Vous êtes sur la page 1sur 18

UNIVERSITÉ MOHAMMED 5 RABAT

FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES


ÉCONOMIQUES ET SOCIALES SOUISSI

LA NULLITÉ DES SOCIÉTÉS


MASTER JURISTE D’AFFAIRES

Réalisé par :

Fatima-Azzahra KASSOU-OUALI

Encadré par :
Professeur GUENBOUR SAIDA

ANNÉE UNIVERSITAIRE : 2023/2024


Introduction :

La société s’est éloignée d’un simple contrat lorsqu’elle a pu acquérir la personnalité juridique
morale.

Au fil du temps, l’attribution de la personnalité morale aux sociétés commerciales s’est


généralisée, de sorte qu’il suffisait de respecter les conditions fixées par une règle générale et
abstraite pour l’acquérir automatiquement. Ensuite, le phénomène sociétaire lui-même s’est
amplifié : l’énorme majorité des commerçants étaient autrefois des personnes physiques, alors
qu’aujourd’hui, l’exercice d’une activité économique en dehors d’une personne morale paraît
étonnant, voire dangereux, et devient marginal. 1

« La nullité est odieuse »2, cette citation décrit bien ce qu’est la nullité pour n’importe quel acte
juridique. Elle le rend néant comme s’il n’a jamais existé en annulant tout effet qu’il a pu
engendrer.

La nullité est la sanction de l'invalidité d'un acte juridique, ou d'une procédure. Soit que la
cause de la nullité réside dans l'absence de l'utilisation d'une forme précise qui est légalement
imposée, soit qu'elle résulte de l'absence d'un élément indispensable à son efficacité 3.

La nullité des sociétés trouve son fondement légal dans le Dahir des Obligations et contrats
promulgué en 1913, en partant du principe que la société est un contrat (selon l’article 982 du
DOC) qui suppose l’exécution des obligations réciproques entre contractants, elle trouve
également son fondement en matière de sociétés dans la loi 17.95 relative à la société anonyme
et la loi 5.96 relative aux autres types de sociétés.

Le législateur est conscient que la nullité n'est pas la sanction la plus adéquate pour lutter contre
les irrégularités et qu'elle ne doit être prononcée qu'à titre exceptionnel, afin de préserver la
sécurité des transactions. Ce qui est apparent dans sa théorie jurisprudentielle des sociétés de
fait même lorsqu’elle est prononcée, ce qui a pour conséquent limiter ses effets.4

Dans la pratique, le régime des nullités est rarement mis en œuvre ; la constitution des sociétés
étant quasi systématiquement confiée à des professionnels (notaires, avocats, conseils

1
Gabriela de Pierpont, Henri Culot, thèse « la nullité en droit des sociétés », p165
2
V. H. Solon, "Théorie sur la nullité des conventions et des actes de tout genre en matière civile", Paris, 1835
3
Dictionnaire juridique, par Serge Braudo
44
Mohamed EL Mernissi, « Traité marocain de droit des sociétés », P354, ed LEXISNEXIS
juridiques, fiduciaires, experts comptables) lesquels, par leur connaissance et leur pratique du
droit des sociétés, sont à même d'éviter toute omission ou irrégularité.1

L’intérêt que présente ce sujet repose sur le fait que la nullité ne touche pas uniquement la
société elle-même, mais les différents actes qu’elle peut produire. Tout d’abord, le fait que la
société est une personne juridique, doté d’une organisation juridique, a pour conséquence que
son fonctionnement est fondé sur la prise d’actes juridiques, eux-mêmes susceptibles
d’encourir une annulation. Ensuite, il s’agit de penser aux tiers qui sont supposés supporter les
conséquences de l’annulation des actes de la société lorsque la nullité trouve sa cause dans un
vice lié au fonctionnement interne de la société. Pour ces raisons, le droit des sociétés comporte
un régime spécial (2ème partie), dérogeant au régime général de la nullité (première partie),
applicable à la nullité de la société.

Afin de bien entourer ce sujet, nous proposons la problématique suivante :

« Comment la société se retrouve anéantie suite au prononcé d’une nullité? »

Afin de répondre à cette problématique, nous proposons le plan suivant :

1
Mohamed EL Mernissi, « Traité marocain de droit des sociétés », P354, ed LEXISNEXIS
PLAN

I) Les Fondements de la Nullité en Droit Commun


Chapitre 1 : nullité, confusion de notions
Chapitre 2 : les nullités dans le DOC Marocain

II) Le régime spécial des nullités


Chapitre 1 : les causes de la nullité des sociétés
Chapitre 2 : action en nullité et moyens de régularisation
1ère partie : Nullité fondée sur le régime
général des contrats
Dans cette partie, il s’avère essentiel d’étudier la notion de nullité, ainsi que les notions qui
peuvent porter confusion (chapitre 1) pour ensuite étudier la nullité dans le régime du droit
commun (chapitre 2)

Chapitre 1 : nullité, confusion des notions


En premier lieu, il conviendrait de distinguer entre des notions juridiques souvent confondues :
la nullité, la résolution, la caducité, la rescision du contrat.

La nullité du contrat est une sanction encourue lorsque l’obligation manque d'une des
conditions substantielles de sa formation ou lorsque la loi en édicte la nullité dans un cas
déterminé 1. Elle entraîne en principe la destruction rétroactive de ce dernier : tout se passe
alors comme si le contrat n’avait jamais existé.

La résolution qui produit les mêmes effets mais qui, à la différence de la nullité, s’applique à
un contrat régulièrement conclu : elle est prononcée du fait d’un élément postérieur à la
conclusion du contrat. Tel est le cas par exemple lorsque l’une des parties à un contrat
synallagmatique n’exécute pas l’une de ses obligations, ou lorsque selon le DOC, l’erreur
portant sur la personne de l'une des parties ou sur sa qualité entraîne la résolution lorsque la
personne ou sa qualité ont été l'une des causes déterminantes du consentement donné par l'autre
partie.2

La caducité qui résulte tout comme la résolution d’un événement postérieur à la conclusion du
contrat mais, à la différence de celle-ci, elle tient à un événement indépendant de la volonté de
l’auteur de l’acte. Mais alors que la nullité sanctionne la formation de l’acte, la caducité frappe
un acte régulièrement formé mais qui perd, après sa formation, un élément essentiel. À la
différence de la nullité, la caducité n’a en principe pas d’effet rétroactif ; elle peut cependant
donner lieu à restitution dans certaines circonstances.

1
DOC, Article 306
2
DOC, Article 42
En ce qui concerne la rescision, c’est une nullité prononcée pour cause de lésion. Elle trouve
son fondement dans le titre V du DOC Marocain, elle est mentionnée dans les articles 4,40, 55,
56 et dans d’autres cas déterminés par la loi.

Se conformant à la vieille tradition française, le D.O.C. ne parle pas de nullité relative mais de
rescision (articles 311 à 318). En droit marocain comme en droit français, la rescision désigne
donc la nullité relative et les deux expressions peuvent être considérées comme synonymes.1
Ces notions sont importantes à distinguer vu leurs causes et leurs effets. De là se pose la
question sur la distinction entre nullité relative et nullité absolue.

Le code civil français dans son article 1179 dispose que « La nullité est absolue lorsque la règle
violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général. – Elle est relative lorsque la règle violée
a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé ».

La nullité est dite relative, pour marquer que son attribution est limitée à un cadre restreint de
personnes : celles-là seules dont la loi veut protéger l'intérêt. Au contraire, la nullité est qualifiée
d'absolue lorsque la condition de validité du contrat méconnue est de celles qui sont posées
dans un intérêt général, pour la sauvegarde de la société. Tel est le cas des règles d'ordre public
: leur violation, par le biais d'un contrat non conforme à la règle, peut être dénoncée par toute
personne qui y a intérêt, l'un comme l'autre des contractants2.

Par exemple, la nullité pour incapacité protège l’incapable. Elle doit être prononcée par le juge
et ne peut être invoquée que par les personnes que la loi a entendu protéger, en général, l’une
des parties au contrat ou, plus rarement, un tiers.

Plus précisément, en cas de vice du consentement, seule la victime du vice peut invoquer la
nullité du contrat. Lorsque la personne protégée est incapable, son représentant pourra exercer
l’action en nullité à sa place. En cas de décès de la personne protégée, le droit d’agir en nullité
sera transmis à ses héritiers.

La nullité absolue pourrait alors se dire : celle qui résulte de la violation d'une loi destinée à
protéger des intérêts généraux, et qui en conséquence peut être invoquée par tout intéressé ; Il
s'agit donc de rechercher quels intérêts en jeu dans une convention pour connaitre la nullité qui
la sanctionne. « On conçoit que pour sauvegarder les intérêts supérieurs, on ouvre largement la

2
Aubert, Jean-Luc, Collart Dutilleul, François « Le contrat, droit des obligations », Ed 7 , p 109
voie de nullité contre les actes qui leur sont contraires, et que nul ne puisse se fermer à lui-
même ou fermer aux autres cette voie » 1

Chapitre 2 : la nullité dans le droit commun

La nullité est réglementée dans le DOC marocain dans son titre V intitulé : DE LA NULLITÉ
DES OBLIGATIONS, dans son chapitre premier qui rassemble les articles 306 à 310, et le
chapitre II de ce titre qui traite de son article 311 à 318 la rescision des obligations
Le législateur se réfère aux causes de nullité des contrats en général et vise ainsi les conditions
de validité des contrats précisées au D.O.C. Plus précisément, les conditions de validité d’un
contrat en droit marocain figurent à l’article 2 du D.O.C qui énumère les 4 conditions requises
: la capacité de s’obliger ; une déclaration valable de volonté sur les éléments essentiels de
l’obligation ; un objet certain pouvant objet d’obligation ; et une cause licite de s’obliger.

Le législateur a ordonné la nullité dans différent cas selon le DOC Marocain ; Pour manque de
conditions substantielles de la formation de l’obligation du contrat ainsi que dans les cas
expressément cités par la loi.

Certes, la notion de conditions substantielles peut paraître peu claire (le consentement ne
constitue-t-il pas une condition substantielle ?) mais en combinant l'article 306 et l'article 311
on parvient à délimiter ne serait-ce que grossièrement le domaine de la nullité absolue 2. La
nullité absolue devra alors sanctionner le défaut d'objet et l'objet illicite, la cause illicite ainsi
que tout contrat contraire à l'ordre public. Il est remarquable alors que la nullité absolue tend à
sanctionner les règles de formation du contrat visant à protéger, non pas l'intérêt particulier d'un
contractant, mais l'intérêt général de la société (sanction de l'objet illicite, de la cause illicite et
plus généralement de la violation de l'ordre public). La sanction de la nullité vise ici à préserver
l'intérêt général contre les initiatives individuelles qui lui seraient contraires.

Ainsi, en matière de vices du consentement, la nullité n'est obtenue que si le vice du


consentement a été déterminant. Dès lors, la nullité sera totale car elle porte nécessairement sur
un élément qui a joué un rôle déterminant dans la conclusion du contrat. Par contre, si un contrat

1
Planiol & Ripert (tome 6, n° 288)
2
Omar Azzima, «Droit civil, le droit des obligations, LE CONTRAT », Ed LeFennec,
de travail contrevient à telle ou telle règle d'ordre public, la clause irrégulière sera nulle réputée
non écrite sans qu'il y ait nécessairement anéantissement du contrat (ce qui per- mettra au
salarié de conserver son emploi). La nullité partielle répond ainsi à un double souci Un souci
de sécurité et de stabilité juridique qui pousse à corriger l'irrégularité pour sauver le contrat
chaque fois que possible ; le souci d'ouvrir les possibilités de contestation du contrat irrégulier
sans faire perdre le bénéfice du contrat à celui qui exerce le droit de critique.1

En fait, si la nullité est prononcée avant toute exécution, elle produit un effet essentiellement
pour l'avenir en ce sens que le contrat, qui n'avait encore produit aucun effet, n'en produira pas
dans l'avenir. Par contre, si la nullité est prononcée après l'exécution, elle produit effet pour
l'avenir mais aussi pour le passé et c'est là que la rétroactivité prend tout son sens. Il y avait une
apparence de contrat, qui a pu produire certains effets, l'apparence ayant été défruite, il ne doit
rien subsister. La nullité devra donc remettre les parties au même et semblable état où elles
s’étalent au moment où l'obligation a été constituée (article 316 D.O.C.). Elle passe donc par
l'effacement de ce qui a été fait et par le retour au statut intial. Tout doit se passer comme si le
contrat, irrégulièrement formé, n'avait jamais existé et les restitutions réciproques doivent
ramener les parties à la situation où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat. (Le
vendeur reprend ce qu'il a vendu, l'acheteur récupère le prix payé, on fait comme s'il n'y avait
rien eu).

Cependant, ces restitutions qui permettent d'effacer le passé ne sont pas toujours possibles
notamment dans les contrats successifs la nullité d'un bail peu à la limite, s'accompagner de la
restitution des loyers mais le locataire ne peut restituer la jouissance des lieux loués la nullité
d'un contrat de travail peut, à la limite, entraîner la restitution des salaires perçus par le salarié,
mais l'employeur n'a pas la possibilité de restituer le travail fourni...

Dans tous ces cas, la rétroactivité n'est pas concevable et la nullité n'opère plus que pour l'avenir
à la manière de la résolution et de la résiliation.

Le droit d’invoquer la nullité relative ou rescision se prescrit par le délai d’un an. Ce délai, qui
peut paraître très court, est plus long qu'il ne paraît du fait que le point de départ n'est pas le
jour de la formation du contrat. En effet, l'article 312 vient différer le point de départ du délai
de prescription, de la manière suivante ;

1
Omar Azziman, « droit des obligations, le contrat », Ed le fennec, 1996
- lorsqu'il s'agit de la violence, le délai ne court qu'à partir du jour où elle a cessé.

- lorsqu'il s'agit de l'erreur ou du dol, le délai ne court qu'à compter du jour où ils ont été
découverts :

- lorsqu'il s'agit de la minorité, le délai ne court qu'à partir de la majorité :

- lorsqu'il s'agit de l'interdiction, le délai ne court qu'à partir du jour où elle est levée

- lorsqu'il s'agit de la lésion entre majeurs, le délai ne court qu'à partir du jour de la prise de
possession de la chose objet du contrat. En retardant ainsi le point de départ du délai de
prescription, l'article 312 allonge les délais. Mais pour éviter de maintenir indéfiniment la
prescription d'une action en nullité, l'article 314 du D.O.C prévoit qu'en tout état de cause
l'action en nullité relative ne peut être intentée au-delà d'un délai de 15 ans à partir de la date
de formation du contrat.
Deuxième Partie : le régime spécial des nullités
des sociétés
Il convient dans cette deuxième partie de traiter les causes induisant à la nullité des sociétés,
ainsi que l’action en nullité (chapitre 1) et ses moyens de régularisation (chapitre 2)

Chapitre 1 : les causes de la nullité des sociétés


En droit marocain, le régime juridique des nullités applicables en droit des sociétés (sociétés
commerciales) figure aux articles 337 et suivants de la loi n° 17-95. Ce régime prévu dans la
loi relative aux sociétés anonymes est également applicable à la société à responsabilité limitée,
à la société par actions simplifiée, en commandite simple ou par action …

La nullité d'une société résulte de l'article 337 de la loi n° 17-95. Le même article précise que
"la nullité d'une société ne peut résulter que d’une disposition expresse de la présente loi, ou
du caractère illicite ou contraire à l’ordre public de l’objet de la société ou de l’incapacité de
tous les fondateurs ».

Ainsi, une société ne peut être annulée que pour l’un des motifs suivants :

 Une disposition expresse de la loi n° 17-95 qui prévoit la sanction de nullité : en raison
des conséquences sérieuses que la nullité d’une société peut avoir sur les tiers. Aucun
article de la loi n° 17-95 ne prévoit cette sanction en cas d’inobservation d’une formalité
ou mention obligatoire lors de la constitution d’une société anonyme.
 S’agissant de la SARL, la loi n° 5-96 prévoit dans son article 98 que l’inobservation
des formalités prescrites aux articles 95 et 96 de la loi n° 5-96 est sanctionnée par la
nullité de la société, sous réserve des régularisations prévues aux articles 340 et suivants
de la loi n° 17-95
 La nullité est prononcée également pour l’absence des mentions obligatoires au RC
pour la SNC et la SARL la nullité dans l’article 5 et 50 de la loi 5.96,
 Caractère illicite ou contraire à l’ordre public de l’objet de la société : cette hypothèse
sanctionne toute société dont l’objet serait illicite ou contraire à l’ordre public et prévoit
ainsi la possible nullité de la société. Mais qu’est-ce qu’un objet illicite ou contraire à
l’ordre public ? On peut penser à une société dont l’objet serait de réaliser des
transactions illicites et réprimées sur le plan pénal (drogue, arme, etc.).

Pour cause de nullité, nous citons l’arrêt1 N° 2051/8228/2017 ; 4961 rendu par la Cour d'appel
de Casablanca, 10 octobre 2017, qui prononce la nullité de la société au motif qu’elle ne
respecte pas les dispositions de l’ article 6 de la loi 17/95 sur la société anonyme en ce qu’il
exige , sous peine de nullité, que le capital de la société ne faisant pas appel public à l’épargné
soit au moins égal à 300 000 dirhams, une décision infondée dés lors que , d’une part, l’action
en nullité a été intentée contre la seule société alors que la nullité ayant pour conséquence la
dissolution de la société et la rupture du lien juridique entre les associés, elle suppose que
l’action la concernant soit intentée contre ces derniers dans leur ensemble pour leur permettre
de défendre leurs droits , ce qui n’était pas le cas en l’espèce et que , d’autre part, il n’y a pas
lieu d’appliquer les dispositions de la loi sur la SA puisqu'au vu des documents produits il
apparaît que la société a changé de forme et qu’elle est devenue une société civile ce qui a mené
le juge à ne pas prononcer la nullité dès lors que la société a changé de forme.

Lorsque la nullité est prononcée, la dissolution automatique de la société survient sans effet
rétroactif (article 346). En ce qui concerne la société et les relations entre les associés, la nullité
produit des effets similaires à une dissolution judiciaire, nécessitant la liquidation
conformément aux dispositions statutaires. Il en découle que la société est considérée comme
dissoute après avoir existé, tout en conservant sa personnalité morale pour les besoins de sa
liquidation. Sous l'ancienne loi de 1867, la jurisprudence considérait déjà qu'une société
déclarée nulle en raison d'une irrégularité de souscription était traitée comme une société de
fait, bénéficiant de la personnalité morale pour la période antérieure à la nullité.

Envers les tiers de bonne foi, ni la société ni les actionnaires ne peuvent se prévaloir de la
nullité (article 347). La bonne foi est déterminée par l'ignorance du risque d'annulation. Ainsi,
les tiers ont le choix entre accepter la nullité ou se prévaloir de la validité de la société. Dans
ce dernier cas, la société peut continuer à exister à l'égard des tiers. Cette continuité est facilitée
par le fait que la société annulée, et donc dissoute, conserve sa personnalité morale pour les
besoins de la liquidation. L'absence d'effet rétroactif vise à empêcher les tiers de se dégager de
leurs engagements envers la société en invoquant la nullité.

1
Cour d’Appel, l’arrêt N° 2051/8228/2017; 4961
Cependant, la législation française (Code de commerce, article L 235-12) autorise la rendant la
nullité résultant de l'incapacité ou d'un vice de consentement opposable même aux tiers, par
l'incapable et ses représentants légaux, ou par l'associé dont le consentement a été induit en
erreur, obtenu par dol ou violence. Dans ce cas, l'associé concerné peut reprendre ses apports à
l'identique.

Chapitre 2 : l’action en nullité et ses moyens de régularisation


Lorsque les conditions de fonds semblent être réunies, tout personne habilitée à agir peut ester
en justice afin d’engager une action en nullité et demander la nullité d’un acte ou d’une
délibération. Toutefois, avant de statuer, la régularisation de la nullité peut intervenir. Enfin, la
décision de la nullité appartient au tribunal.
Comme toute action judiciaire, pour être habilité à agir en justice, le demandeur d’une nullité
doit observer les règles de procédure civile applicables. L’article 1 du Code de Procédure Civile
précise que « ne peuvent ester en justice que ceux qui ont qualité, capacité et intérêt pour faire
valoir leurs droits ». Dès lors, la personne qui agit pour la nullité d’une société, d’un acte ou
d’une délibération doit avoir un intérêt légitime au succès de l’action en nullité.
Dès lors, sous réserve de démontrer un intérêt légitime à agir, les personnes suivantes peuvent
être habilitées à agir :
1. les actionnaires et associés
2. Les administrateurs
3. Les directeurs
4. Les directeurs généraux
5. Le conseil d’administration
6. Le conseil de surveillance
7. Le directoire
8. Les commissaires aux comptes
9. Les créanciers
10. Le ministère public
Le législateur a prévu plusieurs moyens de régularisation afin d’éviter la nullité d’un acte ou
d’une délibération, la nullité d’un acte ou d’une délibération peut avoir des conséquences
néfastes, voir désastreuses, sur les tiers et constitue une atteinte à la sécurité juridique des
transactions commerciales.

Dès lors, le législateur a prévu plusieurs dispositifs permettant la régularisation d’une nullité
afin d’éviter les conséquences qu’une telle décision peut avoir. Parmi les moyens de
régularisation, on peut citer : délai accordé par le tribunal.

Lorsqu’un tribunal est saisi d’une action en nullité, ce dernier peut d’office fixer un délai pour
permettre de couvrir la nullité concernée. Par ailleurs, le tribunal saisi ne peut prononcer la
nullité moins de deux mois après la date d’introduction d’instance ; délai pour tenir une
assemblée1:

lorsque pour couvrir une nullité une assemblée d’actionnaires doit être réunie et qu’il est justifié
d’une convocation régulière de l’assemblée devant couvrir la nullité, le tribunal accorde par
jugement le délai nécessaire pour que les actionnaires puissent prendre une décision ; en cas de
nullité d’un acte ou d’une délibération postérieure à la constitution en raison d’un vice du
consentement ou l’ incapacité d’un actionnaire, et lorsque la régularisation est possible, toute
personne ayant intérêt peut mettre en demeure la personne qui est apte à agir afin de :

- Soit procéder à la régularisation de la nullité concernée,


- Soit agir en nullité dans un délai de six mois et ce, à peine de forclusion 2.

La forclusion conduit à éteindre une action en justice, et en l’espèce à éteindre l’action en


nullité ; en cas de nullité d’un acte ou délibération postérieur à la constitution en raison de la
violation des règles de publicité, toute personne ayant intérêt à une telle régularisation peut
mettre en demeure la société afin de procéder à la régularisation de la nullité concernée dans
un délai de trente jours à compter de ladite mise en demeure 3. À défaut de régularisation, toute
intéressé peut demander au tribunal, statuant en référé, de désigner un mandataire chargé
d’accomplir ladite formalité aux frais de la société4;

1
Loi n° 17-95, art. 340)
2
Loi n° 17-95, art. 342
3
Loi n° 17-95, art. 343
4
Idem
Afin de prévenir contre la nullité, le législateur a mis en place un dispositif ingénieux de
régularisation de la situation de la société, l'action en régularisation a pour objet de rendre la
constitution conforme aux prescriptions légales. Elle se prescrit par trois ans à compter, soit de
l'immatriculation ou de l'inscription modificative au registre du commerce en cas de
modification des statuts (art. 12, al. 3 in fine). Ou encore :

1- Si les statuts ne contiennent pas toutes les mentions obligatoires prévues aux articles 2
et 12, ou si une formalité prescrite par la loi et les règlements a été omise ou irrégulièrement
accomplie, tout intéressé ainsi que le ministère public sont recevables à demander en justice
que soit ordonnée, sous astreinte, la régularisation de la constitution. Ils peuvent être des
actionnaires, des dirigeants, des commissaires aux comptes et des créanciers. L'intervention du
ministère public se justifie par le fait que la constitution et le fonctionnement réguliers des
sociétés anonymes participent de l'ordre public économique et démontre, s'il est besoin, le
caractère institutionnel de la société anonyme.

Cette régularisation préventive supplée à l'absence de contrôle judiciaire préalable à la


constitution qui existe dans certaines législations et qui purge les vices de constitution.

2- Pour les sociétés faisant appel public à l'épargne, l'AMMC exerce un contrôle sur la
constitution à travers le visa qu'il doit apposer sur la note d'information et le rapport du
commissaire aux apports qui doit lui être remis.

3- Si les statuts contiennent des clauses contraires aux dispositions impératives de la loi
sur les sociétés anonymes, mais dont la violation n'est pas sanctionnée par la nullité de la
société, ces clauses sont réputées non écrites (art. 337, al. 2). Cette fiction légale restreint
considérablement le domaine des nullités en réduisant à néant les clauses qui peuvent conduire
à la nullité . C'est une application de la théorie de l'inexistence juridique. Il en est ainsi des
clauses :

- qui suppriment ou restreignent les droits fondamentaux des associés sans permission de la loi
;

- qui fixent les règles de quorum et de majorité à des seuils inférieurs aux minimas prévus par
la loi ;

- qui modifient les règles de compétence des assemblées ;

- qui confèrent aux administrateurs des rémunérations non prévues par la loi ;
- qui suppriment ou atténuent le droit de révocation ad nutum des administrateurs par
l'assemblée générale ;

- qui stipulent un intérêt fixe pour les actionnaires ;

- qui limitent les actions en responsabilité contre les administrateurs.

L'un des éléments qui faisait partie de ce dispositif, la déclaration de conformité, qui a été
supprimé par la loi 20-05. Cette déclaration faisait office de contrôle préalable effectué par le
greffe pour s'assurer que la société a été constituée en conformité de la loi et des règlements.
Conclusion
L'examen des nullités des sociétés au Maroc souligne l'importance cruciale
accordée à la sécurité juridique dans le domaine des affaires. Le cadre
réglementaire, tel que défini par la loi 17.95, établit des règles claires en cas de
nullité, assurant ainsi la stabilité des relations contractuelles. La régularisation du
statut de la société, conjuguée à la préservation de la personnalité morale pour ne
pas cesser son activité

La protection des tiers de bonne foi, ignorant le risque d'annulation, reflète une
préoccupation majeure pour maintenir l'intégrité des transactions commerciales.
Le choix accordé à ces tiers entre reconnaître la nullité et maintenir la validité de
leurs engagements illustre l'équilibre délicat entre la protection des droits des
parties prenantes et la nécessité de préserver la continuité des activités
économiques.

Dans l'ensemble, la clarté de la réglementation marocaine en matière de nullités


des sociétés témoigne de l'engagement envers la sécurité juridique, un pilier
essentiel pour favoriser un environnement d'affaires solide et fiable.
Bibliographie

Ouvrages
 Aubert, Jean-Luc, Collart Dutilleul, François « Le contrat, droit des obligations »,
 Azziman Omar, « le droit des obligations, le contrat »
 V. H. Solon, "Théorie sur la nullité des conventions et des actes de tout genre en
matière civile", Paris, 1835
 Mohamed EL Mernissi, « Traité marocain de droit des sociétés », ed LEXISNEXIS, 2019

Thèses
 Gabriela de Pierpont, Henri Culot, thèse « la nullité en droit des sociétés », p165

Articles
sociétés générales, « Action en nullité », lexisma, 2023

Textes de lois
 Loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes, telle que modifiée
 Loi n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société
en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en
participation, telle que modifiée
 Dahir portant promulgation de la loi n° 1-74-447 approuvant le texte du Code de
procédure civile, telle que modifiée.
 Dahir formant Code des obligations et des contrats, tel que modifié

JURISPRUDENCE
■ Cour d’Appel, l’arrêt N° 2051/8228/2017;
Table des matières
Introduction………………………………………………………………………………..…………………….……P 2
Première partie : Les Fondements de la Nullité en Droit Commun………..…………….…..P 4

Chapitre 1 : nullité, confusion de notions………………….………………………….…………….…..P 4


Chapitre 2 : les nullités dans le DOC Marocain ………..…………………………….…………….….P 6
Deuxième partie : Le régime spécial des nullités……….……………………………..……………..P 10
Chapitre 1 : les causes de la nullité des sociétés ……….……………………………….…………...P 12
Chapitre 2 : action en nullité et moyens de régularisation……………………………………….P 16

Bibliographie …………………………………………………………………………..……………………………..P18

Vous aimerez peut-être aussi