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LA NATURE JURIDIQUE DE LA

SOCIETE : CONTRAT ET/OU


INSTITUTION
Afin de fournir une masse de capitaux plus importante et une
activité plus efficace que celle que pourrait apporter un seul
individu, plusieurs personnes décident de s’associer en mettant
en commun plusieurs types d’apports. Par cette opération va se
créer une société.

Ainsi, aux termes de l’article 982 du Code des Obligations


des Contrats ‘La société est un contrat par lequel deux ou
plusieurs personnes mettent en commun leurs biens ou leur
travail ou les deux à la fois en vue de partager le bénéfice qui
pourra en résulter’.

De cette disposition législative il ressort clairement que la


société est un contrat entre personnes, qui matérialise un
‘affectio societatis’ à savoir la volonté de collaborer et de mettre
en commun des moyens afin d’en tirer des profits futurs.
Toutefois, un débat ayant passionné la doctrine française il ya
quelques temps de cela est celui de savoir si la société est un
contrat ou une institution et donc d’en dégager la réelle nature
juridique.

Le contrat étant défini comme une convention par laquelle une


ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs
autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ;
l’institution étant une structure légale prédéfinie organisant des
relations sociales.

Ainsi, dans le cadre de l’historique de ce débat il ne faut pas


omettre de citer que la rédaction initiale de l’article 1832 du
Code Civil ‘La société est un contrat par lequel deux ou
plusieurs personnes conviennent de mettre en commun leurs
biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de
profiter de l’économie qui pourra en résulter. Les associés
s’engagent à contribuer aux pertes’, indiquait clairement que la
société était un contrat. La loi du 24 Juillet 1966 a renforcé le
caractère institutionnel de la société. A cet effet, la nouvelle
rédaction de cette disposition législative est la suivante :
‘La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui
conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise
commune des biens ou leur industrie en vue de partager le
bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter’.

En outre, la doctrine est évidemment, à l’image de l’article 1832,


partagée entre ces deux conceptions. Ainsi, le professeur Yves
Guyon, dans son traité des contrats écrit « La solution ne fait
guère de doute. La société a une nature plus institutionnelle que
contractuelle » tandis que Maurice Cozian dans un manuel de
droit des sociétés insiste sur la liberté dont disposent les
associés lors de la création de la société et insiste donc sur la
conception contractuelle de la société.

L’intérêt de classer la société dans telle ou telle catégorie est


que l’on n’aura pas les mêmes attentes vis-à-vis d’elle, ses
objectifs seront quelque peu différents. En effet une société-
contrat focalisera ses intérêts sur les associés tandis qu’une
société-institution s’attardera d’autant plus sur les intérêts de
l’entreprise en elle-même et ceux de tous ses membres étant
donné que la structure légale prédéfinie est d’ordre public et
qu’il est donc obligatoire de s’y conformer.

Dans le cadre de notre sujet nous ne traiterons pas le cas de la


Société à Responsabilité Limitée à Associé Unique. En effet, ce
type de société est dérogatoire au droit commun.

Etant donné la coexistence de deux natures juridiques,


contractuelle et institutionnelle, il serait intéressant de se
demander, laquelle de ces natures prédomine et à quel moment
selon les phases de la création de la société.

Avant l’immatriculation au registre du commerce, la


nature contractuelle de la société prédomine avec tout de même
l’existence d’aspects institutionnels ( I ) tandis qu’après
l’immatriculation au registre du commerce, le caractère
institutionnel se manifeste beaucoup plus avec l’acquisition de
la personnalité morale ( II ).

I – Prédominance contractuelle jusqu’à l’acquisition de la


personnalité morale

Avant l’acquisition de la personnalité morale, on distingue la


prédominance de la nature contractuelle de la société. La société
est bien un contrat mais certains aspects institutionnels
conditionnent sa création.

A- Le contrat de société et actes accomplis au nom de la


société en formation

Pour qu’une société puisse être constituée, un contrat de société


doit être conclu entre les associés. Durant cette phase, une
certaine liberté contractuelle est accordée aux associés. En effet,
la société est créée par la volonté des associés et la signature des
statuts demeure valable indépendamment de l’immatriculation
de la société au registre du commerce.

Ainsi, l’acte créateur de la société permet d’établir les rapports


entre associés. Les statuts déterminent le montant du capital de
la société, son siège social, son objet social, sa forme, les
modalités de son fonctionnement, les apports des associés etc…

Hormis les conditions de validité exigées par la théorie générale


des obligations pour toute convention (consentement, capacité,
cause et objet), les associés peuvent s’ils le désirent, infléchir le
modèle légal en insérant différentes clauses.

Par ailleurs, entre la signature du contrat de société


(statuts) et la jouissance de la personnalité morale, s’écoule un
laps de temps pendant lequel certaines opérations doivent être
accomplies. La question qui se pose alors est celle du devenir de
ces actes. Dans les rapports entre associés, cela ne pose pas trop
de problème, les rapports entre associés sont régis par les
statuts et les principes généraux applicables au droit des
contrats. Le législateur se préoccupe des rapports avec les tiers :
les personnes qui ont agit au nom d’une société en formation
par mandat, avant qu’elle ait acquis la personnalité morale, sont
tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes
ainsi accomplis à moins que la société après avoir été
immatriculée et constituée ne reprenne les engagements
souscrits (dans le cas où aucun mandat n’a été donné avant
l’immatriculation). Ces engagements sont alors réputés avoir
été souscrits dès l’origine par la société en vertu du principe de
la rétroactivité de la personne morale.

Malgré l’aspect contractuel étudié précédemment, l’on notera la


présence du caractère institutionnel quant à la nature juridique
de la société.
B- Les aspects institutionnels de la société avant la
personnalité morale

Avant l’immatriculation au registre du commerce, c'est-à-dire


avant l’acquisition de la personnalité morale à proprement dite,
le législateur intervient en imposant des formes prédéfinies de
sociétés. En effet, à l’image des contrats nommés en droit des
contrats, les sociétés nommées prévues par la loi sont la Société
Anonyme ; la Société à Responsabilité Limitée ; la Société en
Nom Collectif ; la Société en Commandite par Actions et la
Société en Commandite Simple. Ainsi, les associés créateurs
d’une société sont tenus de faire un choix entre ces différentes
formes de sociétés. Le législateur va plus loin en édictant un
certain nombre de conditions propres à chacune des sociétés
prévues par la loi. En effet, ces dispositions et formalités
constituent les aspects institutionnels de la nature de la société
avant sont immatriculation. Parmi eux, les règles de formation
et d’enregistrement ; les pouvoirs des gérants (ils ne sont donc
plus des mandataires des associés) ; la majorité requise pour
prendre des décisions et modifier les statuts dans de
nombreuses formes de sociétés comme la SA ou encore la SARL
(ce qui est différent de la logique contractuelle, qui suppose
l’unanimité).

Par ailleurs, l’institutionnalisation de la société passe également


par la présence de sanctions prévues dans les cas où les
conditions imposées par la loi pour la création d’une société ne
seraient pas respectées. L’intervention de la loi se justifie par la
notion d’ordre public. A ce stade, la société est encore un
contrat, c’est pourquoi il est nécessaire d’encadrer la liberté des
associés.
En somme, il y a une prédominance de la nature contractuelle de la
société avec l’existence d’aspects institutionnels avant son
immatriculation au registre du commerce. Lorsque la société acquiert la
personnalité morale, alors l’institution prend le relais avec des aspects
contractuels.

II – Prédominance institutionnelle après l’acquisition de la


personnalité morale

Dans cette partie, il convient de distinguer entre les sociétés de


personnes et les sociétés de capitaux afin de faire ressortir
l’aspect institutionnel et dans une seconde partie d’étudier la
relation existante entre la personnalité morale et l’ordre public.

A – Distinction entre les sociétés de personnes et les sociétés


de capitaux

En droit des contrats, le principe de l’unanimité régit toutes les


relations contractuelles. Ainsi, les parties au contrat sont
protégées d’office par ce principe. En droit des sociétés, le
principe de la majorité gouverne la plupart des sociétés. Il y a
lieu de distinguer entre les sociétés de personnes comme la
société en nom collectif dont l’aspect contractuel est encore
fortement marqué malgré l’acquisition de la personnalité
morale et les sociétés de capitaux.

En effet, dans la SNC, les décisions sont prises à l’unanimité.


L’existence de ce principe se justifie par un nombre réduit
d’associés contrairement aux sociétés de capitaux, comme la SA
(sociétés de capitaux par excellence), qui ont vocation à
regrouper un très grand nombre d’actionnaires. L’application
du principe de la majorité dans ce type de société vise à
faciliter la gérance.

La SA est une véritable institution dans la mesure où après


l’acquisition de la personnalité morale, celle-ci se détache
complètement de ses associés. Ainsi, elle a une existence
juridique propre et indépendante de ses associés.

C’est ce qui nous amène à tenir compte de la relation


qu’entretient la personne morale avec l’ordre public.

B - La personne morale et l’ordre public

La personne morale étant une entité juridique propre, distincte


de la personne de ses associés, a une existence juridique
propre.

C’est pourquoi, au sein d’une société, plusieurs intérêts sont


mis en jeu. En vue de la protection de ces derniers, le législateur
a mis en place un cadre légal rigoureux qui se caractérise par
l’existence de normes d’ordre public. Les associés ou
actionnaires ne peuvent donc pas y déroger.

C’est ainsi que la Société Anonyme est régie par plus de 400
articles contenus dans la loi 05-96. Cette société est la société de
capitaux par excellence ayant une activité économique
importante, ce qui motive le désir du législateur par rapport à
sa stricte réglementation. La SA est une véritable institution
dans laquelle la loi a laissé très peu de place à l’autonomie de la
volonté et à la liberté contractuelle. Ainsi, la tendance
institutionnelle se manifeste dans tous les compartiments de la
vie sociale (choix de la forme, rédaction des statuts,
constitution etc…).

L’intérêt social doit être respecté. Il en est de même de l’intérêt


des tiers et de celui des actionnaires. C’est ce qui justifie une
réglementation extrêmement pointilleuse.

En somme, la place de l’ordre public en droit des sociétés est


principale parce qu’il ya des intérêts à protéger.

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