforme : ANTONMATTEI, thèse préc., n 236 ; L. THIBIERGE, thèse préc.,
os
n 835 s., à propos de ce que l'auteur nomme « l'imprévu dirimant »), quand
bien même le spectre des restitutions consécutives à une rétroactivité incontrôlée
de la résolution serait aujourd'hui canalisé par l'article 1229 alinéa 3 du code civil.
On constate d'ailleurs que le mécanisme de la résolution n'est pas compatible
avec l'un des effets de l'impossibilité d'exécuter envisagé à l'article 1351-2
alinéa 2 du code civil : à propos de la perte de la chose due et de la libération du
débiteur mis en demeure si celui-ci prouve que la perte se serait produite
pareillement si l'obligation avait été exécutée, il est en effet précisé que le
débiteur empêché « est cependant tenu de céder à son créancier les droits et
actions attachés à la chose », solution qu'il est difficile de concilier – puisqu'elle
sous-entend une relative continuation du contrat – avec la destruction du lien
contractuel qu'opère la résolution et le jeu éventuel des restitutions (DESHAYES,
GÉNICON et LAITHIER, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la
preuve des obligations, LexisNexis, 2016, p. 479). Au-delà, c'est l'idée d'une
résolution des contrats portant sur une chose détruite ou perdue par force
majeure qui pose difficulté, alors que l'article 1218 alinéa 2 renvoie à l'article
1351-1 qui envisage ce cas de figure, puisque la règle res perit domino libère le
débiteur de l'obligation de délivrer la chose (s'il n'est plus propriétaire) mais non
son créancier (DESHAYES, GÉNICON et LAITHIER, ibid).
Index alphabétique
■Administration 56
V. Fait du prince
■Aéronef 19
■Affrètement 3, 51
■Astreinte 93
■Avalanche 52
■Bactéries 32
■Brouillard 52
■Caractères 21 s.
⚪
extérieur 27 s.
⚪
imprévisible 42 s.
⚪
inévitable 45, 67, 99
⚪
insurmontable 9, 34, 37, 44, 75, 99
⚪
irrésistible 73 s.
⚪
preuve 12 s., 43
V. Extériorité, Imprévisibilité, Irrésistibilité
■Causalité (théories sur la) 9, 14s., 19, 20, 41, 47, 88 s., 92
⚪
causalité partielle 90
■Cause étrangère 6, 7, 9, 14, 16, 17, 26 s., 36, 39, 43, 59, 80, 89, 93, 102
■Cause exclusive 9
■Chasse 55
■Chose fongible 71
■Clauses
V. Contrat
■Concession 53, 83
■Contrat
⚪
absence de faute 13
⚪
clause résolutoire 72, 102
⚪
clauses relatives à la force majeure 105
⚪
conclusion 11, 45, 46, 62 s., 70
⚪
prévision des cocontractants 48, 63, 65
⚪
réduction 97, 104
⚪
suspension 78, 101 s.
⚪
synallagmatique 86, 94 s.
■Définition 1 s.
■Délit 88
■Domaine 2
■Droit pénal 4
■Eau
⚪
composition anormale 32
⚪
corrosive 32
⚪
infiltrations 38
⚪
propre 17
⚪
ruissellement 54
⚪
souterraine 38, 43
■EDF 62
■Effets 85 s.
⚪
conservatoire 4
⚪
exonération
V. Exonération
■Exécution
⚪
impossibilité 2, 3, 46, 47, 67, 70, 72, 97 s.
⚪
absolue 74, 75
⚪
exécution plus difficile 69
⚪
retard 72
■Exonération 1, 4 s., 12, 13, 17, 19, 34, 36, 41, 81 s., 86 s., 101
⚪
partielle 5, 8
⚪
faute de la victime 7, 41, 81, 84, 87
⚪
SNCF 81
⚪
totale 1, 7, 9, 19, 82, 87 s., 91
■Expropriation 78
■Falaise 54, 75
■Faute
⚪
absence de faute 13 s., 20, 35, 45, 86
⚪
grave 3
⚪
lourde 8, 85
⚪
preuve 8
⚪
de la victime 7 s.
■Fonds de commerce 78
■Grève
⚪
effets 75
⚪
extériorité 31
⚪
grève 45, 58
■Guerre 10
■Impossibilité d'exécuter
V. Exécution
■Imprévisibilité
⚪
contrat 47
⚪
grève 45, 58
⚪
moment de l'appréciation 62 s.
⚪
SNCF 60, 61
■Imprévision 70
■Incarcération
⚪
du contribuable 75
⚪
du débiteur 28
⚪
de l'employeur 78
⚪
du salarié 77, 78
■Inexécution
⚪
obligation monétaire 71
■Infection nosocomiale 17, 33
■Informatique
⚪
virus 59
⚪
vol 57
■Inondation 10, 52
■Irrésistibilité 66 s.
⚪
appréciation 73 s.
⚪
définition 67
⚪
droit du travail 76 s.
⚪
SNCF 79
■Maladie
⚪
du débiteur 34
⚪
infection nosocomiale 17, 33
⚪
de l'employeur 34, 77
⚪
du salarié 34
⚪
sida 33, 62
■Météorologie 54
■Mutinerie 40
■Neige 52
■Obligation
⚪
suspension 102
⚪
empêchement temporaire 101 s.
■Pollution
⚪
atmosphérique 54
⚪
eau 54
■Préposé 30, 40
■Présomption 8, 36
■Preuve 8
■Redressement judiciaire 77
■Responsabilité
⚪
contractuelle 80, 81
⚪
et extracontractuelle (distinction) 62 s.
⚪
du fait des choses 83 s.
⚪
du fait d'autrui 40
⚪
pour faute 1
⚪
des parents 41
⚪
de plein droit 1
■Revirement de jurisprudence 59
■Ricochet
⚪
plomb de chasse 55
⚪
préjudice 89
■Sabotage 30, 54
■Sang contaminé 33
■Sécheresse 52
■Sida 33, 62
■Téléphérique 19
■Terrain
V. Glissements de terrain
■Transport
⚪
aérien 19
⚪
ferroviaire 8, 17, 69, 80, 81
⚪
fluvial 8, 79
⚪
marchandises 57
■Trouble mental 39
■Victime
⚪
faute de la victime 7 s.