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Royaume du Maroc

Université IBNO TOFEIL


Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et
Sociales
- Kenitra -

Mémoire de Fin d’études en pour l’obtention du master en


droit des affaires sous le thème:

L’inexécution
contractuelle et les tiers

Présenté par : Mlle. DEBDOUBI SALMA


Encadré par : Pr. SFENDLA DYAA

Pr. SFENDLA Dyâa Présidente


Pr. HIMMICH Chakib Examinateur
Pr. BENBOUBKER Samira Examinatrice

0
Année Universitaire : 2020– 2021
Remerciements

Je tiens à apporter mes plus vifs remerciements à ma directrice de


mémoire Madame SFENDLA Dyâa, professeur de Droit à la Faculté de Droit,
pour sa patience, sa disponibilité et surtout ses judicieux conseils, qui ont
contribué à alimenter ma réflexion.

Je tiens aussi à remercier les membres du jury Mr HIMMICH Chakib et Mme


BENBOUBKER Samira pour leur présence, pour leur lecture attentive de mon
mémoire ainsi que pour les remarques qu’ils m’adresseront lors de cette
soutenance afin d’améliorer mon travail, faisant partie du membre du jury.

Je remercie en particulier Mr OUHANNOU Mustapha et Mr MEKKAKI


Ahmed, qui m’ont apporté leur soutien moral tout au long de ma démarche.

J’ai enfin une pensée particulière et affectueuse mes très chers parents, Houria
et Abdeslam, qui ont toujours été là pour moi. Je remercie mon frère Nawfal,
pour leurs encouragements.

À tous ces intervenants, je présente mes remerciements, mon respect et ma


gratitude.

1
Liste des abréviations

A. Article (lois, décrets ou arrêtés)


Al. Alinéa dans un texte juridique
Arr. Arrêté
Ass.plé Assemblée plénière
B.O Bulletin Officiel
C. Code
C.A. Cour d’Appel
C.Civ Chambre civile
Cass. Cour de Cassation
Ch. Chambre
Com. Commerciale
D. Recueil de jurisprudence Dalloz
D.I. Dommages et intérêts
D.O.C Dahir des obligations et contrats
Ed. Edition
Ex. Exemple
L.G.D.J Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
Ord. Ordonnance
Ref. Ordonnance de référé
Rép.pr.civ. Répertoire de procédure civile Dalloz
Req. Requête
Rev. Revue
Somm. Sommaire
SS. Suivi d’une référence bibliographique : « voire sous.. »
T. Tome
Th. Thèse
Trib. Tribunal, suivi du nom du lieu ou siège la juridiction
V. Voir dans le sens de « à consulter… »
V° Mot (exemple : V°Commerce=voire le mot Commerce)
Vol.n° Volume ou tome suivi d'un numéro en chiffre romain

2
SOMMAIRE

Partie I : Le fait générateur de responsabilité des cocontractants vis-à-vis


des tiers victimes de l’inexécution contractuelle ................................................
Chapitre I : La nature du manquement contractuel vis-à-vis des tiers ...........
Section I : Approche du manquement contractuel et de la faute délictuelle

Section II : L’excès de la solution de l’assimilation du manquement


contractuel et la faute délictuelle

Chapitre II : La prééminence de la responsabilité civile délictuelle du


cocontractant vis-à-vis des tiers victimes ............................................................
Section I : La domination de la responsabilité civile et délictuelle du
cocontractant vis-à-vis des tiers

Section II : L’hégémonie de la responsabilité délictuelle à l’œuvre dans le


cadre du régime de responsabilité des contractants vis-à-vis des tiers

Partie II : L’essence de l’action du tiers du fait de l’inexécution du contrat ..


Chapitre I : Les principes généraux de l’inexécution contractuelle sur les
tiers..........................................................................................................................
Section I : La portée de l’effet relatif du contrat

Section II : Le principe de l’opposabilité

Chapitre II : Les dérogations classiques à l’effet relatif du contrat vis-à-vis


des tiers ...................................................................................................................
Section I : Le principe général de la simulation

Section II : Les exceptions de l’effet relatif du contrat à l’égard des tiers

3
INTRODUCTION

« Res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest1 ».

Ne pas rappeler cet adage serait inconvenable en ce qui concerne la relation entre le contrat
et la tierce partie, sujet de nos travaux. Ce texte énonce en droit romain "l'accord entre certains
ne peut ni nuire ni profiter à d'autres". Il est cependant très nécessaire de se référer à un adage
qui permet de déterminer l'origine romaine du principe d'effet relatif, principe qui constitue l'un
des piliers de la relation entre un acte juridique et un tiers. On s’est référé à la thèse de Simone
CALASTRENG consacrée au principe de la relativité des conventions2 , laquelle est notamment
introduite par un rappel de la portée de ladite règle. Cette dernière a même fait l’objet de thèses
entièrement consacrées à son étude, parmi lesquelles on peut citer celles de BARTIN et de
DEBRAND3 , dont l’apport est considérable.

En effet, déterminer la sphère du contrat dans l’espace c’est déterminer son champs et, plus
précisément, les personnes qui sont tenues par le contrat4. Du point de vue de la théorie de
l’autonomie de volonté, la question est commandée par le principe de la relativité des
conventions. Le contrat est un accord de volontés, seuls se trouvent obligés ceux qui l’ont voulu.
Ce principe de l’effet relatif du contrat se trouve d’ailleurs consacré par l’article 228 du DOC5 :
« les obligations n’engagent que ceux qui ont été parties à l’acte, elles ne nuisent point au tiers
et elles ne leur profitent que dans les cas exprimés par la loi ».

Pour déterminer les personnes qui sont tenues par le contrat, il suffit donc de distinguer
« les parties » au contrat des « tiers ». Le contrat s’impose aux parties mais il ne concerne en
rien les tiers. Le contrat produit donc effet à l’égard des parties, mais les tiers restent en dehors
de la sphère contractuelle. Cependant, la distinction des « parties » et des « tiers »ne rend pas
compte de toute la complexité du problème, d’une part, parce que la notion de « partie »
demande à être précisé : ensuite parce que le tiers ne peuvent pas méconnaitre l’existence du
contrat et enfin parce qu’entre les « parties » et les « tiers », existe une catégorie intermédiaire

1 La chose convenue entre les uns ne peut ni nuire ni profiter aux autres.
2 S. CALASTRENG, La relativité des conventions, th. Toulouse 1939.
3 E. BARTIN, De la règle « res inter alios acta » en droit romain, th. Paris 1885 ; F. DEBRAND, Étude de la règle « res inter
alios acta aliis nec nocet nec prodest » en droit romain, th. Dijon 1890.
4 O. Azziman, « Droit civil, droit des obligations : Le contrat », Le Fennec, 1995, « p. 205s »
5 DOC
composée de personnes qui ne sont ni de véritable « parties » ni de véritable « tiers » ; il s’agit
des ayants cause à titre particulier.

Ainsi, la notion de tiers doit être définie par opposition à celle de partie. Les tiers sont des
personnes étrangères à la formation du contrat et donc étrangères à ces effets. C’est pourquoi
on parle de « penitus extranei 6». Ainsi, La situation des tiers par rapport au contrat est régie
par le principe de l’effet relatif tel qu’exprimé par l’article 228 du D.O.C : « le contrat ne peut
ni nuire ni profiter aux tiers qui ne peuvent devenir ni créanciers du fait du contrat ». Etant par
hypothèse étrangers au contrat, les tiers n’ont aucune qualité pour tirer un quelconque profit de
celui-ci comme ils ne peuvent aussi être tenus d’assumer les obligations nées du contrat. Le
contrat crée des obligations entre les parties mais ne produit aucun effet à l’égard des tiers qui
se situent en dehors de la sphère du contrat.

En principe le contrat ne produit, aucun effet à l’égard des tiers7. Et c’est bien cette lecture
qu’en ont fait les auteurs du code civil français. Parmi eux, on trouve notamment BIGOT-
PREAMENEU, qui considérait ce principe inspiré de l’autonomie de la volonté (apparue un
siècle plus tôt) comme une évidence8. L’article 1165 du code civil français était alors perçu
comme maintenant le contrat dans un isolement total, doctrine résumée par la formule
d’AUBRY et RAU: « Les contrats ne peuvent ni être opposés aux tiers ni être invoqués par eux
»9.

Cette première lecture de l’article 1165, que l’on peut qualifier de lecture stricte, a fait
l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part de RENE SAVATIER qui dénonce une
conception purement individualiste du droit des obligations. Cette dernière masquerait l’aspect
social des affaires de chacun, qui, il faut pourtant bien l’admettre, « ne concernent pas seulement
celui qui y préside, mais à certains points de vue la société et, par conséquent, les tiers »10 .
Ainsi, près d’un siècle après cette approche « individualiste » du contrat, ce dernier semble
(enfin, pourrait-on dire) sorti de son « splendide isolement »11 .

6 Tiers complètement étranger au contrat.


7
J.Bourgeois, « Le manquement contractuel et le tiers », Université Paris II Panthéon-Assas - Magistère de
Juriste d’Affaires – DJCE, Mai 2008, « p.4 »
8 P.-A. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du code civil – Bigot-Préameneu, « Chacun ne pouvant contracter
que pour soi, les obligations ne doivent avoir d’effet qu’entre les parties contractantes. Il serait injuste qu’un acte auquel une
tierce personne n’a pas concouru pût lui être opposé ».
9 AUBRY et RAU, Cours de droit civil français, t.4, § 346.
10 R. SAVATIER, « Le prétendu principe de l’effet relatif des contrats », RTD civ. 1934, « p. 525 »

11 H. LALOU, « 1382 contre 1165 ou la responsabilité délictuelle des tiers à l’égard d’un contractant ou d’un contractant à
l’égard des tiers », DH 1928, chron. « p. 69 »
2
C’est en effet à la doctrine du XXème siècle que l’on doit une nouvelle lecture de l’article
1165 du code civil français et l’élaboration de la théorie dite de la « socialisation » du contrat.
Cette nouvelle lecture prend acte du caractère radical de la formule de l’article 1165, qui ne
correspond pas à la réalité. S’il est vrai que le contrat ne fait naître d’obligations que pour les
parties, et ne rend les tiers ni débiteurs, ni créanciers, il crée en revanche une situation de fait
qui s’insère dans l’environnement social et qui intéresse nécessairement les tiers, c’est-à-dire
ceux qui n’étaient pas parties contractantes lors de la conclusion du contrat et qui ne le sont pas
devenues par la suite (ayant-cause universel de l’une des parties, cessionnaire du contrat)12.

De là est née la théorie de l’opposabilité13 du contrat aux tiers et par les tiers. Ces derniers
ne peuvent pas faire comme si le contrat n’avait pas été conclu. D’un côté, ils sont tenus de
respecter les droits et obligations qui en résultent, sous peine de « tierce complicité ». Cette
opposabilité du contrat aux tiers permet aux parties qui ont acquis des droits en vertu du contrat,
de protéger leurs droits contre les tiers. Ainsi, le propriétaire dépossédé peut se prévaloir de
l’acte d’acquisition (vente, échange, donation...) pour repousser les prétentions de l’usurpateur
(qui, lui, est étranger au contrat qu’on lui oppose). De même, l’entreprise dont un concurrent
aura débauché un employé pourra se prévaloir du contrat de travail pour agir contre le
concurrent déloyal.

C’est la raison pour laquelle, les tiers peuvent à leur tour opposer le contrat aux parties.
Pour les tiers, le contrat crée une situation dont ils peuvent se prévaloir en cas de besoin. Ainsi,
si le tiers qui subit un préjudice du fait de l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un contrat
(auquel il est étranger) peut se prévaloir de cette défaillance (de cette faute) pour engager la
responsabilité (délictuelle) du contractant fautif. L’inexécution d’une obligation contractuelle
peut donc être invoquée par un tiers en tant que faute génératrice de responsabilité.

Cependant, il sera nécessaire de distinguer l’opposabilité des contrats à des tiers et celle
par des tiers. Par le premier, on entend la possibilité pour un contractant (victime) de faire
opposition du contrat à un tiers lorsque ce dernier en a sciemment aidé un autre à violer ses
obligations contractuelles. Le tiers ne doit rien faire qui puisse affecter la bonne exécution du

12 J. Bourgeois, « Le manquement contractuel et le tiers », Université Paris II Panthéon-Assas - Magistère de Juriste


d’Affaires – DJCE, Mai 2008, « p.5et 6 ».
13 G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 3ème éd. Quadrige, 2002, Définition de la notion

d’opposabilité : « (l’) aptitude d’un droit, d’un acte (conventionnel, jugement etc.), d’une situation de droit ou de fait à faire
sentir ses effets à l’égard des tiers (…) non en soumettant ces tiers aux obligations directement nées de ces éléments (…),
mais en les forçant à reconnaître l’existence des faits, droits et actes dits opposables, à les respecter comme des éléments de
l’ordre juridique et à en subir les effets, sous réserve de leur opposition lorsque la loi leur en ouvre le droit ».
3
contrat. S'il le fait, le tiers sera tenu pour responsable. Il reste néanmoins que dans ces
hypothèses d’opposabilité, les tiers demeurent étrangers à la sphère du contrat en ca sens qu’ils
ne peuvent pas exiger l’exécution d’une obligation contractuelle pas plus qu’ils ne peuvent être
tenus d’assumer les obligations nées du contrat. Mais, même étrangers au contrat, les tiers ne
peuvent méconnaitre la situation de fait créée par celui-ci.

Si certains essaient de souligner cette distinction entre la relativité des contrats et le principe
d’opposabilité, d’autres ont au contraire considéré que ces deux principes devaient être
combinés. M. Denis MAZEAUD est de cet avis14. Il considère que "la relativité des conventions
est complétée par un" effet attractif qui place les tiers dans une relation dualiste avec le contrat
"15.

Dès lors, née l’idée que l’effet relatif doit être complété par le principe d’opposabilité du
contrat aux tiers et par les tiers, où ce dernier n’est plus vu comme une atténuation du premier16
. Selon M. WINTGEN17, le principe de l’effet relatif du contrat trouve son explication dans les
principes supérieurs de justice commutative, de liberté individuelle et de sécurité juridique.
C’est enfin une considération de sécurité juridique des tiers et des parties qui justifierait la
relativité des conventions, celle des tiers s’opposant à ce que leur situation soit affectée par le
contrat d’une façon qu’ils n’ont pas acceptée, et celle des parties s’opposant à l’immixtion de
tiers dans la relation contractuelle. La notion de « contrat - fait juridique » permet de justifier
la notion d’opposabilité.

Désormais, l'idée selon laquelle l'effet relatif doit être complété par le principe
d'opposabilité du contrat, lorsque cette dernière n'est plus considérée comme une atténuation de
la première. Selon M. WINTGEN18, le principe de l'effet relatif du contrat trouve son
explication dans les principes supérieurs de la justice commutative, de la liberté individuelle et
de la sécurité juridique. Enfin, c’est une considération de la sécurité juridique des tiers et des
parties qui justifierait la relativité des accords, celle des tiers s’opposant à leur situation étant
affectée par le contrat d’une manière qu’ils n’ont pas acceptée, et celle des parties s'opposer à
l'ingérence de tiers dans la relation contractuelle.

14
D. MAZEAUD, Defrénois, 1999, art. 37008, « p745 ».
15
A. Nouredine, « Inexécution contractuelle et responsabilité délictuelle », université de Montpellier 1 faculté de
droit et de science politique centre du droit de la consommation et du marché, 2010-2011, « p.11 ».
16
Pour une opinion en sens inverse, cf. J. GHESTIN, Traité, la formation du contrat, 3ème éd., 1993, n°179.
17
R. WINTGEN, op. cit., n°51 et s
18
Idem
4
Traditionnellement, le contrat était conçu avant tout comme un acte de prévision ayant pour
objet la satisfaction des attentes exprimées par les parties. Mais dès lors qu’il n’est plus
appréhendé comme un phénomène isolé du point de vue de l’ordonnancement juridique, le
contrat est devenu « un lieu de responsabilité ouvert envers les tiers »19. Ces derniers peuvent
effectivement invoquer son existence et exciper du principe de son opposabilité pour
caractériser la faute délictuelle commise par une partie qui n’a pas exécuté l’obligation dont
elle était tenue en vertu d’un contrat, et réclamer ainsi une indemnisation. Peu à peu, le contrat
perd donc sa fonction traditionnelle pour devenir un outil caractéristique de l’évolution du droit
de la responsabilité pour faute vers un droit de la responsabilité pour risque20 qui tend à faire
que tout risque créé puisse aboutir à une indemnisation au profit des victimes de celui-ci,
indépendamment de leur qualité. Le contrat répond donc désormais également à un objet social
et les manquements contractuels servent de plus en plus de support à l’indemnisation des tiers,
cette dernière étant devenue une véritable priorité pour la Haute Juridiction.

Face à un tel constat, il est d’un intérêt primordial de cerner les conditions d’intervention
de tiers victime de l’inexécution d’un contrat. Car, il faut bien en convenir avec M. Philippe
JACQUES21, c’est tout l’équilibre du droit des obligations qui est concerné par la matière : au
delà même de l’article 1165 du Code civil français et de la notion d’opposabilité auxquels nous
nous sommes déjà intéressés, d’autres piliers du droit des obligations sont en jeu : l’article 1134
alinéa 1er du Code civil français en ce qu’il limite l’effet des conventions « à ceux qui les ont
faites », le principe de non-option ou de non-cumul des deux ordres de responsabilité, et enfin
l’article 1382 de Code civil français qui subordonne la réparation à la démonstration d’un fait
générateur, la faute délictuelle.

Ici, l’intérêt est tant social que juridique. En effet, la tendance actuelle est à la
contractualisation des relations humaines. Il est donc nécessaire pour chacun de savoir à quel
degré il intervient et son champ de responsabilité dans le contrat. Face à l’inexécution du
contrat, le tiers peut être victime ou responsable. Cependant, lorsque le tiers est responsable de
cette inexécution, le problème ne se pose pas véritablement. D’où la limitation de notre devoir
aux tiers victimes, étant entendue que c’est ici que demeure véritablement le problème.

19
O. DEBAT, « Les Petites Affiches », 23 septembre 2003, n°190, « p. 3 ».
20
O. DEBAT, note précitée : Celui-ci souligne à juste titre que l’évolution du droit de la responsabilité pour faute vers un
droit de la responsabilité pour risque est « largement concomitante au développement de la technique de l’assurance ».
21 P. JACQUES, « La relativité de la faute contractuelle devant l’Assemblée plénière », Revue Lamy Droit des Affaires,

décembre 2006, n°11 ; P. JACQUES, « Einstein à la Cour de cassation : la relativité de la théorie », Revue des Contrats,
2007, n°2, p. 569.
5
Généralement, en cas de défaillance contractuelle, la responsabilité contractuelle va de l’un
à l’autre; Cependant, que se passe-t-il si cette rupture de contrat est préjudiciable à un
tiers? La question juridique posée est donc l’impact de la non-exécution du contrat sur des tiers.
Plus profondément, quelle relation de responsabilité est susceptible de lier des tiers aux
parties? Il s'agira principalement de savoir si la tierce victime de l'infraction contractuelle doit
nécessairement établir une faute délictuelle du débiteur contractuel indépendant de l'infraction,
ou si cette inexécution du contrat préjudiciable est une condition suffisante pour établir la
responsabilité du débiteur défaillant.

Notre étude consistera dans un premier temps, à apprécier dans quelle mesure prend
aujourd'hui la responsabilité des contractants vis-à-vis des tiers, solution qu'il convient de
confronter à celles proposées par la future loi (1ère partie). Nous essaierons dans un second
temps d’évaluer l’essence de l’action des tiers du fait de l'inexécution contractuelle à travers les
grands principes régissant le droit des obligations et les différentes théories mises en place par
le droit positif, telles que le principe opposabilité des contrats conclus par des tiers et celui de
la relativité des conventions, où doctrine et jurisprudence ont joué un rôle considérable (2ème
partie).

6
Partie I : Le fait générateur de responsabilité des cocontractants vis-à-vis
des tiers victimes de l’inexécution contractuelle

La première partie s’accorde à la question de la nature du défaut contractuel que le tiers est
en droit d'invoquer pour justifier la responsabilité du débiteur. Ce sera pour nous l'occasion
d'aborder la nature du manquement contractuel (Chapitre I), puis d'analyser la responsabilité
contractuelle et délictuelle du contractant à l’égard des tiers (Chapitre II).

Chapitre I : La nature du manquement contractuel vis-à-vis des tiers

Notre titre se penchera sur l’approche du manquement contractuel (Section I), et la solution
de l’assimilation du manquement contractuel et de la faute délictuelle (Section II).

Section I : Approche du manquement contractuel


Il convient tout d’abord de rechercher les origines de cette problématique relative à la
définition l’abandon de la relativité de la faute contractuelle récemment consacrée en droit
positif (Paragraphe I), puis d’analyser ensuite l’identité des fautes et solutions contractuelles
(Paragraphe II).

Paragraphe I : Le principe de la faute contractuelle


L’indemnisation des tiers victimes sera d’abord possible que lorsqu’on est en présence
d’une défaillance contractuelle, et donc d’un contrat, ou le cocontractant manquera à ses
obligations contractuelles.

A- Notion d’inexécution contractuelle


Avant de commencer notre étude sur la définition du défaut contractuel, il est obligatoire
de prouver l’existence d’un contrat. En d'autres termes, sans contrat, pas de défaut contractuel,
ce qui semble évident. Cependant, les tribunaux sont parfois amenés à rappeler ce principe; ce
qui était le cas des voyageurs sans billet22. Les preuves sont parfois perturbées par l'existence
de situations marginales telles que des périodes précontractuelles, post-contractuelles et autres.
En ce qui concerne la période précontractuelle, le principe est qu'il n'y a pas de violation
contractuelle lorsque le dommage a été causé au cours de cette période. Seulement voilà, la

22
CA Paris, 27 juin 1997, Gaz. Pal. 1999, 1, somm.188
7
jurisprudence a admis l’existence d’une obligation précontractuelle de renseignement ;
l’admission du dol par réticence allait en ce sens23.

En principe, le manquement à une telle obligation entraine la responsabilité délictuelle dans


le sens où elle résulte d’un acte antérieur à la formation du contrat24. M. Fabre Magnan a estimé
que le régime de la défaillance contractuelle s’appliquait dès que le manquement à l’obligation
d’information a une incidence sur l’exécution du contrat. Quant à la défaillance contractuelle,
elle peut être définie comme une violation par le débiteur de l’obligation contractuelle. Au sens
large, l'inexécution du contrat est définie soit comme un retard d'exécution, un défaut
d'exécution ou une exécution défectueuse des obligations contractuelles. La non-performance
signifie la non-performance totale ainsi que la non-performance partielle. Plus précisément,
l'article 1147 du code civil français dispose que « le débiteur est tenu, s'il y a lieu, du paiement
de dommages et intérêts, soit en raison de l'inexécution de l'obligation, soit en raison du retard
dans l'exécution, à justifier que l'inexécution résulte d'une cause étrangère qui ne peut lui être
imputée, même s'il ne fait pas preuve de mauvaise foi de sa part ».

Par exemple, l'obligation du médecin de soigner ses patients n'est pas identique à celle du
transporteur pour transporter des voyageurs en toute sécurité. La jurisprudence a donc défini
diverses distinctions en ce qui concerne les obligations contractuelles, parmi lesquelles les plus
notoires sont les obligations de moyens, de résultats, de sécurité et de renseignements. Il a
identifié des obligations accessoires à ces contrats; telles que l'obligation de sécurité ou de
renseignement. Cependant, il existe des cas où le dommage ne survient pas dans la sphère
contractuelle; sinon, le dommage est en dehors du contrat. Le débiteur de l'obligation, par sa
violation, cause un préjudice à un tiers au contrat, et donc à une personne extérieure au contrat.

B- Notion de tiers
Les tiers pouvant agir contre le contractant défaillant sont tous ceux qui ne font pas parties
au contrat. La qualité des tiers est évaluée au moment de la conclusion du contrat, quelle que
soit la non-exécution du contrat. Sont considérées comme victimes tierces, toutes les personnes
victimes d'un dommage causé par le non-respect d'une obligation conventionnelle, si elles n’ont
pas fait parties au contrat, ni représentées par aucun des modes de représentation et qui ne
détiennent pas tout droit des contractants en tant que successeur en droit.

23
Civ. 1re, 13 mai 2003, n° 01-11.511, Bull. civ. I, n° 114, note Mazuyer.
24
Civ. 1re, 15 mars 2005, n° 01-13.018, Bull. civ. I, n° 136, note Cathiard.
8
Le tiers, ne se prétend pas créancier de l’obligation inexécutée, elle impute au contractant
une faute qui est délictuelle à son égard. Ce tiers doit-être distingué du « penitus extranei25 » et
ainsi être qualifié de tiers-qualifié où ce dernier est intéressé par la situation objective crée par
le contrat26.

Sur la base de cette idée, la jurisprudence accordant toutes sortes de situations et de


personnes: irrespect d’une clause de non-concurrence, vice de construction d’un ascenseur,
mise à disposition d’un véhicule défectueux, escalier défectueux dans un magasin, commerçant
non sélectionné ne respectant pas les règles du réseau, lui permettant ainsi de réduire de manière
déloyale ses prix de vente27, etc.

Les tiers victime de défaut contractuel sont de plus en plus nombreux. Ce tiers, en dehors
du contrat, ne peut engager la responsabilité délictuelle de l’autre partie, en raison de l’absence
de contrat entre elles. Il existe de nombreuses illustrations de cette responsabilité délictuelle des
contractants envers des tiers. Il est intéressant de distinguer les "vrais tiers"; ils ne sont autres
que des personnes totalement étrangères au contrat et aux parties, qui n'ont aucun lien juridique
avec elles; sinon, le fameux "extranei penitus"; nous entendons ici toute tierce partie sans
relation juridique actuelle. Nous avons aussi ceux qui ne sont pas vraiment troisième. Ce sera
une catégorie intermédiaire de personnes en dehors du contrat, mais cela n’est pas totalement
étranger. C'est l'exemple des créanciers non garantis et des successeurs spéciaux.

La qualité des tiers est appréciée dès la conclusion du contrat. Par conséquent, les tiers sont
ceux qui n'ont pas participés à l'accord ou représentés par un mécanisme de représentation et
qui ne détiennent aucun droit sur les parties contractantes qui leur confèrent le statut de
successeur. Les auteurs distinguent l'action du tiers totalement étrangère au contrat, celle des
victimes par ricochet (indirect), celle des tiers bénéficiaires de l'exécution du contrat, celle des
tiers victimes d'une prestation de service défectueuse et celle des cocontractants dans une
activité commune, dans les hypothèses de collaboration entre professionnels.

Selon la doctrine contemporaine, les actions possibles de tiers totalement étrangers au


contrat seront celles du passant ou du voisin blessé par des chutes de pierres lors de l'exécution
d'un chantier de construction par un entrepreneur.

25
Tiers complètement étranger au contrat.
26
Ph. Delmas Saint-Hilaire, th. Préc.
27
Com. 1er juill. 2003, n° 99-17.183, Bull. civ. IV, n° 115; D. 2003, AJ 2235.
9
Nous retrouvons ensuite l'action des victimes par ricochet; ils sont tiers à la formation du
contrat qui cause le dommage à la victime initiale. Les situations les plus courantes sont
l’exécution défectueuse d’un service ou la livraison de produits défectueux ou dangereux. En
tant que tierce partie, les victimes de ricochets ont le droit d'invoquer la responsabilité
délictuelle du cocontractant de la victime directe.

Selon la jurisprudence de 2000: « Les erreurs commises par un médecin et un laboratoire


dans l'exécution de contrats avec une femme enceinte l'ont empêché d'exercer son choix de
mettre fin à sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant handicapé », ce dernier peut
demander réparation du préjudice résultant de cet handicap et causé par les erreurs retenues28 »
; il s’agit bien sûr de la fameuse jurisprudence « Perruche ».

C- L’indemnisations des tiers victimes ‘ Un mouvement juridique29 intense’


Le centre du débat est ailleurs: le tiers, victime d'un dommage causé par la rupture du
contrat, doit-il prouver, lorsqu'il exerce une action délictuelle contre le débiteur contractuel,
« une faute délictuelle spécifique est, en fait, une faute contractuelle », ou peut-il simplement
montrer que son préjudice résulte de la défaillance contractuelle du débiteur? Dans la première
option, les faits à l'origine des responsabilités contractuelles et délictuelles ne coïncident pas
nécessairement. La faute est alors possible, mais cette relation d’assimilation ne serait jamais
systématique: si nous examinons maintenant la deuxième option, nous verrions l'instauration
d'un principe selon lequel le non-respect d'un contrat constituerait toujours un délit à l'encontre
de tiers. Les conditions pour la mise en œuvre des responsabilités contractuelles et délictuelles
seraient ainsi parfaitement unifiées. C'est entre ces deux courants, l'un reconnaissant l'idée de
relativité de la faute contractuelle, l'autre assimilant les erreurs contractuelles et délictuelles,
que la jurisprudence est divisée depuis de nombreuses années.

La jurisprudence a longtemps été hostile à l'assimilation des deux fautes. Le débiteur


contractuel n'a pas échappé à l'application de l'article 1382 du code civil30, mais le tiers doit
justifier d'un comportement répréhensible caractérisant une faute délictuelle de la part du
débiteur contractuel, même au-delà de l'existence d'une violation contractuelle. En d'autres

28
Ass. plén, 17 novembre 2000, Bull. 2000.
29
Expression employée dans l’avis de M. l’avocat général A. GARIAZZO, Bulletin d’information de la Cour de
cassation, n° 651, p. 57.
30
P. CONTE, Rép. Civ. Dalloz, V° Responsabilité du fait personnel, mai 2002, n°67 : « lorsqu’en raison d’un
contrat auquel elle est partie, une personne se trouve placée dans une situation qui la met en position de causer
un dommage à autrui, on ne voit pas par quel mystère, si ce risque se réalise, elle pourrait prétendre à
l’irresponsabilité au singulier motif que la victime est étrangère au contrat »
10
termes, les tiers ne seraient responsables que s'ils pouvaient démontrer l'existence d'une "faute
délictuelle considérée en soi, quel que soit son point de vue contractuel", selon la fameuse
formule utilisée dans de nombreux arrêts31.

Puis, dans un second temps, la Haute Juridiction en vint à considérer que la faute
contractuelle constituait un vice délictuel envers les tiers. Un arrêt de la chambre sociale de la
Cour de cassation du 21 mars 1972 est particulièrement révélateur à cet égard. Il est analysé par
G. DURRY comme une manifestation de la « double nature » de la faute: « en même temps »,
obligation volontaire et s'il y a, parmi les victimes, des tiers, un crime32.

Dans les années 1980-1990, la jurisprudence semble revenir vers l’idée de relativité de la
faute contractuelle et exige à nouveau une certaine spécificité de la faute délictuelle susceptible
d’engager la responsabilité du débiteur, par rapport à la faute contractuelle. Ce courant est
illustré par un certain nombre d’arrêts de la première et de la troisième Chambres civiles de la
Cour de cassation, mais c’est la Chambre commerciale qui semble la plus attachée à cette idée
de relativité de la faute contractuelle, soutenant notamment cette position en 1996 et 1997 où
elle exige que soit rapportée la preuve de la « violation d’une obligation générale de prudence
ou de diligence »33, puis dans un arrêt non publié en 2002, et dans un arrêt publié le 5 avril
2005, où elle soumet l’action d’un tiers à la condition qu’il y ait non seulement violation de
l’obligation née du contrat, mais également manquement « au devoir général de ne pas nuire à
autrui »34, devoir existant même en dehors de tout contrat. Ce courant reste cependant
minoritaire.

Quelques années plus tard, dans une décision historique du 18 juillet 2000, la première
chambre civile conforte cette tendance jurisprudentielle: après avoir rappelé cette faculté des
tiers à invoquer l'exécution défectueuse du contrat, le jugement ajoute: "sans avoir à déclarer
toute autre preuve35. Cette clarification a le mérite de clarifier la situation: en exemptant la
victime de toute autre preuve que celle d'un manquement contractuel, elle nie toute autonomie
à la faute délictuelle et ne laisse aucune place à aucune nuance. Dans un arrêt du 13 février
2001, la première chambre civile a appliqué la thèse de l'assimilation dans le domaine de

31
Cass. 1ère civ., 7 nov. 1962 : Bull. civ. 1962, I, n°465 ; Cass. 1ère civ., 9 oct. 1962 : Bull. civ. 1962, I, n°405 ;
Cass. 3ème civ., 15 oct. 1970: Bull. civ. 1970, III, n°515 ; Cass. 3ème civ., 18 avr. 1972: Bull. civ. 1972, III, n°233
; Cass. 1ère civ. 23 mai 1978 : Bull. civ. 1978, I, n°201.
32
G. DURRY, RTD civ. 1973, p. 128.
33
Com. 2 avril 1996, Bull. 1996, IV, n°101 ; Com. 17 juin 1997, Bull. 1997, IV, n°187.
34
Com. 8 octobre 2002, pourvoi n°98-22.858 ; Com. 5 avril 2005, Bull. 2005, IV, n°81.
35 ère
1 civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221.
11
l'obligation de sécurité du résultat d'un centre de transfusion sanguine, dont la violation ne peut
donc être invoquée que par la victime immédiate parents victimes par ricochet36.

D- L’arrêt perruche
Dans l’arrêt Perruche du 17 novembre 2000, la Cour de cassation plénière s’est prononcée
en vue de définir l’événement donnant lieu à la responsabilité du débiteur contractuel à l’égard
de tiers, même si la question ne lui était pas directement posée. Il a constaté que "les erreurs
commises par un médecin et un laboratoire dans l’exécution de contrats avec une femme
enceinte l’empêchant d’exercer son choix de mettre fin à sa grossesse pour éviter la naissance."
Enfant handicapé, ce dernier peut demander réparation du préjudice résultant de cette déficience
et causé par les erreurs commises"37.

La Haute Juridiction semble ainsi se rallier à la thèse de l’identité des fautes contractuelle
et délictuelle, en vertu de laquelle, rappelons-le, tout manquement contractuel constituerait ipso
facto une faute délictuelle. Cette interprétation de l’arrêt Perruche paraît d’autant plus cohérente
qu’elle intervient quelques mois seulement après la décision de la première Chambre civile qui
a jugé, dans un domaine voisin et comme nous l’avons déjà abordé plus haut, que la preuve
d’un préjudice constituait une condition nécessaire et suffisante pour permettre à un tiers
invoquant un manquement contractuel d’exercer une action en responsabilité délictuelle « sans
avoir à rapporter d’autre preuve »38.

Il appartient pareillement d’étiqueter que cette décision de l'Assemblée plénière a été prise
avec le double visa des articles 1165 et 1382 du Code civil, dont l'intérêt est essentiel. Dans
cette affaire concernant la responsabilité médicale d'un enfant handicapé, il était clair que c'était
la mère de l'enfant qui était le créancier contractuel39. L'enfant ne représente qu'un tiers du
contrat, d'où la référence à l'article 1165 qui, rappelons-le, pose le principe de l'effet relatif des
accords. Quant à la référence à l'article 1382, elle fait clairement référence à une infraction qui
est nécessairement commise en dehors de tout contrat. Lorsqu'il est combiné à l'article 1165, il
s'agit plus spécifiquement du recours, sur le fondement du droit de la responsabilité civile, au

36
1ère civ. 13 février 2001, Bull. 2001, I, n°35.
37
Ass. plén, 17 novembre 2000, Bull. 2000, Ass. plén., n°9.
38 ère
1 civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221.
39
Depuis un arrêt de 1936, la Cour de cassation considère en effet qu’un véritable contrat se forme entre un
médecin et son patient, d’où elle déduit la nature contractuelle de la responsabilité du professionnel vis-à-vis de
son client, du fait de l’inexécution de ses obligations nées du contrat.
12
préjudice subi par un tiers du fait de la rupture de contrat que nous avons constaté une possibilité
de voir admis en principe depuis la première moitié du XXe siècle.

Dans le cas présent, selon Michelle GOBERT40, il est impossible de douter du fait que c’est
l’enfant handicapé qui revêt la qualité de tiers ayant subi un préjudice du fait d’un manquement
contractuel. C’est par conséquent ce dernier qui bénéficie d’une action en responsabilité
délictuelle vis-à-vis de l’auteur dudit manquement. Compte tenu du fait que la loi sur l'égalité
de traitement et de mauvaise conduite en plein essor, l'intérêt pour prendre une telle décision
lors d'une audience formelle est cruciale. Cette jurisprudence a été confirmée par trois arrêts
41
dans lesquels les conditions d'indemnisation des victimes ont été établies par la faute médicale
par des tiers.

Après tout, cet aspect du jugement n'a pas été pleinement compris, éclipsé par la question
du préjudice causé à l'enfant handicapé. Une nouvelle intervention à la fois solennelle et claire
du tribunal de réglementation était attendue avec impatience.

Paragraphe II : L’identité des fautes contractuelles et la solution de l’assimilation


La mise en œuvre de la responsabilité du cocontractant envers le tiers-victime du
manquement contractuel, il faudra distinguer la théorie de la relativité de la faute contractuelle
à travers la jurisprudence et la doctrine, de la thèse de l’assimilation du manquement contractuel
et de la faute délictuelle.

A- Position jurisprudentielle d’indemnisations des tiers victimes


Selon ce point de vue, le principe de l’effet relatif du contrat n’engage la responsabilité vis-
à-vis des tiers que si la rupture du contrat est associée à un comportement répréhensible
caractérisant l’infraction; y compris un manquement à une obligation générale de prudence et
de diligence. Par conséquent, toute faute contractuelle n'est pas ipso facto une faute délictuelle
et le contractant défaillant qui a causé des dommages à un tiers ne sera puni que s'il a causé les
mêmes dommages en dehors du contrat. Donc, toute faute contractuelle ne constitue pas
forcément une faute délictuelle. La Cour de cassation a retenu diverses formulations dans les
arrêts favorables à cette thèse, ce qui montre la difficulté de définir ce qui constitue une violation
générale d'une règle de conduite. Dans un premier temps, par de nombreux arrêts, il a conclu

40
M. GOBERT, « Les Petites Affiches », 8 décembre 2000, n°245, p.6 et 7
41
Ass. plén. 13 juillet 2001, Bull. 2001, Ass. plén., n°10.
13
que les tiers ne pouvaient obtenir réparation que s’ils démontraient l’existence d’une "faute
délictuelle considérée en soi, indépendamment de tout point de vue contractuel »42.

Ainsi, dans un arrêt rendu en matière de transport maritime, la chambre commerciale a


retenu que « le fait d’une partie au contrat peut à l’égard d’un tiers à celui-ci, constituer une
faute quasi délictuelle par la violation d’une obligation générale de prudence et de diligence,
bien qu’il pût être aussi un manquement de cette partie à ces obligations contractuelles »43. En
l’espèce, la faute contractuelle de l’affréteur envers le fréteur pouvait était constitutive d’une
faute délictuelle envers l’acheteur des marchandises, tiers à la convention.

Dans un arrêt du 17 juin 1997, la chambre commerciale a retenu que « si la faute


contractuelle d’un mandataire à l’égard de son mandant peut être qualifiée de quasi-délictuelle
à vis-vis d’un tiers, elle constitue autant la violation d’une obligation générale de prudence et
d’assiduité»44. La première chambre civile a également appliqué ce principe de la relativité de
la faute contractuelle dans un arrêt non publié45. Il en sera de même, dans un arrêt non publié
du 8 octobre 200246 . La jurisprudence a donc conclu qu’il fallait prouver la faute délictuelle
mise à part de la faute contractuelle47.

A travers cette théorie de la relativité de la faute contractuelle, on peut ainsi en déduire une
certaine immunité de la faute contractuelle par le tiers. Ce courant jurisprudentiel sera soutenu
par plusieurs auteurs.

B- Position doctrinale d’indemnisations des tiers victimes


M. Denis Mazeaud qui estime que cette dernière conduit à brouiller une analyse des notions
de partie et de tiers au contrat et surtout, à ébranler l’entente entre les principes de l’effet relatif
du contrat et de l’opposabilité du contrat par les tiers. L’action exercée par le créancier
contractuel étant de nature différente que celle exercée par le tiers victime de défaillance
contractuelle, leur régime doit être distinct. M. VINEY a estimé que l’assimilation des fautes

42
Voir arrêts sus évoqué
43
Com. 2 avril 1996, Bull., n°101.
44
Com., 17 juin 1997, Bull., n° 187, p. 164, JCP G 1998, I, 144, G. Viney.
45 ère
1 . Civ., 16 décembre 1997, n° 95-22.321.
46
Com., 8 octobre 2002, n° 98-22.858 ; JCP G 2003, I, 152, n° 3, G. Viney
47
1 ère . Civ., 11 avril 1995, Bull., n° 171, p. 122, R.T.D Civ., 1995, p. 895 obs. P. Jourdain, a fondé la
condamnation d'un mandataire, vis à vis d'un tiers autre que le mandant, sur "des fautes quasi délictuelles
détachables des obligations du contrat de mandat".
14
contractuelles et délictuelles conduisait aussi à permettre un panachage des règles contractuelles
et délictuelles48 .

Dans le même ordre d’idée, MM. TERRE, SIMLER et LEQUETTE estiment que «
permettre à un tiers d’invoquer la faute contractuelle du débiteur revient à lui permettre de
réclamer indirectement à son profit le bénéfice d’un contrat auquel il n’est pourtant pas partie
… sous couvert d’opposabilité du contrat, c’est porter directement atteinte au principe de l’effet
relatif du contrat49 ».

Selon JOURDAIN « tout dépend en réalité de la portée de l’obligation contractuelle violée.


Si elle se limite au cercle étroit des parties contractantes, sa transgression ne pourra constituer
une faute délictuelle. Au contraire si par son objet, elle intéresse les tiers, ceux-ci doivent être
autorisés à se prévaloir de sa transgression pour établir la faute délictuelle ». Aussi approuve-t-
il la jurisprudence la plus récente de la chambre commerciale consacrant la relativité de la faute
contractuelle dans la mesure où « il est des obligations dont la portée est limitée aux seules
parties contractantes et qui ne tendent nullement à protéger les tiers ni à leur procurer un
quelconque avantage50 ».

Ce n’est que lorsque les obligations inexécutées n’ont pas été souscrites au profit exclusif
du créancier contractuel, que leur inexécution est constitutive d’un manquement à un devoir
général ; dès lors, les tiers peuvent agir contre le cocontractant si la défaillance contractuelle
leur a causé un préjudice. L’exemple type, sera celui de l’irrespect de la clause de non-
concurrence. Le manquement à l’obligation de non-concurrence du vendeur à l’égard de
l’acheteur d’un fond de commerce, ne constitue pas une possible action en responsabilité
délictuelle par les concurrents de l’acheteur.

D’autres auteurs se rallient à la thèse séparatiste ; Deux de ces auteurs51 partage l’idée que,
pour rechercher la responsabilité délictuelle du cocontractant défaillant, il faut distinguer deux
hypothèses qui sont les suivantes ; lorsque l’obligation violée constitue un devoir général de
comportement, tel les obligations de sécurité et d’information, la relativité de la faute
contractuelle n’est pas justifiée.

48
G. Viney, op. cit., n° 213, p. 394, spéc., p. 403.
49
F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, « Droit civil-Les obligations », Précis :Dalloz, 8ème édition, n° 495, p.400
50
P. Jourdain, RTD civ., 2005, p. 602.
51
D. Mazeaud et G. Viney.
15
En fait, du moins en ce qui concerne la preuve de la faute, les victimes tierces et les
créanciers sous contrat sont liés par le même système et exigent ensuite plus ou moins le droit
d’exécuter des contrats d’effets différents. Violation de l’attractivité du contrat puis atteinte au
principe de l’efficacité relative du contrat52 ».

C- Position jurisprudentielle de l’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles


La Cour de Cassation est venue considérer que la faute contractuelle constituait de plano
une faute délictuelle à l’égard des tiers ; on parlera donc d’une assimilation automatique des
deux fautes. Un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 21 mars 1972
est particulièrement révélateur à cet égard, G. DURRY l’analysant comme une manifestation
de la « double nature » de la faute : « à la fois manquement à l’obligation volontaire et, s’il y a,
parmi les victimes, des tiers, faute délictuelle53 ». Dans cet arrêt, la Cour de Cassation décide
que la faute contractuelle était le fondement de la faute délictuelle54 .

De nombreux jugements semblent insister sur un traitement purement uniforme des


contrats et des violations et tirer des conclusions du seul acte fautif de négligence contractuelle.
Cette position n’est pas nouvelle, l’ancien jugement a été absorbé, notamment par la solution
suivante: "Ne pas assumer aucune responsabilité pour des tiers non enregistrés." Cependant,
surtout depuis les années 90, la Cour suprême a parfois tenu des réunions, y compris des
tribunaux de commerce, mais la jurisprudence a fait de grands progrès, principalement sous les
auspices du premier tribunal commercial.

Par conséquent, le tribunal a déclaré: «Des tiers peuvent prendre des mesures injustes à
l’encontre de certains distributeurs utilisant le réseau, mais ne pas respecter leurs obligations
contractuelles vis-à-vis des marques de cosmétiques bien connues et réputées, qui sont
distribuées parmi les exposants de produits à proximité. Il s’agit en effet de l’arrêt « Sté Anaïs
»55.

Dans ce cas, un tiers des personnes se sont plaintes de la concurrence déloyale exercée par
des distributeurs sélectifs, lesquels ont bénéficié des avantages du réseau sans se conformer aux
obligations contractuelles. Une nouvelle étape vers l’admission de l’assimilation erronée a

52
D. Mazeaud, commentaire de Com., 5 avril 2005, Revue de droit des contrats, 2005, « p. 687 ».
53
G. DURRY, RTD civ. 1973, « p. 128»
54
Soc., 21 mars 1972, R.T.D. Civ., 1973, p. 128, obs. G. Durry qui constate que la faute a une "double nature, à
la fois manquement à l'obligation volontaire et, s'il y a, parmi les victimes, des tiers, faute délictuelle"; Com., 16
janvier 1973, Bull., n° 28.
55
Cass. com., 1er juillet 2003, Sté Anaïs c/ Sté Marie-Jeanne Godard et Sté MJG Béarn.
16
franchi une nouvelle étape: dans l’arrêt du 18 juillet 2000, la jurisprudence s’applique toujours
aux codes civils 1165 et 1382, fondés sur le décès de patients atteints de maladie mentale. La
supervision de l'agence, du troisième successeur de l'institution, de la victime indirecte et de la
troisième partie du contrat d'hospitalisation est raisonnable56 ».

Dans ce cas, la faute délictuelle d’un établissement psychiatrique consistait en un défaut de


surveillance d’un patient, qui avait entraîné la mort de la patiente, causant des blessures à son
mari et à sa fille. C’est la même position qui sera adoptée dans une décision de mandat du 18
mai 200457 ; il a conclu que "viole l'article 1382 du code civil de la Cour d'appel qui dispose
que la faute du mandataire ne peut être invoquée que s'il s'agit d'un mandat détachable". La
jurisprudence a ensuite adopté ce principe en ajoutant, dans un jugement rendu le 13 février
2001, "qu'un centre de transfusion sanguine est lié par une obligation de sécurité du résultat
concernant les produits sanguins qu'il vend et que le non-respect cette obligation peut être
invoquée à la fois par la victime immédiate et par le tiers victime d'un dommage indirect "58.

Dans un arrêt non publié du 5 mars 2002, la Chambre de commerce a blâmé une cour
d'appel en déclarant que les tiers n'avaient pas invoqué "un quelconque délit en soi,
indépendamment de tout point de vue contractuel" "en déclarant que" le tiers à un contrat est
en droit de se fier à l'exécution défectueuse du contrat lorsqu'elle les a causés59 ».

D- Position doctrinale de l’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles


Le courant doctrinal favorable à l'assimilation des deux fautes part de l'idée soutenue par
MM. FLOUR, AUBERT et SAVAUX "que la troisième victime, qui invoque la violation
contractuelle à l’appui de sa demande en réparation, ne prétend en aucune manière être incluse
dans le rapport de l’obligation contractuelle: il se limite à la tiers pouvant invoquer la situation
de fait du contrat, exécuté ou non ... Seul le mécanisme de l'opposabilité du contrat est mis en
œuvre. Les mêmes auteurs ajoutent que le fait même que des tiers ont subi un préjudice du fait
de la violation contractuelle "semble impliquer une violation de l'obligation de ne pas causer de
préjudice à une autre personne au sens de l'article 1382 du code civil" et "explique mal" que les
tiers victimes ne peuvent pas affirmer au débiteur contractuel la situation dommageable créée
par ce débiteur, qui aurait pu l'éviter en exécutant correctement son obligation".

56
1ère civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221
57
1ère civ. 18 mai 2004, Bull. 2004, I, n°141 (Qui paraît aller à l’encontre de l’arrêt précité de la chambre
commerciale du 17 juin 1997)
58 ère
1 Civ., 13 février 2001, Bull., n° 35, p. 21; D. 2001, somm. com., p. 2234 obs. Ph. Delebecque.
59
Com., 5 mars 2002, n° 98-21.022.
17
M. TOSI souligne également ce point. Il considère que, tout comme le contractant peut agir
délictuellement contre le tiers complice du manquement à une obligation contractuelle, il en va
de même pour le tiers victime d'un dommage résultant de l'exécution du contrat. Il est difficile
de voir pourquoi la solution serait également dans l’autre cas, c’est-à-dire lorsque c’est le tiers
qui se prévaut du contrat pour imputer à un débiteur contractuel la violation de son obligation.
Cet auteur nous parle de "violation contractuelle60.

À la lumière de cette conception jurisprudentielle de l’identité de la faute contractuelle et


délictuelle, nous comprenons maintenant le succès de l’action en responsabilité civile, victime
d’un dommage causé par l’inexécution du contrat, quand elle n’a pas prouvé son tort faute, il
doit seulement prouver que le dommage qu’il a subi a été causé par cette violation contractuelle
de la partie contractante. Cette assimilation des erreurs contractuelles et délictuelles permet
ainsi d'assurer un traitement égal à toutes les victimes, liées ou non par un contrat avec l'auteur
de la faute ou de la violation préjudiciable. Avec cette théorie, les conditions d'application de
la responsabilité seront strictement les mêmes quelle que soit la qualité de la victime
demanderesse. La généralité des termes de l'article 1382 du code civil permet à la faute
délictuelle d'inclure la rupture de contrat.61.

L'explication la plus précise qui justifie cette thèse est certainement le souci de la protection
des tiers victimes d'un manquement, où ils peuvent être indemnisés pour le préjudice subi. Bien
que la doctrine actuelle, qui permette d'assimiler les deux erreurs, soit beaucoup moins riche
que la théorie de la relativité, elle a eu une influence déterminante sur la jurisprudence actuelle,
à laquelle toutes les formations de la Cour de cassation semblent avoir participé.

Le Rapport annuel62 de la cour de cassation, définissant la portée de l’arrêt rendu le 10


juillet 2000 à propos de la responsabilité d’une clinique psychiatrique, se réfère en ces termes
à cette thèse : « la notion d’opposabilité du contrat est les fondements de cette décision
simplificatrice : tout tiers auquel un manquement contractuel nuit63 est en droit d’invoquer ce
manquement à l’appui de sa demande et il n’a pas à apporter d’autre preuve ».

60
J.-P. Tosi, « Le manquement contractuel dérelativisé », Mélanges M. Gobert, 2004, p. 479
61
Voir en ce sens, Ph. Le Tourneau, « Droit de la responsabilité et des contrats », Dalloz action 2004-2005,
spéc. n° 973 ; R. Wintgen, « Etude critique de la notion d'opposabilité ». Les effets du contrat à l'égard des tiers
en droit français et allemand, L.G.D.J., bibliothèque de droit privé, Tome 426, n° 327 ; L. Leveneur,
commentaire de 1ère Civ., 18 mai 2004, Revue Contrats-concurrence-consommation 2004, n° 121
62
Rapport annuel de la Cour de cassation 2000, La documentation française, p. 387, à propos de 1ère Civ., 18
juillet 2000
63
Article 1165
18
D’ailleurs, cette jurisprudence a été confirmée ultérieurement par trois arrêts rendus par la
même formation précisant les conditions d’indemnisation des victimes64 . C’est la position
réaffirmée expressément par l’assemblée plénière de la Cour de Cassation dans son célèbre arrêt
du 6 Octobre 200665, objet de vives discussions. Les faits mettaient en cause trois parties : les
propriétaires (A) d’un immeuble, avaient concédé un bail commercial sur ce bien à la société
(B), qui à son tour, avait donné l’immeuble en location gérance à une société (C). Imputant la
responsabilité aux bailleurs (A) pour un défaut d’entretien des locaux, la société (C) les a
assignés pour obtenir la remise en état des lieux et paiement d’une indemnité en réparation d’un
préjudice d’exploitation. La société (C) invoquait, sur le fondement de la responsabilité
délictuelle (article 1382 C.civ), l’inexécution par (A) de ses obligations envers (B).

Après que la cour d’appel ait déclaré recevable cette demande, la cour de cassation a rejeté
le pourvoi des bailleurs au motif que « le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de
la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a
causé un dommage ».

Section II : L’excès de la solution de l’assimilation du manquement contractuel et la


faute délictuelle
Il faut examiner les effets navrants engendrés par la consécration de la thèse de l'identité des
erreurs contractuelles et délictuelles (Paragraphe I), tout en identifiant les mécanismes de
correction possibles dont on peut espérer que la mise en œuvre permettra de limiter autant que
possible de telles entorses (Paragraphe II).

Paragraphe I : Les différents effets de la faute contractuelle vis-à-vis des tiers


La thèse assimilatrice engendre plusieurs effets, et certaines solutions sur le plan pratique.

A- La modification du principe de l’effet relatif des conventions


La théorie de la relativité AQUILIENNE66 repose sur l’idée que l’état de droit vise à
protéger certains intérêts67. Selon cette théorie, la violation d'une règle ne peut être invoquée
que par celui que la règle est censée protéger68. Ainsi, si un contrat impose une obligation au

64
Ass. plén., 13 juillet 2001, n° 97-17.369, 97-19.282, 98-19.190
65
Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n°05-13.255, P+B+R+I, Bull. civ. Ass. plén. n°9.
66 Une définition en est proposée par l’Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, V. Relativité aquilienne : « expression
signifiant que seules les personnes spécialement protégées par la règle de droit enfreinte peuvent demander réparation du
dommage qui en est résulté ».
67 J.Bourgeois, « Le manquement contractuel et le tiers », Université Paris II Panthéon-Assas - Magistère de Juriste

d’Affaires – DJCE, Mai 2008, p « 32 ».


68
G. VINEY, P. JOURDAIN, « Les conditions de la responsabilité », LGDJ, 2ème éd., 1998, n°441.
19
débiteur, cela est dans l’intérêt du créancier. C’est le seul moyen de se plaindre de la violation
du contrat du débiteur et de demander réparation pour le préjudice subi. Le tiers, également lésé
par une telle inconduite, ne peut invoquer la responsabilité extracontractuelle du débiteur, le
non-respect de l'obligation n'étant justifié dans son intérêt que s'il a réussi à prouver l'existence
d'un crime distinct au sens de la loi au sens de l'article 1382 du code civil français.

Cependant, la relativité aquilienne69 postule donc clairement une relativité de la faute


contractuelle. Cependant, le droit français ignore cette théorie. On aurait donc pu penser que la
solution adoptée par l’Assemblée plénière et consistant, comme nous le savons bien à ce stade
de notre étude, à retenir le principe de l’identité de la faute contractuelle et délictuelle était
conforme au droit des contrats. Cependant, il ne faut pas oublier que le Code civil français, dans
son article 1165, énonce un principe de l'effet relatif des conventions. Or, c’est ce principe qui,
selon les partisans de la relativité de la faute contractuelle, postule que la faute contractuelle
n’est constituée que vis-à-vis du créancier contractuel. Selon un auteur, c’est pour laisser la
relativité des conventions «produire tout son effet» qu’elle doit s’accompagner d’une relativité
de la faute contractuelle.

Cependant, il ne faut pas oublier que le code civil français énonce dans son article 1165 le
principe de l’effet relatif des conventions. Or, c’est bien ce principe qui, selon les partisans de
la relativité de la faute contractuelle, postule que la faute contractuelle n’est constituée qu’à vis-
à-vis du créancier contractuel. Selon un auteur, c’est pour laisser la relativité des conventions
de « produire son plein effet »70qu’elle doit s’accompagner d’une relativité de la faute
contractuelle. Cela apparaît ainsi, selon un autre auteur, comme un « complément nécessaire»71
de l’effet relatif des accords. Il faut maintenant se demander si la thèse assimilatrice est
discordante avec le principe classique de l’effet relatif des conventions.

D’un point de vue tout à différent, un auteur a eu l’occasion de certifier que le fait de
permettre au tiers victime de s’en remettre à la seule inexécution du contrat pour parvenir à la
consolidation de son préjudice ne constituait pas nécessairement une violation à l’effet relatif,
ce dernier ne s’oppose qu’au tiers réclamant l’exécution du contrat72. Toutefois, même dans le
cadre d’une telle conception, il faut bien admettre que, dans le contexte de la responsabilité
contractuelle, une partie de l’indemnisation peut consister en une compensation de l’avantage

69
Idem
70
P. JOURDAIN, obs. ss Cass. com., 17 juin 1997, RTD civ., 1998, p. 113
71
R. WINTGEN, thèse précitée, n°333.
72
G. VINEY, Recueil Dalloz, 2006, p. 2825.
20
spécifiquement promis au contractant, et qu’elle semble discutable, en l’espèce, pour permettre
à des tiers de se plaindre également de ne pas avoir bénéficié de cet avantage. Une telle situation
parait injuste dans la mesure où le tiers, qui n’a rien donné en échange, revendique donc
l’équivalent pur et simple de l’avantage73. C’est la situation qui a conduit à la décision du 6
octobre 2006, qui donne lieu à une nouvelle règle, celle de « l’effet attractif du contrat non
exécuté »74, qui fait désormais partie de notre droit des contrats à côté du principe de l’effet
relatif des conventions.

B- Une collaboration à la « politique d’indifférenciation »75 des deux niveaux des


responsabilités
A partir de la fin du XIXe siècle, GRANDMOULIN a défendu l’idée d’assimiler la faute
contractuelle à la faute délictuelle envers les tiers dans la mesure où elle enfreint les droits
d’autrui76. L’auteur a ainsi conclu à l’unité de la théorie de la responsabilité et à l’absence
d’existence de la responsabilité contractuelle. En revanche, l’un des défenseurs du
particularisme du régime contractuel a insisté sur la dualité des fonctions assignées aux
dommages et intérêts contractuels77. Outre le dédommagement des dommages et intérêts
contractuels seraient également utiliser pour payer au créancier un service compensant celui
qu’il n’a pas reçu. Cette fonction de paiement des dommages et intérêts contractuels justifie,
selon cet auteur que leur régime est distinct de celui appliqué aux dommages et intérêts dus à
la suite d’un délit ou d’un quasi-délit. Dans un article publié en 1997, un autre auteur apporte
une contribution décisive à la montée actuelle contre la "responsabilité contractuelle" en
déclarant la fausseté de ce concept.

Le contrat ayant désormais une "fonction de protection des intérêts non contractuels", la
responsabilité contractuelle apparaît comme un système concurrent d'indemnisation des
dommages. La remise en cause de la distinction traditionnelle entre les deux niveaux de
responsabilité découle de l'affirmation du principe de non-cumul et du recours à la contrainte
judiciaire du contrat, c'est-à-dire de l'intégration des obligations résultant «d'une obligation

73
3Cf. M. FABRE-MAGNAN, « Avortement et responsabilité médicale », RTD civ. 2001, p. 299 : « En matière
d’obligation contractuelle d’information, il nous semble que celle-ci n’est en principe due qu’au cocontractant,
qui notamment paye pour la recevoir ».
74
D. MAZEAUD, revue précitée, p. 269.
75
P. STOFFEL-MUNCK, « Revue des Contrats », 2007, p. 587.
76
Le titre de la thèse de J. GRANDMOULIN, rédigée en 1884, est particulièrement révélateur à cet égard : « De
l’unité de la responsabilité ou nature délictuelle de la responsabilité pour violation des obligations contractuelles
».
77
J. HUET, thèse 1978, « Responsabilité contractuelle et délictuelle : essai de délimitation entre les deux ordres
de responsabilité ».
21
générale du contrat», comme l'exigence de sécurité. En effet, il n’est pas difficile d’admettre
que la violation d’une obligation générale contractée puisse donner lieu à une responsabilité
délictuelle: la faute contractuelle est, en même temps, une faute délictuelle.

En revanche, il est plus difficile d’accepter la même extension si la faute contractuelle ne


résulte que de la non-exécution d’un «plus contractuel» indépendant des devoirs généraux: le
fait d’autoriser un tiers à invoquer la violation de l’obligation purement contractuelle d’établir
une faute délictuelle affecte, comme on l’a vu, le principe de l’effet relatif. Et c’est à cet égard
que la décision du 6 octobre 2006 constitue un nouveau tempérament dans le principe de
distinction des deux niveaux de responsabilité.

C- Les inconvénients pratiques de la solution de l’assimilation des fautes


Outre les critiques théoriquement possibles que nous venons de traiter, il est maintenant
nécessaire d'évaluer les conséquences pratiques de la décision, qui, comme nous le verrons,
sont toutes essentielles. En fait, le principe de l'identité des fautes contractuelles et
intentionnelles entraîne un élargissement du groupe de personnes pouvant assumer la
responsabilité du débiteur. Toutefois, selon un auteur, cette extension est importante car le
nombre de tiers auxquels le non-respect d'une obligation contractuelle pourrait être
préjudiciable est en augmentation constante78. Selon un autre auteur, ce phénomène est lié à
« la complexité croissante des relations économiques et au développement des techniques de
production et de distribution»79.

L'extension de la valeur du contrat à une partie intéressée sape les attentes des parties et
constitue une source importante d'incertitude juridique, car elles ne peuvent pas toujours
supposer que des tiers exigent le non-respect. En outre, dans certains cas, le débiteur contractuel
entend ne représenter que les intérêts de son créancier, à qui le contrat est destiné à conférer un
avantage particulier. Toutefois, dans ces cas, des tiers peuvent bénéficier indirectement de cet
avantage particulier si une combinaison systématique d'erreurs contractuelles et volontaires est
identifiée. Là encore, la solution de l'identité d'erreur ignore complètement les prévisions de
l'emprunteur contractuel.

78
M. BACACHE-GIBEILI, « La relativité des conventions et les groupes de contrats », thèse, LGDJ 1996,
n°28.
79
J. HUET, « Responsabilité contractuelle et délictuelle : essai de délimitation entre les deux ordres de
responsabilité », thèse, 1978, n°593 et s.
22
A titre d'exemple, prenons l'obligation d'interdire la concurrence dont la violation est
alléguée par un tiers. Cette situation a notamment conduit à la décision susmentionnée de la
Chambre de commerce du 5 avril 200580. Il est reconnu qu'une telle obligation est soumise à
des conditions strictes et ne s'applique entre les parties que dans des cas exceptionnels du
principe de la libre concurrence. Il n'est pas destiné à des tiers. Cependant, la solution adoptée
par la plénière permet à tous les concessionnaires de la région touchée par le déplacement du
concurrent de faire valoir l'infraction à la clause de non-concurrence par le concurrent (en raison
de l'arrestation d'une partie de sa clientèle).

A partir de là, on peut se demander quels intérêts ont conduit à la consécration de la thèse
assimilatrice, malgré les diverses incohérences qui lui sont théoriquement et pratiquement
associées.

D- Indemnisation à tout prix


Si nous prenons le parti de la troisième victime pour évaluer la validité de la solution
présentée par la plénière du 6 octobre 2006, nous considérons que cela est satisfaisant. En effet,
la victime d'un tiers bénéficie désormais de l'avantage probant découlant de l'existence d'une
rupture de contrat, en particulier lorsqu'il y a une charge de la preuve: pour réparer sa perte, il
peut être prouvé qu'il en est ainsi: une violation du contrat du débiteur sans testament prouve la
faute au sens de l'article 1382 du code civil.

Cette décision s'inscrit dans le cadre d'une loi française sur la responsabilité, fortement
influencée par le souci d'indemnisation des victimes. En fait, avant la décision du 6 octobre
2006, cette "idéologie de la réparation »81 avait de nombreuses autres manifestations qui
imprègnent notre droit actuel en matière de responsabilité civile et indemnisent tout préjudice.
Le phénomène dit de «forçage» du traité est particulièrement informatif à cet égard: cette
expansion de la zone du traité a réellement coïncidé avec le développement du droit de la faute
dans le droit du risque et de la responsabilité, ce qui tend à augmenter le potentiel de risque de
conduire à des dommages. Victimes, quelle que soit leur qualité.

80
Com. 5 avril 2005, Bull. 2005, IV, n°81.
81
L. CADIET, « Sur les faits et méfaits de l’idéologie de réparation », in Mélanges offerts à Pierre Drai, Le juge
entre deux millénaires, Dalloz, 2000, p. 387. Cet auteur fait état d’une liste des manifestations de cette idéologie
de la réparation en jurisprudence, qui va « du reflux de la faute, tantôt écartée, tantôt banalisée, voire objectivée,
à l’invention de nouveaux cas de responsabilité du fait d’autrui, en passant par l’assouplissement des conditions
requises du préjudice pour être réparé, associé à la prolifération des préjudices réparables (…) ».
23
De même, d’un point de vue juridique, il existe une véritable multiplication des régimes
d’indemnisation spéciaux qui favorisent l’indemnisation de la victime sans distinction entre un
tiers et un contractant. En donnant au tiers la possibilité de bénéficier d'un contrat dans lequel
il n'est pas impliqué, la décision de l'Assemblée générale constituerait en un sens «
l’équivalent jurisprudentiel »82 de ces règles spéciales et une manifestation supplémentaire cette
idéologie de réparation.

Toutefois, si la protection de la victime est une préoccupation qui ne devrait pas être perdue,
il ne devrait pas dégénérer en abus s'il se transforme en idéologie. En effet, comme l’a souligné
un auteur, le souci de la protection des victimes a progressivement pris le pas sur l’autre objectif
de la loi sur la responsabilité, à savoir la préservation de la liberté individuelle d’action 83.
L'exemple du non-respect d'une clause de non-concurrence justifie le jugement du débiteur
contractuel contre le créancier contractuel. En ce qui concerne les tiers du contrat, la cession du
débiteur (en violation de la clause de non-concurrence) n'est que l'expression légitime de sa
liberté d'entreprise. Toutefois, cette dernière est beaucoup moins nette lorsque nous dédions la
thèse de l’assimilation des erreurs qui permet aux tiers, d’invoquer la violation de la clause de
non-concurrence pour obtenir réparation du préjudice subi qui en résulte, sans avoir à signaler
autrement la preuve d’une faute délictuelle spécifique.

Paragraphe II : L’actuelle protection de la responsabilité des parties envers les tiers


Pour protéger les tiers, il est opportun de justifier les conditions de validité de la
responsabilité, afin d’écarter tout risque éventuel.

A- L’existence du préjudice et la légitimité de l’intérêt injustifié


Les dommages causés par une atteinte portée aux intérêts patrimoniaux ou
extrapatrimoniaux de la victime84, sont une condition indispensable de la responsabilité civile.
Leur réparation est subordonnée à une condition matérielle essentielle, à savoir la certitude du
dommage, qui doit être accompagnée d'un ordre moral résultant de la légalité de l'intérêt du
dommage. On ne voit pas pourquoi, même après la reconnaissance de la créance équivalente,
ces deux conditions de responsabilité ne s'appliquent pas à la responsabilité des parties à l'égard
des tiers.

82
C. LACROIX, « Les Petites Affiches », 2007, n°16, p.16.
83
R. WINTGEN, « Revue des Contrats », 2007, p. 609, n°9 : « il n’est pas concevable de supprimer, par une
obligation de réparation généralisée, toute liberté d’action susceptible de nuire à autrui ».
84
P. JOURDAIN, « Les principes de la responsabilité civile », Dalloz, 6ème éd., p. 119.
24
La condition de causalité devrait être un premier filtre permettant au juge d’accepter les
demandes des tiers se prétendant victimes, même si le préjudice subi n’est qu’hypothétique.
Dans le cas de demandes en dommages-intérêts par des tiers, le juge doit d’abord déterminer la
réalité du dommage afin d’écarter tout dommage. En tant que tel, le juge doit faire
particulièrement attention à ne pas causer à la partie lésée un préjudice qui serait en réalité celui
du créancier contractuel. Cette précaution devient particulièrement évidente lorsque, par
exemple, un auteur85, demande à la Cour de cassation, de statuer sur une demande en réparation
du locataire contre un producteur pour gestion inappropriée du bien locatif. Dans cet arrêt, la
Cour de cassation critiqua la cour d'appel qui avait alloué au locataire un montant égal à la taxe
de confiscation et assuré qu'il pouvait réclamer le montant de la réparation du bâtiment pour
une infraction, mais uniquement pour une infraction. Il découle de ce jugement que seul le
créancier contractuel est habilité à exiger le montant nécessaire à la reconstruction et le tiers à
accepter la perte de capacité pendant la durée du bail.

En ce qui concerne la légalité de l'intérêt subi, celle-ci demeure également une du succès
de la réclamation par un tiers, même si c’est maintenant un obstacle limité à l’indemnisation.
Par exemple, certaines victimes qui sont illicites ou ont commis une infraction peuvent se voir
refuser une indemnisation, en particulier si elles ont bénéficié du fait illicite. À titre
d’illustration, prenons l’exemple de l’auteur qui s’appuie sur les faits en cause dans l’arrêt du 6
octobre 2006. En l’espèce, si la situation du locataire-gérant avait été irrégulière, "en présence,
par exemple, d’une violation du contrat de location subordonnant la conclusion de la gestion
du bail au contrat du bailleur ", l’absence de violation d’un intérêt légitime aurait pu
éventuellement être opposée par le bailleur à faire droit à la demande d’indemnisation.

B- Le lien de causalité, nouvelle clé de la responsabilité des parties envers les tiers
Le lien de causalité en l'espèce, qui constitue à notre avis la pierre angulaire de la
responsabilité des contractants à l'égard des tiers, est celui qui existe entre la violation
contractuelle du débiteur et la violation par le tiers86. Dans son opinion sur l'affaire présentée à
l'assemblée plénière du 6 octobre 2006, l'avocat général GARIAZZO a souligné que la question
de l'infraction et des actes répréhensibles ne devait pas être clarifiée: il faisait valoir que le lien
de causalité était "le seul problème réel" de l'action prise par le tiers pour qu'il soit alors

85
S. CARVAL, « Revue des Contrats », 2007, p. 279, n°3.
86
La définition de ce lien est précisée par A. GARIAZZO, Bulletin d’information de la Cour de cassation, n°
651, p.60 : « c’est très exactement démontrer que cette faute contractuelle revêt, à son égard, un caractère
délictuel et est la cause de son préjudice, ou encore, est en lien de cause à effet avec ce préjudice ».
25
nécessaire de proposer la formulation d'un principe attendu, tenant mieux compte du lien de
causalité, "Un tiers à contracter peut, sur la base d'un passif, prouver qu'il est constitutif, de sa
part, d’une faute attribuée au préjudice qu’il a subi".

Il convient donc de noter que le principe attendu de l'arrêt du 6 octobre 2006 reflète déjà
parfaitement le sens du terme: la Cour avertit le tiers peut invoquer la violation contractuelle,
"tant que ce manquement lui a causé un préjudice". L’utilisation de la phrase conjonctive "tant
que" accentue l’importance du lien de causalité entre la violation et le préjudice subi par la
tierce victime, étant entendu que dans la présente affaire, la Cour constate que le lien de
causalité a été suffisamment caractérisé par les juges du fond87.

En ce qui concerne la causalité, elle est particulièrement soulignée dans l’arrêt de la


première chambre civile rendu le 27 mars 2007, que nous avons également eu l’occasion de
citer. Dans ce cas, un navire a coulé à cause de son état de délabrement. L’assureur de la
cargaison dudit navire doit, en tant que tierce victime, engager une action en réparation contre
le Bureau Veritas, qui a délivré des certificats de navigabilité à l’armateur. L'attente du
jugement de la première chambre civile indique que "la faute de Bureau Veritas était la cause
directe du préjudice subi". Cette déclaration met parfaitement en évidence l’aspect fondamental
de la relation de cause à effet entre violation et préjudice. Cette notion pourrait notamment être
considérée comme rejetant un certain nombre de demandes formulées par des tiers qui auraient
pu être rejetées dans le passé pour toute autre raison: l'absence de preuve d'une faute délictuelle
détachable du contrat. En effaçant la spécificité des événements générateurs, la Cour n'aurait
fait que déplacer le centre du débat de la nature de la faute à l'analyse de la causalité.

Un auteur va plus loin et propose distinction entre les préjudices directs et les préjudices
subis par les médias en matière de causalité, qui a été mise en évidence dans l’arrêt du 6 octobre
200688. Selon lui, la solution proposée par l'assemblée plénière ne respectera les deux principes
d’opposabilité et de relativité que si elle rejette la responsabilité de la troisième victime du
dommage causé par la médiation, entendue comme le préjudice subi par le tiers. L'exécution de
l'obligation pour laquelle elle a été omise était la condition préalable à la bonne exécution de

87
Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n°05-13.255, P+B+R+I, Bull. civ. Ass. plén. n°9: « ayant relevé, par motifs
propres et adoptés, que les accès à l’immeuble loué n’étaient pas entretenus, que le portail d’entrée était
condamné, que le monte-charge ne fonctionnait pas et qu’il en résultait une impossibilité d’utiliser normalement
les locaux loués, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé le dommage causé par les manquements des bailleurs au
locataire-gérant du fonds de commerce exploité dans les locaux loués, a légalement justifié sa décision ».
88
G. WICKER, « Revue des Contrats », 2007, p. 593, n°23.
26
l'obligation du débiteur envers ce tiers. Ce dernier devrait alors être ouvert à une action en
responsabilité contractuelle.

C- Carence de distinction quant à la nature ou à l’étendu de l’obligation violée


En responsabilité des contractants vis-à-vis des tiers, des solutions jurisprudentielles ont
été adoptées pour promouvoir une distinction entre l’inexécution des obligations « strictement
contractuelles » et le manquement à un devoir général de comportement contenu dans le contrat.
Certaines obligations font référence au contrat bien qu’elles reflètent une règle générale de
comportement obligatoire erga omnes89. Cela concerne notamment l'obligation de sécurité, de
conseil, d'alerte et d'information. Ce phénomène est mieux connu sous le nom de "forçage" du
contrat par le juge. Bien que le créancier contractuel ne puisse pas invoquer la violation d’une
obligation contractuelle particulière, les tiers ont le droit d’invoquer une infraction qui est
simplement une obligation générale qui s’applique à tous.

Selon certains auteurs, le non-respect allégué par des tiers en l'espèce n'avait pas un
caractère contractuel particulièrement fort. Cependant, force est de constater que la mise en
œuvre de cette distinction est difficile. Certains traités établissent une règle de conduite générale
afin que celle-ci en devienne le sujet principal. C'est le cas, par exemple, d'un contrat avec un
garde du corps90. Par conséquent, cette obligation est indicative du contrat. De plus, certaines
exigences comportementales générales peuvent être différentes lorsqu'elles sont appliquées à
un entrepreneur particulier. C’est la même idée qu’a développé M. ANCEL91.

En raison des multiplicités de tâches générales, il semble très difficile et de moins en moins
courant d’identifier des obligations contractuelles qui ne sont pas en même temps une de ces
tâches qui engagent tout le monde et donc des tiers. Il existe également un autre type de
distinction liée à la portée de l’obligation violée par le contractant à l’égard des tiers de justifier
l’existence d’un événement mettant en cause la responsabilité de tiers. Celui-ci est
probablement plus rationnel que le précédent.

Premièrement, il existe des obligations qui sont dans l’intérêt exclusif du créancier et pour
lesquelles l’unique manquement ne peut être tenu pour responsable envers des tiers. D'autre

89
A l’égard de tous.
90
Exemple envisagé par P. ANCEL, « Faut-il " faire avec ? », « Revue des Contrats », n°17, 2007, p.538.
91
P. ANCEL, note précitée : « C’est une chose de dire qu’on est tenu, d’une manière générale, de se comporter
prudemment pour ne pas porter atteinte à la vie ou à l’intégrité corporelle d’autrui. C’en est une autre de dire
que, dans un rapport contractuel déterminé, on assume (…) l’obligation de rendre saine et sauve telle personne
(…) ».
27
part, nous avons l'obligation de "dépasser le cadre contractuel et donc d'intéresser tous les tiers
qui ont subi leur transgression92 ».

Autrement, la réclamation du tiers contre le tiers serait probablement étayée par des
paiements en retard. Par exemple, l’obligation d’interdire la concurrence serait l’une de ces
obligations. Selon la jurisprudence, le non-respect d'une obligation de non-concurrence peut
être préjudiciable au tiers93. La Cour de cassation a donc accueilli l'action en faveur de la
troisième victime de l'infraction.

D- L’efficacité du rapport de causalité


La tierce partie, même si elle démontre l’existence d’une faute, il est nécessaire que cela
prouve qu’elle est en relation de cause à effet avec son préjudice. Le débat sur la question de
savoir si les cocontractants étaient responsables envers des tiers portait trop sur le contrat et la
faute; il semble que le lien de causalité ait été trop facilement rejeté comme une évidence. Si la
question juridique était de savoir si la violation contractuelle était autonome ou si le tiers devait
prouver l’existence d’une violation du contrat extracontractuel, il semblerait que la vraie
question devrait être formulée. Autre; il est donc nécessaire de savoir si cette violation
contractuelle est effectivement liée au préjudice allégué.

Si l'illicéité de la violation est absente, le lien de causalité entre la faute et le dommage sera
également. L'assimilation ne devrait pas être automatique mais plutôt possible; dans sa solution,
la jurisprudence aurait dû utiliser d'autres termes, tels que "tout fait fautif" au lieu de "toute
faute". Le courant doctrinal favorable à l'assimilation des deux fautes a une remarque très
intéressante; selon eux, le seul problème réel semble être celui de la causalité; il est dans tous
les cas de faire en sorte que le dommage pour lequel la réparation est demandée soit la
conséquence de la violation du débiteur contractuel. Il faut donc vérifier que le préjudice subi
par le tiers est la conséquence de la non-exécution invoquée.

La jurisprudence a accru le contrôle de ce lien de causalité94. La qualification juridique des


faits est toujours notée et appréciée par les juges du fond. Ce contrôle porte sur l’existence
même du lien de causalité identifié par les juges du fond95. Les juges du fond n'hésitent pas à

92
M. ASSIE, conseiller rapporteur, Bulletin d’information de la Cour de cassation, n°651, 01 déc. 2006.
93
Com 24 mars 1998 n° 9615.694, Bull. civ. IV, n° 111, obs. P. Jourdain. (Voire note 30)
94
F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, « Droit civil -Les obligations », 8e éd., Dalloz, n° 859
95
En ce sens, Ph. Le Tourneau, « Droit de la responsabilité et des contrats », Dalloz Action 2004/2005, spéc. n°
1709, et les arrêts cités ; P. Jourdain, Droit à réparation, Lien de causalité- Détermination des causes du
28
rappeler que le lien de causalité doit être direct, ils contrôlent donc la certitude du lien de
causalité. Cela implique que la perte indemnisable doit être la conséquence directe de
l'événement dommageable. Ainsi, les dommages en cascade doivent être exclus. Cependant,
ces dommages sont parfois admis grâce à la théorie dite de l'équivalence des conditions.

L’assemblée plénière de la Cour de cassation aurait pu opter pour une solution tenant
davantage compte de ce lien de causalité. Il aurait été préférable de prendre en compte le fait
que "le tiers à un contrat peut prétendre de sa propre responsabilité pour faits délictuels s’il
prouve qu’il constitue une faute de son préjudice personnel". Après rapprochement des erreurs
du 6 octobre 2006, il appartenait à la société Boot Shop, un tiers issu du bail conclu entre le
locateur et le locataire, qui prouve dans le contexte de l'infraction que les manquements au
contrat qui lui est imputable, sont dus au propriétaire s. Il appartient donc aux juridictions
inférieures de déterminer le lien de causalité sous le contrôle de la Cour de cassation.

Chapitre II : La prééminence de la responsabilité civile délictuelle du cocontractant vis-


à-vis des tiers victimes

Dans toutes ces solutions vues précédemment, la nature de la responsabilité du


cocontractant envers le tiers pour manquement à l’obligation contractuelle n’est autre que
délictuelle (Section I). Nous verrons en quoi dans cette mise en œuvre de la responsabilité du
cocontractant envers le tiers pour défaillance contractuelle, les juges optent pour le régime de
la responsabilité délictuelle (Section II).

Section I : La domination de la responsabilité civile et délictuelle du cocontractant vis-à-


vis des tiers
Il serait fort opportun de voir que le droit positif est de plus en plus favorable à une action
en responsabilité délictuelle du tiers, rejetant ainsi toute responsabilité contractuelle du
contractant défaillant ; cette volonté en est devenue un principe en matière de responsabilité
vis-à-vis des tiers (Paragraphe II). Quant à l’action en responsabilité contractuelle du tiers
victime, elle demeure une exception, où le juge aura tendance à intégrer le tiers dans la sphère
contractuelle (Paragraphe I).

dommage, LexisNexis, fasc. 160, spéc. n° 10, et les arrêts cités ; J. et L. Boré, La cassation en matière civile,
Dalloz action 2003/2004, spéc. n° 67-156 ; Lamy - Droit de la responsabilité, étude n° 270, spéc. n° 270-31.
29
Paragraphe I : L’action exceptionnelle en responsabilité contractuelle au profit des tiers
L’argument le plus logique réside dans le fait que le tiers n’est pas partie au contrat, dès
lors son action en responsabilité, doit être de nature délictuelle.

A- L’action du tiers liée à une partie au contrat


Entre les parties et les tiers, il faut faire place aux ayants cause à titre universels ou
particulier, les créanciers chirographaires, les bénéficiaires d'une stipulation pour autrui. A
l’exemple des tiers qui ont un lien direct avec le contractant et qui peuvent engager la
responsabilité contractuelle du contractant auteur de l’inexécution du contrat, c’est le cas du
sous-mandataire ou du bénéficiaire d’une stipulation pour autrui et du créancier chirographaire.

En ce qui concerne le mandataire spécial, la Cour de cassation a admis dans son arrêt de
sa première chambre civile du 27 décembre 1960 qu’elle pouvait obliger le commettant à
obtenir le remboursement de ses avances et de ses frais et le versement de l'indemnité qui lui
était due, tout en censurant la décision des juges du procès selon laquelle l'action du mandataire
spécial ne pouvait être exercée qu'en cas de défaillance du mandataire96. Cette solution
s’appuyait sur une partie de la doctrine97 en ce sens qu’elle évitait que le mandataire spécial soit
assisté des autres créanciers du commettant, ainsi que de plusieurs actes susceptibles de
compliquer les relations entre les parties. La vraie question qui s’est posée à la suite de cet arrêt
était celle du fondement de sa décision. Pour répondre à cette question, les commentateurs de
cette décision, qui cherche à concilier cette décision avec la vision traditionnelle de l'effet relatif
d'accords impliquant des tiers n'ayant pas échangé leur consentement, ont développé leurs
arguments dans deux directions différentes. En fin de compte, une tendance doctrinale
importante suggère l'existence de groupes de contrats étroitement liés comme base de la
décision, car le sous-mandat sert nécessairement à remplir les obligations du contrat, ce qui en
fait un groupe de contrats. Cette analyse, bien qu'acceptée par la Cour de cassation, est
maintenant condamnée par la décision BESSE de 1991, qui n'admet pas la responsabilité
contractuelle dans les groupes de contrats autres que les chaînes de transfert de propriété. En
conséquence, la décision de la cour de cassation apparaît selon TERRE, SIMLER et
LEQUETTE comme une correction d'équité du principe de l'effet relatif des accords.

96
1 ère. Civ, 27decembre 1960.
97
AUBRY, RAU et RODIERE.
30
En revanche, la rigueur de la cour de cassation (parfois réfutée par certains juges du fond)98
peut être justifiée et assouplie par la responsabilité éventuelle du sous-mandataire. Le mandant
peut engager une action en réduction ou annulation de sa dette en compensant les dommages
pour lesquels le sous-agent est responsable de sa faute99 .

En bref, les tiers ayant des relations avec une partie au contrat, tels que les sous-agents, les
bénéficiaires d'une clause explicite ou implicite pour les autres et les créanciers peuvent engager
la responsabilité contractuelle de l'auteur du contrat non-exécution dont ils sont victimes. Il en
va de même pour les tiers, parties contractantes extrêmes des accords de chaîne de traçabilité.

B- L’action du tiers dans les chaines des contrats translatifs de propriété


Les chaînes de contrats translatifs de propriété appartiennent à un grand nombre de
groupes de contrats. Pour cette raison, le régime qui leur est applicable a été étendu à tous les
autres groupes de contrats (cette extension a été interrompue par l'arrêt BESSE). C'est donc un
ensemble de contrats qui sont unis parce qu'ils sont tous identiques ou en font partie. Par
conséquent, ils peuvent être hétérogènes lorsque les contrats qui les constituent ont le même
objet mais sont de nature différente; achat de matériaux pour la construction (vente), la
construction (contrat commercial), cession à des clients (vente), crédit-bail accordé par le sous-
acheteur (crédit-bail); sont homogènes quand ils consistent en des contrats identiques: série de
ventes successives (vente du fabricant au grossiste, du grossiste au détaillant, du détaillant au
consommateur).

En conséquence, la jurisprudence a longtemps reconnu que le sous-acheteur pouvait être


placé dans le champ de la responsabilité délictuelle ou contractuelle100. Contrairement à la règle
des responsabilités qui ne se chevauchent pas, cette solution a été abandonnée par les arrêts des
9 octobre 1979 et 7 février 1986101 . L'arrêt du 9 octobre 1979 affirme en l'espèce que "l'action
directe dont l'acheteur peut faire l'objet contre le fabricant ou un vendeur intermédiaire, pour la
garantie des vices cachés affectant la chose vendue au moment de sa fabrication, est
nécessairement de nature contractuelle ". L'arrêt de 1986 cassant la résistance de la troisième
chambre civile102 posait la même solution dans le cas où la chaîne n'a pas un caractère
homogène.

98
Paris, 2 nov. 1995 cassé par Com. 24 mars 1998
99
Com. 25 juin 1991
100
Cass, civ, 25 janvier 1820
101
Civ 1ère, 9 octobre 1979 ; A.P. 7 février 1986
102
Civ 3ème 19 juin 1984
31
La reconnaissance de la responsabilité contractuelle entre les contreparties extrêmes dans
les chaînes de biens transférables vise à protéger les intérêts du débiteur défaillant dans la
mesure où elle respecte la prévisibilité contractuelle souhaitée par les contractants. En fait, la
jurisprudence suppose que le débiteur défaillant a prévu tous les risques possibles d'un contrat
en accordant un droit contractuel au contractant ultime dans une chaîne de contrats immobiliers,
par exemple le dommage causé par son inexécution par des tiers. Pour cette raison, les clauses
restrictives contenues dans le contrat initial lient également la troisième victime qui est
responsable dans ces contrats. Cette position a été largement soutenue par la doctrine et la
jurisprudence103.

C- L’action du tiers absolu


Les tiers absolus n'ont pas accepté le contrat, ce qui peut néanmoins leur causer préjudice
en cas de non-exécution. C'est notamment le cas d'une personne qui passe à proximité d'un site
endommagé par la chute d'un mur ou de cailloux. Dans ce cas, ils bénéficient d'une action
personnelle de nature délictuelle contre l'auteur du dommage. Cette nature sera justifiée par le
fait que le débiteur d’une obligation a failli à une obligation générale de prudence ou de
diligence. Mais, il convient également de noter qu’outre la victime principale, d’autres tiers
peuvent subir un préjudice ne résultant pas d’une blessure infligée à la personne; mais plutôt
par une autre personne.

Dans ce cas, il s’agit d’une réparation « du préjudice par ricochet ». Si la victime décède,
ce sont ses héritiers qui revendiquent le droit de réparation. Mais la situation se complique
suivant que les héritiers vont se contenter d’exercer l’action de la victime directe issue de son
patrimoine qui leur échoit, ou au contraire, ils vont réclamer la réparation du préjudice que leur
cause personnellement le décès survenu à cause de l’inexécution d’un contrat auquel la victime
principale était pourtant tiers absolu. Dans le premier cas, les héritiers doivent poursuivre en
justice la personne de leur auteur et, en plus du préjudice matériel subi par leur auteur, peuvent
réclamer des dommages-intérêts pour tort moral, en particulier son « pretium doloris »104.

Les proches de la victime sont également passibles de sanctions pénales. Ce sont les frères
qui doivent prouver le préjudice subi. Sauf pour l'affection, il existe une présomption de faute.
En outre, la preuve de la perte de subventions doit être établie. Ce sont également d’autres
membres légitimes, naturels ou adoptifs de la famille (ascendants, descendants, frères, sœurs,

103
Civ. 1ère, 28 oct. 1991; Civ. 3ème, 30 oct. 1991; Com. 10 déc. 1991.
104
Crim., 22 nov. 1961, D. 62, Somm., 69.
32
neveux, nièces et alliés) qui doivent également prouver le préjudice subi. Les membres de la
famille étrangers (fiancés, parents adoptifs, enfants placés, etc.) sont indemnisés s’ils prouvent
le préjudice subi. Pour les concubines, la Cour de cassation leur accorde le droit à réparation si
le concubinage est un adultère105.

Cela dit, le droit positif a créé deux exceptions dans lesquelles le régime contractuel
s’applique. C'est le cas des réclamations en responsabilité déposées par les victimes par
ricochet, et deuxièmement de celles présentées entre les membres d'une chaîne de contrats.
Seulement, il est intéressant de noter que ces deux exceptions font l’objet d’un net recul en droit
positif, d’où prévaut le régime de la responsabilité délictuelle.

D- Action des contractants extrêmes dans les groupes de contrats non translatifs de
propriété
Les groupes de contrats sont un ensemble de contrats liés car ils concernent le même objet
ou contribuent au même objectif. Le problème de cette figure juridique est celui de la nature
des liens qui se forment entre les contractants extrêmes. Ce sont des personnes qui appartiennent
au même groupe contractuel, mais qui n’ont pas échangé leur consentement directement. Il y a
deux nuances ici ; les chaînes translatives de propriété, et les groupes de contrats dans lesquels
n’intervient aucun transfert de propriété. L’exemple dans ce dernier est le contrat de sous-
traitance lorsque le contractant et le sous-traitant ne fournissent que leur travail. Ici, l’idée que
les droits se transmettent avec la chose ne peut recevoir application.

Pour la première chambre, "dans un groupe de contrats, la responsabilité contractuelle régit


nécessairement la demande d'indemnisation de tous ceux qui ont subi le dommage du seul fait
qu'ils étaient liés au contrat initial". Pour cette Chambre, l'article 1165 du Code civil n'empêche
pas le développement de relations contractuelles au sein d'un même groupe contractuel, entre
personnes n'ayant pas échangé leur consentement. Il est clair que la victime d’un dommage
résultant de la non-exécution d’un contrat auquel elle ne fait pas partie doit agir dans le domaine
contractuel lorsque le débiteur de l’obligation non exécutée est un membre de la même partie
groupe contractuel. Elle a confirmé ici sa position du 8 mars 1988 selon laquelle l'action du
pouvoir adjudicateur contre le sous-traitant avait un caractère contractuel.

Une partie de la doctrine appuyait déjà cette solution. En fait, selon M. DURRY, "s'il est
postulé que la responsabilité contractuelle est justiciable sous un régime spécifique parce que

105
Chambre. mixte, 27 fév. 1970 ; Cass. Crim. 10 juin 1975 pour un concubinage adultérin
33
le débiteur devait prévoir ce à quoi il s'engageait et quelles règles étaient applicables en cas de
défaillance, il ne fallait pas tolérer que la qualification de tiers au contrat permette de déjouer
ces prévisions, du moins lorsque cette qualification est, dans une large mesure, artificielle»106 .
La première chambre civile suivra donc cette doctrine en appliquant la formule selon laquelle
cet auteur insistait sur « la nécessité de soumettre à un seul et même régime, celui de la
responsabilité contractuelle, tous ceux qui ont subi un préjudice uniquement parce qu'ils avaient
un lien avec le contrat initial »107 . La notion de groupe de contrats permettra donc d’élargir le
cercle des personnes pouvant exercer une action contractuelle.

Paragraphe II : Une solution contestable nécessitant réaménagement


Nous verrons tout d’abord en quoi la solution demeure excessive et dangereuse malgré la
constance de la jurisprudence en la matière pour ensuite tenter de trouver une meilleur solution,
plus juste et équitable, afin de combler les lacunes du droit positif, avec l’intervention du droit
prospectif.

A- Une différence de traitement bouleversant l’équilibre du contrat


La décision de l'Assemblée plénière, tout en protégeant les tiers victimes de l'inexécution
contractuelle, a également franchi une étape supplémentaire dans sa solution, la formation
solennelle à créer un réel déséquilibre entre le tiers et les parties aux contrats. En optant pour la
responsabilité délictuelle, le juge permet ainsi à la troisième victime de bénéficier des avantages
d'un tel régime sans être soumis au contrat provisoire liant la partie défaillante et son créancier;
l'équilibre général du contrat semble donc ruiné. De plus, cette décision d'assimiler inconduite
contractuelle et délictuelle traduit une indifférence voire un questionnement du juge quant à la
distinction entre les deux niveaux de responsabilité.

B- L’assouplissement au principe de séparation de deux ordres de responsabilité


Les défendeurs de la théorie de l’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles, tel
GRANDMOULIN, militent pour l’unité de la théorie de la responsabilité et à l’absence
d’existence de la responsabilité contractuelle. M. HUET quant à lui, a insisté sur la dualité des
fonctions assignées aux dommages et intérêts contractuels108.

106
RTD Civ. 1980, 355
107
RTD Civ 1980, 355
108
J. HUET, thèse 1978, « Responsabilité contractuelle et délictuelle » : essai de délimitation entre les deux
ordres de responsabilité
34
Le juge a parfois tendance à confondre les deux ordres de responsabilité lorsqu'il assimile
une faute contractuelle à une faute délictuelle. Cette assimilation est justifiée lorsque
l'obligation violée est une obligation contractuelle générale. Cependant, ce sera différent s'il
s'agit d'une obligation purement contractuelle ».

Comme nous l’avons déjà vu, cette identité d’erreurs contractuelles et délictuelles mine
l’effet relatif des contrats; cela constitue un tempérament à ce principe de distinction des deux
niveaux de responsabilité. Ainsi, la jurisprudence dans sa solution semble avoir nié la
particularité de la responsabilité contractuelle. L'évolution du droit positif tend vers une unité
de régime, où le contrat est considéré comme l'exception et le délictuel comme principe.

Le droit positif se doit d’être corrigé vu ses imperfections ; c'est pourquoi une loi sur la
responsabilité a été proposée pour réorganiser le droit de la responsabilité.

C- Vers l’avant-projet « Catala ».


La recherche de solutions pour concilier le principe de l'effet relatif des accords avec les
droits des victimes de tiers en cas de non-exécution d'un contrat sans indemnité a sans aucun
doute amené le groupe de travail dirigé par le professeur « CATALA » à élaborer le projet de
loi et la loi sur la prescription. Ce projet prévoit l'ajout de l'article 1165-2 du code civil, selon
lequel "les contrats sont contraignants pour les tiers, ils doivent les respecter et peuvent les
utiliser sans avoir le droit d'exiger leur exécution".

Ce projet résoudrait ainsi le problème de la base des droits des victimes de non-respect par
des tiers. En principe, le tiers pourrait recevoir une indemnité pour le préjudice subi sur une
base contractuelle s’il apporte la preuve d’un événement menant à une telle responsabilité, à
condition toutefois que le régime de la responsabilité contractuelle s’applique à ses actes.
Malgré les nombreuses discussions qu’il a déclenchées, ce texte est le résultat d’un compromis
qui résulte de considérations pratiques qui doivent prévaloir. En fait, si vous souhaitez imposer
le respect du contrat, vous devez admettre que tout acte fondé uniquement sur une rupture de
contrat est régi par les termes du contrat, quelle que soit la qualité des parties.

L'avantage d'une telle option permet ainsi de concilier les préoccupations de protection des
tiers victimes et la sécurité juridique des parties, sans altérer l'équilibre global du contrat par les
prévisions contractuelles du débiteur109. Avec un tel mécanisme, le juge ne doit pas privilégier

109
J.-B. SEUBE, « Revue des Contrats », 2007, p. 379.
35
la sécurité de l’un au détriment de l’autre; Chaque partie est protégée, à savoir le tiers, le
débiteur et le créancier contractuel. Cependant, malgré les avantages de l’article 1342 de cet
avant-projet de réforme, les conséquences théoriques semblent imparfaites.

D- Les imperfections théoriques d’un tel projet


Il est vrai que le principe de l’effet relatif du contrat interdit aux parties d’engager des tiers;
seulement il ne commande pas le choix du régime à appliquer. Par conséquent, cette option
pour ces deux régimes n’enfreint en aucune manière l’article 1165 du Code civil.

Cela-dit, certains auteurs ont qualifié ce projet de « monstruosité juridique »110. C’est l’idée
partagée par M. ANCEL; il justifie ce qualificatif par l'abolition des frontières entre le
contractuel et le criminel. En effet, le juge a autorisé la tierce partie à s'immiscer dans la sphère
contractuelle, ruinant logiquement la relativité des conventions.

Au contraire, d'autres personnes semblent adhérer à ce projet, en ce sens que l'option de la


voie contractuelle au profit du tiers n'est qu'une demande en dommages et intérêts et non un
droit à l'exécution du contrat. La situation est différente si le recours ne fait que refléter la notion
de préjudice attribué au tiers, qui équivaut à l'exécution du contrat par un équivalent; dans ce
cas, l'article 1342 de l'avant-projet est absolument critique. L'innovation proposée dans l'avant-
projet est loin d'être parfaite, mais ses lacunes semblent moins graves que celles affectant la
solution adoptée en droit positif.

Section II : L’hégémonie de la responsabilité délictuelle à l’œuvre dans le cadre du


régime de responsabilité des contractants vis-à-vis des tiers
Cette partie est consacrée à l’étude du régime de responsabilité mis en œuvre dans le cadre
de l’action en réparation intentée par un tiers à l’encontre d’un contractant. Elle sera pour nous
l’occasion d’examiner les conséquences néfastes résultant de la préférence accordée par la Cour
au régime délictuel (Paragraphe I), puis de prendre conscience de la mesure dont fait preuve
le droit français à l’encontre de la pénétration du tiers dans le contrat (Paragraphe II).

110
P. ANCEL, « Faut-il faire avec », Revue des Contrats, 2007, p.538, n°21 : l’auteur utilise cette expression
pour illustrer les propos tenus par les détracteurs de la solution proposées dans l’avant-projet, propos qu’il est
bien loin de partager.
36
Paragraphe I : Les incohérences liées à l’extension de la responsabilité délictuelle au
bénéfice des tiers
Il convient d’examiner, dans un premier temps, le bouleversement affectant tout à la fois
le contrat et la condition des parties, pour mieux comprendre ensuite que celui-ci résulte
directement de l’inopportunité d’une solution combinant la mise en œuvre du régime
extracontractuel (dont nous pourrons constater qu’il s’est constitué un empire) et du principe
de l’assimilation des fautes.

A- L’altération du contrat et le contournement des prévisions du débiteur


En soumettant les actions des victimes aux règles de la responsabilité civile, elles peuvent
modifier substantiellement le contrat en les privant d'une partie de leur contenu. Les conditions
contractuelles actuelles à court terme paralysent l'application de clauses générales de
détermination de la dette ou même la demande de rappel. Si par exemple sur un contrat de sous-
traitance stipulant des pénalités de retard maximal, le maître de l’ouvrage qui agit, en tant que
tiers audit contrat, sur le terrain délictuel, peut être indemnisé pour le préjudice résultant pour
lui du retard.

Toutes ces conséquences ruinent l’équilibre général du contrat en bouleversant les


prévisions contractuelles stipulées par les parties. Il semblerait que cette perturbation générale
du contrat et de la position du débiteur contractuel résultent, comme l’a souligné un auteur, d’un
choix politique111 qui implique que le débiteur du régime de responsabilité qu’il avait prévu.

Bien que l'application du droit de la responsabilité donne au débiteur une marge de


manœuvre qu'il n'a jamais eue, il convient de noter que la décision de l'assemblée n'ignore pas
ses prédictions: si le tiers échappe aux restrictions du contrat, il ne peut s'en empêcher. Les
clauses dites non contraignantes aux termes desquelles le débiteur exclut certaines de ses
obligations de déterminer l'étendue du contrat en amont. Par exemple112, nous pouvons
examiner le cas d’un débiteur s’engageant uniquement à s’engager; dans ce cas, la clause
limitant le débiteur à l'étendue de son obligation, en l'absence de résultats, reste un défilé utile
pour les actions du tiers. La preuve de rupture de contrat, qui à l'avenir ne créera que le droit à

111
J.-P. TOSI, « Le manquement contractuel dérelativisé », in Rupture, mouvements et continuité du droit,
Autour de Michelle Gobert, Économica, 2004, p. 479, n°13, qui met en évidence ce « choix de politique
judiciaire », de concert avec Ph. CONTE
112
Pour un autre exemple, cf. P. ANCEL, « Faut-il « faire avec » ? », Revue des Contrats, 2007, p.538, n°28 :
celuici donne l’exemple d’un exploitant de parking s’exonérant de l’obligation de surveillance des véhicules ;
dans ce cas, le tiers qui a laissé objet lui appartenant dans une voiture garée ne pourra pas obtenir réparation du
vol de cet objet, sauf à prouver l’existence d’une faute délictuelle spécifique de la part de l’exploitant du parking.
37
des dommages et intérêts tiers (au-delà de la preuve d'un dommage réel, de la légalité de l'intérêt
lésé et du lien de causalité), est moins facile à rembourser.

Toutefois, le délit n’est pas limité à cette gravité du débiteur et à ses prévisions
contractuelles, mais est également considéré comme discriminatoire pour d’autres personnes,
en particulier pour le créancier contractuel.

B- Un traitement différend aux créanciers et à certains tiers


Comme mentionné ci-dessus, le tiers peut non seulement contourner certaines clauses
contractuelles, par exemple en exerçant son droit à la responsabilité. Par exemple, ceux qui
paient des dommages ou limitent leur responsabilité, mais sont également soumis aux règles de
la criminalité. La compétence et le délai de prescription diffèrent de ceux auxquels le
contractant aurait été soumis en cas d'infraction. Tout cela lui confère une position plus
favorable et des droits beaucoup plus importants sur le débiteur impayé que sur le créancier
contractuel lui-même.

Il convient d'ajouter de la même manière que les tiers ont également la possibilité d'intenter
une action contre le débiteur contractuel sur la base de la responsabilité des faits, à condition,
bien entendu, que toutes les conditions soient remplies. Cependant, comme l'a souligné un
auteur113, le créancier contractuel se voit refuser l'utilisation de cette source de responsabilité
par l'interaction du principe d'interdiction. Il y a donc une nouvelle manifestation d'inégalité
injustifiée mise en œuvre en faveur des tiers.

Les clauses pénales, en particulier, non seulement dispensent le créancier de prouver sa


perte, mais peuvent également lui fournir une indemnité largement supérieure au montant du
dommage, bien qu'elles puissent encore faire l'objet d'une réduction judiciaire. Nous pensons
également aux astreintes conventionnelles ou aux clauses juridictionnelles favorables au
créancier. L'exécution en nature du contrat doit en principe être réservée au créancier, à
l'exclusion du tiers.

Compte tenu de cette réserve, la possibilité d'un régime pénal peut créer un autre aspect
discriminatoire: c'est l'inégalité entre les différents tiers des victimes en cas de non-exécution
du contrat. Comme nous le savons maintenant, des tiers "normaux" bénéficient désormais de
l'indemnisation des irrégularités et peuvent réclamer volontairement des dommages et intérêts

113
P. ANCEL, revue précitée, n°11.
38
pour rupture de contrat. Cependant, il reste à voir que, à l'inverse, la troisième victime du non-
respect d'un contrat immobilier ne peut que faire valoir la violation du contrat et même s'opposer
à toutes les exceptions tirées de ce contrat.

C- Aperçu de la pratique du « cherry-picking »


Le « cherry-picking » s’affiche dans différentes limites. Sur le plan financier, il consiste à
sélectionner les seuls éléments qui semblent a priori intéressants dans une opération sur un
marché mondial. En droit international privé, il fait référence à une pratique abusive selon
laquelle les parties ne soumettent leur contrat qu'aux dispositions de la loi d'un État qui leur
sont favorables, en laissant de côté celles qui leur conviennent moins114.

Nous affirmons ici que l'application du droit positif de la responsabilité des parties à l'égard
des tiers donne lieu à une manifestation supplémentaire du « cherry-picking ». En fait, permettre
à un tiers d’invoquer une violation, tout en soumettant son action aux règles spécifiques des
questions extracontractuelles, revient à lui permettre de tirer avantage du contrat, tout en
excluant l’application de dispositions qui ne lui sont pas bénéfiques comme nous l'avons vu
plus haut, les clauses limitatives de responsabilité. C’est donc à un arbitrage « en demi-teinte
»115 que la plénière s'est prononcée dans son arrêt du 6 octobre 2006: le tiers est autorisé à
utiliser le contrat pour fonder son action sans être soumis aux règles applicables aux
contractants.

Le fait que le tiers puisse faire exécuter le contrat pour faire respecter ses obligations envers
le débiteur lorsque l'action est intentée sous le régime de la délinquance est la raison de la
situation de crise dans laquelle nous avons eu l'occasion de définir les caractéristiques.
Cependant, comme nous l'avons déjà dit, le tiers qui bénéficie de la règle de l'identité des erreurs
contractuelles et intentionnelles n'est plus « artificiellement considéré en dehors du contrat»116
et ce n'est plus le cas. On pourrait ajouter qu'il est artificiel d'utiliser la responsabilité du plan

114
La convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles confère en effet
aux parties une très grande liberté dans la désignation de la loi applicable à leur contrat. L’article 3-1 de ladite
convention leur permet notamment d’effectuer un choix partiel : les parties peuvent désigner plusieurs lois,
applicables chacune à une partie de leur contrat, ou une seule loi, en spécifiant que celle-ci ne régit qu’une partie
du contrat. Par ce mécanisme dit du « dépeçage » du contrat, les parties peuvent en quelque sorte choisir les
règles impératives qui s’appliqueront à leur contrat, la seule limite étant la cohérence du contrat. Il est ainsi
concevable que certaines clauses particulières du contrat (clause d’arbitrage ou clause de force majeure, par
exemple) soient soumises à une loi différente de celle qui s’applique à l’ensemble du contrat, d’où la possibilité
de parler de « cherry-picking ».
115
C. LACROIX, LPA, 2007, n°12, p.16.
116
C. LACROIX, Les Petites Affiches, 2007, n°12, p.16.
39
d'infraction. D'une certaine manière, le tiers reçoit « le beurre et l’argent du beurre » 117, qui est
la possibilité de combiner les avantages du contrat et l'infraction, ce qui est particulièrement
choquant et inopportun. La condition des contractants et le solde du contrat sont finalement
sacrifiés pour satisfaire pleinement la demande de réparation de la tierce partie.

Le tiers "ordinaire" bénéficiant de l'application du droit positif français peut tirer du contrat
ce qui lui est rentable tout en évitant ce qui pourrait lui nuire: qui pourrait rêver de mieux? La
voie choisie par le droit allemand est très loin de suivre ce schéma adopté en droit français; la
raison est simple: les conceptions du crime diffèrent considérablement dans les deux pays.

D- Le concept restrictif de la responsabilité en droit français et allemand


L'objectif ici est d'enrichir notre étude en mettant en perspective les techniques juridiques
applicables à la responsabilité des parties à l'égard des tiers en droit allemand, dont la spécificité
en droit français mérite d'être relevée.

En droit français, le principe de non-cumul des responsabilités permet de distinguer les


tiers soumis aux dispositions du contrat de ceux qui ne le sont pas, mais qui peuvent invoquer
l'infraction de contrat comme un délit pour obtenir l'équivalent du contrat un service. En
l'absence de principe de non-cumul en droit allemand, on tente de distinguer les deux types de
responsabilité par leurs fonctions respectives; La jurisprudence allemande a ainsi distingué les
intérêts d'usage et d'équivalence générés par le contrat, et l'intérêt de l'intégrité, protégés par la
responsabilité délictuelle. Une différence fondamentale entre les deux droits résulte du refus du
droit allemand de recourir à la responsabilité délictuelle pour faire profiter le tiers d'un acte
contractuel contraire au droit français qui donne à des tiers la possibilité d'utiliser le service
contractuel équivalent.

Inversement, en droit allemand, les contraintes résultant d'une conception restrictive de la


118
responsabilité délictuelle ont conduit à une extension artificielle du champ contractuel au
profit de certains tiers. Ces contraintes découlent directement de la législation applicable, qui
énumère de manière exhaustive les événements à l'origine de la responsabilité et le caractère
relativement restrictif du régime de responsabilité qui les régit. Les deux textes en question, qui
servent de base à la sanction, sont les articles § 823 et § 826 du BGB. Selon l’article § 823 I du

117
P. ANCEL, revue précitée, n°11.
118
R. WINTGEN, « Étude critique de la notion d’opposabilité, les effets du contrat à l’égard des tiers en droit
français et allemand », LGDJ 2004, n°301
40
BGB, « toute personne qui porte atteinte illégalement, délibérément ou inconsciemment à la
vie, à l'intégrité physique, à la santé, à la liberté, au droit de propriété ou à tout autre droit »119.

Outre le droit allemand, d’autres droits étrangers dans ce domaine ont leurs propres
techniques juridiques, qui aboutissent toutefois souvent à des résultats identiques, à savoir la
possibilité que le tiers soit victime d'une exécution médiocre d'un contrat de vente.
Indemnisation du préjudice subi. , Cependant, la perspective d'une harmonisation des
différentes dispositions légales ne semble pas être à jour. Le silence de la Commission Lando
sur la normalisation du droit européen des contrats dans le cadre de l'élaboration des "Principes
du droit européen des contrats", qui ne concerne pas directement la question du contradictoire,
telle que le contrat avec des tiers, ou par des tiers.

Pour le moment, chaque État reste maître de sa conception de l'opposabilité du contrat et


des conséquences à en tirer. Et même malgré les incohérences résultant de la mise en œuvre du
régime délictuel, le droit positif français semble opter pour une pénétration de plus en plus
mesurée du tiers dans le contrat.

Paragraphe II : la réticence afférente à l’intégration des tiers dans la sphère


contractuelle
Il convient cependant de noter que ces deux catégories d’exceptions font respectivement
l’objet d’un net recul en droit positif au profit d’une extension de la responsabilité délictuelle.
Dans un tel contexte, il est aisé d’imaginer la révolution que provoquerait l’octroi, tel
qu’envisagé par l’article 1342 de l’avant-projet de réforme du droit des obligations, d’une action
contractuelle au bénéfice de tous les tiers sans distinction.

A- Le décroit de la stipulation pour autrui tacite des victimes par ricochet


Puisque nous souhaitons d’ancrer les intérêts de la stipulation en droit positif français, nous
ne traiterons pas les conditions de la mise en œuvre d'un tel mécanisme.

La stipulation pour autrui donne lieu à un droit direct du bénéficiaire contre le promettant,
indépendamment de l’acceptation du bénéficiaire, et ceci dès que la détermination est faite. Le
tiers peut demander à une partie de remplir une obligation contractuelle en sa faveur. Il s’agit
de l’exception au principe de l’effet relatif120, ou le bénéficiaire est créancier du promettant sans

119
Traduction de F. FERRAND, « Droit privé allemand », Dalloz, 1997, n°367.
Selon les termes mêmes de l’article 1165 du code civil, elle constitue la seule exception au principe en vertu
120

duquel les conventions ne profitent point aux tiers.


41
avoir été partie au contrat. L’acceptation de ce dernier a toutefois un effet fondamental: elle
consolide son droit de revendication en le rendant irrévocable.

Le droit romain et le droit ancien interdisaient le recours à des tiers car il était contraire à
l’idée que l’obligation constituait un lien entre deux parties spécifiques. En parfaite harmonie
avec la règle de droit romain "alteri stipulari nemo potest"121, l'article 1119 du code civil pose
le principe de l'interdiction de ce mécanisme. Mais la solution a progressivement évolué et la
validité de la stipulation pour les autres a été exceptionnellement admise par l'article 1121 du
même code, dans deux cas: premièrement, dans le contexte du don sous-modal, alors que c'était
la condition de son don à un autre; et d'autre part, quand c'est la condition d'une stipulation que
l'on se fait soi-même, c'est-à-dire quand le contrat intéresse le stipulant.

Ces deux exceptions ont fait l’objet d’une interprétation dilatante de la jurisprudence, de
sorte qu’à la fin du XIXe siècle et au XXe siècle, la stipulation pour les autres revêt un grand
intérêt122, en particulier dans le contexte de la présente affaire est pour un assuré (le stipulant),
à stipuler d’un assureur, qui sera le promettant, qu’il remettra au décès de l’assuré une
contribution à sa veuve ou à ses enfants qui seront les bénéficiaires.

En effet, la jurisprudence a depuis longtemps découvert, dans chaque contrat de transport,


une obligation de sauvegarde du résultat consistant en un engagement de conduire le contractant
jusqu'à sa destination en toute sécurité123. C'est pour faire bénéficier les parents des voyageurs
décédés de cette présomption de faute du transporteur que les tribunaux ont accepté cette
stipulation pour les tiers impliqués. Cette jurisprudence a été étendue en 1995 aux victimes,
successivement d'une personne décédée des suites d'une transfusion sanguine, le contrat de
transfusion de produits sanguins contenant une obligation de sécurité de résultat.

Cependant, cette jurisprudence a fait l'objet de nombreux griefs en doctrine. Tout d'abord,
il a été critiqué pour son caractère fictif, car il est loin d'être conforme à la volonté des parties:
ce sont beaucoup plus de principes en dehors du contrat (risque, équité, etc.) qui sous-tendent
les droits reconnus aux victimes d'accident. On a ensuite regretté l'arbitraire qu'il engendre,

121
Nul ne peut stipuler pour autrui
122
La stipulation pour autrui a pris une ampleur telle que certains ont été amenés à affirmer qu’ « il ne reste rien
de la règle alteri stipulari nemo potest » : F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, « Droit civil, Les
obligations », Dalloz, 8ème édition, n°516.
123
Cette obligation de sécurité est plus exactement née d’un arrêt Cass. civ., 21 nov. 1911.
42
puisqu'il n'a été consacré que dans certaines situations contractuelles à l'exclusion de
nombreuses autres, sans que les motifs justifiant cette limitation apparaissent clairement.

La remise en cause de la stipulation pour autrui est une autre illustration de la diminution de la
responsabilité contractuelle et une nouvelle approche qui consacre le « tout délictuel ».

B- Le recul des actions directes dans les chaînes de contrats


L’analyse du droit positif de la deuxième catégorie d'exceptions à l’application du régime
délictuel, telle qu'approuvée par la Cour de cassation, semble également être en net recul. Les
groupes de contrats ont traditionnellement été définis comme la situation dans laquelle deux ou
plusieurs contrats sont interdépendants, de sorte que les événements qui affectent l’un affectent
l’autre124.

Les chaînes de contrats sont une forme particulière de groupe de contrats. Elles se
caractérisent par une succession de contrats conclus entre différentes personnes et poursuivant
le même but, contrairement aux ensembles de contrats, avec autre type de groupe de contrats
mais dans lesquels les contrats sont liés par une identité de cause. Au sein des chaînes de
contrats, il est possible de distinguer les chaînes homogènes, qui regroupent des contrats de
même nature (comme la vente en chaîne), des chaînes hétérogènes, qui comprennent des
contrats d'espèces différentes (ventes associées à un contrat commercial).

Il a toujours été admis qu'un membre d'un groupe qui subit un dommage à la suite d'une
violation contractuelle imputable au débiteur de son débiteur pourrait engager sa responsabilité.
Ce n’est pas l’existence d’une action directe125 qui pose problème, mais la nature de la
responsabilité d’un maillon extrême de la chaîne pour les autres participants. L'intérêt d'une
telle question est de faire profiter la victime du régime de la responsabilité contractuelle, et en
particulier de la garantie des vices cachés.

La doctrine a proposé plusieurs bases pour ces actions contractuelles directes. Selon une
première analyse, proposée à l'origine par AUBRY et RAU126, l'action directe serait un
accessoire de la chose, transmise intuitu rei, sur les transferts de propriété réalisés dans les
chaînes de contrats. Une autre justification, fondée cette fois sur la théorie des groupes de

124
C’est notamment la définition retenue par P. LE TOURNEAU, « Droit de la responsabilité et des contrats »,
Dalloz Action, 2004/2005, p. 254, n°944.
125
L’action directe étant entendue comme celle qui « permet à un créancier de poursuivre directement, en son
propre nom et pour son compte, un tiers, qui est (en principe) débiteur de son débiteur » : M.-L. IZORCHE, Rép.
Civ. Dalloz, V° Action directe, 1994, n°1.
126
P. ESMEIN, Cours de droit civil français, t. II, 7ème éd., § 176, n°69.
43
contrats, a été proposée: ce serait l’existence d’un groupe de contrats qui justifierait l’extension
de la responsabilité contractuelle à tous les participants. Selon la formule proposée par AUBRY
et RAU, l'action directe serait limitée aux chaînes de contrats immobiliers, alors que sur la base
de la théorie des groupes de contrats, elle s'appliquerait à toutes les chaînes de contrats
(homogènes ou hétérogènes translatif de propriété ou non) ainsi que des ensembles contractuels.

A cet égard est intervenu l’arrêt dit Haironville en date du 28 novembre 2001, dans lequel
la troisième Chambre civile a rejeté l'action directe du propriétaire contre le fournisseur du sous-
traitant127. Il résulte de cet arrêt que le maître de l’ouvrage ne peut pas se prévaloir de la garantie
de défauts ou du non-respect contre le fournisseur du sous-traitant, mais d'une clause de
prescription convenue entre le fournisseur ou un intermédiaire et le sous-traitant n’est pas
opposable au maître de l’ouvrage, et que la prescription est décennale. Cet arrêt suggère une
nouvelle diminution de l'action directe dans les chaînes contractuelles en faveur du délit et
semble revenir à une interprétation stricte de l'article 1165 du code civil. Cela semble donc
constituer un renversement de jurisprudence à la lumière des décisions rendues par la Cour
plénière le 7 février 1986, qui comportait indirectement la règle opposée, à savoir que l'action
de l'employeur contre le fabricant était nécessairement contractuelle.

C- Une option basée sur les considérations pragmatiques


Le "projet Catala" propose tout d'abord d'ajouter au code civil un article 1165-2 consacrant
le principe de l'opposabilité des contrats erga omnes, progressivement établis par la doctrine et
la jurisprudence. Selon ce texte, « les accords sont opposables aux tiers; ils doivent les
respecter et peuvent les utiliser sans avoir le droit d'exiger leur exécution ». Cet article souligne
donc clairement le double sens de l'opposabilité, qui opère à la fois contre les tiers et pour leur
bénéfice, mais pose également une réserve essentielle dans ce dernier cas, selon lequel les tiers
ne peuvent toutefois pas exiger l'exécution du contrat. . Mais un article beaucoup plus novateur
mérite beaucoup plus d'attention: il s'agit de l'article 1342 de l'avant-projet.

Nous avons vu que le droit positif, consacrant la thèse assimilationniste, n'empruntait


aucune des deux voies proposées par la solution alternative, et nous avons pu étudier toutes les
incohérences qui en découlent. Inversement, et afin d’éviter ce piège, la structure de l’article
1342 du projet Catala reprend et coordonne parfaitement les deux branches de l’alternative. Il

127
Cass. civ. 3ème, 28 nov. 2001, Bull. civ. III, n°137.
44
ouvre en principe à tout tiers victime d’inexécution d’un contrat le droit d’invoquer cette
inexécution si elle en est la cause directe.

Cependant, il doit supporter toutes les conséquences contraires au droit matériel applicable
et peut donc s'opposer à toute restriction contractuelle, en particulier celles relatives à la
responsabilité restrictive ou exclusive, aux règles de compétence, à la prévisibilité des
dommages, etc. Mais l’alinéa 2 de l’article 1342 de l’avant-projet ouvre également au tiers
l’option de la voie extracontractuelle lui permettant d’échapper aux contraintes découlant du
contrat. Ce dernier doit prouver que le fait dommageable est un « fait illicite ou anormal » au
sens de l’article 1340 alinéa 1 de l’avant-projet. En d’autres termes, la relativité de la faute
contractuelle trouverait sa place dans notre droit.

Plusieurs auteurs ont souligné les avantages d'une telle solution en termes pratiques 128. Et
nous sommes obligés de convenir avec eux que l'option proposée dans l'avant-projet conduit à
un rapprochement harmonieux entre l'exigence de prévisibilité contractuelle et le souci de
protéger les tiers victimes129. Du côté de la troisième victime, cela ne se limite pas aux termes
et conditions d’un contrat qu’il n’a pas choisi de soumettre: il peut très bien opter pour le régime
de la responsabilité délictuelle, qui évitera l’opposabilité des stipulations contractuelles.

Malgré sa satisfaction pratique, la reconnaissance d'une option entre les deux types de
responsabilité au profit de tiers est néanmoins vivement critiquée pour ses implications
théoriques.

D- Une révolution contestée sur le plan abstrait


Premièrement, on a souvent soutenu que la solution proposée par l'avant-projet portait
gravement atteinte au principe de l'effet relatif des conventions. Cette première critique découle
toutefois de l'observation judicieuse d'un auteur influent selon laquelle le principe de l'effet
relatif des conventions n'a que deux types de conséquences.130.

Au moment de la conclusion du contrat, il interdit aux parties de lier des tiers et, au moment
de son exécution, il se réserve le droit de l'exiger. En revanche, il n'ordonne pas que le choix du
régime soit appliqué en cas d'inexécution. Si nous nous appuyons sur cette analyse, le choix

128
G. VINEY approuve notamment cette solution « dictée par des considérations pratiques qui doivent
l’emporter », Sous-titre III, De la responsabilité civile (articles 1340 à 1386), exposé des motifs.
129
J.-B. SEUBE, Revue des Contrats, 2007, p. 379.
130
G. VINEY, Recueil Dalloz, 2006, p. 2830.
45
entre responsabilité et contrat ne semble en aucun cas contredire l’article 1165 du Code civil et
le fameux principe de l’effet relatif des accords qu’il contient.

D'autres auteurs ont fermement condamné cette solution en ressentant une sorte de
"monstruosité juridique"131 qui pourrait briser les frontières entre contrat et criminel. Avec la
possibilité de réclamer une indemnité contractuelle aux entrepreneurs défaillants, le tiers peut
effectivement intervenir dans le monde du contrat, un monde qui, par définition, devrait régir
les relations entre entrepreneurs. Toutefois, cette seconde allégation peut être contredite par le
fait que le contrat, qui est en principe ouvert à tous les tiers en vertu de l'article 1342 de l'avant-
projet, ne constitue qu'une action en dommages et intérêts: il ne peut pas bénéficier de
l'exécution du contrat.

À la lumière de toutes ces observations sur les innovations proposées par le projet Catala,
il convient de rappeler que le choix entre les deux types de compétences serait particulièrement
le bienvenu, compte tenu des incohérences pratiques qui caractérisent notre droit positif dans
ce domaine. Il s'agit toutefois d'une violation évidente d'un principe de permanence qu'il
consacre ailleurs. Cela impliquerait également une réforme en profondeur de notre droit des
obligations, que nous considérons comme un "délit" au détriment du régime de responsabilité
contractuelle et des critiques féroces de ceux qui travaillent pour maintenir la responsabilité
civile contractuelle ligne de démarcation traditionnelle entre la responsabilité contractuelle et
délictuelle.

131
P. ANCEL, « Faut-il " faire avec " ? », Revue des Contrats, 2007, p.538, n°21 : l’auteur utilise cette
expression pour illustrer les propos tenus par les détracteurs de la solution proposées dans l’avant-projet, propos
qu’il est bien loin de partager.
46
Conclusion de la Partie I

En fin de partie, on s’est demandé quel était l’effet de la non-exécution du contrat sur des
tiers. En réponse à ce problème de droit, la jurisprudence, et en particulier la doctrine, nous a
donné un long débat sur la base de la responsabilité du contractant défaillant à l'égard des tiers
à travers les principes de la relativité du contrat.

La jurisprudence décide donc à suivre cette deuxième voie. L'idée selon laquelle la sphère
contractuelle ne devrait intéresser que les parties à l'acte et par là même perdre l'intérêt des tiers
est remplacé par celle de socialisation du contrat, les tiers pouvant être intéressés par ce dernier
par le biais de la théorie du "contrat-fait". Cela dit, le seul problème réel réside ailleurs dans le
fait de générer des responsabilités.

A la question de savoir si le tiers victime du dommage causé par la rupture contractuelle


doit ou non prouver une faute délictuelle spécifique, distincte de la faute contractuelle, la
47
divergence doctrinale et jurisprudentielle est également orageuse et incessante. Alors que la
théorie de la relativité de la faute, développée pour considérer que toute faute contractuelle ne
constitue pas automatiquement une faute délictuelle, s’est opposée à la prétendue assimilation
des erreurs contractuelles et délictuelles permettant de reconnaître que la faute contractuelle
constitue de plano une faute délictuelle. Il y a donc une « dé-relativisation » de la violation
contractuelle.

Dans la mesure où cette solution tendant à indemniser les tiers victimes de défaut
contractuel semble justifiée au nom de la protection, elle reste excessive et trop générale car
aller d'une part contre le principe de la relativité des contrats ne fait aucune distinction entre
pour la nature ou la portée de l'obligation violée, ou une référence au lien de causalité entre la
rupture de contrat et le préjudice subi. Surtout, à mon humble sens, la question de la nature de
l’obligation violée, de la réalité du dommage et du lien de causalité était le seul problème réel
en l’espèce.

Partie II : L’essence de l’action du tiers du fait de l’inexécution du contrat

Le contrat n’a théoriquement d’effet qu’entre les parties. Il n’intéresse pas les tiers mais ceux-
ci ne peuvent néanmoins l’ignorer totalement, notamment en cas de promesse de porte-fort ou
de stipulation pour autrui. En cas de simulation, les tiers peuvent ignorer la réalité de l’opération
juridique voulue par les parties132 (Chapitre I). Par conséquent, si le contrat n’oblige que les
parties, il doit être respecté par tous: c’est l’opposabilité du contrat aux tiers. Ainsi des personnes
étrangères à l’acte (les tiers) vont apprendre son existence133. Elles vont devoir le respecter. Dans
certains cas, elles vont pouvoir opposer son existence aux parties (Chapitre II).

Chapitre I : Les principes généraux de l’inexécution contractuelle sur les tiers

132
Renault-Brahinsky, Corinne, « L’essentiel du droit des obligations », Les carrés, Gualino, 2018, p 73
133
J.-L. Goutal, « Essai sur le principe de l’effet relatif du contrat », LGDJ, Bibl. dr. privé, t. 171, 1981
48
En effet, le principe de l’effet relatif (Section I) et celui de l’opposabilité aux tiers (Section
II) sont désormais clairement séparés et prévus par deux articles distincts, c’est ce qu’on va
voir dans cette partie.

Section I : La portée de l’effet relatif du contrat


La section relative aux effets du contrat à l’égard des tiers est divisée en 2 sections, l’une
consacrée à la relativité des contrats (Paragraphe I), et l’autre à la situation des tiers intéressés
(Paragraphe II).

Paragraphe I : La relativité des contrats


La détermination des effets du contrat à l'égard des tiers ne se limite cependant pas à la
simple constatation de son effet relatif, car la convention leur est également opposable, notion
jurisprudentielle que l’ordonnance du 10 février 2016 entérine désormais.

A- Définition de l’effet relatif du contrat


Le principe de l’effet relatif du contrat signifie que le contrat ne peut engendrer d’obligation
qu’au profit ou à la charge des parties contractantes ainsi étendues, celles-ci n’ont pas le pouvoir
de faire naitre par, le seul effet de leur volonté, une obligation sur la tête d’un tiers.
Selon les dispositions de l’article 228 du DOC « Les obligations n’engagent que ceux qui ont
été partie à l’acte, elles ne nuisent point au tiers elles ne leur profitent que dans les cas exprimés
par la loi134».

L’article 1103 de Code civil français énonce la force obligatoire135 des contrats vis-à-vis
de « ceux qui les ont faits », c’est l’effet relatif du contrat. Mais d’autres personnes peuvent être
concernées par un contrat dont les obligations peuvent être transmissibles136.

L’article 1165 du Code civil137 de 1804, siège du principe d’effet relatif, disposait que «
les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers,
et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 ». La règle est reprise dans une
formulation rajeunie par l’ordonnance du 10 février 2016 : « Le contrat ne crée d’obligations
qu’entre les parties » (C. civ., art. 1199). S’il semble logique de déterminer préalablement qui

134
Dahir (9 ramadan 1331) formant Code des obligations et des contrats (B.O. 12 septembre 1913
135
Cf. A. Weill, « La relativité des conventions en droit privé français », thèse, Strasbourg, 1938 ;
, préf.H. Batiffol ; M. Bacache, « La relativité des conventions et les groupes de contrats », LGDJ, Bibl. dr.
privé,t. 268, 1996, préf. Y. Lequette.
136
Bocquillon, Jean-FrançoisMariage, Martine, « Introduction au droit », DCG, Dunod, 2018, p « 256 ».
137
Le code civil français
49
est partie et qui est tiers pour fixer le domaine de l’effet relatif, de vives controverses
doctrinales138 en montrent la difficulté, due à l’évolution possible des situations de parties et de
tiers et à l’existence de catégories intermédiaires difficiles à classer.
C’est en réalité le plus souvent de la solution (application ou non-application des effets du
contrat) que les auteurs déduisent la qualité de tiers ou de partie, aussi une démarche différente
semble préférable139.
Le principe de l’effet relatif du contrat140 conduit à distinguer les parties et les tiers au
contrat. Il n’est toutefois pas toujours aisé de qualifier de la sorte certaines personnes qui n’ont
pas directement consenti au contrat mais en subissent les avantages ou conséquences (par ex.
famille, sous-acquéreur...), et demeurent ainsi particulièrement intéressées par la situation de
l’un des contractants (par ex. créanciers).
Cependant141, l’effet relatif du contrat n’interdit pas aux tiers d’invoquer la situation de
fait créée par les conventions auxquelles ils n’ont pas été partie ; plus précisément, de se
prévaloir de la violation de cette convention comme une faute dont le dommage qu’il subissent
est la conséquence. C’est ce qui est souvent nommé l’opposabilité des contrats, aux tiers et par
les tiers.
Selon ce principe142, le contrat n’a d’effet qu’entre les parties contractantes et il ne peut
produire d’effet à l’égard des tiers. Cependant, même face aux tiers absolus, le contrat crée
une situation juridique qu’elles ne peuvent ignorer. De même, les parties peuvent leur opposer
leur contrat pour, par exemple, engager leur responsabilité s’ils ont aidé à violer l’obligation
contractuelle (exemple du débauchage) et ce à condition que les tiers aient eu connaissance du
contrat. Enfin, un tiers peut se prévaloir du contrat si son exécution ou sa mauvaise exécution
lui porte préjudice.
Plus largement, les tiers ne peuvent donc être rendus ni créanciers ni débiteurs par l’effet
d’un contrat auquel ils n’ont pas souscrit. Il semble bien normal que soient seuls soumis au
contrat ceux qui l’ont conclu. Pourtant, il existe une exception à cette règle : la stipulation pour

138
Cf. J. Ghestin, « La distinction des parties et des tiers », JCP 1992. 1. 3628, no4 et la critique de J.-L. Aubert,
« À propos d’une distinction renouvelée des parties et des tiers », RTD civ. 1993. 263 s. ;C. Guelfucci-
Thibierge, « De l’élargissement de la notion de partie au contrat… à l’élargissement de la partie du principe de
l’effet relatif », RTD civ. 1994. 275 ; J. Ghestin, « Nouvelles propositions pour un renouvellement de la
distinction des parties et des tiers », RTD civ. 1994. 777.
139
Cabrillac, Rémy, « Droit des obligations », Le cours Dalloz, Dalloz, 2018, p « 131, 132 ».
140
Andreu, Lionel, Thomassin, Nicolas, « Cours de droit des obligations », , Coll. Amphi LMD, Ed. Gualino,
2018, p « 253 ».
141
Philippe Le Tourneau, « Droit de la responsabilité et des contrats », Dalloz, Dalloz, action, 2010, p « 381,
382 ».
142
Roy, Véronique, Meyer, Gilles, « Gestion juridique fiscale et sociale », DSCG, Dunod, 2018, p « 7, 8 »
50
autrui. C’est un contrat dans lequel une partie, le stipulant, obtient de l’autre, promettant,
l’engagement qu’elle donnera ou fera quelque chose au profit d’un tiers, le bénéficiaire. Ce
dernier devient ainsi créancier sans avoir été partie au contrat. L’exemple type en est donné par
l’assurance-vie. Le tiers peut soit refuser le bénéfice de la stipulation, soit l’accepter ; dans ce
dernier cas, l’opération est définitive et il est impossible pour le promettant de révoquer son
engagement143.

B- Cas de la représentation
Mécanisme par lequel une personne – le représenté – fait conclure un contrat pour son
compte par un intermédiaire ou représentant, et dans la limite des pouvoirs qui lui ont été
conférés (art. 1153).
C’est une technique très utile qui permet la conclusion de contrats au nom d’une personne qui
n’est pas présente ou qui est incapable. Seul le représenté est partie au contrat.

1. Conditions
Le représentant doit avoir le pouvoir d’engager les biens d’autrui.

Origines : Ce pouvoir peut découler

– de la loi, par ex., le tuteur peut engager les biens de l’incapable ;

–d’un jugement, par ex., un époux peut se faire habiliter en justice à représenter son conjoint
hors d’état de manifester sa volonté (C.civ., art.219);

–d’un contrat, appelé mandat: par ce contrat, une personne – le mandant – charge son
cocontractant – le mandataire – qui accepte cette mission, d’accomplir pour elle et en son nom,
un ou plusieurs actes juridiques, à des conditions plus ou moins précises (ex., mandat de vendre,
d’acheter, etc.)144.

Étendue du pouvoir : (art. 1155)

– lorsque le pouvoir du représentant est défini en termes généraux, il ne couvre que les actes
conservatoires et d’administration;

143
Layani, Sébastien, « Tout pour réussir en droit des affaires », Enseignement supérieur, Gualino, 2014, p « 24,
25 ».
144
Tranchant, Laetitia, Égéa, Vincent, « Droit des obligations », Les mémentos Dalloz, Dalloz, 2018, p
« 74,75,76,77 ».
51
– lorsque le pouvoir est spécialement déterminé, le représentant ne peut accomplir que les actes
pour lesquels il est habilité et ceux qui en sont l’accessoire.

➢ Le représentant doit avoir l’intention d’agir pour le compte du représenté.

2. Effets
Ils varient en fonction des circonstances dans lesquelles ce pouvoir s’exerce effectivement.

➢ Le représentant agit au nom et pour le compte du représenté:

–Le contrat conclu par représentation crée des droits et des obligations à l’égard du représenté
(art. 1154, al. 2);

–Il n’en produit aucun envers le représentant qui, par rapport à ce contrat, reste un tiers.

–Si le représentant a néanmoins dépassé ses pouvoirs, et à condition que le représenté n’ait pas
ratifié l’acte (art. 1156).

• L’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est
inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des
pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du
représenté;
• Le tiers contractant peut même en invoquer la nullité, s’il ignorait que l’acte était
accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de celui qui lui avait été accordé;
• Il se peut même que le représentant détourne ses pouvoirs au détriment du représenté:
ce dernier peut alors invoquer la nullité de l’acte, à la condition de prouver que le tiers
avait connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer (art. 1157).

➢ Le représentant agit pour le compte du représenté, mais en son nom personnel: il est
seul engagé à l’égard du cocontractant (art. 1154).

52
C- Les tiers devenant parties ‘Le décès d’une partie’
Lorsqu’un des contractants est décédé 145
à un moment où le contrat n’a pas épuisé ses
effets, ses ayants cause universels lui succèdent et deviennent en ses lieu et place créanciers et
débiteurs des obligations nées du contrat146.

Selon l’article 229 du DOC : « Les obligations ont effet, non seulement entre les parties,
elles-mêmes, mais aussi entre leurs héritiers ou ayants cause, à moins que le contraire ne soit
exprimé ou ne résulte de la nature de l'obligation ou de la loi. Les héritiers ne sont tenus toutefois
que jusqu'à concurrence des forces héréditaires, et proportionnellement à l'émolument de
chacun d'eux. »

Le successeur s’appelle donc un ayant cause universel ou à titre universel147. L’ayant cause
est une personne qui a acquis un droit ou une obligation d’une autre, que l’on appelle son auteur.

➢ L’ayant cause particulier est celui qui a vocation à recevoir tout le patrimoine de son
auteur; c’est le cas de l’héritier légal et du légataire universel (celui qui, en vertu d’un
testament, a vocation à recueillir la totalité des biens du testateur).
➢ L’ayant cause à titre universel est un légataire qui a vocation à recueillir une partie de
la succession.

1. Principe
Les droits et obligations de l’auteur se transmettent à ses ayants cause universels et à titre
universel, donc les contrats qu’il a conclus produisent leurs effets à leur égard.

2. Exceptions
–Si les contractants avaient prévu le contraire;

–Si le contrat, en raison de l’intuitu personae, doit prendre fin au décès d’un contractant. Les
contrats qui sont conclus intuitu personae, c’est-à- dire en considération des qualités mêmes du
contractant, de ses aptitudes, de ses connaissances n’étendent pas leurs effets aux héritiers de
celui-ci148. Selon le cas, l’intuitu personae concerne une seule partie (ex. l’avocat ou l’artiste

145
Béhar-Touchais, « Le décès du contractant », thèse Paris II, éd.1988.
146
A.-S.Barthez, « La transmission universelle des obligations », thèse Paris I, 2000. V. par ex. Com. 16 mars
1954, D.1954. 474 ; Civ. 3e, 3 juill. 1999, Defrénois 1999.1000, obs. Delebecque, RTD civ. 1999.834,
obs.Mestre
147
Terré, François, Simler, Philippe, Lequette, Yves, « Droit civil les obligations », Précis, 1ère ed Dalloz, 2018,
p.747
148
Valleur, « L’intuitus personae dans les contrats », thèse Paris, 1938 ; M.Contamine-Raynaud, L’intuitus
personae dans les contrats, thèse Paris, ronéot., 1974 ; A.-S.Barthez, thèse préc., n°474s., p. 364s
53
peintre) ou les deux (dans le mandat, le mandant et le mandataire). Le décès de la partie dont la
personnalité avait été prise en considération met fin au contrat.

D- La cession de contrat
La cession de contrat peut provenir d’un accord de volonté entre le cédant et le cessionnaire
(art. 1216) ou résulter de la loi. Ex. de cessions imposées par la loi:

–L’acquéreur d’un immeuble loué est tenu de respecter le bail (C.civ., art.1743);

–L’acquéreur d’une entreprise est lié par les contrats de travail en cours (C.trav., art. L.1224-
1).

L’opération vise à faire en sorte que le cessionnaire soit substitué au cédant, c’est-à-dire
recueille ses droits et assume ses obligations. Le mécanisme cession de contrat est désormais
expressément envisagé par le Code civil aux articles1216 s.

1. Conditions
– Un accord entre le cédant et le tiers-cessionnaire, le premier cédant au second « sa qualité de
partie au contrat» (art. 1216, al. 1er);

– Le consentement du cédé à la cession (« avec l’accord de son contractant, le cédé», art. 1216,
al. 1er); l’art. 1216, al. 2, du Code civil admet que ce consentement puisse être donné
antérieurement à la cession, ce que peut parfois prévoir le contrat initial entre ceux qui
deviendront cédant et cédé;

– La cession, sous peine de nullité, doit être constatée par écrit (art. 1216 al. 3), ce qui fait de la
cession de contrat un contrat solennel.

2. Effets
– Le transfert de la qualité de partie du cédant vers le cessionnaire;

– La libération du cédant et des tiers ayant consenti des sûretés: elle dépend de l’attitude du
cédé. Soit celui-ci consent expressément, non plus à la cession, mais à libération du cédant et
la cession de contrat libère le cédant pour l’avenir (art. 1216-1, al. 2); les sûretés éventuellement
consenties par le cédant ou par des tiers ne se maintiennent alors en principe pas, sauf à constater
leur accord (art. 1216-3, al. 1er). Soit il n’a pas expressément consenti à libérer le cédant, auquel
cas ce dernier reste tenu de l’exécution du contrat, solidairement avec le cessionnaire, sauf
clause contraire (art. 1216-1, al. 3); les sûretés éventuellement consenties par le cédant ou par
des tiers subsistent alors (art. 1216-3, al. 1er);

54
– La solidarité éventuelle qui existait entre le cédant et ses codébiteurs subsistent entre eux,
mais la libération du cédant par le cédé fait cesser la solidarité à l’égard du cédant; il convient
donc de considérer que la solidarité est maintenue en son principe pour ceux qui demeurent
dans le contrat, mais il faut déduire de la dette la part du cédant (art. 1216-3 al. 2);

– Opposabilité des exceptions (art. 1216-2): le cessionnaire est en droit d’opposer au cédé les
exceptions qui sont inhérentes à la dette (p. ex.: nullité, exception d’inexécution, résolution).
Toutefois, il est impuissant à lui opposer les exceptions qui seraient attachées à la personne du
cédant. Quant au cédé, il est en droit d’opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait
pu opposer au cédant149.

Paragraphe II : La situation de tiers intéressés


Les tiers ne peuvent être ni créanciers ni débiteurs en vertu d’un contrat auquel ils sont
étrangers (A). Mais la notion de tiers n’est pas uniforme et plusieurs degrés apparaissent (B).

A- Les tiers absolus ‘Les parties peuvent opposer le contrat aux tiers’
Le principe de la relativité du contrat apparait à travers les dispositions de l’article 228 cité
plus haut, il signifie que les contrats n’engagent que les parties qui les ont volontairement
acceptées, les tiers c’est-à-dire les personnes étrangères à ces rapports contractuels, ne sont pas
en principe, concernés par cette situation juridiques.
Toutefois, les tiers ne peuvent ignorer les situations objectives, crées par le contrat ; on dit que
le contrat est opposable aux tiers. (Principe de l’opposabilité du contrat aux tiers).
Vis-à-vis, le contrat est un fait social, les tiers doivent le respecter et accepter de tenir compte
des effets qu’il produit entre les parties. Les tiers sont en droit de se prévaloir de cette même
situation, c’est-à-dire de l’invoquer à leur profit.
Les tiers complètement étrangers au contrat peuvent s’appuyer sur ce contrat pour en tirer
les conséquences juridiques.
Exemple : le conjoint et les enfants d’un passager victime d’un accident de transport
peuvent invoquer l’existence du contrat de transport pour engager la responsabilité du
transporteur et demander des dommages et intérêts.
• Si le contrat contient un droit réel, la règle est indiscutable, puisque par nature un
droit réel est opposable à tous.

149
Le code civil français
55
• En ce qui concerne les droits de créance, les tiers sont tenus de les respecter. Donc,
si, en connaissance de cause, un tiers se rend complice de la violation par un débiteur
de ses obligations contractuelles, il commet une faute qui engage sa responsabilité.

Exemples:

– Un tiers se rend complice de la violation par un commerçant d’une obligation


contractuelle de non-concurrence;

–Un patron débauche l’employé d’un concurrent et le conduit à rompre le contrat de


travail qui le lie à cet employeur. Pour que la responsabilité du tiers soit engagée, il faut
qu’il ait eu connaissance du contrat à la violation duquel il participe. Sa responsabilité,
ne découlant pas d’un contrat auquel il serait partie, est délictuelle (C.civ., art.1240).

B- Le tiers a la faculté d’invoquer le contrat150


En particulier,
- Il peut faire état d’un contrat comme élément de preuve (art. 1200, al. 1) : cet acte auquel
il est étranger sert alors de renseignement de nature à éclairer la décision du juge151;
- Il peut se prévaloir d’un contrat dont la mauvaise exécution lui a causé un dommage:
par ex : si un accident est provoqué par une machine vendue, atteinte d’un vice de
fabrication, la victime a la possibilité, lorsqu’elle est un tiers au contrat de vente,
d’invoquer le vice et d’engager la responsabilité délictuelle du fabricant (la
responsabilité de celui-ci est contractuelle si la victime est l’acheteur).

C- Les personnes se trouvant dans une situation intermédiaire ‘L’ayant cause à titre
particulier’152
Ce sont ceux qui tiennent un bien ou un droit déterminé de l’une des parties contractantes.
C’est le cas d’un acheteur, d’un donataire, d’un légataire particulier. On appelle « ayant cause
particulier » celui qui a acquis un bien ou droit déterminé.

Exemple dans un contrat de bail :

150
Tranchant, Laetitia, Égéa, Vincent, « Droit des obligations », Les mémentos Dalloz, Ed. Dalloz, 2018, p
« 78».
151
Andreu, Lionel, Thomassin, Nicolas, « Cours de droit des obligations », Amphi, Ed. Gualino LMD, 2018, p
« 255 ».
152
Jahier, Hervé, Kopel, Gilberte, Bonan, Sylvie, « Introduction au droit », Dalloz, Ed. FontainePicard,: 2016,
p « 184 ».
56
C’est-à-dire les tiers qui acquièrent de l’une ou de l’autre partie à un contrat, le droit ou le
bien qui a été l’objet de ce contrat, peuvent parfois se voir reconnaître la qualité de partie au
contrat d’origine. Certes, le principe est évidemment que l’ayant cause à titre particulier n’a pas
la qualité de partie : c’est l’effet relatif des contrats (Cass. 3e civ., 16 nov. 1988, D.1989, p.
157, note Malaurie Ph.)153 ; Concrètement, l’acquéreur d’un immeuble n’est pas tenu de payer
les travaux qui ont pu être commandés par le vendeur avant la conclusion du contrat de vente.
Mais ce principe connaît des exceptions, aussi bien par le jeu de la transmission des contrats
conclus intuitu rei (c’est-à-dire en considération de la chose) qu’en application de certaines
dispositions spéciales (not. Stipulation pour autrui)154.

La loi impose parfois à l’ayant cause à titre particulier, c’est-à-dire à une personne juridique
ayant acquis de son auteur un ou plusieurs droits déterminés sans aucune obligation, le respect
des conventions passées par son auteur.

C’est l’ayant cause auquel l’auteur ne transmet qu’un ou plusieurs droits déterminés.

L’acheteur d’un bien acquiert le droit de propriété dont le vendeur de la chose était titulaire,
mais est-il tenu des dettes et profite-t-il des créances attachées à ce bien par le précédent
propriétaire?

Trois situations sont à distinguer:

1) Si l’ancien propriétaire avait constitué un droit réel, par ex. une servitude sur un immeuble,
ce droit réel se transmet nécessairement avec la chose: il est donc opposable à l’acquéreur.

2) Le régime du droit de créance est plus délicat. Il est généralement admis que ce droit se
transmet à l’ayant cause lorsqu’il est attaché à la chose et en constitue un accessoire. Par ex.,
en cas de ventes successives, le droit pour un acquéreur de mettre en œuvre la garantie due par
son vendeur passe au bénéfice du sous-acquéreur. L’ayant cause peut donc se prévaloir des
droits, réels ou personnels, qui sont des accessoires du bien transmis.

3) En revanche, les obligations nées sur la tête de l’ancien propriétaire ne se transmettent pas
en principe à ses ayants cause à titre particulier, puisque ceux-ci ne peuvent devenir débiteurs
sans leur consentement.

153
Cass. 3e civ., 16 nov. 1988, D.1989, p. 157, note Malaurie Ph
154
Le Bars, Thierry, Salvat, Odile, Raoul-Cormeil, Gilles, « La reforme du droit des contrats, du régime général,
et de la preuve des obligations », Coll. Lextenso, Ed. Gualino, 2018, p « 188 ».
57
Exemple : le vendeur d’un fonds de commerce s’engage à ne pas se livrer à une activité
faisant concurrence à celle de l’acquéreur. On dit que ce dernier dispose d’un droit accessoire
sur la chose. Ce droit est transmissible aux autres acquéreurs. Cela signifie que la clause de
non-concurrence lie le vendeur à l’égard également des acquéreurs ultérieurs du fonds. Ces
derniers sont qualifiés juridiquement d’ayants cause à titre particulier155.

Le principe est celui de l’intransmissibilité. Les ayants cause à titre particulier ne sont
concernés ni par les dettes ni par les créances nées dans les contrats passés par leur auteur.

1. Intransmissibilité des dettes de l'auteur à l'ayant cause à titre particulier


Au terme d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les dettes nées des contrats
passés par l'auteur ne sont jamais transmises à l'ayant cause à titre particulier. La solution est
acquise depuis un arrêt du 15 janvier 1918 qui, empruntant à Aubry et Rau, a considéré que «
le successeur ou ayant cause à titre particulier n'est pas de plein droit, et comme tel, directement
tenu des obligations personnelles de son auteur ; que ce principe s'applique même aux
conventions que ce dernier aurait passées par rapport à la chose formant l'objet de la
transmission… » (Civ. 15 janv.1918, DP 1918. 1. 17)156. En l'espèce, un chef d'entreprise,
bénéficiaire d'une concession d'exploitation d'une mine, n'a pas été jugé tenu au paiement d'une
prime promise à un employé par la société minière dont il tenait ses droits. Cette solution
s'impose, car on ne peut devenir débiteur contre son gré, sauf si une disposition légale ou
contractuelle va en sens contraire (sur la question de la cession de dette, v. ss 1166).

2. Transmissibilité de certaines créances à l'ayant cause à titre particulier


La jurisprudence est beaucoup moins claire en ce qui concerne la transmissibilité des droits
de créance aux ayants cause particuliers. L'examen du contentieux démontre que, dans certaines
hypothèses, les tribunaux font produire un effet obligatoire au droit de créance né du contrat
passé par son auteur à l'égard de l'ayant cause. Il en va ainsi par exemple de la clause de non-
concurrence, dont la jurisprudence reconnaît la transmission aux acquéreurs successifs du fonds
auquel elle est attachée (Civ. 1re, 3 déc. 1996, D. 1997. 151) 157. Si, lors de la cession d'un fonds
de commerce, le vendeur s'engage au profit du premier acquéreur à une obligation de non-
concurrence, cette obligation est transmise avec le bien à tous les acquéreurs successifs du
fonds, qui peuvent l'opposer au vendeur même s'ils sont tiers à la convention originaire.

155
Jahier, Hervé, Kopel, Gilberte, Bonan, Sylvie, « Introduction au droit », DCG 1, FontainePicard, 2016, p
« 184 ».
156
Civ. 15 janv.1918, DP 1918. 1. 17
157
Civ. 1re, 3 déc. 1996, D. 1997. 151
58
De même, la jurisprudence admet la transmission à l'ayant cause à titre particulier de toutes
les actions en garantie (non-conformité, vices cachés, etc.) attachées à la chose, et qui
appartenaient à son auteur (Ass. plén. 7 févr. 1986, D. 1986. 293, note A. Bénabent ; Civ. 1re,
21 janv. 2003, Bull. civ. I, no18158). Le sous-acquéreur peut ainsi agir directement contre le
fabricant dans le cadre de l'action en garantie relative à la chose livrée (v. toutefois les
exceptions à cette solution dans les chaînes de contrat,v. ss 475).
Il en va de même de l'action résolutoire qui, dans les chaînes translatives de propriété, se
transmet au sous-acquéreur (Civ. 1re, 20 mai 2010, no09.10.086159).La solution admise en droit
français diffère toutefois de celle retenue par la Cour de justice de l’Union européenne qui a,
dans un arrêt du 7 février 2013, refusé la transmission d’une clause attributive de compétence
au sous-acquéreur d’un bien sauf si ce dernier avait consenti à la clause (CJUE 7 févr. 2013,
JCP 2013. 516 et appliquant cette solution, Civ. 1re, 11 sept. 2013, RTD civ. 2013. 839)160.473.
La difficulté réside dans la détermination du critère et de la portée exacte de la solution retenue
par le droit français.

D- Cessionnaire
Selon la définition de MM. Malaurie, Aynès et Stoffel-Munck, « la cession de contrat a
pour objet le remplacement d'une partie par un tiers au cours d'exécution du contrat », par la
cession de la qualité de contractant (Malaurie, Aynès et Stoffel-Munck, n°906). Une des parties
(le cédant) va donc céder son obligation, envisagée à la fois dans son aspect actif et passif, à un
tiers cessionnaire qui peut, à certaines conditions (v. ss 1189 s.), le remplacer dans le contrat.
À l'issue de la cession, et si le cédé a expressément déchargé le cédant, seul le cessionnaire
est considéré comme partie, et soumis aux effets obligatoires de la convention. Le cédant a,
pour l'avenir, la qualité de tiers. Ainsi, lors de la cession de bail, le nouveau locataire peut
prendre la place de l'ancien dans le contrat et être, pour l'avenir, tenu de l'ensemble des droits
et obligations nés de la convention, puisqu'il a désormais la qualité de partie(pour une étude
détaillée des conditions de la cession de contrat, v. ss 1176 s.)161

E- Les créanciers chirographaires


Ce sont des créanciers qui ne bénéficient pas d’une sûreté (ex., une hypothèque) pour
garantir le recouvrement de leur créance; mais ils ont un droit de gage général sur tous les biens

158
Ass. plén. 7 févr. 1986, D. 1986. 293, note A. Bénabent ; Civ. 1re, 21 janv. 2003, Bull. civ. I, n°18
159
Civ. 1re, 20 mai 2010, n°09.10.086
160
CJUE 7 févr. 2013, JCP 2013. 516 , Civ. 1re, 11 sept. 2013, RTD civ. 2013. 839).473
161
Porchy-Simon, Stéphanie, « Droit civil 2ème année les obligations », Coll. Hyperscours, Ed. Dalloz, 2018,
p « 242,243 ».
59
de leur débiteur (C.civ., art.2284)162, ce qui leur permet de les saisir, s’il n’exécute pas son
obligation, v. p.226s. Les créanciers chirographaires sont plutôt considérés comme des tiers par
rapport aux contrats conclus par leur débiteur. Néanmoins, comme ces contrats peuvent
diminuer leur droit de gage général, la loi leur accorde certaines prérogatives en vue de les
protéger, par ex. l’action paulienne, v. p.167s.

Les créanciers chirographaires des parties doivent être assimilés aux penitus extranei,
même si la question a pu être controversée. Le contrat passé par le débiteur a en effet des
répercussions sur la situation du créancier chirographaire puisque cet acte est de nature à
affecter la consistance de son droit de gage général. Cette répercussion n'est toutefois
qu'indirecte. Elle résulte en effet du mécanisme même du droit de gage, qui fait subir au
créancier non titulaire d'une sûreté les variations du patrimoine de son débiteur. Celui-ci n'en
reste pas moins tiers au sens des articles 1165 anc ou 1199 du Code civil, puisque le contrat
passé par son débiteur ne lui confère jamais directement de droits ou obligations nouveaux.

1. L’action oblique
C’est l’action par laquelle le créancier exerce les droits et actions à caractère patrimonial
de son débiteur: il fait entrer dans le patrimoine de son débiteur une valeur, qu’il pourra
ultérieurement saisir.
Le créancier chirographaire peut ainsi intenter une action oblique. Prévue à l’article 1341-
1 du Code civil163, reprenant les solutions posées par l’article 1166 anc., celle-ci autorise le
créancier à exercer les droits et actions de son débiteur insolvable et négligeant.
Les droits et actions exclusivement rattachés à la personne désignent les droits
extrapatrimoniaux (action en divorce) et les droits patrimoniaux qui mettent en jeu des
considérations d’ordre moral (révocation d’une donation pour ingratitude) ou concernent des
biens insaisissables (recouvrement d’une pension alimentaire).
• Exercice par le créancier des droits et actions de son débiteur164.

Principes :

• Le créancier n’exerce pas un droit propre, mais le droit de son débiteur, par conséquent:

163
Le code civil français
164
Tranchant, Laetitia, Égéa, Vincent, « Droit des obligations », Coll. Les mémentos Dalloz, Ed. Dalloz, 2018,
p « 228 ».
60
–Le tiers poursuivi peut opposer au créancier poursuivant toutes les exceptions qu’il pourrait
invoquer contre son propre créancier, par ex. l’extinction de la créance par compensation,
renonciation, etc.;

–L’action oblique fait entrer dans le patrimoine du débiteur un bien qui devient le gage commun
de tous ses créanciers. Le poursuivant n’a donc pas de privilège: on dit que l’action oblique est
individuelle dans son exercice, mais collective par ses effets;

– L’absence de préférence du créancier qui prend l’initiative de l’action oblique explique que,
pour les créances monétaires à tout le moins, cette action subit une nette concurrence de la
saisie-attribution.

• L’action oblique n’est pas une saisie et le débiteur n’est pas dessaisi, donc il conserve
l’exercice de ses droits et actions à l’égard du tiers, d’où, par ex., la possibilité pour le débiteur
de recevoir un paiement de ce tiers ou de transiger avec lui.

• En vertu de la relativité de la chose jugée, le jugement rendu contre le tiers n’a pas d’autorité
à l’égard du débiteur, sauf s’il a été mis en cause (d’où l’utilité de le mettre en cause afin que
le jugement soit opposable à toutes les personnes concernées).

2. L’action paulienne
Le créancier chirographaire peut également exercer à l'encontre de son débiteur une action
paulienne (C. civ., art. 1167 anc. et 1341-2), dont l'objet est de demander la révocation des actes
passés en fraude de ses droits.

Conditions de l'action. La condition essentielle de l'action paulienne est qu'un débiteur


insolvable ait commis un acte d'appauvrissement en fraude des droits de son créancier. La
notion de « fraude » a connu une évolution.

Effets de l'action. L'action paulienne rend inopposable au créancier l'acte accompli en


fraude de ses droits. L'acte demeure donc valable dans les rapports unissant le débiteur au tiers.
Mais il est privé d'effet à l'égard du créancier ayant intenté l'action paulienne, qui ne profite
donc qu'à lui.

61
L’action paulienne165 apparaît ainsi comme un moyen de défense étroitement ajusté à la
protection du créancier contre les entreprises frauduleuses de son débiteur : s’il parvient à faire
la preuve de la fraude, il pourra – et il pourra seul – s’en prévaloir et faire comme si elle n’avait
pas eu lieu. L’action paulienne est en définitive un moyen de défense individuelle contre les
actes frauduleux166.

Section II : Le principe de l’opposabilité


L’opposabilité de principe du contrat sera d’abord présentée (Paragraphe I). Les
principaux types qui seront ensuite évoqués (Paragraphe II).

Paragraphe I : L’opposabilité du contrat aux tiers


Cette partie présente le principe de l’opposabilité (A) ainsi que des différents types (B).

A- Application du principe de l’opposabilité


Le contrat peut d’abord créer une situation juridique qui s’impose à tous. Il en est ainsi des
contrats translatifs de propriété : l’acquéreur d’un bien pourra opposer à tous les droits qu’il
tient du contrat de vente167.

Les tiers peuvent opposer le contrat aux parties :

– Un tiers peut invoquer un contrat auquel il n’est pas partie à titre d’élément de preuve : par
exemple, un locataire peut invoquer un contrat entre son bailleur et un précédent locataire pour
renverser la présomption de l’article 1731 du Code civil selon laquelle il aurait reçu les lieux «
en bon état de réparation locative168»;

– Un tiers peut invoquer un contrat auquel il n’est pas partie pour s’exonérer d’une obligation
dont il serait sinon tenu : par exemple, dès lors que les formalités de la cession de créance sont
remplies, le cédé peut valablement refuser de payer au cédant169;

165
Flour, Jacques, Aubert, Jean-Luc, Savaux, Éric, « Droit civil les obligations », Cours Dalloz, Ed. Dalloz,
2015, p « 103,104 ».
166
Cf. Roman, « La nature juridique de l’action paulienne », Defrénois 2005, art. 38146, p. 655, et, plus
spécialement n° 28 s. ; comp. Sautonie-Laguionie, La fraude paulienne, préc., pour qui l’action paulienne
sanctionne, par l’inefficacité de l’acte, la cause illicite que constitue l’atteinte, par l’effet des conventions, aux
droits des créanciers. Selon l’auteur, l’inefficacité peut parfois s’incarner dans la nullité relative de l’acte.
167
Civ. 22 juin 1864, DP 1864. 1. 412 ; S. 1864. 1. 349
168
Com. 8 mai 1972, JCP 1972. II. 17193, note P. L.
169
V. ss 415. Ad. Com. 22 oct. 1991, Bull. civ., n°302 ; D. 1993. 181, note J. Ghestin (la caution peut se
prévaloir de la cession de créance pour refuser le paiement au cédant).
62
– Un tiers qui subit un préjudice du fait de la mauvaise exécution d’un contrat peut agir en
responsabilité extracontractuelle contre le contractant fautif.

Par exemple, un ouvrier blessé dans une carrière par une cartouche mal fabriquée peut agir
contre le fabricant qui avait vendu la cartouche à son employeur170;de même, un locataire blessé
du fait de la mauvaise conception d’un immeuble peut agir en responsabilité extracontractuelle
contre l’architecte171.

Les parties peuvent opposer le contrat aux tiers :

- Un tiers peut engager sa responsabilité extracontractuelle vis-à-vis d’une partie s’il se rend
complice de la violation des obligations contractuelles d’une autre partie172. Par exemple, une
personne A, après avoir conclu une promesse de vente auprès d’une personne B, vend à C, qui
acquiert en connaissant l’existence de la promesse. B peut engager la responsabilité de C,
complice de la violation de la promesse due à A.

En droit marocain et à s’en tenir à la lettre de l’article 228 du Dahir formant code des
Obligations et Contrats « DOC » : « les obligations n’engagent que ceux qui ont été parties à
l’acte : elles ne nuisent point aux tiers et elles ne leur profitent que dans les cas exprimés par la
loi », le contrat ne produit donc, en principe, aucun effet à l’effet des tiers. Les rédacteurs du
DOC se sont inspirés dans cet article du code civil français qui avait voulu faire du contrat un
acte complètement isolé173. Vite dénoncée, cette approche a cédé la place à une lecture plus
réaliste et sociale du contrat l’intégrant dans un tout économique dans lequel les tiers se trouvent
nécessairement concernés174.

S’il est vrai que le contrat ne saurait rendre les tiers ni débiteurs, ni créanciers, il crée en
revanche une situation juridique qui s’impose en tant que telle aux tiers qui se trouvent tenus
d’en respecter l’existence175.

À s’en tenir à cette présentation de l’opposabilité du contrat, on risquerait néanmoins


d’avoir de celle-ci une vue incomplète : opposable aux tiers par les parties, la situation juridique
née du contrat l’est aussi par les tiers aux parties. Il est, en effet, on le verra, un certain nombre

170
Req. 5 mai 1924, DH 1924. 433 ; RTD civ. 1924. 628, obs. R. Demogue.
171
Civ. 1re, 24 oct. 1967, JCP 1968. II. 15360, note R. Lindon.
172
Civ. 1re, 26 janv. 1999, D. 1999. IR 64 : la responsabilité du tiers est délictuelle.
173
Article 1165 du code civil français
174
R. Savatier, « Le prétendu effet relatif du contrat », RTD civ, 1934, p « 525 ».
175 J. Bourgeois, « Le manquement contractuel », Mémoire de Master 2 Professionnel, Magistère de justice
d’affaires, sous la direction de Denis Mazeaud, 2008, p « 2 ».
63
d’hypothèses où un tiers peut avoir intérêt à se prévaloir à l’encontre d’un contractant de
l’existence de la situation née du contrat.

L'opposabilité du contrat, c'est-à-dire la faculté pour les parties ou pour les tiers de se
prévaloir de la situation juridique qu'il a engendrée, est évidente lorsque cette situation présente
un caractère absolu, opposable à tous. Ainsi la jurisprudence a décidé très tôt que les contrats
constitutifs ou translatifs de droits réels étaient opposables à tous et devaient être respectés par
tous. L’acquéreur d’une chose pourra opposer le droit réel qu’il tient d’un contrat de vente à
toute personne, réserve faite des règles de publicité ; il est acquis « erga omnes » que tel bien a
été aliéné et est devenu la propriété de telle personne.

Dernier exemple : les conventions créant un groupement – contrat de société, contrat


d’association – s’imposent à tous. De fait, une telle convention n’atteindrait pas son but si le
groupement auquel elle donne naissance n’avait d’existence qu’au regard de ses membres et
non à l’égard des tiers176.

B- Régime et statut de l’opposabilité des contrats aux tiers


La situation juridique que le contrat crée entre les parties peut être opposée aux tiers par
les parties ou aux parties par les tiers.

1. Opposabilité du contrat aux tiers


Les tiers n'ont pas à exécuter les obligations nées du contrat mais il leur est interdit, alors
même qu'ils n'y ont pas consenti, de faire obstacle consciemment à l'exécution de celui-ci. Le
tiers qui aide en connaissance de cause le débiteur à ne pas exécuter le contrat, se rend complice
de la violation par celui-ci de ses obligations contractuelles et commet ainsi une faute qui
engage sa responsabilité. Aussi bien, la jurisprudence décide-t-elle que « le contractant victime
d’un dommage né de l’inexécution d’un contrat (…) peut demander la réparation de ce
préjudice au tiers à la faute duquel il estime que ce dommage est imputable ».

À la différence du contractant qui n’exécute pas les obligations nées du contrat, la


responsabilité du tiers n’est pas contractuelle mais délictuelle. Sa responsabilité résulte, en effet,
non de l’inexécution de l’obligation contractuelle à laquelle il n’était pas tenu, mais de la
violation d’un devoir, celui de respecter les droits nés du contrat (v. ss 675).

176
Terré, François, Simler, Philippe, Lequette, Yves, « Droit civil les obligations », Coll. PRECIS, Ed. Dalloz,
2018, p « 750 s».
64
Quelques exemples permettront de mieux cerner l’hypothèse. Le propriétaire d’un bien
consent sur celui-ci une promesse de vente à un bénéficiaire, puis vend ce bien à une tierce
personne en violation de la promesse. La responsabilité du promettant est contractuelle, celle
du tiers qui a acquis le bien en connaissant l’existence de la promesse est délictuelle177.

Le patron qui débauche l’employé d’un concurrent et l’amène à rompre son premier contrat
de manière abusive, se rend complice de cette rupture. La responsabilité de l’employé est
contractuelle, celle du patron est délictuelle. La promesse de vente, le contrat de travail n’ont
pas créé d’obligation à l’égard des tiers, mais ceux-ci ne peuvent en méconnaître l’existence.
Or tel est précisément le cas lorsqu’un tiers, en concluant un contrat avec l’une des parties,
entrave l’exécution des obligations que cette partie avait précédemment souscrites. Encore faut-
il, pour que la responsabilité du tiers puisse être engagée, qu’il connaisse l’existence du contrat
violé au moment où il conclut le contrat incompatible avec celui-ci.

1. Opposabilité du contrat par les tiers178


De même que les parties peuvent opposer aux tiers la situation née du contrat, de même
en va-t-il des tiers lorsqu'ils y ont intérêt.

– Un tiers peut invoquer un contrat pour rechercher la responsabilité d’une partie : il arrive
qu’un tiers subisse un préjudice du fait de la mauvaise exécution d’un contrat. Par exemple, un
vendeur livre une chose de mauvaise qualité qui blesse ultérieurement une personne avec
laquelle il n’avait pas contracté. Le contractant défaillant engage-t-il sa responsabilité à l’égard
de ce tiers en raison de la méconnaissance de son obligation contractuelle ? N’étant, par
définition, pas partie au contrat, le tiers doit agir sur le terrain de la responsabilité délictuelle et
non sur celui de la responsabilité contractuelle (v.ss 1101).

Mais la seule méconnaissance de son obligation contractuelle par le vendeur suffit-elle à


constituer une faute, au sens de l’ancien article 1382 du Code civil, devenu l’article 1240 ?
Longtemps la Cour de cassation a distingué les deux notions. Le tiers ne pouvait, en effet,
obtenir réparation que s’il démontrait l’existence d’« une faute délictuelle envisagée en elle-
même, indépendamment de tout point de vue contractuel ».

177
Civ. 13 nov. 1927, DP1929. 1.131 ; 10avr. 1948, D.1948.421, note Lenoan ; 7oct. 1958, D.1958.763 ; Civ.3e,
8juill. 1975, Bull.civ.III, n° 249, Gaz. Pal. 1975. 2.781, note Plancqueel.
178
Terré, François, Simler, Philippe, Lequette, Yves, « Droit civil les obligations », Coll. PRECIS, Ed. Dalloz,
2018, p « 750 ».
65
En d’autres termes, la responsabilité délictuelle n’était retenue que si le contractant
défaillant avait violé une règle de portée générale. Il fallait une faute détachable du contrat.
Mais progressivement, la jurisprudence en est venue à considérer que l’inexécution de
l’obligation contractuelle suffisait à fonder l’existence d’une faute délictuelle. La solution a
finalement été consacrée par l’assemblée plénière dans un arrêt du 6 octobre 2006 : « le tiers à
un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement
contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ».

– Un tiers peut également invoquer un contrat, non pour rechercher la responsabilité d’une
partie, mais pour échapper à une obligation dont il serait sinon tenu. Une espèce permet
d’illustrer l’hypothèse : le président de deux sociétés se porte caution des engagements de
celles-ci envers une banque. À la suite d’une expropriation, les créances garanties par le
cautionnement sont cédées à une autre banque. La première banque ayant poursuivi la caution
en paiement, celle-ci réplique que la banque n’avait plus qualité pour agir en raison de la cession
de créance intervenue.

La cour d’appel ayant rejeté cette argumentation en observant que la caution ne pouvait se
prévaloir de la convention de cession à laquelle elle n’avait pas été partie, la Cour de cassation
la censure aux motifs que, « en statuant ainsi, alors que, s’ils ne peuvent être constitués ni
débiteurs, ni créanciers, les tiers à un contrat peuvent invoquer, à leur profit, comme un fait
juridique la situation créée par ce contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (C. civ., art.
1165) . On ne saurait dire plus nettement que les tiers peuvent opposer aux parties le contrat
conclu en dehors d’eux, lorsque tel est leur intérêt. Il a été jugé qu’une partie pouvait invoquer,
à titre de moyen de défense, la nullité du contrat qui lui est opposée.

C- Les groupes de contrat


En tant qu'élément de preuve, un contrat peut être invoqué par une partie ou par un tiers
afin d'étayer sa thèse, ainsi que par le juge pour forger sa conviction. Le contrat constitue alors
une sorte de « banque de données pour les tiers ». Encore faut-il que ceux-ci en aient
connaissance. En effet, si un tiers peut être particulièrement intéressé à connaître un rapport
contractuel, l’intérêt à l’information n’implique pas le droit à l’information. Le tiers ne saurait
donc prétendre imposer unilatéralement aux contractants une obligation d’information à son
profit.

Le principe de l’effet relatif du contrat prévu à l’article 1199 du Code civil voudrait qu’un
contrat ne puisse pas avoir de répercussion sur un autre. La doctrine et la jurisprudence ont
cependant bien voulu reconnaître l’existence de liens entre certains contrats qui constituent une
66
chaîne, notamment lorsqu’ils ont dû déterminer quel type de responsabilité pouvait être engagé
lorsque l’inexécution d’un contrat entraîne des conséquences à l’égard de tiers au contrat :

– Lorsqu’il s’agit d’une chaîne homogène de contrats translative de propriété, la responsabilité


du premier vendeur est « nécessairement contractuelle » (Cass. 1reciv., 9 oct. 1979, n°78-
12502);

– Lorsqu’il s’agit d’une chaîne hétérogène de contrats translative de propriété, la responsabilité


est contractuelle (Cass. ass. plén., 7 févr. 1986, n°84-15189 et 83-14631);

– Lorsqu’il s’agit d’une chaîne de contrats non translative de propriété (sous-contrat), la


jurisprudence a décidé qu’il s’agissait d’une responsabilité délictuelle (Cass. ass. plén., 12 juill.
1991,no90-13602) après avoir opté dans un premier temps pour une responsabilité contractuelle
(Cass. 1reciv., 8 mars 1988, n°86-18182)179.

179
Renault-Brahinsky, Corinne, « L’essentiel du droit des obligations », LES CARRES, Gualino, 2018, p « 74 ».
67
Exemples
Type de chaîne de contrats Solutions Que se passe-t-il en cas de
litige ?
Responsabilité du premier M. Jean vend sa maison à M.
Chaîne homogène de contrats vendeur « nécessairement Jacques qui la vend à M. Paul,
translative de propriété contractuelle » (Civ. 1re, 9 elle s’écroule : M. Paul dispose
octobre 1979180) d’une action contractuelle contre
M. Jean.
M. Jean fait construire sa maison
Ass. plén., 7 février à M. Jacques qui achète des
Chaîne hétérogène de contrats 1986181:responsabilité volets à M. Paul. Les volets ne
translative de propriété contractuelle fonctionnent pas. M. Jean
dispose d’une action
contractuelle contre M. Paul.
M. Jean conclut un contrat
Civ. 1re, 8 mars d’entreprise avec M. Jacques qui
1988182:responsabilité sous-traite tout ou partie du
Chaîne de contrats non translative contractuelle Ass. plén., 12 travail à M. Paul. Il s’avère que
de propriété (= sous-contrat) juillet 1991183:responsabilité le toit, réalisé par M. Paul, ne
délictuelle résiste pas à la pluie. M. Jean
peut agir en responsabilité
délictuelle contre M. Paul.
Une distinction est faite selon le type de chaîne de contrats concerné :

Le mécanisme de l'article 1165 du Code civil fonde une logique de cloisonnement des
contrats, particulièrement utile pour l'affirmation de la force obligatoire du contrat et leur
distinction, et que le principe complémentaire de l'opposabilité du contrat renforce.

180
Civ. 1re , 9 octobre 1979, Bull. civ. I, nº 241, RTD civ. 1980, p. 354, obs. J. Durry
181
Ass. plén., 7 février 1986, Bull. AP, nº 2, JCP 1986, 20 616 note Malinvaud, D. 1986, Jur. p. 293,note
Bénabent, RTD civ. 1986, 364, obs. Huet, 605, obs. Rémy.
182
Civ. 1re, 8 mars 1988, Bull. civ. I, nº 69, RTD civ. 1988, p. 551, obs. Rémy, 741, obs. Mestre, 1989,p. 553,
obs. Jourdain (affaire Clic clac photo).
183
Ass. plén., 12 juillet 1991, Besse, JCP 1991, II, 21743, note Viney, D. 1991, Jur. p. 549, note Ghestin,RTD
civ. 1991, p. 750, obs. P. Jourdain, 1992, p. 90, obs. J. Mestre, Grands arrêts nº 105
68
Cependant ces deux principes conjugués ne résolvent pas la question posée par les groupes
de contrats184 qu'illustre le cas de la pluralité de contrats conclus par des mêmes contractants
(ensembles contractuels) et des chaînes de contrats. Un temps, l’hypothèse des groupes de
contrats était de nature à rompre avec le principe de l’effet relatif des contrats de façon à rendre
moins autonomes les contrats insérés dans un tel groupe, de telle manière que les effets d'un
contrat puissent se propager à d'autres contrats lorsque certaines conditions étaient respectées.

Ainsi se dégagent les chaînes de contrats : des suites de contrats unis par un même objet,
comme le cas des sous-contrats (contrat de bail et sous-contrat de bail par exemple) et des
chaînes de contrats de vente (vente et revente d'une même chose)185, où la question des liens
entre les maillons de la chaîne se pose. Ou des ensembles de contrats unis par un objectif voisin
(contrat de vente et contrat de financement de ce bien, contrat de vente et contrat de
maintenance, etc.).

Paragraphe II : Les différents types de l’opposabilité


Cependant il existe différents types d’opposabilité, d’une part l’opposabilité de principe et
d’autre part l’opposabilité limitée.

A- L’opposabilité de principe ‘L’opposabilité probatoire’


Dire que le contrat des parties est opposable aux tiers par principe emporte deux
conséquences : d’une part, les parties comme les tiers peuvent invoquer le contrat pour faire la
preuve des droits qu’il crée ou transfère, c’est l’opposabilité probatoire. D’autre part, les parties
(mais aussi les tiers) peuvent invoquer le contrat pour que ses effets substantiels soient
respectés.

Qu’il soit réel ou personnel, un droit ne peut être opposable, par hypothèse, que si celui qui
l’invoque rapporte la preuve de son existence, dans son patrimoine. Or cette preuve passe
nécessairement par celle de sa source (créance) ou de son mode d’acquisition (propriété ou
autres droits réels). Le titulaire pourra donc invoquer le contrat qui « l’a fait propriétaire » ou «
titulaire »y compris à l’égard de personnes qui en sont tierces, pour faire la preuve de son droit
de propriété ou d’un autre droit réel.

184
Cf .B. Teyssié, « Les groupes de contrats », LGDJ, Année de publication : 1975, M. Bacache-Gibelli, « La
relativité des conventions et les groupes de contras », LGDJ, Année de publication : 1996.
185
Cf. D. Mainguy, « La revente », Ed. Litec. 1996.
69
L’article 1200, alinéa 2 dispose spécifiquement, à propos du contrat, que les tiers « peuvent
s’en prévaloir notamment pour apporter la preuve d’un fait ». Si une partie peut opposer un
contrat pour faire la preuve d’un droit réel à l’égard d’un tiers, réciproquement, un tiers peut
tout à fait opposer l’existence d’un droit réel en invoquant le contrat d’une partie.

Un exemple en est donné par le droit de la responsabilité délictuelle : le gardien d’une


chose

– Qui en a l’usage, le contrôle, la direction – peut être responsable de plein droit des dommages
causés par celle-ci (art. 1242, al. 1er, ancien art. 1384, al. 1er). Or la jurisprudence considère
de longue date que le propriétaire d’une chose en est présumé être le gardien (v. infra, nº 1414).
La victime, agissant en responsabilité, opposera ainsi au défendeur sa qualité de propriétaire
de la chose qui a causé un dommage. Pour apporter cette preuve par tout moyen, elle pourra
invoquer le contrat d’acquisition.

B- L’opposabilité substantielle du contrat


Le contrat est opposable contre ou par les tiers en tant que fait social. La solution est acquise
de longue date s’agissant des effets réels du contrat (transfert de propriété, création de droits
réels) (1). La solution est plus récente – et aussi plus discutée – s’agissant des droits personnels
engendrés par l’accord des parties (obligations créées) (2).

1. Les effets réels du contrat


L’opposabilité est le revers, à l’encontre des tiers, de l’exclusivité sur la chose réservée au
titulaire du droit réel. Les droits réels sont donc par principe opposable erga omnes (opposable
à tous) ; ils n’obligent personne en particulier, mais s’imposent à tous. Cet axiome du droit
français appelle l’opposabilité du contrat créateur ou translatif du droit réel avec, parfois,
quelques aménagements Le contrat, en tant que mode d’acquisition des droits réels (il les crée
ou les transfère) peut être invoqué par ou contre les parties non seulement pour faire la preuve
d’un droit réel mais aussi pour obtenir le respect d’un droit réel. Le contrat créateur ou translatif
de droit réel est en effet, pour l’ayant cause, un titre de propriété (ou de titularité d’un autre
droit réel) : le droit réel est opposable à tous via le contrat en vertu duquel il a été acquis.

2. Les effets obligationnels du contrat


L’opposition entre droits réels et droits personnels avait historiquement conduit à dénier
l’opposabilité de ces derniers. Si les droits réels étaient opposables erga Omnes, les droits
personnels, disait-on, n’étaient que relatifs. Depuis le milieu du XXème siècle, on distingue
plus nettement la relativité des droits personnels de leur opposabilité : le débiteur est seul

70
contraint, mais l’état obligatoire entre le créancier et le débiteur est une réalité pour tous. La
relativité du lien n’exclut pas son opposabilité aux tiers.

La distinction de l’article 1200, alinéas 1 et 2 ; L’opposabilité du contrat à l’égard des tiers


a d’abord été une opposabilité « contre » les tiers : s’ils n’ont pas à exécuter le contrat, ils
doivent au moins le respecter, ne pas faire échec à son exécution (art. 1200, al. 1er). La question
s’est toutefois trouvée posée de savoir si la solution devait être bilatéralisée : le tiers peut-il
opposer à une partie le contrat auquel il est étranger lorsque l’inexécution du contrat lui a porté
préjudice ? L’article 1200, alinéa 2, en écho à une jurisprudence critiqué, appellera la
discussion.

Chapitre II : Les dérogations classiques à l’effet relatif du contrat vis-à-vis des tiers

L’effet relatif du contrat suit certaines dérogations classiques. Les dispositions relatives à la
simulation relative aux effets du contrat à l’égard des tiers 186(Section I). A contrario, cet effet
relatif admet quelques exceptions à savoir la stipulation pour autrui et la promesse du porte-fort
(Section II).

Section I : Le principe général de la simulation


En effet, nous allons présenter maintenant à l’interprétation de la simulation (Paragraphe
I), ainsi que son régime juridique applicable au tiers (Paragraphe II).

Paragraphe I : La simulation
La simulation est un mensonge qui suppose une dissimulation voulue. Il se réalise au
moyen de deux actes, tout en produisant des effets.

A- Définition générale
Le mécanisme de la simulation tient à la dualité des actes juridiques conclus relativement
au même objet par les parties contractantes. La coexistence de deux actes juridiques distincts –
L'un caché, venant contredire l’autre apparent – est inhérente à la structure de l’opération187.

Le plus souvent, la simulation est un moyen de fraude.

186
Corinne Renault-Brahinsky, « L’essentiel Droit des obligations », LES CARRES, Ed. Gualino, 2019, p
« 76 ».
187
Civ.1re, 13janv. 1953, Bull.civ.I, no 15, p. 12 : la simulation suppose « l’existence de deux conventions, l’une
ostensible, l’autre occulte, intervenues entre les mêmes parties, dont la seconde est destinée à modifier ou
annuler les stipulations de la première ».
71
En matière fiscale : par exemple, le prix ostensible est inférieur au prix réel, resté secret.
Ou bien encore, une fraude aux droits des créanciers : afin de soustraire un bien à leur gage, un
débiteur le vend fictivement à un compère. Plus rarement, elle est innocente : par exemple, un
commerçant désirant ne pas révéler ses marchés à un concurrent les fait conclure par un prête-
nom.

Ses effets sont dominés par trois principes, qui doivent se combiner. L’autonomie de la
volonté impose de respecter la volonté réelle, c'est-à-dire l’acte secret (la contre-lettre). La
théorie de l’apparence doit autoriser les tiers de bonne foi à se prévaloir de l’acte apparent
(l’acte ostensible). La fraude doit être découragée, ce qui peut amener à annuler soit la contre-
lettre, soit à la fois la contre-lettre et l’acte apparent.

Parce que le libéralisme économique inspire notre droit des contrats, l’autonomie de la
volonté l’emporte en général, sauf à être parfois corrigée par les deux autres règles. Ce qui est
sans doute de mauvaise politique législative : il serait opportun de toujours annuler l’acte secret
qui, le plus souvent, est frauduleux188.

B- La variété de la simulation
La simulation prend des formes variées ; quand elle est frauduleuse, elle est souvent
ingénieuse. Ayant pour objet une convention, elle peut porter sur chacun de ses éléments : son
existence, sa nature, l’identité des parties ou l’objet de l’obligation.

1. Objet de la simulation
a) Soit sur l’existence même de l’acte, en réalité fictif. Une vente est ostensiblement conclue
entre un propriétaire accablé de dettes et un de ses compères, mai il est en secret stipulé
que la propriété demeura au vendeur ; l’opération est en réalité inexistante. Le but de
l’opération est de soustraire frauduleusement la chose à l’emprise de créancier du
propriétaire.
b) Soit sur la nature juridique de l’acte ; l’acte apparent est un acte déguisé : il se présente
ostensiblement comme une vente, mais une contre-lettre stipule que le prix n’est pas dû
par le prétendu < acheteur > ; l’opération est une donation.
Le déguisement a en général pour le but de frauder le fisc, car les actes à titre onéreux
supportent des droits de mutation beaucoup moins élèves que les actes à titre gratuit. Il

188
J.Carbonnier, n°87 ; « le contrat », FLOUR, AUBERT et SAVAUX, t.l, n°380, estiment que la règle serait
trop brutale, en raison de la diversité des intérêts en présence.
72
peut aussi avoir pour fin de frauder les héritiers réservataires, qui ont la faculté de faire
réduire les libéralités excessive de leur auteur, mais ne peuvent critiquer ses actes à titre
onéreux : par exemple, le père de trois enfants vend pour un prix fictif un bien à l’un d’eux,
afin de l’avantager plus qu’il n’a le droit de le faire, au détriment des autres. C’est exemple
très « classique » de la dissimulation d’une partie du prix dans la vente d’immeuble189.
c) La simulation peut aussi porter sur l’identité des parties au contrat, ce que l’on appelle <
l’interposition de personnes >. Par exemple, un propriétaire veut acheter un terrain voisin ;
craignant de se voir imposer des conditions onéreuse il va réaliser l’opération par
l’intermédiaire d’un tiers, un prête-nom, qui lui en transmettra ensuite le bénéfice par
exécution d’un manda secret190. Surtout, l’interposition de personnes peut avoir pour le
but de tourner les règles sur les incapacités ainsi, la loi dispose que le patient ne peut
gratifier son médecin lorsqu’il meurt de la maladie soignée (art.909) : afin de tourner la
règle, le malade fera ostensiblement une libéralité à un tiers, secrètement chargé de la
transmettre au médecin.
d) Enfin, la simulation peut être relative à l’objet de l’obligation ; c’est, au sens strict du
terme, la contre-lettre. Par exemple, la contre-lettre augmente le prix ostensible d’une
vente, afin de frauder le fisc, qui ne connaitra que le prix figurant dans l’acte apparent.

C- Les effets de la simulation ‘La simulation licite’


La simulation n’est pas en elle-même une cause de nullité de l’opération (art. 1201).
Lorsque les parties ont agi dans un but louable, la technique de la simulation ne doit pas être
condamnée. Si elles ont agi dans un but de fraude, la simulation devra être prouvée et il
conviendra ensuite d’appliquer la convention secrète comme si elle avait été ostensible.

L’article 1321 du Code civil fait une distinction entre les rapports des parties à l’acte et les
rapports avec les tiers.

1. Effets à l’égard des parties


La contre-lettre produit des effets entre les parties191 :

189
Christian Lapoyade Deschamps, Laurent Bloch, Stéphanie Moracchini-Zeidenberg, « Droit des obligations »,
Universités DROIT, Ellipses, 2008, p « 101 ».
190
Cass.civ. 1re, 28 nov.2000, Bull.civ.I, n°311 ; Defrénois 2001, n°37.309, n°7, obs. crit. R.Libchaber :
l’interposition de personnes ne suppose pas que l’acte ostensible et l’acte secret aient été conclus entre les
mêmes personnes ; le tiers (en espèce, un préteur) peut donc agir contre le cocontractant du prête-nom, ou contre
celui-ci.
191
ANCEL (P.), « Force obligatoire et contenu obligationnels du contrat », RTD civ. 1999, p. 774
73
– Si le contrat est lui-même parfaitement régulier, l’accord secret s’applique parce qu’il
correspond à la volonté réelle des parties ;

– Si l’accord secret est irrégulier, il sera nul pour irrégularité mais pas pour simulation puisque
la simulation est licite. La technique de la simulation est en elle-même neutre, c’est-à-dire
qu’elle ne rend pas valable l’acte secret qui, ostensible, aurait été nul, mais la simulation ne
rend pas nul l’acte simulé qui est en lui-même valable. Ainsi, la donation déguisée derrière une
vente est valable, même si elle n’a pas été constatée par acte authentique (qui est obligatoire en
matière de donation), dès lors que les conditions de forme de l’acte apparent (même réduites
dans la mesure où la vente est un contrat consensuel) sont respectées. Pour s’appliquer entre les
parties, l’accord secret doit être invoqué et prouvé.

2. Effets à l’égard des tiers


En principe, la contre-lettre est inopposable aux tiers. Par exceptions, peuvent se voir
opposer la contre-lettre :

– Les tiers de mauvaise foi lorsqu’ils connaissaient l’acte secret ;

– Les ayants cause universels de l’une ou de l’autre des parties parce qu’ils remplacent les
parties sauf lorsqu’ils agissent pour défendre un droit qui leur est propre, par exemple les
héritiers réservataires qui agissent pour défendre leur réserve face à une donation déguisée. Les
tiers ont le droit de se prévaloir de l’acte secret : lorsqu’ils y ont intérêt, les tiers peuvent aussi,
comme les parties, intenter une action en déclaration de simulation. Pour les tiers, la preuve de
la simulation est libre.

Un conflit peut exister entre les tiers, les uns se prévalant de l’acte apparent, les autres de
l’acte secret. Dans un tel cas, la jurisprudence fait prévaloir les intérêts de ceux des tiers qui
invoquent l’acte apparent.

Paragraphe II : Régime juridique de la simulation


Seule sera sanctionnée la simulation frauduleuse. Aussi bien étudiera-t-on le droit commun
de la simulation (A), puis les règles particulières qui jouent en cas de simulation frauduleuse
(B).

A- Principe de la solution
Bien qu'impliquant nécessairement un mensonge, la simulation est neutre. Elle ne rend pas
nul ce qui est valable, non plus qu'elle ne rend valable ce qui est nul. Dès lors un problème
apparaît : l'acte ostensible et l'acte secret se contredisant en tout ou en partie, il faut rechercher

74
celui qui va finalement l'emporter. Afin de répondre à cette question, il est nécessaire de
remonter aux principes. L’autonomie de la volonté impose de respecter la volonté réelle des
parties. Celle-ci étant renfermée dans l’acte secret, c’est celui-ci qui devrait prévaloir.

1. Effet de la contre-lettre
En prévoyant que la contre-lettre peut avoir effet entre les parties contractantes, l'article
1201 marque que la discordance entre l'acte apparent et l'acte secret se résout entre celles-ci au
bénéfice du second. La primauté appartient à l'acte secret, en tant qu'il exprime le véritable
accord des parties. La solution postule, à l'évidence, que l'acte secret n'est pas, du seul fait de
son caractère occulte, frappé de nullité. On peut faire secrètement ce qu'on a le droit de faire
ouvertement. Mais, à l'inverse, la simulation ne saurait évidemment conférer à l'acte une validité
qu'il n'a pas. La simulation, dit-on, est neutre.

2. Conditions de validité
L'acte secret l'emportant, toutes les conditions de fond auxquelles la loi subordonne la
validité de l’acte juridique doivent être réunies dans celui-ci. Les conditions de fond –
consentement, capacité, contenu certain et licite – s’apprécient donc dans l’acte occulte192.

En revanche, les conditions de forme sont celles de l’acte apparent. Constituant la façade
de l’opération, celui-ci doit pouvoir faire illusion. Il en résulte que l’acte caché emprunte, en
quelque sorte, la forme de l’acte apparent. Par exemple en cas de donation déguisée derrière
une vente, celle-ci sera valable bien qu’elle n’ait pas été constatée par un acte authentique
comme l’exige l’article 931 du Code civil, car la seule forme à respecter est celle de l’acte
apparent, la vente, laquelle est un contrat consensuel 193
.Encore faut-il pour que l’acte caché
l’emporte, que la simulation soit démontrée, que le caractère fictif de l’acte ostensible soit
prouvé.

192
S’agissant de la cause, la preuve de sa fausseté faisant présumer son absence, il a été jugé que le bénéficiaire
de la créance née de l’acte apparent doit démontrer l’existence d’une autre cause licite (Civ.1re, 20déc. 1988,
Bull.civ.I, n° 369, p. 249, D.1990.241, note J.P.Marguénaud, Defrénois 1989.759, obs. Aubert, RTD civ.
1989.300, obs. J.Mestre). Autrement dit, l’art.1132 ne joue pas car on est en présence non d’un acte silencieux
quant à sa cause, mais d’un acte dont la fausseté de la cause est établie.
193
Civ.1re, 29 mai 1980, Bull.civ. I, n° 164, p. 131, (« les libéralités faites sous le couvert d’actes à titre onéreux
sont valables lorsqu’elles réunissent les conditions de forme requises pour la constitution des actes dont elles
empruntent l’apparence, les règles auxquelles elles sont assujetties quant au fond étant celles propres aux actes à
titre gratuit ») ; 27oct. 1993, JCP1993. IV.228, D.1994. IR14. V. déjà Civ.31mai 1813, S.chron., GAJC, t.1, n°
130.
75
3. Preuve de l’acte secret
L'existence de l'acte secret sera établie au moyen d'une action en déclaration de
simulation194. Se prescrivant traditionnellement par trente ans195, celle-ci est soumise depuis la
loi du 17 juin 2008 à la prescription de cinq ans (C. civ., art. 2224). Ce délai court, en principe,
à compter du jour de l’acte argué de simulation, puisque les parties connaissaient à cette date
les faits leur permettant de l’exercer. L’acte secret ne peut être établi, dans son existence et sa
teneur, que conformément aux règles ordinaires de preuve des actes juridiques. Il faut dès lors
distinguer selon que la convention ostensible a été ou non passée par écrit.

B- Situation des tiers


Aux termes de l'article 1201 du Code civil, la contre-lettre « n'est pas opposable aux tiers».
Autrement dit, non seulement les contre-lettres n'ont pas d’effets directs à l’égard des tiers
comme le veut l’article 1199, mais aussi pas d’effets indirects. Mais c’est évidemment au regard
des tiers pour lesquels l’opposabilité du contrat présente un relief particulier – créancier
chirographaire, ayant cause à titre particulier – que la solution prend toute son importance. Par
cette solution, on entend sauvegarder la sécurité juridique. Tout en étant valable entre les parties
parce qu’elle exprime leur volonté réelle, la contre-lettre ne sera pas opposable aux tiers parce
que ceux-ci n’ayant connu que l’acte apparent n’ont pu se déterminer que par rapport à lui. Mais
le fondement même de cette règle permet de lui apporter certains aménagements.

C- Fraus omnia corrumpit 196


Lorsque la simulation est frauduleuse, le droit s'emploie à rendre inefficace le subterfuge
en rétablissant l'autorité de la loi tournée. Ce rétablissement passe tantôt par l’inopposabilité197,
tantôt par la nullité de tout ou partie de la combinaison illicite. Et de fait, si la fraude est la cause
impulsive et déterminante de la simulation, l’acte est entaché de nullité pour but illicite. Aussi
bien les textes prévoient-ils cette nullité expressément dans certains cas.

Section II : Les exceptions de l’effet relatif du contrat à l’égard des tiers


Au-delà, les dérogations classiques à l’effet relatif concernent la stipulation pour autrui
(Paragraphe I), et la promesse de porte-fort (Paragraphe II).

194
Civ. 1re, 9mai 1955, D.1955.467.
195
Civ.1re, 9nov. 1971, D.1972.302.
196
La fraude corrumpit tout.
197
Sur les rapports entre l’action en déclaration de simulation et l’action paulienne, v.ss 1576s. ; v.aussi Ghestin,
Jamin et Billiau, no 819 ; J.Mestre, obs., RTD civ. 1985.370.
76
Paragraphe I : Stipulation pour autrui
La stipulation pour autrui est un mécanisme sui generis, qui ne peut se réduire à un autre
schéma de la théorie générale des obligations, comme en témoignent ses conditions (A) et ses
effets (B).

A- Définition et domaine de la stipulation


C’est l’opération par laquelle le stipulant demande au promettant de s’engager au profit du
tiers, le bénéficiaire.

L’article 33 du DOC pose la règle suivante : « Nul ne peut engager autrui, ni stipuler pour
lui, s'il n'a pouvoir de le représenter en vertu d'un mandat ou de la loi ». Mais l’article 34 autorise
la stipulation pour autrui : « Néanmoins, on peut stipuler au profit d'un tiers, même indéterminé,
lorsque telle est la cause d'une convention à titre onéreux que l'on fait soi-même ou d'une
libéralité que l'on fait au promettant ».

Ainsi définie, la stipulation pour autrui est l'opération juridique par laquelle une personne
(le stipulant, par exemple l'assuré en matière d'assurance-vie) obtient d'une autre personne (le
promettant l'assureur) qu'elle s'engage envers une troisième personne (le tiers bénéficiaire) à
effectuer une prestation (le versement d'un capital ou d'une rente en matière d'assurance-vie).
Le tiers bénéficiaire devient créancier sans avoir participé au contrat. C'est pour- quoi la
stipulation pour autrui constitue une exception réelle à l'effet relatif des conventions198.

Le mécanisme199 de la stipulation pour autrui est une figure contractuelle encore plus
originale, une opération à trois personnes. L’article 1165 C.civ réserve expressément
l’exception de l’article 1121 du Code civil relatif à la stipulation pour autrui qui est également
une exception à l’article 1119 du Code civil : « On peut pareillement stipuler au profit d’un
tiers, lorsque telle est la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou d’une
donation que l’on fait à une autre ».

C’est la seule disposition que le Code civil a réservée à cette institution très ancienne, dans
des conditions au départ extrêmement limitées (conditions d’un contrat pour soi et pour un tiers,
ou donation avec charge) et que la jurisprudence et des lois postérieures ont ensuite élargies
pour intégrer d’autres mécanismes et notamment, le contrat d’assurance.

198
P.Canin, « Les obligations », Droit civil, Hachette, 2013, p « 72 ».
199
D.Mainguy, J-L.Respaud, « Droit des obligations », Cours magistral, Ellipses, 2008, p « 184, 185 ».
77
L’exemple type est fourni par le mécanisme de l'assurance, l'assurance-décès par exemple:
contrat conclu entre un stipulant, l'assuré, et un promettant, l'assureur, obligeant celui-ci à
verser, au jour du décès, un capital à un tiers bénéficiaire200 mais aussi par l'assurance-
responsabilité, par lequel un stipulant conclu contrat à un promettant au profit de n'importe quel
bénéficiaire, qui aurait à souffrir d'un préjudice causé par l'assuré. Dans la stipulation pour
autrui, l'atteinte à la relativité des contrats est certaine, puisque la convention fait naître un droit
sur la tête d'un tiers qui n'était et ne devient pas partie posera les caractères généraux puis le
régime de ce mécanisme201.

Son analyse juridique doit expliquer qu'avant toute acceptation, le tiers a un droit propre
contre le promettant, résultant d'un contrat auquel il n'a pas été partie. Les juristes classiques
ont eu du mal à y parvenir, imprégnés de l'idée que le contrat était l’affaire des parties. Deux
analyses, surtout, ont été tentées, l'une partant de l'offre, l'autre de la gestion d'affaires; c'est-à-
dire qu'elles ont utilisé des institutions connues, afin de justifier ce qui était inconnu; c'est
toujours ainsi que le droit progresse. Ce genre de méthode est aujourd'hui inutile, car la
stipulation pour autrui est devenue une institution autonome.

On voit qu'il faut expliquer quatre positions.

1° Le tiers a un droit direct.

2°Le tiers acquiert un droit immédiatement, de la stipulation, avant même son propre contre le
promettant et n'est donc pas l'ayant cause du stipulant acceptation.

3° Son droit n'est définitif que par son acceptation.

4° Jusqu'à cette le stipulant peut révoquer le droit du tiers. Ce sont ces quatre propositions qu'a
tenté d'expliquer l'analyse recourant à la gestion d'affaires.

L’article 1203 affirme le principe selon lequel «On ne peut s’engager en son propre nom que
pour soi-même». L’article 1205, alinéa 1er pose néanmoins le principe de la validité de la
stipulation pour autrui (« On peut stipuler pour autrui») alors que l’ancien article 1121 exigeait
qu’elle soit « la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou d’une donation que
l’on fait à un autre».

200
Cass. civ., 16 janv. 1888, Grands arrêts, n° 169.
201
P.Malaurie, L.Aynès, Philippe S.Munck, « Droit des obligations », Droit civil, Lextenso, 2015, p « 422 ».
78
Désormais, l’article 1205 déclare clairement dans son 2e alinéa que « L’un des
contractants, le stipulant, peut faire promettre à l’autre, le promettant, d’accomplir une
prestation au profit d’un tiers, le bénéficiaire ».Le nouveau texte confirme la jurisprudence
selon laquelle la stipulation pour autrui est valable dès lors que le stipulant y trouve au moins
un intérêt moral, même si le principe n’est pas formulé ainsi (Civ. 1re, 12 avr. 1967).Le
bénéficiaire de la stipulation doit être déterminable (art. 1205, al. 2, in fine): il peut s’agir d’une
personne future mais il « doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de
l’exécution de la promesse ». Cette solution était depuis longtemps admise par la jurisprudence
(Civ., 28 déc. 1927), notamment en droit des assurances, afin d’assurer le bon fonctionnement
des contrats d’assurance-vie.

B- Acceptation et révocation
Il n’est pas nécessaire pour que le bénéficiaire acquière son droit, qu’il accepte la
stipulation. L’originalité de l’institution tient précisément à ce que la naissance de son droit est
antérieure à son acceptation ; elle date de la conclusion du contrat entre promettant et stipulant.
Son consentement ne donne pas naissance à son droit : en cela, la stipulation pour autrui déroge
à l’article 1165.

1. La révocation par le stipulant202


Le deuxième alinéa de l’article 1206 conduit à opérer une distinction :

– Tout d’abord, l’article précise que le stipulant peut révoquer la stipulation tant que le
bénéficiaire ne l’a pas acceptée. Cela pose la question des conditions d’exercice de ce droit de
révocation (C. civ, art. 1207) ;

– Ensuite, il est possible de déduire par une interprétation a contrario que la révocation de la
stipulation n’est plus possible une fois que le bénéficiaire l’a acceptée. La volonté du stipulant
sera alors sans effet. Le droit du bénéficiaire sur la créance est alors définitif. Notons pour finir
que la révocation s’analyse comme un acte juridique unilatéral (sur les modalités de la
révocation : infra, C. civ, art. 1207203).

202
Jamin C. et Dissaux N., « Projet de réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations », Supplément au Code civil Dalloz, Dalloz, 2015, p « 111 ».
203
C. civ., art. 1207
79
2. Le régime de l’acceptation
Le pouvoir d’accepter est réservé, de son vivant, au bénéficiaire. La conjonction de
coordination « ou» marque une alternative : si le bénéficiaire est décédé, ses héritiers pourront
accepter. C’est la consécration d’une solution prétorienne (Cass. req., 22 juin 1859: D. 1859, 1,
p. 385 ; Cass. req., 27 févr. 1884, D.1888, 1, p. 389). Le bénéfice de la stipulation se transmet
donc à cause de mort. C’est une simple conséquence de la transmission de plein droit des droits
aux héritiers de la personne décédée (C. civ., art. 724).En pratique, la question se pose de savoir
si un créancier du bénéficiaire peut exercer une action oblique pour accepter à sa place (C. civ.,
art. 1341-1).

C- Rapports juridiques que la stipulation pour autrui établit entre les intéressés
Comme dans toute opération triangulaire, trois séries de rapport sont à envisager : les
rapports entre le stipulant et le promettant, les rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire,
les rapports entre le stipulant et le tiers bénéficiaire204.

1. Rapports entre le stipulant et le promettant


Le contrat entre stipulant et promettant sur lequel est greffée la stipulation pour autrui
produit ses effets conformément au droit commun. Une question fait difficulté : le stipulant
peut-il agir contre le promettant qui ne remplit pas ses engagements vis-à-vis du tiers
bénéficiaire ? Le stipulant peut utiliser les recours de droit commun : ne pas exécuter ses
obligations envers le promettant, en vertu de l’exception d’inexécution (v. ss 178), demander
la résolution du contrat pour inexécution. Mais la jurisprudence lui a reconnu un droit d’agir
directement contre le promettant205.L’ordonnance confirme ces solutions (C. civ., art. 1209).

2. Rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire


Le tiers a un droit direct contre le promettant206: il peut agir directement en exécution pour
obtenir la prestation promise. Ce droit naît dès le jour du contrat entre stipulant et promettant,
même s’il ne se consolide que lors de l’acceptation du tiers : ainsi s’explique que l’acceptation
puisse intervenir après le décès du stipulant207ou émaner des héritiers du tiers bénéficiaire après
son décès.

204
Terré, François Simler, Philippe Lequette, Yves, « Droit civil les obligations », Précis, Dalloz, 2018, p
«786 ».
205
Civ. 12 juill. 1956, D. 1956. 749, note Radouant
206
Civ. 16 janv. 1888, cité et C. assur., art. L. 132-14 en matière d’assurance-vie
207
Req. 22 juin 1891, DP 1982. 1. 205
80
3. Rapports entre le tiers bénéficiaire et le stipulant
Le stipulant peut révoquer la stipulation tant que le tiers ne l’a pas acceptée. L’ordonnance
confirme cette solution (C. civ., art. 1206 al. 2). Ce droit de révocation est une faculté réservée
au seul stipulant, voire ses représentants208, la jurisprudence l’ayant étendu aux héritiers209.

Les relations entre le tiers bénéficiaire et le stipulant ne sont pas la conséquence de la


stipulation pour autrui, sauf de manière indirecte : le stipulant a indirectement un rapport avec
le tiers, par le début du promettant.

Si elles n’en sont pas la conséquence, ces relations sont pourtant le but de la stipulation
pour autrui, la prestation que la stipulant veut conférer au tiers par l’intermédiaire du
promettant. On peut donc dire que la cause de la stipulation pour autrui est l’intérêt que poursuit
le stipulant lorsqu’il procure une prestation à un tiers.

1° Intérêt qui peut être un titre onéreux : le stipulant a une dette envers une autre tiers
qu’éteindra le paiement fait par le promettant au tiers.

2° Intérêt qui peut aussi être un titre gratuit : par exemple, l’assurance sur la vie permet de faire
une libéralité à un tiers. Si la cause de cette libéralité est illicite ou immorale, ce qui est nul
n’est pas le contrat d’assurance mais seulement la stipulation autrui, c'est-à-dire l’indication du
bénéficiaire.

D- La personne du tiers bénéficiaire


La stipulation pour autrui implique, par définition, l'existence d'un tiers bénéficiaire. À
quelles conditions doit-il répondre ? L’article 1205 répond à cette interrogation : « ce dernier
(le tiers bénéficiaire) peut être une personne future mais doit être précisément désigné ou
pouvoir être déterminé lors de l'exécution de la promesse ». On envisagera ces différents cas.

1. Stipulation au profit d’une personne déterminée et vivante


Ce cas ne soulève aucune difficulté. Il n'est pas douteux, tout d'abord, qu'on n'exigera pas
de cette personne la capacité d’exercice : elle n’est pas partie au contrat, elle n’a pas de volonté
à manifester en vue de l’acquisition de son droit ; peu importe donc que le tiers bénéficiaire soit
mineur, ou majeur en tutelle ; de tels incapables peuvent devenir créanciers en vertu d’un contrat

208
Civ. 1re , 31 mars 1992, D. 1992. 508, note J. Massip ; JCP 1993. II. 22113, note Ramarolanto-Ratiaray.
209
Req. 22 juin 1859, DP 1859. 1. 385 ; S. 1861. 1. 151. Comp., en matière d’assurance-vie, C. assur.,art. L.
132-9, al.3:«Ce droit de révocation ne peut être exercé, après la mort du stipulant, par ses héritiers, qu’après
l’exigibilité de la somme assurée et au plus tôt trois mois après que le bénéficiaire a été mis en demeure par acte
extrajudiciaire, d’avoir à déclarer s’il accepte ».
81
passé entre deux autres personnes. Les seules incapacités dont on est conduit à faire état sont
les incapacités de jouissance, celles qui enlèvent l’aptitude à être titulaire d’un droit : il faudra
notamment que le tiers bénéficiaire soit capable de recevoir à titre gratuit si, dans ses rapports
avec le stipulant, la stipulation constitue une libéralité.

2. Stipulation au profit de personnes indéterminées


Certains contrats de concession de service public contiennent des stipulations au profit des
futurs usagers : on ne sait pas, au moment du contrat, quels seront les usagers. Mais ceux-ci
seront déterminés au fur et à mesure qu’ils se trouveront dans les conditions requises. De même
la stipulation pour autrui est valable dans l’hypothèse de l’assurance pour le compte de qui il
appartiendra. Le propriétaire d’une chose veut l’assurer contre le risque de perte, mais la chose
est destinée à changer plusieurs fois de propriétaire.
On veut que chaque propriétaire successif puisse se prévaloir de l’assurance, si la chose
périt entre ses mains ; d’où l’assurance « pour le compte de qui il appartiendra », qui est très
fréquente en droit maritime pour les marchandises expédiées par navire, souvent vendues
plusieurs fois au cours du trajet. Cette assurance oblige l’assureur, non seulement envers le
propriétaire présent, mais envers celui qui sera propriétaire au moment du sinistre. Le
bénéficiaire est indéterminé au moment du contrat et l’assurance est pourtant valable210.

3. Stipulation au profit de personnes futures


La validité d'une telle stipulation paraît se heurter à une objection de principe, dès lors que
l'on admet, avec notre droit positif, que le droit naît directement du contrat, sans intervention
du bénéficiaire : on ne peut pas comprendre l'existence du droit tant que le bénéficiaire n'existe
pas ; ce serait un droit sans titulaire. On répondait à cela que les effets du contrat seront retardés
jusqu'à l'existence du bénéficiaire ; il n'y a à cela aucune impossibilité. Les choses futures
peuvent être l'objet d'un contrat, les effets du contrat étant simplement retardés jusqu'à
l'existence de la chose (v. ss 362). La jurisprudence n’a jamais hésité à reconnaître la validité
des stipulations pour autrui au profit de personnes futures quand la stipulation est faite au profit
d’un groupe indéfini de personnes appelées à en bénéficier au fur et à mesure qu’elles se
trouveront dans les conditions requises.

210
Civ. 5mars 1888, DP88. 1.365, S.88. 1.313.
82
4. Absence de tiers bénéficiaire
Il y a lieu d'envisager l'éventualité où il n'y a pas de tiers bénéficiaire, soit que le stipulant
qui s'était réservé la possibilité de désigner le bénéficiaire décède sans l'avoir fait, soit qu'il ait
désigné une personne n'existant pas, par exemple sa femme, alors qu'il décède sans s'être marié,
ou n'existant plus, par exemple le bénéficiaire qui décède après le stipulant mais sans avoir
déclaré son acceptation. Le législateur a prévu la situation pour l’assurance sur la vie : « Lorsque
l’assurance en cas de décès est conclue sans désignation d’un bénéficiaire, le capital ou la rente
garantis font partie du patrimoine ou de la succession du contractant » (C. Assur., art. L. 132-
11). La même règle doit être admise dans les autres cas de stipulation pour autrui. Elle est
toutefois écartée lorsque le stipulant a désigné des bénéficiaires en sous ordre211.

Paragraphe II : La promesse du porte-fort


Dans cette section nous allons s’avancer sur la nature et les effets de la promesse du porte-
fort.

A- Porte-fort de ratification
La promesse de porte-fort est régie par l’article 1204 du Code civil, issu de l’ordonnance
du 10 février 2016 ayant réformé le droit commun des contrats. Avant la réforme, elle l’était
par l’article 1120 du Code civil qui visait, avant tout, l’hypothèse dans laquelle une personne
promet qu’elle « ratifiera » l’engagement qu’elle souscrit, c’est-à-dire donnera son
consentement à l’engagement pris par le promettant212.

Par promesse de porte-fort, on vise traditionnellement le porte-fort de ratification. C’est


l’hypothèse classique d’une personne qui conclut un contrat pour un tiers en promettant que
celui-ci le ratifiera par la suite. Autrement dit, se porter fort pour autrui, ce n’est pas engager
autrui, c’est promettre qu’autrui s’engagera. Le porte-fort promet donc personnellement à son
cocontractant d’obtenir l’engagement d’un tiers à l’égard de celui-ci. C’est dire que le tiers n’est
pas lié par cette promesse. Et s’il refuse de faire ce qu’on attendait de lui, c’est le porte-fort qui
sera seul tenu à des dommages-intérêts envers son cocontractant213.

211
Civ.1ère, 9juin 1998, Defrénois 1998.1416, obs. Delebecque
212
Bourassin, Manuella, Brémond, Vincent, « Droit des sûretés », Sirey, Dalloz, 2017, p « 331,332 ».
213
François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, François Chénedé, « Droit civil les obligations », PRECIS,
Dalloz, 2019, p « 772 ».
83
1. Définition
L’application la plus classique du porte-fort est relative à la ratification par un tiers d’un
acte juridique.

La promesse de porte-fort appartient alors à la catégorie des promesses de contracter un


contrat dont la nature est déterminée dans l’acte. La promesse est celle faite par le promettant
au bénéficiaire qu’autrui contractera. Ce n’est donc pas une promesse de contracter soi-même,
mais la promesse qu’autrui contractera. Par exemple, le dirigeant d’une société peut se porter
fort à l’égard d’un acheteur que les autres associés de la société lui vendront leurs parts ou
actions.

2. Autonomie
La promesse de porte-fort est un contrat indépendant des relations préexistantes entre les
parties. Une décision importante l’a énoncé justement à propos d’une promesse de porte-fort-
sûreté. Selon elle, « la promesse de porte fort est un engagement personnel autonome d’une
personne qui promet à son cocontractant d’obtenir l’engagement d’un tiers à son égard ». Il faut
en déduire que le contrat de porte-fort n’a pas pour cause objective l’acte juridique préexistant
entre l’une ou l’autre partie et un tiers. Si elle est considérée comme systématique, l’autonomie
de la promesse de porte-fort est contestable. Lorsque le contrat projeté est dans la dépendance
d’un autre contrat, la promesse de porte-fort ayant pour objet la négociation de ce contrat
accessoire ne peut conserver son autonomie. En revanche, si le contrat projeté est autonome, la
promesse de porte-fort le sera effectivement.

B- Porte-fort d’exécution
La pratique a donné naissance à une seconde sorte de porte-fort, le porte-fort d’exécution.
Dans cette hypothèse, le promettant ne s’engage pas à ce que le tiers conclut ou ratifie le contrat
mais à ce qu’il exécute son obligation contractuelle. C’est le cas du cédant d’un fonds de
commerce qui promet à son ancien fournisseur que le cessionnaire respectera les contrats
d’approvisionnement et continuera à se fournir auprès de celui-ci. Mécanisme de garantie, le
porte-fort d’exécution a pu être présenté comme un « substitut au cautionnement214 ».

214
Ph. Simler, « Les solutions de substitution au cautionnement », JCP1990. II.2427 ; voir aussi Ph.Dupichot, Le
pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, thèse ParisII, 2003, p. 326s., n°421s.
84
1. Définition
Le porte-fort peut promettre le fait d’autrui en général, et pas seulement son consentement
à un acte juridique en particulier. Aussi bien peut-il s’engager à ce qu’un tiers exécute un
engagement valablement et préalablement contracté. C’est ce que l’on appelle le porte-fort
d’exécution par opposition au porte-fort de ratification. Autrement dit, le fait d’autrui, formant
l’objet de la promesse de porte-fort, peut être le paiement d’un engagement.

Dès lors, si le débiteur n’exécute pas son engagement, le porte-fort, qui a promis son
paiement, est tenu d’indemniser le créancier bénéficiaire de la promesse de porte-fort. La
Chambre commerciale a consacré l’existence du porte-fort d’exécution d’une façon
spectaculaire en précisant que« celui qui se porte fort de l’exécution d’un engagement par un
tiers s’engage accessoirement à l’engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le
tiers ne l’exécute pas lui-même».

2. Formation du PE
En ce qui concerne ses conditions de validité, l’article 1128 du Code civil lui est
évidemment applicable. Ainsi, le promettant doit consentir librement et de manière éclairée à
l’acte, et doit être capable. La promesse de porte-fort doit avoir un contenu licite et certain. Il
sera donc nécessaire d’identifier dans l’acte la créance dont le promettant garantit l’exécution.
Mais l’autonomie du porte-fort d’exécution a conduit la Cour de cassation à considérer que le
tiers, dont l’engagement est garanti, peut être un incapable36. La solution est parfaitement
fondée. Il est possible, alors même qu’il s’agit d’un engagement accessoire, de garantir par un
cautionnement la dette d’un incapable (C. Civ., art. 2289, al. 2 ; cf. supra). Il aurait été incongru
de refuser cela dans le cadre d’un engagement autonome.

3. Exécution de PE
En cas d’inexécution de ses obligations par le tiers, le promettant devient lui-même
défaillant. Il encourra donc des sanctions. Au contraire de la caution, le promettant ne s’engage
pas à payer ce que devait le tiers, mais à indemniser le créancier du préjudice en résultant. Sa
responsabilité contractuelle pourra ainsi être engagée : le promettant sera redevable de
dommages-intérêts au créancier. S’agissant d’une garantie indemnitaire autonome, le montant
de ces dommages-intérêts peut être inférieur, égal ou supérieur au montant de la créance
garantie.

85
C- Effets à l’égard du promettant215
Le porte-fort d’exécution se confondant avec un cautionnement, il convient d’envisager le
régime du porte-fort de ratification qui n’est d’ailleurs pas sans rapport avec le droit des sûretés.
Il faut distinguer deux situations selon que le tiers ne ratifie pas ou, au contraire, ratifie l’acte.

Le promettant, c’est-à-dire le porte-fort, est engagé à obtenir le consentement du tiers. Dès


lors, si le tiers s’engage lui-même, le porte-fort est libéré, il a rempli son obligation. En
revanche, si le tiers refuse le contrat initial, le porte-fort n’a pas accompli son obligation, il sera
responsable envers son contractant et devra lui verser des dommages-intérêts.

D- Effets à l’égard du tiers


Il est désormais beaucoup plus évident que la promesse de porte-fort ne consiste pas à
engager autrui mais à s’engager soi-même à ce que le tiers s’engage.

Seul le promettant s’engage, le tiers gardant la possibilité ou non de ratifier et de s’engager :

Si le tiers accomplit le fait promis Si le tiers n’accomplit pas le fait promis

Le promettant engage sa responsabilité


Le porte-fort est libéré
contractuelle

• Porte-fort de Il peut être condamné à verser d es


Porte-fort de conclusion
dommages et intérêts au bénéficiaire de la
ratification • Porte-fort
d’exécution promesse, conformément à la
jurisprudence.
,Civ.
(n°
re 2674-10356
novembre
1 re
1975
Civ. 1 , 26 novembre 1975
215
Corrine Renault-Brahinsky, « Droit des obligations », FAC universités, Gualino, 2007,(N°
p «74-10356)
234 ».
86
« L’inexécution de la promesse du porte-
fort ne peut être sanctionnée que par le
condamnation de son auteur à des
dommages et intérêts ».
Le tiers est Le tiers est
engagé engagé pour
rétroactivement l’avenir

1. Le tiers ratifie
Le tiers étant complètement libre de ne pas ratifier l’acte, il se peut qu’il ne le fasse pas.
Dans cette hypothèse, le contrat projeté ne se formera pas. Le promettant est seul engagé par sa
promesse, et seul responsable du défaut de ratification par le tiers dont il a promis l’accord. Il
s’engage par une obligation de résultat à ce que le tiers contracte le contrat projeté. En
conséquence, la non-obtention de la ratification par le tiers engage sa responsabilité, sans qu’il
soit nécessaire de prouver sa faute. L’inexécution par le promettant du pacte de porte-fort est
sanctionnée par des dommages et intérêts, et non par l’exécution forcée de la promesse.

2. Le tiers ne ratifie pas


Si le tiers ratifie, le contrat projeté se forme entre le bénéficiaire de la promesse et le tiers.
Selon la jurisprudence, la ratification est un acte unilatéral qui n’exige pas le concours du
bénéficiaire de la promesse et qui rétroagit au jour de la conclusion de la promesse.

En principe, le porte-fort est libéré par la ratification du contrat par le tiers, sans être garant
de son exécution. Cependant, la jurisprudence tend aujourd’hui à faire du porte-fort le garant
de la bonne exécution du contrat projeté. Selon elle, le promettant n’est pas libéré par la seule
conclusion du contrat dans les termes envisagés par la promesse et demeure responsable si le
contrat ratifié par le tiers n’est pas exécuté par lui selon les termes de la promesse. La question
se pose alors de savoir quelle est la nature de cette garantie d’exécution. S’agit-il d’une garantie
autonome ou accessoire ? Est-ce un cautionnement ?

La Chambre commerciale laisse entendre que cette sûreté est un cautionnement. Selon elle,
« celui qui se porte fort de l’exécution d’un engagement par un tiers s’engage accessoirement à
l’engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l’exécute pas lui-même ».
Cette définition du porte-fort d’exécution est très proche de celle du contrat de cautionne ment.
87
L’arrêt déduit que la mention manuscrite s’y applique. La Chambre commerciale marque sa
volonté d’éviter l’émiettement des garanties personnelles, et la multiplication des solutions de
contournement au cautionnement216.

Conclusion de la Partie II

L’utilisation du régime de responsabilité délictuelle permet en principe au tiers non


seulement d’éviter les clauses du contrat qui modifient ou limitent la responsabilité, mais aussi
d’appliquer des règles de compétence différentes de celles qui auraient été soumises au
créancier de la prestation. . Le tiers est donc autorisé à utiliser le présent contrat pour fonder
son action sans être soumis à toutes les règles applicables aux contractants, ce qui confère
souvent une position plus avantageuse et des droits plus étendus vis-à-vis du débiteur du non
réalisé un service.

216
Beignier, Bernard, Mignot, Marc, « Droit des sûretés », COURS, Montchréstien, 2007, p « 265, 266, 267»
88
Effectivement, il ne peut pas appliquer le contrat, mais peut l'invoquer à son avantage tout
en contournant le régime contractuel. Par conséquent, l'action délictuelle résultant de l'action
en dommages et intérêts de la tierce partie a pour effet de rompre, voire de compromettre
l'équilibre général du contrat, en bouleversant les prévisions contractuelles sur la base
desquelles les parties avaient stipulé.

Conclusion générale

Aujourd'hui, la question de l'inexécution d'un contrat par l'une des parties pose la question
de l'impact de cette inexécution sur la situation des tiers.

Le tiers est donc autorisé à utiliser le contrat comme base de son action sans être soumis à
toutes les règles applicables aux contractants, ce qui confère souvent une position plus
avantageuse et des droits plus étendus vis-à-vis du débiteur du service non exécuté.

89
En effet, il ne peut pas appliquer le contrat, mais peut l’invoquer à son avantage tout en
contourner le régime contractuel. Par conséquent, l'action délictuelle résultant de l'action en
dommages et intérêts de la tierce partie a pour effet de rompre, voire de compromettre l'équilibre
général du contrat, en bouleversant les prévisions contractuelles sur la base desquelles les
parties avaient stipulé.

Cependant, le désir de respecter les attentes du débiteur défaillant n'est pas considéré
comme suffisant pour justifier le remplacement de l'action contractuelle par l'action en
responsabilité délictuelle pour le préjudice subi par une tierce partie au contrat.

Ainsi, en privilégiant le délit, les intérêts de la troisième victime sont privilégiés par rapport
aux intérêts du débiteur défaillant et en privilégiant le champ contractuel, ce sont les intérêts du
débiteur défaillant qui sont privilégiés au détriment des intérêts de la troisième victime. Serait-
on alors devant une impasse? Serait-on obligé de choisir entre deux solutions également
répréhensibles?

Actuellement, tout tiers victime d'un dommage, dont il est clair qu'il a été causé par
l'inexécution d'un contrat, est en droit d'invoquer la violation du contrat comme un délit pour
faute du contractant défaillant, le respect. Cette approche, selon laquelle les parties peuvent être
tenues responsables de leurs actes à l’égard de personnes autres que celles qui ont conclu le
contrat, ne fait qu’illustrer un changement dans l’analyse de la relation contractuelle. Le contrat
est maintenant loin de correspondre à cette conception traditionnelle qui le définit comme un
instrument de prévisibilité au service de la sécurité des parties. Il ne ressemble plus à la
conjonction d'une bulle (celle des parties) et d'un bloc fixe de droits et d'obligations.

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- Civ 3ème 19 juin 1984
- Civ 1ère, 9 octobre 1979 ; A.P. 7 février 1986
- Ass. plén. 7 févr. 1986, D. 1986. 293, note A. Bénabent ; Civ. 1re, 21 janv. 2003, Bull.
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- Ass. plén., 7 février 1986, Bull. AP, nº 2, JCP 1986, 20 616 note Malinvaud, D. 1986,
Jur. p. 293,note Bénabent, RTD civ. 1986, 364, obs. Huet, 605, obs. Rémy.
- Civ. 1re, 8 mars 1988, Bull. civ. I, nº 69, RTD civ. 1988, p. 551, obs. Rémy, 741, obs.
Mestre, 1989,p. 553, obs. Jourdain (affaire Clic clac photo).
- Cass. 3e civ., 16 nov. 1988, D.1989, p. 157, note Malaurie Ph
- Com. 25 juin 1991

94
- Ass. plén., 12 juillet 1991, Besse, JCP 1991, II, 21743, note Viney, D. 1991, Jur. p. 549,
note Ghestin,RTD civ. 1991, p. 750, obs. P. Jourdain, 1992, p. 90, obs. J. Mestre, Grands
arrêts nº 105
- V. ss 415. Ad. Com. 22 oct. 1991, Bull. civ., n°302 ; D. 1993. 181, note J. Ghestin (la
caution peut se prévaloir de la cession de créance pour refuser le paiement au cédant).
- Civ. 1re, 31 mars 1992, D. 1992. 508
- 1ère. Civ., 11 avril 1995, Bull., n° 171, p. 122, R.T.D Civ., 1995, p. 895 obs. P. Jourdain,
a fondé la condamnation d'un mandataire, vis à vis d'un tiers autre que le mandant, sur
"des fautes quasi délictuelles détachables des obligations du contrat de mandat".
- Com. 2 avril 1996, Bull., n°101.
- Civ. 1re, 3 déc. 1996, D. 1997. 151
- Com. 2 avril 1996, Bull. 1996, IV, n°101 ; Com. 17 juin 1997, Bull. 1997, IV, n°187.
- Com., 17 juin 1997, Bull., n° 187, p. 164, JCP G 1998, I, 144, G. Viney.
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- 1ère. Civ., 16 décembre 1997, n° 95-22.321.
- Com 24 mars 1998 n° 9615.694, Bull. civ. IV, n° 111, obs. P. Jourdain. (Voire note 30)
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- Civ.1ère, 9juin 1998, Defrénois 1998.1416, obs. Delebecque
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- 1ère civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221.
- 1ère civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221
- 1ère civ., 18 juillet 2000, Bull. 2000, I, n°221
- Ass. plén, 17 Novembre 2000, Bull. 2000.

- Ass. plén, 17 novembre 2000, Bull. 2000, Ass. plén., n°9.


- Cass.civ. 1re, 28 nov.2000, Bull.civ.I, n°311 ; Defrénois 2001, n°37.309, n°7
- 1ère civ. 13 février 2001, Bull. 2001, I, n°35.
- 1ère Civ., 13 février 2001, Bull., n° 35, p. 21; D. 2001, somm. com., p. 2234 obs. Ph.
Delebecque.
- Ass. plén. 13 juillet 2001, Bull. 2001, Ass. plén., n°10.
- Ass. plén., 13 juillet 2001, n° 97-17.369, 97-19.282, 98-19.190
- Cass. civ. 3ème, 28 nov. 2001, Bull. civ. III, n°137.
- Com., 5 mars 2002, n° 98-21.022.
- Com., 8 Octobre 2002, n° 98-22.858 ; JCP G 2003, I, 152, n° 3, G. Viney
- Civ. 1re, 13 mai 2003, n° 01-11.511, Bull. civ. I, n° 114, note Mazuyer.

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- Cass. com., 1er juillet 2003, Sté Anaïs c/ Sté Marie-Jeanne Godard et Sté MJG Béarn.
- 1ère civ. 18 mai 2004, Bull. 2004, I, n°141 (Qui paraît aller à l’encontre de l’arrêt précité
de la chambre commerciale du 17 juin 1997)
- 1ère Civ., 18 mai 2004, Revue Contrats-concurrence-consommation 2004, n° 121
- Civ. 1re, 15 mars 2005, n° 01-13.018, Bull. civ. I, n° 136, note Cathiard.
- Com. 8 octobre 2002, pourvoi n°98-22.858 ; Com. 5 avril 2005, Bull. 2005, IV, n°81.
- Com. 5 avril 2005, Bull. 2005, IV, n°81.

REVUES :

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Contrats, 2007.

- S. CARVAL, Droit des contrats , 3ème éd, Revue des Contrats, 2007.
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- P. ANCEL, Droit des contrats , 17ème éd, Revue des Contrats, 2007.

Webographie :

www.courdecassation.fr

www.doctrine.fr

www.jurisprudence.net

Tables des matières

REMERCIEMENTS .............................................................................................................................
SOMMAIRE ...........................................................................................................................................
INTRODUCTION ............................................................................................................................... 1
PARTIE I : LE FAIT GENERATEUR DE RESPONSABILITE DES COCONTRACTANTS VIS-
A-VIS DES TIERS VICTIMES DE L’INEXECUTION CONTRACTUELLE................................... 7
Chapitre I : La nature du manquement contractuel vis-à-vis des tiers ...................................... 7
Section I : Approche du manquement contractuel ............................................................ 7

96
Paragraphe I : Le principe de la faute contractuelle --------------------------------------------- 7
A- Notion d’inexécution contractuelle .......................................................................... 7
B- Notion de tiers .......................................................................................................... 8
C- L’indemnisations des tiers victimes ‘ Un mouvement juridique intense’ .............. 10
D- L’arrêt perruche ..................................................................................................... 12
Paragraphe II : L’identité des fautes contractuelles et la solution de l’assimilation ------- 13
A- Position jurisprudentielle d’indemnisations des tiers victimes .............................. 13
B- Position doctrinale d’indemnisations des tiers victimes ........................................ 14
C- Position jurisprudentielle de l’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles
16
D- Position doctrinale de l’assimilation des fautes contractuelles et délictuelles ....... 17
Section II : L’excès de la solution de l’assimilation du manquement contractuel et la
faute délictuelle ................................................................................................................... 19
Paragraphe I : Les différents effets de la faute contractuelle vis-à-vis des tiers ----------- 19
A- La modification du principe de l’effet relatif des conventions .............................. 19
B- Une collaboration à la « politique d’indifférenciation » des deux niveaux des
responsabilités ............................................................................................................... 21
C- Les inconvénients pratiques de la solution de l’assimilation des fautes ................ 22
D- Indemnisation à tout prix ....................................................................................... 23
Paragraphe II : L’actuelle protection de la responsabilité des parties envers les tiers ---- 24
A- L’existence du préjudice et la légitimité de l’intérêt injustifié .............................. 24
B- Le lien de causalité, nouvelle clé de la responsabilité des parties envers les tiers 25
C- Carence de distinction quant à la nature ou à l’étendu de l’obligation violée ....... 27
D- L’efficacité du rapport de causalité ........................................................................ 28
Chapitre II : La prééminence de la responsabilité civile délictuelle du cocontractant vis-à-
vis des tiers victimes ........................................................................................................................... 29
Section I : La domination de la responsabilité civile et délictuelle du cocontractant vis-
à-vis des tiers ....................................................................................................................... 29
Paragraphe I : L’action exceptionnelle en responsabilité contractuelle au profit des tiers30
A- L’action du tiers liée à une partie au contrat .......................................................... 30
B- L’action du tiers dans les chaines des contrats translatifs de propriété ................. 31
C- L’action du tiers absolu .......................................................................................... 32
D- Action des contractants extrêmes dans les groupes de contrats non translatifs de
propriété ........................................................................................................................ 33
Paragraphe II : Une solution contestable nécessitant réaménagement ---------------------- 34
A- Une différence de traitement bouleversant l’équilibre du contrat ......................... 34
B- L’assouplissement au principe de séparation de deux ordres de responsabilité .... 34
C- Vers l’avant-projet « Catala ». .............................................................................. 35
D- Les imperfections théoriques d’un tel projet ......................................................... 36
Section II : L’hégémonie de la responsabilité délictuelle à l’œuvre dans le cadre du
régime de responsabilité des contractants vis-à-vis des tiers .......................................... 36
Paragraphe I : Les incohérences liées à l’extension de la responsabilité délictuelle au
bénéfice des tiers ------------------------------------------------------------------------------------ 37

97
A- L’altération du contrat et le contournement des prévisions du débiteur ................ 37
B- Un traitement différend aux créanciers et à certains tiers ...................................... 38
C- Aperçu de la pratique du « cherry-picking » ......................................................... 39
D- Le concept restrictif de la responsabilité en droit français et allemand ................. 40
Paragraphe II : la réticence afférente à l’intégration des tiers dans la sphère contractuelle
--------------------------------------------------------------------------------------------------------- 41
A- Le décroit de la stipulation pour autrui tacite des victimes par ricochet ............... 41
B- Le recul des actions directes dans les chaînes de contrats ..................................... 43
C- Une option basée sur les considérations pragmatiques .......................................... 44
D- Une révolution contestée sur le plan abstrait ......................................................... 45
Conclusion de la Partie I .................................................................................................................. 47
PARTIE II : L’ESSENCE DE L’ACTION DU TIERS DU FAIT DE L’INEXECUTION
DU CONTRAT ................................................................................................................................... 48
Chapitre I : Les principes généraux de l’inexécution contractuelle sur les tiers ................... 48
Section I : La portée de l’effet relatif du contrat ............................................................. 49
Paragraphe I : La relativité des contrats --------------------------------------------------------- 49
A- Définition de l’effet relatif du contrat .................................................................... 49
B- Cas de la représentation ......................................................................................... 51
1. Conditions .......................................................................................................... 51
2. Effets ................................................................................................................... 52
C- Les tiers devenant parties ‘Le décès d’une partie’ ................................................. 53
1. Principe .............................................................................................................. 53
2. Exceptions .......................................................................................................... 53
D- La cession de contrat .............................................................................................. 54
1. Conditions .......................................................................................................... 54
2. Effets ................................................................................................................... 54
Paragraphe II : La situation de tiers intéressés -------------------------------------------------- 55
A- Les tiers absolus ‘Les parties peuvent opposer le contrat aux tiers’ ...................... 55
B- Le tiers a la faculté d’invoquer le contrat .............................................................. 56
C- Les personnes se trouvant dans une situation intermédiaire ‘L’ayant cause à titre
particulier’ ..................................................................................................................... 56
1. Intransmissibilité des dettes de l'auteur à l'ayant cause à titre particulier ....... 58
2. Transmissibilité de certaines créances à l'ayant cause à titre particulier ......... 58
D- Cessionnaire ........................................................................................................... 59
E- Les créanciers chirographaires ............................................................................... 59
1. L’action oblique ................................................................................................. 60
2. L’action paulienne.............................................................................................. 61
Section II : Le principe de l’opposabilité.......................................................................... 62
Paragraphe I : L’opposabilité du contrat aux tiers---------------------------------------------- 62
A- Application du principe de l’opposabilité ----------------------------------------------- 62
B- Régime et statut de l’opposabilité des contrats aux tiers ....................................... 64
1. Opposabilité du contrat aux tiers ....................................................................... 64
1. Opposabilité du contrat par les tiers.................................................................. 65
98
C- Les groupes de contrat ........................................................................................... 66
Paragraphe II : Les différents types de l’opposabilité ----------------------------------------- 69
A- L’opposabilité de principe ‘L’opposabilité probatoire’ ......................................... 69
B- L’opposabilité substantielle du contrat .................................................................. 70
1. Les effets réels du contrat................................................................................... 70
2. Les effets obligationnels du contrat ................................................................... 70
Chapitre II : Les dérogations classiques à l’effet relatif du contrat vis-à-vis des tiers ......... 71
Section I : Le principe général de la simulation .............................................................. 71
Paragraphe I : La simulation----------------------------------------------------------------------- 71
A- Définition générale................................................................................................. 71
B- La variété de la simulation ..................................................................................... 72
1. Objet de la simulation ........................................................................................ 72
C- Les effets de la simulation ‘La simulation licite’................................................... 73
1. Effets à l’égard des parties................................................................................. 73
2. Effets à l’égard des tiers..................................................................................... 74
Paragraphe II : Régime juridique de la simulation --------------------------------------------- 74
A- Principe de la solution ............................................................................................ 74
1. Effet de la contre-lettre ...................................................................................... 75
2. Conditions de validité......................................................................................... 75
3. Preuve de l’acte secret ....................................................................................... 76
B- Situation des tiers ................................................................................................... 76
C- Fraus omnia corrumpit .......................................................................................... 76
Section II : Les exceptions de l’effet relatif du contrat à l’égard des tiers .................... 76
Paragraphe I : Stipulation pour autrui ------------------------------------------------------------ 77
A- Définition et domaine de la stipulation .................................................................. 77
B- Acceptation et révocation ...................................................................................... 79
1. La révocation par le stipulant ............................................................................ 79
2. Le régime de l’acceptation ................................................................................. 80
C- Rapports juridiques que la stipulation pour autrui établit entre les intéressés ....... 80
1. Rapports entre le stipulant et le promettant ....................................................... 80
2. Rapports entre le promettant et le tiers bénéficiaire.......................................... 80
3. Rapports entre le tiers bénéficiaire et le stipulant ............................................. 81
D- La personne du tiers bénéficiaire ........................................................................... 81
1. Stipulation au profit d’une personne déterminée et vivante .............................. 81
2. Stipulation au profit de personnes indéterminées .............................................. 82
3. Stipulation au profit de personnes futures ......................................................... 82
4. Absence de tiers bénéficiaire .............................................................................. 83
Paragraphe II : La promesse du porte-fort ------------------------------------------------------- 83
A- Porte-fort de ratification ......................................................................................... 83
1. Définition ............................................................................................................ 84
2. Autonomie........................................................................................................... 84
B- Porte-fort d’exécution ............................................................................................ 84
1. Définition ............................................................................................................ 85
2. Formation du PE ................................................................................................ 85
99
3. Exécution de PE ................................................................................................. 85
C- Effets à l’égard du promettant................................................................................ 86
D- Effets à l’égard du tiers .......................................................................................... 86
1. Le tiers ratifie ..................................................................................................... 87
2. Le tiers ne ratifie pas .......................................................................................... 87
Conclusion de la Partie II ................................................................................................................ 88
Conclusion générale .......................................................................................................................... 89
Bibliographie ...................................................................................................................................... 90
Tables de matières ............................................................................................................................. 96
Résumé............................................................................................................................................... 101

100
Résumé
La jurisprudence a finalement normalisé la polémique incessante relative au fait générateur
qui a entraîné la responsabilité du contractant à l'égard de tiers, adoptant ainsi une « dé-
relativisation » de la faute contractuelle en faveur de l’identité des infractions contractuelles et
délictuelles fondées sur le principe d’opposabilité des contrats par des tiers.

Comment le juge est-il parvenu à une telle conclusion?

C’est une question à laquelle on ne peut répondre que d’une seule manière. Alors que les
partisans du principe de la relativité des conventions et de la faute contractuelle estiment que la
sphère contractuelle ne doit intéresser que les parties à l'acte et que la faute contractuelle doit
être indépendante de la faute délictuelle, les défendeurs de l'opposabilité et la théorie de
l'identité de l'inconduite considèrent qu'il est nécessaire de protéger les victimes de défaillances
contractuelles, quelle que soit leur qualité.

L'inexécution d'un contrat bilatéral offre à la partie lésée la possibilité de s'opposer à


l'exception d'inexécution du partenaire contractuel défaillant, cette exception d'inexécution lui
permet de suspendre l'exécution de son obligation tant que son partenaire ne pas s'acquitter de
son obligation. En outre, l'inexécution d'un contrat synallagmatique offre l’éventualité de
demander réparation pour le contrat non exécuté, c'est-à-dire sa disparition rétroactive.

Nonobstant, ces mobiles ne peuvent être invoqués que par une partie au contrat, par
opposition à des tiers qui sont des personnes ne se trouvant pas dans une situation juridique.

Les tiers sont soumis au principe de l'effet relatif des contrats énoncé à l'article 228 du
DOC : « Les obligations n’engagent que ceux qui ont été parties à l’acte, elles ne nuisent
point au tiers et elles ne leur profitent que dans les cas exprimés par la loi ». Ce principe se
trouve dans la théorie de l'autonomie de la volonté, seules les parties qui ont consenti au contrat
y sont liées.

101

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