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Revue internationale de droit

comparé

La période précontractuelle en droit français


Joanna Schmidt

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Schmidt Joanna. La période précontractuelle en droit français. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 42 N°2, Avril-juin
1990. Etudes de droit contemporain. pp. 545-566;

doi : https://doi.org/10.3406/ridc.1990.1979

https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1990_num_42_2_1979

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R.I.D.C. 2-1990

LA PERIODE PRÉCONTRACTUELLE
EN DROIT FRANÇAIS

par

Joanna SCHMIDT-SZALEWSKI
Professeur à l'Université de Lyon III

Dans tous les systèmes juridiques, la caractéristique fondamentale du


contrat est l'existence d'un accord (1). Cet accord peut se former en un
instant de raison, par la seule rencontre d'une offre et d'une acceptation.
C'est le cas de la plupart des contrats de la vie courante et des contrats
dits « d'adhésion », où l'une des parties se contente d'adhérer en bloc
aux conditions élaborées par l'autre (2). La formation du consentement
n'est pas incompatible avec l'absence de discussion préalable (3).
Mais les parties peuvent faire précéder la conclusion d'une phase de
négociation, au cours de laquelle elles discutent et précisent les modalités
de la convention projetée. La proposition initiale peut donc être séparée
de la conclusion effective par une période précontractuelle plus ou moins

(1) R. SCHLESINGER et al., Formation of Contracts. A Study of the Common Core


of Legal Systems, t. 1, 1968, Gen. Rep., p. 18 et s. ; A. T. VON MEHREN, « General
View of Contract », in International Encyclopaedia of Comparative Law, vol. 7, 1982,
chap. 1, p. 3 et s. N'importe quel accord n'est pas, toutefois, un contrat : pour qu'il le soit,
il doit être « entré dans le système juridique » et ne pas se situer en dehors du droit, dans
la sphère des relations de simple courtoisie, par exemple : J. CARBONNIER, Flexible
droit, 6e éd., 1988, p. 20 et s.
(2) G. BERLIOZ, Le contrat d'adhésion, préface B. GOLDMAN, 2e éd., 1976.
(3) Le contrat d'adhésion demeure néanmoins un contrat : J. CARBONNIER, Droit
civil, t. 4, 13e éd., 1988, n° 18.
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longue (4). La période précontractuelle est même parfois imposée par la


loi, dans le but de ménager aux parties (ou à l'une d'elles) un délai de
réflexion (5).
Le déroulement de la négociation est placé sous le signe de la liberté
contractuelle et n'est enserré dans aucune forme imperative (6). Il
consiste, généralement, dans un échange de propositions et
contre-propositions à propos des éléments du contrat projeté. Ces propositions peuvent
être plus ou moins précises et fermes. La progression vers l'accord peut
se faire à partir d'une proposition vague d'entrer en pourparlers, pour
s'achever par une proposition ferme et précise de conclure un contrat
déterminé à des conditions déterminées. Une telle manifestation de
volonté, qualifiée d'offre, fait naître chez son destinataire le pouvoir de
former le contrat en donnant son acceptation (7). Celle-ci met fin à la
période précontractuelle, en provoquant la formation du consentement,
condition nécessaire et, en principe, suffisante à l'existence du contrat (8).
Au cours de cet échange précontractuel, chacun des partenaires
éprouve un conflit entre le besoin de sauvegarder sa liberté de ne pas
contracter et celui d'assurer sa sécurité quant aux fragments du contrat
déjà négociés. Or, l'exercice de la liberté, qui se traduit par la rupture
des pourparlers, peut causer un dommage à l'autre partie, en la privant
des avantages attendus du contrat et en lui causant la perte des frais déjà
exposés.
Les règles de droit interviennent dans les relations précontractuelles
afin d'harmoniser ces préoccupations contradictoires. La déontologie de

(4) J.-M. MOUSSERON, La durée dans la formation du contrat, in Mélanges Alfred


Jauffret,
nos 369 et 1974,
s. p. 503 et s. ; J. SCHMIDT, Négociation et conclusion de contrats, 1982,
(5) D. FERRIER, « Les dispositions d'ordre public destinées à préserver la réflexion
des contractants », D. 1980, chr., p. 177.
(6) La loi prescrit parfois des formes au cours de la négociation de certains contrats.
Elles peuvent être destinées à protéger une catégorie de contractants : il peut s'agir des
consommateurs ; la loi du 10 janv. 1978 relative à la protection de l'emprunteur en matière
de crédit mobilier et celle du 13 juil. 1979 concernant le crédit immobilier imposent, par
exemple, la présentation d'offres écrites comportant certaines mentions ; des incapables :
l'art. 459 C. civ. impose ainsi la vente aux enchères d'immeubles appartenant à un mineur ;
des épargnants et actionnaires : le règlement n° 88-01 de la Commission des Opérations de
Bourse règle les formes des offres publiques d'achat et d'échange. Les formes protègent
également parfois l'intérêt public : le Code des marchés publics impose une procédure
d'adjudication pour la conclusion de contrats administratifs. La réglementation de la
concurrence peut aussi influer sur les formes de la négociation des contrats : G. RIPERT et R.
ROBLOT, Droit commercial, t. 2, 10e éd., 1986, nos 2528 et s.
(7) J. SCHMIDT, op. cit., nos 176 et s.
(8) G. ROUHETTE, Contribution à l'étude critique de la notion de contrat (Thèse),
Paris, 1965, p. 581 et s. ; J. CARBONNIER, Droit civil, t. 4, op. cit., n° 16 ; H., L. et J.
MAZEAUD, Leçons de droit civil, t. 2, 1er vol., Obligations : Théorie générale, T éd., par
F. CHABAS, 1985, nos 52 et s. ; Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Cours de droit civil, Les
obligations, 1985, nos 221 et s. ; J. FLOUR et J. L. AUBERT, Droit civil. Les obligations,
vol. I, L'acte juridique, 6e éd., 1986, nos 299 et s. ; C. LARROUMET, Droit civil, t. III,
4e
Leséd., obligations,
1986, nos 115
lre partie,
et s. ; J.
1986,
GHESTIN,
nos 109 etTraité
s. ; A.de WEILL
droit civil.
et F.
LesTERRÉ,
obligations.
Les Le
obligations,
contrat :
formation,
3e éd., par 2eH. éd.,
ROLAND
1988, noset178
L. etBOYER,
s. ; B. STARCK,
1989, n° 15.
Droit civil. Obligations, t. 2, Contrat,
J. SCHMIDT : LA PÉRIODE PRÉCONTRACTUELLE 547

la négociation est assurée par l'application des mécanismes de la


responsabilité civile délictuelle, qui constitue la limite de la liberté contractuelle,
en sanctionnant les comportements fautifs (9).
Dans certaines situations, les négociateurs tentent de privilégier la
sécurité des relations précontractuelles, en concluant des avant-contrats
(ou contrats préliminaires) destinés à faciliter — lato sensu — la
préparation du contrat définitif. La difficulté consiste alors à identifier l'existence
et le contenu de pareilles conventions préliminaires. Ces problèmes sont
résolus par le droit ordinaire des contrats : l'inexécution des obligations
créées par ces contrats préparatoires est traitée par application des règles
de la responsabilité contractuelle.
Au total, le régime délictuel de la responsabilité précontractuelle se
trouve, dans une certaine mesure, concurrencé par l'admission de la
responsabilité précontractuelle de nature contractuelle.

I. LA NEGOCIATION DU CONTRAT,
SOURCE DE RESPONSABILITÉ DÉLICTUELLE
L'échec de la négociation n'est pas, en lui-même, critiquable ; il n'est
que la manifestation de la liberté contractuelle, qui permet à chacun de
décider s'il désire ou non contracter. La non-conclusion du contrat peut,
toutefois, causer un dommage à l'un des partenaires, qui cherchera à en
obtenir la réparation. En l'absence de règles légales spécifiques à la
période précontractuelle, les mécanismes généraux de la responsabilité
civile permettent de traiter les conséquences dommageables de la rupture.
Tant que le contrat n'a pas été conclu, la réparation ne peut relever
que du régime délictuel. Cette solution est conforme au fondement et au
rôle de la responsabilité délictuelle en droit français (10). La doctrine
française refuse d'accueillir la solution enseignée par von Jhering (11),
qui justifiait le régime contractuel de la responsabilité précontractuelle par
l'existence d'un avant-contrat implicite aux termes duquel les négociateurs
s'engageraient à la diligentia in contrahendo. Pareille convention paraît,
en effet, largement fictive (12).

(9) J. SCHMIDT, « La sanction de la faute précontractuelle », Rev. trim. dr. civ.,


1974, p. 46 et s. P. PIOTET, « La responsabilité précontractuelle, spécialement du fait
d'autrui », 2. Schweiz. Recht, 1987, p. 743 et s.
(10) G. VINEY, Traité de droit civil (sous la direction de J. GHESTIN), t. IV, Les
obligations. La responsabilité : conditions, 1982, nos 191 et s.
(11) R. VON JHERING, « De la culpa in contrahendo ou des dommages et intérêts
dans les conventions nulles ou restées imparfaites », in Œuvres choisies, t. 2, traduction
MEULENAERE, 1893, p. 23. Adde : R. SALEILLES, « De la responsabilité
précontractuelle », Rev. trim. dr. civ. 1907, p. 697 et s.
(12) G. MARTY et P. RAYNAUD,Traité de droit civil, t. 2, Les obligations, vol. 1,
Les sources, 2e éd., 1988, n° 214 ; H. et L. MAZEAUD et A. TUNC, Traité théorique et
pratique de la responsabilité civile, t. 1, 6e éd., 1965, nos 116 et s. ; A. WEILL et F. TERRÉ,
op. cit., n™ 339 et s. ; J. HUET, Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle :
essai de délimitation des deux ordres de responsabilité (Thèse, Paris II), 1978, n° 260. Adde :
une discussion des idées de JHERING in E. GAUDEMET, Théorie générale des obligations,
publiée par H. DESBOIS et J. GAUDEMET, préf. H. CAPITANT, 1937 (nouveau tirage
1965, avec un avant-propos de P. LOUIS-LUCAS), p. 194 et s.
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Dès ses premières décisions, la jurisprudence a opté clairement en


faveur du régime délictuel de la responsabilité précontractuelle (13). La
solution a été réaffirmée avec autorité par de récents arrêts de la Cour
de cassation (14).
L'affirmation de principe de la responsabilité délictuelle a permis à
la jurisprudence de préciser les conditions de sa mise en œuvre en matière
précontractuelle ; en revanche, ses conséquences demeurent encore
insuffisamment affinées.

A. — Les conditions de la responsabilité précontractuelle


de nature délictuelle
Le demandeur en responsabilité précontractuelle doit établir la
présence des trois conditions classique de la responsabilité : dommage, faute,
causalité. Revêtent-elles quelque originalité à propos de la période
précontractuelle ?

1) Le dommage précontractuel
Le dommage résultant de l'échec des pourparlers précontractuels est,
généralement, un préjudice matériel consistant dans une perte pécuniaire,
auquel peut éventuellement s'ajouter un préjudice moral, ainsi que dans
le gain manqué par le partenaire victime de la rupture. C'est à propos de
ces chefs de préjudice que doivent être vérifiées les deux conditions
classiques exigées pour la réparation : le dommage doit être certain ; il
ne doit pas encore avoir été réparé.
a) Le dommage doit être certain
La certitude du dommage est facile à admettre à propos de la perte
subie, puisqu'elle constitue un dommage déjà réalisé. Tel est le cas pour
les frais engagés en vue de la conclusion du contrat (frais de voyage,
d'études, etc.) (15), ou encore les conséquences d'une faute
précontractuelle spécifique, telle que la divulgation ou l'utilisation des informations
confidentielles divulguées au cours des pourparlers (16). De telles pertes
constituent, en effet, un dommage d'ores et déjà existant, puisqu'elles ne
seront pas couvertes par les bénéfices qu'aurait procurés l'exécution du
contrat. Le dommage matériel peut être aggravé s'il résulte de la non-
reconduction d'un contrat antérieur. En pareil cas, une entreprise peut

(13) Paris, 13 fév. 1883, Gaz. Pal. 1883, 2, 414 ; Dijon, 15 fév. 1893, S. 1894, 2, 144 ;
Lyon, 10 juil. 1896, D. 1896, 2, 496 ; Rennes, 8 juil. 1929, D.H. 1929, 548 ; Nîmes, 13 mai
1932, D.H. 1932, 404.
(14) Cass. com. 20 mars 1972, Bull. civ. IV, n° 93 ; Rev. trim. dr. civ. 1972, p. 779,
obs. DURRY ; J.C.P. 1973, 17543, note J. SCHMIDT ; Cass. com. 11 janv. 1984, Bull.
civ.TV, n° 16. La responsabilité délictuelle joue, de manière plus générale, dès lors qu'aucun
contrat n'a été formé entre les intéressés : v. par ex. : Cass. civ. 2e, 15 fév. 1984, Bull. civ.
II, n° 29, à propos du dommage subi au cours d'un « coup de main » donné spontanément
par un livreur au client.
(15) V. par ex. : Cass. com. 20 mars 1972, préc. , note 14.
(16) V. par ex. : Cass. corn. 29 nov. 1960, Gaz. Pal. 1961, 1, 152 ; Cass. corn. 3 oct.
1978, D. 1980, 55, note J. SCHMIDT.
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être contrainte de réorganiser son activité, voire même à la cesser


totalement (17). Un dommage moral, consistant dans l'atteinte à la réputation
commerciale, pourrait également être retenu.
La certitude du dommage précontractuel est plus discutable à propos
du gain manqué. Celui-ci peut consister, d'une part, dans la perte d'autres
occasions de conclure des contrats similaires ou complémentaires et,
d'autre part, dans la non-réalisation des bénéfices qu'aurait procurés
l'exécution du contrat manqué.
La réalisation de ces hypothèses ne constitue pas, en effet, une
certitude, mais une simple probabilité. Or, en droit français, la « perte
d'une chance » constitue bien un dommage réparable, dès lors que le
demandeur prouve qu'une probabilité raisonnable existait pour la
réalisation de la « chance » (18). On devrait, à cet égard, tenir compte du degré
d'avancement des pourparlers pour décider « si la perspective de gain
mérite d'être au moins partiellement prise en considération pour évaluer
l'indemnité » (19). Ce n'est donc pas tout le gain manqué par suite de la
non-conclusion qui sera compensé, mais seulement la part correspondant
au dommage certain, c'est-à-dire à la probabilité de réalisation des gains
espérés. En particulier, le partenaire victime de la rupture ne pourra
pas prétendre à la couverture de l'entier bénéfice qu'il aurait retiré de
l'exécution du contrat. Pareille solution impliquerait, en effet, la certitude
de la réalisation des bénéfices ; or celle-ci ne représente qu'une
probabilité, dès lors que la conclusion elle-même n'était pas certaine.
L'arbitraire judiciaire qui règne en droit français à propos de
l'évaluation du dommage (20) est encore accru en matière précontractuelle, où
la « perte d'une chance » constitue un chef de préjudice fréquent.
b) Le dommage ne doit pas avoir été réparé
Un dommage n'est plus compensable par les voies de la responsabilité
civile délictuelle, dès lors qu'il a été déjà réparé (21). Or, le dommage
résultant de la non-conclusion d'un contrat est parfois couvert
indépendamment de la mise en œuvre de la responsabilité précontractuelle. Tel
est le cas, en particulier, pour les dommages subis par un professionnel

(17) Ainsi, par ex., dans l'affaire examinée par la Chambre commerciale de la Cour
de cassation le 20 mai 1980, un concessionnaire soutenait qu'il avait été contraint d'accepter
la conclusion d'un nouveau contrat de concession à des conditions moins avantageuses, pour
éviter la fermeture de son entreprise : Bull. civ. IV, n° 212 ; son action en nullité pour
violence a été rejetée.
(18) V. Y. CHARTIER, La réparation du préjudice, 1983, n05 192 et s. Par ex., à la
suite d'un accident ayant empêché le directeur d'exercer ses fonctions, une société réclamait
la réparation du dommage consistant dans la non-conclusion de contrats dont il n'a pas pu
poursuivre la discussion ; sa demande fut rejetée, au motif que la non-conclusion n'était
pas un préjudice certain, en raison de son caractère hypothétique : Cass. civ. 2e, 12 juin
1987, J.C.P. 1987, IV, 286 ; Rev. trim. dr. civ. 1988, 103, obs. MESTRE. Dans le même
sens, à propos de la formation d'un marché public, dont une entreprise prétendait avoir été
illégalement évincée : CE., 13 mai 1987, D. 1987, Som., p. 430, obs. Ph. TERNEYRE.
(19) G. VINEY, op. cit., n° 198.
(20) B. STARCK, op. cit., t. 1, par H. ROLAND etL. BOYER, 3e éd., 1988, nos 1059
et s.
(21) H., L. et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, op. cit., nœ 413 et s.
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traitant avec un non-professionnel. Si ce dernier ne conclut pas, en


définitive, le contrat projeté, le professionnel ne peut se plaindre du dommage
que représente pour lui la préparation des devis, car son coût est
habituellement couvert par les frais généraux d'une entreprise (22).
En définitive, le dommage précontractuel ne présente pas
d'originalité par rapport à celui ordinairement réparable dans le cadre de la
responsabilité délictuelle. Loin de chercher à lui découvrir une
physionomie particulière, la jurisprudence le soumet aux conditions classiques
exigées du dommage réparable.
2) La faute précontractuelle
II n'existe pas de définition spécifique de la faute précontractuelle ;
celle-ci doit être incluse dans la définition générale de la faute délictuelle.
En l'absence de définition légale, cette dernière est définie par la doctrine
comme « l'erreur de conduite qu'un homme normalement avisé ne
commet pas lorsqu'il se trouve dans les mêmes circonstances de fait » (23).
Le principe de la généralité de la faute délictuelle (24) conduit à tenir
compte de toute faute quelconque, sans exiger qu'elle présente un
caractère de gravité, ni le caractère intentionnel (25).
Le comportement de référence — celui d'un « homme normalement
avisé » — consiste à négocier loyalement et de bonne foi. La mauvaise
foi et la déloyauté sont donc l'archétype de la faute précontractuelle (26).
La jurisprudence offre des exemples de pareilles fautes précontractuelles.
Dans la situation la plus classique où la responsabilité précontractuelle
est invoquée, le demandeur se plaint de la rupture, alors qu'il pouvait
légitimement s'attendre au succès de la négociation. En pareil cas, les
tribunaux analysent le caractère plus ou moins avancé des pourparlers ;
des négociations peu avancées peuvent être rompues à tout moment ;
mais dès lors que l'un des partenaires a pu raisonnablement croire que le
contrat serait conclu, l'autre ne peut rompre sans justification. La Cour
de cassation a ainsi approuvé les juges du fond d'avoir admis la responsabi-

(22) Une Cour d'appel a, ainsi, affirmé que « les plans et devis ne sont que des
accessoires de l'offre destinés à mettre en pleine lumière les avantages de celle-ci : les frais
qu'ils peuvent occasionner tombent dans les frais généraux que toute maison de commerce
et d'industrie est obligée de supporter pour arriver à triompher de ses concurrents » :
Colmar, 5 déc. 1928, Rev. jur. d'Alsace-Lorraine, 1929, p. 364 ; également : Paris, 7 mars
1912, Gaz. Pal 1912, 2, 210 ; Cass. com. 30 nov. 1971, Bull. civ. IV, n° 288. Toutefois,
l'architecte a droit à ses honoraires pour les plans et devis, même si le client ne donne
pas suite à son projet : V. les décisions rapportées au D.P. 1933, 2, 98 et la note de
M. MINVIELLE.
(23) B. STARCK, par H. ROLAND et L. BOYER, op. cit., t. 1, n° 265. La faute
peut être plus brièvement définie comme « un fait illicite imputable à son auteur » :
MAZEAUD, par CHABAS, op. cit., n° 446.
(24) MAZEAUD, par CHABAS, op. cit., t. 2, vol. 1, n° 450.
(25) Certaines juridictions du fond avaient exigé que la rupture fût intervenue avec
l'intention de nuire au partenaire ; la Cour de cassation a censuré ces décisions pour violation
des art. 1382 et 1383 C. civ., car « la responsabilité délictuelle prévue aux articles susvisés
du Code civil peut être retenue en l'absence d'intention de nuire » : Cass. civ. 3e, 3 oct.
1972, Bull. civ. III, n° 491.
(26) J. SCHMIDT, « La sanction... », art. cité, n™ 8 et s.
J. SCHMIDT : LA PÉRIODE PRÉCONTRACTUELLE 551

lité de celui qui a « rompu sans raison légitime des pourparlers


avancés » (27).
Cette solution se justifie par le fait que le degré de confiance
augmente au fur et à mesure que les négociations progressent vers l'accord.
À cet égard, le moment charnière est sans doute constitué par l'offre de
contrat. Proposition ferme et précise de conclure un contrat déterminé à
des conditions déterminées, l'offre confère à son destinataire la maîtrise
de la conclusion du contrat (28). Le retrait prématuré de l'offre déçoit
donc nécessairement la confiance du destinataire quant à son pouvoir
d'accepter. Les éléments qui permettent d'établir le degré de confiance
suscitée par l'offre sont le délai de réflexion dont elle est assortie et
l'identité de son destinataire. Le destinataire peut, en effet, légitimement
croire en son pouvoir d'accepter dans le délai explicitement fixé par
l'offrant ou dans le délai « raisonnable » dont toute offre est implicitement
assortie (29). Bien que l'offrant n'ait pas l'obligation de maintenir
l'offre (30), son retrait avant l'expiration du délai peut constituer une
faute en application du critère de la confiance légitime trompée.
De même, un degré plus élevé de confiance apparaît lorsque l'offre
est adressée à un destinataire déterminé, que lorsqu'elle est faite au
public (31). Dans le premier cas, le destinataire est, en effet, seul à
pouvoir accepter ; dans le second, chacun des destinataires sait que son
acceptation ne sera efficace que si elle est chronologiquement la première
(à supposer qu'un contrat unique soit offert). Pour cette raison, le retrait
de l'offre publique est rarement fautif.
Le critère de la confiance légitime trompée est d'application générale
et permet de qualifier de fautif un refus d'acceptation intervenu après de
longues tergiversations, ou encore le refus de renouveler un contrat, après
avoir donné au partenaire des raisons d'espérer le renouvellement (32).

(27) Cass. com., 20 mars 1972, précité.


(28) J.-L. AUBERT, Notions et rôle de l'offre et de l'acceptation dans la formation du
contrat, préf. J. FLOUR, 1970, n° 166 ; R. RODIÈRE (dir.), La formation du contrat, coll.
« Travaux de l'Institut de droit comparé de l'Université de Paris », 1976 ; J. SCHMIDT,
Négociation et conclusion de contrats, op. cit., nos 18 et s.
(29) Cass. com., 11 fév. 1980, J.C.P. 1980, IV, 169. La durée de ce délai raisonnable
dépend des usages et de la nature du contrat proposé ; ainsi par ex., l'offre portant sur des
marchandises périssables aurait dû être acceptée le jour même : Civ. 15 oct. 1958, Bull,
civ. I, n° 435.
(30) La jurisprudence admet le principe de la libre révocabilité de l'offre Cass. civ.
5 fév. 1919, D. 1923, 1, 26 ; Cass. civ. F, 13 janv. 1984, Bull. civ. I, n° 193 ; toutefois,
:

la Cour de cassation a admis que « si une offre de vente peut en principe être rétractée tant
qu'elle n'a pas été acceptée, il en est autrement au cas où celui de qui elle émane s'est
expressément engagé à ne pas la retirer avant une certaine époque » Cass. civ. 3e, 1(J mai
1968, 2 arrêts, Bull. civ. III, n° 209. La Cour ne tire pas les conséquences logiques de cette
:

solution, qui auraient consisté à admettre l'efficacité de l'acceptation intervenue dans le


délai, malgré le retrait de l'offre : la sanction du retrait prématuré de l'offre consiste dans
la responsabilité délictuelle.
(31) A. VIALARD, « L'offre publique de contrat », Rev. trim. dr. civ. 1971, p. 750
et s. ; J.-L. AUBERT, op. cit., p. 123 et s.
(32) Cass. civ. lre. 19 janv. 1977, Bull. civ. I, n° 36 ; Rép. Defrénois, 1977, art. 31522,
obs. J.-L. AUBERT ; D. 1977, p. 593, note J. SCHMIDT-SZALEWSKI.
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Les juridictions françaises semblent, toutefois, prudentes dans


l'admission de la faute précontractuelle, de manière à ne pas compromettre
excessivement la liberté de contracter. Ce souci de la jurisprudence se
manifeste, en particulier, à propos des pourparlers entre professionnels.
Une décision est particulièrement explicite sur ce point : «... on ne
saurait, sans porter gravement atteinte à la liberté individuelle et à la
sécurité commerciale, admettre à la légère qu'un commerçant puisse être
responsable pour n'avoir pas donné suite à des pourparlers et pour avoir
traité avec un concurrent ; la faute in contrahendo, en d'autres termes,
doit être une faute patente indiscutable » (33).
L'omission de renseigner le partenaire sur les éléments importants
du contrat constitue un autre cas où le problème de la responsabilité
précontractuelle peut se présenter. Il faut, toutefois, observer que les
conséquences de l'information inexacte sont rarement traitées par
application de la responsabilité délictuelle. En pareil cas, en effet, le contrat est
conclu malgré ou grâce à l'information déficiente ; dès lors, les
conséquences de pareille faute se manifestent généralement après la conclusion du
contrat et sont traitées par application du droit des contrats (34).
Ainsi, lorsque le demandeur prouve l'intention frauduleuse du
défendeur, le défaut d'informations constitue un dol, sanctionné par la nullité
du contrat en application de l'article 1116 du Code civil (35). En absence
d'une telle preuve, le défaut d'information est fréquemment traité comme
un cas d'inexécution du contrat : manquement à l'obligation de garantie
des vices cachés ; à l'obligation de délivrance ; au devoir de renseigner
sur les conditions d'utilisation de la chose vendue, etc. (36). La portée de
pareilles obligations contractuelles incluant le devoir d'information est
plus ou moins étendue selon qu'il s'agit d'un professionnel ou d'un
profane. En matière de garantie des vices cachés, en particulier, le
professionnel est présumé de manière irréfragable avoir connu les vices de la chose
vendue au moment de la conclusion et répond donc de l'entier dommage
ainsi causé à l'acheteur profane, en application de l'article 1645 du Code
civil (37).
En l'absence d'obligation contractuelle d'informer, le défaut
d'information peut être traité par application de la responsabilité délictuelle, dès
lors qu'il peut être qualifié de fautif. En cette matière, les juridictions
considèrent le degré respectif des connaissances des deux partenaires. Si

n° 123
(33); Rev.
Pau, tr.14dr.janv.
com.1969,
1987,D.570,
1969,
obs.p. HÉMARD
716 ; Cass. etcorn.
BOULOC.
10 juin 1986, Bull. Civ. IV,
(34) J. SCHMIDT, « La sanction de la faute précontractuelle », art. cité, nos 25 et s.
(35) V. en particulier : Cass. civ. lre, 12 nov. 1987, Bull. civ. I, n°293, où la Cour
censure une décision ayant prononcé l'annulation pour dol sans avoir constaté le caractère
intentionnel du défaut de renseignements allégué.
(36) V. M. ALTER, L'obligation de délivrance dans la vente de meubles corporels,
préf. P. CATALA, 1972, 222 ; La responsabilité des fabricants et distributeurs de produits,
Colloque de l'Université Paris I, 1975 ; J. GHESTIN, Conformité et garanties dans la vente
(produits mobiliers), 1983 ; J. HUET, Responsabilité du vendeur et garantie contre les vices
cachés, 1987, n° 535.
(37) Cass. civ. lre, 24 nov. 1954, J.C.P. 1955, 8565, note H. B. et jurisprudence
constante.
J. SCHMIDT : LA PÉRIODE PRÉCONTRACTUELLE 553

le bénéficiaire de l'information est un professionnel, il doit lui-même


rechercher l'information pertinente et vérifier celle que lui fournit son
cocontractant.
Cette tendance peut être illustrée par une récente affaire relative aux
circonstances de la négociation d'un contrat de concession commerciale.
Le concédant avait conduit le concessionnaire à contracter, notamment
en lui montrant des prévisions de vente pour l'année suivante ; ces ventes
prévisionnelles devaient s'élever à 370 voitures. Or, après avoir passé le
contrat, le concessionnaire ne réussit à vendre que 130 voitures, en raison
du déclin du marché automobile. Au cours du procès, il réclamait à son
ancien concédant des dommages-intérêts sur le fondement des articles
1382 et 1383 du Code civil, au motif que le défendeur avait commis une
faute délictuelle en lui communiquant des renseignements inexacts sur
l'évolution du marché. La demande a été rejetée au motif que le
demandeur était lui-même un professionnel qui aurait pu se procurer
l'information nécessaire afin de vérifier le sérieux des prévisions de son
partenaire (38).
Il apparaît donc que sans remettre en cause le principe de la généralité
de la faute délictuelle, la jurisprudence a tendance à l'appliquer avec
circonspection en matière précontractuelle. La protection de la liberté
contractuelle domine le traitement des problèmes liés à cette période et
seuls sont sanctionnés les comportements déloyaux.

3) Le lien de causalité
La discussion du lien de causalité entre la faute précontractuelle et
le dommage éprouvé par le demandeur peut conduire à des conséquences
pratiques intéressantes. Selon la théorie générale de la responsabilité, il
faut, en effet, que le second soit la conséquence directe de la première.
Or, il n'est pas toujours certain que tel soit le cas en matière de rupture
de pourparlers.
Ainsi par exemple, le fait de proposer un nouveau contrat à des
conditions différentes du précédent n'entraîne pas nécessairement la
rupture de la renégociation (39). De même, les conséquences d'un défaut
d'informations peuvent être analysées de diverses manières. L'omission
de l'information peut avoir soit déterminé le consentement du
cocontractant, soit l'avoir seulement « privé de la connaissance d'un important
élément d'appréciation quant à l'opportunité de la conclusion » (40).
Si le demandeur victime du dommage a lui-même commis une faute,
un partage de responsabilité peut être envisagé. Tel serait, par exemple,
le cas si le demandeur avait engagé en vue de la conclusion du contrat
des dépenses inconsidérées.
L'étude des conditions de la responsabilité précontractuelle dans la
jurisprudence montre qu'elles ne présentent guère d'originalité par rap-

(38) Cass. com. 25 fév. 1986, Bull. civ. IV, p. 33 ; J.C.P. 1988, II, 20995, note
VIRASSAMY
n° 41 ; Rev. tr. ; dr.
Rev.com.
trim.1988,
dr. civ.
121,1987,
obs. 85,
HÉMÀRD
obs. MESTRE
et BOULOC.
; 10 fév. 1987, Bull. civ. IV,
(39) Cf. note J. SCHMIDT, sous Cass. com. 9 fév. 1981, D. 1982, p. 4.
(40) Rennes, 9 juil. 1975, D. 1976, p. 417, note J. SCHMIDT.
554 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1990

port à la théorie générale de la responsabilité délictuelle. L'effort de


discussion et de réflexion a porté principalement sur la définition de la
faute précontractuelle. Le critère de confiance trompée qui la définit n'est
que l'illustration de la notion générale de la faute délictuelle.

B. — Effets de la responsabilité précontractuelle


de nature délictuelle
Le dommage résultant de la rupture des pourparlers précontractuels
ne peut pas, en droit français, donner lieu à une réparation en nature.
Celle-ci consisterait, en effet, dans la conclusion forcée du contrat, à
rencontre de la volonté de l'une des parties qui, par hypothèse, ne
souhaite plus contracter. La Cour de cassation, si elle n'a pas écarté
formellement cette solution, ne l'a pas davantage admise (41). Dans le
domaine contractuel le juge n'a pas, en effet, le pouvoir de substituer sa
volonté à celle des contractants.
Cette solution est la seule compatible avec l'absence d'une obligation
au maintien de l'offre. Si une telle obligation existait, le retrait prématuré
de l'offre serait toujours inefficace, si bien que l'acceptation intervenue
dans le délai formerait le contrat contre la volonté de l'offrant. Or, la
jurisprudence décide que l'offrant peut retirer son offre à tout moment,
tant qu'elle n'a pas été acceptée (42) ; la sanction d'un retrait prématuré
consiste dans la responsabilité délictuelle, non dans la formation forcée
du contrat.
La réparation en nature étant ainsi écartée, seule la réparation par
équivalent peut être admise, sous la forme de dommages et intérêts.
Conformément aux principes généraux de la responsabilité civile
délictuelle, la réparation devra compenser l'entier préjudice éprouvé par le
demandeur, dès lors qu'il satisfait aux conditions du dommage réparable.
S'agissant de la responsabilité délictuelle, le principe de la réparation
intégrale est d'ordre public et conduit donc à l'annulation des clauses
exclusives ou limitatives de l'indemnité (43).
Le montant de l'indemnité est apprécié souverainement par les juges
du fond, qui n'indiquent que rarement les éléments dont ils tiennent
compte pour évaluer la réparation. L'évaluation du dommage est, en effet,
une question de fait qui échappe au contrôle de la Cour de cassation (44).
La réparation doit être calculée indépendamment des clauses pénales
éventuellement prévues dans le contrat projeté, puisque celui-ci n'est pas,
par hypothèse, entré en vigueur. Pour cette raison, il n'est pas davantage
possible d'identifier la réparation aux bénéfices qu'aurait procurés
l'exécution du contrat.

(41) Les arrêts parfois cités en ce sens ne sont pas probants, car les espèces tranchées
concernaient une révocation tardive, déjà précédée de l'acceptation et, par conséquent, de
la formation du contrat : cf. J. SCHMIDT, « La sanction... », art. cité (note 16).
(42) V. les références citées supra, note 30.
(43) H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, Traité théorique et pratique de la
responsabilité civile délictuelle et contractuelle, t. III, vol. 2, 6e éd., 1983, n° 2570.
(44) Cass. crim. 3 déc. 1969, J.CP. 1970, II, 16353 et jurisprudence constante.
J. SCHMIDT : LA PÉRIODE PRÉCONTRACTUELLE 555

II apparaît donc que la responsabilité précontractuelle obéit aux


conditions et produit les effets habituels de la responsabilité civile délic-
tuelle. Cette absence d'originalité souligne le rôle que le régime de droit
commun joue en tant que sanction de principe de la faute précontractuelle.
La responsabilité délictuelle est, cependant, en droit français, exclue
par l'existence d'un contrat, fût-il préliminaire. Or, on observe la
multiplication de tels accords couvrant la période précontractuelle, qui se trouve
ainsi soumis au régime de la responsabilité contractuelle.

II. LA NÉGOCIATION DU CONTRAT,


SOURCE DE RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE
La négociation d'un contrat peut donner lieu à la passation d'avant-
contrats, destinés à préparer l'accord définitif au moyen de la création
d'obligations spécifiques. L'inexécution de tels contrats préparatoires est,
évidemment, sanctionnée par la responsabilité contractuelle. Les avant-
contrats ne donnent pas toujours lieu à un accord exprès, ce qui rend
souvent difficile la mise en œuvre des conditions et des conséquences de
la responsabilité contractuelle à leur propos.

A. — Les conditions de la responsabilité précontractuelle


de nature contractuelle
La mise en œuvre de la responsabilité contractuelle suppose,
conformément aux règles générales, la preuve de l'existence d'un contrat et
celle de son inexécution (45). Il est intéressant de vérifier comment ces
conditions sont appliquées s'agissant d'un avant-contrat.
1) Existence d'un avant-contrat
En droit français, les manifestations de volonté échangées pendant
la période précontractuelle sont facilement considérées comme formant
des contrats préparatoires. Cette situation s'explique par l'assouplissement
jurisprudentiel des moyens et de l'objet de la preuve des avant-contrats.
a) Moyens de preuve de l'avant-contrat
L'existence d'un avant-contrat est plus ou moins difficile à admettre
selon les moyens de preuve exigés. Si l'on admet la nature contractuelle
de ces conventions, on devrait exiger que la preuve de leur existence fût
apportée par écrit, conformément à l'article 1341 du Code civil. Or, les
manifestations de volonté auxquelles donne lieu la période
précontractuelle sont souvent peu formalisées. Les assouplissements que la
jurisprudence a apportés à l'exigence de la preuve écrite des actes juridiques (46)
présentent donc un intérêt particulier à propos des avant-contrats.

(45) H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, op. cit., n05 396
et s.
(46) V. à ce sujet, J. GHESTIN et G. GOUBEAUX, Traité de droit civil, t. 1,
Introduction générale, 2e éd., 1983, nos 567 et s. ; D. DENIS, « Quelques aspects de
l'évolution récente du système des preuves en droit civil », Rev. trim. dr. civ. 1977, 671.
556 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 2-1990

La preuve écrite est en principe exigée pour établir l'existence et


le contenu de tout contrat, quel que soit son mode de conclusion. La
jurisprudence applique cette règle à la preuve du contrat explicite, mais
se montre plus hésitante à propos des contrats tacites (47). Le contrat est
considéré comme tacite si le consentement n'est pas déclaré par la parole
ou l'écriture, mais résulte de certains faits, actes, ou circonstances.
L'existence d'un contrat est parfois déduite de ces éléments, en
particulier d'actes d'exécution, de relations d'affaires, de famille, ou même
d'amitié entre les intéressés.
La notion de contrat tacite a des applications importantes en matière
de mandat (48). En admettant facilement l'existence d'un mandat tacite,
la jurisprudence a « rompu avec les principes du droit des contrats, aussi
bien sur le plan de la conclusion des contrats, que sur celui de leur preuve,
ce qui a permis d'ailleurs une extension remarquable de ces mandats
particuliers » (49). Or, le contrat de mandat est, fréquemment, un contrat
préparatoire, en ce sens qu'il est l'accessoire d'un autre contrat, dont il
vise à préparer la conclusion. La jurisprudence déduit souvent l'existence
d'un tel contrat de circonstances de fait. Il a été jugé, par exemple, que
le fait pour une personne d'avoir discuté la vente de sa maison avec une
autre, puis de s'être rendue avec celle-ci chez le notaire et d'avoir, enfin,
assisté aux opérations de bornage, suffisait à prouver l'existence d'un
mandat tacite donné au notaire pour la vente de la propriété (50).
D'autres fois, la preuve du mandat est tirée d'actes d'exécution ou
d'usages. Il a, par exemple, été admis qu'un organisme de prêt était
investi d'un « mandat tacite sinon de procurer à l'emprunteur la garantie
prévue par le contrat d'assurance, qui était subordonnée à l'accord de
l'assureur, du moins d'effectuer dans ce but toutes les démarches ou
interventions utiles » (51).
Lorsque la preuve du mandat ne peut être rapportée, la jurisprudence
découvre fréquemment dans les circonstances la preuve d'un mandat
apparent. Dans ce cas, il ne s'agit plus de prouver un contrat qui n'existe
pas, mais des faits dont résulte une apparence créatrice de droits. Or, la
preuve des faits juridiques est libre : le mandat apparent peut donc être
prouvé par tous moyens (52).

(47) P. GODÉ, Volonté et manifestations tacites, 1977, p. 25 et s.


(48) R. NERSON, « La volonté de contracter », Mélanges Secrétan, 1968, p. 209 et
s. ; A. RIEG, « Les modes non formels d'expression en droit civil et commercial français :
Rapport français », in Travaux de l'Association Henri Capitant, 1968, p. 51 et s. ; C. LA-
ZERGES, « Les mandats tacites », Rev. trim. dr. civ. 1975, p. 222 ; P. DIENER, Le silence
et le droit (Thèse), Bordeaux, 1975, p. 39.
(49) C. LAZERGES, art. cité, n° 15.
(50) Cass. civ. 3e, 12 mars 1969, Bull. civ. III, n° 224.
(51) Rennes, 9 juil. 1975, préc.
(52) J. LÉAUTE, « Le mandat apparent dans ses rapports avec la théorie générale de
l'apparence », Rev. trim. dr. civ. 1947, p. 298 et s. ; J. CALAIS-AULOY, Essai sur la
notion d'apparence en matière commerciale, (Thèse) Montpellier, 1959 ; P. LESCOT, « Le
mandat apparent », J.C.P. 1964, I, 2007.
J. SCHMIDT : LA PÉRIODE PRÉCONTRACTUELLE 557

b) L'objet de la preuve
En présence de moyens de preuve adéquats, il reste à déterminer
l'objet à prouver. Or, il suffit de prouver l'existence d'un accord portant
sur une obligation précise pour que pareil accord soit qualifié de
contractuel. Le droit français est, en effet, dominé par l'idée que le consentement
— et non la cause — est nécessaire et suffisant à l'existence d'un
contrat (53). Une obligation contractuelle peut porter sur un objet
quelconque, pourvu qu'il ne soit pas contraire à l'ordre public ou aux bonnes
mœurs (art. 6, C. civ.). La notion française de « cause » — au sens
de contrepartie de l'engagement — est suffisamment large pour ne pas
constituer un obstacle à l'existence des avant-contrats (54). Un contrat
peut donc valablement avoir pour objet l'obligation de négocier ou de
conclure un autre contrat (55).
Dans une affaire récente, la Cour de cassation a, par exemple, admis
la validité d'un contrat préparatoire relatif à la constitution d'une société.
La preuve était rapportée sur la base d'un procès-verbal de réunion que
les parties étaient d'accord sur l'objet de la future société, l'importance
et la nature des apports, ainsi que la rémunération du gérant. La Cour
déclara qu'un tel accord « excédait le stade des simples pourparlers » et
constituait une promesse de société. Le refus de l'une des parties de
participer ultérieurement aux formalités de constitution s'analysait en un
refus d'exécuter ladite promesse (56).
Un document quelconque peut donc servir de preuve de l'existence
d'un avant-contrat, dès lors qu'il exprime de manière suffisamment claire
l'intention d'être lié par une obligation précise. Le principal problème
est, dès lors, d'interpréter l'intention des parties exprimée dans un tel
document. La solution est souvent délicate, en raison de l'imprécision des
manifestations de volonté émises pendant les pourparlers. En particulier,
ces échanges préliminaires sont parfois matérialisés par des « lettres
d'intention », documents envisageant de manière plus ou moins vague la
conclusion d'un contrat futur (57). La Cour de cassation exerce son

(53) P. LOUIS-LUCAS, Volonté et cause : essai sur le rôle respectif des éléments
générateurs du lien obligatoire en droit privé, (Thèse) Dijon, 1918 ; H. CAPITANT, De la
cause des obligations, 3e éd., 1927 ; R. DAVID, « Cause et "consideration" », Mélanges
Jacques Maury, 1960, p. 111 et s. ; A. RIEG, Le rôle de la volonté dans l'acte juridique en
droit civil français et allemand, préf. R. PERROT, 1961 ; B. S. MARKESINIS, « Cause
and consideration : a study in parallel », Cambridge Law Jour., vol. 37, 1978, p. 52 et s.
(54) La cause peut consister non seulement dans une contrepartie économique
immédiate, mais encore dans une prestation reçue dans le passé ; dans un intérêt économique
quelconque, où même dans un intérêt purement moral. Ainsi, par exemple, dans une
promesse unilatérale de vente, la cause de l'obligation du bénéficiaire de verser au
promettant une somme d'argent consiste dans l'intérêt qu'il éprouve à la passation du contrat
définitif : Cass. com. 23 juin 1958, D. 1958, 581, note P. MALAURIE ; J.C.P. 1958, II,
10857, note P. E.
(55) J. SCHMIDT, op. cit., nos 371 et s. ; J. CEDRAS, « L'obligation de négocier »,
Rev. trim. dr. civ. 1983, p. 265 et s. ; M. GÉNINET, Théorie générale des avant-contrats
en droit privé (Thèse) Univ. Paris II, 1985, nos 359 et s., p. 311.
(56) Cass. com. 28 avril 1987, Bull. civ. IV, n° 104.
(57) M. FONTAINE, « Les lettres d'intention dans la négociation des contrats
internationaux », Rev. droit et prat. du comm. int., 1977, p. 109 et s. ; M. LUTTER, Der Letter
558 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1990

contrôle sur la qualification de pareilles déclarations de volonté. La valeur


juridique de telles lettres varie en fonction des expressions employées et
du contenu de l'ensemble du document. Le facteur le plus probant est,
sans doute, le degré de précision quant aux éléments du contrat projeté
et le degré de fermeté de la volonté exprimée. L'expression « avoir
l'intention de s'engager » équivaut à « prendre l'engagement », dès lors
que le contenu de l'engagement est clair et précis.
Ainsi, dans le domaine des relations de travail, un candidat à
l'embauche est parfois provisoirement éconduit au bénéfice d'une promesse
plus ou moins vague que sa demande sera prise en considération
ultérieurement. La Cour de cassation a admis l'existence d'un accord de
négociation à partir de la lettre suivante, écrite par un employeur : «... dès
que la reprise de l'activité automobile le permettra, nous examinerons à
nouveau la possibilité de le réintégrer dans l'entreprise ». La Cour a
considéré qu'il ne s'agissait pas d'un « engagement ferme de réintégrer
M., mais d'examiner, selon la prospérité et l'évolution de l'entreprise,
la possibilité de le réintégrer, ce qui ne constituait qu'un accord de
principe » (58). Dans le domaine des relations financières, les « lettres de
confort », adressées par une société-mère à la banque de sa filiale sont
généralement interprétées comme constituant un avant-contrat de
garantie au profit du destinataire (59).
Un conflit peut apparaître, à ce stade, entre la volonté exprimée dans
la lettre et la volonté réelle de son rédacteur. Si la volonté exprimée n'est
pas claire, elle doit être interprétée afin de découvrir l'intention réelle,
qui est seule, en principe, source d'obligations. La jurisprudence récente
tend toutefois à privilégier la volonté déclarée, en considérant la
signification objective que le destinataire a pu lui attribuer. La Cour de cassation
a ainsi admis que constituait une offre de renouvellement d'un contrat de
concession commerciale la lettre d'intention rédigée en termes suivants :
« Nous avons le plaisir de vous proposer, pour l'année 1975, un nouveau
contrat de concession dont les diverses dispositions vous seront précisées
d'ici la fin de l'année en cours ». L'auteur de la lettre a, en vain, soutenu
qu'« il n'entrait pas dans ses prévisions » de renouveler le contrat
antérieur, mais de proposer un nouveau contrat, à des conditions
éventuellement différentes. Il lui fut répondu que le destinataire « était fondé à s'en
tenir... aux engagements résultant de la lettre » (60). Cette interprétation
a permis de traiter la réparation en termes de responsabilité contractuelle.

of Intent, 1983 ; R. B. LAKE, « Letters of Intent : a Comparative Examination under


English, U.S., French and West German Law », 18 Ceo. Wash. J. of Int., 1 Law & Econ.,
1984, p. 331 et s.
(58) Cass. soc. 24 mars 1958, J.C.P. 1958, II, 10868, note J. CARBONNIER.
(59) M. VASSEUR, Droit et économie bancaires, 2e éd., 1979-1980, t. 3, p. 1029. V.
par ex. : Cass. com. 21 dec. 1987, J.C.P. 1988, II, 21113, concl. MONTANIER ; Rev.
sociétés, 1988, 402, obs. SYNVET ; D. 1989, 112, note BRILL ; Rev. trim. dr. com. et
écon. 1989, 252, obs. REINHARD ; Versailles, 12e eh., 5 mai 1988, J.C.P. 1988, éd. E,
II, 15360, note P. ESTOUP v. M. BELLIS et al., Les lettres de patronnage, Ed. Feduci,
1984.
(60) Cass. com. 9 fév. 1981, D. 1981, p. 4, note J. SCHMIDT.
J. SCHMIDT : LA PERIODE PRECONTR ACTUELLE 559

Pour que l'existence d'un engagement contractuel soit exclue, il faut


donc que l'intéressé indique clairement qu'il n'a pas l'intention de
s'engager contractuellement. Les effets de telles réserves ont été examinés
dans une affaire récente, où la cliente d'un night-club avait accroché son
manteau sur un portemanteau au-dessus duquel une affiche prévenait la
clientèle que l'établissement n'acceptait pas d'être dépositaire des
vêtements. La Cour de cassation décida qu'aucun contrat de dépôt n'a pu se
former entre les intéressés (61).
La jurisprudence admet également la présence d'un engagement
contractuel dans le cas, plus discutable, où une personne a exprimé sa
volonté de s'engager « moralement » (62). Un « engagement d'honneur »
revêt, ainsi, une force obligatoire dès lors qu'il est formulé en termes
clairs et précis (63) . Un engagement juridique peut également résulter de
la transformation d'une obligation naturelle en obligation civile (64). Les
prestations de services gratuits, longtemps maintenus par la jurisprudence
en dehors du domaine contractuel, sont aujourd'hui qualifiés de contrats,
cette qualification reposant sur un consentement fictif (65). La
jurisprudence décide, paradoxalement, que le transport gratuit n'est pas un
contrat, « faute d'obligations assumées par le transporteur » (66).
En définitive, dans un droit des contrats dominé par le consensua-
lisme et le laxisme jurisprudentiel en matière de preuve de la volonté de
contracter, l'existence d'un avant-contrat peut être facilement admise. Or,
la complexité croissante des pourparlers multiplie les manifestations de
volonté qui envisagent la conclusion du contrat futur. La période
précontractuelle a ainsi davantage de chances d'être enserrée dans le cadre
d'un avant-contrat. Pour que pareil accord préliminaire soit source de
responsabilité précontractuelle, encore faut-il établir son inexécution.
2) Inexécution de l'avant-contrat
L'inexécution d'un avant-contrat constitue une faute contractuelle
qui doit être recherchée conformément aux principes généraux de la
responsabilité contractuelle. Sa preuve implique la comparaison entre le
comportement effectif du débiteur et le contenu de son obligation. Or,

(61) Cass. civ. lre, 1er mars 1988, Bull, civ. I, n° 57.
(62) B. OPPÉTIT, « L'engagement d'honneur », D. 1979, chr., p. 107 et s.
(63) Cass. com. 23 dec. 1968, Bull. civ. IV, n° 374 ; Rev. trim. dr. civ. 1969, 555 ; 10
janv. 1972, Bull. civ. IV, n° 13 ; J.C.P. 1972, II, 17134, note GUYON ; Cass. civ. 2e, 27
nov. 1985, Bull. civ. II, n° 178 ; Rev. trim. dr. civ. 1986, 749, obs. MESTRE.
(64) Cass. soc. 9 nov. 1978, Bull. civ. V, n° 753 ; Cass. civ. lre, 16 juil. 1987, Bull. civ.
I, n° 224 ; Rev. trim. dr. civ. 1988, 133, obs. MESTRE ; 21 juil. 1987, Bull. civ. I, n° 246 ;
Rev. trim. dr. civ. 1988, passim.
(65) Cass. civ. lre, Ier dec. 1969, D. 1970, 422, note PUECH ; J.C.P. 1970, II, 16445,
note J.-L. AUBERT ; 15 mai 1984, Bull. civ. I, n° 163 ; Rev. trim. dr. civ. 1985, 389, obs.
J. HUET ; Cass. soc, 21 juil. 1986, Bull. civ. V, n° 412 ; Rev. trim. dr. civ. 1987, 532, obs.
MESTRE.
(66) Les dommages causés aux passagers sont réglés par application de l'art. 1384,
al. 1er, C. civ. : Cass. Ch. mixte, 20 déc. 1968, 2 arrêts, D. 1969, 37, concl. SCHMELCK ;
Rev. trim. dr. civ. 1969, 333, obs. G. DURRY. Les dommages causés aux passagers lors
d'un accident de la circulation sont réparés selon la loi du 5 juillet 1985, quel que soit le
régime juridique du transport.
560 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1990

les obligations créées par un avant-contrat varient selon qu'il envisage la


négociation du contrat définitif, ou la conclusion de celui-ci.
a) Contrats préliminaires envisageant la négociation du contrat
définitif
Les négociateurs peuvent envisager les pourparlers eux-mêmes, non
pas, évidemment, comme une fin en soi, mais comme le moyen de parvenir
dans de bonnes conditions à la conclusion du contrat projeté. Lorsqu'ils
concluent des accords préliminaires relatifs à la négociation, c'est,
généralement, pour satisfaire deux objectifs possibles : soit créer à la charge de
l'une des parties (ou de toutes les parties) l'obligation de négocier, soit
organiser la négociation en réglant par avance certains problèmes qu'elle
peut poser.

1) Inexécution de l'obligation de négocier le contrat définitif


II peut être opportun de créer l'obligation de négocier, car on peut
espérer que la négociation sera couronnée de succès et débouchera sur la
conclusion du contrat envisagé. La convention de négociation a pour
principal effet la création d'une obligation de discuter les conditions
d'un contrat futur dont la nature et l'objet principal sont connus. Cette
obligation porte sur deux prestations : entreprendre la discussion
(obligation de résultat) et la conduire de bonne foi (obligation de moyens) (67).
Comme toute obligation, l'obligation de négocier doit être exécutée
de bonne foi, conformément à la règle posée par l'article 1134, alinéa 3 du
Code civil (68). Les parties sont donc tenues de formuler des propositions
sérieuses, en rapport avec l'objet et l'importance économique du contrat
considéré et, de manière générale, d'avoir une attitude active et positive
dans la recherche de l'accord définitif (69). L'accord de négociation
n'oblige pas, en revanche, à conclure effectivement le contrat
envisagé (70). S'il paraît impossible de parvenir à un accord sur les conditions
du contrat définitif, les parties peuvent rompre sans indemnité, dès lors
que l'obligation de bonne foi a été respectée.
Le « pacte de préférence » est un cas particulier d'accord de
négociation. Ce contrat préliminaire est une convention par laquelle une personne
s'engage envers une autre à ne pas conclure avec des tiers un contrat
déterminé avant de lui en avoir proposé la conclusion aux mêmes condi-

(67) J. SCHMIDT, op. cit., nœ 379 et s.


(68) J.-L. FAGNIART, « L'exécution de bonne foi des conventions : un principe en
pleine expansion », Rev. crit. jurisp. belge, 1986, p. 282 et s. ; J. MESTRE, « L'évolution
du contrat en droit privé français », Rapport aux Journées René Savatier, L'évolution
contemporaine du droit des contrats, 1986, p. 41 et s.
(69) Cass. civ. lre, 8 oct. 1968, Bull. civ. I, n° 419 : le refus de poursuivre la discussion
d'un projet de société constitue une faute ; Cass. civ. 3e, 16 avril 1973, Bull. civ. III, n° 287 :
l'attitude « strictement négative » d'un loueur qui refuse de faire connaître ses conditions
de location constitue une faute justifiant des dommages et intérêts sur le fondement de la
perte d'une chance « de voir consacrer les espérances du locataire ».
(70) Paris, lre ch. A, 28 sept. 1976, J.C.P. 1978, II, 18810, note ROBERT ; J.C.P.
1978, éd. CL, 12736, note J. ROBERT ; Rev. Arbitrage, 1977, 341 ; Journ. not. 1978, 74,
obs. M. VASSEUR : Cass. soc, 19 déc. 1989, pourvoi n° 88-13.388.
J. SCHMIDT : LA PERIODE PRÉCONTRACTUELLE 561

tions (71). L'obligation principale du promettant porte donc, d'une part,


sur une abstention : ne pas contracter avec des tiers, et, d'autre part, sur
une prestation : offrir au bénéficiaire la conclusion par préférence aux
tiers. L'inexécution du pacte de préférence consiste soit dans la conclusion
du contrat définitif avec un tiers, sans l'avoir au préalable proposé au
bénéficiaire, soit dans la conclusion de ce contrat avec un tiers à des
conditions meilleures que celles offertes au bénéficiaire.
La jurisprudence connaît de nombreux litiges opposant le promettant
au bénéficiaire à propos de la détermination de la nature et du contenu
du contrat définitif conclu avec un tiers. Le promettant doit communiquer
au bénéficiaire tous les éléments de l'offre susceptibles de déterminer son
consentement au contrat projeté : non seulement, par exemple, le
montant du prix, mais encore les intérêts en cas de paiement fractionné et les
délais de paiement. Cette information doit permettre au bénéficiaire de
comparer les conditions qui lui sont proposées avec celles faites aux tiers
ou par eux. Constitue, par exemple, un cas d'inexécution du pacte de
préférence, le fait d'accorder à un tiers des délais de paiement, alors
qu'un paiement au comptant avait été exigé du bénéficiaire (72).
2) Inexécution des obligations organisant la négociation
Les parties peuvent éprouver le besoin d'organiser la négociation
elle-même, en réglant par avance certains problèmes qu'elle peut
éventuellement poser. Lorsque la négociation présente une certaine complexité,
il peut être opportun de diviser la difficulté au moyen de « contrats
partiels » ; lorsqu'elle présente une certaine durée, il peut être utile de
passer des « contrats temporaires », réglant les obligations des parties
pendant les pourparlers.
a) Les contrats partiels
II s'agit de conventions passées au cours des pourparlers, par
lesquelles les parties « fixent les points de la négociation sur lesquels elles sont
d'ores et déjà d'accord » (73). La responsabilité « précontractuelle » née
de l'inexécution d'un tel accord dépend des effets juridiques que l'on peut
lui reconnaître. Le problème est de savoir si l'accord partiel est, à lui
seul, suffisant à l'existence du contrat définitif. Dans le premier cas, son
inexécution sera traitée comme l'inexécution de celui-ci ; dans le second,
l'entrée en vigueur de ses effets sera subordonnée à la conclusion de
l'accord définitif.

(71) G. DURRY, Les restrictions conventionnelles au libre choix de la personne du


cocontractant, (Thèse) Paris, 1957 ; J. SCHMIDT, op. cit., nos 385 et s. ; R. GROSLIÈRE,
« Le droit de préemption. Préférence ou retrait », J.C.P. 1963, I, 1769 ; M. FONTAINE,
« Les clauses d'offre concurrente, du client le plus favorisé et la clause de premier refus
dans les contrats internationaux », Rev. droit et prat. du comm. int., 1978, p. 189 et s. ;
F. COLLART-DUTILLEUL, Les contrats préparatoires à la vente d'immeuble, 1988, nos 86
et s. ; M. DAGOT, Le pacte de préférence, 1987.
(72) Cass. req. 12 janv. 1926, D.H. 1926, 116.
(73) A. RIEG, « "La Punctation". Contribution à l'étude de la formation successive
du contrat »_, Mélanges Alfred Jauffret, 191 A, p. 593 ; J. SCHMIDT, op. cit., nœ 455 et s. ;
B. TEYSSIE, Les groupes de contrats, préf. J.-M. MOUSSERON, 1975, n° 27.
562 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 2-1990

La réponse a cette question peut être donnée par les parties elles-
mêmes : elles peuvent décider soit que l'accord partiel est insuffisant, soit
qu'il est, au contraire, suffisant à la formation du contrat définitif (74).
Lorsque les relations entre un accord partiel et le contrat définitif
qu'il prépare n'ont pas été envisagées par les parties, leur détermination
pose des problèmes différents selon que l'accord partiel est un fragment
d'un contrat unique, ou d'un ensemble plus vaste.
L'accord partiel fragment d'un contrat définitif unique vaut
conclusion de celui-ci, s'il porte sur tous les éléments pouvant être qualifiés
d'essentiels. Pareil accord est nécessaire et suffisant à la perfection du
contrat : peu importe que des points accessoires demeurent encore en
discussion. Cette solution est induite de l'article 1583 du Code civil, qui
dispose à propos de la vente : « Elle est parfaite entre les parties... dès
qu'on est convenu de la chose et du prix... ». Aux éléments essentiels en
fonction de la nature du contrat, peuvent s'ajouter des éléments que les
parties ont volontairement qualifiés d'essentiels (75).
Lorsque la réalisation d'une opération économique nécessite
plusieurs contrats différents, chacun d'eux peut être considéré comme un
accord partiel au regard de l'ensemble contractuel (76). Or, la conclusion
de l'un des contrats de l'ensemble ne peut jamais valoir conclusion des
autres. Le seul problème est de savoir si un accord partiel peut produire
ses effets spécifiques immédiatement, ou si son efficacité est subordonnée
à la conclusion des autres contrats de l'ensemble. Lorsque la loi n'établit
pas de relations spécifiques entre deux contrats (77), il convient de
rechercher, sur ce point, la volonté des parties.

b) Les contrats temporaires


Un avant-contrat peut avoir pour objet d'organiser la négociation,
en réglant, par exemple, ses délais, ses modalités financières, ou en
imposant certaines obligations spécifiques pendant la durée des
pourparlers (exclusivité des négociations ; confidentialité ; non-exploitation
des inventions, etc.).
L'inexécution de pareilles obligations est traitée selon les règles
générales de la responsabilité contractuelle. Les accords temporaires prévoient
parfois des clauses limitant la responsabilité en cas de rupture des
pourparlers.

(74) La chronique précitée de M. FONTAINE, « Les lettres d'intention... », contient


des exemples de documents précontractuels dont certains règlent la valeur juridique des
accords partiels. La clause de la pratique anglo-saxonne : « Subject to contract » a pour effet
de suspendre l'efficacité de tels accords jusqu'à la conclusion définitive.
(75) Par ex. : Cass. civ. 3e, 14 janv. 1987, J.C.P. 1987, IV, 96, à propos de l'obligation
d'entretien technique, considérée comme essentielle dans une vente d'ordinateur.
(76) B. TEYSSIÉ, Les groupes de contrats, op. cit., n° 27.
(77) Tel est le cas, par exemple, de la loi du 13 juil. 1979 sur la protection de
l'emprunteur en matière de crédit immobilier : l'efficacité du prêt est subordonnée à la
conclusion de la vente ; à l'inverse, les ventes d'immeubles à crédit sont conclues sous la
condition suspensive de l'obtention du prêt qui en assure le financement.
J. SCHMIDT : LA PÉRIODE PRÉCONTRACTUELLE 563

c) Contrats préliminaires envisageant la conclusion du contrat définitif


Le plus sûr moyen de favoriser la conclusion du contrat définitif
consiste à fixer, dans un contrat préparatoire, le consentement au contrat
futur envisagé. Selon que l'une des parties ou toutes les parties donnent
leur consentement au contrat définitif, il s'agit soit d'une promesse
unilatérale de contrat, soit d'une promesse synallagmatique.
Dans le cas d'une promesse unilatérale de contrat, l'obligation
caractéristique du promettant consiste à maintenir son consentement à la
disposition du bénéficiaire pendant le délai d'option et à s'abstenir,
corrélativement, de tout comportement qui compromettrait la réalisation du contrat
définitif (78).
La faute le plus souvent reprochée au promettant consiste à avoir
conclu le contrat envisagé avec un autre que le bénéficiaire de la promesse,
mais peut aussi consister, tout simplement, dans le retrait de son offre.
La conclusion du contrat avec un tiers est une faute même si ce
contrat n'est pas identique à celui envisagé dans la promesse, dès lors que
son existence diminue l'avantage économique attendu par le bénéficiaire
de la conclusion du contrat projeté. Il a été jugé par exemple, qu'une
constitution d'hypothèque sur l'immeuble objet d'une promesse de vente
constituait une violation de celle-ci, car « le droit de propriété, transmis
à la levée de l'option, se trouve réduit », bien que la conclusion du
contrat projeté demeure possible (un immeuble hypothéqué peut être
vendu) (79).
Le comportement du promettant n'est pas, en revanche, critiquable,
si le contrat qu'il a conclu avec un tiers porte sur un objet différent de
celui du contrat envisagé dans la promesse. Ainsi, si la promesse porte
sur la conclusion d'un contrat translatif de droit réel (par ex. : promesse
de vente), le promettant peut conférer à des tiers des droits personnels
à propos de la chose objet de la promesse (80). La preuve de l'intention
frauduleuse permet, néanmoins, toujours d'engager la responsabilité du
promettant (81).
Des problèmes analogues naissent à propos de l'inexécution de la
promesse synallagmatique de contrat. Dans ce cas, ce n'est pas tant la
qualification de l'inexécution, que celle de ses sanctions qui suscite des
difficultés.

«LaDe
promesse
(78)
la notion
L. BOYER,
dedecontrat,
promesse
Encycl.
(Thèse)
unilatérale
Dalloz,
Lyon,Rép.
»,1973
J.C.P.
dr.; civ.,
J. VIATTE,
1970,
V, Promesse
I, 2357
« Labis
depromesse
vente
; P. FIESCHI-VIVET,
: B. unilatérale
BOCCARA, de
vente », Gaz. Pal. 1973, 1, doctr., p. 67 ; J. SCHMIDT, op. cit., n08 486 et s. ; F. BENAC-
SCHMIDT, Le contrat de promesse unilatérale de vente, préf. J. GHESTIN, Paris, 1983 ;
F. COLLART-DUTILLEUL, op. cit., nœ 12 et s.
(79) Cass. ciy. 10 avril 1948, D. 1948, 421, note LENOAN ; J.C.P. 1948, II, 4403,
note E. BECQUÉ.
(80) Le promettant peut, par ex., conclure des contrats de bail : Trib. civ. Seine, 12
nov. 1925, Gaz. Pal. 1926, 1, 96.
(81) Bordeaux, 13 janv. 1955, J.C.P. 1955, IV, 63, où une société avait été constituée
dans le seul but de faire échec à la promesse de vente et à laquelle il n'a été apporté que
le bien objet de la promesse.
564 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 2-1990

B. — Les effets de la responsabilité précontractuelle


de nature contractuelle
La première question est de savoir si la réparation en nature est
envisageable en cas de dommage causé par l'inexécution d'un avant-
contrat.
Lorsque l'obligation inexécutée avait pour objet la négociation du
contrat définitif, la réparation en nature ne paraît pas possible. Elle
consisterait, en effet, dans la négociation forcée du contrat, solution peu
réaliste et qui aurait peu de chances d'aboutir à un succès. Parce que
l'obligation de négocier ne s'identifie pas à l'obligation de conclure le
contrat projeté, l'exécution forcée ne peut constituer une mesure
satisfaisante pour le créancier. On pourrait, de plus, lui opposer l'article 1142
du Code civil, selon lequel les obligations de faire sont insusceptibles
d'exécution forcée (82). La violation de l'obligation de négocier ne peut
donc se résoudre qu'en dommages et intérêts. Leur montant sera limité,
conformément aux règles de la responsabilité contractuelle, d'une part, à
la réparation du préjudice prévisible, et, d'autre part, selon le contenu
des clauses pénales ou limitatives éventuellement prévues dans le contrat
préparatoire inexécuté.
L'exécution forcée en nature pose des problèmes délicats à propos
des promesses synallagmatiques de contrats (en particulier en ce qui
concerne les promesses de vente d'un immeuble).
La promesse synallagmatique est un contrat par lequel les parties
donnent leur consentement au contrat définitif, mais prévoient
l'accomplissement d'une formalité supplémentaire. La première difficulté consiste
à savoir s'il s'agit d'un contrat préliminaire, ou du contrat définitif.
Une convention comportant l'accord des parties sur les éléments
essentiels d'un contrat constitue, en principe, ce contrat lui-même, dès
lors qu'il est consensuel. L'accord sur les éléments essentiels d'un contrat
consensuel est, en effet, nécessaire, mais aussi suffisant à la formation
d'un tel contrat. Un désaccord sur les éléments accessoires ne fait pas
obstacle à l'existence du contrat (83). Cette règle générale est illustrée
par l'article 1589 du Code civil à propos de la vente : « la promesse de
vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des parties sur la
chose et sur le prix ». En conséquence, lorsque les parties à une promesse
synallagmatique de contrat consensuel prévoient l'accomplissement d'une
formalité spécifique, telle qu'un acte authentique, cette disposition est
présumée constituer une simple modalité d'exécution du contrat définitif.
L'inexécution d'une telle « promesse » est donc traitée comme celle
du contrat définitif .Si l'une des parties refuse de participer à
l'accomplissement de la formalité conventionnellement prévue (en particulier à la

(82) W. JEANDIDIER, « L'exécution forcée des obligations contractuelles de faire »,


Rev. trim. dr. civ. 1976, p. 700 et s. ; Cass. com. 7 mars 1989, J.C.P. 1989, II, 151617,
concl. JEOL, note REINHARD.
(83) Cass. civ. 3e, 16 juil. 1974, D. 1974, 681, note MALAURIE ; Rép. Defrénois,
1975, art. 30882, n° 3, p. 383, note AUBERT ; Cass. com. 1er avril 1980, J.C.P. éd. C.I.,
1980, I, 8848.
J. SCHMIDT : LA PÉRIODE PRÉCONTRACTUELLE 565

passation de l'acte authentique), elle peut être mise en demeure, puis


condamnée sous astreinte à le faire (84). Au besoin, un jugement
constatera l'existence du consentement et tiendra lieu d'acte authentique
nécessaire à l'opposabilité des tiers des contrats en matière immobilière (85).
Le principe du consensualisme laisse toutefois aux parties le libre
choix de la forme sous laquelle elles entendent exprimer leur
consentement. Elles peuvent donc convenir que la formation du contrat définitif
qu'elles envisagent sera soumise à l'accomplissement d'une formalité non
prévue par la loi. Pareille dérogation suppose une volonté clairement
exprimée en ce sens (86). Dès lors qu'un doute existe quant au rôle que
les parties ont entendu attribuer à la formalité envisagée, celle-ci doit être
considérée comme une simple modalité d'exécution du contrat définitif.
Le droit français se sépare sur ce point de nombreuses solutions
étrangères. Les législateurs allemand (art. 154 B.G.B.), suisse (art. 16 C. obi.),
autrichien (art. 884 C. civ.), italien (art. 1352 C. civ.) décident que les
formes conventionnelles sont présumées être une condition de validité du
contrat futur.
Lorsque les parties ont clairement indiqué que la formalité prévue
était une condition de formation du contrat définitif, celui-ci n'est plus un
contrat consensuel, mais devient formaliste. Dans le cas, fréquent, où la
formalité consiste dans la passation d'un acte authentique, les parties
s'engagent à « réitérer leur consentement » devant un officier public,
comme dans un contrat solennel au sens strict (où la formalité est d'origine
légale). Il ne paraît pas possible d'admettre l'exécution forcée de
l'obligation de donner son consentement à un contrat. L'article 1142 du Code
civil prohibant l'exécution forcée des obligations de faire est, en effet,
interprété par la jurisprudence comme s'opposant à la condamnation à
exécuter une obligation à caractère personnel. Il n'est pas davantage
possible d'admettre qu'un jugement tienne lieu d'acte authentique : un
tel jugement aurait pour effet d'apporter au contrat un élément essentiel
à sa formation. La sanction de l'inexécution ne peut donc consister que
dans la résolution de la promesse éventuellement assortie de dommages
et intérêts. Cette solution est en harmonie avec celle appliquée aux
promesses synallagamatiques de contrat solennel, qui créent une obligation de
faire dont l'inexécution est sanctionnée par des dommages et intérêts (87).
Il est difficile d'isoler le régime spécifique des sanctions qui
s'attachent à l'inexécution des promesses synallagmatiques de contrat
consensuel, car les contractants ne précisent généralement pas suffisamment le

(84) Cass. req. 28 mars 1912, S. 1913, 1, 11 ; Cass. civ. Ve, 25 nov. 1959, Bull. civ.
I, n° 500 ; 15 déc. 1970, Bull. civ. I, n° 333.
(85) Cass. civ. 3e, 22 nov. 1968, Bull. civ. III, n° 494 ; 28 avril 1981, Rev. dr. immobilier,
1982, 101, obs. GROSLIÈRE et JESTAZ ; 2 fév. 1983, Bull. civ. III, n° 34 ; Rép. Defrénois,
1983, 1585, obs. VERMELLE.
(86) Cass. req. 4 mai 1936, D.H. 1936, 313 ; Cass. civ. 3e, 14 janv. 1987, D. 1988, 80,
note J. SCHMIDT-SZALEWSKI.
(87) Cass. civ. 3e, 7 janv. 1987, Bull. civ. III, n° 4 ; Rép. Defrénois, 1987, art. 34049,
p. 1134, obs. AUBERT.
566 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 2-1990

rôle de la formalité prévue. En pareil cas, les tribunaux appliquent la


règle « promesse de vente vaut vente ».

L'étude des aspects juridiques du processus précontractuel montre


que la responsabilité délictuelle s'affirme comme la solution de principe
des litiges nés de la rupture des pourparlers. Elle joue un rôle moralisateur
de la négociation, comme le montre le critère de la faute précontractuelle,
confiance légitime trompée. Alors que la « démoralisation » de la
responsabilité a été dénoncée dans d'autres domaines (88), son rôle normateur
demeure vivace dans la période précontractuelle. C'est aussi le souci de
moralisation qui explique l'apparition et l'extension du régime contractuel
de la responsabilité précontractuelle (89). L'existence d'un avant-contrat
est, en effet, parfois déduite du comportement des parties ou de leur
volonté déclarée, lorsque ces circonstances ont fait naître une confiance
légitime, digne de protection par le droit.
L'évolution de la responsabilité précontractuelle paraît ainsi refléter
celle des fondements du droit des contrats. Si la liberté contractuelle
demeure le principe dominant, l'autonomie de la volonté subit, en
revanche, des atteintes dans la mesure où la volonté déclarée est parfois préférée
à la volonté réelle.

(88) R. SAVATIER,« Personnalisation et dépersonnalisation de la responsabilité


civile », in Mélanges Labor de- Lacoste, 1963, p. 321 et s. ; G. VINEY, Le déclin de la
responsabilité individuelle, 1965.
(89) R. SPECIALE, « II " Vorvertrag ", nell' ambitodelle nuove tendenze in materia
di formazione progressiva del contratto », Riv. dir. civ. 1986, p. 45 et s.

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