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L’inexécution
contractuelle et les tiers
0
Année Universitaire : 2020– 2021
Remerciements
J’ai enfin une pensée particulière et affectueuse mes très chers parents, Houria
et Abdeslam, qui ont toujours été là pour moi. Je remercie mon frère Nawfal,
pour leurs encouragements.
1
Liste des abréviations
2
SOMMAIRE
3
INTRODUCTION
« Res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest1 ».
Ne pas rappeler cet adage serait inconvenable en ce qui concerne la relation entre le contrat
et la tierce partie, sujet de nos travaux. Ce texte énonce en droit romain "l'accord entre certains
ne peut ni nuire ni profiter à d'autres". Il est cependant très nécessaire de se référer à un adage
qui permet de déterminer l'origine romaine du principe d'effet relatif, principe qui constitue l'un
des piliers de la relation entre un acte juridique et un tiers. On s’est référé à la thèse de Simone
CALASTRENG consacrée au principe de la relativité des conventions2 , laquelle est notamment
introduite par un rappel de la portée de ladite règle. Cette dernière a même fait l’objet de thèses
entièrement consacrées à son étude, parmi lesquelles on peut citer celles de BARTIN et de
DEBRAND3 , dont l’apport est considérable.
En effet, déterminer la sphère du contrat dans l’espace c’est déterminer son champs et, plus
précisément, les personnes qui sont tenues par le contrat4. Du point de vue de la théorie de
l’autonomie de volonté, la question est commandée par le principe de la relativité des
conventions. Le contrat est un accord de volontés, seuls se trouvent obligés ceux qui l’ont voulu.
Ce principe de l’effet relatif du contrat se trouve d’ailleurs consacré par l’article 228 du DOC5 :
« les obligations n’engagent que ceux qui ont été parties à l’acte, elles ne nuisent point au tiers
et elles ne leur profitent que dans les cas exprimés par la loi ».
Pour déterminer les personnes qui sont tenues par le contrat, il suffit donc de distinguer
« les parties » au contrat des « tiers ». Le contrat s’impose aux parties mais il ne concerne en
rien les tiers. Le contrat produit donc effet à l’égard des parties, mais les tiers restent en dehors
de la sphère contractuelle. Cependant, la distinction des « parties » et des « tiers »ne rend pas
compte de toute la complexité du problème, d’une part, parce que la notion de « partie »
demande à être précisé : ensuite parce que le tiers ne peuvent pas méconnaitre l’existence du
contrat et enfin parce qu’entre les « parties » et les « tiers », existe une catégorie intermédiaire
1 La chose convenue entre les uns ne peut ni nuire ni profiter aux autres.
2 S. CALASTRENG, La relativité des conventions, th. Toulouse 1939.
3 E. BARTIN, De la règle « res inter alios acta » en droit romain, th. Paris 1885 ; F. DEBRAND, Étude de la règle « res inter
alios acta aliis nec nocet nec prodest » en droit romain, th. Dijon 1890.
4 O. Azziman, « Droit civil, droit des obligations : Le contrat », Le Fennec, 1995, « p. 205s »
5 DOC
composée de personnes qui ne sont ni de véritable « parties » ni de véritable « tiers » ; il s’agit
des ayants cause à titre particulier.
Ainsi, la notion de tiers doit être définie par opposition à celle de partie. Les tiers sont des
personnes étrangères à la formation du contrat et donc étrangères à ces effets. C’est pourquoi
on parle de « penitus extranei 6». Ainsi, La situation des tiers par rapport au contrat est régie
par le principe de l’effet relatif tel qu’exprimé par l’article 228 du D.O.C : « le contrat ne peut
ni nuire ni profiter aux tiers qui ne peuvent devenir ni créanciers du fait du contrat ». Etant par
hypothèse étrangers au contrat, les tiers n’ont aucune qualité pour tirer un quelconque profit de
celui-ci comme ils ne peuvent aussi être tenus d’assumer les obligations nées du contrat. Le
contrat crée des obligations entre les parties mais ne produit aucun effet à l’égard des tiers qui
se situent en dehors de la sphère du contrat.
En principe le contrat ne produit, aucun effet à l’égard des tiers7. Et c’est bien cette lecture
qu’en ont fait les auteurs du code civil français. Parmi eux, on trouve notamment BIGOT-
PREAMENEU, qui considérait ce principe inspiré de l’autonomie de la volonté (apparue un
siècle plus tôt) comme une évidence8. L’article 1165 du code civil français était alors perçu
comme maintenant le contrat dans un isolement total, doctrine résumée par la formule
d’AUBRY et RAU: « Les contrats ne peuvent ni être opposés aux tiers ni être invoqués par eux
»9.
Cette première lecture de l’article 1165, que l’on peut qualifier de lecture stricte, a fait
l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part de RENE SAVATIER qui dénonce une
conception purement individualiste du droit des obligations. Cette dernière masquerait l’aspect
social des affaires de chacun, qui, il faut pourtant bien l’admettre, « ne concernent pas seulement
celui qui y préside, mais à certains points de vue la société et, par conséquent, les tiers »10 .
Ainsi, près d’un siècle après cette approche « individualiste » du contrat, ce dernier semble
(enfin, pourrait-on dire) sorti de son « splendide isolement »11 .
11 H. LALOU, « 1382 contre 1165 ou la responsabilité délictuelle des tiers à l’égard d’un contractant ou d’un contractant à
l’égard des tiers », DH 1928, chron. « p. 69 »
2
C’est en effet à la doctrine du XXème siècle que l’on doit une nouvelle lecture de l’article
1165 du code civil français et l’élaboration de la théorie dite de la « socialisation » du contrat.
Cette nouvelle lecture prend acte du caractère radical de la formule de l’article 1165, qui ne
correspond pas à la réalité. S’il est vrai que le contrat ne fait naître d’obligations que pour les
parties, et ne rend les tiers ni débiteurs, ni créanciers, il crée en revanche une situation de fait
qui s’insère dans l’environnement social et qui intéresse nécessairement les tiers, c’est-à-dire
ceux qui n’étaient pas parties contractantes lors de la conclusion du contrat et qui ne le sont pas
devenues par la suite (ayant-cause universel de l’une des parties, cessionnaire du contrat)12.
De là est née la théorie de l’opposabilité13 du contrat aux tiers et par les tiers. Ces derniers
ne peuvent pas faire comme si le contrat n’avait pas été conclu. D’un côté, ils sont tenus de
respecter les droits et obligations qui en résultent, sous peine de « tierce complicité ». Cette
opposabilité du contrat aux tiers permet aux parties qui ont acquis des droits en vertu du contrat,
de protéger leurs droits contre les tiers. Ainsi, le propriétaire dépossédé peut se prévaloir de
l’acte d’acquisition (vente, échange, donation...) pour repousser les prétentions de l’usurpateur
(qui, lui, est étranger au contrat qu’on lui oppose). De même, l’entreprise dont un concurrent
aura débauché un employé pourra se prévaloir du contrat de travail pour agir contre le
concurrent déloyal.
C’est la raison pour laquelle, les tiers peuvent à leur tour opposer le contrat aux parties.
Pour les tiers, le contrat crée une situation dont ils peuvent se prévaloir en cas de besoin. Ainsi,
si le tiers qui subit un préjudice du fait de l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un contrat
(auquel il est étranger) peut se prévaloir de cette défaillance (de cette faute) pour engager la
responsabilité (délictuelle) du contractant fautif. L’inexécution d’une obligation contractuelle
peut donc être invoquée par un tiers en tant que faute génératrice de responsabilité.
Cependant, il sera nécessaire de distinguer l’opposabilité des contrats à des tiers et celle
par des tiers. Par le premier, on entend la possibilité pour un contractant (victime) de faire
opposition du contrat à un tiers lorsque ce dernier en a sciemment aidé un autre à violer ses
obligations contractuelles. Le tiers ne doit rien faire qui puisse affecter la bonne exécution du
d’opposabilité : « (l’) aptitude d’un droit, d’un acte (conventionnel, jugement etc.), d’une situation de droit ou de fait à faire
sentir ses effets à l’égard des tiers (…) non en soumettant ces tiers aux obligations directement nées de ces éléments (…),
mais en les forçant à reconnaître l’existence des faits, droits et actes dits opposables, à les respecter comme des éléments de
l’ordre juridique et à en subir les effets, sous réserve de leur opposition lorsque la loi leur en ouvre le droit ».
3
contrat. S'il le fait, le tiers sera tenu pour responsable. Il reste néanmoins que dans ces
hypothèses d’opposabilité, les tiers demeurent étrangers à la sphère du contrat en ca sens qu’ils
ne peuvent pas exiger l’exécution d’une obligation contractuelle pas plus qu’ils ne peuvent être
tenus d’assumer les obligations nées du contrat. Mais, même étrangers au contrat, les tiers ne
peuvent méconnaitre la situation de fait créée par celui-ci.
Si certains essaient de souligner cette distinction entre la relativité des contrats et le principe
d’opposabilité, d’autres ont au contraire considéré que ces deux principes devaient être
combinés. M. Denis MAZEAUD est de cet avis14. Il considère que "la relativité des conventions
est complétée par un" effet attractif qui place les tiers dans une relation dualiste avec le contrat
"15.
Dès lors, née l’idée que l’effet relatif doit être complété par le principe d’opposabilité du
contrat aux tiers et par les tiers, où ce dernier n’est plus vu comme une atténuation du premier16
. Selon M. WINTGEN17, le principe de l’effet relatif du contrat trouve son explication dans les
principes supérieurs de justice commutative, de liberté individuelle et de sécurité juridique.
C’est enfin une considération de sécurité juridique des tiers et des parties qui justifierait la
relativité des conventions, celle des tiers s’opposant à ce que leur situation soit affectée par le
contrat d’une façon qu’ils n’ont pas acceptée, et celle des parties s’opposant à l’immixtion de
tiers dans la relation contractuelle. La notion de « contrat - fait juridique » permet de justifier
la notion d’opposabilité.
Désormais, l'idée selon laquelle l'effet relatif doit être complété par le principe
d'opposabilité du contrat, lorsque cette dernière n'est plus considérée comme une atténuation de
la première. Selon M. WINTGEN18, le principe de l'effet relatif du contrat trouve son
explication dans les principes supérieurs de la justice commutative, de la liberté individuelle et
de la sécurité juridique. Enfin, c’est une considération de la sécurité juridique des tiers et des
parties qui justifierait la relativité des accords, celle des tiers s’opposant à leur situation étant
affectée par le contrat d’une manière qu’ils n’ont pas acceptée, et celle des parties s'opposer à
l'ingérence de tiers dans la relation contractuelle.
14
D. MAZEAUD, Defrénois, 1999, art. 37008, « p745 ».
15
A. Nouredine, « Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle », université de Montpellier 1 faculté de
droit et de science politique centre du droit de la consommation et du marché, 2010-2011, « p.11 ».
16
Pour une opinion en sens inverse, cf. J. GHESTIN, Traité, la formation du contrat, 3ème éd., 1993, n°179.
17
R. WINTGEN, op. cit., n°51 et s
18
Idem
4
Traditionnellement, le contrat était conçu avant tout comme un acte de prévision ayant pour
objet la satisfaction des attentes exprimées par les parties. Mais dès lors qu’il n’est plus
appréhendé comme un phénomène isolé du point de vue de l’ordonnancement juridique, le
contrat est devenu « un lieu de responsabilité ouvert envers les tiers »19. Ces derniers peuvent
effectivement invoquer son existence et exciper du principe de son opposabilité pour
caractériser la faute délictuelle commise par une partie qui n’a pas exécuté l’obligation dont
elle était tenue en vertu d’un contrat, et réclamer ainsi une indemnisation. Peu à peu, le contrat
perd donc sa fonction traditionnelle pour devenir un outil caractéristique de l’évolution du droit
de la responsabilité pour faute vers un droit de la responsabilité pour risque20 qui tend à faire
que tout risque créé puisse aboutir à une indemnisation au profit des victimes de celui-ci,
indépendamment de leur qualité. Le contrat répond donc désormais également à un objet social
et les manquements contractuels servent de plus en plus de support à l’indemnisation des tiers,
cette dernière étant devenue une véritable priorité pour la Haute Juridiction.
Face à un tel constat, il est d’un intérêt primordial de cerner les conditions d’intervention
de tiers victime de l’inexécution d’un contrat. Car, il faut bien en convenir avec M. Philippe
JACQUES21, c’est tout l’équilibre du droit des obligations qui est concerné par la matière : au
delà même de l’article 1165 du Code civil français et de la notion d’opposabilité auxquels nous
nous sommes déjà intéressés, d’autres piliers du droit des obligations sont en jeu : l’article 1134
alinéa 1er du Code civil français en ce qu’il limite l’effet des conventions « à ceux qui les ont
faites », le principe de non-option ou de non-cumul des deux ordres de responsabilité, et enfin
l’article 1382 de Code civil français qui subordonne la réparation à la démonstration d’un fait
générateur, la faute délictuelle.
Ici, l’intérêt est tant social que juridique. En effet, la tendance actuelle est à la
contractualisation des relations humaines. Il est donc nécessaire pour chacun de savoir à quel
degré il intervient et son champ de responsabilité dans le contrat. Face à l’inexécution du
contrat, le tiers peut être victime ou responsable. Cependant, lorsque le tiers est responsable de
cette inexécution, le problème ne se pose pas véritablement. D’où la limitation de notre devoir
aux tiers victimes, étant entendue que c’est ici que demeure véritablement le problème.
19
O. DEBAT, « Les Petites Affiches », 23 septembre 2003, n°190, « p. 3 ».
20
O. DEBAT, note précitée : Celui-ci souligne à juste titre que l’évolution du droit de la responsabilité pour faute vers un
droit de la responsabilité pour risque est « largement concomitante au développement de la technique de l’assurance ».
21 P. JACQUES, « La relativité de la faute contractuelle devant l’Assemblée plénière », Revue Lamy Droit des Affaires,
décembre 2006, n°11 ; P. JACQUES, « Einstein à la Cour de cassation : la relativité de la théorie », Revue des Contrats,
2007, n°2, p. 569.
5
Généralement, en cas de défaillance contractuelle, la responsabilité contractuelle va de l’un
à l’autre; Cependant, que se passe-t-il si cette rupture de contrat est préjudiciable à un
tiers? La question juridique posée est donc l’impact de la non-exécution du contrat sur des tiers.
Plus profondément, quelle relation de responsabilité est susceptible de lier des tiers aux
parties? Il s'agira principalement de savoir si la tierce victime de l'infraction contractuelle doit
nécessairement établir une faute délictuelle du débiteur contractuel indépendant de l'infraction,
ou si cette inexécution du contrat préjudiciable est une condition suffisante pour établir la
responsabilité du débiteur défaillant.
Notre étude consistera dans un premier temps, à apprécier dans quelle mesure prend
aujourd'hui la responsabilité des contractants vis-à-vis des tiers, solution qu'il convient de
confronter à celles proposées par la future loi (1ère partie). Nous essaierons dans un second
temps d’évaluer l’essence de l’action des tiers du fait de l'inexécution contractuelle à travers les
grands principes régissant le droit des obligations et les différentes théories mises en place par
le droit positif, telles que le principe opposabilité des contrats conclus par des tiers et celui de
la relativité des conventions, où doctrine et jurisprudence ont joué un rôle considérable (2ème
partie).
6
Partie I : Le fait générateur de responsabilité des cocontractants vis-à-vis
des tiers victimes de l’inexécution contractuelle
La première partie s’accorde à la question de la nature du défaut contractuel que le tiers est
en droit d'invoquer pour justifier la responsabilité du débiteur. Ce sera pour nous l'occasion
d'aborder la nature du manquement contractuel (Chapitre I), puis d'analyser la responsabilité
contractuelle et délictuelle du contractant à l’égard des tiers (Chapitre II).
Notre titre se penchera sur l’approche du manquement contractuel (Section I), et la solution
de l’assimilation du manquement contractuel et de la faute délictuelle (Section II).
22
CA Paris, 27 juin 1997, Gaz. Pal. 1999, 1, somm.188
7
jurisprudence a admis l’existence d’une obligation précontractuelle de renseignement ;
l’admission du dol par réticence allait en ce sens23.
Par exemple, l'obligation du médecin de soigner ses patients n'est pas identique à celle du
transporteur pour transporter des voyageurs en toute sécurité. La jurisprudence a donc défini
diverses distinctions en ce qui concerne les obligations contractuelles, parmi lesquelles les plus
notoires sont les obligations de moyens, de résultats, de sécurité et de renseignements. Il a
identifié des obligations accessoires à ces contrats; telles que l'obligation de sécurité ou de
renseignement. Cependant, il existe des cas où le dommage ne survient pas dans la sphère
contractuelle; sinon, le dommage est en dehors du contrat. Le débiteur de l'obligation, par sa
violation, cause un préjudice à un tiers au contrat, et donc à une personne extérieure au contrat.
B- Notion de tiers
Les tiers pouvant agir contre le contractant défaillant sont tous ceux qui ne font pas parties
au contrat. La qualité des tiers est évaluée au moment de la conclusion du contrat, quelle que
soit la non-exécution du contrat. Sont considérées comme victimes tierces, toutes les personnes
victimes d'un dommage causé par le non-respect d'une obligation conventionnelle, si elles n’ont
pas fait parties au contrat, ni représentées par aucun des modes de représentation et qui ne
détiennent pas tout droit des contractants en tant que successeur en droit.
23
Civ. 1re, 13 mai 2003, n° 01-11.511, Bull. civ. I, n° 114, note Mazuyer.
24
Civ. 1re, 15 mars 2005, n° 01-13.018, Bull. civ. I, n° 136, note Cathiard.
8
Le tiers, ne se prétend pas créancier de l’obligation inexécutée, elle impute au contractant
une faute qui est délictuelle à son égard. Ce tiers doit-être distingué du « penitus extranei25 » et
ainsi être qualifié de tiers-qualifié où ce dernier est intéressé par la situation objective crée par
le contrat26.
Les tiers victime de défaut contractuel sont de plus en plus nombreux. Ce tiers, en dehors
du contrat, ne peut engager la responsabilité délictuelle de l’autre partie, en raison de l’absence
de contrat entre elles. Il existe de nombreuses illustrations de cette responsabilité délictuelle des
contractants envers des tiers. Il est intéressant de distinguer les "vrais tiers"; ils ne sont autres
que des personnes totalement étrangères au contrat et aux parties, qui n'ont aucun lien juridique
avec elles; sinon, le fameux "extranei penitus"; nous entendons ici toute tierce partie sans
relation juridique actuelle. Nous avons aussi ceux qui ne sont pas vraiment troisième. Ce sera
une catégorie intermédiaire de personnes en dehors du contrat, mais cela n’est pas totalement
étranger. C'est l'exemple des créanciers non garantis et des successeurs spéciaux.
La qualité des tiers est appréciée dès la conclusion du contrat. Par conséquent, les tiers sont
ceux qui n'ont pas participés à l'accord ou représentés par un mécanisme de représentation et
qui ne détiennent aucun droit sur les parties contractantes qui leur confèrent le statut de
successeur. Les auteurs distinguent l'action du tiers totalement étrangère au contrat, celle des
victimes par ricochet (indirect), celle des tiers bénéficiaires de l'exécution du contrat, celle des
tiers victimes d'une prestation de service défectueuse et celle des cocontractants dans une
activité commune, dans les hypothèses de collaboration entre professionnels.
25
Tiers complètement étranger au contrat.
26
Ph. Delmas Saint-Hilaire, th. Préc.
27
Com. 1er juill. 2003, n° 99-17.183, Bull. civ. IV, n° 115; D. 2003, AJ 2235.
9
Nous retrouvons ensuite l'action des victimes par ricochet; ils sont tiers à la formation du
contrat qui cause le dommage à la victime initiale. Les situations les plus courantes sont
l’exécution défectueuse d’un service ou la livraison de produits défectueux ou dangereux. En
tant que tierce partie, les victimes de ricochets ont le droit d'invoquer la responsabilité
délictuelle du cocontractant de la victime directe.
28
Ass. plén, 17 novembre 2000, Bull. 2000.
29
Expression employée dans l’avis de M. l’avocat général A. GARIAZZO, Bulletin d’information de la Cour de
cassation, n° 651, p. 57.
30
P. CONTE, Rép. Civ. Dalloz, V° Responsabilité du fait personnel, mai 2002, n°67 : « lorsqu’en raison d’un
contrat auquel elle est partie, une personne se trouve placée dans une situation qui la met en position de causer
un dommage à autrui, on ne voit pas par quel mystère, si ce risque se réalise, elle pourrait prétendre à
l’irresponsabilité au singulier motif que la victime est étrangère au contrat »
10
termes, les tiers ne seraient responsables que s'ils pouvaient démontrer l'existence d'une "faute
délictuelle considérée en soi, quel que soit son point de vue contractuel", selon la fameuse
formule utilisée dans de nombreux arrêts31.
Puis, dans un second temps, la Haute Juridiction en vint à considérer que la faute
contractuelle constituait un vice délictuel envers les tiers. Un arrêt de la chambre sociale de la
Cour de cassation du 21 mars 1972 est particulièrement révélateur à cet égard. Il est analysé par
G. DURRY comme une manifestation de la « double nature » de la faute: « en même temps »,
obligation volontaire et s'il y a, parmi les victimes, des tiers, un crime32.
Dans les années 1980-1990, la jurisprudence semble revenir vers l’idée de relativité de la
faute contractuelle et exige à nouveau une certaine spécificité de la faute délictuelle susceptible
d’engager la responsabilité du débiteur, par rapport à la faute contractuelle. Ce courant est
illustré par un certain nombre d’arrêts de la première et de la troisième Chambres civiles de la
Cour de cassation, mais c’est la Chambre commerciale qui semble la plus attachée à cette idée
de relativité de la faute contractuelle, soutenant notamment cette position en 1996 et 1997 où
elle exige que soit rapportée la preuve de la « violation d’une obligation générale de prudence
ou de diligence »33, puis dans un arrêt non publié en 2002, et dans un arrêt publié le 5 avril
2005, où elle soumet l’action d’un tiers à la condition qu’il y ait non seulement violation de
l’obligation née du contrat, mais également manquement « au devoir général de ne pas nuire à
autrui »34, devoir existant même en dehors de tout contrat. Ce courant reste cependant
minoritaire.
Quelques années plus tard, dans une décision historique du 18 juillet 2000, la première
chambre civile conforte cette tendance jurisprudentielle: après avoir rappelé cette faculté des
tiers à invoquer l'exécution défectueuse du contrat, le jugement ajoute: "sans avoir à déclarer
toute autre preuve35. Cette clarification a le mérite de clarifier la situation: en exemptant la
victime de toute autre preuve que celle d'un manquement contractuel, elle nie toute autonomie
à la faute délictuelle et ne laisse aucune place à aucune nuance. Dans un arrêt du 13 février
2001, la première chambre civile a appliqué la thèse de l'assimilation dans le domaine de
31
Cass. 1ère civ., 7 nov. 1962 : Bull. civ. 1962, I, n°465 ; Cass. 1ère civ., 9 oct. 1962 : Bull. civ. 1962, I, n°405 ;
Cass. 3ème civ., 15 oct. 1970: Bull. civ. 1970, III, n°515 ; Cass. 3ème civ., 18 avr. 1972: Bull. civ. 1972, III, n°233
; Cass. 1ère civ. 23 mai 1978 : Bull. civ. 1978, I, n°201.
32
G. DURRY, RTD civ. 1973, p. 128.
33
Com. 2 avril 1996, Bull. 1996, IV, n°101 ; Com. 17 juin 1997, Bull. 1997, IV, n°187.
34
Com. 8 octobre 2002, pourvoi n°98-22.858 ; Com. 5 avril 2005, Bull. 2005, IV, n°81.
35 ère
1 civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221.
11
l'obligation de sécurité du résultat d'un centre de transfusion sanguine, dont la violation ne peut
donc être invoquée que par la victime immédiate parents victimes par ricochet36.
D- L’arrêt perruche
Dans l’arrêt Perruche du 17 novembre 2000, la Cour de cassation plénière s’est prononcée
en vue de définir l’événement donnant lieu à la responsabilité du débiteur contractuel à l’égard
de tiers, même si la question ne lui était pas directement posée. Il a constaté que "les erreurs
commises par un médecin et un laboratoire dans l’exécution de contrats avec une femme
enceinte l’empêchant d’exercer son choix de mettre fin à sa grossesse pour éviter la naissance."
Enfant handicapé, ce dernier peut demander réparation du préjudice résultant de cette déficience
et causé par les erreurs commises"37.
La Haute Juridiction semble ainsi se rallier à la thèse de l’identité des fautes contractuelle
et délictuelle, en vertu de laquelle, rappelons-le, tout manquement contractuel constituerait ipso
facto une faute délictuelle. Cette interprétation de l’arrêt Perruche paraît d’autant plus cohérente
qu’elle intervient quelques mois seulement après la décision de la première Chambre civile qui
a jugé, dans un domaine voisin et comme nous l’avons déjà abordé plus haut, que la preuve
d’un préjudice constituait une condition nécessaire et suffisante pour permettre à un tiers
invoquant un manquement contractuel d’exercer une action en responsabilité délictuelle « sans
avoir à rapporter d’autre preuve »38.
Il appartient pareillement d’étiqueter que cette décision de l'Assemblée plénière a été prise
avec le double visa des articles 1165 et 1382 du Code civil, dont l'intérêt est essentiel. Dans
cette affaire concernant la responsabilité médicale d'un enfant handicapé, il était clair que c'était
la mère de l'enfant qui était le créancier contractuel39. L'enfant ne représente qu'un tiers du
contrat, d'où la référence à l'article 1165 qui, rappelons-le, pose le principe de l'effet relatif des
accords. Quant à la référence à l'article 1382, elle fait clairement référence à une infraction qui
est nécessairement commise en dehors de tout contrat. Lorsqu'il est combiné à l'article 1165, il
s'agit plus spécifiquement du recours, sur le fondement du droit de la responsabilité civile, au
36
1ère civ. 13 février 2001, Bull. 2001, I, n°35.
37
Ass. plén, 17 novembre 2000, Bull. 2000, Ass. plén., n°9.
38 ère
1 civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221.
39
Depuis un arrêt de 1936, la Cour de cassation considère en effet qu’un véritable contrat se forme entre un
médecin et son patient, d’où elle déduit la nature contractuelle de la responsabilité du professionnel vis-à-vis de
son client, du fait de l’inexécution de ses obligations nées du contrat.
12
préjudice subi par un tiers du fait de la rupture de contrat que nous avons constaté une possibilité
de voir admis en principe depuis la première moitié du XXe siècle.
Dans le cas présent, selon Michelle GOBERT40, il est impossible de douter du fait que c’est
l’enfant handicapé qui revêt la qualité de tiers ayant subi un préjudice du fait d’un manquement
contractuel. C’est par conséquent ce dernier qui bénéficie d’une action en responsabilité
délictuelle vis-à-vis de l’auteur dudit manquement. Compte tenu du fait que la loi sur l'égalité
de traitement et de mauvaise conduite en plein essor, l'intérêt pour prendre une telle décision
lors d'une audience formelle est cruciale. Cette jurisprudence a été confirmée par trois arrêts
41
dans lesquels les conditions d'indemnisation des victimes ont été établies par la faute médicale
par des tiers.
Après tout, cet aspect du jugement n'a pas été pleinement compris, éclipsé par la question
du préjudice causé à l'enfant handicapé. Une nouvelle intervention à la fois solennelle et claire
du tribunal de réglementation était attendue avec impatience.
40
M. GOBERT, « Les Petites Affiches », 8 décembre 2000, n°245, p.6 et 7
41
Ass. plén. 13 juillet 2001, Bull. 2001, Ass. plén., n°10.
13
que les tiers ne pouvaient obtenir réparation que s’ils démontraient l’existence d’une "faute
délictuelle considérée en soi, indépendamment de tout point de vue contractuel »42.
A travers cette théorie de la relativité de la faute contractuelle, on peut ainsi en déduire une
certaine immunité de la faute contractuelle par le tiers. Ce courant jurisprudentiel sera soutenu
par plusieurs auteurs.
42
Voir arrêts sus évoqué
43
Com. 2 avril 1996, Bull., n°101.
44
Com., 17 juin 1997, Bull., n° 187, p. 164, JCP G 1998, I, 144, G. Viney.
45 ère
1 . Civ., 16 décembre 1997, n° 95-22.321.
46
Com., 8 octobre 2002, n° 98-22.858 ; JCP G 2003, I, 152, n° 3, G. Viney
47
1 ère . Civ., 11 avril 1995, Bull., n° 171, p. 122, R.T.D Civ., 1995, p. 895 obs. P. Jourdain, a fondé la
condamnation d'un mandataire, vis à vis d'un tiers autre que le mandant, sur "des fautes quasi délictuelles
détachables des obligations du contrat de mandat".
14
contractuelles et délictuelles conduisait aussi à permettre un panachage des règles contractuelles
et délictuelles48 .
Dans le même ordre d’idée, MM. TERRE, SIMLER et LEQUETTE estiment que «
permettre à un tiers d’invoquer la faute contractuelle du débiteur revient à lui permettre de
réclamer indirectement à son profit le bénéfice d’un contrat auquel il n’est pourtant pas partie
… sous couvert d’opposabilité du contrat, c’est porter directement atteinte au principe de l’effet
relatif du contrat49 ».
Ce n’est que lorsque les obligations inexécutées n’ont pas été souscrites au profit exclusif
du créancier contractuel, que leur inexécution est constitutive d’un manquement à un devoir
général ; dès lors, les tiers peuvent agir contre le cocontractant si la défaillance contractuelle
leur a causé un préjudice. L’exemple type, sera celui de l’irrespect de la clause de non-
concurrence. Le manquement à l’obligation de non-concurrence du vendeur à l’égard de
l’acheteur d’un fond de commerce, ne constitue pas une possible action en responsabilité
délictuelle par les concurrents de l’acheteur.
D’autres auteurs se rallient à la thèse séparatiste ; Deux de ces auteurs51 partage l’idée que,
pour rechercher la responsabilité délictuelle du cocontractant défaillant, il faut distinguer deux
hypothèses qui sont les suivantes ; lorsque l’obligation violée constitue un devoir général de
comportement, tel les obligations de sécurité et d’information, la relativité de la faute
contractuelle n’est pas justifiée.
48
G. Viney, op. cit., n° 213, p. 394, spéc., p. 403.
49
F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, « Droit civil-Les obligations », Précis :Dalloz, 8ème édition, n° 495, p.400
50
P. Jourdain, RTD civ., 2005, p. 602.
51
D. Mazeaud et G. Viney.
15
En fait, du moins en ce qui concerne la preuve de la faute, les victimes tierces et les
créanciers sous contrat sont liés par le même système et exigent ensuite plus ou moins le droit
d’exécuter des contrats d’effets différents. Violation de l’attractivité du contrat puis atteinte au
principe de l’efficacité relative du contrat52 ».
Par conséquent, le tribunal a déclaré: «Des tiers peuvent prendre des mesures injustes à
l’encontre de certains distributeurs utilisant le réseau, mais ne pas respecter leurs obligations
contractuelles vis-à-vis des marques de cosmétiques bien connues et réputées, qui sont
distribuées parmi les exposants de produits à proximité. Il s’agit en effet de l’arrêt « Sté Anaïs
»55.
Dans ce cas, un tiers des personnes se sont plaintes de la concurrence déloyale exercée par
des distributeurs sélectifs, lesquels ont bénéficié des avantages du réseau sans se conformer aux
obligations contractuelles. Une nouvelle étape vers l’admission de l’assimilation erronée a
52
D. Mazeaud, commentaire de Com., 5 avril 2005, Revue de droit des contrats, 2005, « p. 687 ».
53
G. DURRY, RTD civ. 1973, « p. 128»
54
Soc., 21 mars 1972, R.T.D. Civ., 1973, p. 128, obs. G. Durry qui constate que la faute a une "double nature, à
la fois manquement à l'obligation volontaire et, s'il y a, parmi les victimes, des tiers, faute délictuelle"; Com., 16
janvier 1973, Bull., n° 28.
55
Cass. com., 1er juillet 2003, Sté Anaïs c/ Sté Marie-Jeanne Godard et Sté MJG Béarn.
16
franchi une nouvelle étape: dans l’arrêt du 18 juillet 2000, la jurisprudence s’applique toujours
aux codes civils 1165 et 1382, fondés sur le décès de patients atteints de maladie mentale. La
supervision de l'agence, du troisième successeur de l'institution, de la victime indirecte et de la
troisième partie du contrat d'hospitalisation est raisonnable56 ».
Dans un arrêt non publié du 5 mars 2002, la Chambre de commerce a blâmé une cour
d'appel en déclarant que les tiers n'avaient pas invoqué "un quelconque délit en soi,
indépendamment de tout point de vue contractuel" "en déclarant que" le tiers à un contrat est
en droit de se fier à l'exécution défectueuse du contrat lorsqu'elle les a causés59 ».
56
1ère civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221
57
1ère civ. 18 mai 2004, Bull. 2004, I, n°141 (Qui paraît aller à l’encontre de l’arrêt précité de la chambre
commerciale du 17 juin 1997)
58 ère
1 Civ., 13 février 2001, Bull., n° 35, p. 21; D. 2001, somm. com., p. 2234 obs. Ph. Delebecque.
59
Com., 5 mars 2002, n° 98-21.022.
17
M. TOSI souligne également ce point. Il considère que, tout comme le contractant peut agir
délictuellement contre le tiers complice du manquement à une obligation contractuelle, il en va
de même pour le tiers victime d'un dommage résultant de l'exécution du contrat. Il est difficile
de voir pourquoi la solution serait également dans l’autre cas, c’est-à-dire lorsque c’est le tiers
qui se prévaut du contrat pour imputer à un débiteur contractuel la violation de son obligation.
Cet auteur nous parle de "violation contractuelle60.
L'explication la plus précise qui justifie cette thèse est certainement le souci de la protection
des tiers victimes d'un manquement, où ils peuvent être indemnisés pour le préjudice subi. Bien
que la doctrine actuelle, qui permette d'assimiler les deux erreurs, soit beaucoup moins riche
que la théorie de la relativité, elle a eu une influence déterminante sur la jurisprudence actuelle,
à laquelle toutes les formations de la Cour de cassation semblent avoir participé.
60
J.-P. Tosi, « Le manquement contractuel dérelativisé », Mélanges M. Gobert, 2004, p. 479
61
Voir en ce sens, Ph. Le Tourneau, « Droit de la responsabilité et des contrats », Dalloz action 2004-2005,
spéc. n° 973 ; R. Wintgen, « Etude critique de la notion d'opposabilité ». Les effets du contrat à l'égard des tiers
en droit français et allemand, L.G.D.J., bibliothèque de droit privé, Tome 426, n° 327 ; L. Leveneur,
commentaire de 1ère Civ., 18 mai 2004, Revue Contrats-concurrence-consommation 2004, n° 121
62
Rapport annuel de la Cour de cassation 2000, La documentation française, p. 387, à propos de 1ère Civ., 18
juillet 2000
63
Article 1165
18
D’ailleurs, cette jurisprudence a été confirmée ultérieurement par trois arrêts rendus par la
même formation précisant les conditions d’indemnisation des victimes64 . C’est la position
réaffirmée expressément par l’assemblée plénière de la Cour de Cassation dans son célèbre arrêt
du 6 Octobre 200665, objet de vives discussions. Les faits mettaient en cause trois parties : les
propriétaires (A) d’un immeuble, avaient concédé un bail commercial sur ce bien à la société
(B), qui à son tour, avait donné l’immeuble en location gérance à une société (C). Imputant la
responsabilité aux bailleurs (A) pour un défaut d’entretien des locaux, la société (C) les a
assignés pour obtenir la remise en état des lieux et paiement d’une indemnité en réparation d’un
préjudice d’exploitation. La société (C) invoquait, sur le fondement de la responsabilité
délictuelle (article 1382 C.civ), l’inexécution par (A) de ses obligations envers (B).
Après que la cour d’appel ait déclaré recevable cette demande, la cour de cassation a rejeté
le pourvoi des bailleurs au motif que « le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de
la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a
causé un dommage ».
64
Ass. plén., 13 juillet 2001, n° 97-17.369, 97-19.282, 98-19.190
65
Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n°05-13.255, P+B+R+I, Bull. civ. Ass. plén. n°9.
66 Une définition en est proposée par l’Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, V. Relativité aquilienne : « expression
signifiant que seules les personnes spécialement protégées par la règle de droit enfreinte peuvent demander réparation du
dommage qui en est résulté ».
67 J.Bourgeois, « Le manquement contractuel et le tiers », Université Paris II Panthéon-Assas - Magistère de Juriste
Cependant, il ne faut pas oublier que le code civil français énonce dans son article 1165 le
principe de l’effet relatif des conventions. Or, c’est bien ce principe qui, selon les partisans de
la relativité de la faute contractuelle, postule que la faute contractuelle n’est constituée qu’à vis-
à-vis du créancier contractuel. Selon un auteur, c’est pour laisser la relativité des conventions
de « produire son plein effet »70qu’elle doit s’accompagner d’une relativité de la faute
contractuelle. Cela apparaît ainsi, selon un autre auteur, comme un « complément nécessaire»71
de l’effet relatif des accords. Il faut maintenant se demander si la thèse assimilatrice est
discordante avec le principe classique de l’effet relatif des conventions.
D’un point de vue tout à différent, un auteur a eu l’occasion de certifier que le fait de
permettre au tiers victime de s’en remettre à la seule inexécution du contrat pour parvenir à la
consolidation de son préjudice ne constituait pas nécessairement une violation à l’effet relatif,
ce dernier ne s’oppose qu’au tiers réclamant l’exécution du contrat72. Toutefois, même dans le
cadre d’une telle conception, il faut bien admettre que, dans le contexte de la responsabilité
contractuelle, une partie de l’indemnisation peut consister en une compensation de l’avantage
69
Idem
70
P. JOURDAIN, obs. ss Cass. com., 17 juin 1997, RTD civ., 1998, p. 113
71
R. WINTGEN, thèse précitée, n°333.
72
G. VINEY, Recueil Dalloz, 2006, p. 2825.
20
spécifiquement promis au contractant, et qu’elle semble discutable, en l’espèce, pour permettre
à des tiers de se plaindre également de ne pas avoir bénéficié de cet avantage. Une telle situation
parait injuste dans la mesure où le tiers, qui n’a rien donné en échange, revendique donc
l’équivalent pur et simple de l’avantage73. C’est la situation qui a conduit à la décision du 6
octobre 2006, qui donne lieu à une nouvelle règle, celle de « l’effet attractif du contrat non
exécuté »74, qui fait désormais partie de notre droit des contrats à côté du principe de l’effet
relatif des conventions.
Le contrat ayant désormais une "fonction de protection des intérêts non contractuels", la
responsabilité contractuelle apparaît comme un système concurrent d'indemnisation des
dommages. La remise en cause de la distinction traditionnelle entre les deux niveaux de
responsabilité découle de l'affirmation du principe de non-cumul et du recours à la contrainte
judiciaire du contrat, c'est-à-dire de l'intégration des obligations résultant «d'une obligation
73
3Cf. M. FABRE-MAGNAN, « Avortement et responsabilité médicale », RTD civ. 2001, p. 299 : « En matière
d’obligation contractuelle d’information, il nous semble que celle-ci n’est en principe due qu’au cocontractant,
qui notamment paye pour la recevoir ».
74
D. MAZEAUD, revue précitée, p. 269.
75
P. STOFFEL-MUNCK, « Revue des Contrats », 2007, p. 587.
76
Le titre de la thèse de J. GRANDMOULIN, rédigée en 1884, est particulièrement révélateur à cet égard : « De
l’unité de la responsabilité ou nature délictuelle de la responsabilité pour violation des obligations contractuelles
».
77
J. HUET, thèse 1978, « Responsabilité contractuelle et délictuelle : essai de délimitation entre les deux ordres
de responsabilité ».
21
générale du contrat», comme l'exigence de sécurité. En effet, il n’est pas difficile d’admettre
que la violation d’une obligation générale contractée puisse donner lieu à une responsabilité
délictuelle: la faute contractuelle est, en même temps, une faute délictuelle.
L'extension de la valeur du contrat à une partie intéressée sape les attentes des parties et
constitue une source importante d'incertitude juridique, car elles ne peuvent pas toujours
supposer que des tiers exigent le non-respect. En outre, dans certains cas, le débiteur contractuel
entend ne représenter que les intérêts de son créancier, à qui le contrat est destiné à conférer un
avantage particulier. Toutefois, dans ces cas, des tiers peuvent bénéficier indirectement de cet
avantage particulier si une combinaison systématique d'erreurs contractuelles et volontaires est
identifiée. Là encore, la solution de l'identité d'erreur ignore complètement les prévisions de
l'emprunteur contractuel.
78
M. BACACHE-GIBEILI, « La relativité des conventions et les groupes de contrats », thèse, LGDJ 1996,
n°28.
79
J. HUET, « Responsabilité contractuelle et délictuelle : essai de délimitation entre les deux ordres de
responsabilité », thèse, 1978, n°593 et s.
22
A titre d'exemple, prenons l'obligation d'interdire la concurrence dont la violation est
alléguée par un tiers. Cette situation a notamment conduit à la décision susmentionnée de la
Chambre de commerce du 5 avril 200580. Il est reconnu qu'une telle obligation est soumise à
des conditions strictes et ne s'applique entre les parties que dans des cas exceptionnels du
principe de la libre concurrence. Il n'est pas destiné à des tiers. Cependant, la solution adoptée
par la plénière permet à tous les concessionnaires de la région touchée par le déplacement du
concurrent de faire valoir l'infraction à la clause de non-concurrence par le concurrent (en raison
de l'arrestation d'une partie de sa clientèle).
A partir de là, on peut se demander quels intérêts ont conduit à la consécration de la thèse
assimilatrice, malgré les diverses incohérences qui lui sont théoriquement et pratiquement
associées.
Cette décision s'inscrit dans le cadre d'une loi française sur la responsabilité, fortement
influencée par le souci d'indemnisation des victimes. En fait, avant la décision du 6 octobre
2006, cette "idéologie de la réparation »81 avait de nombreuses autres manifestations qui
imprègnent notre droit actuel en matière de responsabilité civile et indemnisent tout préjudice.
Le phénomène dit de «forçage» du traité est particulièrement informatif à cet égard: cette
expansion de la zone du traité a réellement coïncidé avec le développement du droit de la faute
dans le droit du risque et de la responsabilité, ce qui tend à augmenter le potentiel de risque de
conduire à des dommages. Victimes, quelle que soit leur qualité.
80
Com. 5 avril 2005, Bull. 2005, IV, n°81.
81
L. CADIET, « Sur les faits et méfaits de l’idéologie de réparation », in Mélanges offerts à Pierre Drai, Le juge
entre deux millénaires, Dalloz, 2000, p. 387. Cet auteur fait état d’une liste des manifestations de cette idéologie
de la réparation en jurisprudence, qui va « du reflux de la faute, tantôt écartée, tantôt banalisée, voire objectivée,
à l’invention de nouveaux cas de responsabilité du fait d’autrui, en passant par l’assouplissement des conditions
requises du préjudice pour être réparé, associé à la prolifération des préjudices réparables (…) ».
23
De même, d’un point de vue juridique, il existe une véritable multiplication des régimes
d’indemnisation spéciaux qui favorisent l’indemnisation de la victime sans distinction entre un
tiers et un contractant. En donnant au tiers la possibilité de bénéficier d'un contrat dans lequel
il n'est pas impliqué, la décision de l'Assemblée générale constituerait en un sens «
l’équivalent jurisprudentiel »82 de ces règles spéciales et une manifestation supplémentaire cette
idéologie de réparation.
Toutefois, si la protection de la victime est une préoccupation qui ne devrait pas être perdue,
il ne devrait pas dégénérer en abus s'il se transforme en idéologie. En effet, comme l’a souligné
un auteur, le souci de la protection des victimes a progressivement pris le pas sur l’autre objectif
de la loi sur la responsabilité, à savoir la préservation de la liberté individuelle d’action 83.
L'exemple du non-respect d'une clause de non-concurrence justifie le jugement du débiteur
contractuel contre le créancier contractuel. En ce qui concerne les tiers du contrat, la cession du
débiteur (en violation de la clause de non-concurrence) n'est que l'expression légitime de sa
liberté d'entreprise. Toutefois, cette dernière est beaucoup moins nette lorsque nous dédions la
thèse de l’assimilation des erreurs qui permet aux tiers, d’invoquer la violation de la clause de
non-concurrence pour obtenir réparation du préjudice subi qui en résulte, sans avoir à signaler
autrement la preuve d’une faute délictuelle spécifique.
82
C. LACROIX, « Les Petites Affiches », 2007, n°16, p.16.
83
R. WINTGEN, « Revue des Contrats », 2007, p. 609, n°9 : « il n’est pas concevable de supprimer, par une
obligation de réparation généralisée, toute liberté d’action susceptible de nuire à autrui ».
84
P. JOURDAIN, « Les principes de la responsabilité civile », Dalloz, 6ème éd., p. 119.
24
La condition de causalité devrait être un premier filtre permettant au juge d’accepter les
demandes des tiers se prétendant victimes, même si le préjudice subi n’est qu’hypothétique.
Dans le cas de demandes en dommages-intérêts par des tiers, le juge doit d’abord déterminer la
réalité du dommage afin d’écarter tout dommage. En tant que tel, le juge doit faire
particulièrement attention à ne pas causer à la partie lésée un préjudice qui serait en réalité celui
du créancier contractuel. Cette précaution devient particulièrement évidente lorsque, par
exemple, un auteur85, demande à la Cour de cassation, de statuer sur une demande en réparation
du locataire contre un producteur pour gestion inappropriée du bien locatif. Dans cet arrêt, la
Cour de cassation critiqua la cour d'appel qui avait alloué au locataire un montant égal à la taxe
de confiscation et assuré qu'il pouvait réclamer le montant de la réparation du bâtiment pour
une infraction, mais uniquement pour une infraction. Il découle de ce jugement que seul le
créancier contractuel est habilité à exiger le montant nécessaire à la reconstruction et le tiers à
accepter la perte de capacité pendant la durée du bail.
En ce qui concerne la légalité de l'intérêt subi, celle-ci demeure également une du succès
de la réclamation par un tiers, même si c’est maintenant un obstacle limité à l’indemnisation.
Par exemple, certaines victimes qui sont illicites ou ont commis une infraction peuvent se voir
refuser une indemnisation, en particulier si elles ont bénéficié du fait illicite. À titre
d’illustration, prenons l’exemple de l’auteur qui s’appuie sur les faits en cause dans l’arrêt du 6
octobre 2006. En l’espèce, si la situation du locataire-gérant avait été irrégulière, "en présence,
par exemple, d’une violation du contrat de location subordonnant la conclusion de la gestion
du bail au contrat du bailleur ", l’absence de violation d’un intérêt légitime aurait pu
éventuellement être opposée par le bailleur à faire droit à la demande d’indemnisation.
B- Le lien de causalité, nouvelle clé de la responsabilité des parties envers les tiers
Le lien de causalité en l'espèce, qui constitue à notre avis la pierre angulaire de la
responsabilité des contractants à l'égard des tiers, est celui qui existe entre la violation
contractuelle du débiteur et la violation par le tiers86. Dans son opinion sur l'affaire présentée à
l'assemblée plénière du 6 octobre 2006, l'avocat général GARIAZZO a souligné que la question
de l'infraction et des actes répréhensibles ne devait pas être clarifiée: il faisait valoir que le lien
de causalité était "le seul problème réel" de l'action prise par le tiers pour qu'il soit alors
85
S. CARVAL, « Revue des Contrats », 2007, p. 279, n°3.
86
La définition de ce lien est précisée par A. GARIAZZO, Bulletin d’information de la Cour de cassation, n°
651, p.60 : « c’est très exactement démontrer que cette faute contractuelle revêt, à son égard, un caractère
délictuel et est la cause de son préjudice, ou encore, est en lien de cause à effet avec ce préjudice ».
25
nécessaire de proposer la formulation d'un principe attendu, tenant mieux compte du lien de
causalité, "Un tiers à contracter peut, sur la base d'un passif, prouver qu'il est constitutif, de sa
part, d’une faute attribuée au préjudice qu’il a subi".
Il convient donc de noter que le principe attendu de l'arrêt du 6 octobre 2006 reflète déjà
parfaitement le sens du terme: la Cour avertit le tiers peut invoquer la violation contractuelle,
"tant que ce manquement lui a causé un préjudice". L’utilisation de la phrase conjonctive "tant
que" accentue l’importance du lien de causalité entre la violation et le préjudice subi par la
tierce victime, étant entendu que dans la présente affaire, la Cour constate que le lien de
causalité a été suffisamment caractérisé par les juges du fond87.
Un auteur va plus loin et propose distinction entre les préjudices directs et les préjudices
subis par les médias en matière de causalité, qui a été mise en évidence dans l’arrêt du 6 octobre
200688. Selon lui, la solution proposée par l'assemblée plénière ne respectera les deux principes
d’opposabilité et de relativité que si elle rejette la responsabilité de la troisième victime du
dommage causé par la médiation, entendue comme le préjudice subi par le tiers. L'exécution de
l'obligation pour laquelle elle a été omise était la condition préalable à la bonne exécution de
87
Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n°05-13.255, P+B+R+I, Bull. civ. Ass. plén. n°9: « ayant relevé, par motifs
propres et adoptés, que les accès à l’immeuble loué n’étaient pas entretenus, que le portail d’entrée était
condamné, que le monte-charge ne fonctionnait pas et qu’il en résultait une impossibilité d’utiliser normalement
les locaux loués, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé le dommage causé par les manquements des bailleurs au
locataire-gérant du fonds de commerce exploité dans les locaux loués, a légalement justifié sa décision ».
88
G. WICKER, « Revue des Contrats », 2007, p. 593, n°23.
26
l'obligation du débiteur envers ce tiers. Ce dernier devrait alors être ouvert à une action en
responsabilité contractuelle.
Selon certains auteurs, le non-respect allégué par des tiers en l'espèce n'avait pas un
caractère contractuel particulièrement fort. Cependant, force est de constater que la mise en
œuvre de cette distinction est difficile. Certains traités établissent une règle de conduite générale
afin que celle-ci en devienne le sujet principal. C'est le cas, par exemple, d'un contrat avec un
garde du corps90. Par conséquent, cette obligation est indicative du contrat. De plus, certaines
exigences comportementales générales peuvent être différentes lorsqu'elles sont appliquées à
un entrepreneur particulier. C’est la même idée qu’a développé M. ANCEL91.
En raison des multiplicités de tâches générales, il semble très difficile et de moins en moins
courant d’identifier des obligations contractuelles qui ne sont pas en même temps une de ces
tâches qui engagent tout le monde et donc des tiers. Il existe également un autre type de
distinction liée à la portée de l’obligation violée par le contractant à l’égard des tiers de justifier
l’existence d’un événement mettant en cause la responsabilité de tiers. Celui-ci est
probablement plus rationnel que le précédent.
Premièrement, il existe des obligations qui sont dans l’intérêt exclusif du créancier et pour
lesquelles l’unique manquement ne peut être tenu pour responsable envers des tiers. D'autre
89
A l’égard de tous.
90
Exemple envisagé par P. ANCEL, « Faut-il " faire avec ? », « Revue des Contrats », n°17, 2007, p.538.
91
P. ANCEL, note précitée : « C’est une chose de dire qu’on est tenu, d’une manière générale, de se comporter
prudemment pour ne pas porter atteinte à la vie ou à l’intégrité corporelle d’autrui. C’en est une autre de dire
que, dans un rapport contractuel déterminé, on assume (…) l’obligation de rendre saine et sauve telle personne
(…) ».
27
part, nous avons l'obligation de "dépasser le cadre contractuel et donc d'intéresser tous les tiers
qui ont subi leur transgression92 ».
Autrement, la réclamation du tiers contre le tiers serait probablement étayée par des
paiements en retard. Par exemple, l’obligation d’interdire la concurrence serait l’une de ces
obligations. Selon la jurisprudence, le non-respect d'une obligation de non-concurrence peut
être préjudiciable au tiers93. La Cour de cassation a donc accueilli l'action en faveur de la
troisième victime de l'infraction.
Si l'illicéité de la violation est absente, le lien de causalité entre la faute et le dommage sera
également. L'assimilation ne devrait pas être automatique mais plutôt possible; dans sa solution,
la jurisprudence aurait dû utiliser d'autres termes, tels que "tout fait fautif" au lieu de "toute
faute". Le courant doctrinal favorable à l'assimilation des deux fautes a une remarque très
intéressante; selon eux, le seul problème réel semble être celui de la causalité; il est dans tous
les cas de faire en sorte que le dommage pour lequel la réparation est demandée soit la
conséquence de la violation du débiteur contractuel. Il faut donc vérifier que le préjudice subi
par le tiers est la conséquence de la non-exécution invoquée.
92
M. ASSIE, conseiller rapporteur, Bulletin d’information de la Cour de cassation, n°651, 01 déc. 2006.
93
Com 24 mars 1998 n° 9615.694, Bull. civ. IV, n° 111, obs. P. Jourdain. (Voire note 30)
94
F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, « Droit civil -Les obligations », 8e éd., Dalloz, n° 859
95
En ce sens, Ph. Le Tourneau, « Droit de la responsabilité et des contrats », Dalloz Action 2004/2005, spéc. n°
1709, et les arrêts cités ; P. Jourdain, Droit à réparation, Lien de causalité- Détermination des causes du
28
rappeler que le lien de causalité doit être direct, ils contrôlent donc la certitude du lien de
causalité. Cela implique que la perte indemnisable doit être la conséquence directe de
l'événement dommageable. Ainsi, les dommages en cascade doivent être exclus. Cependant,
ces dommages sont parfois admis grâce à la théorie dite de l'équivalence des conditions.
L’assemblée plénière de la Cour de cassation aurait pu opter pour une solution tenant
davantage compte de ce lien de causalité. Il aurait été préférable de prendre en compte le fait
que "le tiers à un contrat peut prétendre de sa propre responsabilité pour faits délictuels s’il
prouve qu’il constitue une faute de son préjudice personnel". Après rapprochement des erreurs
du 6 octobre 2006, il appartenait à la société Boot Shop, un tiers issu du bail conclu entre le
locateur et le locataire, qui prouve dans le contexte de l'infraction que les manquements au
contrat qui lui est imputable, sont dus au propriétaire s. Il appartient donc aux juridictions
inférieures de déterminer le lien de causalité sous le contrôle de la Cour de cassation.
dommage, LexisNexis, fasc. 160, spéc. n° 10, et les arrêts cités ; J. et L. Boré, La cassation en matière civile,
Dalloz action 2003/2004, spéc. n° 67-156 ; Lamy - Droit de la responsabilité, étude n° 270, spéc. n° 270-31.
29
Paragraphe I : L’action exceptionnelle en responsabilité contractuelle au profit des tiers
L’argument le plus logique réside dans le fait que le tiers n’est pas partie au contrat, dès
lors son action en responsabilité, doit être de nature délictuelle.
En ce qui concerne le mandataire spécial, la Cour de cassation a admis dans son arrêt de
sa première chambre civile du 27 décembre 1960 qu’elle pouvait obliger le commettant à
obtenir le remboursement de ses avances et de ses frais et le versement de l'indemnité qui lui
était due, tout en censurant la décision des juges du procès selon laquelle l'action du mandataire
spécial ne pouvait être exercée qu'en cas de défaillance du mandataire96. Cette solution
s’appuyait sur une partie de la doctrine97 en ce sens qu’elle évitait que le mandataire spécial soit
assisté des autres créanciers du commettant, ainsi que de plusieurs actes susceptibles de
compliquer les relations entre les parties. La vraie question qui s’est posée à la suite de cet arrêt
était celle du fondement de sa décision. Pour répondre à cette question, les commentateurs de
cette décision, qui cherche à concilier cette décision avec la vision traditionnelle de l'effet relatif
d'accords impliquant des tiers n'ayant pas échangé leur consentement, ont développé leurs
arguments dans deux directions différentes. En fin de compte, une tendance doctrinale
importante suggère l'existence de groupes de contrats étroitement liés comme base de la
décision, car le sous-mandat sert nécessairement à remplir les obligations du contrat, ce qui en
fait un groupe de contrats. Cette analyse, bien qu'acceptée par la Cour de cassation, est
maintenant condamnée par la décision BESSE de 1991, qui n'admet pas la responsabilité
contractuelle dans les groupes de contrats autres que les chaînes de transfert de propriété. En
conséquence, la décision de la cour de cassation apparaît selon TERRE, SIMLER et
LEQUETTE comme une correction d'équité du principe de l'effet relatif des accords.
96
1 ère. Civ, 27decembre 1960.
97
AUBRY, RAU et RODIERE.
30
En revanche, la rigueur de la cour de cassation (parfois réfutée par certains juges du fond)98
peut être justifiée et assouplie par la responsabilité éventuelle du sous-mandataire. Le mandant
peut engager une action en réduction ou annulation de sa dette en compensant les dommages
pour lesquels le sous-agent est responsable de sa faute99 .
En bref, les tiers ayant des relations avec une partie au contrat, tels que les sous-agents, les
bénéficiaires d'une clause explicite ou implicite pour les autres et les créanciers peuvent engager
la responsabilité contractuelle de l'auteur du contrat non-exécution dont ils sont victimes. Il en
va de même pour les tiers, parties contractantes extrêmes des accords de chaîne de traçabilité.
98
Paris, 2 nov. 1995 cassé par Com. 24 mars 1998
99
Com. 25 juin 1991
100
Cass, civ, 25 janvier 1820
101
Civ 1ère, 9 octobre 1979 ; A.P. 7 février 1986
102
Civ 3ème 19 juin 1984
31
La reconnaissance de la responsabilité contractuelle entre les contreparties extrêmes dans
les chaînes de biens transférables vise à protéger les intérêts du débiteur défaillant dans la
mesure où elle respecte la prévisibilité contractuelle souhaitée par les contractants. En fait, la
jurisprudence suppose que le débiteur défaillant a prévu tous les risques possibles d'un contrat
en accordant un droit contractuel au contractant ultime dans une chaîne de contrats immobiliers,
par exemple le dommage causé par son inexécution par des tiers. Pour cette raison, les clauses
restrictives contenues dans le contrat initial lient également la troisième victime qui est
responsable dans ces contrats. Cette position a été largement soutenue par la doctrine et la
jurisprudence103.
Dans ce cas, il s’agit d’une réparation « du préjudice par ricochet ». Si la victime décède,
ce sont ses héritiers qui revendiquent le droit de réparation. Mais la situation se complique
suivant que les héritiers vont se contenter d’exercer l’action de la victime directe issue de son
patrimoine qui leur échoit, ou au contraire, ils vont réclamer la réparation du préjudice que leur
cause personnellement le décès survenu à cause de l’inexécution d’un contrat auquel la victime
principale était pourtant tiers absolu. Dans le premier cas, les héritiers doivent poursuivre en
justice la personne de leur auteur et, en plus du préjudice matériel subi par leur auteur, peuvent
réclamer des dommages-intérêts pour tort moral, en particulier son « pretium doloris »104.
Les proches de la victime sont également passibles de sanctions pénales. Ce sont les frères
qui doivent prouver le préjudice subi. Sauf pour l'affection, il existe une présomption de faute.
En outre, la preuve de la perte de subventions doit être établie. Ce sont également d’autres
membres légitimes, naturels ou adoptifs de la famille (ascendants, descendants, frères, sœurs,
103
Civ. 1ère, 28 oct. 1991; Civ. 3ème, 30 oct. 1991; Com. 10 déc. 1991.
104
Crim., 22 nov. 1961, D. 62, Somm., 69.
32
neveux, nièces et alliés) qui doivent également prouver le préjudice subi. Les membres de la
famille étrangers (fiancés, parents adoptifs, enfants placés, etc.) sont indemnisés s’ils prouvent
le préjudice subi. Pour les concubines, la Cour de cassation leur accorde le droit à réparation si
le concubinage est un adultère105.
Cela dit, le droit positif a créé deux exceptions dans lesquelles le régime contractuel
s’applique. C'est le cas des réclamations en responsabilité déposées par les victimes par
ricochet, et deuxièmement de celles présentées entre les membres d'une chaîne de contrats.
Seulement, il est intéressant de noter que ces deux exceptions font l’objet d’un net recul en droit
positif, d’où prévaut le régime de la responsabilité délictuelle.
D- Action des contractants extrêmes dans les groupes de contrats non translatifs de
propriété
Les groupes de contrats sont un ensemble de contrats liés car ils concernent le même objet
ou contribuent au même objectif. Le problème de cette figure juridique est celui de la nature
des liens qui se forment entre les contractants extrêmes. Ce sont des personnes qui appartiennent
au même groupe contractuel, mais qui n’ont pas échangé leur consentement directement. Il y a
deux nuances ici ; les chaînes translatives de propriété, et les groupes de contrats dans lesquels
n’intervient aucun transfert de propriété. L’exemple dans ce dernier est le contrat de sous-
traitance lorsque le contractant et le sous-traitant ne fournissent que leur travail. Ici, l’idée que
les droits se transmettent avec la chose ne peut recevoir application.
Une partie de la doctrine appuyait déjà cette solution. En fait, selon M. DURRY, "s'il est
postulé que la responsabilité contractuelle est justiciable sous un régime spécifique parce que
105
Chambre. mixte, 27 fév. 1970 ; Cass. Crim. 10 juin 1975 pour un concubinage adultérin
33
le débiteur devait prévoir ce à quoi il s'engageait et quelles règles étaient applicables en cas de
défaillance, il ne fallait pas tolérer que la qualification de tiers au contrat permette de déjouer
ces prévisions, du moins lorsque cette qualification est, dans une large mesure, artificielle»106 .
La première chambre civile suivra donc cette doctrine en appliquant la formule selon laquelle
cet auteur insistait sur « la nécessité de soumettre à un seul et même régime, celui de la
responsabilité contractuelle, tous ceux qui ont subi un préjudice uniquement parce qu'ils avaient
un lien avec le contrat initial »107 . La notion de groupe de contrats permettra donc d’élargir le
cercle des personnes pouvant exercer une action contractuelle.
106
RTD Civ. 1980, 355
107
RTD Civ 1980, 355
108
J. HUET, thèse 1978, « Responsabilité contractuelle et délictuelle » : essai de délimitation entre les deux
ordres de responsabilité
34
Le juge a parfois tendance à confondre les deux ordres de responsabilité lorsqu'il assimile
une faute contractuelle à une faute délictuelle. Cette assimilation est justifiée lorsque
l'obligation violée est une obligation contractuelle générale. Cependant, ce sera différent s'il
s'agit d'une obligation purement contractuelle ».
Comme nous l’avons déjà vu, cette identité d’erreurs contractuelles et délictuelles mine
l’effet relatif des contrats; cela constitue un tempérament à ce principe de distinction des deux
niveaux de responsabilité. Ainsi, la jurisprudence dans sa solution semble avoir nié la
particularité de la responsabilité contractuelle. L'évolution du droit positif tend vers une unité
de régime, où le contrat est considéré comme l'exception et le délictuel comme principe.
Le droit positif se doit d’être corrigé vu ses imperfections ; c'est pourquoi une loi sur la
responsabilité a été proposée pour réorganiser le droit de la responsabilité.
Ce projet résoudrait ainsi le problème de la base des droits des victimes de non-respect par
des tiers. En principe, le tiers pourrait recevoir une indemnité pour le préjudice subi sur une
base contractuelle s’il apporte la preuve d’un événement menant à une telle responsabilité, à
condition toutefois que le régime de la responsabilité contractuelle s’applique à ses actes.
Malgré les nombreuses discussions qu’il a déclenchées, ce texte est le résultat d’un compromis
qui résulte de considérations pratiques qui doivent prévaloir. En fait, si vous souhaitez imposer
le respect du contrat, vous devez admettre que tout acte fondé uniquement sur une rupture de
contrat est régi par les termes du contrat, quelle que soit la qualité des parties.
L'avantage d'une telle option permet ainsi de concilier les préoccupations de protection des
tiers victimes et la sécurité juridique des parties, sans altérer l'équilibre global du contrat par les
prévisions contractuelles du débiteur109. Avec un tel mécanisme, le juge ne doit pas privilégier
109
J.-B. SEUBE, « Revue des Contrats », 2007, p. 379.
35
la sécurité de l’un au détriment de l’autre; Chaque partie est protégée, à savoir le tiers, le
débiteur et le créancier contractuel. Cependant, malgré les avantages de l’article 1342 de cet
avant-projet de réforme, les conséquences théoriques semblent imparfaites.
Cela-dit, certains auteurs ont qualifié ce projet de « monstruosité juridique »110. C’est l’idée
partagée par M. ANCEL; il justifie ce qualificatif par l'abolition des frontières entre le
contractuel et le criminel. En effet, le juge a autorisé la tierce partie à s'immiscer dans la sphère
contractuelle, ruinant logiquement la relativité des conventions.
110
P. ANCEL, « Faut-il faire avec », Revue des Contrats, 2007, p.538, n°21 : l’auteur utilise cette expression
pour illustrer les propos tenus par les détracteurs de la solution proposées dans l’avant-projet, propos qu’il est
bien loin de partager.
36
Paragraphe I : Les incohérences liées à l’extension de la responsabilité délictuelle au
bénéfice des tiers
Il convient d’examiner, dans un premier temps, le bouleversement affectant tout à la fois
le contrat et la condition des parties, pour mieux comprendre ensuite que celui-ci résulte
directement de l’inopportunité d’une solution combinant la mise en œuvre du régime
extracontractuel (dont nous pourrons constater qu’il s’est constitué un empire) et du principe
de l’assimilation des fautes.
111
J.-P. TOSI, « Le manquement contractuel dérelativisé », in Rupture, mouvements et continuité du droit,
Autour de Michelle Gobert, Économica, 2004, p. 479, n°13, qui met en évidence ce « choix de politique
judiciaire », de concert avec Ph. CONTE
112
Pour un autre exemple, cf. P. ANCEL, « Faut-il « faire avec » ? », Revue des Contrats, 2007, p.538, n°28 :
celuici donne l’exemple d’un exploitant de parking s’exonérant de l’obligation de surveillance des véhicules ;
dans ce cas, le tiers qui a laissé objet lui appartenant dans une voiture garée ne pourra pas obtenir réparation du
vol de cet objet, sauf à prouver l’existence d’une faute délictuelle spécifique de la part de l’exploitant du parking.
37
des dommages et intérêts tiers (au-delà de la preuve d'un dommage réel, de la légalité de l'intérêt
lésé et du lien de causalité), est moins facile à rembourser.
Toutefois, le délit n’est pas limité à cette gravité du débiteur et à ses prévisions
contractuelles, mais est également considéré comme discriminatoire pour d’autres personnes,
en particulier pour le créancier contractuel.
Il convient d'ajouter de la même manière que les tiers ont également la possibilité d'intenter
une action contre le débiteur contractuel sur la base de la responsabilité des faits, à condition,
bien entendu, que toutes les conditions soient remplies. Cependant, comme l'a souligné un
auteur113, le créancier contractuel se voit refuser l'utilisation de cette source de responsabilité
par l'interaction du principe d'interdiction. Il y a donc une nouvelle manifestation d'inégalité
injustifiée mise en œuvre en faveur des tiers.
Compte tenu de cette réserve, la possibilité d'un régime pénal peut créer un autre aspect
discriminatoire: c'est l'inégalité entre les différents tiers des victimes en cas de non-exécution
du contrat. Comme nous le savons maintenant, des tiers "normaux" bénéficient désormais de
l'indemnisation des irrégularités et peuvent réclamer volontairement des dommages et intérêts
113
P. ANCEL, revue précitée, n°11.
38
pour rupture de contrat. Cependant, il reste à voir que, à l'inverse, la troisième victime du non-
respect d'un contrat immobilier ne peut que faire valoir la violation du contrat et même s'opposer
à toutes les exceptions tirées de ce contrat.
Nous affirmons ici que l'application du droit positif de la responsabilité des parties à l'égard
des tiers donne lieu à une manifestation supplémentaire du « cherry-picking ». En fait, permettre
à un tiers d’invoquer une violation, tout en soumettant son action aux règles spécifiques des
questions extracontractuelles, revient à lui permettre de tirer avantage du contrat, tout en
excluant l’application de dispositions qui ne lui sont pas bénéfiques comme nous l'avons vu
plus haut, les clauses limitatives de responsabilité. C’est donc à un arbitrage « en demi-teinte
»115 que la plénière s'est prononcée dans son arrêt du 6 octobre 2006: le tiers est autorisé à
utiliser le contrat pour fonder son action sans être soumis aux règles applicables aux
contractants.
Le fait que le tiers puisse faire exécuter le contrat pour faire respecter ses obligations envers
le débiteur lorsque l'action est intentée sous le régime de la délinquance est la raison de la
situation de crise dans laquelle nous avons eu l'occasion de définir les caractéristiques.
Cependant, comme nous l'avons déjà dit, le tiers qui bénéficie de la règle de l'identité des erreurs
contractuelles et intentionnelles n'est plus « artificiellement considéré en dehors du contrat»116
et ce n'est plus le cas. On pourrait ajouter qu'il est artificiel d'utiliser la responsabilité du plan
114
La convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles confère en effet
aux parties une très grande liberté dans la désignation de la loi applicable à leur contrat. L’article 3-1 de ladite
convention leur permet notamment d’effectuer un choix partiel : les parties peuvent désigner plusieurs lois,
applicables chacune à une partie de leur contrat, ou une seule loi, en spécifiant que celle-ci ne régit qu’une partie
du contrat. Par ce mécanisme dit du « dépeçage » du contrat, les parties peuvent en quelque sorte choisir les
règles impératives qui s’appliqueront à leur contrat, la seule limite étant la cohérence du contrat. Il est ainsi
concevable que certaines clauses particulières du contrat (clause d’arbitrage ou clause de force majeure, par
exemple) soient soumises à une loi différente de celle qui s’applique à l’ensemble du contrat, d’où la possibilité
de parler de « cherry-picking ».
115
C. LACROIX, LPA, 2007, n°12, p.16.
116
C. LACROIX, Les Petites Affiches, 2007, n°12, p.16.
39
d'infraction. D'une certaine manière, le tiers reçoit « le beurre et l’argent du beurre » 117, qui est
la possibilité de combiner les avantages du contrat et l'infraction, ce qui est particulièrement
choquant et inopportun. La condition des contractants et le solde du contrat sont finalement
sacrifiés pour satisfaire pleinement la demande de réparation de la tierce partie.
Le tiers "ordinaire" bénéficiant de l'application du droit positif français peut tirer du contrat
ce qui lui est rentable tout en évitant ce qui pourrait lui nuire: qui pourrait rêver de mieux? La
voie choisie par le droit allemand est très loin de suivre ce schéma adopté en droit français; la
raison est simple: les conceptions du crime diffèrent considérablement dans les deux pays.
117
P. ANCEL, revue précitée, n°11.
118
R. WINTGEN, « Étude critique de la notion d’opposabilité, les effets du contrat à l’égard des tiers en droit
français et allemand », LGDJ 2004, n°301
40
BGB, « toute personne qui porte atteinte illégalement, délibérément ou inconsciemment à la
vie, à l'intégrité physique, à la santé, à la liberté, au droit de propriété ou à tout autre droit »119.
Outre le droit allemand, d’autres droits étrangers dans ce domaine ont leurs propres
techniques juridiques, qui aboutissent toutefois souvent à des résultats identiques, à savoir la
possibilité que le tiers soit victime d'une exécution médiocre d'un contrat de vente.
Indemnisation du préjudice subi. , Cependant, la perspective d'une harmonisation des
différentes dispositions légales ne semble pas être à jour. Le silence de la Commission Lando
sur la normalisation du droit européen des contrats dans le cadre de l'élaboration des "Principes
du droit européen des contrats", qui ne concerne pas directement la question du contradictoire,
telle que le contrat avec des tiers, ou par des tiers.
La stipulation pour autrui donne lieu à un droit direct du bénéficiaire contre le promettant,
indépendamment de l’acceptation du bénéficiaire, et ceci dès que la détermination est faite. Le
tiers peut demander à une partie de remplir une obligation contractuelle en sa faveur. Il s’agit
de l’exception au principe de l’effet relatif120, ou le bénéficiaire est créancier du promettant sans
119
Traduction de F. FERRAND, « Droit privé allemand », Dalloz, 1997, n°367.
Selon les termes mêmes de l’article 1165 du code civil, elle constitue la seule exception au principe en vertu
120
Le droit romain et le droit ancien interdisaient le recours à des tiers car il était contraire à
l’idée que l’obligation constituait un lien entre deux parties spécifiques. En parfaite harmonie
avec la règle de droit romain "alteri stipulari nemo potest"121, l'article 1119 du code civil pose
le principe de l'interdiction de ce mécanisme. Mais la solution a progressivement évolué et la
validité de la stipulation pour les autres a été exceptionnellement admise par l'article 1121 du
même code, dans deux cas: premièrement, dans le contexte du don sous-modal, alors que c'était
la condition de son don à un autre; et d'autre part, quand c'est la condition d'une stipulation que
l'on se fait soi-même, c'est-à-dire quand le contrat intéresse le stipulant.
Ces deux exceptions ont fait l’objet d’une interprétation dilatante de la jurisprudence, de
sorte qu’à la fin du XIXe siècle et au XXe siècle, la stipulation pour les autres revêt un grand
intérêt122, en particulier dans le contexte de la présente affaire est pour un assuré (le stipulant),
à stipuler d’un assureur, qui sera le promettant, qu’il remettra au décès de l’assuré une
contribution à sa veuve ou à ses enfants qui seront les bénéficiaires.
Cependant, cette jurisprudence a fait l'objet de nombreux griefs en doctrine. Tout d'abord,
il a été critiqué pour son caractère fictif, car il est loin d'être conforme à la volonté des parties:
ce sont beaucoup plus de principes en dehors du contrat (risque, équité, etc.) qui sous-tendent
les droits reconnus aux victimes d'accident. On a ensuite regretté l'arbitraire qu'il engendre,
121
Nul ne peut stipuler pour autrui
122
La stipulation pour autrui a pris une ampleur telle que certains ont été amenés à affirmer qu’ « il ne reste rien
de la règle alteri stipulari nemo potest » : F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, « Droit civil, Les
obligations », Dalloz, 8ème édition, n°516.
123
Cette obligation de sécurité est plus exactement née d’un arrêt Cass. civ., 21 nov. 1911.
42
puisqu'il n'a été consacré que dans certaines situations contractuelles à l'exclusion de
nombreuses autres, sans que les motifs justifiant cette limitation apparaissent clairement.
La remise en cause de la stipulation pour autrui est une autre illustration de la diminution de la
responsabilité contractuelle et une nouvelle approche qui consacre le « tout délictuel ».
Les chaînes de contrats sont une forme particulière de groupe de contrats. Elles se
caractérisent par une succession de contrats conclus entre différentes personnes et poursuivant
le même but, contrairement aux ensembles de contrats, avec autre type de groupe de contrats
mais dans lesquels les contrats sont liés par une identité de cause. Au sein des chaînes de
contrats, il est possible de distinguer les chaînes homogènes, qui regroupent des contrats de
même nature (comme la vente en chaîne), des chaînes hétérogènes, qui comprennent des
contrats d'espèces différentes (ventes associées à un contrat commercial).
Il a toujours été admis qu'un membre d'un groupe qui subit un dommage à la suite d'une
violation contractuelle imputable au débiteur de son débiteur pourrait engager sa responsabilité.
Ce n’est pas l’existence d’une action directe125 qui pose problème, mais la nature de la
responsabilité d’un maillon extrême de la chaîne pour les autres participants. L'intérêt d'une
telle question est de faire profiter la victime du régime de la responsabilité contractuelle, et en
particulier de la garantie des vices cachés.
La doctrine a proposé plusieurs bases pour ces actions contractuelles directes. Selon une
première analyse, proposée à l'origine par AUBRY et RAU126, l'action directe serait un
accessoire de la chose, transmise intuitu rei, sur les transferts de propriété réalisés dans les
chaînes de contrats. Une autre justification, fondée cette fois sur la théorie des groupes de
124
C’est notamment la définition retenue par P. LE TOURNEAU, « Droit de la responsabilité et des contrats »,
Dalloz Action, 2004/2005, p. 254, n°944.
125
L’action directe étant entendue comme celle qui « permet à un créancier de poursuivre directement, en son
propre nom et pour son compte, un tiers, qui est (en principe) débiteur de son débiteur » : M.-L. IZORCHE, Rép.
Civ. Dalloz, V° Action directe, 1994, n°1.
126
P. ESMEIN, Cours de droit civil français, t. II, 7ème éd., § 176, n°69.
43
contrats, a été proposée: ce serait l’existence d’un groupe de contrats qui justifierait l’extension
de la responsabilité contractuelle à tous les participants. Selon la formule proposée par AUBRY
et RAU, l'action directe serait limitée aux chaînes de contrats immobiliers, alors que sur la base
de la théorie des groupes de contrats, elle s'appliquerait à toutes les chaînes de contrats
(homogènes ou hétérogènes translatif de propriété ou non) ainsi que des ensembles contractuels.
A cet égard est intervenu l’arrêt dit Haironville en date du 28 novembre 2001, dans lequel
la troisième Chambre civile a rejeté l'action directe du propriétaire contre le fournisseur du sous-
traitant127. Il résulte de cet arrêt que le maître de l’ouvrage ne peut pas se prévaloir de la garantie
de défauts ou du non-respect contre le fournisseur du sous-traitant, mais d'une clause de
prescription convenue entre le fournisseur ou un intermédiaire et le sous-traitant n’est pas
opposable au maître de l’ouvrage, et que la prescription est décennale. Cet arrêt suggère une
nouvelle diminution de l'action directe dans les chaînes contractuelles en faveur du délit et
semble revenir à une interprétation stricte de l'article 1165 du code civil. Cela semble donc
constituer un renversement de jurisprudence à la lumière des décisions rendues par la Cour
plénière le 7 février 1986, qui comportait indirectement la règle opposée, à savoir que l'action
de l'employeur contre le fabricant était nécessairement contractuelle.
127
Cass. civ. 3ème, 28 nov. 2001, Bull. civ. III, n°137.
44
ouvre en principe à tout tiers victime d’inexécution d’un contrat le droit d’invoquer cette
inexécution si elle en est la cause directe.
Cependant, il doit supporter toutes les conséquences contraires au droit matériel applicable
et peut donc s'opposer à toute restriction contractuelle, en particulier celles relatives à la
responsabilité restrictive ou exclusive, aux règles de compétence, à la prévisibilité des
dommages, etc. Mais l’alinéa 2 de l’article 1342 de l’avant-projet ouvre également au tiers
l’option de la voie extracontractuelle lui permettant d’échapper aux contraintes découlant du
contrat. Ce dernier doit prouver que le fait dommageable est un « fait illicite ou anormal » au
sens de l’article 1340 alinéa 1 de l’avant-projet. En d’autres termes, la relativité de la faute
contractuelle trouverait sa place dans notre droit.
Plusieurs auteurs ont souligné les avantages d'une telle solution en termes pratiques 128. Et
nous sommes obligés de convenir avec eux que l'option proposée dans l'avant-projet conduit à
un rapprochement harmonieux entre l'exigence de prévisibilité contractuelle et le souci de
protéger les tiers victimes129. Du côté de la troisième victime, cela ne se limite pas aux termes
et conditions d’un contrat qu’il n’a pas choisi de soumettre: il peut très bien opter pour le régime
de la responsabilité délictuelle, qui évitera l’opposabilité des stipulations contractuelles.
Malgré sa satisfaction pratique, la reconnaissance d'une option entre les deux types de
responsabilité au profit de tiers est néanmoins vivement critiquée pour ses implications
théoriques.
Au moment de la conclusion du contrat, il interdit aux parties de lier des tiers et, au moment
de son exécution, il se réserve le droit de l'exiger. En revanche, il n'ordonne pas que le choix du
régime soit appliqué en cas d'inexécution. Si nous nous appuyons sur cette analyse, le choix
128
G. VINEY approuve notamment cette solution « dictée par des considérations pratiques qui doivent
l’emporter », Sous-titre III, De la responsabilité civile (articles 1340 à 1386), exposé des motifs.
129
J.-B. SEUBE, Revue des Contrats, 2007, p. 379.
130
G. VINEY, Recueil Dalloz, 2006, p. 2830.
45
entre responsabilité et contrat ne semble en aucun cas contredire l’article 1165 du Code civil et
le fameux principe de l’effet relatif des accords qu’il contient.
D'autres auteurs ont fermement condamné cette solution en ressentant une sorte de
"monstruosité juridique"131 qui pourrait briser les frontières entre contrat et criminel. Avec la
possibilité de réclamer une indemnité contractuelle aux entrepreneurs défaillants, le tiers peut
effectivement intervenir dans le monde du contrat, un monde qui, par définition, devrait régir
les relations entre entrepreneurs. Toutefois, cette seconde allégation peut être contredite par le
fait que le contrat, qui est en principe ouvert à tous les tiers en vertu de l'article 1342 de l'avant-
projet, ne constitue qu'une action en dommages et intérêts: il ne peut pas bénéficier de
l'exécution du contrat.
À la lumière de toutes ces observations sur les innovations proposées par le projet Catala,
il convient de rappeler que le choix entre les deux types de compétences serait particulièrement
le bienvenu, compte tenu des incohérences pratiques qui caractérisent notre droit positif dans
ce domaine. Il s'agit toutefois d'une violation évidente d'un principe de permanence qu'il
consacre ailleurs. Cela impliquerait également une réforme en profondeur de notre droit des
obligations, que nous considérons comme un "délit" au détriment du régime de responsabilité
contractuelle et des critiques féroces de ceux qui travaillent pour maintenir la responsabilité
civile contractuelle ligne de démarcation traditionnelle entre la responsabilité contractuelle et
délictuelle.
131
P. ANCEL, « Faut-il " faire avec " ? », Revue des Contrats, 2007, p.538, n°21 : l’auteur utilise cette
expression pour illustrer les propos tenus par les détracteurs de la solution proposées dans l’avant-projet, propos
qu’il est bien loin de partager.
46
Conclusion de la Partie I
En fin de partie, on s’est demandé quel était l’effet de la non-exécution du contrat sur des
tiers. En réponse à ce problème de droit, la jurisprudence, et en particulier la doctrine, nous a
donné un long débat sur la base de la responsabilité du contractant défaillant à l'égard des tiers
à travers les principes de la relativité du contrat.
La jurisprudence décide donc à suivre cette deuxième voie. L'idée selon laquelle la sphère
contractuelle ne devrait intéresser que les parties à l'acte et par là même perdre l'intérêt des tiers
est remplacé par celle de socialisation du contrat, les tiers pouvant être intéressés par ce dernier
par le biais de la théorie du "contrat-fait". Cela dit, le seul problème réel réside ailleurs dans le
fait de générer des responsabilités.
Dans la mesure où cette solution tendant à indemniser les tiers victimes de défaut
contractuel semble justifiée au nom de la protection, elle reste excessive et trop générale car
aller d'une part contre le principe de la relativité des contrats ne fait aucune distinction entre
pour la nature ou la portée de l'obligation violée, ou une référence au lien de causalité entre la
rupture de contrat et le préjudice subi. Surtout, à mon humble sens, la question de la nature de
l’obligation violée, de la réalité du dommage et du lien de causalité était le seul problème réel
en l’espèce.
Le contrat n’a théoriquement d’effet qu’entre les parties. Il n’intéresse pas les tiers mais ceux-
ci ne peuvent néanmoins l’ignorer totalement, notamment en cas de promesse de porte-fort ou
de stipulation pour autrui. En cas de simulation, les tiers peuvent ignorer la réalité de l’opération
juridique voulue par les parties132 (Chapitre I). Par conséquent, si le contrat n’oblige que les
parties, il doit être respecté par tous: c’est l’opposabilité du contrat aux tiers. Ainsi des personnes
étrangères à l’acte (les tiers) vont apprendre son existence133. Elles vont devoir le respecter. Dans
certains cas, elles vont pouvoir opposer son existence aux parties (Chapitre II).
132
Renault-Brahinsky, Corinne, « L’essentiel du droit des obligations », Les carrés, Gualino, 2018, p 73
133
J.-L. Goutal, « Essai sur le principe de l’effet relatif du contrat », LGDJ, Bibl. dr. privé, t. 171, 1981
48
En effet, le principe de l’effet relatif (Section I) et celui de l’opposabilité aux tiers (Section
II) sont désormais clairement séparés et prévus par deux articles distincts, c’est ce qu’on va
voir dans cette partie.
L’article 1103 de Code civil français énonce la force obligatoire135 des contrats vis-à-vis
de « ceux qui les ont faits », c’est l’effet relatif du contrat. Mais d’autres personnes peuvent être
concernées par un contrat dont les obligations peuvent être transmissibles136.
L’article 1165 du Code civil137 de 1804, siège du principe d’effet relatif, disposait que «
les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers,
et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 ». La règle est reprise dans une
formulation rajeunie par l’ordonnance du 10 février 2016 : « Le contrat ne crée d’obligations
qu’entre les parties » (C. civ., art. 1199). S’il semble logique de déterminer préalablement qui
134
Dahir (9 ramadan 1331) formant Code des obligations et des contrats (B.O. 12 septembre 1913
135
Cf. A. Weill, « La relativité des conventions en droit privé français », thèse, Strasbourg, 1938 ;
, préf.H. Batiffol ; M. Bacache, « La relativité des conventions et les groupes de contrats », LGDJ, Bibl. dr.
privé,t. 268, 1996, préf. Y. Lequette.
136
Bocquillon, Jean-FrançoisMariage, Martine, « Introduction au droit », DCG, Dunod, 2018, p « 256 ».
137
Le code civil français
49
est partie et qui est tiers pour fixer le domaine de l’effet relatif, de vives controverses
doctrinales138 en montrent la difficulté, due à l’évolution possible des situations de parties et de
tiers et à l’existence de catégories intermédiaires difficiles à classer.
C’est en réalité le plus souvent de la solution (application ou non-application des effets du
contrat) que les auteurs déduisent la qualité de tiers ou de partie, aussi une démarche différente
semble préférable139.
Le principe de l’effet relatif du contrat140 conduit à distinguer les parties et les tiers au
contrat. Il n’est toutefois pas toujours aisé de qualifier de la sorte certaines personnes qui n’ont
pas directement consenti au contrat mais en subissent les avantages ou conséquences (par ex.
famille, sous-acquéreur...), et demeurent ainsi particulièrement intéressées par la situation de
l’un des contractants (par ex. créanciers).
Cependant141, l’effet relatif du contrat n’interdit pas aux tiers d’invoquer la situation de
fait créée par les conventions auxquelles ils n’ont pas été partie ; plus précisément, de se
prévaloir de la violation de cette convention comme une faute dont le dommage qu’il subissent
est la conséquence. C’est ce qui est souvent nommé l’opposabilité des contrats, aux tiers et par
les tiers.
Selon ce principe142, le contrat n’a d’effet qu’entre les parties contractantes et il ne peut
produire d’effet à l’égard des tiers. Cependant, même face aux tiers absolus, le contrat crée
une situation juridique qu’elles ne peuvent ignorer. De même, les parties peuvent leur opposer
leur contrat pour, par exemple, engager leur responsabilité s’ils ont aidé à violer l’obligation
contractuelle (exemple du débauchage) et ce à condition que les tiers aient eu connaissance du
contrat. Enfin, un tiers peut se prévaloir du contrat si son exécution ou sa mauvaise exécution
lui porte préjudice.
Plus largement, les tiers ne peuvent donc être rendus ni créanciers ni débiteurs par l’effet
d’un contrat auquel ils n’ont pas souscrit. Il semble bien normal que soient seuls soumis au
contrat ceux qui l’ont conclu. Pourtant, il existe une exception à cette règle : la stipulation pour
138
Cf. J. Ghestin, « La distinction des parties et des tiers », JCP 1992. 1. 3628, no4 et la critique de J.-L. Aubert,
« À propos d’une distinction renouvelée des parties et des tiers », RTD civ. 1993. 263 s. ;C. Guelfucci-
Thibierge, « De l’élargissement de la notion de partie au contrat… à l’élargissement de la partie du principe de
l’effet relatif », RTD civ. 1994. 275 ; J. Ghestin, « Nouvelles propositions pour un renouvellement de la
distinction des parties et des tiers », RTD civ. 1994. 777.
139
Cabrillac, Rémy, « Droit des obligations », Le cours Dalloz, Dalloz, 2018, p « 131, 132 ».
140
Andreu, Lionel, Thomassin, Nicolas, « Cours de droit des obligations », , Coll. Amphi LMD, Ed. Gualino,
2018, p « 253 ».
141
Philippe Le Tourneau, « Droit de la responsabilité et des contrats », Dalloz, Dalloz, action, 2010, p « 381,
382 ».
142
Roy, Véronique, Meyer, Gilles, « Gestion juridique fiscale et sociale », DSCG, Dunod, 2018, p « 7, 8 »
50
autrui. C’est un contrat dans lequel une partie, le stipulant, obtient de l’autre, promettant,
l’engagement qu’elle donnera ou fera quelque chose au profit d’un tiers, le bénéficiaire. Ce
dernier devient ainsi créancier sans avoir été partie au contrat. L’exemple type en est donné par
l’assurance-vie. Le tiers peut soit refuser le bénéfice de la stipulation, soit l’accepter ; dans ce
dernier cas, l’opération est définitive et il est impossible pour le promettant de révoquer son
engagement143.
B- Cas de la représentation
Mécanisme par lequel une personne – le représenté – fait conclure un contrat pour son
compte par un intermédiaire ou représentant, et dans la limite des pouvoirs qui lui ont été
conférés (art. 1153).
C’est une technique très utile qui permet la conclusion de contrats au nom d’une personne qui
n’est pas présente ou qui est incapable. Seul le représenté est partie au contrat.
1. Conditions
Le représentant doit avoir le pouvoir d’engager les biens d’autrui.
–d’un jugement, par ex., un époux peut se faire habiliter en justice à représenter son conjoint
hors d’état de manifester sa volonté (C.civ., art.219);
–d’un contrat, appelé mandat: par ce contrat, une personne – le mandant – charge son
cocontractant – le mandataire – qui accepte cette mission, d’accomplir pour elle et en son nom,
un ou plusieurs actes juridiques, à des conditions plus ou moins précises (ex., mandat de vendre,
d’acheter, etc.)144.
– lorsque le pouvoir du représentant est défini en termes généraux, il ne couvre que les actes
conservatoires et d’administration;
143
Layani, Sébastien, « Tout pour réussir en droit des affaires », Enseignement supérieur, Gualino, 2014, p « 24,
25 ».
144
Tranchant, Laetitia, Égéa, Vincent, « Droit des obligations », Les mémentos Dalloz, Dalloz, 2018, p
« 74,75,76,77 ».
51
– lorsque le pouvoir est spécialement déterminé, le représentant ne peut accomplir que les actes
pour lesquels il est habilité et ceux qui en sont l’accessoire.
2. Effets
Ils varient en fonction des circonstances dans lesquelles ce pouvoir s’exerce effectivement.
–Le contrat conclu par représentation crée des droits et des obligations à l’égard du représenté
(art. 1154, al. 2);
–Il n’en produit aucun envers le représentant qui, par rapport à ce contrat, reste un tiers.
–Si le représentant a néanmoins dépassé ses pouvoirs, et à condition que le représenté n’ait pas
ratifié l’acte (art. 1156).
• L’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est
inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des
pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du
représenté;
• Le tiers contractant peut même en invoquer la nullité, s’il ignorait que l’acte était
accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de celui qui lui avait été accordé;
• Il se peut même que le représentant détourne ses pouvoirs au détriment du représenté:
ce dernier peut alors invoquer la nullité de l’acte, à la condition de prouver que le tiers
avait connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer (art. 1157).
➢ Le représentant agit pour le compte du représenté, mais en son nom personnel: il est
seul engagé à l’égard du cocontractant (art. 1154).
52
C- Les tiers devenant parties ‘Le décès d’une partie’
Lorsqu’un des contractants est décédé 145
à un moment où le contrat n’a pas épuisé ses
effets, ses ayants cause universels lui succèdent et deviennent en ses lieu et place créanciers et
débiteurs des obligations nées du contrat146.
Selon l’article 229 du DOC : « Les obligations ont effet, non seulement entre les parties,
elles-mêmes, mais aussi entre leurs héritiers ou ayants cause, à moins que le contraire ne soit
exprimé ou ne résulte de la nature de l'obligation ou de la loi. Les héritiers ne sont tenus toutefois
que jusqu'à concurrence des forces héréditaires, et proportionnellement à l'émolument de
chacun d'eux. »
Le successeur s’appelle donc un ayant cause universel ou à titre universel147. L’ayant cause
est une personne qui a acquis un droit ou une obligation d’une autre, que l’on appelle son auteur.
➢ L’ayant cause particulier est celui qui a vocation à recevoir tout le patrimoine de son
auteur; c’est le cas de l’héritier légal et du légataire universel (celui qui, en vertu d’un
testament, a vocation à recueillir la totalité des biens du testateur).
➢ L’ayant cause à titre universel est un légataire qui a vocation à recueillir une partie de
la succession.
1. Principe
Les droits et obligations de l’auteur se transmettent à ses ayants cause universels et à titre
universel, donc les contrats qu’il a conclus produisent leurs effets à leur égard.
2. Exceptions
–Si les contractants avaient prévu le contraire;
–Si le contrat, en raison de l’intuitu personae, doit prendre fin au décès d’un contractant. Les
contrats qui sont conclus intuitu personae, c’est-à- dire en considération des qualités mêmes du
contractant, de ses aptitudes, de ses connaissances n’étendent pas leurs effets aux héritiers de
celui-ci148. Selon le cas, l’intuitu personae concerne une seule partie (ex. l’avocat ou l’artiste
145
Béhar-Touchais, « Le décès du contractant », thèse Paris II, éd.1988.
146
A.-S.Barthez, « La transmission universelle des obligations », thèse Paris I, 2000. V. par ex. Com. 16 mars
1954, D.1954. 474 ; Civ. 3e, 3 juill. 1999, Defrénois 1999.1000, obs. Delebecque, RTD civ. 1999.834,
obs.Mestre
147
Terré, François, Simler, Philippe, Lequette, Yves, « Droit civil les obligations », Précis, 1ère ed Dalloz, 2018,
p.747
148
Valleur, « L’intuitus personae dans les contrats », thèse Paris, 1938 ; M.Contamine-Raynaud, L’intuitus
personae dans les contrats, thèse Paris, ronéot., 1974 ; A.-S.Barthez, thèse préc., n°474s., p. 364s
53
peintre) ou les deux (dans le mandat, le mandant et le mandataire). Le décès de la partie dont la
personnalité avait été prise en considération met fin au contrat.
D- La cession de contrat
La cession de contrat peut provenir d’un accord de volonté entre le cédant et le cessionnaire
(art. 1216) ou résulter de la loi. Ex. de cessions imposées par la loi:
–L’acquéreur d’un immeuble loué est tenu de respecter le bail (C.civ., art.1743);
–L’acquéreur d’une entreprise est lié par les contrats de travail en cours (C.trav., art. L.1224-
1).
L’opération vise à faire en sorte que le cessionnaire soit substitué au cédant, c’est-à-dire
recueille ses droits et assume ses obligations. Le mécanisme cession de contrat est désormais
expressément envisagé par le Code civil aux articles1216 s.
1. Conditions
– Un accord entre le cédant et le tiers-cessionnaire, le premier cédant au second « sa qualité de
partie au contrat» (art. 1216, al. 1er);
– Le consentement du cédé à la cession (« avec l’accord de son contractant, le cédé», art. 1216,
al. 1er); l’art. 1216, al. 2, du Code civil admet que ce consentement puisse être donné
antérieurement à la cession, ce que peut parfois prévoir le contrat initial entre ceux qui
deviendront cédant et cédé;
– La cession, sous peine de nullité, doit être constatée par écrit (art. 1216 al. 3), ce qui fait de la
cession de contrat un contrat solennel.
2. Effets
– Le transfert de la qualité de partie du cédant vers le cessionnaire;
– La libération du cédant et des tiers ayant consenti des sûretés: elle dépend de l’attitude du
cédé. Soit celui-ci consent expressément, non plus à la cession, mais à libération du cédant et
la cession de contrat libère le cédant pour l’avenir (art. 1216-1, al. 2); les sûretés éventuellement
consenties par le cédant ou par des tiers ne se maintiennent alors en principe pas, sauf à constater
leur accord (art. 1216-3, al. 1er). Soit il n’a pas expressément consenti à libérer le cédant, auquel
cas ce dernier reste tenu de l’exécution du contrat, solidairement avec le cessionnaire, sauf
clause contraire (art. 1216-1, al. 3); les sûretés éventuellement consenties par le cédant ou par
des tiers subsistent alors (art. 1216-3, al. 1er);
54
– La solidarité éventuelle qui existait entre le cédant et ses codébiteurs subsistent entre eux,
mais la libération du cédant par le cédé fait cesser la solidarité à l’égard du cédant; il convient
donc de considérer que la solidarité est maintenue en son principe pour ceux qui demeurent
dans le contrat, mais il faut déduire de la dette la part du cédant (art. 1216-3 al. 2);
– Opposabilité des exceptions (art. 1216-2): le cessionnaire est en droit d’opposer au cédé les
exceptions qui sont inhérentes à la dette (p. ex.: nullité, exception d’inexécution, résolution).
Toutefois, il est impuissant à lui opposer les exceptions qui seraient attachées à la personne du
cédant. Quant au cédé, il est en droit d’opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait
pu opposer au cédant149.
A- Les tiers absolus ‘Les parties peuvent opposer le contrat aux tiers’
Le principe de la relativité du contrat apparait à travers les dispositions de l’article 228 cité
plus haut, il signifie que les contrats n’engagent que les parties qui les ont volontairement
acceptées, les tiers c’est-à-dire les personnes étrangères à ces rapports contractuels, ne sont pas
en principe, concernés par cette situation juridiques.
Toutefois, les tiers ne peuvent ignorer les situations objectives, crées par le contrat ; on dit que
le contrat est opposable aux tiers. (Principe de l’opposabilité du contrat aux tiers).
Vis-à-vis, le contrat est un fait social, les tiers doivent le respecter et accepter de tenir compte
des effets qu’il produit entre les parties. Les tiers sont en droit de se prévaloir de cette même
situation, c’est-à-dire de l’invoquer à leur profit.
Les tiers complètement étrangers au contrat peuvent s’appuyer sur ce contrat pour en tirer
les conséquences juridiques.
Exemple : le conjoint et les enfants d’un passager victime d’un accident de transport
peuvent invoquer l’existence du contrat de transport pour engager la responsabilité du
transporteur et demander des dommages et intérêts.
• Si le contrat contient un droit réel, la règle est indiscutable, puisque par nature un
droit réel est opposable à tous.
149
Le code civil français
55
• En ce qui concerne les droits de créance, les tiers sont tenus de les respecter. Donc,
si, en connaissance de cause, un tiers se rend complice de la violation par un débiteur
de ses obligations contractuelles, il commet une faute qui engage sa responsabilité.
Exemples:
C- Les personnes se trouvant dans une situation intermédiaire ‘L’ayant cause à titre
particulier’152
Ce sont ceux qui tiennent un bien ou un droit déterminé de l’une des parties contractantes.
C’est le cas d’un acheteur, d’un donataire, d’un légataire particulier. On appelle « ayant cause
particulier » celui qui a acquis un bien ou droit déterminé.
150
Tranchant, Laetitia, Égéa, Vincent, « Droit des obligations », Les mémentos Dalloz, Ed. Dalloz, 2018, p
« 78».
151
Andreu, Lionel, Thomassin, Nicolas, « Cours de droit des obligations », Amphi, Ed. Gualino LMD, 2018, p
« 255 ».
152
Jahier, Hervé, Kopel, Gilberte, Bonan, Sylvie, « Introduction au droit », Dalloz, Ed. FontainePicard,: 2016,
p « 184 ».
56
C’est-à-dire les tiers qui acquièrent de l’une ou de l’autre partie à un contrat, le droit ou le
bien qui a été l’objet de ce contrat, peuvent parfois se voir reconnaître la qualité de partie au
contrat d’origine. Certes, le principe est évidemment que l’ayant cause à titre particulier n’a pas
la qualité de partie : c’est l’effet relatif des contrats (Cass. 3e civ., 16 nov. 1988, D.1989, p.
157, note Malaurie Ph.)153 ; Concrètement, l’acquéreur d’un immeuble n’est pas tenu de payer
les travaux qui ont pu être commandés par le vendeur avant la conclusion du contrat de vente.
Mais ce principe connaît des exceptions, aussi bien par le jeu de la transmission des contrats
conclus intuitu rei (c’est-à-dire en considération de la chose) qu’en application de certaines
dispositions spéciales (not. Stipulation pour autrui)154.
La loi impose parfois à l’ayant cause à titre particulier, c’est-à-dire à une personne juridique
ayant acquis de son auteur un ou plusieurs droits déterminés sans aucune obligation, le respect
des conventions passées par son auteur.
C’est l’ayant cause auquel l’auteur ne transmet qu’un ou plusieurs droits déterminés.
L’acheteur d’un bien acquiert le droit de propriété dont le vendeur de la chose était titulaire,
mais est-il tenu des dettes et profite-t-il des créances attachées à ce bien par le précédent
propriétaire?
1) Si l’ancien propriétaire avait constitué un droit réel, par ex. une servitude sur un immeuble,
ce droit réel se transmet nécessairement avec la chose: il est donc opposable à l’acquéreur.
2) Le régime du droit de créance est plus délicat. Il est généralement admis que ce droit se
transmet à l’ayant cause lorsqu’il est attaché à la chose et en constitue un accessoire. Par ex.,
en cas de ventes successives, le droit pour un acquéreur de mettre en œuvre la garantie due par
son vendeur passe au bénéfice du sous-acquéreur. L’ayant cause peut donc se prévaloir des
droits, réels ou personnels, qui sont des accessoires du bien transmis.
3) En revanche, les obligations nées sur la tête de l’ancien propriétaire ne se transmettent pas
en principe à ses ayants cause à titre particulier, puisque ceux-ci ne peuvent devenir débiteurs
sans leur consentement.
153
Cass. 3e civ., 16 nov. 1988, D.1989, p. 157, note Malaurie Ph
154
Le Bars, Thierry, Salvat, Odile, Raoul-Cormeil, Gilles, « La reforme du droit des contrats, du régime général,
et de la preuve des obligations », Coll. Lextenso, Ed. Gualino, 2018, p « 188 ».
57
Exemple : le vendeur d’un fonds de commerce s’engage à ne pas se livrer à une activité
faisant concurrence à celle de l’acquéreur. On dit que ce dernier dispose d’un droit accessoire
sur la chose. Ce droit est transmissible aux autres acquéreurs. Cela signifie que la clause de
non-concurrence lie le vendeur à l’égard également des acquéreurs ultérieurs du fonds. Ces
derniers sont qualifiés juridiquement d’ayants cause à titre particulier155.
Le principe est celui de l’intransmissibilité. Les ayants cause à titre particulier ne sont
concernés ni par les dettes ni par les créances nées dans les contrats passés par leur auteur.
155
Jahier, Hervé, Kopel, Gilberte, Bonan, Sylvie, « Introduction au droit », DCG 1, FontainePicard, 2016, p
« 184 ».
156
Civ. 15 janv.1918, DP 1918. 1. 17
157
Civ. 1re, 3 déc. 1996, D. 1997. 151
58
De même, la jurisprudence admet la transmission à l'ayant cause à titre particulier de toutes
les actions en garantie (non-conformité, vices cachés, etc.) attachées à la chose, et qui
appartenaient à son auteur (Ass. plén. 7 févr. 1986, D. 1986. 293, note A. Bénabent ; Civ. 1re,
21 janv. 2003, Bull. civ. I, no18158). Le sous-acquéreur peut ainsi agir directement contre le
fabricant dans le cadre de l'action en garantie relative à la chose livrée (v. toutefois les
exceptions à cette solution dans les chaînes de contrat,v. ss 475).
Il en va de même de l'action résolutoire qui, dans les chaînes translatives de propriété, se
transmet au sous-acquéreur (Civ. 1re, 20 mai 2010, no09.10.086159).La solution admise en droit
français diffère toutefois de celle retenue par la Cour de justice de l’Union européenne qui a,
dans un arrêt du 7 février 2013, refusé la transmission d’une clause attributive de compétence
au sous-acquéreur d’un bien sauf si ce dernier avait consenti à la clause (CJUE 7 févr. 2013,
JCP 2013. 516 et appliquant cette solution, Civ. 1re, 11 sept. 2013, RTD civ. 2013. 839)160.473.
La difficulté réside dans la détermination du critère et de la portée exacte de la solution retenue
par le droit français.
D- Cessionnaire
Selon la définition de MM. Malaurie, Aynès et Stoffel-Munck, « la cession de contrat a
pour objet le remplacement d'une partie par un tiers au cours d'exécution du contrat », par la
cession de la qualité de contractant (Malaurie, Aynès et Stoffel-Munck, n°906). Une des parties
(le cédant) va donc céder son obligation, envisagée à la fois dans son aspect actif et passif, à un
tiers cessionnaire qui peut, à certaines conditions (v. ss 1189 s.), le remplacer dans le contrat.
À l'issue de la cession, et si le cédé a expressément déchargé le cédant, seul le cessionnaire
est considéré comme partie, et soumis aux effets obligatoires de la convention. Le cédant a,
pour l'avenir, la qualité de tiers. Ainsi, lors de la cession de bail, le nouveau locataire peut
prendre la place de l'ancien dans le contrat et être, pour l'avenir, tenu de l'ensemble des droits
et obligations nés de la convention, puisqu'il a désormais la qualité de partie(pour une étude
détaillée des conditions de la cession de contrat, v. ss 1176 s.)161
158
Ass. plén. 7 févr. 1986, D. 1986. 293, note A. Bénabent ; Civ. 1re, 21 janv. 2003, Bull. civ. I, n°18
159
Civ. 1re, 20 mai 2010, n°09.10.086
160
CJUE 7 févr. 2013, JCP 2013. 516 , Civ. 1re, 11 sept. 2013, RTD civ. 2013. 839).473
161
Porchy-Simon, Stéphanie, « Droit civil 2ème année les obligations », Coll. Hyperscours, Ed. Dalloz, 2018,
p « 242,243 ».
59
de leur débiteur (C.civ., art.2284)162, ce qui leur permet de les saisir, s’il n’exécute pas son
obligation, v. p.226s. Les créanciers chirographaires sont plutôt considérés comme des tiers par
rapport aux contrats conclus par leur débiteur. Néanmoins, comme ces contrats peuvent
diminuer leur droit de gage général, la loi leur accorde certaines prérogatives en vue de les
protéger, par ex. l’action paulienne, v. p.167s.
Les créanciers chirographaires des parties doivent être assimilés aux penitus extranei,
même si la question a pu être controversée. Le contrat passé par le débiteur a en effet des
répercussions sur la situation du créancier chirographaire puisque cet acte est de nature à
affecter la consistance de son droit de gage général. Cette répercussion n'est toutefois
qu'indirecte. Elle résulte en effet du mécanisme même du droit de gage, qui fait subir au
créancier non titulaire d'une sûreté les variations du patrimoine de son débiteur. Celui-ci n'en
reste pas moins tiers au sens des articles 1165 anc ou 1199 du Code civil, puisque le contrat
passé par son débiteur ne lui confère jamais directement de droits ou obligations nouveaux.
1. L’action oblique
C’est l’action par laquelle le créancier exerce les droits et actions à caractère patrimonial
de son débiteur: il fait entrer dans le patrimoine de son débiteur une valeur, qu’il pourra
ultérieurement saisir.
Le créancier chirographaire peut ainsi intenter une action oblique. Prévue à l’article 1341-
1 du Code civil163, reprenant les solutions posées par l’article 1166 anc., celle-ci autorise le
créancier à exercer les droits et actions de son débiteur insolvable et négligeant.
Les droits et actions exclusivement rattachés à la personne désignent les droits
extrapatrimoniaux (action en divorce) et les droits patrimoniaux qui mettent en jeu des
considérations d’ordre moral (révocation d’une donation pour ingratitude) ou concernent des
biens insaisissables (recouvrement d’une pension alimentaire).
• Exercice par le créancier des droits et actions de son débiteur164.
Principes :
• Le créancier n’exerce pas un droit propre, mais le droit de son débiteur, par conséquent:
163
Le code civil français
164
Tranchant, Laetitia, Égéa, Vincent, « Droit des obligations », Coll. Les mémentos Dalloz, Ed. Dalloz, 2018,
p « 228 ».
60
–Le tiers poursuivi peut opposer au créancier poursuivant toutes les exceptions qu’il pourrait
invoquer contre son propre créancier, par ex. l’extinction de la créance par compensation,
renonciation, etc.;
–L’action oblique fait entrer dans le patrimoine du débiteur un bien qui devient le gage commun
de tous ses créanciers. Le poursuivant n’a donc pas de privilège: on dit que l’action oblique est
individuelle dans son exercice, mais collective par ses effets;
– L’absence de préférence du créancier qui prend l’initiative de l’action oblique explique que,
pour les créances monétaires à tout le moins, cette action subit une nette concurrence de la
saisie-attribution.
• L’action oblique n’est pas une saisie et le débiteur n’est pas dessaisi, donc il conserve
l’exercice de ses droits et actions à l’égard du tiers, d’où, par ex., la possibilité pour le débiteur
de recevoir un paiement de ce tiers ou de transiger avec lui.
• En vertu de la relativité de la chose jugée, le jugement rendu contre le tiers n’a pas d’autorité
à l’égard du débiteur, sauf s’il a été mis en cause (d’où l’utilité de le mettre en cause afin que
le jugement soit opposable à toutes les personnes concernées).
2. L’action paulienne
Le créancier chirographaire peut également exercer à l'encontre de son débiteur une action
paulienne (C. civ., art. 1167 anc. et 1341-2), dont l'objet est de demander la révocation des actes
passés en fraude de ses droits.
61
L’action paulienne165 apparaît ainsi comme un moyen de défense étroitement ajusté à la
protection du créancier contre les entreprises frauduleuses de son débiteur : s’il parvient à faire
la preuve de la fraude, il pourra – et il pourra seul – s’en prévaloir et faire comme si elle n’avait
pas eu lieu. L’action paulienne est en définitive un moyen de défense individuelle contre les
actes frauduleux166.
– Un tiers peut invoquer un contrat auquel il n’est pas partie à titre d’élément de preuve : par
exemple, un locataire peut invoquer un contrat entre son bailleur et un précédent locataire pour
renverser la présomption de l’article 1731 du Code civil selon laquelle il aurait reçu les lieux «
en bon état de réparation locative168»;
– Un tiers peut invoquer un contrat auquel il n’est pas partie pour s’exonérer d’une obligation
dont il serait sinon tenu : par exemple, dès lors que les formalités de la cession de créance sont
remplies, le cédé peut valablement refuser de payer au cédant169;
165
Flour, Jacques, Aubert, Jean-Luc, Savaux, Éric, « Droit civil les obligations », Cours Dalloz, Ed. Dalloz,
2015, p « 103,104 ».
166
Cf. Roman, « La nature juridique de l’action paulienne », Defrénois 2005, art. 38146, p. 655, et, plus
spécialement n° 28 s. ; comp. Sautonie-Laguionie, La fraude paulienne, préc., pour qui l’action paulienne
sanctionne, par l’inefficacité de l’acte, la cause illicite que constitue l’atteinte, par l’effet des conventions, aux
droits des créanciers. Selon l’auteur, l’inefficacité peut parfois s’incarner dans la nullité relative de l’acte.
167
Civ. 22 juin 1864, DP 1864. 1. 412 ; S. 1864. 1. 349
168
Com. 8 mai 1972, JCP 1972. II. 17193, note P. L.
169
V. ss 415. Ad. Com. 22 oct. 1991, Bull. civ., n°302 ; D. 1993. 181, note J. Ghestin (la caution peut se
prévaloir de la cession de créance pour refuser le paiement au cédant).
62
– Un tiers qui subit un préjudice du fait de la mauvaise exécution d’un contrat peut agir en
responsabilité extracontractuelle contre le contractant fautif.
Par exemple, un ouvrier blessé dans une carrière par une cartouche mal fabriquée peut agir
contre le fabricant qui avait vendu la cartouche à son employeur170;de même, un locataire blessé
du fait de la mauvaise conception d’un immeuble peut agir en responsabilité extracontractuelle
contre l’architecte171.
- Un tiers peut engager sa responsabilité extracontractuelle vis-à-vis d’une partie s’il se rend
complice de la violation des obligations contractuelles d’une autre partie172. Par exemple, une
personne A, après avoir conclu une promesse de vente auprès d’une personne B, vend à C, qui
acquiert en connaissant l’existence de la promesse. B peut engager la responsabilité de C,
complice de la violation de la promesse due à A.
En droit marocain et à s’en tenir à la lettre de l’article 228 du Dahir formant code des
Obligations et Contrats « DOC » : « les obligations n’engagent que ceux qui ont été parties à
l’acte : elles ne nuisent point aux tiers et elles ne leur profitent que dans les cas exprimés par la
loi », le contrat ne produit donc, en principe, aucun effet à l’effet des tiers. Les rédacteurs du
DOC se sont inspirés dans cet article du code civil français qui avait voulu faire du contrat un
acte complètement isolé173. Vite dénoncée, cette approche a cédé la place à une lecture plus
réaliste et sociale du contrat l’intégrant dans un tout économique dans lequel les tiers se trouvent
nécessairement concernés174.
S’il est vrai que le contrat ne saurait rendre les tiers ni débiteurs, ni créanciers, il crée en
revanche une situation juridique qui s’impose en tant que telle aux tiers qui se trouvent tenus
d’en respecter l’existence175.
170
Req. 5 mai 1924, DH 1924. 433 ; RTD civ. 1924. 628, obs. R. Demogue.
171
Civ. 1re, 24 oct. 1967, JCP 1968. II. 15360, note R. Lindon.
172
Civ. 1re, 26 janv. 1999, D. 1999. IR 64 : la responsabilité du tiers est délictuelle.
173
Article 1165 du code civil français
174
R. Savatier, « Le prétendu effet relatif du contrat », RTD civ, 1934, p « 525 ».
175 J. Bourgeois, « Le manquement contractuel », Mémoire de Master 2 Professionnel, Magistère de justice
d’affaires, sous la direction de Denis Mazeaud, 2008, p « 2 ».
63
d’hypothèses où un tiers peut avoir intérêt à se prévaloir à l’encontre d’un contractant de
l’existence de la situation née du contrat.
L'opposabilité du contrat, c'est-à-dire la faculté pour les parties ou pour les tiers de se
prévaloir de la situation juridique qu'il a engendrée, est évidente lorsque cette situation présente
un caractère absolu, opposable à tous. Ainsi la jurisprudence a décidé très tôt que les contrats
constitutifs ou translatifs de droits réels étaient opposables à tous et devaient être respectés par
tous. L’acquéreur d’une chose pourra opposer le droit réel qu’il tient d’un contrat de vente à
toute personne, réserve faite des règles de publicité ; il est acquis « erga omnes » que tel bien a
été aliéné et est devenu la propriété de telle personne.
176
Terré, François, Simler, Philippe, Lequette, Yves, « Droit civil les obligations », Coll. PRECIS, Ed. Dalloz,
2018, p « 750 s».
64
Quelques exemples permettront de mieux cerner l’hypothèse. Le propriétaire d’un bien
consent sur celui-ci une promesse de vente à un bénéficiaire, puis vend ce bien à une tierce
personne en violation de la promesse. La responsabilité du promettant est contractuelle, celle
du tiers qui a acquis le bien en connaissant l’existence de la promesse est délictuelle177.
Le patron qui débauche l’employé d’un concurrent et l’amène à rompre son premier contrat
de manière abusive, se rend complice de cette rupture. La responsabilité de l’employé est
contractuelle, celle du patron est délictuelle. La promesse de vente, le contrat de travail n’ont
pas créé d’obligation à l’égard des tiers, mais ceux-ci ne peuvent en méconnaître l’existence.
Or tel est précisément le cas lorsqu’un tiers, en concluant un contrat avec l’une des parties,
entrave l’exécution des obligations que cette partie avait précédemment souscrites. Encore faut-
il, pour que la responsabilité du tiers puisse être engagée, qu’il connaisse l’existence du contrat
violé au moment où il conclut le contrat incompatible avec celui-ci.
– Un tiers peut invoquer un contrat pour rechercher la responsabilité d’une partie : il arrive
qu’un tiers subisse un préjudice du fait de la mauvaise exécution d’un contrat. Par exemple, un
vendeur livre une chose de mauvaise qualité qui blesse ultérieurement une personne avec
laquelle il n’avait pas contracté. Le contractant défaillant engage-t-il sa responsabilité à l’égard
de ce tiers en raison de la méconnaissance de son obligation contractuelle ? N’étant, par
définition, pas partie au contrat, le tiers doit agir sur le terrain de la responsabilité délictuelle et
non sur celui de la responsabilité contractuelle (v.ss 1101).
177
Civ. 13 nov. 1927, DP1929. 1.131 ; 10avr. 1948, D.1948.421, note Lenoan ; 7oct. 1958, D.1958.763 ; Civ.3e,
8juill. 1975, Bull.civ.III, n° 249, Gaz. Pal. 1975. 2.781, note Plancqueel.
178
Terré, François, Simler, Philippe, Lequette, Yves, « Droit civil les obligations », Coll. PRECIS, Ed. Dalloz,
2018, p « 750 ».
65
En d’autres termes, la responsabilité délictuelle n’était retenue que si le contractant
défaillant avait violé une règle de portée générale. Il fallait une faute détachable du contrat.
Mais progressivement, la jurisprudence en est venue à considérer que l’inexécution de
l’obligation contractuelle suffisait à fonder l’existence d’une faute délictuelle. La solution a
finalement été consacrée par l’assemblée plénière dans un arrêt du 6 octobre 2006 : « le tiers à
un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement
contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ».
– Un tiers peut également invoquer un contrat, non pour rechercher la responsabilité d’une
partie, mais pour échapper à une obligation dont il serait sinon tenu. Une espèce permet
d’illustrer l’hypothèse : le président de deux sociétés se porte caution des engagements de
celles-ci envers une banque. À la suite d’une expropriation, les créances garanties par le
cautionnement sont cédées à une autre banque. La première banque ayant poursuivi la caution
en paiement, celle-ci réplique que la banque n’avait plus qualité pour agir en raison de la cession
de créance intervenue.
La cour d’appel ayant rejeté cette argumentation en observant que la caution ne pouvait se
prévaloir de la convention de cession à laquelle elle n’avait pas été partie, la Cour de cassation
la censure aux motifs que, « en statuant ainsi, alors que, s’ils ne peuvent être constitués ni
débiteurs, ni créanciers, les tiers à un contrat peuvent invoquer, à leur profit, comme un fait
juridique la situation créée par ce contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (C. civ., art.
1165) . On ne saurait dire plus nettement que les tiers peuvent opposer aux parties le contrat
conclu en dehors d’eux, lorsque tel est leur intérêt. Il a été jugé qu’une partie pouvait invoquer,
à titre de moyen de défense, la nullité du contrat qui lui est opposée.
Le principe de l’effet relatif du contrat prévu à l’article 1199 du Code civil voudrait qu’un
contrat ne puisse pas avoir de répercussion sur un autre. La doctrine et la jurisprudence ont
cependant bien voulu reconnaître l’existence de liens entre certains contrats qui constituent une
66
chaîne, notamment lorsqu’ils ont dû déterminer quel type de responsabilité pouvait être engagé
lorsque l’inexécution d’un contrat entraîne des conséquences à l’égard de tiers au contrat :
179
Renault-Brahinsky, Corinne, « L’essentiel du droit des obligations », LES CARRES, Gualino, 2018, p « 74 ».
67
Exemples
Type de chaîne de contrats Solutions Que se passe-t-il en cas de
litige ?
Responsabilité du premier M. Jean vend sa maison à M.
Chaîne homogène de contrats vendeur « nécessairement Jacques qui la vend à M. Paul,
translative de propriété contractuelle » (Civ. 1re, 9 elle s’écroule : M. Paul dispose
octobre 1979180) d’une action contractuelle contre
M. Jean.
M. Jean fait construire sa maison
Ass. plén., 7 février à M. Jacques qui achète des
Chaîne hétérogène de contrats 1986181:responsabilité volets à M. Paul. Les volets ne
translative de propriété contractuelle fonctionnent pas. M. Jean
dispose d’une action
contractuelle contre M. Paul.
M. Jean conclut un contrat
Civ. 1re, 8 mars d’entreprise avec M. Jacques qui
1988182:responsabilité sous-traite tout ou partie du
Chaîne de contrats non translative contractuelle Ass. plén., 12 travail à M. Paul. Il s’avère que
de propriété (= sous-contrat) juillet 1991183:responsabilité le toit, réalisé par M. Paul, ne
délictuelle résiste pas à la pluie. M. Jean
peut agir en responsabilité
délictuelle contre M. Paul.
Une distinction est faite selon le type de chaîne de contrats concerné :
Le mécanisme de l'article 1165 du Code civil fonde une logique de cloisonnement des
contrats, particulièrement utile pour l'affirmation de la force obligatoire du contrat et leur
distinction, et que le principe complémentaire de l'opposabilité du contrat renforce.
180
Civ. 1re , 9 octobre 1979, Bull. civ. I, nº 241, RTD civ. 1980, p. 354, obs. J. Durry
181
Ass. plén., 7 février 1986, Bull. AP, nº 2, JCP 1986, 20 616 note Malinvaud, D. 1986, Jur. p. 293,note
Bénabent, RTD civ. 1986, 364, obs. Huet, 605, obs. Rémy.
182
Civ. 1re, 8 mars 1988, Bull. civ. I, nº 69, RTD civ. 1988, p. 551, obs. Rémy, 741, obs. Mestre, 1989,p. 553,
obs. Jourdain (affaire Clic clac photo).
183
Ass. plén., 12 juillet 1991, Besse, JCP 1991, II, 21743, note Viney, D. 1991, Jur. p. 549, note Ghestin,RTD
civ. 1991, p. 750, obs. P. Jourdain, 1992, p. 90, obs. J. Mestre, Grands arrêts nº 105
68
Cependant ces deux principes conjugués ne résolvent pas la question posée par les groupes
de contrats184 qu'illustre le cas de la pluralité de contrats conclus par des mêmes contractants
(ensembles contractuels) et des chaînes de contrats. Un temps, l’hypothèse des groupes de
contrats était de nature à rompre avec le principe de l’effet relatif des contrats de façon à rendre
moins autonomes les contrats insérés dans un tel groupe, de telle manière que les effets d'un
contrat puissent se propager à d'autres contrats lorsque certaines conditions étaient respectées.
Ainsi se dégagent les chaînes de contrats : des suites de contrats unis par un même objet,
comme le cas des sous-contrats (contrat de bail et sous-contrat de bail par exemple) et des
chaînes de contrats de vente (vente et revente d'une même chose)185, où la question des liens
entre les maillons de la chaîne se pose. Ou des ensembles de contrats unis par un objectif voisin
(contrat de vente et contrat de financement de ce bien, contrat de vente et contrat de
maintenance, etc.).
Qu’il soit réel ou personnel, un droit ne peut être opposable, par hypothèse, que si celui qui
l’invoque rapporte la preuve de son existence, dans son patrimoine. Or cette preuve passe
nécessairement par celle de sa source (créance) ou de son mode d’acquisition (propriété ou
autres droits réels). Le titulaire pourra donc invoquer le contrat qui « l’a fait propriétaire » ou «
titulaire »y compris à l’égard de personnes qui en sont tierces, pour faire la preuve de son droit
de propriété ou d’un autre droit réel.
184
Cf .B. Teyssié, « Les groupes de contrats », LGDJ, Année de publication : 1975, M. Bacache-Gibelli, « La
relativité des conventions et les groupes de contras », LGDJ, Année de publication : 1996.
185
Cf. D. Mainguy, « La revente », Ed. Litec. 1996.
69
L’article 1200, alinéa 2 dispose spécifiquement, à propos du contrat, que les tiers « peuvent
s’en prévaloir notamment pour apporter la preuve d’un fait ». Si une partie peut opposer un
contrat pour faire la preuve d’un droit réel à l’égard d’un tiers, réciproquement, un tiers peut
tout à fait opposer l’existence d’un droit réel en invoquant le contrat d’une partie.
– Qui en a l’usage, le contrôle, la direction – peut être responsable de plein droit des dommages
causés par celle-ci (art. 1242, al. 1er, ancien art. 1384, al. 1er). Or la jurisprudence considère
de longue date que le propriétaire d’une chose en est présumé être le gardien (v. infra, nº 1414).
La victime, agissant en responsabilité, opposera ainsi au défendeur sa qualité de propriétaire
de la chose qui a causé un dommage. Pour apporter cette preuve par tout moyen, elle pourra
invoquer le contrat d’acquisition.
70
contraint, mais l’état obligatoire entre le créancier et le débiteur est une réalité pour tous. La
relativité du lien n’exclut pas son opposabilité aux tiers.
Chapitre II : Les dérogations classiques à l’effet relatif du contrat vis-à-vis des tiers
L’effet relatif du contrat suit certaines dérogations classiques. Les dispositions relatives à la
simulation relative aux effets du contrat à l’égard des tiers 186(Section I). A contrario, cet effet
relatif admet quelques exceptions à savoir la stipulation pour autrui et la promesse du porte-fort
(Section II).
Paragraphe I : La simulation
La simulation est un mensonge qui suppose une dissimulation voulue. Il se réalise au
moyen de deux actes, tout en produisant des effets.
A- Définition générale
Le mécanisme de la simulation tient à la dualité des actes juridiques conclus relativement
au même objet par les parties contractantes. La coexistence de deux actes juridiques distincts –
L'un caché, venant contredire l’autre apparent – est inhérente à la structure de l’opération187.
186
Corinne Renault-Brahinsky, « L’essentiel Droit des obligations », LES CARRES, Ed. Gualino, 2019, p
« 76 ».
187
Civ.1re, 13janv. 1953, Bull.civ.I, no 15, p. 12 : la simulation suppose « l’existence de deux conventions, l’une
ostensible, l’autre occulte, intervenues entre les mêmes parties, dont la seconde est destinée à modifier ou
annuler les stipulations de la première ».
71
En matière fiscale : par exemple, le prix ostensible est inférieur au prix réel, resté secret.
Ou bien encore, une fraude aux droits des créanciers : afin de soustraire un bien à leur gage, un
débiteur le vend fictivement à un compère. Plus rarement, elle est innocente : par exemple, un
commerçant désirant ne pas révéler ses marchés à un concurrent les fait conclure par un prête-
nom.
Ses effets sont dominés par trois principes, qui doivent se combiner. L’autonomie de la
volonté impose de respecter la volonté réelle, c'est-à-dire l’acte secret (la contre-lettre). La
théorie de l’apparence doit autoriser les tiers de bonne foi à se prévaloir de l’acte apparent
(l’acte ostensible). La fraude doit être découragée, ce qui peut amener à annuler soit la contre-
lettre, soit à la fois la contre-lettre et l’acte apparent.
Parce que le libéralisme économique inspire notre droit des contrats, l’autonomie de la
volonté l’emporte en général, sauf à être parfois corrigée par les deux autres règles. Ce qui est
sans doute de mauvaise politique législative : il serait opportun de toujours annuler l’acte secret
qui, le plus souvent, est frauduleux188.
B- La variété de la simulation
La simulation prend des formes variées ; quand elle est frauduleuse, elle est souvent
ingénieuse. Ayant pour objet une convention, elle peut porter sur chacun de ses éléments : son
existence, sa nature, l’identité des parties ou l’objet de l’obligation.
1. Objet de la simulation
a) Soit sur l’existence même de l’acte, en réalité fictif. Une vente est ostensiblement conclue
entre un propriétaire accablé de dettes et un de ses compères, mai il est en secret stipulé
que la propriété demeura au vendeur ; l’opération est en réalité inexistante. Le but de
l’opération est de soustraire frauduleusement la chose à l’emprise de créancier du
propriétaire.
b) Soit sur la nature juridique de l’acte ; l’acte apparent est un acte déguisé : il se présente
ostensiblement comme une vente, mais une contre-lettre stipule que le prix n’est pas dû
par le prétendu < acheteur > ; l’opération est une donation.
Le déguisement a en général pour le but de frauder le fisc, car les actes à titre onéreux
supportent des droits de mutation beaucoup moins élèves que les actes à titre gratuit. Il
188
J.Carbonnier, n°87 ; « le contrat », FLOUR, AUBERT et SAVAUX, t.l, n°380, estiment que la règle serait
trop brutale, en raison de la diversité des intérêts en présence.
72
peut aussi avoir pour fin de frauder les héritiers réservataires, qui ont la faculté de faire
réduire les libéralités excessive de leur auteur, mais ne peuvent critiquer ses actes à titre
onéreux : par exemple, le père de trois enfants vend pour un prix fictif un bien à l’un d’eux,
afin de l’avantager plus qu’il n’a le droit de le faire, au détriment des autres. C’est exemple
très « classique » de la dissimulation d’une partie du prix dans la vente d’immeuble189.
c) La simulation peut aussi porter sur l’identité des parties au contrat, ce que l’on appelle <
l’interposition de personnes >. Par exemple, un propriétaire veut acheter un terrain voisin ;
craignant de se voir imposer des conditions onéreuse il va réaliser l’opération par
l’intermédiaire d’un tiers, un prête-nom, qui lui en transmettra ensuite le bénéfice par
exécution d’un manda secret190. Surtout, l’interposition de personnes peut avoir pour le
but de tourner les règles sur les incapacités ainsi, la loi dispose que le patient ne peut
gratifier son médecin lorsqu’il meurt de la maladie soignée (art.909) : afin de tourner la
règle, le malade fera ostensiblement une libéralité à un tiers, secrètement chargé de la
transmettre au médecin.
d) Enfin, la simulation peut être relative à l’objet de l’obligation ; c’est, au sens strict du
terme, la contre-lettre. Par exemple, la contre-lettre augmente le prix ostensible d’une
vente, afin de frauder le fisc, qui ne connaitra que le prix figurant dans l’acte apparent.
L’article 1321 du Code civil fait une distinction entre les rapports des parties à l’acte et les
rapports avec les tiers.
189
Christian Lapoyade Deschamps, Laurent Bloch, Stéphanie Moracchini-Zeidenberg, « Droit des obligations »,
Universités DROIT, Ellipses, 2008, p « 101 ».
190
Cass.civ. 1re, 28 nov.2000, Bull.civ.I, n°311 ; Defrénois 2001, n°37.309, n°7, obs. crit. R.Libchaber :
l’interposition de personnes ne suppose pas que l’acte ostensible et l’acte secret aient été conclus entre les
mêmes personnes ; le tiers (en espèce, un préteur) peut donc agir contre le cocontractant du prête-nom, ou contre
celui-ci.
191
ANCEL (P.), « Force obligatoire et contenu obligationnels du contrat », RTD civ. 1999, p. 774
73
– Si le contrat est lui-même parfaitement régulier, l’accord secret s’applique parce qu’il
correspond à la volonté réelle des parties ;
– Si l’accord secret est irrégulier, il sera nul pour irrégularité mais pas pour simulation puisque
la simulation est licite. La technique de la simulation est en elle-même neutre, c’est-à-dire
qu’elle ne rend pas valable l’acte secret qui, ostensible, aurait été nul, mais la simulation ne
rend pas nul l’acte simulé qui est en lui-même valable. Ainsi, la donation déguisée derrière une
vente est valable, même si elle n’a pas été constatée par acte authentique (qui est obligatoire en
matière de donation), dès lors que les conditions de forme de l’acte apparent (même réduites
dans la mesure où la vente est un contrat consensuel) sont respectées. Pour s’appliquer entre les
parties, l’accord secret doit être invoqué et prouvé.
– Les ayants cause universels de l’une ou de l’autre des parties parce qu’ils remplacent les
parties sauf lorsqu’ils agissent pour défendre un droit qui leur est propre, par exemple les
héritiers réservataires qui agissent pour défendre leur réserve face à une donation déguisée. Les
tiers ont le droit de se prévaloir de l’acte secret : lorsqu’ils y ont intérêt, les tiers peuvent aussi,
comme les parties, intenter une action en déclaration de simulation. Pour les tiers, la preuve de
la simulation est libre.
Un conflit peut exister entre les tiers, les uns se prévalant de l’acte apparent, les autres de
l’acte secret. Dans un tel cas, la jurisprudence fait prévaloir les intérêts de ceux des tiers qui
invoquent l’acte apparent.
A- Principe de la solution
Bien qu'impliquant nécessairement un mensonge, la simulation est neutre. Elle ne rend pas
nul ce qui est valable, non plus qu'elle ne rend valable ce qui est nul. Dès lors un problème
apparaît : l'acte ostensible et l'acte secret se contredisant en tout ou en partie, il faut rechercher
74
celui qui va finalement l'emporter. Afin de répondre à cette question, il est nécessaire de
remonter aux principes. L’autonomie de la volonté impose de respecter la volonté réelle des
parties. Celle-ci étant renfermée dans l’acte secret, c’est celui-ci qui devrait prévaloir.
1. Effet de la contre-lettre
En prévoyant que la contre-lettre peut avoir effet entre les parties contractantes, l'article
1201 marque que la discordance entre l'acte apparent et l'acte secret se résout entre celles-ci au
bénéfice du second. La primauté appartient à l'acte secret, en tant qu'il exprime le véritable
accord des parties. La solution postule, à l'évidence, que l'acte secret n'est pas, du seul fait de
son caractère occulte, frappé de nullité. On peut faire secrètement ce qu'on a le droit de faire
ouvertement. Mais, à l'inverse, la simulation ne saurait évidemment conférer à l'acte une validité
qu'il n'a pas. La simulation, dit-on, est neutre.
2. Conditions de validité
L'acte secret l'emportant, toutes les conditions de fond auxquelles la loi subordonne la
validité de l’acte juridique doivent être réunies dans celui-ci. Les conditions de fond –
consentement, capacité, contenu certain et licite – s’apprécient donc dans l’acte occulte192.
En revanche, les conditions de forme sont celles de l’acte apparent. Constituant la façade
de l’opération, celui-ci doit pouvoir faire illusion. Il en résulte que l’acte caché emprunte, en
quelque sorte, la forme de l’acte apparent. Par exemple en cas de donation déguisée derrière
une vente, celle-ci sera valable bien qu’elle n’ait pas été constatée par un acte authentique
comme l’exige l’article 931 du Code civil, car la seule forme à respecter est celle de l’acte
apparent, la vente, laquelle est un contrat consensuel 193
.Encore faut-il pour que l’acte caché
l’emporte, que la simulation soit démontrée, que le caractère fictif de l’acte ostensible soit
prouvé.
192
S’agissant de la cause, la preuve de sa fausseté faisant présumer son absence, il a été jugé que le bénéficiaire
de la créance née de l’acte apparent doit démontrer l’existence d’une autre cause licite (Civ.1re, 20déc. 1988,
Bull.civ.I, n° 369, p. 249, D.1990.241, note J.P.Marguénaud, Defrénois 1989.759, obs. Aubert, RTD civ.
1989.300, obs. J.Mestre). Autrement dit, l’art.1132 ne joue pas car on est en présence non d’un acte silencieux
quant à sa cause, mais d’un acte dont la fausseté de la cause est établie.
193
Civ.1re, 29 mai 1980, Bull.civ. I, n° 164, p. 131, (« les libéralités faites sous le couvert d’actes à titre onéreux
sont valables lorsqu’elles réunissent les conditions de forme requises pour la constitution des actes dont elles
empruntent l’apparence, les règles auxquelles elles sont assujetties quant au fond étant celles propres aux actes à
titre gratuit ») ; 27oct. 1993, JCP1993. IV.228, D.1994. IR14. V. déjà Civ.31mai 1813, S.chron., GAJC, t.1, n°
130.
75
3. Preuve de l’acte secret
L'existence de l'acte secret sera établie au moyen d'une action en déclaration de
simulation194. Se prescrivant traditionnellement par trente ans195, celle-ci est soumise depuis la
loi du 17 juin 2008 à la prescription de cinq ans (C. civ., art. 2224). Ce délai court, en principe,
à compter du jour de l’acte argué de simulation, puisque les parties connaissaient à cette date
les faits leur permettant de l’exercer. L’acte secret ne peut être établi, dans son existence et sa
teneur, que conformément aux règles ordinaires de preuve des actes juridiques. Il faut dès lors
distinguer selon que la convention ostensible a été ou non passée par écrit.
194
Civ. 1re, 9mai 1955, D.1955.467.
195
Civ.1re, 9nov. 1971, D.1972.302.
196
La fraude corrumpit tout.
197
Sur les rapports entre l’action en déclaration de simulation et l’action paulienne, v.ss 1576s. ; v.aussi Ghestin,
Jamin et Billiau, no 819 ; J.Mestre, obs., RTD civ. 1985.370.
76
Paragraphe I : Stipulation pour autrui
La stipulation pour autrui est un mécanisme sui generis, qui ne peut se réduire à un autre
schéma de la théorie générale des obligations, comme en témoignent ses conditions (A) et ses
effets (B).
L’article 33 du DOC pose la règle suivante : « Nul ne peut engager autrui, ni stipuler pour
lui, s'il n'a pouvoir de le représenter en vertu d'un mandat ou de la loi ». Mais l’article 34 autorise
la stipulation pour autrui : « Néanmoins, on peut stipuler au profit d'un tiers, même indéterminé,
lorsque telle est la cause d'une convention à titre onéreux que l'on fait soi-même ou d'une
libéralité que l'on fait au promettant ».
Ainsi définie, la stipulation pour autrui est l'opération juridique par laquelle une personne
(le stipulant, par exemple l'assuré en matière d'assurance-vie) obtient d'une autre personne (le
promettant l'assureur) qu'elle s'engage envers une troisième personne (le tiers bénéficiaire) à
effectuer une prestation (le versement d'un capital ou d'une rente en matière d'assurance-vie).
Le tiers bénéficiaire devient créancier sans avoir participé au contrat. C'est pour- quoi la
stipulation pour autrui constitue une exception réelle à l'effet relatif des conventions198.
Le mécanisme199 de la stipulation pour autrui est une figure contractuelle encore plus
originale, une opération à trois personnes. L’article 1165 C.civ réserve expressément
l’exception de l’article 1121 du Code civil relatif à la stipulation pour autrui qui est également
une exception à l’article 1119 du Code civil : « On peut pareillement stipuler au profit d’un
tiers, lorsque telle est la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou d’une
donation que l’on fait à une autre ».
C’est la seule disposition que le Code civil a réservée à cette institution très ancienne, dans
des conditions au départ extrêmement limitées (conditions d’un contrat pour soi et pour un tiers,
ou donation avec charge) et que la jurisprudence et des lois postérieures ont ensuite élargies
pour intégrer d’autres mécanismes et notamment, le contrat d’assurance.
198
P.Canin, « Les obligations », Droit civil, Hachette, 2013, p « 72 ».
199
D.Mainguy, J-L.Respaud, « Droit des obligations », Cours magistral, Ellipses, 2008, p « 184, 185 ».
77
L’exemple type est fourni par le mécanisme de l'assurance, l'assurance-décès par exemple:
contrat conclu entre un stipulant, l'assuré, et un promettant, l'assureur, obligeant celui-ci à
verser, au jour du décès, un capital à un tiers bénéficiaire200 mais aussi par l'assurance-
responsabilité, par lequel un stipulant conclu contrat à un promettant au profit de n'importe quel
bénéficiaire, qui aurait à souffrir d'un préjudice causé par l'assuré. Dans la stipulation pour
autrui, l'atteinte à la relativité des contrats est certaine, puisque la convention fait naître un droit
sur la tête d'un tiers qui n'était et ne devient pas partie posera les caractères généraux puis le
régime de ce mécanisme201.
Son analyse juridique doit expliquer qu'avant toute acceptation, le tiers a un droit propre
contre le promettant, résultant d'un contrat auquel il n'a pas été partie. Les juristes classiques
ont eu du mal à y parvenir, imprégnés de l'idée que le contrat était l’affaire des parties. Deux
analyses, surtout, ont été tentées, l'une partant de l'offre, l'autre de la gestion d'affaires; c'est-à-
dire qu'elles ont utilisé des institutions connues, afin de justifier ce qui était inconnu; c'est
toujours ainsi que le droit progresse. Ce genre de méthode est aujourd'hui inutile, car la
stipulation pour autrui est devenue une institution autonome.
2°Le tiers acquiert un droit immédiatement, de la stipulation, avant même son propre contre le
promettant et n'est donc pas l'ayant cause du stipulant acceptation.
4° Jusqu'à cette le stipulant peut révoquer le droit du tiers. Ce sont ces quatre propositions qu'a
tenté d'expliquer l'analyse recourant à la gestion d'affaires.
L’article 1203 affirme le principe selon lequel «On ne peut s’engager en son propre nom que
pour soi-même». L’article 1205, alinéa 1er pose néanmoins le principe de la validité de la
stipulation pour autrui (« On peut stipuler pour autrui») alors que l’ancien article 1121 exigeait
qu’elle soit « la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou d’une donation que
l’on fait à un autre».
200
Cass. civ., 16 janv. 1888, Grands arrêts, n° 169.
201
P.Malaurie, L.Aynès, Philippe S.Munck, « Droit des obligations », Droit civil, Lextenso, 2015, p « 422 ».
78
Désormais, l’article 1205 déclare clairement dans son 2e alinéa que « L’un des
contractants, le stipulant, peut faire promettre à l’autre, le promettant, d’accomplir une
prestation au profit d’un tiers, le bénéficiaire ».Le nouveau texte confirme la jurisprudence
selon laquelle la stipulation pour autrui est valable dès lors que le stipulant y trouve au moins
un intérêt moral, même si le principe n’est pas formulé ainsi (Civ. 1re, 12 avr. 1967).Le
bénéficiaire de la stipulation doit être déterminable (art. 1205, al. 2, in fine): il peut s’agir d’une
personne future mais il « doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de
l’exécution de la promesse ». Cette solution était depuis longtemps admise par la jurisprudence
(Civ., 28 déc. 1927), notamment en droit des assurances, afin d’assurer le bon fonctionnement
des contrats d’assurance-vie.
B- Acceptation et révocation
Il n’est pas nécessaire pour que le bénéficiaire acquière son droit, qu’il accepte la
stipulation. L’originalité de l’institution tient précisément à ce que la naissance de son droit est
antérieure à son acceptation ; elle date de la conclusion du contrat entre promettant et stipulant.
Son consentement ne donne pas naissance à son droit : en cela, la stipulation pour autrui déroge
à l’article 1165.
– Tout d’abord, l’article précise que le stipulant peut révoquer la stipulation tant que le
bénéficiaire ne l’a pas acceptée. Cela pose la question des conditions d’exercice de ce droit de
révocation (C. civ, art. 1207) ;
– Ensuite, il est possible de déduire par une interprétation a contrario que la révocation de la
stipulation n’est plus possible une fois que le bénéficiaire l’a acceptée. La volonté du stipulant
sera alors sans effet. Le droit du bénéficiaire sur la créance est alors définitif. Notons pour finir
que la révocation s’analyse comme un acte juridique unilatéral (sur les modalités de la
révocation : infra, C. civ, art. 1207203).
202
Jamin C. et Dissaux N., « Projet de réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations », Supplément au Code civil Dalloz, Dalloz, 2015, p « 111 ».
203
C. civ., art. 1207
79
2. Le régime de l’acceptation
Le pouvoir d’accepter est réservé, de son vivant, au bénéficiaire. La conjonction de
coordination « ou» marque une alternative : si le bénéficiaire est décédé, ses héritiers pourront
accepter. C’est la consécration d’une solution prétorienne (Cass. req., 22 juin 1859: D. 1859, 1,
p. 385 ; Cass. req., 27 févr. 1884, D.1888, 1, p. 389). Le bénéfice de la stipulation se transmet
donc à cause de mort. C’est une simple conséquence de la transmission de plein droit des droits
aux héritiers de la personne décédée (C. civ., art. 724).En pratique, la question se pose de savoir
si un créancier du bénéficiaire peut exercer une action oblique pour accepter à sa place (C. civ.,
art. 1341-1).
C- Rapports juridiques que la stipulation pour autrui établit entre les intéressés
Comme dans toute opération triangulaire, trois séries de rapport sont à envisager : les
rapports entre le stipulant et le promettant, les rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire,
les rapports entre le stipulant et le tiers bénéficiaire204.
204
Terré, François Simler, Philippe Lequette, Yves, « Droit civil les obligations », Précis, Dalloz, 2018, p
«786 ».
205
Civ. 12 juill. 1956, D. 1956. 749, note Radouant
206
Civ. 16 janv. 1888, cité et C. assur., art. L. 132-14 en matière d’assurance-vie
207
Req. 22 juin 1891, DP 1982. 1. 205
80
3. Rapports entre le tiers bénéficiaire et le stipulant
Le stipulant peut révoquer la stipulation tant que le tiers ne l’a pas acceptée. L’ordonnance
confirme cette solution (C. civ., art. 1206 al. 2). Ce droit de révocation est une faculté réservée
au seul stipulant, voire ses représentants208, la jurisprudence l’ayant étendu aux héritiers209.
Si elles n’en sont pas la conséquence, ces relations sont pourtant le but de la stipulation
pour autrui, la prestation que la stipulant veut conférer au tiers par l’intermédiaire du
promettant. On peut donc dire que la cause de la stipulation pour autrui est l’intérêt que poursuit
le stipulant lorsqu’il procure une prestation à un tiers.
1° Intérêt qui peut être un titre onéreux : le stipulant a une dette envers une autre tiers
qu’éteindra le paiement fait par le promettant au tiers.
2° Intérêt qui peut aussi être un titre gratuit : par exemple, l’assurance sur la vie permet de faire
une libéralité à un tiers. Si la cause de cette libéralité est illicite ou immorale, ce qui est nul
n’est pas le contrat d’assurance mais seulement la stipulation autrui, c'est-à-dire l’indication du
bénéficiaire.
208
Civ. 1re , 31 mars 1992, D. 1992. 508, note J. Massip ; JCP 1993. II. 22113, note Ramarolanto-Ratiaray.
209
Req. 22 juin 1859, DP 1859. 1. 385 ; S. 1861. 1. 151. Comp., en matière d’assurance-vie, C. assur.,art. L.
132-9, al.3:«Ce droit de révocation ne peut être exercé, après la mort du stipulant, par ses héritiers, qu’après
l’exigibilité de la somme assurée et au plus tôt trois mois après que le bénéficiaire a été mis en demeure par acte
extrajudiciaire, d’avoir à déclarer s’il accepte ».
81
passé entre deux autres personnes. Les seules incapacités dont on est conduit à faire état sont
les incapacités de jouissance, celles qui enlèvent l’aptitude à être titulaire d’un droit : il faudra
notamment que le tiers bénéficiaire soit capable de recevoir à titre gratuit si, dans ses rapports
avec le stipulant, la stipulation constitue une libéralité.
210
Civ. 5mars 1888, DP88. 1.365, S.88. 1.313.
82
4. Absence de tiers bénéficiaire
Il y a lieu d'envisager l'éventualité où il n'y a pas de tiers bénéficiaire, soit que le stipulant
qui s'était réservé la possibilité de désigner le bénéficiaire décède sans l'avoir fait, soit qu'il ait
désigné une personne n'existant pas, par exemple sa femme, alors qu'il décède sans s'être marié,
ou n'existant plus, par exemple le bénéficiaire qui décède après le stipulant mais sans avoir
déclaré son acceptation. Le législateur a prévu la situation pour l’assurance sur la vie : « Lorsque
l’assurance en cas de décès est conclue sans désignation d’un bénéficiaire, le capital ou la rente
garantis font partie du patrimoine ou de la succession du contractant » (C. Assur., art. L. 132-
11). La même règle doit être admise dans les autres cas de stipulation pour autrui. Elle est
toutefois écartée lorsque le stipulant a désigné des bénéficiaires en sous ordre211.
A- Porte-fort de ratification
La promesse de porte-fort est régie par l’article 1204 du Code civil, issu de l’ordonnance
du 10 février 2016 ayant réformé le droit commun des contrats. Avant la réforme, elle l’était
par l’article 1120 du Code civil qui visait, avant tout, l’hypothèse dans laquelle une personne
promet qu’elle « ratifiera » l’engagement qu’elle souscrit, c’est-à-dire donnera son
consentement à l’engagement pris par le promettant212.
211
Civ.1ère, 9juin 1998, Defrénois 1998.1416, obs. Delebecque
212
Bourassin, Manuella, Brémond, Vincent, « Droit des sûretés », Sirey, Dalloz, 2017, p « 331,332 ».
213
François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, François Chénedé, « Droit civil les obligations », PRECIS,
Dalloz, 2019, p « 772 ».
83
1. Définition
L’application la plus classique du porte-fort est relative à la ratification par un tiers d’un
acte juridique.
2. Autonomie
La promesse de porte-fort est un contrat indépendant des relations préexistantes entre les
parties. Une décision importante l’a énoncé justement à propos d’une promesse de porte-fort-
sûreté. Selon elle, « la promesse de porte fort est un engagement personnel autonome d’une
personne qui promet à son cocontractant d’obtenir l’engagement d’un tiers à son égard ». Il faut
en déduire que le contrat de porte-fort n’a pas pour cause objective l’acte juridique préexistant
entre l’une ou l’autre partie et un tiers. Si elle est considérée comme systématique, l’autonomie
de la promesse de porte-fort est contestable. Lorsque le contrat projeté est dans la dépendance
d’un autre contrat, la promesse de porte-fort ayant pour objet la négociation de ce contrat
accessoire ne peut conserver son autonomie. En revanche, si le contrat projeté est autonome, la
promesse de porte-fort le sera effectivement.
B- Porte-fort d’exécution
La pratique a donné naissance à une seconde sorte de porte-fort, le porte-fort d’exécution.
Dans cette hypothèse, le promettant ne s’engage pas à ce que le tiers conclut ou ratifie le contrat
mais à ce qu’il exécute son obligation contractuelle. C’est le cas du cédant d’un fonds de
commerce qui promet à son ancien fournisseur que le cessionnaire respectera les contrats
d’approvisionnement et continuera à se fournir auprès de celui-ci. Mécanisme de garantie, le
porte-fort d’exécution a pu être présenté comme un « substitut au cautionnement214 ».
214
Ph. Simler, « Les solutions de substitution au cautionnement », JCP1990. II.2427 ; voir aussi Ph.Dupichot, Le
pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, thèse ParisII, 2003, p. 326s., n°421s.
84
1. Définition
Le porte-fort peut promettre le fait d’autrui en général, et pas seulement son consentement
à un acte juridique en particulier. Aussi bien peut-il s’engager à ce qu’un tiers exécute un
engagement valablement et préalablement contracté. C’est ce que l’on appelle le porte-fort
d’exécution par opposition au porte-fort de ratification. Autrement dit, le fait d’autrui, formant
l’objet de la promesse de porte-fort, peut être le paiement d’un engagement.
Dès lors, si le débiteur n’exécute pas son engagement, le porte-fort, qui a promis son
paiement, est tenu d’indemniser le créancier bénéficiaire de la promesse de porte-fort. La
Chambre commerciale a consacré l’existence du porte-fort d’exécution d’une façon
spectaculaire en précisant que« celui qui se porte fort de l’exécution d’un engagement par un
tiers s’engage accessoirement à l’engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le
tiers ne l’exécute pas lui-même».
2. Formation du PE
En ce qui concerne ses conditions de validité, l’article 1128 du Code civil lui est
évidemment applicable. Ainsi, le promettant doit consentir librement et de manière éclairée à
l’acte, et doit être capable. La promesse de porte-fort doit avoir un contenu licite et certain. Il
sera donc nécessaire d’identifier dans l’acte la créance dont le promettant garantit l’exécution.
Mais l’autonomie du porte-fort d’exécution a conduit la Cour de cassation à considérer que le
tiers, dont l’engagement est garanti, peut être un incapable36. La solution est parfaitement
fondée. Il est possible, alors même qu’il s’agit d’un engagement accessoire, de garantir par un
cautionnement la dette d’un incapable (C. Civ., art. 2289, al. 2 ; cf. supra). Il aurait été incongru
de refuser cela dans le cadre d’un engagement autonome.
3. Exécution de PE
En cas d’inexécution de ses obligations par le tiers, le promettant devient lui-même
défaillant. Il encourra donc des sanctions. Au contraire de la caution, le promettant ne s’engage
pas à payer ce que devait le tiers, mais à indemniser le créancier du préjudice en résultant. Sa
responsabilité contractuelle pourra ainsi être engagée : le promettant sera redevable de
dommages-intérêts au créancier. S’agissant d’une garantie indemnitaire autonome, le montant
de ces dommages-intérêts peut être inférieur, égal ou supérieur au montant de la créance
garantie.
85
C- Effets à l’égard du promettant215
Le porte-fort d’exécution se confondant avec un cautionnement, il convient d’envisager le
régime du porte-fort de ratification qui n’est d’ailleurs pas sans rapport avec le droit des sûretés.
Il faut distinguer deux situations selon que le tiers ne ratifie pas ou, au contraire, ratifie l’acte.
1. Le tiers ratifie
Le tiers étant complètement libre de ne pas ratifier l’acte, il se peut qu’il ne le fasse pas.
Dans cette hypothèse, le contrat projeté ne se formera pas. Le promettant est seul engagé par sa
promesse, et seul responsable du défaut de ratification par le tiers dont il a promis l’accord. Il
s’engage par une obligation de résultat à ce que le tiers contracte le contrat projeté. En
conséquence, la non-obtention de la ratification par le tiers engage sa responsabilité, sans qu’il
soit nécessaire de prouver sa faute. L’inexécution par le promettant du pacte de porte-fort est
sanctionnée par des dommages et intérêts, et non par l’exécution forcée de la promesse.
En principe, le porte-fort est libéré par la ratification du contrat par le tiers, sans être garant
de son exécution. Cependant, la jurisprudence tend aujourd’hui à faire du porte-fort le garant
de la bonne exécution du contrat projeté. Selon elle, le promettant n’est pas libéré par la seule
conclusion du contrat dans les termes envisagés par la promesse et demeure responsable si le
contrat ratifié par le tiers n’est pas exécuté par lui selon les termes de la promesse. La question
se pose alors de savoir quelle est la nature de cette garantie d’exécution. S’agit-il d’une garantie
autonome ou accessoire ? Est-ce un cautionnement ?
La Chambre commerciale laisse entendre que cette sûreté est un cautionnement. Selon elle,
« celui qui se porte fort de l’exécution d’un engagement par un tiers s’engage accessoirement à
l’engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l’exécute pas lui-même ».
Cette définition du porte-fort d’exécution est très proche de celle du contrat de cautionne ment.
87
L’arrêt déduit que la mention manuscrite s’y applique. La Chambre commerciale marque sa
volonté d’éviter l’émiettement des garanties personnelles, et la multiplication des solutions de
contournement au cautionnement216.
Conclusion de la Partie II
216
Beignier, Bernard, Mignot, Marc, « Droit des sûretés », COURS, Montchréstien, 2007, p « 265, 266, 267»
88
Effectivement, il ne peut pas appliquer le contrat, mais peut l'invoquer à son avantage tout
en contournant le régime contractuel. Par conséquent, l'action délictuelle résultant de l'action
en dommages et intérêts de la tierce partie a pour effet de rompre, voire de compromettre
l'équilibre général du contrat, en bouleversant les prévisions contractuelles sur la base
desquelles les parties avaient stipulé.
Conclusion générale
Aujourd'hui, la question de l'inexécution d'un contrat par l'une des parties pose la question
de l'impact de cette inexécution sur la situation des tiers.
Le tiers est donc autorisé à utiliser le contrat comme base de son action sans être soumis à
toutes les règles applicables aux contractants, ce qui confère souvent une position plus
avantageuse et des droits plus étendus vis-à-vis du débiteur du service non exécuté.
89
En effet, il ne peut pas appliquer le contrat, mais peut l’invoquer à son avantage tout en
contourner le régime contractuel. Par conséquent, l'action délictuelle résultant de l'action en
dommages et intérêts de la tierce partie a pour effet de rompre, voire de compromettre l'équilibre
général du contrat, en bouleversant les prévisions contractuelles sur la base desquelles les
parties avaient stipulé.
Cependant, le désir de respecter les attentes du débiteur défaillant n'est pas considéré
comme suffisant pour justifier le remplacement de l'action contractuelle par l'action en
responsabilité délictuelle pour le préjudice subi par une tierce partie au contrat.
Ainsi, en privilégiant le délit, les intérêts de la troisième victime sont privilégiés par rapport
aux intérêts du débiteur défaillant et en privilégiant le champ contractuel, ce sont les intérêts du
débiteur défaillant qui sont privilégiés au détriment des intérêts de la troisième victime. Serait-
on alors devant une impasse? Serait-on obligé de choisir entre deux solutions également
répréhensibles?
Actuellement, tout tiers victime d'un dommage, dont il est clair qu'il a été causé par
l'inexécution d'un contrat, est en droit d'invoquer la violation du contrat comme un délit pour
faute du contractant défaillant, le respect. Cette approche, selon laquelle les parties peuvent être
tenues responsables de leurs actes à l’égard de personnes autres que celles qui ont conclu le
contrat, ne fait qu’illustrer un changement dans l’analyse de la relation contractuelle. Le contrat
est maintenant loin de correspondre à cette conception traditionnelle qui le définit comme un
instrument de prévisibilité au service de la sécurité des parties. Il ne ressemble plus à la
conjonction d'une bulle (celle des parties) et d'un bloc fixe de droits et d'obligations.
Bibliographie
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94
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note Ghestin,RTD civ. 1991, p. 750, obs. P. Jourdain, 1992, p. 90, obs. J. Mestre, Grands
arrêts nº 105
- V. ss 415. Ad. Com. 22 oct. 1991, Bull. civ., n°302 ; D. 1993. 181, note J. Ghestin (la
caution peut se prévaloir de la cession de créance pour refuser le paiement au cédant).
- Civ. 1re, 31 mars 1992, D. 1992. 508
- 1ère. Civ., 11 avril 1995, Bull., n° 171, p. 122, R.T.D Civ., 1995, p. 895 obs. P. Jourdain,
a fondé la condamnation d'un mandataire, vis à vis d'un tiers autre que le mandant, sur
"des fautes quasi délictuelles détachables des obligations du contrat de mandat".
- Com. 2 avril 1996, Bull., n°101.
- Civ. 1re, 3 déc. 1996, D. 1997. 151
- Com. 2 avril 1996, Bull. 1996, IV, n°101 ; Com. 17 juin 1997, Bull. 1997, IV, n°187.
- Com., 17 juin 1997, Bull., n° 187, p. 164, JCP G 1998, I, 144, G. Viney.
- C.A Paris, 27 juin 1997, Gaz. Pal. 1999, 1, somm.188
- 1ère. Civ., 16 décembre 1997, n° 95-22.321.
- Com 24 mars 1998 n° 9615.694, Bull. civ. IV, n° 111, obs. P. Jourdain. (Voire note 30)
- Paris, 2 nov. 1995 cassé par Com. 24 mars 1998
- Civ.1ère, 9juin 1998, Defrénois 1998.1416, obs. Delebecque
- Civ. 1re, 26 janv. 1999, D. 1999. IR 64 : la responsabilité du tiers est délictuelle.
- 1ère civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221.
- 1ère civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221
- 1ère civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221
- Ass. plén, 17 Novembre 2000, Bull. 2000.
95
- Cass. com., 1er juillet 2003, Sté Anaïs c/ Sté Marie-Jeanne Godard et Sté MJG Béarn.
- 1ère civ. 18 mai 2004, Bull. 2004, I, n°141 (Qui paraît aller à l’encontre de l’arrêt précité
de la chambre commerciale du 17 juin 1997)
- 1ère Civ., 18 mai 2004, Revue Contrats-concurrence-consommation 2004, n° 121
- Civ. 1re, 15 mars 2005, n° 01-13.018, Bull. civ. I, n° 136, note Cathiard.
- Com. 8 octobre 2002, pourvoi n°98-22.858 ; Com. 5 avril 2005, Bull. 2005, IV, n°81.
- Com. 5 avril 2005, Bull. 2005, IV, n°81.
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Webographie :
www.courdecassation.fr
www.doctrine.fr
www.jurisprudence.net
REMERCIEMENTS .............................................................................................................................
SOMMAIRE ...........................................................................................................................................
INTRODUCTION ............................................................................................................................... 1
PARTIE I : LE FAIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE DES COCONTRACTANTS VIS-
A-VIS DES TIERS VICTIMES DE L’INEXECUTION CONTRACTUELLE................................... 7
Chapitre I : La nature du manquement contractuel vis-à-vis des tiers ...................................... 7
Section I : Approche du manquement contractuel ............................................................ 7
96
Paragraphe I : Le principe de la faute contractuelle --------------------------------------------- 7
A- Notion d’inexécution contractuelle .......................................................................... 7
B- Notion de tiers .......................................................................................................... 8
C- L’indemnisations des tiers victimes ‘ Un mouvement juridique intense’ .............. 10
D- L’arrêt perruche ..................................................................................................... 12
Paragraphe II : L’identité des fautes contractuelles et la solution de l’assimilation ------- 13
A- Position jurisprudentielle d’indemnisations des tiers victimes .............................. 13
B- Position doctrinale d’indemnisations des tiers victimes ........................................ 14
C- Position jurisprudentielle de l’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles
16
D- Position doctrinale de l’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles ....... 17
Section II : L’excès de la solution de l’assimilation du manquement contractuel et la
faute délictuelle ................................................................................................................... 19
Paragraphe I : Les différents effets de la faute contractuelle vis-à-vis des tiers ----------- 19
A- La modification du principe de l’effet relatif des conventions .............................. 19
B- Une collaboration à la « politique d’indifférenciation » des deux niveaux des
responsabilités ............................................................................................................... 21
C- Les inconvénients pratiques de la solution de l’assimilation des fautes ................ 22
D- Indemnisation à tout prix ....................................................................................... 23
Paragraphe II : L’actuelle protection de la responsabilité des parties envers les tiers ---- 24
A- L’existence du préjudice et la légitimité de l’intérêt injustifié .............................. 24
B- Le lien de causalité, nouvelle clé de la responsabilité des parties envers les tiers 25
C- Carence de distinction quant à la nature ou à l’étendu de l’obligation violée ....... 27
D- L’efficacité du rapport de causalité ........................................................................ 28
Chapitre II : La prééminence de la responsabilité civile délictuelle du cocontractant vis-à-
vis des tiers victimes ........................................................................................................................... 29
Section I : La domination de la responsabilité civile et délictuelle du cocontractant vis-
à-vis des tiers ....................................................................................................................... 29
Paragraphe I : L’action exceptionnelle en responsabilité contractuelle au profit des tiers30
A- L’action du tiers liée à une partie au contrat .......................................................... 30
B- L’action du tiers dans les chaines des contrats translatifs de propriété ................. 31
C- L’action du tiers absolu .......................................................................................... 32
D- Action des contractants extrêmes dans les groupes de contrats non translatifs de
propriété ........................................................................................................................ 33
Paragraphe II : Une solution contestable nécessitant réaménagement ---------------------- 34
A- Une différence de traitement bouleversant l’équilibre du contrat ......................... 34
B- L’assouplissement au principe de séparation de deux ordres de responsabilité .... 34
C- Vers l’avant-projet « Catala ». .............................................................................. 35
D- Les imperfections théoriques d’un tel projet ......................................................... 36
Section II : L’hégémonie de la responsabilité délictuelle à l’œuvre dans le cadre du
régime de responsabilité des contractants vis-à-vis des tiers .......................................... 36
Paragraphe I : Les incohérences liées à l’extension de la responsabilité délictuelle au
bénéfice des tiers ------------------------------------------------------------------------------------ 37
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A- L’altération du contrat et le contournement des prévisions du débiteur ................ 37
B- Un traitement différend aux créanciers et à certains tiers ...................................... 38
C- Aperçu de la pratique du « cherry-picking » ......................................................... 39
D- Le concept restrictif de la responsabilité en droit français et allemand ................. 40
Paragraphe II : la réticence afférente à l’intégration des tiers dans la sphère contractuelle
--------------------------------------------------------------------------------------------------------- 41
A- Le décroit de la stipulation pour autrui tacite des victimes par ricochet ............... 41
B- Le recul des actions directes dans les chaînes de contrats ..................................... 43
C- Une option basée sur les considérations pragmatiques .......................................... 44
D- Une révolution contestée sur le plan abstrait ......................................................... 45
Conclusion de la Partie I .................................................................................................................. 47
PARTIE II : L’ESSENCE DE L’ACTION DU TIERS DU FAIT DE L’INEXECUTION
DU CONTRAT ................................................................................................................................... 48
Chapitre I : Les principes généraux de l’inexécution contractuelle sur les tiers ................... 48
Section I : La portée de l’effet relatif du contrat ............................................................. 49
Paragraphe I : La relativité des contrats --------------------------------------------------------- 49
A- Définition de l’effet relatif du contrat .................................................................... 49
B- Cas de la représentation ......................................................................................... 51
1. Conditions .......................................................................................................... 51
2. Effets ................................................................................................................... 52
C- Les tiers devenant parties ‘Le décès d’une partie’ ................................................. 53
1. Principe .............................................................................................................. 53
2. Exceptions .......................................................................................................... 53
D- La cession de contrat .............................................................................................. 54
1. Conditions .......................................................................................................... 54
2. Effets ................................................................................................................... 54
Paragraphe II : La situation de tiers intéressés -------------------------------------------------- 55
A- Les tiers absolus ‘Les parties peuvent opposer le contrat aux tiers’ ...................... 55
B- Le tiers a la faculté d’invoquer le contrat .............................................................. 56
C- Les personnes se trouvant dans une situation intermédiaire ‘L’ayant cause à titre
particulier’ ..................................................................................................................... 56
1. Intransmissibilité des dettes de l'auteur à l'ayant cause à titre particulier ....... 58
2. Transmissibilité de certaines créances à l'ayant cause à titre particulier ......... 58
D- Cessionnaire ........................................................................................................... 59
E- Les créanciers chirographaires ............................................................................... 59
1. L’action oblique ................................................................................................. 60
2. L’action paulienne.............................................................................................. 61
Section II : Le principe de l’opposabilité.......................................................................... 62
Paragraphe I : L’opposabilité du contrat aux tiers---------------------------------------------- 62
A- Application du principe de l’opposabilité ----------------------------------------------- 62
B- Régime et statut de l’opposabilité des contrats aux tiers ....................................... 64
1. Opposabilité du contrat aux tiers ....................................................................... 64
1. Opposabilité du contrat par les tiers.................................................................. 65
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C- Les groupes de contrat ........................................................................................... 66
Paragraphe II : Les différents types de l’opposabilité ----------------------------------------- 69
A- L’opposabilité de principe ‘L’opposabilité probatoire’ ......................................... 69
B- L’opposabilité substantielle du contrat .................................................................. 70
1. Les effets réels du contrat................................................................................... 70
2. Les effets obligationnels du contrat ................................................................... 70
Chapitre II : Les dérogations classiques à l’effet relatif du contrat vis-à-vis des tiers ......... 71
Section I : Le principe général de la simulation .............................................................. 71
Paragraphe I : La simulation----------------------------------------------------------------------- 71
A- Définition générale................................................................................................. 71
B- La variété de la simulation ..................................................................................... 72
1. Objet de la simulation ........................................................................................ 72
C- Les effets de la simulation ‘La simulation licite’................................................... 73
1. Effets à l’égard des parties................................................................................. 73
2. Effets à l’égard des tiers..................................................................................... 74
Paragraphe II : Régime juridique de la simulation --------------------------------------------- 74
A- Principe de la solution ............................................................................................ 74
1. Effet de la contre-lettre ...................................................................................... 75
2. Conditions de validité......................................................................................... 75
3. Preuve de l’acte secret ....................................................................................... 76
B- Situation des tiers ................................................................................................... 76
C- Fraus omnia corrumpit .......................................................................................... 76
Section II : Les exceptions de l’effet relatif du contrat à l’égard des tiers .................... 76
Paragraphe I : Stipulation pour autrui ------------------------------------------------------------ 77
A- Définition et domaine de la stipulation .................................................................. 77
B- Acceptation et révocation ...................................................................................... 79
1. La révocation par le stipulant ............................................................................ 79
2. Le régime de l’acceptation ................................................................................. 80
C- Rapports juridiques que la stipulation pour autrui établit entre les intéressés ....... 80
1. Rapports entre le stipulant et le promettant ....................................................... 80
2. Rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire.......................................... 80
3. Rapports entre le tiers bénéficiaire et le stipulant ............................................. 81
D- La personne du tiers bénéficiaire ........................................................................... 81
1. Stipulation au profit d’une personne déterminée et vivante .............................. 81
2. Stipulation au profit de personnes indéterminées .............................................. 82
3. Stipulation au profit de personnes futures ......................................................... 82
4. Absence de tiers bénéficiaire .............................................................................. 83
Paragraphe II : La promesse du porte-fort ------------------------------------------------------- 83
A- Porte-fort de ratification ......................................................................................... 83
1. Définition ............................................................................................................ 84
2. Autonomie........................................................................................................... 84
B- Porte-fort d’exécution ............................................................................................ 84
1. Définition ............................................................................................................ 85
2. Formation du PE ................................................................................................ 85
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3. Exécution de PE ................................................................................................. 85
C- Effets à l’égard du promettant................................................................................ 86
D- Effets à l’égard du tiers .......................................................................................... 86
1. Le tiers ratifie ..................................................................................................... 87
2. Le tiers ne ratifie pas .......................................................................................... 87
Conclusion de la Partie II ................................................................................................................ 88
Conclusion générale .......................................................................................................................... 89
Bibliographie ...................................................................................................................................... 90
Tables de matières ............................................................................................................................. 96
Résumé............................................................................................................................................... 101
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Résumé
La jurisprudence a finalement normalisé la polémique incessante relative au fait générateur
qui a entraîné la responsabilité du contractant à l'égard de tiers, adoptant ainsi une « dé-
relativisation » de la faute contractuelle en faveur de l’identité des infractions contractuelles et
délictuelles fondées sur le principe d’opposabilité des contrats par des tiers.
C’est une question à laquelle on ne peut répondre que d’une seule manière. Alors que les
partisans du principe de la relativité des conventions et de la faute contractuelle estiment que la
sphère contractuelle ne doit intéresser que les parties à l'acte et que la faute contractuelle doit
être indépendante de la faute délictuelle, les défendeurs de l'opposabilité et la théorie de
l'identité de l'inconduite considèrent qu'il est nécessaire de protéger les victimes de défaillances
contractuelles, quelle que soit leur qualité.
Nonobstant, ces mobiles ne peuvent être invoqués que par une partie au contrat, par
opposition à des tiers qui sont des personnes ne se trouvant pas dans une situation juridique.
Les tiers sont soumis au principe de l'effet relatif des contrats énoncé à l'article 228 du
DOC : « Les obligations n’engagent que ceux qui ont été parties à l’acte, elles ne nuisent
point au tiers et elles ne leur profitent que dans les cas exprimés par la loi ». Ce principe se
trouve dans la théorie de l'autonomie de la volonté, seules les parties qui ont consenti au contrat
y sont liées.
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