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Université Mohammed V – Rabat

Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales-


Soussi

MASTER DROIT DES AFFAIRES


MATIERE : DROIT DES SOCIETES

THEME : LA SOCIETE EN FORMATION

Encadré : Pr SAIDA GUENBOUR

Présenté par : MME KARMOUNI BTISSAM

ANNEE UNIVERSITAIRE : 2023/2024

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INTRODUCTION :

Dans le cadre de la création d'une entreprise commerciale, les associés doivent


obligatoirement passer par la phase de formation. Cette période s'étend du moment où les
associés décident de former une société jusqu'à son immatriculation au registre du
commerce. Durant cette période, plusieurs actes préparatoires doivent être conclus.
L'immatriculation d'une société nécessite plusieurs étapes, dont la durée peut varier.
Lorsque le projet de société est complexe sur le plan industriel ou financier, ces étapes
peuvent prendre beaucoup de temps. En revanche, lorsque la création d'une nouvelle
filiale entièrement contrôlée au sein d'un groupe de sociétés est en jeu, ces étapes peuvent
être réduites à leur plus simple expression.
Il convient de noter que la société est considérée à la fois comme un contrat et une
institution. La conception contractuelle soumet la société aux règles générales régissant les
contrats, telles que le Dahir des Obligations et des Contrats, tandis que la conception
institutionnelle donne naissance à une personne morale. Cependant, l'acquisition de cette
personnalité morale ne se fera qu'après l'immatriculation au registre du commerce,
conformément aux dispositions des lois 5-96 et 17-95 imposées par le législateur. Par
conséquent, la société en formation est dépourvue de personnalité morale jusqu'à son
immatriculation. Il est important de la distinguer d'autres types de sociétés qui sont
également dépourvues de personnalité morale, tels que la société de fait, la société créée
de fait et la société en participation.

D’abord, pour distinguer la société en formation de la société de fait, il faut savoir


que la première a été voulue par ses auteurs et elle est destinée à un moment ou à un autre
à être immatriculée. Il y a donc une volonté de constitution ou, constitution effective de la
société d'une part et une volonté d'immatriculation au registre de commerce d’autre part.
Au contraire, la société de fait est marquée non seulement par un dépassement du stade de
la simple volonté, puisqu'une société a été constituée, immatriculée, et a fonctionné mais
s’est vue annulée suite à l'atteinte d'un vice de constitution. Ensuite, en ce qui concerne la
société créée de fait, on peut la définir comme : une situation dans laquelle deux ou
plusieurs personnes se sont comportées en fait comme des associés, sans avoir exprimé la
volonté de former une société. C’est donc une société qui est ignorée de ses propres
membres à la différence de la société en formation. Ainsi semble se dégager un élément de
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séparation : la conscience d'appartenir à une société. C’est ce que la jurisprudence appelle
« la théorie de l'apparence » Les sociétés créées de fait sont courantes dans les situations
familiales.
Enfin, pour ce qui est de la société en participation, la distinction se trouve
notamment dans le fait que les partenaires de la société en participation sont, au contraire
d’une société en formation, animés de la volonté de faire partie d'une société non
immatriculée.
Cette période de formation se caractérise donc par un régime juridique particulier et
unique notamment en ce qui concerne les actes accomplis au cours de cette période. C’est
un moment délicat, d’abord parce que la société n’a pas de personnalité juridique et
ensuite, parce qu’on ne sait pas si elle n’en acquerra jamais. Du coup, le régime légal des
actes passés pendant la période de formation a été construit autour de deux idées simples :
* La société peut reprendre les actes passés avant l’immatriculation selon une
procédure et des cas précis.
* La société peut s’abstenir de reprendre les actes.
Ce sujet va donc nous permettre de mieux comprendre le régime juridique des actes
passés par une société avant même son immatriculation tout en se penchant, bien
évidemment, sur la question délicate qu’est l’absence de reconnaissance de la personnalité
morale au cours de cette période.

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Problématique :

Est-ce que l’absence de personnalité morale d’une société en cours de


formation la prive de la faculté d’établir des actes en son nom ?
Et quel est le sort de ces actes ?

Pour répondre à ces questions, nous délimiterons d’abord en 1ère partie, et avec
plus de précision, la période dite de formation ce qui nous permettra d’aborder avec plus
d’aisance la problématique des actes passés par une société amputée de la personnalité
morale. Ensuite, en seconde partie, nous aurons le champ libre pour examiner les
différentes modalités de reprises des actes passés en cours de formation, des actes qui ne
seront toujours pas repris par la société.

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Plan :

INTRODUCTION

Chapitre I : Régime juridique de la société en formation


Section 1 : Notion de la société en formation
Section 2 : La société en formation, société dépourvue
De la personnalité morale

Chapitre II : Sort des actes établis par la société en formation


Section 1 : Conditions et modalités de reprise des actes
Section 2 : Effets de reprise des actes

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

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Chapitre I : Régime juridique de la société en formation :

La situation juridique de la société en formation, soulève à la fois des


questions d’ordre théorique que pratique. D’une part la question sur le point de départ de
la société en formation nous oriente vers des réponses doctrinales mais encore
administratives et jurisprudentielles. D’autre part on ne peut parler de la situation
juridique de la société en formation sans passé devant la problématique de la personnalité
morale qui soulève tant de question théorique que pratique.

Section 1 : Notion de la société en formation :

Tout d’abord, il convient de savoir que la loi ne définit pas le point de départ
de la société en formation, mais encore aucune solution unanime n'existe. De plus, le
début de la période de formation pose des problèmes de fait et de droit. Il dépend des
circonstances particulières à chaque projet. En tout cas, il doit se traduire par des actes
concrets orientés vers l’application et l’immatriculation.
Cependant, on trouve ainsi diverses propositions qui se regroupent en trois
grandes catégories : celle de l'administration fiscale, celle des auteurs, et celle de la
jurisprudence.
Ceci pose un véritable problème, dans la mesure où la fiction légale qui répute l'acte passé
par la société alors qu'il l'a en fait été par un tiers, ne joue, aux termes mêmes de la loi,
qu'à l'égard des sociétés " en formation ".
L’administration fiscale estime indispensable qu'un acte opposable aux tiers ait été
accompli, et que cet acte soit inhérent à la procédure de constitution établie par des
dispositions législatives et réglementaires. Pour cette dernière, la seule intention de
constituer une telle société ne suffit pas à donner naissance à une « société en formation »,
il faut exiger l’existence d’un acte opposable aux tiers. Par conséquent, la période de
formation commence pour une société par action faisant publiquement appel à l'épargne, à
compter du jour du dépôt au greffe du tribunal de commerce du projet de statuts ; pour une
société ne faisant pas appel public à l'épargne ou une S.A.R.L, à la date du dépôt des fonds
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provenant des souscriptions, ou en cas d'apport en nature, à la date de désignation des
commissaires aux apports ; pour les sociétés de personnes : à la date de signature du pacte
social.
L'administration fiscale considère que la simple intention de constituer une société, et
même que l'engagement dans ce but de pourparlers entre les futurs associés ne permettent
pas d'établir que le processus de formation soit engagé.
D'une part, il est évident que ce critère présente un avantage incontestable : la simplicité.
D'autre part, il est également restrictif, ce qui peut s'expliquer par la volonté de
l'administration fiscale de limiter les avantages accordés de manière excessive.
Cette position est sujette à critique. En effet, une société en formation peut avoir une
activité sociale, qu'elle soit limitée ou non, et les partenaires n'hésitent pas à conclure un
certain nombre d'actes. Il est donc essentiel d'assurer la protection des tiers le plus tôt
possible. Cependant, protéger les tiers uniquement à partir de ces actes semble insuffisant.
De plus, cette solution semble artificielle, illogique et arbitraire, car elle se base sur une
liste limitative d'actes matériels pour déterminer si la société est en formation, sans
prendre en compte l'affectio societatis, c'est-à-dire la psychologie qui a pu animer les
auteurs de ces actes.
Enfin, rien dans la loi ne vient étayer cette thèse. Aucun article ne fixe explicitement ou
implicitement le point de départ de la société en formation. En réalité, l'administration
fiscale assimile le terme de formation à celui de constitution, ce qui la conduit à se référer
à des articles traitant de la constitution des sociétés. Cependant, une telle assimilation n'est
guère justifiée.
Les débats doctrinaux ont été nombreux et abondants sur la qualification juridique
possible de cette période présociale, que l'on ait pu y voir un avant-contrat, une société
douée d'une personnalité morale interne, ou une société constituée mais dénuée de
personnalité.

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Deux courants de pensée s'opposent quant à la solution à adopter :
1. Le premier courant défend l'application des règles établies par le droit fiscal pour
La constitution d'une société. Selon ces auteurs, la notion de société en formation affirmée
par le droit fiscal peut être transposée sur le plan du droit commercial. Ainsi, les
engagements souscrits postérieurement à l'accomplissement de l'un des actes inhérents à la
procédure de constitution peuvent être repris, sous réserve que les autres conditions,
notamment les conditions de forme, soient réunies.

2. Le deuxième courant, quant à lui, tend vers l'application d'une solution de fait. En
effet, il est constaté que la création économique de l'entreprise ne coïncide pas toujours
avec la constitution de la société. Ainsi, la volonté économique d'entreprendre peut se
manifester avant les premières opérations constitutives, par le dépôt de marques, la prise
de brevets, l'étude de marchés, la négociation de crédits bancaires, la sollicitation
d'autorisations administratives, etc. De plus, la majorité des pourvoyeurs de crédits
bancaires semblent admettre facilement le fait et accorder des financements aux sociétés
ayant commencé leur activité avant leur immatriculation.
Enfin, certains auteurs estiment que le point de départ de la société en formation
est indépendant d'un acte opposable aux tiers, et se détermine au vu des circonstances de
chaque espèce. Toutefois, il n'y a pas d'unanimité sur cette question. En somme, les deux
courants de pensée s'opposent quant à la solution à adopter pour la constitution d'une
société, entre l'application des règles établies par le droit fiscal et l'application d'une
solution de fait.
- La jurisprudence française :
Plusieurs arrêts peuvent être cités qui marquent la tendance de la jurisprudence
commerciale à s'écarter de la définition étroite de la période de formation, qu'avait, par
exemple, admis en 1981 la cour d'appel de Paris :
L'arrêt du 23 mai 1977, de la Cour de cassation a relevé que de simples pourparlers
étaient suffisants pour caractériser l'existence d'une société en formation.
La cour d'appel de Rouen, le 5 juillet 1974, a considéré qu'une société était en formation
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en relevant divers indices : correspondance entre les fondateurs tendant à la création de
cette société, annonce dans la presse de l'activité envisagée, ouverture d'un compte,
rédaction d'un projet de règlement intérieur.
La cour d'appel de Paris, le 26 avril 1984, indique que " pour qu'une société en
formation existe, il n'est pas indispensable que le contrat de société ait été signé ; il suffit
que l'activité sociale ait commencé ".
Contrairement à la position prise par l'administration fiscale, la reconnaissance d'une
société en formation n'impose pas la signature préalable des statuts. Toutefois, un certain
nombre d'actes est nécessaire.
De ces décisions, il ressort que toute une série de contrats sont déterminante de l'ouverture
de la période de formation, sans que puisse être dressée une énumération exhaustive de
ces actes.
Deux remarques peuvent être faites. En premier lieu, l'ouverture de la période de
formation n'est déterminée qu'au vu des circonstances de chaque espèce. En second lieu,
on constate que si les juridictions se détachent de la solution de l'administration fiscale en
exigeant un acte matériel univoque non prédéfini, elles ne font aucune référence
expressément à la volonté animant les partenaires. En apparence, elles semblent donc se
séparer par-là de la doctrine majoritaire considérant qu'il est nécessaire de réunir deux
éléments : une volonté de créer la société et un acte qui la caractérise. En réalité, il est plus
juste de penser que les juges, de par les actes qu'ils exigent, en induisent cette volonté. Les
deux conditions sont toujours présentes, toutefois les magistrats vérifient en étudiant
l'acte, non seulement l'élément matériel du point de départ, mais encore l'élément
volontaire. Il serait plus satisfaisant que les juridictions envisagent séparément ces deux
éléments.
Une autre solution serait envisageable. Ainsi, dès lors qu'un acte aurait été accompli dans
un délai précédent l'immatriculation, existerait une présomption suivant laquelle l'acte est
censé être passé pour une société en formation. Cependant, bien que la comparaison entre
les dates de possible conception d'une personne physique et d'une société soit concevable,
la réalité et la variabilité du fait économique obligent à rejeter une telle attitude.
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Cette période de formation parait donc singulière à bien des égards notamment lorsque
l’on sait que cette période se situe avant l’immatriculation de la société au registre de
commerce. De ce fait, il conviendra maintenant de se pencher sur les conséquences qui
découlent de cette période « pré-immatriculation ».

Section 2 : La société en formation, société dépourvue


de la personnalité morale :

Lorsque la société est régulièrement immatriculée, elle acquiert la personnalité


morale et se trouve dès lors titulaire, comme les personnes physiques, d’un patrimoine.
Dotée de la capacité juridique, elle pourra accomplir, par le biais de ses dirigeants, tous les
actes qui entrent dans son objet social. Mais tant qu’elle demeurera en attente
d’immatriculation elle sera privée de tous les avantages qui en découleront.
La personnalité morale permet en effet à la société d’avoir un patrimoine propre, le
patrimoine social, distinct des patrimoines personnels de ses membres et une identité
propre, avec un nom (appellation), un domicile (siège social), une nationalité ... avec quoi
la cohésion du groupement et la pérennité de l’entreprise commune serait assurées.
En principe, dès que les statuts ont été signés, la société est constituée, bien qu’elle n’ait
pas la personnalité morale.
L’absence de reconnaissance de la personnalité morale de la société en cours de formation
a des répercussions non seulement sur les rapports internes (entre associés) mais
également sur les rapports externes (vis-à-vis des tiers).
En effet, pendant cette période, les rapports entre associés vont être régis par le contrat de
société et par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations.
Vis-à-vis des tiers, des dépenses vont être effectuées avant l’immatriculation : location de
bureaux pour l’installation du siège social, embauche de personnel, achat de matériel,
installation de lignes téléphoniques et de l’internet, ouverture de comptes bancaires. Or la
société n’a pas encore d’existence juridique et ne peut donc contracter.
On l’aura compris, des actes vont être entrepris par les associés vis-à-vis des tiers alors

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que la société est toujours en attente d’immatriculation synonyme d’acquisition de
personnalité morale.

Ce problème irritant du sort des actes accomplis au cours de la période constitutive aurait
pu être évité si le législateur n’avait pas tant retardé la naissance de la personnalité
juridique des sociétés commerciales qui se retrouvent de ce fait dépourvues de la faculté
d’ester en justice, de faire appel d'une décision ou même d’être poursuivie en justice.
Pour bien comprendre ces handicaps, faisons un comparatif entre la jurisprudence
française et marocaine concernant cette question.
En France, pour la Chambre commerciale, tant que la société n’a pas la personnalité
morale, elle est dépourvue du droit d’agir en justice. La jurisprudence considère qu’une
procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique était affectée d’une
irrégularité de fond ne pouvant être couverte. Les fondateurs ne pourront donc agir au
nom de la société.

A l’inverse, le Conseil d’Etat admet une personnalité embryonnaire de la société en


formation et lui reconnait la capacité d’agir en permettant à des tiers de traiter pour son
compte.
Quant à la troisième chambre civile de la Cour de cassation, elle admet la régularisation
dès lors que l’immatriculation intervient avant que le juge ne statue. En d’autres termes,
lorsque la société a été régulièrement constituée et immatriculée, et qu'elle a repris les
engagements souscrits en son nom par ses fondateurs, ils sont alors réputés avoir été
conclus dès l'origine par la société.

Au Maroc, un arrêt de la Cour de cassation a considéré en 2010 qu’« une société


anonyme n'est valablement constituée qu'après avoir accomplie les formalités d'inscription
au registre de commerce, de publicité dans le bulletin officiel, et dans un journal
d'annonces légales. » Ce qui rejoint parfaitement les dispositions imposées par le
législateur.
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L’arrêt rajoute « Est irrecevable l'appel déposé par cette société avant sa mise en
conformité en application de la loi 17/95 sur les sociétés anonymes puisque celle-ci ne
dispose ni de la personnalité morale ni de la qualité pour agir ».
La décision de la cour pourrait paraitre est extrême. Par son refus, elle reconnait
l’inexistence juridique de la société.
Un autre arrêt de la cour du 09/10/2013 a renforcé cette idée selon laquelle
l’immatriculation au registre de commerce reste le seul moyen juridique pour l’acquisition
de la personnalité morale.
L’arrêt a considéré également que lors d’un litige entre deux associés, « la demande du
partage de bénéfices d’une société en cours de formation est infondée » puisqu’inexistante
juridiquement.
Sur le terrain jurisprudentiel, les tribunaux ont tiré d’autres conséquences pratiques issues
du lien existant entre l'attribution de la personnalité morale et l'inscription au registre du
commerce et des sociétés à savoir :
* L'incapacité de surenchérir dans une adjudication ;
* Elle ne peut être déclarée en redressement ou en liquidation judiciaire ;
* Elle ne peut non plus bénéficier des attributs liés à la personnalité morale,
notamment de la dénomination sociale.

Après s'être intéressé aux éléments caractérisant une société en formation, il convient
d'étudier, dans un second titre, le devenir des actes réalisés pendant cette période.

Chapitre II : Sort des actes établis par la société en formation :

Lors de la formation d’une société, celle-ci étant dépourvue de personnalité


morale, il lui est donc difficile si ce n’est pas impossible d’accomplir des actes juridiques.
Néanmoins, les actes destinés à préparer le début d’exploitation peuvent être établis.
Mais une fois immatriculée, la suite logique voudrait que tous les actes et engagements
souscrits en phase de formation soient repris.

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Section 1 : Conditions et modalités de reprise des actes :

Durant le temps de l’immatriculation de la société, les futurs associés sont conduits


fréquemment à s’engager pour le compte de la société en cours de formation.
Les actes ainsi accomplis préalablement à l’immatriculation de la société n’engagent en
principe que les personnes physiques qui les ont accomplis et non la société en tant que
telle.
Ce principe comporte toutefois une exception, dans la mesure où si après son
immatriculation la société a repris les engagements souscrits, ces engagements seront
réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.
Mais pour que cette « reprise » soit régulière, encore faut-il que certaines conditions aient
été préalablement remplies.
Le 11 juin 2013, la Cour de cassation a jugé que « les engagements souscrits
antérieurement à l’immatriculation d’une société ne peuvent être repris par la société que
s’ils ont été conclus pour le compte de la société en formation ou conclus par la société
elle-même préalablement à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
À défaut, les contrats conclus avec la société en formation encourent l’annulation ».
Il en résulte que les fondateurs doivent indiquer expressément dans les actes qu'ils
concluent dans l'intérêt de la société en formation qu'ils agissent pour le compte de cette
dernière et non pour leur propre compte.
De plus, il résulte d'une analyse littérale de l’article 27 de la loi 17-95, que le concept
d'engagement est utilisé indifféremment par ce texte qui parle aussi bien d'engagement,
d'acte, que d'agissement (les personnes qui ont agi). Il est alors possible d'émettre l'idée
selon laquelle la société peut reprendre toutes sortes d'opérations d'ordre contractuel. En
revanche, la question est discutée en matière de délits et quasi-délits.
Il est tout évident que ces diverses expressions, notamment celle d'engagement, désignent
les contrats et quasi-contrats conclus pour le compte de la société en formation, à son
profit ou à ses dépens.
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Nous savons qu'une société, bien que non immatriculée et donc ne bénéficiant pas de la
personnalité morale, est amenée dans son intérêt à exercer une activité économique. Les
fondateurs peuvent dans le cadre de cette activité, conclure un certain nombre d'actes au
nom de la société et qui, en cas de reprise ultérieure, vont engager la responsabilité de la
personne morale.
En ce qui concerne la mise en œuvre du mécanisme de reprise des délits et quasi-délits, la
doctrine est partagée. Deux thèses s'affrontent :
Une première opinion étend le champ d’application l’article précité aux délits et quasi-
délits. Elle se fonde sur l'expression utilisée par le texte. Si l'emploi du terme acte autorise
l'exclusion de ces comportements car il implique la notion de contrat, le recours au
concept plus large d'engagement permet de les englober. Michel DAGOT indique ainsi
que " la procédure de reprise doit pouvoir jouer pour tous les actes, toutes les opérations,
qui ont été réalisés pour le compte de la société en formation. Aucune exception ne paraît
pouvoir être admise ".
Une deuxième conception est hostile à l'application des textes en vigueur aux délits et
quasi-délits, en considérant que la procédure de reprise ne saurait couvrir les délits et
quasi-délits, civils et pénaux. D’autres auteurs nuancent toutefois à ce propos, parce que
s'agissant de délits consécutifs à la conclusion d'un contrat, ils reconnaissent que la société
peut reprendre le contrat en ne couvrant que la dimension contractuelle de l'opération.
ROBLOT et RIPERT se montrent, quant à eux, réservés puisqu'ils indiquent par la suite
que s'il y avait « reprise » la responsabilité de l'auteur du délit resterait engagée.
Outre ces conditions, la reprise peut être établie selon qu’il s’agisse des actes accomplis
avant la signature des statuts, entre la signature des statuts et l’immatriculation de la
société ou bien postérieure à l’immatriculation.
-Dans le premier cas, c'est-à-dire avant la signature des statuts, l’état des actes accomplis
doit être annexé aux statuts ; Ceci permet de faire reprendre les engagements par la
société, qui devient donc responsable vis à vis des tiers en lieu et place des associés ayant
accompli les actes.
La jurisprudence française est stricte, car elle exige que cet état des engagements soit
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dressé et annexé aux statuts, ou que ces actes soient indiqués dans le corps des statuts.
Toute formule générale de reprise des actes dans les statuts est sans effet.
Ce qui importe c'est que les associés soient informés, avant la signature des statuts, de
l'étendue des actes passés pour le compte de la société en formation.
-Si l'acte a été passé entre la signature des statuts et l'immatriculation de la société il sera
repris automatiquement par la société dès son immatriculation si la personne qui l'a conclu
a agi envers les tiers en vertu d'un mandat spécial, donné, soit dans les statuts soit dans un
acte à part.
Pour se dégager de sa responsabilité, l'auteur de l'acte passé pour le compte de la société
en formation doit prouver qu'il avait reçu un mandat spécial qui lui était expressément
adressé. La charge de la preuve appartient en effet à celui qui invoque la reprise.
Une première difficulté a trait au caractère intuitu personae du mandat, à savoir s'il est
donné en fonction des qualités personnelles et de la personnalité de son bénéficiaire.
Les tribunaux se sont montrés favorables à ce caractère dans une décision du 3 avril 1973,
car les juges ont considéré que le décès de l'administrateur qui avait reçu mandat
empêchait son successeur de s'en prévaloir.
Une seconde difficulté porte sur les caractéristiques que doit présenter ce mandat. Ce
dernier doit déterminer avec précision la nature et les modalités des actes à accomplir. A
défaut, les contrats conclus en vertu d'un mandat trop général n’engagent pas la société et
doivent faire l'objet d'une approbation des associés postérieurement à l'immatriculation de
la société.

- Après l’immatriculation, lorsque l’une ou l’autre des techniques ci-dessus examinées


n’aura pas été utilisée, l’acte réalisé pourra être repris, après l’immatriculation de la
société, par décision de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires.
Encore faut-il que l'engagement contracté au nom de la société en formation soit ratifié ou
exécuté conformément aux pouvoirs octroyés par les statuts ou au regard d'un mandat
conféré à cet effet.
Bien que la loi ne prévoie aucun délai, la décision de reprise devrait avoir lieu assez
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rapidement sous l'impulsion des fondateurs qui, jusqu'à l'immatriculation, sont tenus des
actes accomplis pour le compte de la société en formation.

Section 2 : Effets de reprise des actes

Des nécessités pratiques obligent les fondateurs de la société à conclure pour son
compte d’assez nombreux contrats, non pour commencer l’exploitation mais pour préparer
celle-ci.
Mais qui devra alors exécuter ces contrats ? La société, une fois dotée de la
personnalité morale, ou ses fondateurs ?
Cette question est importante, car la solvabilité de la société et des associés n’a souvent
aucune commune mesure. La loi y répond en posant aux articles 27 de la loi 17-95 une
solution alternative. Ou bien la société, après avoir été régulièrement constituée et
immatriculée, reprends à son compte les engagements souscrits : ils sont alors réputés
avoir été conclus dès l’origine par celle-ci. Ou bien la société ne reprend pas les
engagements : les fondateurs sont alors personnellement tenus de les exécuter.
De même, le refus, après immatriculation, de ratifier un acte antérieurement conclu n’a
aucune influence sur la validité de la société. La constitution d’une société est donc un
mécanisme complexe. Mais conformément à la règle qui veut que plus la conclusion d’un
acte juridique est soumise à des conditions nombreuses plus ses effets sont importants, la
société une fois constituée produit des conséquences spécialement remarquables
lorsqu’elle décide soit de reprendre les actes accomplis pour son compte alors qu’elle était
en formation, soit de refuser de les reprendre.
Effet rétroactif et substitutif de la reprise :
La reprise des engagements intervenue à la suite de l’application de l’un des procédés sus
désignes opère « une substitution rétroactive », ce qui est spécialement utile dans l’aspect
passif de l’engagement. Tout se passe comme si c’était la société qui, dès la conclusion de
l’engagement, avait contracté elle-même, et cette substitution est opposable au
cocontractant et aux associés. Les personnes qui ont agi sont définitivement dégagées.

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Aucune responsabilité solidaire avec la société ne pèse sur elles. Cette reprise libère
totalement les auteurs de l’acte, sauf s’ils ont consenti, de manière spécifique à un
engagement solidaire ou à un cautionnement. Ainsi, la société devient encore seule
débitrice d’une manière rétroactive ; à la date de la conclusion de l’acte, de la naissance de
l’engagement.
Cette rétroactivité a été voulue pour des raisons fiscales : il s’agit d’éviter le redoublement
de mutations taxables au sens du droit de l’enregistrement. Tout se passe par exemple,
comme si le fonds de commerce acheté au nom de la société en formation était rentré dès
la vente dans le patrimoine de la société sans passer par celui de la personne qui a agi, ou
comme si le bail avait été conclu dès l’origine par la société.
La cour de cassation française va parfois très loin dans les conséquences de cette fiction.
C’est ainsi qu’elle fait prévaloir la rétroactivité sur l’absence de publicité foncière, dans le
cas où un immeuble, acquis par des associés au nom d’une société en formation, se
retrouve dans le patrimoine de cette société une fois immatriculée. En revanche, elle a
refusé d’ordonner l’extension d’une procédure collective contre le président d’une SA ,
démissionnaire avant l’immatriculation, bien que les engagements conclus par lui aient été
repris par la société mise ensuite en règlement judiciaire. Cette personne n’a en effet
jamais été dirigeant d’une personne morale.
Aussi, en cas de l’émission d’un chèque au nom d’une société en formation alors même
que les associés ont régulièrement décidé de la reprise des actes passés par le fondateur,
celui-ci reste personnellement responsable du paiement des chèques émis par lui pour le
compte de la société en formation. En effet « le tireur» d’un chèque est personnellement
garant du paiement de celui-ci à l’égard des porteurs successifs, même lorsque le chèque a
été émis pour le compte d’autrui.

Mais qu’en est-il des actes conclus lors de la période de formation et qui ne se verront pas
repris ?

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* Défaut de reprise :

L’absence de reprise peut résulter soit d’un défaut d’immatriculation, soit


d’absence ou d’un refus de reprise, faute de l’avoir décidé, ou d’avoir respecté les
exigences de l’un des mécanismes organisés par la loi. En ce cas, les personnes qui ont
accomplis les actes passés au nom de la société en formation ou qui ont donné mandat
pour les accomplir restent seules tenues envers leurs cocontractants, indéfiniment et
solidairement entre elles le cas échéant et ce conformément aux dispositions de l’article
27 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes.
Cette solidarité est une garantie pour les cocontractants qui avaient pu compter sur la
surface financière plus large de la société. Toutefois, les personnes responsables ne sont
que celles qui ont agis personnellement pour le compte de la société en formation et non
pas toutes celles qui ont participé à la constitution.
Afin de limiter les risques encourus par les fondateurs au cas où la société ne serait pas
immatriculée, il est recommandé de prévoir dans les actes passés une clause prévoyant la
résolution de plein droit du contrat à défaut d’immatriculation dans un certain délai ou
bien subordonner la réalisation de l’opération à la condition suspensive de sa reprise par la
société et de l’immatriculation de celle-ci au registre du commerce.
Le défaut de reprise peut résulter également du non-respect de certaines interdictions
prévues par la loi. Comme par exemple l’interdiction faite à une société dépourvue de la
personnalité morale de contracter elle-même des conventions qui se trouvent par la suite
frappées de nullités.
Dans un arrêt du 21 février 2012, la Cour de cassation a rappelé que des conventions
souscrites par une société elle-même alors qu'elle n'est pas encore immatriculée, sont
nulles, faute pour la société d'être pourvue de la personnalité juridique. Elles sont affectées
d'une nullité absolue, donc invocable par tout intéressé et insusceptible de régularisation.
De même et dans certains cas, le défaut ou la négligence de reprise des actes accomplis
pour le compte d’une société en formation une fois immatriculée pourra avoir des
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répercussions néfastes sur ses intérêts :
Une illustration nous en est donnée dans l’ordonnance rendue le 4 août 2014 par le
Président du TGI de Marseille, Il en résulte que faute de reprise de l’acte d’enregistrement
d’une marque par une société après son immatriculation, la prive de sa titularité de la
marque litigieuse. Dès lors, elle ne pouvait agir en contrefaçon de cette marque.

Qu’en est- il des tiers de bonne foi qui ont contracté avec les cocontractants agissant
au nom de la société ?
En l’absence de reprise, les tiers ne sont pas fondés à poursuivre la société, même si
elle a profité de l’engagement pris au cours de sa période de formation.il existe en effet
une cause à cet enrichissement qu’est la prestation de la ou des personnes qui ont agi pour
la société. En revanche, les tiers pourront poursuivre leurs cocontractants d’où le
fondement de la responsabilité solidaire et illimitée.

CONCLUSION :

On remarque que le champ juridique d’avant immatriculation est encore


inexploité voire même sous-estimé. Ce vide laisse entrevoir un déni d’existence de la
société en formation dans l’esprit du législateur. Ce déni laisse place à plusieurs
confusions dans la pratique et peut même ouvrir la porte à plusieurs pratiques frauduleuses
comme la substitution de la société dans les obligations aux souscripteurs.
L’inédit de cette phase « a-juridique » doit être bien interprété par la jurisprudence
pour clarifier la position du droit marocain.

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Bibliographie :

- CHERKAOUI Hassania, La société anonyme, Casablanca, Imprimerie Najah


Al Jadida, 2011.
- DEREU YVES, Réflexions sur les qualifications données à certains types de
sociétés ", Paris, Edition Joly, 1998.
- LE CANNU Paul, DONDERO Bruno, Droit des sociétés, Paris, Montchrestien,
3ème Ed. 2009.
- MOHAMMED MERNISSI -Traité Marocain de Droit des Sociétés ; p 219
- RIPERT Georges et ROBLOT René, Traité élémentaire de droit commercial,
T.1, Paris, 17e Edition, L.G.D.J, 1998.
- MOTIK M’HAMED, Le droit marocain des sociétés commerciales, Rabat,
Imprimerie El Maarif al Jadida, 2004.
- Loi 17-95 relative à la société anonyme et loi 5-96 relative à la Société en nom
collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la
société à responsabilité limitée et la société en participation.
- Cass. com., 23 mai 1977, Bull. civ., IV, n°50
- CA Rouen, 5 juillet 1974, inédit, cité dans l'ouvrage de MM. MERCADAL et
JANIN « Droit des affaires - Sociétés commerciales ».
- C. Cass de Rabat, arrêt n 57 du 31/1/2010 de la chambre commerciale, dossier
n °1414/08
- C. Cass de Rabat, arrêt n 2032 du 09/10/2013 de la chambre commercial, dossier
n° 1018/2013.

WEBOGRAPHIE
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http://www.apce.com

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