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Comme nous le savons, la société est considérée à la fois comme un contrat et une
institution. La conception contractuelle envisage la société comme un contrat et donc
la soumet aux règles générales qui régissent les contrats à savoir le Dahir des
Obligations et des Contrats, tandis que la conception institutionnelle donne
naissance à une personne morale.
A noter que l’acquisition de cette personnalité morale ne se fera que par le biais de
l’immatriculation au registre du commerce. Une règle imposée par le législateur à
travers les dispositions des lois 5-96 et 17-95.[2]
La société en formation est donc dépourvue de la personnalité morale puisque
toujours en attente d’immatriculation. De ce fait, et pour éviter tout amalgame, la
société en formation se doit d'être distinguée d'autres types de sociétés quisont
également dépourvues de la personnalité morale à savoir :la société de fait, la
société créée de fait et la société en participation.
D’abord, pour distinguer la société en formation de la société de fait, il faut savoir
que la première a été voulue par ses auteurs et elle est destinée à un moment ou à
un autre à être immatriculée. Il y a donc une volonté de constitution ou, constitution
effective de la société d'une part et une volonté d'immatriculation au registre de
commerce d’autre part.
Au contraire, la société de fait est marquée non seulement par un dépassement du
stade de la simple volonté, puisqu'une société a été constituée, immatriculée, et a
fonctionné mais s’est vue annulée suite à l'atteinte d'un vice de constitution.[3]
Ensuite, en ce qui concerne la société créée de fait, on peut la définir comme :
" une situation dans laquelle deux ou plusieurs personnes se sont comportées en fait
comme des associés, sans avoir exprimé la volonté de former une société."[4]
C’est donc une société qui est ignorée de ses propres membres à la différence de la
société en formation. Ainsi semble se dégager un élément de séparation : la
conscience d'appartenir à une société.C'est ce que la jurisprudence
appelle « la théorie de l'apparence »[5]. Les sociétés créées de fait sont courantes
dans les situations familiales.
Ce sujet va donc nous permettre de mieux comprendre le régime juridique des actes
passés par une société avant même son immatriculation tout en se penchant, bien
évidemment, sur la question délicate qu’est l’absence de reconnaissance de la
personnalité morale au cours de cette période.
PLAN :
En principe, dès que les statuts ont été signés, la société est constituée, bien qu’elle
n’ait pas la personnalité morale.
L’absence de reconnaissance de la personnalité morale de la société en cours de
formation a des répercussions non seulement sur les rapports internes (entre
associés) mais également sur les rapports externes (vis-à-vis des tiers).
En effet, pendant cette période, les rapports entre associés vont être régis par le
contrat de société et par les principes généraux du droit applicables aux contrats et
obligations.[13]
Vis-à-vis des tiers, des dépenses vont être effectuées avant l’immatriculation :
location de bureaux pour l’installation du siège social, embauche de personnel, achat
de matériel, installation de lignes téléphoniques et de l’internet, ouverture de
comptes bancaires. Or la société n’a pas encore d’existence juridique et ne peut
donc contracter.
On l’aura compris, des actes vont être entrepris par les associés vis-à-vis des tiers
alors que la société est toujours en attente d’immatriculation synonyme d’acquisition
de personnalité morale.
La décision de la cour pourrait paraitre est extrême. Par son refus, elle reconnait
l’inexistence juridique de la société.
L'incapacité de surenchérir[17] ;
Elle ne peut être déclarée en redressement ou en liquidation judiciaire[18] ;
Elle ne peut non plus bénéficier des attributs liés à la personnalité morale,
notamment de la dénomination sociale.
Il en résulte que les fondateurs doivent indiquer expressément dans les actes qu'ils concluent dans
l'intérêt de la société en formation qu'ils agissent pour le compte de cette dernière et non pour leur
propre compte.
De plus, il résulte d'une analyse littérale de l’article 27 de la loi 17-95, que le concept d'engagement est
utilisé indifféremment par ce texte qui parle aussi bien d'engagement, d'acte, que d'agissement ("les
personnes qui ont agi"). Il est alors possible d'émettre l'idée selon laquelle la société peut reprendre
toutes sortes d'opérations d'ordre contractuel. En revanche, la question est discutée en matière de délits
et quasi-délits.
Il est tout évident que ces diverses expressions, notamment celle d'engagement,
désignent les contrats et quasi-contrats conclus pour le compte de la société en
formation, à son profit ou à ses dépens.
Nous savons qu'une société, bien que non immatriculée et donc ne bénéficiant pas
de la personnalité morale, est amenée dans son intérêt à exercer une activité
économique. Les fondateurs peuvent dans le cadre de cette activité, conclure un
certain nombre d'actes au nom de la société et qui, en cas de reprise ultérieure, vont
engager la responsabilité de la personne morale.
Une deuxième conception est hostile à l'application des textes en vigueur aux délits
et quasi-délits, en considérant que la procédure de reprise ne saurait couvrir les
délits et quasi-délits, civils et pénaux.D’autres auteurs nuancent toutefois à ce
propos, parce que s'agissant de délits consécutifs à la conclusion d'un contrat, ils
reconnaissent que la société peut reprendre le contrat en ne couvrant que la
dimension contractuelle de l'opération. ROBLOT et RIPERT se montrent, quant à
eux, réservés puisqu'ils indiquent par la suite que s'il y avait « reprise » la
responsabilité de l'auteur du délit resterait engagée.[21]
Outre ces conditions, la reprise peut être établie selon qu’il s’agisse des actes
accomplis avant la signature des statuts, entre la signature des statuts et
l’immatriculation de la société ou bien postérieure à l’immatriculation.
-Dans le premier cas, c'est-à-dire avant la signature des statuts, l’état des actes
accomplis doit être annexé aux statuts ; Ceci permet de faire reprendre les
engagements par la société, qui devient donc responsable vis à vis des tiers en lieu
et place des associés ayant accompli les actes[22].
La jurisprudence française est stricte, car elle exige que cet état des engagements
soit dressé et annexé aux statuts[23], ou que ces actes soient indiqués dans le corps
des statuts. Toute formule générale de reprise des actes dans les statuts est sans
effet[24].
Ce qui importe c'est que les associés soient informés, avant la signature des statuts,
de l'étendue des actes passés pour le compte de la société en formation.
Une première difficulté a trait au caractère intuitu personae du mandat, à savoir s'il
est donné en fonction des qualités personnelles et de la personnalité de son
bénéficiaire.
Les tribunaux se sont montrés favorables à ce caractère dans une décision du 3 avril
1973[25], car les juges ont considéré que le décès de l'administrateur qui avait reçu
mandat empêchait son successeur de s'en prévaloir.
Une seconde difficulté porte sur les caractéristiques que doit présenter ce mandat.
Ce dernier doit déterminer avec précision la nature et les modalités des actes à
accomplir[26].À défaut, les contrats conclus en vertu d'un mandat trop général
n’engage pas la société et doivent faire l'objet d'une approbation des associés
postérieurement à l'immatriculation de la société.
-Après l’immatriculation, lorsque l’une ou l’autre des techniques ci-dessus examinées n’aura pas été
utilisée, l’acte réalisé pourra être repris, après l’immatriculation de la société, par décision de l’assemblée
générale ordinaire des actionnaires[27].
Des nécessités pratiques obligent les fondateurs de la société à conclure pour son
compte d’assez nombreux contrats, non pour commencer l’exploitation mais pour
préparer celle-ci.
Mais qui devra alors exécuter ces contrats ?La société, une fois dotée de la
personnalité morale, ou ses fondateurs ?
Cette question est importante, car la solvabilité de la société et des associés n’a
souvent aucune commune mesure. La loi y répond en posant aux articles 27 de la loi
17-95 une solution alternative. Ou bien la société, après avoir été régulièrement
constituée et immatriculée, reprends à son compte les engagements souscrits : ils
sont alors réputés avoir été conclus dès l’origine par celle-ci. Ou bien la société ne
reprend pas les engagements : les fondateurs sont alors personnellement tenus de
les exécuter.
Mais qu’en est-il des actes conclus lors de la période de formation et qui
ne se verront pas
repris ?
Défaut de reprise :
L’absence de reprise peut résulter soit d’un défaut d’immatriculation, soit d’absence
ou d’un refus de reprise, faute de l’avoir décidé, ou d’avoir respecté les exigences de
l’un des mécanismes organisés par la loi . En ce cas, les personnes qui ont
accomplis les actes passés au nom de la société en formation ou qui ont donné
mandat pour les accomplir restent seules tenues envers leurs cocontractants,
indéfiniment et solidairement entre elles le cas échéant et ce conformément aux
dispositions de l’article 27 de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes.
Cette solidarité est une garantie pour les cocontractants qui avaient pu compter sur
la surface financière plus large de la société. Toutefois, les personnes responsables
ne sont que celles qui ont agis personnellement pour le compte de la société en
formation et non pas toutes celles qui ont participé à la constitution.
Afin de limiter les risques encourus par les fondateurs au cas où la société ne serait
pas immatriculée , il est recommandé de prévoir dans les actes passés une clause
prévoyant la résolution de plein droit du contrat à défaut d’immatriculation dans un
certain délai ou bien subordonner la réalisation de l’opération à la condition
suspensive de sa reprise par la société et de l’immatriculation de celle-ci au registre
du commerce.[33]
CONCLUSION :
DEREU yves, Réflexions sur les qualifications données à certains types de sociétés ",
Paris, EditionJoly, 1998.
CHERKAOUI hassania, La société anonyme, Casablanca, Imprimerie Najah Al
Jadida, 2011.
GROSCLAUDE laurent, MONSERIE-BON marie-hélène, droit des sociétés et
groupements, Paris, 3e Edition Montchrestien, 2009.
LE CANNU paul, DONDERO bruno, Droit des sociétés, Paris, Montchrestien, 3ème
Ed. 2009.
MARIN Georges, VION Michel et ANDRE Annie, Recueil solutions d’examens
professionnels : examen de notaire, Paris, T.3, 8e édition,2007.
MERLE philippe, Droit commercial : Sociétés commerciales, Paris, Dalloz,
16e Edition,2013.
MOTIK m'hamed, Le droit marocain des sociétés commerciales, Rabat, Imprimerie el maarif al
jadida, 2004.
RIPERT Georges et ROBLOT René, Traité élémentaire de droit commercial, T.1, Paris,
17e Edition, L.G.D.J, 1998.
WEBOGRAPHIE
http://www.juripole.fr
http://www.esc-pau.fr
http://www.apce.com
[1]LE CANNU paul, DONDERO bruno, Droit des sociétés, Paris, Montchrestien, 3ème Ed. 2009,
p.203.
[2]Loi 17-95 relative à la société anonyme et loi 5-96 relative à la Société en nom collectif, la
société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité
limitée et la société en participation.
[3]DEREU yves, Réflexions sur les qualifications données à certains types de sociétés ",
Paris, EditionJoly, 1998, p. 607.
[4]RIPERT Georges et ROBLOT René, Traité élémentaire de droit commercial, T.1, Paris, 17 e Edition, L.G.D.J,
1998, P.807.
[5]MOTIK m'hamed,Le droit marocain des sociétés commerciales, Rabat, Imprimerie el maarif al
jadida, 2004, p.28.
[6]CHERKAOUI hassania, La société anonyme, Casablanca, Imprimerie Najah Al Jadida, 2011,
p.38.
[7]MARIN Georges, VION Michel et ANDRE Annie, Recueil solutions d’examens professionnels :
examen de notaire, Paris, T.3, 8eédition, p.489.
[8]LE CANNU paul, DONDERO bruno,Op.Cit, p.204.
[9]Cass. com., 23 mai 1977, Bull. civ., IV, n°50.
[10] CA Rouen, 5 juillet 1974, inédit, cité dans l'ouvrage de MM. MERCADAL et JANIN « Droit
des affaires - Sociétés commerciales ».
[11]GROSCLAUDE laurent, MONSERIE-BON marie-hélène, droit des sociétés et groupements,
Paris, 3eEdition Montchrestien, 2009,p.60.
[12]MERLE philippe, Droit commercial : Sociétés commerciales, Paris, Dalloz,
16eEdition,2013,p.108.
[13] Articles 995 à 1041.
[14]Cass. com, 6 mai 2003 : Dr. Sociétés 2003, n° 203, note TRÉBULLE ;
[15] C. Cass de Rabat, arrêt n 57 du 31/1/2010 de la chambre commerciale, dossier n °1414/08
[16]C.Cass de Rabat, arrêt n 2032 du 09/10/2013 de la chambre commercial, dossier n°
1018/2013.
[17]Cass. 2e civ, 18 mai 1989 : Dr. sociétés 1989, comm. 246 ; JCP N 1990, II, p. 205, J.-
P. Garçon.
[18]Cass. com, 1er févr. 2000 : LPA 9 mars 2001, n° 49, p. 18, D. Gibirila.
[19]Cass. Com., 11 juin 2013, n°11-27356.
[20]DAGOT Michel : « un texte contestable : l’art 5 de la loi du 24 juillet 1996 sur les sociétés
commerciales »,Paris, Dalloz, 1974, p 244. Vu sur vu sur « http://www.esc-pau.fr »
[21]RIPERT Georges et ROBLOTRené, Op.Cit, p.828.
[22]MERLE Phiippe, Op.cit, p 113.
[23] Cass. civ. 3ème, 5 janvier 1994, préc.
[24]Cass. com, 3 avril 1973, préc. Il a toutefois été jugé que la reprise automatique pouvait
résulter de l'indication dans les statuts que la société reprendrait tous les actes, marchés ou
accords passés pour l'exploitation d'un fonds de commerce apporté : Cass. com., 10 octobre
1984, Bull. civ., IV, n°261.
[25]Cass. com, 3 avril 1973, préc.
[26]CHERKAOUI hassania,Op.cit, p.38.
[27] Ibidem
[28] Cass.com.9juillet 2003, BJS 2003, note B. Saintourens.
[29]Cass. Com, 10 mai 1984.
[30]LE CANNU paul, DONDERO bruno,Op.Cit, p.225.
[31]CA Paris 24-3-1988 : D. 1988 p. 556 note Martin
[32]Code monétaire et financier, article L 131-4, al.2.
[33]MARIN Georges, VION Michel et ANDRE Annie, Op.cit. p.490.
[34]Cass. com, 21 févr. 2012, n° 10-27.630.
[35] TGI de Marseille, 4 aout 2014.
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