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Le sort des actes accomplis par une société en

formation en droit marocain


INTRODUCTION :
Dans le processus de création d’une société commerciale, les « associés » devront
passer -indéniablement par la case de la « formation ».
C’est en effet une période qui est comprise entre le moment où les associés décident
de constituer une société et l'immatriculation au registre du commerce. Une
période où la conclusion de plusieurs actes dits « préparatoires » s’avère nécessaire.
Plusieurs étapes, de durées variables, sont nécessaires pour arriver à
l’immatriculation d’une société. Elles peuvent durer longtemps lorsque le projet de
société correspond à un projet industriel ou financier complexe. Elles peuvent aussi
être résumées à très peu de chose, notamment lorsqu’il s’agit de créer une nouvelle
filiale entièrement contrôlée, à l’intérieur de groupe de sociétés.[1]

Comme nous le savons, la société est considérée à la fois comme un contrat et une
institution. La conception contractuelle envisage la société comme un contrat et donc
la soumet aux règles générales qui régissent les contrats à savoir le Dahir des
Obligations et des Contrats, tandis que la conception institutionnelle donne
naissance à une personne morale.
A noter que l’acquisition de cette personnalité morale ne se fera que par le biais de
l’immatriculation au registre du commerce. Une règle imposée par le législateur à
travers les dispositions des lois 5-96 et 17-95.[2]
La société en formation est donc dépourvue de la personnalité morale puisque
toujours en attente d’immatriculation. De ce fait, et pour éviter tout amalgame, la
société en formation se doit d'être distinguée d'autres types de sociétés quisont
également dépourvues de la personnalité morale à savoir :la société de fait, la
société créée de fait et la société en participation.
D’abord, pour distinguer la société en formation de la société de fait, il faut savoir
que la première a été voulue par ses auteurs et elle est destinée à un moment ou à
un autre à être immatriculée. Il y a donc une volonté de constitution ou, constitution
effective de la société d'une part et une volonté d'immatriculation au registre de
commerce d’autre part.
Au contraire, la société de fait est marquée non seulement par un dépassement du
stade de la simple volonté, puisqu'une société a été constituée, immatriculée, et a
fonctionné mais s’est vue annulée suite à l'atteinte d'un vice de constitution.[3]
Ensuite, en ce qui concerne la société créée de fait, on peut la définir comme :
" une situation dans laquelle deux ou plusieurs personnes se sont comportées en fait
comme des associés, sans avoir exprimé la volonté de former une société."[4]
C’est donc une société qui est ignorée de ses propres membres à la différence de la
société en formation. Ainsi semble se dégager un élément de séparation : la
conscience d'appartenir à une société.C'est ce que la jurisprudence
appelle « la théorie de l'apparence »[5]. Les sociétés créées de fait sont courantes
dans les situations familiales.

Enfin, pour ce qui est de la société en participation, la distinction se trouve


notamment dans le fait que les partenaires de la société en participation sont, au
contraire d’une société en formation, animés de la volonté de faire partie d'une
société non immatriculée.

Cette période de formation se caractérise donc par un régime juridique particulier et


unique notamment en ce qui concerne les actes accomplis au cours de cette
période. C’est un moment délicat, d’abord parce que la société n’a pas de
personnalité juridique et ensuite, parce qu’on ne sait pas si elle en acquerra jamais.
[6]Du coup, le régime légal des actes passés pendant la période de formation a été
construite autour de deux idées simples :
 La société peut reprendre les actes passés avant l’immatriculation selon une
procédure et des cas précis.
 La société peut s’abstenir de reprendre les actes.

Ce sujet va donc nous permettre de mieux comprendre le régime juridique des actes
passés par une société avant même son immatriculation tout en se penchant, bien
évidemment, sur la question délicate qu’est l’absence de reconnaissance de la
personnalité morale au cours de cette période.

Est-ce que l’absence de personnalité morale d’une société


en cours de formation la prive de la faculté d’établir des
actes en son nom ?
Si la réponse est non, quel est le sort de ces actes ?
Pour répondre à ces questions, nous délimiterons d’abord en 1ère partie, et avec plus
de précision, la période dite de formation (A) ce qui nous permettra d’aborder avec
plus d’aisance la problématique des actes passés par une société amputée de la
personnalité morale (B). Ensuite, en seconde partie, nous aurons le champ libre
pour examiner les différentes modalités de reprises des actes passés en cours de
formation (A), des actes qui ne seront toujours pas repris par la société(B).

PLAN :

I - La situation juridique de la société en cours de


formation :

A- A partir de quand peut-on considéré que la société est


en formation ?
B- Une société dépourvue de personnalité morale

II- Le sort des actes établis par une société en


formation :

A- Les conditions et modalités de reprise des actes


B- Les conséquences de reprises des actes
I - La situation juridique de la société en cours de
formation :

La situation juridique de la société en formation, soulève à la fois des questions


d’ordre théorique que pratique. D’une part la question sur le point de départ de la
société en formation nous oriente vers des réponses doctrinales mais encore
administratives et jurisprudentielles (A). D’autre part on ne peut parler de la situation
juridique de la société en formation sans passé devant la problématique de la
personnalité morale qui soulève tant de question théorique que pratique (B).
A - A partir de quand peut-on considérer qu’une société est en
formation ?
Tout d’abord, il convient de savoir que la loi ne définit pas le point de départ de la
société en formation, mais encore aucune solution unanime n'existe. De plus, le
début de la période de formation pose des problèmes de fait et de droit. Il dépend
des circonstances particulières à chaque projet. En tout cas, il doit se traduire par
des actes concrets orientés vers l’application et l’immatriculation.[7]
Cependant, on trouve ainsi diverses propositions qui se regroupent en trois grandes
catégories : celle de l'administration fiscale, celle des auteurs, et celle de la
jurisprudence.
Ceci pose un véritable problème, dans la mesure où la fiction légale qui répute l'acte
passé par la société alors qu'il l'a en fait été par un tiers, ne joue, aux termes mêmes
de la loi, qu'à l'égard des sociétés " en formation ".
L’administration fiscale estime indispensable qu'un acte opposable aux tiers ait été
accompli, et que cet acte soit inhérent à la procédure de constitution établie par des
dispositions législatives et réglementaires. Pour cette dernière, la seule intention de
constituer une telle société ne suffit pas à donner naissance à une « société en
formation », il faut exiger l’existence d’un acte opposable aux tiers.[8] Par
conséquent, la période de formation commence pour une société par action faisant
publiquement appel à l'épargne, à compter du jour du dépôt au greffe du tribunal de
commerce du projet de statuts ; pour une société ne faisant pas appel public à
l'épargne ou une S.A.R.L , à la date du dépôt des fonds provenant des souscriptions,
ou en cas d'apport en nature, à la date de désignation des commissaires aux apports
; pour les sociétés de personnes : à la date de signature du pacte social.
L'administration fiscale considère que la simple intention de constituer une société, et
même que l'engagement dans ce but de pourparlers entre les futurs associés ne
permettent pas d'établir que le processus de formation soit engagé.
D'une part, on se rend compte que ce critère offre un avantage indéniable : celui de
la simplicité. D'autre part, il est également restrictif, ce qui peut s'expliquer par la
volonté de l'administration fiscale de ne pas étendre de manière trop importante les
faveurs accordées.
Cette position est critiquable. La société en formation pouvant avoir une activité
sociale, limitée ou non, les partenaires n'hésitant pas en effet à conclure un certain
nombre d'actes, la protection des tiers se doit d'être assurée le plus tôt possible. Or
protéger les tiers seulement à partir de ces actes semble insuffisant.
De plus, cette solution apparaît artificielle, illogique et arbitraire, parce qu'une liste
limitative d'actes matériels détermine si la société est en formation, sans tenir aucun
compte de l’affectio societatis, c'est-à-dire, la psychologie ayant pu animer les
auteurs de ces actes.
Enfin, rien dans la loi ne permet de corroborer cette thèse. Aucun article ne fixe
expressément ou implicitement, le point de départ de la société en formation.
Finalement, l'administration fiscale comprend le terme de formation comme celui de
constitution, c'est pourquoi elle se réfère à des articles traitant de la constitution des
sociétés. Cependant une telle assimilation ne se justifie guère.
Les débats doctrinaux ont été nombreux et abondants sur la qualification
juridique possible de cette période présociale, que l'on ait pu y voir un avant-contrat,
une société douée d'une personnalité morale interne, ou une société constituée mais
dénuée de personnalité.
Deux courants d'idées se dégagent. Tout d’abord celui qui défend la solution de
l’administration fiscal. Les auteurs de ce courant considèrent que les règles établies
par le droit fiscal sont évidemment transposables sur le plan du droit commercial et la
notion de société en formation affirmée par le droit fiscal se trouve en définitive
moulée sur les règles commerciales. On peut donc en admettre les solutions sur le
plan du droit commercial, et affirmer que peuvent être repris les engagements qui ont
été souscrits postérieurement à l'accomplissement de l'un des actes inhérents à la
procédure de constitution établie par les dispositions législatives et réglementaires,
sous réserve que les autres conditions et, notamment, les conditions de forme,
soient réunies. D’autres excluent que la seule intention de constituer une société,
voire de simples pourparlers, suffisent à donner naissance à une société en
formation, et applique la solution du droit fiscal.
D’un autre côté, il y a les auteurs du courant qui tend vers l’application d’une
solution de fait. On constate que dans la majorité des cas la création économique de
l'entreprise ne coïncident pas avec la constitution de la société. Ainsi, la volonté
économique d'entreprendre le plus tôt possible se manifeste parfois bien avant les
premières opérations constitutives, et se concrétise de façons diverses : dépôt de
marques, prise de brevets, étude de marchés, négociation de crédits bancaires,
sollicitation d'autorisations administratives,… D'ailleurs, dans le domaine bancaire, la
majorité des pourvoyeurs de crédits semble admettre facilement le fait et accorder
des financements aux sociétés ayant commencé leur activité avant leur
immatriculation. D'autres auteurs défendent l'idée que le point de départ de la société
en formation est indépendant d'un acte opposable aux tiers, et se détermine au vu
des circonstances de chaque espèce sans toutefois que se dégage une unanimité.
Plusieurs arrêts peuvent être cités qui marquent la tendance de la jurisprudence
commerciale à s'écarter de la définition étroite de la période de formation, qu'avait,
par exemple, admis en 1981 la cour d'appel de Paris :
- L'arrêt de 1977 de la Cour de cassation a relevé que de simples pourparlers
étaient suffisants pour caractériser l'existence d'une société en formation.[9]
- La cour d'appel de Rouen, le 5 juillet 1974, a considéré qu'une société était en
formation en relevant divers indices : correspondance entre les fondateurs tendant à
la création de cette société, annonce dans la presse de l'activité envisagée,
ouverture d'un compte, rédaction d'un projet de règlement intérieur.[10]
- La cour d'appel de Paris, le 26 avril 1984, indique que " pour qu'une société en
formation existe, il n'est pas indispensable que le contrat de société ait été signé ; il
suffit que l'activité sociale ait commencé ".
Contrairement à la position prise par l'administration fiscale, la reconnaissance d'une
société en formation n'impose pas la signature préalable des statuts. Toutefois, un
certain nombre d'actes est nécessaire.
De ces décisions, il ressort que toute une série de contrats sont déterminante de
l'ouverture de la période de formation, sans que puisse être dressée une
énumération exhaustive de ces actes : engagement de personnels salariés, usage
d'un papier commercial à en-tête, voire d'un timbre humide à sa dénomination, la
démarche de la société dans la commande d'un chantier à un sous-traitant.
A côté de ces contrats, deux autres types de comportements sont également
rapportés : l'apport par les fondateurs de " tout le potentiel de leurs activités
respectives ", de leur capital ou de leur industrie tout d'abord ; l'ouverture d'un
compte bancaire directement au nom de la société en formation, spécialement
lorsque le banquier " a des raisons suffisantes de penser que le processus de
constitution sera mené à son terme "ensuite.
Deux remarques peuvent être faites. En premier lieu, l'ouverture de la période de
formation n'est déterminée qu'au vu des circonstances de chaque espèce. En
second lieu, on constate que si les juridictions se détachent de la solution de
l'administration fiscale en exigeant un acte matériel univoque non prédéfini, elles ne
font aucune référence expressément à la volonté animant les partenaires. En
apparence, elles semblent donc se séparer par-là de la doctrine majoritaire
considérant qu'il est nécessaire de réunir deux éléments : une volonté de créer la
société et un acte qui la caractérise. En réalité, il est plus juste de penser que les
juges, de par les actes qu'ils exigent, en induisent cette volonté. Les deux conditions
sont toujours présentes, toutefois les magistrats vérifient en étudiant l'acte, non
seulement l'élément matériel du point de départ, mais encore l'élément volontaire. Il
serait plus satisfaisant que les juridictions envisagent séparément ces deux
éléments.
Une autre solution serait envisageable. Ainsi, dès lors qu'un acte aurait été accompli
dans un délai précédent l'immatriculation, existerait une présomption suivant laquelle
l'acte est censé être passé pour une société en formation. Cependant, bien que la
comparaison entre les dates de possible conception d'une personne physique et
d'une société soit concevable, la réalité et la variabilité du fait économique obligent à
rejeter une telle attitude.
Cette période de formation parait donc singulière à bien des égards notamment
lorsque l’on sait que cette période se situe avant l’immatriculation de la société au
registre de commerce. De ce fait, il conviendra maintenant de se pencher sur les
conséquences qui découlent de cette période « pré-immatriculation ».
B - Une société dépourvue de personnalité morale

Lorsque la société est régulièrement immatriculée, elle acquiert la personnalité


morale et se trouve dès lors titulaire, comme les personnes physiques, d’un
patrimoine. Dotée de la capacité juridique, elle pourra accomplir, par le biais de ses
dirigeants, tous les actes qui entrent dans son objet social.[11] Mais tant qu’elle
demeurera en attente d’immatriculation elle sera privée de tous les avantages qui en
découleront.

La personnalité morale permet en effet à la société d’avoir un patrimoine propre, le


patrimoine social, distinct des patrimoines personnels de ses membres et une
identité propre, avec un nom (appellation), un domicile (siège social), une
nationalité ... avec quoi la cohésion du groupement et la pérennité de l’entreprise
commune serait assurées.[12]

Quels sont les conséquences de l’absence de personnalité morale ?

En principe, dès que les statuts ont été signés, la société est constituée, bien qu’elle
n’ait pas la personnalité morale.
L’absence de reconnaissance de la personnalité morale de la société en cours de
formation a des répercussions non seulement sur les rapports internes (entre
associés) mais également sur les rapports externes (vis-à-vis des tiers).
En effet, pendant cette période, les rapports entre associés vont être régis par le
contrat de société et par les principes généraux du droit applicables aux contrats et
obligations.[13]
Vis-à-vis des tiers, des dépenses vont être effectuées avant l’immatriculation :
location de bureaux pour l’installation du siège social, embauche de personnel, achat
de matériel, installation de lignes téléphoniques et de l’internet, ouverture de
comptes bancaires. Or la société n’a pas encore d’existence juridique et ne peut
donc contracter.

On l’aura compris, des actes vont être entrepris par les associés vis-à-vis des tiers
alors que la société est toujours en attente d’immatriculation synonyme d’acquisition
de personnalité morale.

Ce problème irritant du sort des actes accomplis au cours de la période constitutive


aurait pu être évité si le législateur n’avait pas tant retardé la naissance de la
personnalité juridique des sociétés commerciales qui se retrouvent de ce
fait dépourvues de la faculté d’ester en justice, de faire appel d'une décision ou
même d’être poursuivie en justice.

Pour bien comprendre ces handicaps, faisons un comparatif entre la jurisprudence


française et marocaine concernant cette question.

En France, pour laChambre commerciale, tant que la société n’a pas la


personnalité morale, elle est dépourvue du droit d’agir en justice. La jurisprudence
considère qu’une procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité
juridique était affectée d’une irrégularité de fond ne pouvant être couverte.[14]Les
fondateurs ne pourront donc agir au nom de la société.

A l’inverse, le Conseil d’Etat admet une personnalité embryonnaire de la société en


formation et lui reconnait la capacité d’agir en permettant à des tiers de traiter pour
son compte.

Quant à la troisième chambre civile de la Cour de cassation, elle admet la


régularisation dès lors que l’immatriculation intervient avant que le juge ne statue. En
d’autres termes, lorsque la société a été régulièrement constituée et immatriculée, et
qu'elle a repris les engagements souscrits en son nom par ses fondateurs, ils sont
alors réputés avoir été conclus dès l'origine par la société.

Au Maroc, un arrêt de la Cour de cassation a considéré en 2010[15]qu’ « une


société anonyme n'est valablement constituée qu'après avoir accomplie les
formalités d'inscription au registre de commerce, de publicité dans le bulletin officiel,
et dans un journal d'annonces légales. » Ce qui rejoint parfaitement les dispositions
imposées par le législateur.
L’arrêt rajoute « Est irrecevable l'appel déposé par cette société avant sa mise en
conformité en application de la loi 17/95 sur les sociétés anonymes puisque celle-ci
ne dispose ni de la personnalité morale ni de la qualité pour agir ».

La décision de la cour pourrait paraitre est extrême. Par son refus, elle reconnait
l’inexistence juridique de la société.

Un autre arrêt de la cour du 09/10/2013[16]a renforcé cette idée selon laquelle «


l’immatriculation au registre de commerce reste le seul moyen juridique pour
l’acquisition de la personnalité morale ».
L’arrêt a considéré également que lors d’un litige entre deux associés, « la demande
du partage de bénéfices d’une société en cours de formation est
infondée » puisqu’inexistante juridiquement.
Sur le terrain jurisprudentiel, les tribunaux ont tiré d’autres conséquences pratiques
issues du lien existant entre l'attribution de la personnalité morale et l'inscription au
registre du commerce et des sociétés à savoir :

 L'incapacité de surenchérir[17] ;
 Elle ne peut être déclarée en redressement ou en liquidation judiciaire[18] ;
 Elle ne peut non plus bénéficier des attributs liés à la personnalité morale,
notamment de la dénomination sociale.

Après s'être intéressé aux éléments caractérisant une société en formation, il


convient d'étudier, dans un second titre, le devenir des actes réalisés pendant cette
période.

II- Le sort des actes établis par une société en formation :


Lors de la formation d’une société, celle-ci étant dépourvue de personnalité morale, il
lui est donc difficile si ce n’est pas impossible d’accomplir des actes juridiques.
Néanmoins, les actes destinés à préparer le début d’exploitation peuvent être établis.
Mais une fois immatriculée, la suite logique voudrait que tous les actes et
engagements souscrits en phase de formation soient repris.

A- Conditions et modalités de reprise :


Durant le temps de l’immatriculation de la société, les futurs associés sont conduits
fréquemment à s’engager pour le compte de la société en cours de formation.
Les actes ainsi accomplis préalablement à l’immatriculation de la société n’engagent en principe que les
personnes physiques qui les ont accomplis et non la société en tant que telle.
Ce principe comporte toutefois une exception, dans la mesure où si après son immatriculation la société a
repris les engagements souscrits, ces engagements seront réputés avoir été souscrits dès l'origine par la
société.
Mais pour que cette « reprise » soit régulière, encore faut-il que certaines conditions aient été
préalablement remplies.
Le 11 juin 2013, la Cour de cassation a jugé que « les engagements souscrits
antérieurement à l’immatriculation d’une société ne peuvent être repris par la société
que s’ils ont été conclus pour le compte de la société en formation ou conclus par la
société elle-même préalablement à son immatriculation au registre du commerce et
des sociétés. À défaut, les contrats conclus avec la société en formation encourent
l’annulation »[19].

Il en résulte que les fondateurs doivent indiquer expressément dans les actes qu'ils concluent dans
l'intérêt de la société en formation qu'ils agissent pour le compte de cette dernière et non pour leur
propre compte.
De plus, il résulte d'une analyse littérale de l’article 27 de la loi 17-95, que le concept d'engagement est
utilisé indifféremment par ce texte qui parle aussi bien d'engagement, d'acte, que d'agissement ("les
personnes qui ont agi"). Il est alors possible d'émettre l'idée selon laquelle la société peut reprendre
toutes sortes d'opérations d'ordre contractuel. En revanche, la question est discutée en matière de délits
et quasi-délits.
Il est tout évident que ces diverses expressions, notamment celle d'engagement,
désignent les contrats et quasi-contrats conclus pour le compte de la société en
formation, à son profit ou à ses dépens.

Nous savons qu'une société, bien que non immatriculée et donc ne bénéficiant pas
de la personnalité morale, est amenée dans son intérêt à exercer une activité
économique. Les fondateurs peuvent dans le cadre de cette activité, conclure un
certain nombre d'actes au nom de la société et qui, en cas de reprise ultérieure, vont
engager la responsabilité de la personne morale.

En ce qui concerne la mise en œuvre du mécanisme de reprise des délits et quasi-


délits, la doctrine est partagée. Deux thèses s'affrontent :

Une première opinionétend le champ d’application l’article précité aux délits et


quasi-délits. Elle se fonde sur l'expression utilisée par le texte. Si l'emploi du terme
acte autorise l'exclusion de ces comportements car il implique la notion de contrat, le
recours au concept plus large d'engagement permet de les
englober.Michel DAGOT[20] indique ainsi que " la procédure de reprise doit pouvoir
jouer pour tous les actes, toutes les opérations, qui ont été réalisés pour le compte
de la société en formation. Aucune exception ne paraît pouvoir être admise ".

Une deuxième conception est hostile à l'application des textes en vigueur aux délits
et quasi-délits, en considérant que la procédure de reprise ne saurait couvrir les
délits et quasi-délits, civils et pénaux.D’autres auteurs nuancent toutefois à ce
propos, parce que s'agissant de délits consécutifs à la conclusion d'un contrat, ils
reconnaissent que la société peut reprendre le contrat en ne couvrant que la
dimension contractuelle de l'opération. ROBLOT et RIPERT se montrent, quant à
eux, réservés puisqu'ils indiquent par la suite que s'il y avait « reprise » la
responsabilité de l'auteur du délit resterait engagée.[21]

Outre ces conditions, la reprise peut être établie selon qu’il s’agisse des actes
accomplis avant la signature des statuts, entre la signature des statuts et
l’immatriculation de la société ou bien postérieure à l’immatriculation.

-Dans le premier cas, c'est-à-dire avant la signature des statuts, l’état des actes
accomplis doit être annexé aux statuts ; Ceci permet de faire reprendre les
engagements par la société, qui devient donc responsable vis à vis des tiers en lieu
et place des associés ayant accompli les actes[22].

La jurisprudence française est stricte, car elle exige que cet état des engagements
soit dressé et annexé aux statuts[23], ou que ces actes soient indiqués dans le corps
des statuts. Toute formule générale de reprise des actes dans les statuts est sans
effet[24].

Ce qui importe c'est que les associés soient informés, avant la signature des statuts,
de l'étendue des actes passés pour le compte de la société en formation.

-Si l'acte a été passé entre la signature des statuts et l'immatriculation de la


société il sera repris automatiquement par la société dès son immatriculation si la
personne qui l'a conclu a agi envers les tiers en vertu d'un mandat spécial, donné,
soit dans les statuts soit dans un acte à part.
Pour se dégager de sa responsabilité, l'auteur de l'acte passé pour le compte de la
société en formation doit prouver qu'il avait reçu un mandat spécial qui lui était
expressément adressé. La charge de la preuve appartient en effet à celui qui
invoque la reprise.

Une première difficulté a trait au caractère intuitu personae du mandat, à savoir s'il
est donné en fonction des qualités personnelles et de la personnalité de son
bénéficiaire.

Les tribunaux se sont montrés favorables à ce caractère dans une décision du 3 avril
1973[25], car les juges ont considéré que le décès de l'administrateur qui avait reçu
mandat empêchait son successeur de s'en prévaloir.

Une seconde difficulté porte sur les caractéristiques que doit présenter ce mandat.
Ce dernier doit déterminer avec précision la nature et les modalités des actes à
accomplir[26].À défaut, les contrats conclus en vertu d'un mandat trop général
n’engage pas la société et doivent faire l'objet d'une approbation des associés
postérieurement à l'immatriculation de la société.

-Après l’immatriculation, lorsque l’une ou l’autre des techniques ci-dessus examinées n’aura pas été
utilisée, l’acte réalisé pourra être repris, après l’immatriculation de la société, par décision de l’assemblée
générale ordinaire des actionnaires[27].

Encore faut-il que l'engagement contracté au nom de la société en formation soit


ratifié ou exécuté conformément aux pouvoirs octroyés par les statuts ou au regard
d'un mandat conféré à cet effet.
Bien que la loi ne prévoie aucun délai, la décision de reprise devrait avoir lieu assez
rapidement sous l'impulsion des fondateurs qui, jusqu'à l'immatriculation, sont tenus
des actes accomplis pour le compte de la société en formation.

B- les conséquences de la reprise des actes :

Des nécessités pratiques obligent les fondateurs de la société à conclure pour son
compte d’assez nombreux contrats, non pour commencer l’exploitation mais pour
préparer celle-ci.
Mais qui devra alors exécuter ces contrats ?La société, une fois dotée de la
personnalité morale, ou ses fondateurs ?

Cette question est importante, car la solvabilité de la société et des associés n’a
souvent aucune commune mesure. La loi y répond en posant aux articles 27 de la loi
17-95 une solution alternative. Ou bien la société, après avoir été régulièrement
constituée et immatriculée, reprends à son compte les engagements souscrits : ils
sont alors réputés avoir été conclus dès l’origine par celle-ci. Ou bien la société ne
reprend pas les engagements : les fondateurs sont alors personnellement tenus de
les exécuter.

De même, le refus, après immatriculation, de ratifier un acte antérieurement conclu


n’a aucune influence sur la validité de la société. La constitution d’une société est
donc un mécanisme complexe. Mais conformément à la règle qui veut que plus la
conclusion d’un acte juridique est soumise à des conditions nombreuses plus ses
effets sont importants, la société une fois constituée produit des conséquences
spécialement remarquables lorsqu’elle décide soit de reprendre les actes accomplis
pour son compte alors qu’elle était en formation, soit de refuser de les
reprendre.

 Effet rétroactif et substitutif de la reprise :


La reprise des engagements intervenue à la suite de l’application de l’un des
procédés sus désignes opère « une substitution rétroactive », ce qui est
spécialement utile dans l’aspect passif de l’engagement. Tout se passe comme si
c’était la société qui, dès la conclusion de l’engagement, avait contracté elle-même,
et cette substitution est opposable au cocontractant et aux associés. Les personnes
qui ont agi sont définitivement dégagées. Aucune responsabilité solidaire avec la
société ne pèse sur elles. Cette reprise libère totalement les auteurs de l’acte, sauf
s’ils ont consenti, de manière spécifique à un engagement solidaire ou à un
cautionnement. Ainsi, la société devient encore seule débitrice d’une manière
rétroactive ; à la date de la conclusion de l’acte, de la naissance de l’engagement.
Cette rétroactivité a été voulue pour des raisons fiscales : il s’agit d’éviter le
redoublement de mutations taxables au sens du droit de l’enregistrement. Tout se
passe par exemple, comme si le fonds de commerce acheté au nom de la société en
formation était rentré dès la vente dans le patrimoine de la société sans passer par
celui de la personne qui a agi, ou comme si le bail avait été conclu dès l’origine par la
société.
La cour de cassation française va parfois très loin dans les conséquences de cette
fiction. C’est ainsi qu’elle fait prévaloir la rétroactivité sur l’absence de publicité
foncière,dans le cas où un immeuble, acquis par des associés au nom d’une société
en formation, se retrouve dans le patrimoine de cette société une fois
immatriculée[28]. En revanche, elle a refusé d’ordonner l’extension d’une procédure
collective contre le président d’une SA , démissionnaire avant l’immatriculation, bien
que les engagements conclus par lui aient été repris par la société mise ensuite en
règlement judiciaire[29].Cettepersonne n’a en effet jamais été dirigeant d’une
personne morale[30].
Aussi, en cas de l’émission d’un chèque au nom d’une société en formation alors
même que les associés ont régulièrement décidé de la reprise des actes passés par
le fondateur, celui-ci reste personnellement responsable du paiement des chèques
émis par lui pour le compte de la société en formation[31]. En effet «le tireur» d’un
chèque est personnellement garant du paiement de celui-ci à l’égard des porteurs
successifs, même lorsque le chèque a été émis pour le compte d’autrui.[32]

Mais qu’en est-il des actes conclus lors de la période de formation et qui
ne se verront pas
repris ?

 Défaut de reprise :

L’absence de reprise peut résulter soit d’un défaut d’immatriculation, soit d’absence
ou d’un refus de reprise, faute de l’avoir décidé, ou d’avoir respecté les exigences de
l’un des mécanismes organisés par la loi . En ce cas, les personnes qui ont
accomplis les actes passés au nom de la société en formation ou qui ont donné
mandat pour les accomplir restent seules tenues envers leurs cocontractants,
indéfiniment et solidairement entre elles le cas échéant et ce conformément aux
dispositions de l’article 27 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes.

Cette solidarité est une garantie pour les cocontractants qui avaient pu compter sur
la surface financière plus large de la société. Toutefois, les personnes responsables
ne sont que celles qui ont agis personnellement pour le compte de la société en
formation et non pas toutes celles qui ont participé à la constitution.

Afin de limiter les risques encourus par les fondateurs au cas où la société ne serait
pas immatriculée , il est recommandé de prévoir dans les actes passés une clause
prévoyant la résolution de plein droit du contrat à défaut d’immatriculation dans un
certain délai ou bien subordonner la réalisation de l’opération à la condition
suspensive de sa reprise par la société et de l’immatriculation de celle-ci au registre
du commerce.[33]

Le défaut de reprise peut résulter également du non-respect de certaines


interdictions prévues par la loi. Comme par exemple l’interdiction faite à une société
dépourvue de la personnalité morale de contracter elle-même des conventions qui se
trouvent par la suite frappées de nullités.
Dans un arrêt du 21 février 2012, la Cour de cassation a rappelé que des
conventions souscrites par une société elle-même alors qu'elle n'est pas encore
immatriculée, sont nulles, faute pour la société d'être pourvue de la personnalité
juridique. Elles sont affectées d'une nullité absolue, donc invocable par tout intéressé
et insusceptible de régularisation.[34]
De même et dans certains cas, le défaut ou la négligence de reprise des actes
accomplis pour le compte d’une société en formation une fois immatriculée pourra
avoir des répercussions néfastes sur ses intérêts :
Une illustration nous en est donnée dans l’ordonnance rendue le 4 août 2014 par le
Président du TGI de Marseille, Il en résulte que faute de reprise de l’acte
d’enregistrement d’une marque par une société après son immatriculation, la prive
de sa titularité de la marque litigieuse. Dès lors, elle ne pouvait agir en contrefaçon
de cette marque[35].
Qu’en est- il des tiers de bonne foi qui ont contracté avec les cocontractants
agissantau nom de la société ?
En l’absence de reprise, les tiers ne sont pas fondés à poursuivre la société, même
si elle a profité de l’engagement pris au cours de sa période de formation.il existe en
effet une cause à cet enrichissement qu’est la prestation de la ou des personnes qui
ont agi pour la société. En revanche, les tiers pourront poursuivre leurs
cocontractants d’où le fondement de la responsabilité solidaire et illimitée.

CONCLUSION :

On remarque que le champ juridique d’avant immatriculation est encore inexploité


voire même sous-estimé. Ce vide laisse entrevoir un déni d’existence de la société
en formation dans l’esprit du législateur. Ce déni laisse place à plusieurs confusions
dans la pratique et peut même ouvrir la porte à plusieurs pratiques frauduleuses
comme la substitution de la société dans les obligations aux souscripteurs.
L’inédit de cette phase « a-juridique » doit être bien interprété par la jurisprudence
pour clarifier la position du droit marocain.
BIBLIOGRAPHIE

 DEREU yves, Réflexions sur les qualifications données à certains types de sociétés ",
Paris, EditionJoly, 1998.
 CHERKAOUI hassania, La société anonyme, Casablanca, Imprimerie Najah Al
Jadida, 2011.
 GROSCLAUDE laurent, MONSERIE-BON marie-hélène, droit des sociétés et
groupements, Paris, 3e Edition Montchrestien, 2009.
 LE CANNU paul, DONDERO bruno, Droit des sociétés, Paris, Montchrestien, 3ème
Ed. 2009.
 MARIN Georges, VION Michel et ANDRE Annie, Recueil solutions d’examens
professionnels : examen de notaire, Paris, T.3, 8e édition,2007.
 MERLE philippe, Droit commercial : Sociétés commerciales, Paris, Dalloz,
16e Edition,2013.
 MOTIK m'hamed, Le droit marocain des sociétés commerciales, Rabat, Imprimerie el maarif al
jadida, 2004.
 RIPERT Georges et ROBLOT René, Traité élémentaire de droit commercial, T.1, Paris,
17e Edition, L.G.D.J, 1998.

WEBOGRAPHIE

 http://www.juripole.fr

 http://www.esc-pau.fr

 http://www.apce.com

[1]LE CANNU paul, DONDERO bruno, Droit des sociétés, Paris, Montchrestien, 3ème Ed. 2009,
p.203.
[2]Loi 17-95 relative à la société anonyme et loi 5-96 relative à la Société en nom collectif, la
société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité
limitée et la société en participation.
[3]DEREU yves, Réflexions sur les qualifications données à certains types de sociétés ",
Paris, EditionJoly, 1998, p. 607.
[4]RIPERT Georges et ROBLOT René, Traité élémentaire de droit commercial, T.1, Paris, 17 e Edition, L.G.D.J,
1998, P.807.
[5]MOTIK m'hamed,Le droit marocain des sociétés commerciales, Rabat, Imprimerie el maarif al
jadida, 2004, p.28.
[6]CHERKAOUI hassania, La société anonyme, Casablanca, Imprimerie Najah Al Jadida, 2011,
p.38.
[7]MARIN Georges, VION Michel et ANDRE Annie, Recueil solutions d’examens professionnels :
examen de notaire, Paris, T.3, 8eédition, p.489.
[8]LE CANNU paul, DONDERO bruno,Op.Cit, p.204.
[9]Cass. com., 23 mai 1977, Bull. civ., IV, n°50.
[10] CA Rouen, 5 juillet 1974, inédit, cité dans l'ouvrage de MM. MERCADAL et JANIN « Droit
des affaires - Sociétés commerciales ».
[11]GROSCLAUDE laurent, MONSERIE-BON marie-hélène, droit des sociétés et groupements,
Paris, 3eEdition Montchrestien, 2009,p.60.
[12]MERLE philippe, Droit commercial : Sociétés commerciales, Paris, Dalloz,
16eEdition,2013,p.108.
[13] Articles 995 à 1041.
[14]Cass. com, 6 mai 2003 : Dr. Sociétés 2003, n° 203, note TRÉBULLE ;
[15] C. Cass de Rabat, arrêt n 57 du 31/1/2010 de la chambre commerciale, dossier n °1414/08
[16]C.Cass de Rabat, arrêt n 2032 du 09/10/2013 de la chambre commercial, dossier n°
1018/2013.
[17]Cass. 2e civ, 18 mai 1989 : Dr. sociétés 1989, comm. 246 ; JCP N 1990, II, p. 205, J.-
P. Garçon.
[18]Cass. com, 1er févr. 2000 : LPA 9 mars 2001, n° 49, p. 18, D. Gibirila.
[19]Cass. Com., 11 juin 2013, n°11-27356.
[20]DAGOT Michel : « un texte contestable : l’art 5 de la loi du 24 juillet 1996 sur les sociétés
commerciales »,Paris, Dalloz, 1974, p 244. Vu sur vu sur « http://www.esc-pau.fr »
[21]RIPERT Georges et ROBLOTRené, Op.Cit, p.828.
[22]MERLE Phiippe, Op.cit, p 113.
[23] Cass. civ. 3ème, 5 janvier 1994, préc.
[24]Cass. com, 3 avril 1973, préc. Il a toutefois été jugé que la reprise automatique pouvait
résulter de l'indication dans les statuts que la société reprendrait tous les actes, marchés ou
accords passés pour l'exploitation d'un fonds de commerce apporté : Cass. com., 10 octobre
1984, Bull. civ., IV, n°261.
[25]Cass. com, 3 avril 1973, préc.
[26]CHERKAOUI hassania,Op.cit, p.38.
[27] Ibidem
[28] Cass.com.9juillet 2003, BJS 2003, note B. Saintourens.
[29]Cass. Com, 10 mai 1984.
[30]LE CANNU paul, DONDERO bruno,Op.Cit, p.225.
[31]CA Paris 24-3-1988 : D. 1988 p. 556 note Martin
[32]Code monétaire et financier, article L 131-4, al.2.
[33]MARIN Georges, VION Michel et ANDRE Annie, Op.cit. p.490.
[34]Cass. com, 21 févr. 2012, n° 10-27.630.
[35] TGI de Marseille, 4 aout 2014.
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