Vous êtes sur la page 1sur 17

Introduction

Le droit des sociétés est l’ensemble des règles applicable aux sociétés. Une société dans le langage
courant renvoie à une entité, mais aussi à une réunion de personnes. Dans le langage juridique on retrouve cette
dualité puisque la société est en principe une entité distincte de ses membres du fait qu’elle a acquis la personne
morale. Elle est dont un sujet de droit distinct des personnes qui l’ont créée. Toutefois, une société peut exister
sans avoir la personnalité morale. Pour le devenir, il faut s’immatriculer au RCS.

Cette société personne morale nait d’un acte juridique : le contrat. Il ne peut y avoir de société sans contrat
préalable. On retrouve ces éléments dans l’important article 1832 du Ccivil :
• Alinéa 1 : « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat
d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue d’en partager le bénéfice ou de
profiter de l’économie qui pourra en résulter.
• Alinéa 2 : « la société peut être instituée dans les cas prévus par la loi par l’acte de volonté d’une seule
personne. »
• Alinéa 3 : « les associés s’engagent à contribuer aux pertes. »

Ce texte nous apprend que la société peut être pluripersonnelle ou unipersonnelle. Historiquement, les
sociétés étaient pluripersonnelles car on partait du principe que l’on ne peut contracter avec soi-même, et en
vertu de la règle de l’unicité du patrimoine, on va devoir créer un patrimoine d’affectation après beaucoup de
résistance qui déroge à cela. La première société unipersonnelle apparue en 1985 est l’EURL (entreprise
unipersonnelle à responsabilité limitée) puis les SASU (société par action simplifiée unipersonnelle). Les
sociétés peuvent être de tailles très variables.

On distingue la société de l’entreprise car cette dernière n’a pas la personnalité morale. L’entreprise est une
notion économique, un ensemble cohérent de moyens humains et matériels regroupés quelle que soit la forme
juridique de ce regroupement en vue de l’exercice d’une activité régulière participant à la production ou à la
circulation des richesses, autrement dit une activité économique. La société est plutôt une notion juridique qui
implique en principe l’attribution de la personnalité morale au groupement considéré. Le droit n’accorde que peu
de place à l’entreprise, sauf lorsque cette entreprise va se couler dans le moule juridique d’une personne morale
que l’on nomme société. Une société peut exister sans exploiter une entreprise, donc sans créer une activité, telle
que la société civile immobilière qui est propriétaire d’un ou plusieurs immeubles qu’elle va gérer. Inversement,
l’entreprise peut exister sans être exploitée par une société : dans ce cas on parle d’entreprise individuelle qui va
appartenir à une personne physique qui est un commerçant ou un artisan. L’apparition des sociétés
unipersonnelles a estompé la distinction qui opposait l’entreprise sociale (organisée en société) et l’entreprise
individuelle.

Ne pas confondre la société avec d’autres types de groupements personnifiés. Par exemple, il ne faut pas
confondre la société et l’association. L’association a la personnalité juridique comme la société. L’association (loi
1901) est le groupement constitué « dans un but autre que de partager des bénéfices » a contrario de l’entreprise.
Toutefois cette loi ne dit pas que l’association ne peut pas faire de bénéfices, car elle peut en faire mais sans les
répartir entre ses membres, les excédents de l’association restent alors dans l’association. Société et association
peuvent également faire des économies. Jusqu’en 1978, la société n’était constituée que pour faire des bénéfices,
donc dès que ça faisait des économies, cela prenait la forme d’une association. Aujourd’hui, la société peut faire
les deux.

Les congrégations religieuses sont des personnes morales. Les groupements d’intérêt économique (GIE) crées en
1967 sont des sociétés regroupées de façon éphémère en collaboration pour un projet particulier. Ils peuvent
générer des bénéfices mais doit être impérativement répartis entre ses membres.

La nature juridique de la société : il s’agit d’une vieille question qui agite la doctrine. La société a-t-elle une
nature contractuelle ou institutionnelle ? Certains auteurs disent qu’il ne s’agit pas vraiment d’un contrat mais
d’un acte unilatéral car lorsqu’il y a un contrat, il y a une opposition d’intérêts, or dans le contrat de société il n’y
a pas opposition d’intérêts. Cet acte unilatéral peut être de deux sortes : collectif (quand il y a plusieurs associés)
ou individuel (quand il y a un seul associé).

La société a été souvent pensée comme un contrat, mais cette conception a été remise en cause au XIXe
siècle car si la société est un contrat, tous les actes doivent être pris à l’unanimité, or beaucoup de textes de droit
des sociétés disent que des actes se prennent seulement à la majorité. Le législateur va intervenir de plus en plus
souvent pour réglementer minutieusement la société. Encore une critique de la conception contractuelle :
lorsqu’il y a personne morale va apparaitre l’intérêt social, c’est-à-dire que les décisions sont prises dans l’intérêt
social (de la société), mais cela devrait être plutôt conclu dans l’intérêt des associés. Ces critiques estiment que la
société est plutôt une institution, c’est-à-dire un être social qui dépasse les volontés individuelles qui les ont
initialement créées.

La théorie de l’institution a des vertus explicatives relatives au fonctionnement de la personne morale. Le


problème de cette théorie est qu’elle est floue et elle ne fournit aucun régime et fondement juridique, alors le juge
se retournerait sur le droit des contrats pour trancher.

On peut dépasser ce clivage contrat/institution en combinant les apports de la théorie de l’acte juridique et de la
théorie de la personnalité morale, ce qui rappelle que la société est le fruit d’une construction complexe avec à la
base un acte juridique, mais en émane une personnalité juridique.

La société trouve son fondement dans une manifestation de volonté, cette qualification de contrat résulte de
l’article 1832 du Ccivil. La liberté contractuelle est plus ou moins affirmée en droit des sociétés, cela dépend de
la forme sociale choisie ; elle se trouve notamment réduite avec la société à risque limitée contrairement à la
société anonyme.

Si la société a pour fondement un acte juridique, ce dernier va généralement déboucher sur la constitution d’une
personne morale, ce qui a permis le développement de la théorie de l’institution. Un auteur dit que la personne
morale permet au contrat de société non pas d’exister (il existe parce qu’il a été signé) mais de rayonner vers
l’extérieur, c’est-à-dire vers les tiers à l’acte juridique. La personne morale assure l’opposabilité du contrat de
société au tiers.

Dans notre système juridique existe une pluralité de sociétés : coopératives, civiles professionnelles,
d’exercice libéral. Il y a alors une classification de ces sociétés, par exemple :

 on oppose les sociétés civiles aux sociétés commerciales afin de déterminer leur régime juridique
applicable, le tribunal compétent, leurs obligations comptables, la liberté de la preuve… Cette distinction
civile/commerciale tend toutefois à s’atténuer.
 on oppose les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux. Ca traduit une opposition entre deux
conceptions différentes de la société. Les sociétés de personnes : c’est en général la société en nom
collectif ; elle repose sur la confiance qu’inspire la personne de chaque associé, elle présente 4
caractéristiques principales : un contrat marqué d’un fort intuitu personae, peut être dissoute en cas de
décès ou d’incapacité d’un associé, les associés ne sont pas titulaires d’actions mais de parts sociales
vendables qu’en cas d’accords des associés et enfin chaque associé répond des dettes de la société sur son
patrimoine personnel.
L’exemple de société de capitaux est la société anonyme. Ici ce n’est pas la personne qui compte mais
l’argent que l’actionnaire accepte de mettre dans l’affaire : un apport qui n’est pas forcément en numéraire mais
aussi en intelligence, en jouissance ou propriété… Les qualités de la personne s’effacent derrière son apport,
donc la société va s’opposer à la précédente :

 Contrat, pas d’intuitu personae, si l’actionnaire meurt ou devient incapable la société continue,
l’actionnaire n’est pas titulaire de parts sociales mais d’actions qui sont cessibles, et la seule chose que
l’actionnaire peut perdre est son apport.
Très souvent selon la forme sociale on constate une hybridation, il est rare qu’une société soit complètement
une société de personnes ou de capitaux. Ceci peut être soit le fait de la loi soit le fait des statuts, le prototype
de cette société hybride est la SARL, les parts ne sont pas librement cessibles, il faut l’accord des associés. En
revanche dans la SARL, il n’a aucune obligation sur les dettes personnelles (société de capitaux).
Là où la distinction a une importance considérable est en droit fiscal. Les sociétés de capitaux sont assujetties à
l’impôt sur les sociétés en revanche, les sociétés de personnes sont des sociétés transparentes parce qu’elles
sont assujetties à l’impôt sur le revenu.

Autres distinctions : entre société à risques limités (société de capitaux) et illimités (société de personnes), ou
personnifiées (ont la personnalité juridique) ou non personnifiées (n’ont pas la personnalité morale, donc repose
seulement sur le contrat de société : la société en participation et créée de fait). Distinction entre société
unipersonnelle et pluripersonnelle.

Les fonctions des sociétés : la société a pour fonction première d’assurer la personnification juridique de
l’entreprise, la personne morale société va alors constituer le support de l’identité et de l’autonomie qui font
défaut à l’entreprise individuelle. On a alors une dissociation entre l’entrepreneur et l’entreprise personnifiée
qui va avoir un triple intérêt :

 la séparation des patrimoines : d’un côté un patrimoine social qui va supporter seul le risque de l’activité
économique qui ne doit pas être surestimé, et d’un autre le patrimoine des associés. Cette séparation
existe seulement dans les sociétés à risques limités. Souvent, cet avantage se trouve supprimé par la
pratique et par les exigences des établissements financiers qui demandent une caution personnelle des
associés et parfois des dirigeants. Cette séparation peut aussi être remise en cause lorsque la société est
soumise à une procédure collective, l’associé peut avoir à supporter le passif de la société sur son
patrimoine personnel  idée de sanction lorsque l’associé s’immisce dans la direction de l’entreprise
alors qu’il ne le doit pas. Cette séparation des patrimoines a longtemps permis un avantage de la société
par rapport à l’entreprise individuelle, mais cela est à relativiser aujourd’hui car a été mis en place la
déclaration d’insaisissabilité en 2003, puis l’EIRL en 2010.

 La pérennité de l’entreprise : en présence d’une entreprise individuelle et lorsque l’entrepreneur décède,


l’entreprise va tomber en indivision. La société va survivre aux associés, en effet les biens appartiennent
à la société alors qu’avec l’entrepreneur individuel, les biens lui appartiennent.

 La société va faciliter le transfert de l’entreprise : en présence d’une entreprise individuelle et qu’on


souhaite la transférer, on transfert les biens (ce qui entraine une procédure lourde), alors que dans une
société on transfert des actions ou des parts sociales où le formalisme est moins important.
La société a également des avantages en termes d’organisation. La société est une technique juridique
d’organisation de l’entreprise, c’est-à-dire qu’elle permet de structurer juridiquement l’entreprise d’abord en lui
donnant une structure de pouvoir ; il y a différents acteurs qui n’ont pas les mêmes pouvoirs/prérogatives, ce
sont les organes sociaux qui varient selon la forme sociétaire. Toutefois dans chaque société il existe un pouvoir
originaire détenu par ceux qui sont à l’essence de la société : les associés ; ce pouvoir s’exerce en assemblée
générale des actionnaires et des associés. Pourtant dans les grosses entreprises qui possèdent des milliers
d’actionnaires, l’assemblée générale n’a que peu d’importance et de pouvoir, et ce pouvoir se transmet alors un
peu aux dirigeants. La société apporte également une structure de financement, notamment pour les sociétés de
capitaux.

La société ne coïncide pas nécessairement avec une entreprise, elle peut aussi être de façon plus exceptionnelle
une technique d’organisation du patrimoine (la société civile immobilière). Depuis quelques années, la SCI
subit la concurrence de la fiducie qui est une technique d’organisation du patrimoine.

La règlementation des sociétés : la date charnière est en 1966. Avant 1966, on a les codes Napoléonien et le
Ccivil mais reste assez discret sur la société qu’il règlemente au titre des contrats spéciaux. A l’article 1832, il
en donne une définition et une règle générale applicable aux sociétés civiles. Le Code de commerce à l’époque
se bornait à énumérer les différents types de sociétés commerciales. L’essentiel de la réglementation va alors se
trouver dans deux lois non codifiées : 1867 relatives aux sociétés par action (crée la société anonyme) et une loi
du 1925 qui crée la SARL. Ces textes vont être réformés par une loi de 1966 complétée par un décret de 1967
qui comportent énormément d’articles pour pallier le vide des codes. Cette loi de 1966 a pourtant assez peu
innové mais permet une organisation rationnelle et a instauré le dirigisme : elle pose beaucoup de règles
précises venant réglementer diverses formes de sociétés en laissant très peu de place à la liberté contractuelle et
aux statuts  ordre public très puissant. Toutefois, il a été reproché à cette loi d’être incomplète notamment sur
les groupes de sociétés.
Après 1966, le législateur est intervenu ponctuellement avec la loi de 1985 avec l’EURL. En 1994, création de
la société par action simplifiée (SAS) qui permet une certaine forme de retour de la liberté contractuelle par
rapport à la SA. Puis en 2000 naît une codification à droit constant de la loi de 1966 dans le Code de commerce.
Depuis 2000, de nombreuses réformes ont été adoptées telles que la loi de 2001 relative aux nouvelles
régulations économiques (LRE). De plus, le droit de l’UE joue un rôle très important.

Partie 1 : la naissance de la société


Par société on entend le contrat de société et ensuite la personne morale

Chapitre 1 : le contrat de société

I Les exigences de fond


Vont s’appliquer les quatre conditions générales de validité des contrats : article 1108 et suivants du
Code civil. Tout d’abord, les associés doivent manifester un consentement libre et éclairé qui doit être sincère.
Cette exigence pose un double problème, notamment celui du prête-nom, c’est-à-dire la personne qui va
participer à la constitution d’une société et agir pour le compte d’une autre personne  c’est une simulation par
interposition de personne qui n’est pas répréhensible en tant que tel. Le second problème est celui de la société
fictive qui est une simulation qui ne va pas porter sur une personne mais sur la société elle-même. Ici, la société
ne repose sur aucun consentement véritable, c’est une fausse apparence pour masquer l’agissement d’une seule
personne.

Les associés doivent posséder la capacité pour pouvoir valablement contracter. Cette exigence peut se renforcer
lorsque la qualité d’associé indique la qualité de commerçant. Un incapable peut être associé s’il intervient par
l’intermédiaire de son représentant légal. Une personne morale peut être associée d’une société.
La société doit avoir un objet licite et moral, donc l’activité de la société doit être conforme à l’ordre public et
aux bonnes mœurs. L’objet social est l’activité que la société entend développer. La société peut très bien avoir
un objet licite et une cause illicite.
Les conditions spécifiques imposées en partie par l’article 1832 du Ccivil.

I.I La pluralité d’associés et objet social

A Les associés
En principe, une société exige la participation d’au moins deux personnes. Exceptions : pour constituer
une société anonyme il faut être au moins 7. Autre exception : pour les sociétés unipersonnelle, il faut être 1.
Autre exception : pour la SARL, on ne peut pas être plus de 100 associés.

Lorsque la société est pluripersonnelle, la pluralité d’associés doit exister au moment de la constitution mais
aussi tout au long de la vie sociale de la société. Complication : lorsqu’il y a deux associés et qu’un des deux
meurt, sachant que celui qui reste est l’héritier, les parts sociales sont réunies en une seule main. La sanction qui
devrait être retenue est la nullité sauf qu’ici la loi va favoriser la régularisation de la société, par exemple en
cédant une partie des parts. Le droit des sociétés essaie de limiter les cas de nullité.

B L’objet social

Toute société est constituée d’un objet qui est de partager des bénéfices ou faire des économies. L’objet
social est le type d’activités que la société se propose d’exercer en vue de réaliser des bénéfices ou de faire des
économies. Cet objet social doit être déterminé dans les statuts. Parfois il peut y avoir discordance entre l’objet
social statutaire et l’activité réelle, c’est-à-dire l’objet social effectif. Pour la jurisprudence, ce qui compte c’est
l’objet social réel a savoir l’activité social, et c’est ce qui permet de vérifier si l’activité est licite.
Ne pas confondre l’objet social et l’intérêt social. Cet intérêt social est un impératif de conduite qui va
s’imposer aux organes de la société : c’est la boussole des organes. Trois conceptions de l’intérêt social :

 Pour certains, c’est quelque chose de large dans lequel on fait entrer l’intérêt des associés, des salariés,
des créanciers voire même de l’Etat qui rejoint la théorie institutionnelle.
 Pour d’autres, c’est l’intérêt de la société personne morale
 Pour d’autres, c’est l’intérêt des associés.

L’objet social doit être licite, mais aussi déterminé car une société n’a pas vocation à faire n’importe quoi, c’est
pourquoi il faut déterminer avec précision le type d’activité et la sphère d’activité que la société entend mener :
c’est le principe de spécialité. L’idée est de prévoir un objet large pour disposer d’une marge de manœuvre
importante.

I.II La mise en commun d’apports

Le mot apport revêt deux significations différentes en droit des sociétés :

 Le mot apport désigne l’opération d’apport, c’est-à-dire l’opération par laquelle un associé exécute son
obligation principale envers ses associés et la société.
 Le mot apport désigne l’objet de l’apport qui peut être soit un bien soit une activité.

A L’exigence d’apport

Cette nécessité de l’opération d’apport se manifeste à un double titre :

 Les apports sont nécessaires à l’existence et à la validité de la société elle-même : sans apport, il ne peut
pas y avoir de société. Cela signifie que toute personne souhaitant devenir associé d’une société doit
nécessaire lui apporter quelque chose. La somme des apports donne le capital social qui est instrument
essentiel du fonctionnement de la société. En l’absence d’apport on a nullité de la société. C’est une
hypothèse rare mais il est fréquent qu’il y ait des apports fictifs, c’est-à-dire qu’on apporte quelque
chose qui n’a aucune valeur, par exemple on apporte une créance qui porte sur un débiteur insolvable. Il
ne faut pas confondre cela avec l’apport surévalué (on apporte un bien que l’on sur évalue que ce qu’il
ne vaut réellement). Ici, la seule sanction c’est la responsabilité de l’apporteur, mais pas la nullité.
 Les apports sont nécessaires à la reconnaissance de la qualité d’associé. Il n’y a pas de société sans
apport, et il n’y a pas d’associé sans apport : si on apporte rien, on ne peut être associé. Il y a deux
façons de devenir associé d’une société  au moment de la constitution et on apporte quelque chose
(souscription de part et d’action), ou bien en se portant acquéreur à des parts sociales. En échange de
son apport, l’apporteur reçoit des droit sociaux (des actions / des parts sociales).

L’opération d’apport repose sur un acte juridique qui présente une triple caractéristique :

 un acte à titre onéreux puisqu’en échange de l’apport, on reçoit des droits sociaux et on devient titulaire
d’actions / parts sociales.

 un acte aléatoire. La valeur des droits sociaux attribuée à l’apporteur est susceptible d’être affectée à la
hausse ou à la baisse en cours de vie sociale par les résultats de la société. Si la société fait de bonnes
affaires, la valeur des droits sociaux augmentent, donc quand on les vend, ils perdent de la valeur.

 Il s’agit d’un acte créateur d’obligations pour l’apporteur puisque l’opération d’apport se déroule en
deux temps : la souscription de l’apport et la libération de l’apport (l’exécution effective)

L’exigence d’apport n’a pas la même intensité selon les types de société : dans les sociétés à risques
limités, l’apport a de l’importance car les créanciers ont gage sur le capital social. Dans les sociétés à risques
illimités, le montant de l’apport est moins important car les créanciers peuvent se faire payer sur le patrimoine
personnel des associés.

B Les types d’apport

1 L’apport en numéraire

C’est un apport en somme d’argent. C’est le cas le plus fréquent. Il ne faut pas confondre l’apport en
numéraire et l’avance en compte courant qui est un prêt que l’associé consent à la société. Dans les deux cas il y
a bien remise en compte d’argent mais dans un cas on reçoit des parts sociales alors que dans le cas on est juste
prêteur. On distingue la souscription et l’apport en numéraire. Par la souscription, l’associé s’engage à apporter
une certaine somme d’argent, et à la libération, l’apporteur va exécuter son engagement. La qualité d’associé est
acquise dès la souscription. Selon la forme sociale, le délai pour libérer l’apport numéraire peut varier : on
exige alors un premier versement par exemple.

2 L’apport en nature

Il a pour objet un bien autre qu’une somme d’argent. Ça peut être des biens corporels : des terrains, des
bâtiments, de l’outillage, du matériel, des véhicules… Ça peut être aussi des biens incorporels : le fonds de
commerce, des brevets, une marque, une clientèle… Les apports en nature vont eux aussi concourir à la
formation du capital social. La difficulté ici va être dans l’évaluation ; en règle générale pour la plupart des
biens, il n’y a pas de valeur objective discutable, donc c’est aux associés de s’entendre sur la valeur qu’ils vont
accepter d’attribuer à différents apports. Il y a plusieurs types d’apport en nature :

 l’apport en propriété qui est le cas le plus fréquent, ça ressemble à une opération une vente. Le Code
civil dit que « l’apporteur est garant envers la société comme un vendeur envers son acheteur ». La
société devient alors propriétaire du bien apporté et peut en faire ce qu’elle veut. La société subira aussi
les risques de la perte du bien, c’est-à-dire que l’associé gardera ses droits sociaux s’il arrive malheur au
bien. Ici encore le problème de l’évaluation du bien se pose, donc pour certaines formes sociales, des
règles spéciales vont s’appliquer. Dans les sociétés par action et les SARL au moment de la constitution,
il y aura désignation d’un commissaire aux apports qui aura pour objet d’évaluer la valeur de l’apport.
Cet apport en propriété peut concerner un fonds de commerce et sera soumis au même formalisme que
la cession d’un fonds de commerce notamment avec de fortes formalités de publicité pour avertir les
créanciers.

 L’apport en jouissance : cela ressemble au contrat de bail. Le code civil dit que « l’apporteur est garant
envers la société comme un bailleur envers son preneur ».

 L’apport en industrie : c’est l’apport qui a pour objet l’exercice d’une activité au service de la société.
Cela peut être une activité physique, mais aussi intellectuelle, l’apport d’un savoir-faire… Cet apport en
industrie est très rare dans les sociétés commerciales. Cet apport occupe une place à part dans les
apports nécessaires à la constitution d’une société, car il est à la fois immatériel, personnel et
extrapatrimonial par son objet. C’est la raison pour laquelle l’apport en industrie est en principe interdit
dans les sociétés par action car cet apport ne peut pas constituer le gage des créanciers car il n’est pas
saisissable. Mais cet apport en industrie est possible dans les SARL et surtout dans les SAS. Il est
possible dans toutes les sociétés de personne.

L’apport en industrie dispose de plusieurs spécificités : il ne compte pas pour la détermination du capital
social donc ne peut pas être saisi par les créanciers, lors des opérations de partage, il ne peut être ni
repris ni remboursé. Ensuite, la part des bénéfices réservée aux apporteurs en industrie est égale à celle
de l’associé qui a le moins apporté en numéraire ou en nature, mais on peut modifier ce principe de
répartition dans les statuts. Les droits de l’apporteur en industrie sont incessibles, donc il faut qu’il
demande l’annulation et le remboursement de ses parts. Enfin, l’associé en industrie doit rendre compte
à la société de tous les gains réalisés dans le cadre de l’activité faisant l’objet de l’apport : vis-à-vis de la
société, l’associé est tenu à une obligation de non concurrence et d’exclusivité.

I.III La vocation aux bénéfices et la contribution aux pertes

L’important en matière de société est de faire un apport.

A La vocation aux bénéfices et aux économies

La qualification d’une société peut être retenue soit que l’on entend faire des économies ou faire des
bénéfices. La notion de résultat de bénéfices se dédouble et s’entend soit par la notion d’économies soit de
bénéfices. Cela ne veut pas dire qu’il y a société seulement s’il y a bénéfice ou économie, mais seulement s’il y
a éventualité de bénéfice et d’économies.

La réalisation de bénéfices : ces bénéfices peuvent être répartis entre les associés, c’est une distribution de
bénéfices entre les associés  les dividendes. La répartition des bénéfices n’est pas inéluctable, car peut être
décidé de mettre ces bénéfices en réserve : c’est toujours possible de la part des associés, cela est décidé à la
majorité en assemblée générale. Cela ne veut pas dire que les associés n’auront jamais droit aux bénéfices,
mais la répartition est reportée dans le temps et peut être repoussée jusqu’à la dissolution de la société.

Cette vocation aux bénéfices se traduit également lorsque l’on fait des augmentations de capital, c’est-à-dire
générer un apport d’argent frais en vue de se développer. Dans ce cas, les associés en place ont bénéficié d’un
droit préférentiel de souscription pour souscrire à l’augmentation afin qu’ils puissent être les premiers, sinon les
tiers pourraient s’en prévaloir et crée une dilution de la participation des associés.

B La contribution aux pertes

Article 832 alinéa 3 du Ccivil : les associés s’engagent à contribuer aux pertes. Cette contribution ne
concerne que les rapports entre associés, c’est-à-dire qu’elle ne s’applique pas aux créanciers puisque c’est
l’obligation aux dettes qui va les concerner.
Cette contribution aux pertes prend tout son sens au moment de la disparition de la société. En cours de vie
sociale tant que la société fonctionne, le traitement des pertes est simplement comptable. Cela s’aggrave lorsque
la société est dissoute, un mandataire liquidateur intervient alors pour désintéresser les créanciers
sociaux (fournisseurs, clients..) en les payant avec l’actif de la société (l’actif social) et s’il est suffisant, il n’y a
pas de problème. S’il reste de l’actif, on le répartit entre les associés.

Il y a problème lorsque l’actif social ne suffit pas à désintéresser les créanciers. Les associés vont alors perdre
leurs mises de départ. On distingue ici les sociétés à risque illimités et limités. Dans la société illimitée, les
créanciers vont pouvoir se faire payer sur le patrimoine personnel des associés.

Normalement en cours de vie sociale, en principe, on ne peut pas demander aux associés de participer aux
pertes, cela n’intervient qu’à la dissolution de la société. Pour que ce soit possible en cours de vie sociale, il soit
que les associés consentent, soit que la loi l’impose.

Quand la loi l’impose : la loi ne prévoit qu’une seule hypothèse de contribution anticipée aux pertes, et
cela concerne les sociétés de capitaux lorsque celle-ci a perdu plus de la moitié du capital social.

Quand les associés y consentent : c’est dans l’hypothèse du « coup d’accordéon »  société qui a des pertes
importantes. Dans ce cas, les associés vont ramener le capital à zéro, ce qui produit une annulation de leurs
droits sociaux, alors on peut augmenter le capital.

Par une clause statutaire : les statuts peuvent stipuler une contribution aux pertes en cours de vie sociale. Dans
certaines sociétés, la contribution aux pertes de tous les associés peut se faire à la clôture de chaque exercice :
stipulation fréquente dans les sociétés créées pour faire des économies et non pas des bénéfices. Exemple : les
sociétés civiles de moyen, fréquemment constituées entre des professions libérales (entre des médecins), la
contribution aux pertes à la clôture de chaque exercice est nécessaire car la société ne créée pas de bénéfices.
Il est possible d’insérer une telle clause en cours de vie sociale seulement s’il y a l’unanimité des associés car
on accroît leurs obligations et leur engagement.

C L’interdiction des clauses léonines

En principe, la part des associés dans les bénéfices et dans la perte est proportionnelle à leur apport,
mais rien n’interdit de stipuler dans les statuts différemment : il peut y avoir partage inégal des bénéfices et des
pertes malgré des apports égaux, et inversement prévoir un partage égal des bénéfices malgré des apports
inégaux (peut être le cas pour l’apporteur en industrie). Ce qui compte c’est que subsiste un espoir de profit et
le risque d’une contribution aux pertes.

Une stipulation statutaire qui attribuerait à un associé la totalité du profit est illicite : c’est une clause léonine.
Une société est constituée d’intérêts communs, on ne peut sacrifier les intérêts de l’un des associés au profit
d’un autre. La clause qui exclut totalement un associé de la participation aux pertes est aussi une clause léonine.
La clause est aussi léonine si elle met la totalité des pertes à la charge d’un associé. Cette clause léonine sont
réputées non écrite dans le Code civil, elles ne produisent aucun effet. Toutefois, la société perdure toujours.

Que se passe-t-il lorsque la clause léonine a été déterminante de la création de la société ? Dans ce cas, le Code
de commerce apporte une réponse à l’article L 235-1 en précisant que le contrat de société n’est pas nul, ce
n’est que la clause qui est nulle même si elle est déterminante  vœu de préserver la société. Cet article
concerne les sociétés par action et les SARL. Qu’en est-il des sociétés de personne ? Dans ce cas, il n’y a pas
lieu de prononcer la nullité du contrat de société car si l’on prononce la nullité du contrat de société, on punit
tout le monde, or le seul qu’il faut punir est le bénéficiaire de la clause.

La question de l’interdiction de ces clauses léonines s’est posée dans deux cas :

 A propos des cessions massives des droits sociaux : c’est lorsqu’un tiers souhaite prendre le contrôle
d’une société, il suffit alors de racheter la majorité des parts sociales. Le cessionnaire n’achète pas tout
d’un coup, c’est-à-dire que la cession va être étalée dans le temps et va promettre une promesse d’achat
pour les actions qu’il n’a pas acquises immédiatement. Pour convaincre le cédant, il y aura une
stipulation de prix plancher. Pendant longtemps, la Ccass a estimé qu’il y avait ici une clause léonine car
le cédant était exonéré de toute perte, puis a abandonné sa jurisprudence dans l’arrêt BOWATER de
1986 en considérant qu’il n’y avait pas de clause léonine. La jurisprudence est fondée sur l’objet de la
convention, l’idée est d’établir un équilibre, et non pas de ne pas contribuer aux pertes.

 Dans le portage d’action : c’est une opération contractuelle qui consiste à ce qu’un porteur
(établissement financier) qui accepte à la demande d’un donneur d’ordre de se rendre actionnaire d’une
société. Au terme d’un délai, les actions seront transférées du porteur au donner d’ordre. Dans ce cas, on
va stipuler un prix à l’avance à la demande du porteur car il ne veut pas perdre d’argent. La Cour de
Cassation a considéré que la stipulation ne portait pas atteinte à la prohibition de la clause léonine.

I.IV L’affectio societatis

L’affection societatis c’est l’intention de s’associer. Pour qu’il y ait contrat de société, il faut qu’il y ait
chez chaque associé cette intention de s’associer. Cela est curieux car l’article 1832 du Ccivil et le Code du
commerce n’en font pas état. Pourtant, la jurisprudence s’y réfère soit pour qualifier une société, soit pour
disqualifier une société.

Il est difficile de donner un contenu précis de l’affectio societatis car tout associé doit l’avoir, or ce n’est pas le
même que l’on soit en présence d’une SARL et de la société cotée au CAC 40 qui a des milliers d’actionnaires.
Le plus petit dénominateur commun de l’affection societatis, c’est la volonté des associés de collaborer
ensemble sur un pied d’égalité au succès de l’entreprise commune. Cet affectio societatis doit exister au
moment de la constitution de la société, mais aussi tout au long de la vie sociale.

Au stade de la constitution de la société : l’affectio societatis joue un rôle en pratique pour qualifier un contrat
dont on n’est pas sûr qu’il est un contrat de société. C’est le cas pour les sociétés créées de fait (société sans
personnalité morale car pas immatriculée), donc ne repose sur aucun contrat. Le juge s’attache alors à l’affectio
societatis  technique du faisceau d’indices.

Tout au long de la vie sociale : pour démasquer les sociétés fictives. Le cas où la plupart des associés n’ont pas
l’affectio societatis car pas l’intention de créer la société car ne repose que sur un seul.
L’affectio societatis joue aussi lorsqu’il y a mésentente entre associés et qu’elle paralyse le fonctionnement de
la société. Alors le juge constate la disparition de l’affection societatis et prononce la disparition de la société.

Pour certains auteurs, on pourrait faire l’économie de l’affectio societatis : si l’affection societatis
correspond à la volonté de participer au pacte social, l’affectio societatis s’identifie alors au consentement de
chacune des parties au contrat de société. Dans cette hypothèse, ce qui compte est le consentement au contrat,
au pacte fondateur, c’est la réalité du consentement à la société. Pour ce qui est du fonctionnement, c’est
l’intégrité du consentement qui compte. Pour ce qui est de la paralysie de la société, ce n’est plus un problème
de consentement mais de la volonté de collaborer à la réussite de l’entreprise.

II Les exigences de forme

La société accède à la personnalité juridique que lors de son enregistrement au RCS. Ce formalisme est
important et exceptionnel car marqué. Il est justifié car il faut permettre aux associés et futurs associés de
connaître leurs droits. Les statuts doivent être rédigés par écrit.
II.I Le formalisme antérieur à la signature des statuts

Le contrat de société ne se forme pas par un trait de temps, c'est à dire qu'il est réfléchi. Très souvent la
signature des statuts va être précédée de pourparlers préalables (exemple : promesse de société). Ils seront
soumis au droit commun de la négociation des contrats. Lorsqu'on a une promesse synallagmatique de société,
elle ne vaut pas société. Elle ne met à la charge partie qu'une simple obligation de faire (pas d'exécution forcée
possible car contraire à l'affectio societatis).
L'article 1835 du code civil affirme que les statuts sont nécessairement rédigés par écrit. A défaut d'écrit la
société est considérée comme créée de fait.
Dans ces statuts il y a des mentions obligatoires :
• la forme sociale (dicte le régime juridique)
• la durée de la société (inférieure à 99 ans prorogation possible → prohibition des engagements
perpétuels)
• la dénomination sociale ou appellation
• le siège social
• l'objet social
• le montant du capital social → permet de déterminer les moyens de la société
• les modalités de fonctionnement de la société

Si les statuts ne mentionnent pas toutes les mentions légales une action en régularisation est ouverte à
tout intéressé. Souvent il pourra être fait appel à un acte notarié dans certains cas pour les statuts, mais qui sont
en général des actes sous seing privé.
Ce que recommandent les praticiens c'est de s'en tenir à des statuts simplifiés car la modification est alors plus
aisé, pas besoin de respecter un formalisme lourd.
En dehors des status les associés peuvent passer des actes juridiques de nature variable : comme la signature de
pactes extra-statutaires (ils n'engagent que ceux qui les ont signés) qui auront une valeur infra statutaire, des
règlements intérieurs (va régir les relations entre associés) qui de même ont valeur infra statutaire.
L'engagement des associés de créer la société va se manifester par la signature des statuts par les associés ou
leur représentant) → particularité pour les sociétés d'appel public à l'épargne : la signature des statuts est
remplacée par un bulletin de souscription.

Il peut s'écouler un certain laps de temps entre la signature des statuts marquant l'existence de la société
et l'immatriculation de la société faisant d'elle une personne morale. Pendant ce temps les rapports entre les
associés vont être régis par le contrat de société et par les principes généraux applicables aux contrats et
obligations.
On peut constituer une société sous conditions (suspensives ou résolutoires), le principe étant la liberté
contractuelle (exemple de l'obtention d'une autorisation administrative).

II.II Le formalisme postérieur à la signature des statuts

Une fois les statuts signés il convient de procéder à certaines formalités :


• enregistrement de l'acte de société (formalité fiscale)
• publication d'un avis de constitution de la société dans un JAL du siège social. Il contient les principales
énonciations des statuts
• dépôt des statuts au greffe en 2 exemplaires en vue de l'immatriculation de la société au RCS
Il existe en France un centre de formalités des entreprises pour aider les personnes voulant créer une société
(idée de faciliter l'entreprise individuelle).

III Les sanctions des irrégularités de constitution

La société est un contrat complexe qui implique la réunion des plusieurs éléments constitutifs. La
sanction classique d'un acte irrégulier est la nullité avec effet rétroactif.
Ce n'est pas solution retenue en droit des sociétés car souvent la société peut parfaitement fonctionner malgré le
vice entachant son contrat constitutif. Donc si on annule cet acte on fait disparaître la personne morale (ce qui
pose de nombreuses difficultés pour les salariés et les tiers).
Le législateur est intervenu et à réduit les cas de nullité du contrat de société.

III.I Les causes de nullité

L'article L235-1 du code de commerce pour les sociétés commerciales : « la nullité d'une société ne peut
résulter que d'une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats ».
L'article 1844-10 du code pour l'ensemble des sociétés : « la nullité de la société ne peut résulter que de la
violation des dispositions des articles 1832, 1832-1 al.1 et 1833, ou de l'une des causes de nullité des contrats
en général ».

A L'article L235-1

Il n'existe qu'un seul cas de nullité prévu par une disposition expresse du code de commerce : article
L235-2. Il prévoit la nullité de la société lorsqu'on accompli pas les formalités de publicité des SNC et SCS. Le
contrôle exercé par le greffier du tribunal de commerce comble ce cas (et une possibilité de régularisation est
offerte). Il ne produit donc pas d'effet en pratique.

B L'article 1844-10

Il précise que toute clause statutaire contraire à une disposition impérative du présent titre dont la
violation n'est pas sanctionnée par la nullité de la société est réputée non écrite.
Le régime général des contrats prévoit que certains manquements peuvent conduire à la nullité du contrat de
société comme l'incapacité ou les vices du consentement. Mais ils n’entraînent la nullité dans les cas des
sociétés par action et des SARL que lorsqu'ils concernent tous les associés.
Le régime général pose la nullité comme sanction des contrats ayant une cause illicite. La cour de cassation est
favorable à prononcer la nullité du contrat de société lorsqu'il y a cause illicite. Mais la CJCE a considéré le 13
novembre 1990 dans son arrêt Marleasing SA que selon l'article 11 de la première directive communautaire du
droit des sociétés de 1968, la législation des États membres peut organiser le régime de nullité des sociétés que
dans les conditions suivantes : prononcée par décision judiciaire, et dans certains cas comme le défaut d'acte
constitutif, le caractère illicite ou contraire à l'ordre public de l'objet de la société ou l'incapacité de tous les
associés fondateurs et en dehors de ces cas les sociétés ne sont soumises à aucune autre cause de nullité ; et que
donc la nullité fondée sur la cause illicite n'entrant pas dans ces cas, elle ne peut donc entraîner la nullité de la
société.
La nullité du contrat de société fondée sur le régime général des contrats va renvoyer à deux hypothèses :
• la nullité fondée sur la fictivité de la société . Il faut alors démontrer que la société ne correspond pas à
la réalité et que c'est un simulacre de société manipulée par le maître de l'affaire (une seule personne),
les autres associés ne sont que des hommes de paille. La cour de cassation en 1992 a écarté la sanction
de inexistence de l'acte en retenant la nullité.
Cas particulier des groupes de sociétés : ils reposent un rapport de domination entre une société mère et
des sociétés filles. La question de la fictivité se pose alors par la détention majoritaire du capital de la
société mère.
Dans certain cas la cour de cassation ne va pas retenir la nullité mais l'inopposabilité de la société fictive
aux créanciers.
• la nullité fondée sur la fraude. Mais elle n'est pas reconnue au niveau européen comme une cause de
nullité et le juge peut aussi retenir l'inopposabilité de la personne morale comme dans le cas de l'unité
économique et sociale.

L'article 1844-10 renvoi aussi à des règles spéciales : les articles 1832 et 1833.
• 1832 : permet de sanctionner par la nullité l'unicité d'associés dans une société pluripersonnelle,
l'absence ou la fictivité des apports, et l'impossibilité de partager les résultats sociaux
• 1833 : frappe de nullité la société dont l'objet est illicite.

III.II Les moyens touchant à l'action en nullité

L'action tendant à faire prononcer la nullité du contrat appartient selon les irrégularités en cause soit à la
personne protégée par la loi (nullité relative) soit par tout intéressé (nullité absolue). Cette action doit en toute
hypothèse être exercée à l'encontre de la société.
Le succès de l'action en nullité va être rendu incertain par deux obstacles posés par le législateur :
• la prescription : 3 ans à compter du jour où la nullité est encourue. En cas de non licéité de l'objet ou de
fraude il n'y a pas de délai de prescription. De même lorsqu'on demande un à un associé d'exécuter un
acte irrégulier, il peut y opposer l'exception de nullité (perpétuelle)
• la faculté de régularisation : le code civil (article 1844-11) dispose que l'annulation ne peut être
prononcée si sa cause a disparue au jour où le juge statue. La régularisation est impossible lorsqu'elle
repose sur une non licéité de l'objet social. Le juge peut même accorder des délais.

III.III Les effets de la nullité

Les conséquences de l'annulation sont limitées dans le temps, en écartant la rétroactivité (assimilable à
la résiliation → article 1844-15). les statuts vont continuer à s'appliquer malgré l'annulation pour régir les
modalités de la liquidation.
Quant aux personnes, puisqu'en principe la nullité n'est pas opposable aux tiers de bonne foi (ils ont contracté
avec la société en ignorant que le contrat de société était irrégulier). La seule exception est lorsque l'irrégularité
est fondée sur l'incapacité ou du vice du consentement. En revanche le tiers de bonne foi peut invoquer la
nullité (lorsqu'il s'agit d'une nullité absolue).
Lorsque l'irrégularité est le fait des associés, ils peuvent voir leur responsabilité engagée.
Chapitre 2 : La personnalité morale des
sociétés

La théorie de la personnalité morale historiquement s'est édifiée à partir de fragments de textes


interprétés par la jurisprudence et la doctrine. Ainsi l'article 529 du code civil confère aux parts sociales un
caractère mobilier même si le patrimoine de la compagnie comprend des immeubles en 1804. De même l'article
69 de l'ancien code de procédure civile permettait l'assignation des sociétés de commerce « en leur maison
sociale ». On va en déduire que la société constitue un être propre distinct de ses membres et que donc les tiers
n'ont pas besoin d 'agir en justice contre chacun des associés mais directement contre la société.

On va alors systématiser ces conséquences tirées sur ces textes et sur la jurisprudence. Réciproquement la
jurisprudence va affirmer que la société elle même peut agir en justice pour défendre ses droits par
l'intermédiaire de son représentant. Elle va également systématiser la personnalité juridique dans les rapports
entre la personne morale et les associés. Les associés sont propriétaires de parts sociales (et non pas des actifs
de la société). La personne morale est aujourd'hui caractérisée par sa capacité de jouissance que non pas les
groupements non personnifiés.

On peut définir la personnalité morale comme l'aptitude à être sujet de droit conféré à une entité
juridique distincte des éléments qui la composent.
En tant que sujet de droit la personne morale est titulaire de droits et de devoirs, elle peut se comporter et être
considérée comme un acteur autonome de la vie juridique. Mais en tant qu'entité juridique la personne morale
n'a aucune réalité matérielle, son existence procède simplement d'un concept mis au point par le droit objectif
(je n'ai jamais déjeuné avec une personne morale → G. JEZE). La personne morale est distincte de ses
membres, elle permet à plusieurs personnes physiques de créer une personne et un patrimoine autonomes.

Historiquement il y a eut deux théorie de la personnalité morale : l'affrontement portait sur la nature juridique
de la personne morale : la théorie de la fiction la théorie de la réalité technique. La théorie de la fiction part du
postulat que les seuls sujets de droit qui existent sont les êtres humains et que si l'on souhaite personnifier un
groupement il faut nécessairement une intervention de l’État (lui seul peut créer des fictions). A l'inverse l'école
de la réalité technique considère qu'il n'y a pas besoin de passer par l'intervention de l’État pour reconnaître à un
groupement la personnalité juridique. La personne morale est une réalité qui existe dès que certaines conditions
sont réunies : la groupement doit disposer d'un intérêt distinct des intérêts individuels des personnes qui le
composent et que le groupement doit avoir une organisation qui permet de dégager une volonté collective
susceptible de représenter et défendre cet intérêt.

Le conflit n'est pas éteint car le droit positif français navigue entre ces conceptions. Parfois la personnalité est
attribuée par le législateur (théorie de la fiction) comme pour les sociétés (en la soumettant à une exigence
d'immatriculation), les syndicats, les associations,... Mais en cas de silence du législateur la jurisprudence a pris
le relais pour reconnaître la personnalité juridique en consacrant la théorie de la réalité technique : exemple du
comité d'établissement : « attendu que la personnalité morale n'est pas une création de la loi elle appartient en
principe à tout groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites
dignes par suite d'être reconnus et protégés » cour de cassation 1954 et en 1990 pour le comité de groupe.
Une fois acquise la personnalité morale permet d'avoir un patrimoine propre distinct du patrimoine des
associés, elle conduit la société à avoir un nom, un domicile, une nationalité et une pleine capacité juridique. La
personnalité morale n'est pas option uniforme pour toutes les formes sociales (le voile e la personne morale peut
être plus ou moins épais) → distinction entre les entreprises à responsabilité limitée et celles à risques illimitées
(le créancier lève le voile et les associés sont responsables sur leur patrimoine personnel). Les juges traquent les
abus de personnalité morale, lorsque la société est fictive ou frauduleuse.
Avec l'acquisition de la personnalité morale on va quitter le droit des contrats pour aller vers le droit des
personnes (même si la société repose sur un contrat de société).

I Le point de départ de la personnalité morale

Le point de départ est l'immatriculation au RCS et cela est affirmé par l'article 1842 du code civil et
l'article L210-6 du code de commerce : « les sociétés jouissent de la personnalité morale à compter de leur
immatriculation au RCS ». Le but est d'informer les tiers pour que la société leur soit opposable.

I.I L'immatriculation des sociétés

Autrefois constituer une société en France n'était pas chose aisée. Les réformes ont été dans le sens de la
simplification de la constitution des sociétés.
Les personnes s'adressent alors au CFE (centre de formalité des entreprises) situés au niveau des chambres de
commerce et des industries et pour les sociétés civiles le greffe du tribunal de commerce. C'est un fichier
unique qui va permettre aux entreprises de souscrire toutes les déclarations auxquelles elles sont astreintes pour
obtenir la personnalité. Le CFE va adresser un exemplaire de ces documents à chaque organisme intéressé et
notamment au greffe du tribunal des commerce car c'est ce dernier qui va procéder à l'immatriculation.
Avant l'immatriculation le greffier va faire un contrôle formel et de fond. Ce dernier est propre aux sociétés
commerciales à savoir si ces conditions de validité de la société sont remplies. Postérieurement à
l'immatriculation le greffier fait paraître un avis de constitution dans un bulletin officiel.
Une fois l'immatriculation faite la société acquiert la personnalité et c'est à ce moment là que le déclarant reçoit
le récépissé Kbis.

I.II Le sort des actes antérieurs à l'immatriculation

La société est constituée dès la signature des statuts bien qu'elle n'ait pas encore la personnalité morale.
Entre la signature des statuts et l'immatriculation va s'écouler un délais durant lequel des actes juridiques vont
êtres conclus. C'est la période de formation de la société.
Mais dans la mesure où la société n'existe pas encore, les actes passés ne peuvent lui être imputés. Pour ces
actes en principe vont être engagées les personnes qui les ont passés. L'exception va résider dans la reprise des
actes accomplis pour le compte de la société en formation.

A Le principe

Les actes accomplis durant la période de formation vont engager la personne qui les a passés. Certains
associés vont prêter leur personnalité puisque la société n'en n'a pas encore. Il n'est jamais certain que la société
reprenne à son compte les actes accomplis.
L'article 1843 du code civil dispose que « les personnes qui ont agis au nom de la société en formation avant
l'immatriculation sont tenus des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est
commerciale, sans solidarité dans les autres cas ». Même formulation dans le code de commerce pour les
sociétés commerciales.
On a donc une responsabilité personnelle de ceux qui ont agit pour protéger les tiers contractant. Ne sont visés
que les personnes qui ont agit, c'est à dire ne sont visées que les personnes qui ont personnellement passé l'acte
et les mandants.

Ces textes ne sont applicables que pour les sociétés en formation et non pas pour les sociétés créées de
fait. Dans la société créée de fait, tous les associés sont indéfiniment et solidairement tenus par les engagements
passés. La difficulté est de les différencier. Elle va se faire sur des distinctions fait, la société créée de fait
fonctionne comme une société, on fait comme si la société avait été immatriculée, alors que pour la société en
formation c'est une situation transitoire vers une immatriculation.

B L'exception

Les articles 1843 du code civil et L210-6 du code de commerce affirment que la société régulièrement
immatriculée peut reprendre les engagements souscrits qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés
par elle.
On en déduit que les actes ou engagements souscrits renvoient au contrat. Ainsi ne peuvent être repris des délits
ou des quasi délits (actes de concurrence déloyaux par exemple)qui ne sont pas des actes juridiques.
Seuls peuvent être repris les actes pour le compte et dans l'intérêt de la société. Cela signifie que celui qui agit
doit préciser qu'il agit pour une société en formation pour obtenir la substitution de débiteur. Sinon il restera
personnellement engagé.

Quelles sont les modalités de la reprise ?


La reprise peut prendre 3 formes (ce qui suppose à chaque fois l'accord des associés). Deux techniques du droit
des obligations vont être sollicitées : la ratification a posteriori ou la représentation.
• Pour les actes conclus avant la signature des statuts : on va alors fait un état des actes accomplis pour le
compte de la société en formation avec à chaque fois l'indication de l'engagement qui va en résulter pour
la société. L'état va être présenté aux associés avant la signature des statuts puis leur est annexé. La
signature des statuts par les associés emporte reprise automatique des actes par la société (à compté du
moment où elle sera immatriculée).
• Pour les actes conclus entre la signature des statuts et l'immatriculation : la reprise va être automatique
lorsqu'ils ont été accomplis en vertu d'un mandat (seconde technique) accordée par les associés à l'un
d'entre eux soit dans les statuts, soit dans un acte séparé signé par tous les associés. Dès lors que la
société est immatriculée il y a reprise automatique des actes par elle. Il faut que le mandat précise la
nature des actes à accomplir (nécessité d'un mandat spécial). Le mandat peut être donné postérieurement
à l'engagement (relèvera alors de la ratification).
• Pour les actes repris postérieurement à l'immatriculation (mais conclus avant ne respectant pas les deux
cas avant) : la reprise va s'opérer sur décision des associés à la majorité (sous réserve de disposition
statutaire contraire).
Les reprises tacites sont exclues par la cour de cassation → La CA avait considéré que la reprise partielle du
contrat par la société valait reprise de l'acte. Mais il ne peut pas y avoir reprise sans manifestation de volonté
des associés donc la reprise partielle par le dirigeant ne peut suffire.
Ces modalités de la reprise s'appliquent aussi dans l'entreprise unipersonnelle. Il peut se donner mandat mais
généralement usera de la troisième possibilité (toutefois vote formel réclamé dans un registre spécial).

Quels sont les effets de la reprise ?


Dès lors qu'il y a reprise des engagements conclus avant l'immatriculation ceux-ci sont réputés avoir été
souscrits dès l'origine par la société. La reprise va entraîner une substitution rétroactive du débiteur, sans que le
contractant créancier puisse s'y opposer à condition qu'il est été informé.
A défaut de reprise, les actes restent imputables aux personnes qui les ont souscrits (associés ayant
personnellement agit). Seule solution démontrer que c'était une société créée de fait pour pouvoir saisir sur le
patrimoine des autres associés.

II Les attributs de la personnalité morale

La personne morale a des attributs semblables à ceux d'une personne physique. Depuis quelques années
on constate en jurisprudence que les personnes morales peuvent aussi bénéficier des garanties constituées par
les droits de l'homme. Par exemple elle a considéré qu'une personne morale peut prétendre à l'indemnisation de
son préjudice moral. La cour de cassation a également considéré que la personne morale peut subir une atteinte
à sa vie privée.

II.I L'appellation

Selon l'article 1835 du code civil toute société dotée de la personnalité juridique doit avoir une
appellation. Elle permet d'identifier la personne morale. Elle est choisie librement par les associés (soit le nom
de l'un d'entre eux, en lien avec l'activité,...).
Même si la liberté domine, le choix de la dénomination sociale ne doit pas porter atteinte aux droits que des
tiers pourraient déjà avoir sur cette appellation (demande possible à l'INPI).
L'idée du nom est de renseigner les tiers. L'appellation doit être suivie ou précédée de la forme sociale de la
société. Dans certain cas elle peut être indiquée en abrégée.
Il peut y avoir une difficulté lorsque dans la dénomination sociale va figurer le nom d'un associé. Si ce dernier
qu itte la société et qu'il ne souhaite pas que la société continue d'utiliser son nom (affaire Bordas → principe
l'inaliénabilité du nom patronymique mais possibilité de conclure des contrats dessus et notamment dans le
cadre d'une société devient objet de propriété incorporelle car c'est un signe distinctif). Mais le cas est différent
lorsqu'une personne déjà connue apporte son nom comme fondateur dans une société (affaire Ducasse) « le
consentement donné par un associé fondateur dont le nom est notoirement connu à l'insertion de son patronyme
dans la dénomination d'une société exerçant son activité dans le même domaine, ne saurait sans accord de sa
part et en l'absence de renonciation express ou tacite à ses droits patrimoniaux autoriser la société à déposer ce
patronyme à titre de marque ».
Jusqu'en 1985 les SNC devaient être désignées par une raison sociale. Ainsi elle devait comporter le nom de
tous les associés suivi de la mention SNC ou le nom d'un des associés suivi de la mention et compagnie.

L'appellation peut être modifiée en cours de vie sociale sous réserve de respecter les exigences posées
par la loi ou les statuts et de respect des formalités de publicité.

II.II Le siège sociale et la nationalité

A Le siège social

C'est l'équivalent du domicile des personnes physiques. Il se définit comme le lieu du principal
établissement de la société. Elle résulte de la conjonction de 2 éléments :
• matériel : la siège doit s'entendre du lieu où est située la direction effective de la société
• intentionnel : les statuts mentionnent le siège social (choix des associés).
Il peut donc y avoir discordance entre les deux éléments. Dans ce cas là, la situation ne doit pas nuire aux tiers,
qui ont alors une option (article 1837 du code civil).

Le siège social va permettre d'assigner la société en justice, en principe devant le tribunal du lieu où elle
est établie. Le lieu du siège social détermine la nationalité de la sociétés et l'endroit où doivent être accomplies
les formalités de publicité.
Le siège social peut être modifié en cours de vie sociale. Cela sera décidé en AG selon les majorités requises
(modification des statuts + formalités de publicité).
Il peut y avoir des domiciliations collectives : plusieurs sociétés peuvent avoir un siège commun.

B La nationalité

Toute société a nécessairement une nationalité. Elle va consister en un lien purement juridique :
localisation du siège social. Une société dont le siège social est situé en France a la nationalité française.
Exceptionnellement il arrive qu'on écarte le critère du social pour appliquer le critère du contrôle. On va définir
la nationalité de la société mais au regard de la nationalité de ceux qui en détiennent le contrôle.
Le rattachement à un État est important pour résoudre les conflits de lois en désignant la loi nationale applicable
à la constitution et au fonctionnement de la société ; et de jouissance des droits nationaux.
Une société peut changer de nationalité impliquant donc le transfert du siège social. En principe cela entraîne la
dissolution de la société et cette décision doit être prise à l’unanimité des associés.

C La qualité civile ou commerciale de la société

Vous aimerez peut-être aussi