Vous êtes sur la page 1sur 27

Section 2 : La constitution de la société :

Selon l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats, « la société est un contrat
par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs biens ou leur travail ou tous
les deux à la fois, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Il résulte
expressément de ce texte que la société est un contrat soumis aux règles générales qui
régissent le contrat. Cependant, ce contrat n’est pas un contrat comme les autres.

Son originalité nécessite en effet un encadrement juridique strict dans la mesure


ou l’accord de volonté de deux ou plusieurs personnes ou d’une seule personne donne,
sous certaines conditions, naissance à un être juridique nouveau qui est la personne morale.

Toutefois, comme tout contrat, la société se présente comme un contrat qui, pour être
valable, doit répondre d’une part, aux conditions de validité de tout contrat, et d’autre part des
conditions de validité spécifiques au droit des sociétés (sous-section 1). A ces règles
s’ajoutent le respect des conditions de forme du contrat de société (sous-section 2) et la
sanction de l’inobservation des conditions de formation du contrat de société (sous-section 3).

Sous-section 1 : Les règles de constitution communes à toutes les


sociétés et les règles spécifiques du contrat de société :

La naissance d'une société, quelle que soit sa forme, suppose, pour être valablement
constituée, que les conditions générales de validité des contrats (Paragraphe 1), mais
également des conditions spécifiques de formation du contrat de société soient respectées
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les conditions générales relatives à la formation d u


contrat de société :

Originairement, la société se présente comme un contrat, qui s’accompagne d’un acte


écrit détaillé, appelé dans la pratique « les statuts ». En droit civil marocain, l’article 2 du
Dahir des Obligations et Contrats subordonne expressément la validité des contrats en
général, et donc du contrat de société en particulier au respect de quatre conditions
essentielles à savoir :

1. La capacité de s’obliger (A) ;


2. Une déclaration valable de volonté portant sur les éléments essentiels de
l’obligation (B) ;
3. Un objet certain pouvant former objet de l’obligation (C) ;
4. Une cause licite de s’obliger (D).
A. La capacité de s’obliger :

En droit marocain des sociétés, il s’agit de la capacité juridique des associés. Pour être
associé d’une société, il faut être juridiquement capable, c'est-à-dire se voir reconnaitre
l’aptitude à être sujet de droit. Cependant, les exigences en la matière varient selon la forme
juridique de la société.

Ainsi, dans les sociétés de capitaux et dans une moindre mesure les SARL, les associés
n’acquièrent pas la qualité de commerçant en devant associé. De ce fait, il n’est pas requis
qu’ils détiennent la capacité commerciale, prévue par l’article 16 du code de commerce
marocain. Prévue par l’article 3 du Dahir des obligations et Contrats, la capacité civile est ici
suffisante.

Dès lors, le mineur émancipé peut librement devenir associé. Cette possibilité est
même offerte au mineur non émancipé ou à l’incapable majeur par l’intermédiaire de leurs
représentants légaux.

En revanche, dans les sociétés de personnes, les associés en nom collectif et les
commandités sont tenus personnellement et solidairement de toutes les dettes sociales. Ils ont
la qualité de commerçant. A ce titre, ils doivent donc satisfaire aux conditions requises pour
devenir commerçant à savoir :

 Ne pas être incapable de faire le commerce ;


 Ne pas être déchu du droit d’exercer le commerce, ni faire l’objet d’une
incompatibilité.

B. Une déclaration valable de volonté portant sur les éléments


essentiels de l’obligation :

Érigé par l’article 987 du Dahir des Obligations et Contrats comme une condition
sine quoi none de validité, le consentement des associés est essentiel à la formation du contrat
de société. Ce dernier est nul dès lors que les associés n’ont pas valablement consenti à leur
engagement. Juridiquement, le consentement des associés doit être à la fois sincère et
intègre.

Juridiquement aussi, le consentement de chacun des associés doit donc exister, et


porter sur un acte qui revêt les éléments caractéristiques du contrat de société. Dans ce cas,
le consentement ne doit pas avoir été donné par erreur. Celle-ci est caractérisée lorsqu’il est
établie une erreur sur les qualités substantielles de la chose ou, lorsque le contrat aura été
conclu intuitu personae, en cas d’erreur sur la personne d’un des associés. Le dol, quant à
lui, ne vice le consentement qu’à la double condition qu’il ait été déterminant et qu’il émane
de l’une des parties au contrat. Enfin, la violence, rarement invoquée, pourrait être, en droit
des sociétés, une violence économique.
De manière générale, le non-respect des règles relatives au consentement entraîne, en
principe, la nullité du contrat de société. Cependant, cette sanction, spécifiquement
réglementée par le droit des sociétés, est encourue dans des conditions plus restrictives qu'en
droit commun. Elle obéit de plus à un régime strict, destiné à éviter son prononcée.

En outre, la circonstance que le contrat de société soit, dans la majeure partie des cas,
un acte collectif qui donne naissance à une personne morale, a conduit le législateur marocain,
à exclure la nullité de la société dans les SARL et dans les sociétés par actions lorsque le
consentement de l'un des associés a été vicié.

C. Un objet certain pouvant former l’objet de l’obligation :

Troisième condition de validité du contrat, l’objet d’un acte juridique et en particulier


d’un contrat est en réalité l’objet de chacune des obligations nées du contrat, c'est-à-dire la
prestation que chaque débiteur s’engage à fournir. Appliquée au contrat de société, l’objet de
l’obligation de chacune des parties est, selon l’article 982 du Dahir des Obligations et
Contrats, la mise à disposition de la société des apports qu’elle a promis en vue de partager
les bénéfices ou les économies qui pourront résulter de l’activité sociale. L’objet ainsi
entendu doit bien évidemment répondre aux conditions prévues par le droit commun des
obligations.

Pour la doctrine juridique, l’objet social peut être défini comme « l’ensemble
des activités déterminées par le pacte social, que la société peut exercer ». Cependant, sur
ce point, la doctrine juridique dominante distingue deux niveaux dans l’objet social, d’une
part l’objet légal et d’autre part l’objet statutaire. D’abord, l’objet légal est le but que doit
poursuivre toute société, conformément à l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats,
c'est-à-dire permettre aux associés de « partager le bénéfice qui pourra en résulter ».
L’objet légal est donc commun à toutes les sociétés.

Ensuite, l’objet statutaire, quant à lui, est l’ensemble des activités que la société
va pouvoir exercer pour réaliser son objet légal. Il est défini dans l’acte de société c'est-à-
dire par les statuts et cet objet statutaire variera d’une société à une autre. Cependant, cet
objet statutaire doit revêtir trois caractères, être déterminé, possible et licite conformément
aux articles 985 et 986 du Dahir des Obligations et Contrats. Enfin, de l’objet, on peut
rapprocher les dispositions légales qui subordonnent l’exercice d’une activité ou d’une
profession sous forme de société à certaines conditions ou même une autorisation préalable
de l’administration, comme par exemple les sociétés bancaires, d’assurances, de
pharmacie, de presse, de raffinage de produits pétroliers.
D. Une cause licite de s’obliger :

Quatrième condition de validité du contrat, la cause de la société est le « pourquoi »


qui a motivé justement les associés à créer une société. Il est important que la cause ne doit
pas être confondue avec l’objet. Ainsi, par exemple, si l’activité de pharmacie est parfaitement
licite, son exploitation est cependant réservée aux titulaires du diplôme de pharmacien.

L’exploitation par une société de l’activité de pharmacie est parfaitement licite, objet
licite, sauf dans la mesure où la mise en société est imaginée pour contourner la loi en
permettant à un associé non pharmacien d’exercer cette activité. Ici, il y aura une cause
illicite. La cause illicite est ici sanctionnée par la nullité absolue du contrat de société, alors
même que l’objet social serait parfaitement licite.

Paragraphe 2 : Les conditions spécifiques relatives à la formation


du contrat de société :

N’étant un contrat comme les autres, la société est un contrat de type particulier qui
nécessite alors la réunion d’éléments spécifiques prévus à l’article 982 du Dahir des
Obligations et Contrats et sont au nombre de trois. A ces conditions légales, une autre
condition est rajoutée par la jurisprudence.

Les conditions prévues par l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats sont
d’une part, la réunion de deux ou plusieurs personnes. C’est ici la pluralité d’associés (A).
Ensuite, la mise en commun de biens ou leur travail ou des deux à la fois. Ce sont ici les
apports (B). Enfin, la réalisation et le partage de bénéfices et la contribution aux pertes (C).
A ces conditions légales, la jurisprudence affirme qu’à partir de ces trois conditions, doit se
dégager une volonté commune de collaborer pour réaliser le but social. C’est ici « l’affection
societatis » (D).

A. La pluralité d’associés :

L’une des premières conditions de formation du contrat de société réside dans la


pluralité d’associés. En dehors des cas prévus par la loi où la société peut être instituée par la
volonté d’une seule personne, le contrat de société doit en effet être conclu par deux ou
plusieurs associés.

Cependant, en droit marocain, pour faire partie d’une société il faut que l’associé ait la
capacité exigée par les règles de son statut personnel, conformément à l’article 12 du code
de commerce marocain. Mêmes capables, certaines personnes ne peuvent constituer
une société entre elles.

Ces limitations sont édictées par l’article 984 du Dahir des Obligations et Contrats. Le
principe pour constituer une société, selon l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats,
il faut être au moins deux associés.
B. Les apports :

Autre condition essentielle selon laquelle pour faire partie d’une société, il faut la
mise en commun des biens ou du travail qui se réalise sous le nom et la forme d’apports.
Cette exigence des apports est posée clairement par l’article 982 du Dahir des Obligations et
Contrats selon lequel « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes
mettent en commun leurs biens ou leur travail ou deux les deux ». L’apport peut être défini
comme un bien que l’associé s’engage à mettre à la disposition de la société en vue
de l’exploitation commune. En contrepartie de son apport, l’apporteur se voit ainsi remettre
par la société des parts sociales ou des actions.

Il résulte de la lecture même de l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats


que les apports sont obligatoires. En effet, tout associé doit effectuer un apport effectif quel
que soit son importance ou sa nature. Aux termes de l’article 988 du Dahir des Obligations
et Contrats « l’apport peut constituer en numéraire, en objets mobiliers ou immobiliers,
en droits incorporels ; il peut aussi consister dans l’industrie d’un associé ou même de tous
; entre musulmans, l’apport ne peur consister en denrées alimentaires ». Il peut aussi selon
l’article 989 du Dahir des Obligations et Contrats consister dans le crédit commercial d’une
personne.

L’ensemble des apports forme, selon l’article 992 du Dahir des Obligations et
Contrats, « le fonds commun des associés ou capital social ».

Traditionnellement, on dénombre donc trois catégories d’apports. L’apport en


numéraire (1), l’apport en nature (2) et l’apport en industrie (3).

1. L’apport en numéraire :

D’un point de vu pratique, il s’agit du type d’apport le plus simple et le plus fréquent.
Celui-ci consiste pour l’associé à mettre une somme d’argent à la disposition de la société.
Généralement, l’apport en numéraire se réalise en deux phases.

D’abord, l’associé va promettre de réaliser cet apport. C’est ce que l’on appelle « la
souscription ». Ensuite, l’associé va devoir exécuter cette promesse et verser la somme due
dans les caisses sociales. C’est ce que l’on appelle « la libération ».

Il arrive dans la pratique que la souscription et la libération peuvent coïncider mais


cela n’est toujours pas le cas. A cet égard, les exigences légales concernant la libéralisation
varient selon les types de sociétés. A titre d’exemple, dans la société anonyme, la libération de
l’apport, lors de la constitution, est fixée, selon l’article 246 de la loi n°20.05 modifiant et
complétant la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes, au minimum à la moitié de la valeur
nominale des actions souscrites.
En revanche dans la société à responsabilité limitée, la réalisation de la promesse
d’apport est réalisée par les associés.

2. L’apport en nature :

Les apports en nature sont les apports de tout bien, meuble ou immeuble, corporel ou
incorporel autre que du numéraire. On peut ainsi apporter à une société, par exemple, un
immeuble, un fonds de commerce, du matériel et de l’outillage, un véhicule automobile, un
brevet. Cet apport peut être effectué de différente façon soit en pleine propriété, soit en nue-
propriété, soit en usufruit ou soit en jouissance.

D’abord, l’apport en propriété est celui qui se rapproche le plus de la vente dans la
mesure où l’apporteur garantit la société contre l’éviction et les vices cachés comme le ferait
un vendeur vis-à-vis de l’acheteur. En contrepartie de son apport, l’apporteur reçoit des parts
sociales ou des actions alors que le vendeur perçoit une somme d’argent.

Ensuite, l’apport en jouissance est celui qui s’apparente à la location dans la mesure où
l’apporteur met le bien à la disposition de la société pour une durée déterminée. Ici la
propriété n’est pas transférée à la société, elle est conservée par l’apporteur. L’apporteur ne
reçoit qu’un simple droit de créance. C’est le cas du preneur à bail. Ici la société titulaire du
droit de jouissance peut user librement du bien apporté, mais l’apporteur en garde la pleine
propriété. L’intérêt de cette forme d’apport pour l’apporteur tient au fait, d’une part, qu’il est
sûr de récupérer son bien à la dissolution de la société, et d’autre part, que ce dernier est à
l’abri des poursuites des créanciers sociaux puisqu’il ne fait partie du patrimoine de la société.

En matière de transfert des risques deux cas sont à distinguer selon que l’apport en
jouissance porte sur « un corps certain » ou une « chose de genre ». Si l’apport porte sur un
corps certain, c'est-à-dire sur un bien non interchangeable avec un autre, comme par exemple
un fonds de commerce ou un brevet, dans ce cas la société ne devient pas propriétaire de ce
bien et n’a donc qu’un droit de jouissance.

L’associé continue donc d’en supporter les risques. Si l’apport porte, en revanche, sur
une chose de genre, c'est-à-dire sur un bien interchangeable avec un autre, comme par
exemple une voiture, dans ce cas la société devient propriétaire de l’apport à ses risques.

Aux termes de l’article 991 du Dahir des Obligations et Contrats, « l’apport doit être
spécifié et déterminé ». Ce texte pose le problème de l’évaluation de l’apport en nature.
Contrairement à l’apport en numéraire qui ne pose aucun problème d’évaluation, l’apport en
nature en revanche présente un risque de surévaluation ou de sous-évaluation.

Dans la mesure où l’apporteur reçoit des parts sociales ou des actions en contrepartie
de son apport, une surévaluation par exemple, lui permettrait d’obtenir plus de parts ou
d’actions que ce à

quoi il devrait normalement avoir droit. Alors, dans ce cas l’article 991 du Dahir des
Obligations et Contrats dispose que « Si l'apport consiste en choses autres que du numéraire,
elles doivent être estimées à la valeur du jour où elles ont été mises dans le fond social; à
défaut, les parties sont censées avoir voulu s'en rapporter à la valeur courante du jour où
apport a été fait, ou, à défaut, à ce qui sera arbitré par experts ». L’expert auquel fait
référence le texte est le commissaire aux apports, c'est-à-dire un expert comptable.
3. L’apport en industrie :

L’associé qui n’est pas en mesure d’apporter à une société du numéraire ou un bien en
nature peut apporter pour obtenir justement la qualité d’associé son « industrie ». Cette
possibilité est prévue par l’article 999 du Dahir des Obligations et Contrats. Ainsi, par
exemple, il mettra ainsi à la disposition de la société son travail, ses connaissances techniques,
son talent, sa notoriété. Bien évidemment, un tel apport n’est licite que si son objet n’est pas
contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Dans la pratique, les apports en industrie sont admis dans les sociétés de personnes
comme par exemple la SARL, mais restent interdits dans les sociétés de capitaux comme par
exemple la société anonyme.

C. La réalisation et le partage de bénéfices et la contribution aux


pertes :

Il s’agit ici du troisième élément caractéristique de la société. Le but en effet d’une


société est qu’il est spécifiquement lucratif, Il consiste normalement à réaliser des bénéfices
et à les partager entre les associés. Ce troisième élément caractéristique du contrat de société
distingue fondamentalement la société de l’association qui elle est régie par le Dahir du 15
novembre 1958, et dont le but est non lucratif, c'est-à-dire désintéressé. Cela ne veut pas dire
qu’il est interdit à une association de faire des bénéfices, le Dahir de 1958 prohibe seulement
le partage de ses bénéfices entre ses membres. Cette affirmation résulte clairement de
l’article 1er du Dahir de 1958 selon lequel « L’association est la convention par laquelle
deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs
connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ».

Ce but lucratif de la société, qui la distingue donc de l’association, résulte de l’article


982 du Dahir des Obligations et Contrats, qui dispose que la société est instituée « en vue de
partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Dans un arrêt des chambres réunies en date du
11 mars 1914, la Cour de Cassation française avait eu l’occasion de préciser cette notion
de bénéfice, qu’elle avait défini comme « un gain pécuniaire ou un gain matériel qui
ajouterait à la fortune des associés ». De cette jurisprudence, il résulte que tout groupement
permettant à ses
membres de réaliser une économie, sans qu’il y ait pour autant partage des bénéfices, est susceptibles
d’être qualifié de société. Il est de l’essence du contrat de société d’être formé dans un but lucratif en vue
de procurer un bénéfice à tous les associés.
De même, la contribution de tous les associés aux pertes est une condition de validité du
contrat de société. Cette condition est prévue par l’article 1033 alinéa 1 er du Dahir des
Obligations et Contrats qui dispose que « La part de chaque associé dans les bénéfices et dans
les pertes est en proportion de sa mise », c'est-à-dire de son apport à la société.

Cette règle de la proportionnalité est impérative et l’article 1034 du Dahir des


Obligations et Contrats affirme que « est nulle, et rend nul le contrat de société, toute
stipulation qui attribuerait à un associé une part dans les bénéfices, ou dans les pertes,
supérieures à la part proportionnelle à la mise ». Autrement dit toute clause, qui attribue à un
associé une part dans les bénéfices ou dans les pertes supérieure à la part proportionnelle à sa
mise, est nulle et rend nul le contrat de société.

Toutefois, en droit comparé et plus particulièrement en droit français, une répartition


inégalitaire des pertes peut être prévue dans les statuts. Cette répartition non proportionnelle à
l’apport reste licite dans la mesure où elle n’est pas léonine. En droit, la clause léonine est une
clause qui attribue à cocontractant des droits disproportionnés par rapport à ses obligations.
En droit marocain des sociétés, une telle clause est interdite dans le contrat de société. Elle
n’entraime pas la nullité du contrat de société mais elle est réputée non écrite, ce qui signifie
qu’elle ne produit aucun effet juridique.

Dés lors, un associé ne peut ni être affranchi totalement de contribuer aux pertes, ni
percevoir l’intégralité des profits. C’est ce qui résulté de l’article 1035 du Dahir des
Obligations et Contrats. Cependant, en droit marocain des sociétés, il existe des dérogations à
cette règle de proportionnalité. Ces dérogations sont prévues par les articles 1035 et, 1036 du
Dahir des Obligations et Contrats.

D. L’ « affection societatis » :

L’affection societatis est le 4ème élément spécifique du contrat de société. A la


différence des autres éléments du contrat de société, l’affection societatis n’est pas prévu
expressément par l’article 982 du Dahir des Obligations et Contrats, mais par la
jurisprudence. En effet, dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation
française en date du 10 juin 1953, la haute juridiction affirme qu’ « il ne saurait y avoir
de société en l’absence d’affection societatis ».

Dés lors, son absence lors de la création de la société est donc une cause de nullité de
cette société et sa disparition en cours de vie sociale est en principe une cause de
dissolution. La difficulté tient toutefois au fait qu’il est difficile de définir l’affection
societatis
dans la mesure où cet élément intentionnel varie selon les catégories de sociétés.
L’affection societatis peut être définie comme l’intention de s’associer, de collaborer
effectivement à l’exploitation dans un intérêt commun et sur un pied d’égalité. Il nécessite de
participer à la gestion, au contrôle et à la participation à l’administration de la société.

Cette définition est cependant acceptable dans les sociétés de personne dans lesquelles
l’affection societatis implique une entente totale entre les associés. En revanche dans les
sociétés de capitaux cette exigence d’entente totale est très faible du fait que le nombre
d’associés est souvent très élevé.

Enfin, l’affection societatis est un critère qui permet de distinguer le contrat de société
avec des autres contrats présentant une certaine analogie mais où l’intention de s’associer fait
défaut. Tel le cas par exemple de l’indivision ou le contrat de travail.

Sous-section 2 : Les conditions de forme relatives à la formation d u


contrat de société :

Contrairement aux conditions de fond, le non-respect des conditions de forme du


contrat de société n’est pas sanctionné par la nullité de la société. Ces conditions de forme
tiennent pour l’essentiel à deux séries d’éléments. D’une part, la rédaction d’un écrit, c'est-à-
dire les statuts (Paragraphe 1), et d’autre part, l’accomplissement de formalités
complémentaires (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La rédaction des statuts :

La rédaction concerne aussi bien la forme (A) que le contenu des statuts (B).

A. La forme des statuts :

Pour la société, l’acte écrit n’est pas, en principe, exigé, mais selon l’article 987 du
Dahir des Obligations et Contrats, la forme écrite s’impose. Les statuts constituent l’acte de
constitution de la société par lequel les parties formalisent leur accord. C’est un document
indispensable non seulement pour arrêter les règles de fonctionnement de la société mais
également pour pouvoir ensuite la faire immatriculer. En droit marocain des sociétés, la
société doit être établie par un acte écrit, et cet écrit peut être soit un acte notarié (articles
418 à 423 du Dahir des Obligations et Contrats) ou soit un acte sous seing privé (articles
424 à 432 du Dahir des Obligations et Contrats).

Le recours à l’acte notarié n’est pas obligatoire. Mais dans la pratique et dans la
généralité des cas, au Maroc les statuts d’une société sont souvent établis sous seing privé.
Pour avoir date certaine, cet acte écrit sous seing privé devra être enregistré à l’administration
fiscale.
Rédigé sous seing privé, les statuts doivent être dressés en autant d’originaux et
remettre un exemplaire à chaque associé. Dans la pratique, il est dressé trois exemplaires des
statuts, l’un pour l’enregistrement auprès de l’administration fiscale, un pour le greffe du
tribunal de commerce, et un pour les archives de la société.

En droit marocain des sociétés, il faut rappeler toutefois que la forme authentique est
obligatoire lorsqu’il est nécessaire de satisfaire aux exigences du code de droit réels de 2011,
c'est-à-dire lorsqu’il existe un apport en bien immeuble. Enfin, d’un point de vue juridique, il
faut retenir que l’absence d’écrit ne permet pas à la société d’acquérir la personnalité morale
car les formalités de publicité, en particulier, l’immatriculation, nécessitent que des statuts
soient rédigés.

B. Le contenu des statuts :

Les statuts doivent consigner les apports de chaque associé mais aux termes de
l’article 45 du code de commerce marocain, les statuts doivent comporter au minimum 11
mentions obligatoires à savoir :

1) les nom et prénom des associés, autres que les actionnaires et commanditaires, la
date et le lieu de naissance, la nationalité de chacun d'eux ainsi que le numéro de la carte
d'identité nationale ou pour les 18 - Les dispositions de 2éme alinéa de l’article 44 ont été
modifiées et complétées en vertu de l’article 8 de la loi n° 21-18, précitée. 19 - Les
dispositions de l’article 45 ci-dessus ont été modifiées et complétées en vertu de l’article
premier de la loi n° 89-17, précitée. - 20 - étrangers résidents celui de la carte
d'immatriculation ou, pour les étrangers non-résidents le numéro du passeport ou de toute
autre pièce d'identité en tenant lieu ;

2) la raison sociale ou la dénomination de la société et l'indication de la date du


certificat négatif délivré par le registre central du commerce ;

3) l'objet de la société ;
4) l'activité effectivement exercée ;

5) le siège social et le cas échéant, les lieux où la société a des succursales au Maroc
ou à l'étranger ou le lieu de domiciliation de son siège social, le cas échéant ;

6) les noms des associés ou des tiers autorisés à administrer, gérer et signer pour la
société, la date et le lieu de leur naissance, leur nationalité ainsi que le numéro de la carte
d'identité nationale ou pour les étrangers résidents celui de la carte d'immatriculation ou,
pour les étrangers non-résidents le numéro du passeport ou de toute autre pièce d'identité en
tenant lieu ;

7) la forme juridique de la société ;

8) le montant du capital social ;

9) si la société est à capital variable, la somme au-dessous de laquelle le capital ne


peut être réduit ;

10) la date à laquelle la société a commencé et celle à laquelle elle doit finir ;

11) la date et le numéro du dépôt des statuts au secrétariat-greffe.

Enfin, tous les associés doivent signer les statuts, soit en personne, soit par
mandataire justifiant d’un pouvoir spécial conformément à l’article 891 du Dahir des
Obligations et Contrats. A partir de cette signature, la société existe en tant que contrat.
Jusqu’à l’immatriculation au registre du commerce, les rapports entre les associés vont être
régis par les termes de ce contrat ainsi que les principes généraux du droit applicables aux
contrats et obligations.

Paragraphe 2 : Les formalités postérieures à la signature des statuts :

Après la rédaction de l’acte de constitution de la société, les associés doivent


accomplir toute une série de formalités postérieures à la signature des statuts pour que
l’existence de la société soit opposable en tant que telle aux tiers. Ces formalités sont des
formalités de dépôt et de publicité. Elles sont au nombre de cinq. L’enregistrement des statuts
(A), le dépôt au greffe du tribunal de commerce (B), la constitution d’un dossier auprès du
Centre Régional d’Investissement (C), l’immatriculation au registre du commerce
(D) et enfin la publication d’un avis au Bulletin Officiel (E).
A. L’enregistrement des statuts :

Dès que les statuts ont été signés par tous les associés, ils doivent être soumis à
l’enregistrement auprès de la direction régionale des impôts représentée au sein du Centre
Régional d’Investissement. L’enregistrement doit être fait dans le délai d’un mois à compter
de l’acte constitutif de la société, c’est-à-dire du jour où la dernière signature a été apposée sur
l’acte.

B. Le dépôt des statuts :

Le dépôt est une formalité qui consiste à déposer au greffe du tribunal de commerce du
lieu du siège social de la société, en triple exemplaire, les statuts et diverses autres pièces,
comme par exemple les actes de nomination des premiers dirigeants sociaux s’ils n’ont pas été
désignés dans les statuts, s’il a lieu, le rapport du commissaire aux apports sur l’évaluation des
apports en nature. Le dépôt de ces actes ou pièces est constaté par un procès- verbal dressé par
le greffier qui vérifie la régularité de la constitution de la société. Cette formalité de dépôt des
statuts est ensuite accompagnée d’une déclaration de conformité déclarant que la société
respecte la loi.

C. La constitution d’un dossier auprès du Centre Régional


d’Investissement :

Le Centre Régional d’Investissement à travers son guichet unique d’aide à la création


d’entreprise facilite l’acte de création de la société. Le dossier doit comporter les statuts, la
preuve de la domiciliation de la société, les pièces relatives l’identification des responsables
de la société (pièces d’identité, extrait du casier judiciaire et acte de nomination des
dirigeants), la demande d’immatriculation au registre de commerce, et enfin le certificat de
dépôt des fonds auprès d’une banque pour les apports en numéraire.

D. L’immatriculation de la société au registre du commerce :

S’il y a une grande diversité d’exploitations commerciales, la loi commerciale ne fait


aucune distinction entre les commerçants quant à leurs obligations. Ainsi, la première
obligation qui pèse sur les fondateurs de la société est l’immatriculation au registre du
commerce. L’immatriculation se situe au point de départ de l’activité commerciale. Selon
l’article 37 du code de commerce marocain, la création d’une société commerciale nécessite
une inscription au registre du commerce.

Cette inscription doit, selon l’article 75 alinéa 2 du code de commerce marocain,


intervenir dans les 3 mois de la constitution de la société. Selon l’article 38 du code de
commerce marocain, seuls les gérants, les membres des organes d’administration, de
direction ou de gestion peuvent procéder à l’immatriculation de la société. La demande
d’immatriculation doit, selon 39 alinéa 2 du code de commerce marocain, être déposée
auprès du secrétariat-greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel est situé le siège
social. Comme nous l’avons déjà souligné, l’article 45 du code de commerce marocain
prévoit les mentions obligatoires que doit contenir la déclaration d’immatriculation.

Ainsi réalisée, l’immatriculation emporte une double fonction. D’une part, une
fonction de publicité, et d’autre part, une fonction de preuve. La fonction de publicité est une
obligation faite aux sociétés d’indiquer son numéro d’immatriculation sur tous les papiers
commerciaux. La fonction de preuve réside dans le fait que l’immatriculation au registre du
commerce emporte présomption, c’est-à-dire une preuve sauf preuve contraire, de l’existence
de la personnalité morale de la société. Cette immatriculation permet d’autres effets
juridiques. Elle permet, d’abord de rendre les engagements souscrits en engagements sociaux,
ensuite, le déblocage des apports en numéraire et enfin, l’attribution par le greffier d’un
numéro d’immatriculation au registre du commerce.

E. La publication d’un avis au Bulletin Officiel :

Dans un délai ne dépassant les 30 jours après l’immatriculation de la société au


registre du commerce, la constitution de la société fait l’objet de la part du greffier d’une
publicité au moyen d’avis au bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales. Toutes les
sociétés commerciales doivent faire cette publication dans le délai légal et contenir toutes les
mentions obligatoires.

Sous-section 3 : La sanction de l’inobservation des conditions de


formation du contrat de société :

En droit commun des obligations, la nullité est la sanction normale de non respect
des conditions de formation d’un contrat. En droit des sociétés, la nullité d’une société
commerciale ne peut résulter que de la violation des dispositions de l’article 982 du Dahir
des Obligations et Contrats ou l’une des causes de nullité des contrats en général. Il peut
donc y avoir deux séries de causes de nullité.

D’une part, la violation des conditions générales de formation des contrats


prévue par l’article 360 Dahir des Obligations et Contrats, et d’autre part, la violation
des conditions spécifiques de formation du contrat de société. Quelque soit la nullité,
relative ou absolue, leurs effets sont les mêmes notamment l’anéantissement rétroactif du
contrat. Dans ce cas, le contrat est censé n’avoir jamais existé.

En droit des sociétés, l’application du régime des nullités au contrat de société présente
de graves inconvénients. En effet, si le contrat de société est annulé, les autres contrats comme
par exemple les contrats de travail, les contrats d’achat ou de vente le sont également. Cette
situation peut être très dommageable aux tiers de bonne foi.

C’est la raison pour laquelle, le législateur a considérablement réduit le champ


d’application de la nullité en droit des sociétés. Ainsi, lorsqu’il existe une cause de nullité,
cette dernière n’est pas automatique. Pour produire ses effets, la nullité doit effectivement
résulter d’une décision judiciaire. Contrairement au droit commun, en droit des sociétés, la
nullité d’un contrat de société lorsqu’elle est prononcée n’a aucun effet rétroactif. Ici, la
nullité est assimilée à une dissolution.

Le jugement d’annulation met fin à la personnalité morale de la société. Cette dernière


cesse d’exister pour l’avenir. Le législateur a entendu protéger les tiers de bonne foi.
Toutefois, en cas d’annulation, les associés fondateurs responsables de l’irrégularité peuvent
voir leur responsabilité civile engagée. Enfin, contrairement au droit commun, toutes les
actions en nullité peuvent être écartées par l’exercice d’une régularisation.

Vous aimerez peut-être aussi