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PHILOSOPHIE DU DROIT

by Nasra

CHAPITRE I : INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE DU


DROIT

INTRODUCTION :

➢ Les hommes peuvent-ils déterminer et établir sous la conduite de la


raison, des modalités d’une société juste qui permettent et garantissent
la coexistence pacifique de ses membres ?
3
● Cette question forme à la fois l’horizon et le pari de la philosophie
2
du droit.
1
La philosophie du droit serait à la paix, ce que la philosophe politique est
à la guerre.

La philosophie politique a pour objet essentiel :


. Le pouvoir;
. les conditions problématiques de la légitimité du pouvoir;
. la détermination des limites et corrélativement les risques de des
usurpations du pouvoir.
En un mot, la philosophie du droit a pour objet essentiel, la question de
la violence et de la domination.

La philosophie du droit inscrit davantage sa démarche dans le cadre


d’une discussion, par les citoyens eux-mêmes, des clauses du contrat
social à savoir d’une recherche en commun des conditions d’une
répartition équitable des biens et des charges de la vie publique et des
moyens de canaliser la force du pouvoir au service du droit, en général
et des droits de chacun, en particulier. Sa préoccupation essentielle
concerne la justice et les règles.

Cette distinction entre la politique et le droit, entre la question du


pouvoir et celle de la justice ne doit pas, évidemment, être comprise de
façon rigide et étanche. Elle ne crée ni en théorie, ni en pratique, deux
territoires étrangers l’un à l’autre sans communication entre eux.

Au sein même de la philosophie du droit,


coexistent un courant critique qui dénonce l’ordre juridique et sa
rationalisation comme une idéologie du pouvoir et un courant
constructif qui poursuit la recherche des fondements rationnels d’un
ordre juste, conçu de manière idéale.

Le courant critique tend à politiser le droit en identifiant la règle de droit


à un commandement du pouvoir dont l’efficacité est directement issue
de la fonction de force déployée.

Le courant constructif s’attache, à l’inverse, à légaliser la politique en


subordonnant les détenteurs du pouvoir et leurs actions au respect des
règles, des procédés de contrôle.

Cette dernière démarche que l’on pourrait qualifier de philosophie au


sens strict, c’est-à-dire, au sens où l’on ne se soumet pas, occupe une
place très importante dans la pensée moderne et contemporaine.

Elle va départir avec le primate éthique affirmé par les modernes contre
les anciens de l’individu et de ses droits sur la société et son pouvoir.

La société moderne est faite pour l’individu et non l’inverse. Le pouvoir


politique devient donc légitime qu’en tant que et dans la mesure où il
permet et favorise l’épanouissement de l’individu.

Le concept « État de droit » définit le modèle d’un pouvoir désormais


soumis au droit. Il ouvre la voie à un contrôle juridictionnel du pouvoir
d’État. Le droit tend ainsi à prendre le pas sur la politique. Il prétend en
tout cas, en dessiner le cadre et en fixer les règles du jeu, espérant par-
là, sans forcément y réussir, juguler le potentiel de violence contenue
dans la volonté de puissance et de domination.

Dans le même temps mais pour d’autres raisons, le droit prend


également le pas sur la morale dans la fonction qu’ils exerçaient
conjointement d’édicter des normes de conduite.

Le déclin de la métaphysique que Nietzsche décrivait comme l’annonce


de la « mort de Dieu », autrement dit, l’impossibilité de découvrir un
ordre normatif et objectif dans la nature des choses soumises à une
forte dégradation du langage éthique et sa capacité de régulation de
comportements, plus fondamentalement, le pluralisme moderne
engendre l’État laïc qui relègue la morale dans la sphère privée qu’il
s’agisse de la conscience individuelle ou de communauté morale ou
religieuse réduite au statut d’associations privées et publiques.

La morale est écartée de la sphère publique désormais sous la seule


emprise du droit. Les règles juridiques investissent ainsi,
progressivement, l’ensemble du champ pratique et s’impose finalement
comme les seules cadres normatifs en vigueur dans les sociétés
contemporaines.

Ce mouvement est perçu par les juristes comme un envahissement par


le droit de tous les domaines et de toutes les institutions de la vie
sociale. Cependant, le fondement et la nature de la règle juridique
demeurent problématiques ainsi que les modalités de la mise en œuvre
ou encore les fonctions sociales qu’elle doit assurer, ainsi se trouvent
agitées, non seulement, dans les enceintes et centres intellectuels mais
également, dans le grand public via média, des questions
fondamentales sur le droit et la justice préoccupent l’Humanité depuis
les origines de la philosophie.

I- Notion de la philosophie du droit

Car si l’expression « philosophie du droit » ne s’est imposée que


relativement de manière tardive, au cours du XIXe siècle dans le sillage,
le principe de la philosophie du droit de Hegel, les problèmes qu’elle
recouvre préoccupaient déjà Platon et Aristote qui y consacraient des
développements très importants à tel point qu’il n’est sans doute pas
exagéré de placer l’interrogation sur la justice au principe même de la
démarche philosophique.

Toutefois si la philosophie du droit et les questions qu’elle pose ont une


très longue histoire, l’évolution des conditions sociales, politiques,
techniques et culturelles a imposée à la modernité, un renouvellement
en profondeur tant des termes de la problématique et des réponses
proposées. Une telle réactualisation impose aujourd’hui, une réflexion
sur les théories modernes de la philosophie du droit et de la
souveraineté.

A. Le droit comme système de normes

Les théories modernes de la souveraineté présentaient, le plus souvent,


le droit, comme un ensemble des lois exprimant la volonté du souverain.
La loi civile, écrit T. Hobbes « pour chaque sujet, l’ensemble des règles
dont la République (res publica) par oral, par écrit ou par quelques
autres signes adéquats de sa volonté où il y a commender pour
distinguer le droit et le tort, c’est-à-dire, ce qui est contraire de la règle
et ce qui ne lui est pas contraire » (tiré de Léviathan).

Cette conception légaliste et impérativiste du droit conçoit les normes


juridiques comme une espèce de commandement, un ordre
accompagné de sanctions qui se distingue par son caractère général et
par sa source, le souverain, c’est-à-dire « un supérieur humain
déterminé, qui n’a pas l’habitude d’obéir un supérieur et à qui, la société
a l’habitude d’obéir ».

En résumé, le droit se réduirait selon cette hypothèse, à « des ordres


généraux appuyés de menaces émis par une personne généralement
obéie ».

La théorie impérativiste a été la cible de nombreuses critiques à


l’époque contemporaine.

❖ Première critique à l’encontre de la théorie impérativiste :


Premièrement, elle se révèle incapable de rendre compte de la
différence entre l’ordre juridique et l’ordre accompagné de menace
provenant d’un voleur, par exemple.

Un commandement peut dans des circonstances précises être la source


d’une norme juridique dès lors qu’il émane des personnes qui sont
habilitées en vertu de certaines normes juridiques tandis que le
commandement d’un voleur même s’il se révèle efficace est un simple
fait et ne constitue pas la source d’une norme « on n’est pas tenu
d’obéir à tel commandement même si on y est contraint sous la
menace ».
Le droit est coercitif et détermine la manière dont est utilisée la force
publique dans la société mais l’obligation juridique ne peut se résumer à
un ordre contraignant. Le droit détermine un certain visage public de la
force mais comme le note J-J Rousseau « la force ne fait pas droit ».

❖ Seconde critique à l’encontre de la théorie impérativiste :


La seconde critique qui peut être formulée à l’encontre de
l’impérativisme est de penser le droit sur le modèle du droit pénal et
d’occulter totalement l’ensemble des normes juridiques qui n’ont pas la
forme d’un commandement assorti d’une sanction .

Ce contrat est une disposition constitutionnelle comme le Président de


la République est élu au suffrage universel direct. Ou encore toutes les
normes d’habilitation qui confèrent à des personnes, un certain nombre
de pouvoirs, semblent irréductibles à quelque espèce de
commandement. Cela veut dire que ces normes ne peuvent pas être
réduites à un commandement ou à quelque espèce de commandement.

Comme le montre H. Hart, même dans l’hypothèse d’un système


politique élémentaire, par exemple, une monarchie absolue dans
laquelle toutes les lois sont instituées par le droit, il y a nécessairement
des règles qui déterminent les sources du droit (dans ce cas, une règle
de droit fait en sorte que ce que commande le souverain ait valeur de
loi) ou qui fixent les modalités de succession du monarque.

NB : la loi salique interdisait aux femmes de devenir reines.

Un tel ordre juridique ne se réduit donc pas à un ensemble de lois


instituées par le monarque. Il ne se limite pas à « des règles primaires »
imposant aux citoyens un modèle de conduite mais il inclut également
« des règles secondaires » qui déterminent la manière dont sont
créées, modifiées, abrogées ou appliquées les règles primaires. Or, ces
règles secondaires ne peuvent absolument être réduites à une espèce
de commandements.

Par ailleurs, la règle de reconnaissance en vertu de laquelle, un juge


identifie les normes valides dont on relève le cas qu’il doit juger n’a pas
du tout le même statut qu’une loi ou un commandement prescrivant tel
ou tel type de conduite.

❖ Troisième critique à l’encontre de la théorie impérativiste :


On a également reproché à la théorie impérativiste d’introduire une
forme de dualité entre le droit et l’État.
En effet, si le droit est une émanation de l’État, si les normes juridiques
ne sont pas que l’expression de la volonté du souverain, on est amené à
faire de l’État, une réalité distincte du droit.

B. Distinction entre l’État et le droit

Cette situation rend problématique l’idée d’un État de droit, à moins de


supporter un processus d’auto-limitation de l’État, selon Carré de
Melborg qui va proposer cette auto-limitation de l’État. Elle signifie que
« l’État ne peut se trouver obligé, lié ou limité qu’en vertu de sa propre
volonté ».

Une théorie juridique de l’État devient, cependant, possible à partir du


moment où la création des normes juridiques par l’État est pensée
comme un acte de volonté dont la valeur normative dépend d’autres
normes juridiques et présuppose l’existence d’un ordre juridique.
En ce sens, l’État n’est pas une entité distincte du droit. L’exercice du
pouvoir n’est pas seulement de l’ordre du fait mais il s’inscrit dans un
ordre normatif, ce qui amène Kelsen à dire que « Tout État doit
nécessairement être un État de droit ».
En ce sens que tout État est un ordre juridique (=théorie pure du droit)

La création du droit par l’État se résume donc à un processus par lequel


le droit règle sa propre création. Kelsen affirme même que « Dire que
l’État crée le droit, c’est seulement dire que les hommes dont les actes
sont attribués à l’État en vertu du droit créent le droit. Ce sont les
hommes qui créent le droit ».

Les théories normativistes du droit qui se sont largement imposées


dans la pensée contemporaine présentent l’ordre juridique comme un
système hiérarchisé des normes.
Le concept des normes est donc essentiel pour comprendre le
phénomène juridique mais la question de la nature des normes
juridiques donnent lieu à des divergences significatives dont la théorie
du Droit.

SECTION I : DÉFINITION DE LA NORME JURIDIQUE, THÉORIE


NORMATIVISTE

➢ Que désigne-t-on lorsqu’on parle de norme juridique ?

On remarquera, en premier lieu, qu’une norme juridique n’est pas un


texte (le texte est le support de la norme).
Dans les sociétés où le droit est écrit, il est fréquent d’assimiler le droit à
un ensemble de textes, des codes ou des règlements écrits considérés
comme l’objet principal de la doctrine.

Cependant, une norme n’est pas un énoncé écrit ou oral mais la


signification d’un énoncé exprimant ce qui doit être juridique.
Ainsi, un texte de loi considéré en lui-même ne constitue pas une norme
mais il permet de signifier une norme juridique.
Parmi les significations possibles d’un texte de loi, toutes n’ont pas de
valeur de normes et un des aspects fondamentaux de la théorie du droit
est de montrer en vertu de quoi un texte peut être considéré comme
source de normes juridiques, ce qui pose la question décisive de
l’interprétation des textes juridiques.

L’énoncé signifiant une norme n’est pas nécessairement sous la forme


impérative, la plupart des normes juridiques sont exprimées dans les
textes à l’indicatif :
Ainsi, des énoncés comme « le vol est puni de 3 ans
d’emprisonnement » ont une fonction normative et ne sont pas malgré
l’apparence, des propositions décrivant des faits, une norme
contrairement à une proposition ne présente pas une valeur de vérité :
on jugera la validité d’une norme mais on ne peut dire qu’une norme est
vraie ou fausse.

En revanche, les critères de vérité s’appliquent à la science du droit,


c’est-à-dire la doctrine juridique, dans la mesure où elle n’est pas
constituée de normes mais des propositions décrivant des normes que
Kelsen nomme « proposition de droit ». C’est une explication d’une
norme de droit existant déjà.

Lorsqu’un juriste écrit ou affirme « le président de la République est élu


pour 5 ans au suffrage universel direct » par acte d’affirmation, le juriste
ne crée pas une norme juridique mais il affirme l’existence d’une norme
juridique et son énoncé peut être vrai ou faux.

Selon Kelsen, une norme peut être définie comme la signification d’un
acte de volonté, acte par lequel une personne veut que quelque chose
ait lieu. Une norme apparaît ainsi, comme la signification prescriptive
d’un acte de volonté, elle exprime un devoir-être.

Cette valeur prescriptive peut présenter différentes modalités selon qu’il


s’agisse d’une norme d’interdiction ou d’obligation, de permission ou
d’habilitation.
En ce sens, un commandement juridiquement valide est un acte
instituant un certain type de normes mais toutes les normes ne sont pas
créées par un commandement ou un ordre. Une norme peut avoir une
portée générale (c’est ainsi un trait distinctif de la loi) mais elle peut
aussi être individuel dès lors qu’elle porte sur un cas particulier ou bien,
s’adresser à des personnes déterminées (c’est le cas des normes issues
d’un contrat entre deux parties identifiées ou d’une convention entre
deux États).

SECTION II : DISTINCTION ENTRE NORMES JURIDIQUES ET LES


AUTRES NORMES

Toutes ne sont pas des normes juridiques. Les critères spécifiques qui
distinguent les autres normes, qu’elles soient morales, sociales,
religieuses. Les normes juridiques peuvent imposer des prescriptions
similaires à celles des normes extra-juridiques.

I- Critère du contenu

Il est parfois admis que les normes juridiques se caractérisent non par
leur contenu substantiel mais par leurs sanctions auxquelles sont
exposés ceux qui ne les respectent pas. Ce qui amène à définir le droit
comme un système de normes assorties de sanctions. Une telle
définition s’avère, cependant, floue et insuffisante.

En effet, on peut concevoir que les normes soient assorties des


sanctions exercent une sorte de contrainte sur les individus mais sans
pour autant mobiliser l’usage de la force publique. Dans ce cas, elles ne
font pas partie de l’ordre juridique.
En effet, le droit se caractérise par un exercice centralisé et
institutionnalisé de la contrainte comme « monopole de la collectivité
juridique » KELSEN, théorie pure du droit.

Les sanctions qui mettent en œuvre l’ordre juridique sont déterminées


par des normes appartenant à l’ordre juridique, les sanctions qui
accompagnent l’ordre juridique sont elles-mêmes définies par d’autres
normes.

Par ailleurs, toutes les normes juridiques ne sont pas nécessairement


assorties de sanctions puisqu’une norme peut être valide même si elle
ne subit d’aucune sanction en cas de violation.

La validité d’une norme juridique ne se confond pas avec son efficacité.


Ce ne sont donc pas des propriétés inhérentes à une norme qui
permettent de la considérer comme du droit mais plutôt son
appartenance à un ordre juridique et les relations (horizontales =
hiérarchie. Verticales = analogie) qu’elle entretient avec d’autres normes
juridiques.

➢ La question est alors de savoir : en quoi l’ordre juridique se distingue


des autres ordres normatifs ?

Il se caractérise notamment par certaines propriétés formelles qui lui


confèrent une structure particulière. Il y a en effet, une hiérarchie entre
les normes juridiques, un ordre juridique qui peut être conçu de façon
statique au sens où les normes peuvent être dérivées à partir des
normes plus générales : ainsi, par exemple, la décision d’un juge
apparaît parfois comme une norme particulière tirée d’une norme plus
générale.

Dans ce cas, une norme donnée appartient à l’ordre juridique en raison


de sa conformité à une norme supérieure. Cette représentation statique
du droit ne nous présente qu’un aspect limité de l’ordre juridique.

Si on s’efforce de penser le droit tel qu’il est, on est assez loin d’un
système parfaitement cohérent dans lequel chaque norme peut se
déduire logiquement d’une norme supérieure. Les normes juridiques
présentent parfois une forme d’indétermination qui confère au droit
« une texture ouverte » qui ne permet pas face à « des cas difficiles »
de déterminer par un raisonnement purement formel ce qu’est le droit.
On ne peut pas non plus écarter les possibilités de conflits entre les
normes du droit.

Ce qui distingue le droit en tant qu’ordre normatif, c’est son caractère


essentiellement dynamique.

II. NORMES ET ORDRES JURIDIQUES

Le caractère essentiellement dynamique du droit est aussi ce qui le


caractérise au sens où la production des normes juridiques est toujours
réglée par des normes supérieures qui déterminent par exemple, quelles
sont les personnes habilitées pour créer, modifier, abroger ainsi que les
procédures requises pour effectuer des telles opérations.

En ce sens, une norme est identifiée comme appartenant à l’ordre


juridique et donc, comme valide si elle est produite conformément à une
norme supérieure. Les normes juridiques seraient ainsi identifiables par
leurs sources ou pour leur acceptation sociale comme disait R.
Dworkin dans Prendre le droit au sérieux.

Si la production et l’existence d’une telle norme juridique dépendent


d’une norme de degré supérieur, on est alors amené à supposer une
norme ultime qui fonde la validité du droit et garantit son autonomie
mais qui n’est pas elle-même subordonnée à une norme juridique de
degré supérieur.

Dans un État de droit, elle peut être décrite par proposition de type
« qu’on doit se conduire de la façon que la Constitution prescrit ». Le
statut d’une telle norme soulève un problème essentiel puisqu’elle
conditionne la validité des autres normes alors que sa propre validité
semble problématique.

❖ Première hypothèse :
Une première hypothèse qu’on retrouve dans toute la tradition
jusnaturaliste, consiste à justifier la validité de la norme ultime à partir
d’une norme extérieure à l’ordre juridique, qu’elle soit d’ordre moral ou
théologique. Pour Kelsen, la validité du droit dépend « d’une norme
fondamentale, Gruntnorme » qui n’est pas une norme positive, c’est-à-
dire qui n’est pas posée par un organe juridique et n’est donc pas un
élément du droit interne.
Dans la théorie pure du droit, cette norme est présentée comme une
norme supposée, une hypothèse logiquement indispensable pour
fonder la validité objective des normes positives.

❖ Deuxième hypothèse :
L’interprétation de la validité de la norme selon Kelsen.
Reprenons le vocabulaire Kelsen qualifie la norme supposée de
« condition logique transcendante ». Face au problème que pose cette
norme simplement supposée, Kelsen sera amené à rectifier cette
interprétation en faisant de la norme fondamentale d’une fiction, qui
n’est pas un élément du droit interne.

➢ La raison ayant conduit Kelsen à modifier, interpréter ?

CHAPITRE II : FAITS ET NORMES

Le normativisme de Kelsen repose sur un dualisme :


. entre l’être et le devoir d’être;
. entre des énoncés qui décrivent des faits et des énoncés qui
signifient des normes et qui sont équivalents à des actes de
volonté;
En vertu d’une telle séparation, l’existence de la validité d’une norme
juridique ne peut être dérivée d’un fait (naturel, moral ou social) mais
dépend nécessairement d’une norme supérieure. Dans la première
section, nous verrons la description des normes.

La science du droit est donc essentiellement une connaissance


descriptive des normes. Descriptive car elle n’est pas en elle-même,
créatrice des normes. Le rôle du juriste est de décrire le droit et non, de
le créer. Contrairement au législateur, au juge ou à d’autres autorités.

Elle se distingue d’autres connaissances descriptives dans la mesure où


elle décrit des normes et non, des faits (et pas seulement). Ce serait
toutefois illusoire de penser que la science du droit se détourne des
faits.

Les actes créateurs de droit (signature d’un contrat, vote d’une loi etc)
sont bien de l’ordre des faits même si leur valeur prescriptive est
conditionnée par des normes de degré supérieur.
➢ Peut-on pour autant ramener la théorie du droit à une connaissance
portant sur des faits ?

Si on conçoit la science du droit sur le modèle des sciences de la nature


alors le droit se fonderait sur des faits observables et éliminés toute
référence à des entités fictives et métaphysiques.

C’est cette conception de la connaissance du droit qui semble


privilégier les théories réalistes du droit. Le réalisme américain puise
notamment ses sources dans les textes premiers de Oliver Wendel
Holmes, ne constitue pas un courant théorique homogène et structuré
mais repose sur une approche particulière du droit qui a joué un rôle
déterminant dans l’histoire de la pensée juridique américaine.

Ce paradigme étroitement lié à un essor de la jurisprudence


sociologique est influencé par le pragmatisme philosophique qui
présente la connaissance du droit comme une connaissance portant sur
des faits sociaux, économiques ou psychiques permettant notamment
de prévoir dans une certaine mesure les décisions des tribunaux.

Même si, comme le prétendent certains réalistes américains, le droit


n’est pas une affaire logique, la science du droit doit permettre
d’anticiper les décisions des tribunaux en prenant en compte les
facteurs psychiques ou sociaux.

Le réalisme scandinave s’est développé à partir des années 70 et


repose également sur la théorie empiriste. Une norme juridique se
résume à un ensemble des faits qui permet de comprendre,
d’interpréter et dans une certaine mesure de revoir.
L’existence et la validité d’une norme sont attestées par une relation
vérifiable empiriquement entre des faits.
Ainsi, dans un système juridique, un contrat est un acte créateur dans la
mesure où l’on peut vérifier que le fait de consentir à un tel contrat est
suivi d’un ensemble d’autres faits (poursuite devant le tribunal en cas de
non-exécution ; usage de la contrainte ; versement d’indemnités etc).

L’obligation juridique pourrait également être ramenée à des faits. Ainsi,


une norme juridique peut être décrite comme un impératif indépendant
doté d’effets psychologiques, le caractère prescriptif du droit renvoyant
uniquement à des faits d’ordre psychiques. C’est la connaissance de
l’ensemble de ces faits qui permet de prévoir des décisions des juges et
des tribunaux.

SECTION I : HART (“le concept de


droit”) ET LE RÉALISME AMÉRICAIN

Hart voit dans le réalisme juridique à la fois une forme de


réductionnisme et un certain scepticisme relatif aux règles juridiques.
D’un côté, il semble ramener le droit à un ensemble de conduites (celles
des juges et des autorités) qu’il est possible de prévoir et de l’autre, il ne
parvient pas à rendre compte du caractère normatif des règles que
suivent les juges comme si les décisions des tribunaux dépendaient
avant tout de faits extra-juridiques et non, des règles juridiques elles-
mêmes.

NB : Réductionnisme = réduire le droit à des faits.

Contestant cette hypothèse de l’indétermination applicable aux règles


juridiques, la théorie juridique élaborée par Hart s’efforce de mettre en
évidence les “ règles secondaires ” que suivent les juges et les
tribunaux, selon Hart, constituaient d’un ensemble des règles parmi
lesquelles on distingue les règles primaires qui prescrivent un modèle
de conduites et les règles secondaires qui déterminent notamment la
manière dont sont créées, identifiées et appliquées les règles primaires.

Font partie de cette dernière catégorie (règles secondaires), les règles


de reconnaissance qui précisent les critères en vertu desquels une règle
peut être considérée comme appartenant à l’ordre juridique.

La règle selon laquelle « en Angleterre, ce que la Reine et le Parlement


prédisent conjointement font partie du droit » peut ainsi, être traitée
comme une règle de reconnaissance qui s’adresse notamment aux
juges et aux tribunaux. C’est donc la règle de reconnaissance qui fixe les
conditions de validité des règles juridiques mais soulignera « qu’il
n’existe aucune règle qui fournirait des critères qui ont apprécié sa
propre validité juridique ».

L’existence de cette règle de reconnaissance que Hart compare aux


règles d’un jeu n’est pas nécessairement énoncée de façon explicite
mais se manifeste par la pratique ordinaire du droit et parmi certaines
convergences dans la manière dont les tribunaux ou les autorités
l’identifient et déterminent le contenu des règles juridiques.

NB : De facto ≠ de jure

L’existence de cette règle est « une question de fait » mais elle ne se


réduit pas pour autant à une pratique concordante, observable d’un
point de vue externe, puisqu’elle est reconnue, d’un point de vue interne
comme un modèle commun des comportements de la part des juges ou
des autorités et implique une aptitude de réflexion critique à l’égard de
ce type de comportements. Cet aspect interne des règles secondaires
est pour Hart, un élément constitutif de l’ordre juridique.
Un système juridique existe dès lors que les règles valides sont
généralement respectées par les citoyens et dès lors que les autorités
acceptent d’un point de vue interne « les règles secondaires comme
critères communs d’évaluation du comportement ».

SECTION II : VALIDITÉ DES NORMES

La validité est une propriété essentielle des normes juridiques : «dire


qu’une norme est valide signifie qu’elle existe. Une norme qui n’est pas
valide, n’est pas une norme parce qu’elle n’est pas existante». KELSEN

On distingue généralement deux manières de concevoir la validité d’une


norme juridique :

❖ Première manière de concevoir la validité d’une norme juridique :


La validité matérielle ou substantielle peut être vérifiée en comparant
son contenu à celui d’autres normes valides auxquelles elle est
subordonnée.

Ainsi, pour les théories du droit naturel, une norme juridique ne peut
être valide que si elle est conforme à certaines valeurs ou à certaines
normes morales.

❖ Seconde manière de concevoir la validité d’une norme juridique :


En prônant une séparation entre le droit et la morale, le positivisme
juridique considère au contraire, que la validité des normes juridiques
est indépendante de son contenu moral mais réside uniquement dans
sa conformité à une norme juridique supérieure que l’on fixe le contenu
(validité matérielle) ou qui fixe le processus par lequel elle est produite
(validité formelle ou procédurale).
Mettre en avant le caractère dynamique de l’ordre juridique amène à
privilégier cette validité formelle et à chercher le critère de validité d’une
norme dans ses sources et son mode de création. Une norme est valide
lorsqu’elle résulte d’un acte de volonté d’une personne habilitée.

Ainsi, la décision d’un juge est valide parce qu’elle émane d’un juge, elle
peut toutefois dans certains cas, être invalidée par une instance
supérieure en vertu de la hiérarchie des normes.

Il y a donc une différence entre établir une norme juridique et la justifier


au regard d’un critère du bien ou du juste «la connaissance scientifique
du droit positif, précise Kelsen, ne vise pas à le justifier par un ordre
moral distinct, la science du droit, n’ayant ni à approuver ni à
désapprouver son objet mais uniquement à le connaître et à le décrire».

Le positivisme admet donc, la possibilité de penser la validité de l’ordre


juridique indépendamment de toute considération morale extérieure au
droit.

Une norme juridique peut être ainsi, reconnue comme valide malgré un
contenu injuste qui heurte notre conscience morale.
En ce sens, le droit nazi peut être jugé valide même si on le
désapprouve. C’est sur ce point que se sont focalisés certaines
critiques du positivisme juridique notamment dans la période de l’après-
guerre (Seconde Guerre Mondiale), favorisant une certaine résurgence
des doctrines jusnaturalistes.

Par ailleurs, l’expérience de Milgram a eu un impact majeur sur la


psychologie et la façon dont nous comprenons le comportement
humain. Elle a montré que les individus peuvent être influencés à
commettre des actes contraires à leur conscience en suivant les ordres
d’une autorité perçue comme légitime. Elle a également souligné
l’importance du contexte social dans lequel nous évoluons et a conduit
à des protocoles éthiques plus rigoureux dans la recherche
psychologique.

Certains auteurs vont tenter de démontrer l’invalidité du droit nazi au


nom d’un droit « supralégal » tout en accusant le positivisme juridique à
avoir contribué à la force obligatoire du droit nazi. Selon Hart, ce type
d’arguments qui n’est qu’une variante du jusnaturalisme introduit une
confusion entre ce qu’est le droit et ce qu’il doit être. Dénoncer
l’invalidité du droit nazi, c’est se placer du point de vue de ce que doit
être le droit au nom d’un idéal moral ou d’un principe de justice.

Les controverses suscitées par cette thèse positiviste entre ce qu’est le


droit et ce qu’il doit être, et la théorie de la validité qui en découle ont
amené à repenser les rapports entre l’ordre juridique et l’ordre moral.

NB : Tribunal de Nuremberg et Tribunal de Tokyo.

SECTION III : JUSTICE ET MORAL

Alors que certains philosophes du droit Michel Fillet et John Finnis, se


montrent favorables à un retour à une version classique du droit naturel,
d’autres vont se forcer de montrer que la validité du droit peut être
subordonnée à des considérations morales sans pour autant adopter
une version standard du droit naturel. C’est un des points essentiels du
débat entre Hart et L. Fuller. Ce dernier défend l’idée d’une «moralité
interne du droit qui se ramène/résume à un ensemble des règles
constitutives du droit en tant que tel comme faire en sorte que les
règles soient promulguées, claires, non-rétroactives, non-
contradictoires qu’elles ne prescrivent rien d’impossible etc. »

De tels principes conditionnent l’existence et la validité du droit qui ne


relèvent pas d’une morale substantielle à laquelle le droit serait
subordonnée mais plutôt une sorte de morale procédurale humaine (le
bon sens humain).

Le débat entre Hart et Dworking reste une des sources majeures de la


philosophie du droit aujourd’hui; a également permis de reconsidérer la
place des principes moraux dans l’ordre juridique. Le positivisme
juridique selon Dworking a tendance à occulter/ignorer l’existence des
principes moraux mobilisés par le juge dans leur interprétation du droit.
Définir le droit comme un ensemble des «règles primaires et
secondaires» qui n’ont aucune connexion nécessaire avec la morale,
c’est donner une interprétation incomplète et déformée du droit.

En analysant de plus près ce que font les juges, on constate qu’ils


mobilisent parfois les principes d’ordre moral, qu’ils ne sont pas
réductibles à des règles.
Ainsi, dans la célèbre affaire Riggs vs Palmer, pour déterminer si un
héritier peut bénéficier d’un héritage qui lui a été légué par testament
par son grand-père qu’il a lui-même assassiné, le raisonnement des
juges mobilise le principe en vertu duquel personne ne peut tirer
avantage de son propre crime.

CHAPITRE III : DROIT ET JUSTICE

En partant de l’analyse d’un jeu comme le jeu d’échecs et de ses règles,


nous avons l’hypothèse selon laquelle il doit être, en principe, de définir
et d’expliquer le concept de «droit valide» de la même manière que le
concept de «norme valide des échecs». Nous allons nous efforcer, à
partir de cette hypothèse, de développer une théorie précisant le sens
de droit valide.

Cette hypothèse implique que les normes comme les normes des
échecs servent de schéma d’interprétation à toute une série d’actes
sociaux, le droit en vigueur de sorte qu’il devient possible à la fois, de
comprendre ces actions comme un tout cohérent qui a un sens et une
raison d’être mais aussi, de prédire, dans certaines limites, ces actions.

Cette propriété du système repose sur le fait que ces normes sont
effectivement respectées parce qu’elles sont ressenties comme
socialement obligatoires. Afin de développer cette hypothèse, il faut
répondre à deux questions :

➢ En quoi l’ensemble particulier des normes qui constitue le système


juridique d’une Nation se distingue-t-il par son contenu, d’autres
ensembles particuliers des normes comme ceux des échecs, du Poker
ou de la courtoisie ?

➢ Si la validité d’un système de normes au sens général, signifie que le


système peut en raison de son efficacité, servir de schéma
d’interprétation, qu’est-ce que cela implique pour le droit ?

Nous allons traiter la première question dans la première section et la


seconde dans les deuxième et troisième sections.

SECTION I : CONTENU DU SYSTÈME JURIDIQUE

Encore une fois, considérons le jeu d’échecs : il est évidemment


absurde de
vouloir définir le jeu d’échecs en le distinguant par exemple, des règles
du tennis, du football ou du bridge.

Les « règles des échecs », c’est le nom d’un ensemble particulier des
normes qui constitue un tout cohérent qui a un sens. Tout comme
«Adam Smith» est le nom d’un individu qu’on ne peut définir mais qu’on
peut montrer du doigt, les « règles des échecs », c’est le nom d’un
ensemble particulier des normes qu’on ne définit pas mais qu’on
montre du doigt d’une manière telle que «voici les règles des échecs :».
Et c’est exactement la même chose pour le droit.

Ainsi, le « droit danois » est un ensemble particulier des normes


formant un tout cohérent qui a un sens. Par conséquent, on ne définit
pas ces normes mais on peut les désigner : le droit djiboutien; le droit
français; le droit italien par exemple, sont équivalents aux différents
ensembles particuliers des règles du jeu.

Un problème de définition se poserait seulement si on devait classer


ensemble ces différents systèmes particuliers dans une catégorie
«Droit» ou «Système Juridique». Puisque la philosophie du droit doit se
contenter d’étudier les concepts que présuppose la Doctrine, la
définition du terme « Droit », quand il est dans le système juridique,
n’est pas un problème qui relève de la philosophie du droit.

On ne s’en est jamais rendus compte. On pensait que pour définir la


sphère dont s’occupe le juriste, il était nécessaire de produire une
définition du droit qui le distingue des autres types des normes sociales.
Cette erreur provenait du fait qu’on ne concevait pas le droit interne
valide comme un tout particulier. Or, c’est parce que tout a un sens
cohérent qu’on peut déterminer ce qui est du droit.

Le terme « Droit » n’est pas le nom d’une classe d’une classe des règles
de droit mais le nom d’un système juridique particulier. C’est ce qui
confirme l’expérience car dans la pratique, il n’est guère difficile pour un
juriste de déterminer si une règle de droit fait partie du droit interne ou
si une règle de droit appartient à un système des normes différent (au
système juridique d’un autre pays, aux règles des échecs ou à la
morale).

Même si le problème de définition du «Droit» dans le système juridique


ne relève pas du domaine de la philosophie du droit telle qu’on l’a
délimitée ici, il serait normal en raison de ce qui se faisait
traditionnellement et par souci d’exhaustivité, d’exposer le débat
philosophique sur la nature du droit qui repose sur l’hypothèse que la
validité spécifique du droit dérive d’une idée particulière, une idée à
priori et que la définition du droit est donc décisive pour savoir si un
ordre normatif donné peut prétendre au titre de droit.

Si on abandonne ces présupposés métaphysiques et les réactions


émotionnelles qu’ils impliquent, ce problème de définition perd son
intérêt. Le rôle de la Doctrine est de décrire un certain système interne
des normes.

Il existe d’autres systèmes particuliers qui lui ressemblent plus ou moins


(par exemple, le système d’autres Nations; le droit international; l’ordre
social d’une communauté primitive qui ne repose sur aucune institution
chargée de le maintenir; l’ordre qui règne dans une bande des criminels;
l’ordre maintenu par l’occupant dans un pays occupé etc.). Tous ces
systèmes sont des faits, que cela nous plaise ou non. Dans chacun des
cas, nous avons besoin d’un terme pour décrire ces faits, choisir le
terme « Droit » ou un autre terme comme « Règle », c’est une simple
question de terminologie sans aucune implication morale.
Il n’y a aucune raison de refuser l’emploi du terme «Droit» pour décrire
des systèmes qui nous déplaisent, par exemple, si l’ordre qui domine au
sein d’un gang est appelé «système juridique» (droit du gang), ce n’est
pas du point de vue scientifique, (c’est-à-dire, en enlevant au mot
«Droit» son poids émotionnel ou moral) qu’une question de définition
arbitraire. Certains ont dit que les règles de violence sous Hitler (lois de
Nuremberg et autres) n’étaient pas un ordre juridique et le positivisme a
été accusé de trahison morale pour avoir reconnu sans la moindre
réserve qu’un tel ordre était du droit.

Mais une terminologie descriptive n’a rien à voir avec l’approbation ou la


désapprobation morale lorsqu’on classe un certain ordre comme ordre
juridique. On peut, en même temps, estimer qu’il est de notre plus haut
devoir moral de renverser cet ordre. Ces mélanges de descriptions et
d’attitudes morales, d’approbation dans le débat autour du concept de
droit est un exemple de ce que Stevenson appelle une définition
persuasive dans son ouvrage Ethics and Language. Voilà de ce qu’on
peut dire sur cette question de définition du concept de droit ou de
système juridique et présenter le contenu d’un certain système juridique
et sa distinction d’autres ensembles particuliers des normes.

Le système juridique d’une Nation constitue tout comme les normes des
échecs, un système particulier dont le sens présente une cohérence
interne. Cette cohérence consiste, en ce qui concerne les échecs, un
ensemble des règles qui font directement ou indirectement référence au
mouvement effectué par les personnes qui jouent aux échecs. Si les
règles de droit constituent un système de cette sorte, elles doivent
aussi faire référence à certaines actions déterminées accomplies par
des personnes déterminées.

En fonction de leur contenu immédiat, les normes juridiques peuvent


être divisées en deux groupes :
❖ Premier groupe des normes juridiques :
Les normes de conduite incluent les normes qui prescrivent un certain
type d’actions (par exemple, les règles contenues dans le droit
commercial qui prescrivent que l’acheteur s’engage à payer ce qu’il doit
selon les conditions fixées au moment de la vente).

❖ Second groupe des normes juridiques :


Les normes de compétences ou de procédure contiennent les normes
qui créent une compétence (pouvoir, autorité); ce sont des directives
qui font que les normes créées selon un mode de procédure officielle et
juridique doivent être considérées comme des normes de conduite.

Une norme de compétence est ainsi indirectement l’expression d’une


norme de conduite. Par exemple, les normes constitutionnelles relatives
au pouvoir législatif sont indirectement l’expression des norme de
conduite qui prescrivent de se conformer aux normes de conduite qui
seront créées par la législation.

SECTION II : VALIDITÉ DU SYSTÈME JURIDIQUE

Nous partirons de l’hypothèse selon laquelle un système de normes est


valide s’il peut être utilisé comme un chemin d’interprétation d’un
ensemble d’actions sociales, de sorte qu’il est possible de comprendre
cet ensemble d’actions comme un tout cohérent qui a un sens et une
raison d’être mais aussi de prédire dans certaines limites, ces actions.

Cette propriété du système repose sur le fait que les normes sont
effectivement observées parce qu’elles sont ressentis comme
socialement obligatoires. On peut donc définir le système d’une Nation
en tant que système valide des normes, l’ensemble des normes qui,
pour le juge, sont effectivement en vigueur parce qu’ils le perçoivent
comme socialement obligatoires et donc, comme devant être obéies.

Selon cette hypothèse (à savoir considérer le système de normes


comme un chemin d’interprétation, tester sa validité consiste à savoir
qu’il est possible de comprendre le sens des actions du juge, c’est-à-
dire, les décisions des tribunaux), en tant que réaction a des conditions
déterminées et de pouvoir les prédire dans certaines limites (tout
comme les normes des échecs qui permettent de comprendre les
mouvements effectués par les joueurs comme des réactions qui ont un
sens et de le prédire.

L’action du juge est une réaction à un certain nombre des conditions


déterminées par les normes juridiques à titre d’exemple : si un contrat
de vente a été conclu, si le vendeur n’a pas tenu parole, si la notification
de l’acheteur a été effectuée dans le délai etc. Ces conditions sont des
faits qui acquièrent la signification spécifique d’actes juridiques grâce
une interprétation effectuée à la lumière des normes. C’est pour cette
raison que ces faits peuvent être qualifiés de phénomènes juridiques au
sens large
ou de droit en vigueur .

Cependant, lorsqu’il s’agit de déterminer la validité de normes


juridiques, seuls importent les phénomènes juridiques au sens strict (à
savoir l’application du droit par les tribunaux).

Contrairement aux idées généralement admises, il faut souligner que le


droit est constitué de normes qui régissent le comportement des
tribunaux et non celui des personnes privées. L’effectivité qui
conditionne la validité des normes ne peut donc être recherchée que
dans l’application judiciaire de droit et non pas dans le droit en vigueur
pour les personnes privées.
Si par exemple dans un pays, l’avortement est interdit, le véritable
contenu du droit consiste dans une directive adressée au juge selon
laquelle il doit, dans certaines conditions, punir l’avortement.

Le critère décisif (pour savoir si cette interdiction est du droit valide) ne


peut être que le fait qu’elle est effectivement appliquée par les tribunaux
en cas d’infraction et passible de poursuites.
Que les gens respectent cette interdiction ou qu’il l’ignore fréquemment
ne change rien.

De là vient ce paradoxe apparent selon lequel, plus une règle est


effectivement respectée sans que la justice n’intervienne, plus il est
difficile de déterminer si cette règle est valide car les tribunaux ont alors
moins l’occasion de manifester leurs réactions.

SECTION III : IMPLICATIONS DE LA VALIDITÉ POUR LES TRIBUNAUX

Jusqu’à présent, les termes «Juge» et «Tribunaux» ont été employés


indifféremment.
Lorsqu’on parle d’un système juridique interne, on suppose qu’on a à
faire à un ensemble des normes supra-individuelles au sens où elles
sont propres à une seule Nation, qu’elles sont différentes de celles
d’autres nations mais qu’elles sont les mêmes d’un juge à l’autre. C’est
pourquoi on peut parler indifféremment du «Juge» ou des «Tribunaux».

Mais dans la mesure où un juge particulier est influencé par certaines


idées personnelles, celles-ci ne peuvent être considérées comme
faisant partie du droit interne même s’il s’agit là d’un facteur à prendre
en considération si on désire prévoir une décision juridique concrète.
Chercher le fondement de la validité du droit dans les décisions des
tribunaux, c’est suivre un raisonnement qui peut paraître circulaire. On
peut en effet, avancer que la compétence du juge n’est pas simplement
une qualité de fait mais qu’on ne peut l’attribuer qu’en se référant au
droit valide, en particulier, aux règles du droit public qui régit
l’organisation des tribunaux et la nomination des juges.

Pour savoir si telle ou telle règle de droit privé est valide, nous devons
donc établir ce qu’est le droit public. Le système juridique forme un tout
qui intègre tant les règles de droit privé que celles du droit public.
Fondamentalement, la validité est une qualité attribuée à la totalité du
système. Tester la validité, c’est déterminer si le système dans son
ensemble, lorsqu’il est utilisé comme schéma d’interprétation, nous
permet de comprendre ce que font les juges mais aussi s’ils le font avec
la «compétence de juge».

Il n’y a aucun point de comparaison pour cette vérification, ni de


hiérarchie, aucune partie du droit qui puisse être vérifiée avant une
autre. Le fait que ça soit fondamentalement le système juridique tout
entier qui soit soumis à vérification, n’exclut pas la possibilité de
rechercher si une telle règle particulière est du droit valide. Cela
implique seulement que le problème ne peut être résolu sans référence
au «droit valide» dans sa totalité.

Le concept de validité d’une loi repose sur des hypothèses relatives à


l’esprit du juge. On ne peut établir ce qu’est le droit valide par une
démarche purement béhavioriste, c’est-à-dire, en observant de
l’extérieur des régularités dans les réactions des juges (leurs habitudes).

Il est possible que durant une longue période, les juges manifestent une
conduite spécifique, par exemple, ils infligent des peines en cas
d’avortements, puis soudain, leur conduite change parce qu’une
nouvelle loi a été promulguée.

La validité ne peut, non plus, être déterminée en faisant appel à une


habitude plus générale, observable de l’extérieur qui serait seule d’obéir
«au législateur» car il est impossible d’identifier par l’observation
externe, le législateur auquel on obéit. Une observation purement
externe peut conduire à la conclusion que l’on obéit à des personnes
désignées par leurs noms, qui forment au moment de l’observation, le
législatif. Mais un jour, ces personnes changent. On pourrait continuer
ainsi, en remontant jusqu’à la Constitution, mais rien n’empêche que la
Constitution change elle aussi, un jour.

Une interprétation béhavioriste ne mène donc à rien. Le changement de


comportement du juge ne peut être compris et prédit que par
l’interprétation idéologique, c’est-à-dire, en faisant l’hypothèse qu’une
certaine idéologie anime le juge et motive ses actions.

Pour dire les choses autrement, le droit présuppose non seulement que
le juge ait un comportement régulier mais aussi qu’il ait le sentiment
d’être lié par les règles. Le concept de validité implique deux éléments :
d’une part, un comportement régulier, observable de l’extérieur et
conforme à un modèle et d’autre part, que ce modèle est une norme qui
oblige socialement ou qui a un caractère socialement obligatoire.

Aux échecs, il peut y avoir une manière de jouer, observable de


l’extérieur qui ne soit pas l’expression d’une norme valide des jeux des
échecs, par exemple, faire une ouverture par le pion-tout. De la même
manière, toute régularité observable de l’extérieur dans les réactions du
juge n’est pas l’expression d’une norme juridique valide. S’il est possible
par exemple, que ce soit développée l’habitude d’imposer seulement
des amendes pour certaines infractions alors que la loi permet aussi de
prononcer des peines de prison.

Ce double aspect du concept de validité explique le dualisme associé à


ce concept dans la Théorie métaphysique du droit. Selon cette théorie,
le «droit valide» signifie à la fois un ordre effectif et un ordre qui
possède une «force obligatoire» dérivée des principes à priori.
Le droit est à la fois, quelque chose de factuel qui fait partie du monde
réel et quelque chose de valide qui partie du monde des idées.

Il est facile de voir que ce dualisme peut conduire à des problèmes


logiques et épistémologiques qui se manifestent dans un certain
nombre d’antinomies du droit. Il mène logiquement à un énoncé
métaphysique affirmant que l’existence elle-même est intrinsèquement
valide.

CHAPITRE IV : DROITS DE L’HOMME

«Tous les droits de l’Homme sont universels, indissociables,


interdépendants et intimement liés.» la Déclaration et le Programme
d'action de Vienne, du 25 juin 1993.

La notion de «droits de l’Homme» relève du droit naturel, c’est-à-dire


que l’homme possède un ensemble de droits inhérents à sa nature
même et que l’on ne peut méconnaître sans porter atteinte à celle-ci (la
nature humaine). Ladite notion suppose la reconnaissance à chaque
individu de pouvoirs et d’agir indépendamment de toute institution
publique. C’est la reconnaissance de droits préexistants à toute société
organisée.

L’origine philosophique des droits de l’Homme a permis l’émergence et


la prise en considération de la dignité et de l’universalité de chaque être
humain.

Dans une première section, nous allons aborder le fondement des droits
de l’Homme qui doit être recherché dans le principe d’autonomie, c’est-
à-dire, l’idée kantienne selon laquelle en matière morale, chacun est à la
fois, législateur et sujet.
Dans la deuxième section, nous allons voir comment les droits de
l’Homme sont reliés au droit naturel moderne.
Enfin, dans les troisième et quatrième sections, nous verrons les droits
de l’Homme de 2ème et de 3ème générations.

SECTION I : FONDEMENT DES DROITS DE L’HOMME, PRINCIPE


D’AUTONOMIE

➢ Sur quoi se fondent les droits de l’Homme ?


● On dira sur le principe d’autonomie de la conscience.

En matière de recherche du sens de la vie, aucune orientation ne peut


être légitimement imposée par la contrainte. L’État possède le monopole
de la violence légitime. Il constitue la seule instance à propos de laquelle
on peut parler d’usage justifié de la force, de la contrainte. L’autonomie
signifie que même l’État n’est pas habilité à pénétrer dans la sphère de
la conscience. Son monopole de la violence légitime existe certes, mais
n’est pas absolu.

Les penseurs libéraux ont toujours considérés que la politique ne


pouvait intervenir dans la sphère de la conscience individuelle : en
matière de conception de la vie bonne, il peut tout au plus jouer le rôle
d’un gendarme ou d’un arbitre, c’est-à-dire, protéger le droit de tous (et
donc, surtout des plus vulnérables) à la liberté de conscience effective.
Certes, l’État joue des multiples autres rôles et en matière économique,
sociale notamment, il intervient aujourd’hui dans la partie sociale au lieu
de se limiter à un rôle d’arbitre laissant évoluer la société selon le libre
jeu du marché.

Mais en matière de conscience, l’État n’intervient pas : la violence


légitime qu’il exerce s’arrête au seuil de l’espace d’autonomie. L’opposé
de l’autonomie, c’est dans la terminologie kantienne, l’hétéronomie.

Dans ce cas, l’État est comme le porteur d’une conception officielle de


la vie correcte, conception qu’il peut légitimement imposer aux
récalcitrants, c’est-à-dire, ceux qui ne seraient pas convaincus
intérieurement de la validité de la conception officielle.

La plupart des régimes politiques ont dans l’Histoire, eu recours à une


telle justification de leur monopole de violence : écraser l’hérésie et
l’erreur, faire triompher la vérité. Si en revanche, l’orientation dans la vie
relève de la conscience individuelle, aucune contrainte ne sera
acceptable en la matière.

➢ Or précisément, que signifient les droits de l’Homme sinon la


concrétisation de cette autonomie, autrement dit, la réunion des
conditions selon lesquelles elle se réduirait a une abstraction dépourvue
de réalités ?

Les droits de l’Homme de «1re génération» ont été formulés à la fin du


XVIIIème siècle, lors des révolutions américaine et française. Ils ont été
repris et systématisés dans la Convention Européenne des Droits de
l’Homme de 1950, CEDH.

À partir de la liste que ce dernier texte en donne, on peut aisément


comprendre qu’ils incarnent la garantie du principe d’autonomie.
➢ Comment cette dernière pourrait-elle, en effet, se manifester si l’on
pouvait légitimement tuer, c’est-à-dire, se débarrasser injustement de
celui dont la conception de l’existence gêne ?
● Le droit à la vie (excepté dans les pays où la peine de mort est

toujours légale) apparaît donc comme une protection fondamentale


de l’autonomie.

Il en va de même de l’exclusion de la torture et des traitements


inhumains et dégradants destinée à éviter que les gouvernants
n’utilisent l’intimidation, le rabaissement d’autrui, la souffrance infligée
pour s’assurer l’assujettissement des gouvernés. Ils vont donc imposer
un régime d’hétéronomie.

Par ailleurs, sans droit à un procès équitable, l’individu se trouvera à la


merci d’un pouvoir désireux de l’éliminer pour l’empêcher de détenir des
propos embarrassants : on pourra l’arrêter et le sanctionner sans
garanties véritables.

Sans droit à la vie privée, la société interviendra en permanence dans la


sphère de l’intimité, livrant les orientations les plus personnelles de
l’individu au regard du public : ici, encore, l’autonomie des plus
vulnérables n’y survivra pas. Et bien, les grandes libertés (d’expression,
de réunion, de conscience et d’association) constituent l’expression la
plus immédiate du droit à la libre orientation spirituelle et au contrôle du
pouvoir chargé de la garantie.

Cette liste n’est certes pas indiscutable mais elle incarne assez bien,
l’idée selon laquelle les droits de l’Homme constituent la garantie
fondamentale du principe d’autonomie. Il faut de ce point de vue, bien
garder à l’esprit que l’autonomie constitue un principe plus exigeant que
le principe humanitaire.

NB : L’autonomie est plus proche des droits de l’Homme que du


droit humanitaire.

Dans cette perspective, il s’agit seulement d’éviter que l’individu souffre


trop : il est question de préserver son intégrité physique et sa dignité la
plus élémentaire. L’humanisme est compatible avec ces systèmes de
type paternaliste : le Despote se contente de limiter l’espace de son
intervention en acceptant de ne pas transgresser, torturer ou tuer
arbitrairement.

Pour le reste, cette conception peut être parfaitement compatible avec


l’idée d’une religion officielle, d’un contrôle de la vie privée et d’une
large soumission de la Justice aux diktats du Prince (Souverain,
dirigeant).

Le principe d’autonomie réclame plus : une société d’individus adultes,


capables de s’orienter selon leurs propres lumières, bien incarnée par le
mot d’ordre «Sapere aude = oser/savoir» repris par Emmanuel Kant
par son opuscule «Qu’est-ce que les lumières ?»

L’Humanisme impose les droits de l’Homme minimaux , c’est-à-dire le


refuge des traitements inhumains et dégradants; l’autonomie exige tous
les «Catalogues» de droits de l’Homme. Or, elle se trouve également à
la base de l’idée démocratique : Dans la vie individuelle et privée,
l’individu est maître de ses orientations (du sens qu’il décide de
conférer à sa vie par exemple, s’il décide de consacrer sa vie à
l’adoration de dieu); dans la vie politique, c’est le peuple assemblé qui,
souverainement, prend ses décisions.
Si l’on conçoit, par conséquent, les droits de l’Homme dans leur version
la plus exigeante (la réalisation du principe d’autonomie), ils impliquent
l’idée très radicale de la démocratie qui ne se réduit en rien à la
dictature potentielle des majorités. Dans la section 2, nous allons voir
les droits de l’Homme et la démocratie.

NB : Faire la différence entre Droits de l’Homme et Droit humanitaire.

SECTION II : DROITS DE L’HOMME DE 1re GÉNÉRATION


«DÉMOCRATIE : DROITS-LIBERTÉS ou DROITS CIVILS-
POLITIQUES»

Si les droits de l’Homme se fondent sur la démocratie, cette dernière se


fonde également sur eux : sans leur respect scrupuleux, elle se réduirait
à la dictature des majorités sur l’individu. Les libéraux ont tendance à
insister sur ce dernier aspect de la question : leur constitutionnalisme
revient à retrancher les droits de l’Homme dans une sphère supérieure
relativement à l’abri de la volonté des majorités démocratiques.

À la limite, les questions humaines importantes devraient échapper aux


citoyens et être remises entre les mains d’une sage autorité judiciaire,
seule capable de préserver les droits fondamentaux loin des bassins
populaires.

Les États-Unis correspondent, par certains de leurs traits


fondamentaux, à un tel modèle. La France républicaine et son
égocentrisme (du moins, jusqu’à la montée en puissance récente du
Conseil Constitutionnel) incarne plutôt le premier modèle. Ici, seules la
vie démocratique, la pratique de la laïcité républicaine peuvent
permettre de garantir les libertés.
Il est assez clair que la position démocratique s’accommode au moins,
en apparence, de la vision positiviste : il n’y a dans ce cadre de droit que
le droit positif, c’est-à-dire, posé par l’autorité légitime. Le droit positif
ou le jus-positivisme est avec le néo-jusnaturalisme, les deux grandes
tendances de la philosophie du droit, ils se sont partagés l’espace
théorique moderne.

La loi de la majorité se trouve sacralisée dans le droit positif en tant


qu’incarnation de la volonté générale ou de sa meilleure approximation
et la position libérale (primate des droits de l’Homme) sur l’activité
démocratique qu’il «civilise») s’appuie très souvent sur le néo-
jusnaturalisme :
➢ Si les droits de l’Homme se trouvent retranchés de la vie
démocratique, n’est-ce pas tout d’abord, parce qu’ils sont fondés sur
les caractéristiques essentielles de la vie humaine ?

➢ Le droit naturel moderne, tel que nous l’avons expliqué plus haut, ne
fournit-il pas une assise solide au constitutionnalisme, une justification
très puissante du pouvoir des juges des droits de l’Homme (juges
constitutionnels) ?

➢ Mais justement, qu’est-ce qui, au cœur des droits de l’Homme,


apparaît comme tellement lié à la nature, à la destinée même de
l’Homme que même une majorité des citoyens ne pourrait le mettre en
cause ?

En clair, l’évolution des droits et libertés depuis 1789 s'est faite en


fonction des mutations de la société. Ainsi La DDHC est le texte qui
marque l'apogée de l'idéologie de la Révolution française et représente
le fruit de la contestation d'un peuple soumis à une monarchie absolue.
On y proclame une «première génération» de droits et libertés. Les
droits de l’Homme de première génération touchent essentiellement les
libertés comme, par exemple, la Déclaration française des Droits de
l’Homme de 1789 mais aussi la Déclaration des Droits de l'État de
Virginie de 1776.
Ce sont l'ensemble des droits et libertés individuels inhérents à toute
personne humaine constitués des droits civils et politiques (dont les
plus connus sont l'égalité, la liberté, la sûreté etc.). On parle aussi de
«libertés résistance» dans la mesure où ce sont des droits que l'individu
peut opposer à l'État, qui ne peut agir en un sens contraire pour limiter
ou supprimer ces droits ou libertés.
Ce que l’on demande à l’État c’est le respect des libertés de la personne
en permettant la participation des individus au fonctionnement de la
démocratie et des institutions démocratiques. La première génération
regroupe les libertés et les droits politiques. Au XVIIIe siècle, les
citoyens se voient accorder des possibilités de choix, d’action et
d’appréciation. Le rôle de l’État y apparaît comme essentiellement
négatif. Dès lors, ce qui est attendu de lui est le fait de lever les
interdictions qui empêchent l’individu de s’épanouir.
Les deux idées centrales étaient celles de liberté individuelle et de
protection de la liberté individuelle contre les violations de l’Etat

SECTION III : DROITS DE L’HOMME DE 2ème GÉNÉRATION «DROITS


SOCIAUX-ÉCONOMIQUES-CULTURELS»

Pour ce faire, il ne faut tout d’abord prendre en considération le fait que


le fondement dégagé ci-dessus (sections I & II) à l’aide du principe
d’autonomie ont été progressivement recouverts ces deux 2 siècles par
des nouvelles couches de droits. Un tel processus est tout à fait
normal : de nouvelles exigences se sont progressivement manifestées,
liées soit à l’insuffisance conceptuelle de la première formulation des
droits, soit à des changements radicaux de la société rendant
nécessaires de nouveaux types de protection.

Et d’abord, bien entendu, c’est la question des droits sociaux qui a


émergé, s’intégrant de façon difficile et problématique dans le corps
théorique des droits classiques. Depuis toujours, la question
d’assistance a été souvent posé de façon marginale à propos des droits
de l’Homme : ceux-ci possédaient-ils une quelconque signification pour
des individus confrontés à la misère, analphabètes, à la merci du
moindre accident de santé, de la perte d’un revenu vital, de la vieillesse
souvent handicapante.

NB : Pyramide de Maslow

Mais elle n’est pas vraiment apparue au cœur des préoccupations avec
l’industrialisation des sociétés au XIXe siècle : une nouvelle classe
pauvre apparaissait dans les «flancs» (pour parler des marxistes) de
l’économie capitaliste se situant au cœur du processus de production et
pourtant dépourvu de tout.

La question des droits de sociaux est ainsi apparue dans toute sa


clarté : pour toute une partie de la société, les risques inévitables de la
vie (comment vivre sans soins, souvent coûteux et sans travail, avec des
handicaps) rendait les droits de 1re génération purement formelle. Il
fallait donc compléter ceci par une liste de droits susceptibles d’égaliser
les conditions de vie matérielle.

Une longue évolution a mené, depuis l’exigence du droit au travail en


1848 en passant par les associations de secours mutuels jusqu’au
système complexe de sécurité sociale en 1845, à l’idée de protection
universelle :
➢ Que signifient en réalité, les droits sociaux, par-delà leur différentes
versions particulières ?

La réponse est au moins, au départ, très simple : si les aléas de la vie (le
hasard; la naissance, la maladie; la vieillesse; l’accident; le coût de
l’éducation des enfants) ne sont pas de manière autonome
contrebalancés par une action volontariste de la collectivité, les droits
de l’Homme se videront de tout contenu pour une partie substantielle
de la population mais on sait également que cet argument de la
complémentarité (il s’agirait de compléter un catalogue incomplet) a ses
limites; en effet, la nature même des droits sociaux ainsi que le type
d’État qu’il préoccupe, se distinguent nettement de ce client qui
caractérisait les droits de 1re génération.

Au lieu de s’analyser comme des «libertés» contre l’État, ce que va


appeler Kant «Freedom from». Ils impliquent une demande
d’intervention de l’État, un droit à quelque chose, une prestation
matérielle définie «Freedoms to».

Les premiers droits réclament un État minimal, n’intervenant que pour


garantir le respect de certaines règles fondamentales dans une partie
largement dominée par l’autonomie des «joueurs»; plus exactement,
cette intervention relève elle-même de l’autonomie collective
strictement limitée aux questions qui, par nature, nécessitent une action
collective, par définition, exclut du domaine de la conscience.

Or, les droits sociaux présupposent le passage de l’État minimal à l’État


de province : un État qui se veut sommer d’intervenir dans le jeu
spontané de la société pour fournir des prestations matérielles
destinées à corriger les effets inégalitaires de la loterie naturelle et
sociale. Dans ce but, l’État ne peut faire autrement que d’encadrer la
société, définissant et (contrôlant) les bénéficiaires des droits tout en
déterminant (en contrôlant) ceux qui seront «invités» à la redistribution
des ressources sans entrer dans les débats politiques liés à cette
question, la philosophie du droit ne peut négliger la tension
philosophique entre droits-libertés, présupposent, en général, une
abstention de l’État et des droits sociaux l’exigeant au contraire à une
intervention de manière massive.

Ainsi, les droits de la 2ème génération ont-ils toujours été moins bien
garantis que ceux de la 1re génération : ceux de la 2ème génération
sont très souvent «retranchés» dans des textes constitutionnels ou
parfois, dans des textes internationaux, créant des modes de sanction
efficace ainsi que, tel que le prévoit la Convention Européenne des
Droits de l’Homme CEDH du 4 novembre 1950, entrée en vigueur en
1953, les droits sociaux en revanche, ont longtemps possédé un
caractère juridiquement plus faible mais sur ce point comme sur tant
d’autres, les interprétations actives obscurcissent les questions : si les
droits sociaux sont moins bien garantis, ce n’est pas seulement parce
qu’ils gênent les classes possédantes, hostiles à une redistribution
autoritaire de nature politique.

C’est aussi parce que leur effectivité dépend essentiellement de la


situation économique, c’est-à-dire, en grande partie, aujourd’hui du
contexte international à l’ère de la mondialisation : un État ne peut sans
risquer une réaction des marchés, mener lui-même une politique sociale
ambitieuse, puisque la fuite des capitaux et la défiance engendre tout
laxisme budgétaire de la part des investisseurs qui auront vite fait de
réduire les marges des manœuvres du politique et par conséquent,
d’annuler tout ce qui a été généreusement offert. À vrai dire, les droits
de l’Homme possèdent nécessairement un caractère mondial
«cosmopolite».
D’abord, par leur contenu ils se réfèrent à une valeur de dignité et
d’autonomie qui vaut pour tous les Homme.
Ensuite, au moins idéalement par leur mode de garantie :
Des droits invocables pour tout individu majeur en tant que tel (du
moins, en ce qui concerne les cœurs des droits de 1re génération) mais
en matière de droits sociaux, la mondialisation prend une forme tout à
fait différente qui, au moins, à première vue, ne renforce pas leur
protection.

Les systèmes de sécurité sociale se sont construits à l’intérieur des


États-Nations même dans le cas de l’unification occidentale depuis le
traité de Rome, mais ces États restaient largement maîtres de leur
politique économique intérieure.

L’Europe apportait dans les esprits et souvent dans la réalité, d’abord, la


consolidation de la paix puis des garanties de prospérité. Ce n’est que
depuis relativement peu de temps que la mondialisation pèse sur la
politique sociale des États contribuant à la fragilisation des systèmes de
protection sociale et affaiblissant par-là, même le droit de deuxième
génération.

Celle-ci (la mondialisation) se relie à la chute du communisme et à


l’arrivée sur le marché mondial, les pays auparavant économiquement
gelés sous le règne soviétique, à l’avènement de la société
d’information, au vieillissement de la population etc.

Les droits sociaux impliquent donc, nécessairement, une réponse à


toutes ses questions extrêmement complexes et partant
considérablement plus loin que les questions qui se posaient aux
gestionnaires des droits de l’Homme, des dirigeants de l’État minimal
chargés de garantir les droits-liberté.

Que telles questions ne sont-elles pas insolubles mais elles


présupposent une conception renouvelée du débat démocratique. La
«gestion» des droits de l’Homme classique pouvait apparaître comme
politiquement peu problématique et le juge était supposé capable grâce
à une sage jurisprudence de concrétiser les grands principes
constitutionnels.

La vie démocratique pouvait, croyait-on, se limiter à une action de


contrôle des gouvernants telle que la présente le Préambule de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen DDHC :«Afin que
cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps
social, leur rappel sans cesse, leurs droits et devoirs; afin que les actes
du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif pouvant à chaque
instant, être comparés avec le but de toute institution politique, en
soient respectés; afin que les réclamations du citoyen, fondées
désormais sur des principes simples et incontestables tournent toujours
au maintien de la Constitution et au Bonheur de tous.»

Il n’en va plus de même pour les droits de deuxième génération : il


présuppose une activité et un débat démocratiques complexes, liés à la
globalisation des problèmes. Cette mondialisation ne doit pas être
uniquement considérée de façon négative : elle rend les divers États et
Régions, de plus en plus interdépendants, liant le destin de droits
sociaux à un processus de solidarité tendanciellement planétaire.

En clair, la deuxième génération apparaît tardivement à la fin du


XIXème et début du XXème siècle avec l’avènement des droits sociaux,
nécessitant l'intervention de l'État pour être mis en œuvre. Désormais, à
la différence des libertés, on demande à l’État d’intervenir pour
répondre aux besoins ressentis par les hommes bénéficiaires du
progrès et d’en voir garantir les avantages.
On parle d'ailleurs de «droits-créances» pour qualifier cette génération
puisque le peuple est en mesure d'exiger de l'État une certaine action.
Ce sont l'ensemble des droits et libertés sociales et économiques
résultant des mutations sociales et économiques de la société
industrielle.
Ils ont été revendiqués dès le XIXe siècle mais n'ont été reconnus pour
la plupart qu'au lendemain de la deuxième Guerre mondiale avec le
Préambule de la Constitution de 1946. Ils dépendent exclusivement de
l’État qui seul peut en assurer la réalisation par son action positive
(organisation des écoles, organisations d’hôpitaux, d’assistances, etc.).

SECTION IV : DROITS DE L’HOMME DE 3ème GÉNÉRATION


«DROITS DE SOLIDARITÉ»

On voit donc que la couche de droits sociaux étalés sur le fonds de


l’autonomie individuelle et collective a imposé une réévaluation du
couple droit individuel/activité démocratique. Or, à cette deuxième
génération, s’est ajoutée une troisième qui a remis en cause, le
fondement même, des droits.

Il y a 20 ans, ces droits dits de troisième génération de solidarité


possédaient une connotation idéologique certaine : droit à
l’environnement protégé, droit au développement, droit à la disposition
de ressources naturelles mondiales, droit à la paix, droit à l’information,
furent mis en avant et d’emblée, considérés comme aussi importants
que les droits de liberté et droits sociaux.

Or, ce qui caractérise de tels droits qui ne sont ni de droits sociaux ni de


droits de liberté, c’est leur ambiguïté fondamentale. Jean Rivero a bien
montré que pour que l’on puisse parler de droits au sens fort du terme
et donc des droits de l’Homme (ces droits les plus existentiels), il faut
réunir 4 conditions distinctes :
. Un titulaire
. Un objet
. Une opposabilité
. Une sanction

Il serait aisé de montrer que ces 4 conditions se trouvent réunies pour


les droits de première génération et ceux de deuxième génération : Le
titulaire est l’individu. L’objet est assez clairement défini (la liberté
d’expression) même s’il doit être concrétisé par la législation, la
réglementation, la jurisprudence et les usages. On sait à qui les droits
sont opposables et sanctionnés.

Or, précisément, la troisième génération brouille le repère en la matière


en ce qui concerne, le droit au développement, on ne sait pas qui est le
titulaire (l’État ? Le peuple ? L’individu); l’objet est flou; il est difficile de
dire à qui le droit est opposable et la sanction est quasi-inexistante.

On pourra certes, rétorquer que tout droit revendiqué commence par


être flou dans ces 4 dimensions et que seul le combat pour sa
juridification et sa concrétisation permet de lever de telles ambiguïtés et
peut-être, dans un futur, plus ou moins, lointain, les grands idéaux
notamment pacifistes, écologistes qui sous-tendent ces revendications,
s’intégreront dans l’ordre juridique mondial.

En clair, les droits fondamentaux de troisième génération, une


nouvelle génération des droits et libertés fondés sur le principe de la
solidarité nationale, font leur apparition à la fin de la Seconde Guerre
Mondiale que la doctrine appelle aussi les «droits de solidarité»: droit à
la paix, au développement, à un environnement sain, au patrimoine
commun de l’humanité, à l’information.
Cette nouvelle catégorie impulsée par la doctrine est encore un peu
floue à l'heure actuelle et est critiquée parce qu'elle met en valeur des
objectifs très généraux et donc difficilement applicables. En effet,
proclamer des droits est une chose mais les rendre effectif en est une
autre et on le voit, par exemple, avec la question de l'effectivité de
l'application de la Charte de l'Environnement de 2004.
Les droits de l’Homme de «troisième génération» sont, au fond, des
droits en gestation et n’ont pas de valeur juridique étant à l’échelon de
revendication. Certains droits jouissent d’une certaine reconnaissance
nationale, voire internationale. Un jour viendra où ils trouveront leur
place dans le droit positif; par exemple, le droit de l’environnement qui
trouve sa place dans certains textes constitutionnels.

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