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Schmidt Joanna. La période précontractuelle en droit français. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 42 N°2, Avril-juin
1990. Etudes de droit contemporain. pp. 545-566;
doi : https://doi.org/10.3406/ridc.1990.1979
https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1990_num_42_2_1979
LA PERIODE PRÉCONTRACTUELLE
EN DROIT FRANÇAIS
par
Joanna SCHMIDT-SZALEWSKI
Professeur à l'Université de Lyon III
I. LA NEGOCIATION DU CONTRAT,
SOURCE DE RESPONSABILITÉ DÉLICTUELLE
L'échec de la négociation n'est pas, en lui-même, critiquable ; il n'est
que la manifestation de la liberté contractuelle, qui permet à chacun de
décider s'il désire ou non contracter. La non-conclusion du contrat peut,
toutefois, causer un dommage à l'un des partenaires, qui cherchera à en
obtenir la réparation. En l'absence de règles légales spécifiques à la
période précontractuelle, les mécanismes généraux de la responsabilité
civile permettent de traiter les conséquences dommageables de la rupture.
Tant que le contrat n'a pas été conclu, la réparation ne peut relever
que du régime délictuel. Cette solution est conforme au fondement et au
rôle de la responsabilité délictuelle en droit français (10). La doctrine
française refuse d'accueillir la solution enseignée par von Jhering (11),
qui justifiait le régime contractuel de la responsabilité précontractuelle par
l'existence d'un avant-contrat implicite aux termes duquel les négociateurs
s'engageraient à la diligentia in contrahendo. Pareille convention paraît,
en effet, largement fictive (12).
1) Le dommage précontractuel
Le dommage résultant de l'échec des pourparlers précontractuels est,
généralement, un préjudice matériel consistant dans une perte pécuniaire,
auquel peut éventuellement s'ajouter un préjudice moral, ainsi que dans
le gain manqué par le partenaire victime de la rupture. C'est à propos de
ces chefs de préjudice que doivent être vérifiées les deux conditions
classiques exigées pour la réparation : le dommage doit être certain ; il
ne doit pas encore avoir été réparé.
a) Le dommage doit être certain
La certitude du dommage est facile à admettre à propos de la perte
subie, puisqu'elle constitue un dommage déjà réalisé. Tel est le cas pour
les frais engagés en vue de la conclusion du contrat (frais de voyage,
d'études, etc.) (15), ou encore les conséquences d'une faute
précontractuelle spécifique, telle que la divulgation ou l'utilisation des informations
confidentielles divulguées au cours des pourparlers (16). De telles pertes
constituent, en effet, un dommage d'ores et déjà existant, puisqu'elles ne
seront pas couvertes par les bénéfices qu'aurait procurés l'exécution du
contrat. Le dommage matériel peut être aggravé s'il résulte de la non-
reconduction d'un contrat antérieur. En pareil cas, une entreprise peut
(13) Paris, 13 fév. 1883, Gaz. Pal. 1883, 2, 414 ; Dijon, 15 fév. 1893, S. 1894, 2, 144 ;
Lyon, 10 juil. 1896, D. 1896, 2, 496 ; Rennes, 8 juil. 1929, D.H. 1929, 548 ; Nîmes, 13 mai
1932, D.H. 1932, 404.
(14) Cass. com. 20 mars 1972, Bull. civ. IV, n° 93 ; Rev. trim. dr. civ. 1972, p. 779,
obs. DURRY ; J.C.P. 1973, 17543, note J. SCHMIDT ; Cass. com. 11 janv. 1984, Bull.
civ.TV, n° 16. La responsabilité délictuelle joue, de manière plus générale, dès lors qu'aucun
contrat n'a été formé entre les intéressés : v. par ex. : Cass. civ. 2e, 15 fév. 1984, Bull. civ.
II, n° 29, à propos du dommage subi au cours d'un « coup de main » donné spontanément
par un livreur au client.
(15) V. par ex. : Cass. com. 20 mars 1972, préc. , note 14.
(16) V. par ex. : Cass. corn. 29 nov. 1960, Gaz. Pal. 1961, 1, 152 ; Cass. corn. 3 oct.
1978, D. 1980, 55, note J. SCHMIDT.
J. SCHMIDT : LA PÉRIODE PRÉCONTRACTUELLE 549
(17) Ainsi, par ex., dans l'affaire examinée par la Chambre commerciale de la Cour
de cassation le 20 mai 1980, un concessionnaire soutenait qu'il avait été contraint d'accepter
la conclusion d'un nouveau contrat de concession à des conditions moins avantageuses, pour
éviter la fermeture de son entreprise : Bull. civ. IV, n° 212 ; son action en nullité pour
violence a été rejetée.
(18) V. Y. CHARTIER, La réparation du préjudice, 1983, n05 192 et s. Par ex., à la
suite d'un accident ayant empêché le directeur d'exercer ses fonctions, une société réclamait
la réparation du dommage consistant dans la non-conclusion de contrats dont il n'a pas pu
poursuivre la discussion ; sa demande fut rejetée, au motif que la non-conclusion n'était
pas un préjudice certain, en raison de son caractère hypothétique : Cass. civ. 2e, 12 juin
1987, J.C.P. 1987, IV, 286 ; Rev. trim. dr. civ. 1988, 103, obs. MESTRE. Dans le même
sens, à propos de la formation d'un marché public, dont une entreprise prétendait avoir été
illégalement évincée : CE., 13 mai 1987, D. 1987, Som., p. 430, obs. Ph. TERNEYRE.
(19) G. VINEY, op. cit., n° 198.
(20) B. STARCK, op. cit., t. 1, par H. ROLAND etL. BOYER, 3e éd., 1988, nos 1059
et s.
(21) H., L. et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, op. cit., nœ 413 et s.
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(22) Une Cour d'appel a, ainsi, affirmé que « les plans et devis ne sont que des
accessoires de l'offre destinés à mettre en pleine lumière les avantages de celle-ci : les frais
qu'ils peuvent occasionner tombent dans les frais généraux que toute maison de commerce
et d'industrie est obligée de supporter pour arriver à triompher de ses concurrents » :
Colmar, 5 déc. 1928, Rev. jur. d'Alsace-Lorraine, 1929, p. 364 ; également : Paris, 7 mars
1912, Gaz. Pal 1912, 2, 210 ; Cass. com. 30 nov. 1971, Bull. civ. IV, n° 288. Toutefois,
l'architecte a droit à ses honoraires pour les plans et devis, même si le client ne donne
pas suite à son projet : V. les décisions rapportées au D.P. 1933, 2, 98 et la note de
M. MINVIELLE.
(23) B. STARCK, par H. ROLAND et L. BOYER, op. cit., t. 1, n° 265. La faute
peut être plus brièvement définie comme « un fait illicite imputable à son auteur » :
MAZEAUD, par CHABAS, op. cit., n° 446.
(24) MAZEAUD, par CHABAS, op. cit., t. 2, vol. 1, n° 450.
(25) Certaines juridictions du fond avaient exigé que la rupture fût intervenue avec
l'intention de nuire au partenaire ; la Cour de cassation a censuré ces décisions pour violation
des art. 1382 et 1383 C. civ., car « la responsabilité délictuelle prévue aux articles susvisés
du Code civil peut être retenue en l'absence d'intention de nuire » : Cass. civ. 3e, 3 oct.
1972, Bull. civ. III, n° 491.
(26) J. SCHMIDT, « La sanction... », art. cité, n™ 8 et s.
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la Cour de cassation a admis que « si une offre de vente peut en principe être rétractée tant
qu'elle n'a pas été acceptée, il en est autrement au cas où celui de qui elle émane s'est
expressément engagé à ne pas la retirer avant une certaine époque » Cass. civ. 3e, 1(J mai
1968, 2 arrêts, Bull. civ. III, n° 209. La Cour ne tire pas les conséquences logiques de cette
:
n° 123
(33); Rev.
Pau, tr.14dr.janv.
com.1969,
1987,D.570,
1969,
obs.p. HÉMARD
716 ; Cass. etcorn.
BOULOC.
10 juin 1986, Bull. Civ. IV,
(34) J. SCHMIDT, « La sanction de la faute précontractuelle », art. cité, nos 25 et s.
(35) V. en particulier : Cass. civ. lre, 12 nov. 1987, Bull. civ. I, n°293, où la Cour
censure une décision ayant prononcé l'annulation pour dol sans avoir constaté le caractère
intentionnel du défaut de renseignements allégué.
(36) V. M. ALTER, L'obligation de délivrance dans la vente de meubles corporels,
préf. P. CATALA, 1972, 222 ; La responsabilité des fabricants et distributeurs de produits,
Colloque de l'Université Paris I, 1975 ; J. GHESTIN, Conformité et garanties dans la vente
(produits mobiliers), 1983 ; J. HUET, Responsabilité du vendeur et garantie contre les vices
cachés, 1987, n° 535.
(37) Cass. civ. lre, 24 nov. 1954, J.C.P. 1955, 8565, note H. B. et jurisprudence
constante.
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3) Le lien de causalité
La discussion du lien de causalité entre la faute précontractuelle et
le dommage éprouvé par le demandeur peut conduire à des conséquences
pratiques intéressantes. Selon la théorie générale de la responsabilité, il
faut, en effet, que le second soit la conséquence directe de la première.
Or, il n'est pas toujours certain que tel soit le cas en matière de rupture
de pourparlers.
Ainsi par exemple, le fait de proposer un nouveau contrat à des
conditions différentes du précédent n'entraîne pas nécessairement la
rupture de la renégociation (39). De même, les conséquences d'un défaut
d'informations peuvent être analysées de diverses manières. L'omission
de l'information peut avoir soit déterminé le consentement du
cocontractant, soit l'avoir seulement « privé de la connaissance d'un important
élément d'appréciation quant à l'opportunité de la conclusion » (40).
Si le demandeur victime du dommage a lui-même commis une faute,
un partage de responsabilité peut être envisagé. Tel serait, par exemple,
le cas si le demandeur avait engagé en vue de la conclusion du contrat
des dépenses inconsidérées.
L'étude des conditions de la responsabilité précontractuelle dans la
jurisprudence montre qu'elles ne présentent guère d'originalité par rap-
(38) Cass. com. 25 fév. 1986, Bull. civ. IV, p. 33 ; J.C.P. 1988, II, 20995, note
VIRASSAMY
n° 41 ; Rev. tr. ; dr.
Rev.com.
trim.1988,
dr. civ.
121,1987,
obs. 85,
HÉMÀRD
obs. MESTRE
et BOULOC.
; 10 fév. 1987, Bull. civ. IV,
(39) Cf. note J. SCHMIDT, sous Cass. com. 9 fév. 1981, D. 1982, p. 4.
(40) Rennes, 9 juil. 1975, D. 1976, p. 417, note J. SCHMIDT.
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(41) Les arrêts parfois cités en ce sens ne sont pas probants, car les espèces tranchées
concernaient une révocation tardive, déjà précédée de l'acceptation et, par conséquent, de
la formation du contrat : cf. J. SCHMIDT, « La sanction... », art. cité (note 16).
(42) V. les références citées supra, note 30.
(43) H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, Traité théorique et pratique de la
responsabilité civile délictuelle et contractuelle, t. III, vol. 2, 6e éd., 1983, n° 2570.
(44) Cass. crim. 3 déc. 1969, J.CP. 1970, II, 16353 et jurisprudence constante.
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(45) H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, op. cit., n05 396
et s.
(46) V. à ce sujet, J. GHESTIN et G. GOUBEAUX, Traité de droit civil, t. 1,
Introduction générale, 2e éd., 1983, nos 567 et s. ; D. DENIS, « Quelques aspects de
l'évolution récente du système des preuves en droit civil », Rev. trim. dr. civ. 1977, 671.
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b) L'objet de la preuve
En présence de moyens de preuve adéquats, il reste à déterminer
l'objet à prouver. Or, il suffit de prouver l'existence d'un accord portant
sur une obligation précise pour que pareil accord soit qualifié de
contractuel. Le droit français est, en effet, dominé par l'idée que le consentement
— et non la cause — est nécessaire et suffisant à l'existence d'un
contrat (53). Une obligation contractuelle peut porter sur un objet
quelconque, pourvu qu'il ne soit pas contraire à l'ordre public ou aux bonnes
mœurs (art. 6, C. civ.). La notion française de « cause » — au sens
de contrepartie de l'engagement — est suffisamment large pour ne pas
constituer un obstacle à l'existence des avant-contrats (54). Un contrat
peut donc valablement avoir pour objet l'obligation de négocier ou de
conclure un autre contrat (55).
Dans une affaire récente, la Cour de cassation a, par exemple, admis
la validité d'un contrat préparatoire relatif à la constitution d'une société.
La preuve était rapportée sur la base d'un procès-verbal de réunion que
les parties étaient d'accord sur l'objet de la future société, l'importance
et la nature des apports, ainsi que la rémunération du gérant. La Cour
déclara qu'un tel accord « excédait le stade des simples pourparlers » et
constituait une promesse de société. Le refus de l'une des parties de
participer ultérieurement aux formalités de constitution s'analysait en un
refus d'exécuter ladite promesse (56).
Un document quelconque peut donc servir de preuve de l'existence
d'un avant-contrat, dès lors qu'il exprime de manière suffisamment claire
l'intention d'être lié par une obligation précise. Le principal problème
est, dès lors, d'interpréter l'intention des parties exprimée dans un tel
document. La solution est souvent délicate, en raison de l'imprécision des
manifestations de volonté émises pendant les pourparlers. En particulier,
ces échanges préliminaires sont parfois matérialisés par des « lettres
d'intention », documents envisageant de manière plus ou moins vague la
conclusion d'un contrat futur (57). La Cour de cassation exerce son
(53) P. LOUIS-LUCAS, Volonté et cause : essai sur le rôle respectif des éléments
générateurs du lien obligatoire en droit privé, (Thèse) Dijon, 1918 ; H. CAPITANT, De la
cause des obligations, 3e éd., 1927 ; R. DAVID, « Cause et "consideration" », Mélanges
Jacques Maury, 1960, p. 111 et s. ; A. RIEG, Le rôle de la volonté dans l'acte juridique en
droit civil français et allemand, préf. R. PERROT, 1961 ; B. S. MARKESINIS, « Cause
and consideration : a study in parallel », Cambridge Law Jour., vol. 37, 1978, p. 52 et s.
(54) La cause peut consister non seulement dans une contrepartie économique
immédiate, mais encore dans une prestation reçue dans le passé ; dans un intérêt économique
quelconque, où même dans un intérêt purement moral. Ainsi, par exemple, dans une
promesse unilatérale de vente, la cause de l'obligation du bénéficiaire de verser au
promettant une somme d'argent consiste dans l'intérêt qu'il éprouve à la passation du contrat
définitif : Cass. com. 23 juin 1958, D. 1958, 581, note P. MALAURIE ; J.C.P. 1958, II,
10857, note P. E.
(55) J. SCHMIDT, op. cit., nos 371 et s. ; J. CEDRAS, « L'obligation de négocier »,
Rev. trim. dr. civ. 1983, p. 265 et s. ; M. GÉNINET, Théorie générale des avant-contrats
en droit privé (Thèse) Univ. Paris II, 1985, nos 359 et s., p. 311.
(56) Cass. com. 28 avril 1987, Bull. civ. IV, n° 104.
(57) M. FONTAINE, « Les lettres d'intention dans la négociation des contrats
internationaux », Rev. droit et prat. du comm. int., 1977, p. 109 et s. ; M. LUTTER, Der Letter
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(61) Cass. civ. lre, 1er mars 1988, Bull, civ. I, n° 57.
(62) B. OPPÉTIT, « L'engagement d'honneur », D. 1979, chr., p. 107 et s.
(63) Cass. com. 23 dec. 1968, Bull. civ. IV, n° 374 ; Rev. trim. dr. civ. 1969, 555 ; 10
janv. 1972, Bull. civ. IV, n° 13 ; J.C.P. 1972, II, 17134, note GUYON ; Cass. civ. 2e, 27
nov. 1985, Bull. civ. II, n° 178 ; Rev. trim. dr. civ. 1986, 749, obs. MESTRE.
(64) Cass. soc. 9 nov. 1978, Bull. civ. V, n° 753 ; Cass. civ. lre, 16 juil. 1987, Bull. civ.
I, n° 224 ; Rev. trim. dr. civ. 1988, 133, obs. MESTRE ; 21 juil. 1987, Bull. civ. I, n° 246 ;
Rev. trim. dr. civ. 1988, passim.
(65) Cass. civ. lre, Ier dec. 1969, D. 1970, 422, note PUECH ; J.C.P. 1970, II, 16445,
note J.-L. AUBERT ; 15 mai 1984, Bull. civ. I, n° 163 ; Rev. trim. dr. civ. 1985, 389, obs.
J. HUET ; Cass. soc, 21 juil. 1986, Bull. civ. V, n° 412 ; Rev. trim. dr. civ. 1987, 532, obs.
MESTRE.
(66) Les dommages causés aux passagers sont réglés par application de l'art. 1384,
al. 1er, C. civ. : Cass. Ch. mixte, 20 déc. 1968, 2 arrêts, D. 1969, 37, concl. SCHMELCK ;
Rev. trim. dr. civ. 1969, 333, obs. G. DURRY. Les dommages causés aux passagers lors
d'un accident de la circulation sont réparés selon la loi du 5 juillet 1985, quel que soit le
régime juridique du transport.
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La réponse a cette question peut être donnée par les parties elles-
mêmes : elles peuvent décider soit que l'accord partiel est insuffisant, soit
qu'il est, au contraire, suffisant à la formation du contrat définitif (74).
Lorsque les relations entre un accord partiel et le contrat définitif
qu'il prépare n'ont pas été envisagées par les parties, leur détermination
pose des problèmes différents selon que l'accord partiel est un fragment
d'un contrat unique, ou d'un ensemble plus vaste.
L'accord partiel fragment d'un contrat définitif unique vaut
conclusion de celui-ci, s'il porte sur tous les éléments pouvant être qualifiés
d'essentiels. Pareil accord est nécessaire et suffisant à la perfection du
contrat : peu importe que des points accessoires demeurent encore en
discussion. Cette solution est induite de l'article 1583 du Code civil, qui
dispose à propos de la vente : « Elle est parfaite entre les parties... dès
qu'on est convenu de la chose et du prix... ». Aux éléments essentiels en
fonction de la nature du contrat, peuvent s'ajouter des éléments que les
parties ont volontairement qualifiés d'essentiels (75).
Lorsque la réalisation d'une opération économique nécessite
plusieurs contrats différents, chacun d'eux peut être considéré comme un
accord partiel au regard de l'ensemble contractuel (76). Or, la conclusion
de l'un des contrats de l'ensemble ne peut jamais valoir conclusion des
autres. Le seul problème est de savoir si un accord partiel peut produire
ses effets spécifiques immédiatement, ou si son efficacité est subordonnée
à la conclusion des autres contrats de l'ensemble. Lorsque la loi n'établit
pas de relations spécifiques entre deux contrats (77), il convient de
rechercher, sur ce point, la volonté des parties.
«LaDe
promesse
(78)
la notion
L. BOYER,
dedecontrat,
promesse
Encycl.
(Thèse)
unilatérale
Dalloz,
Lyon,Rép.
»,1973
J.C.P.
dr.; civ.,
J. VIATTE,
1970,
V, Promesse
I, 2357
« Labis
depromesse
vente
; P. FIESCHI-VIVET,
: B. unilatérale
BOCCARA, de
vente », Gaz. Pal. 1973, 1, doctr., p. 67 ; J. SCHMIDT, op. cit., n08 486 et s. ; F. BENAC-
SCHMIDT, Le contrat de promesse unilatérale de vente, préf. J. GHESTIN, Paris, 1983 ;
F. COLLART-DUTILLEUL, op. cit., nœ 12 et s.
(79) Cass. ciy. 10 avril 1948, D. 1948, 421, note LENOAN ; J.C.P. 1948, II, 4403,
note E. BECQUÉ.
(80) Le promettant peut, par ex., conclure des contrats de bail : Trib. civ. Seine, 12
nov. 1925, Gaz. Pal. 1926, 1, 96.
(81) Bordeaux, 13 janv. 1955, J.C.P. 1955, IV, 63, où une société avait été constituée
dans le seul but de faire échec à la promesse de vente et à laquelle il n'a été apporté que
le bien objet de la promesse.
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(84) Cass. req. 28 mars 1912, S. 1913, 1, 11 ; Cass. civ. Ve, 25 nov. 1959, Bull. civ.
I, n° 500 ; 15 déc. 1970, Bull. civ. I, n° 333.
(85) Cass. civ. 3e, 22 nov. 1968, Bull. civ. III, n° 494 ; 28 avril 1981, Rev. dr. immobilier,
1982, 101, obs. GROSLIÈRE et JESTAZ ; 2 fév. 1983, Bull. civ. III, n° 34 ; Rép. Defrénois,
1983, 1585, obs. VERMELLE.
(86) Cass. req. 4 mai 1936, D.H. 1936, 313 ; Cass. civ. 3e, 14 janv. 1987, D. 1988, 80,
note J. SCHMIDT-SZALEWSKI.
(87) Cass. civ. 3e, 7 janv. 1987, Bull. civ. III, n° 4 ; Rép. Defrénois, 1987, art. 34049,
p. 1134, obs. AUBERT.
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