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1 Droit des sociétés

Introduction : Notion de société au sens du code civil

C’est une matière transversale. On étudie la vie d’une société, de ses dirigeants... Cela rejoint le droit des biens, le
droit patrimonial… C’est une matière transdisciplinaire. C’est une matière pratique avec la vraie vie des affaires, des
gens…

Examen fin de semestre :

- Présentiel : Oral
- Distanciel : QCM

Bibliographie :

- Cozian, Viandier, Deboissy, Droit des sociétés, Lexis Nexis,


- Paul LE CANU et Bruno DONDERO, Droit des sociétés, LGDJ
- Michel Germain & Véronique Magnier, Traité de droit commercial société commerciale, LGDJ
- Philippe Merle, Société Commerciale, précis Dalloz

Thèmes : notion de société au sens du code civil (contrat spécial), éléments caractéristiques de toutes sociétés,
processus de création d’une société (création d’une personne morale), acteur de la société, incident de
fonctionnement entre les organes, dissolution société…

I. La notion de société :

On va étudier l’entreprise exploité sous forme de société et non pas l’entreprise individuelle. On l’a étudié sous
forme de nom propre en droit commercial. Ici, on s’intéresse à l’entreprise sous forme de société. On appelle cela
l’entreprise sociétaire. Cette entreprise se définit par son but : partager le bénéfice qui pourrait en résulter voir
profiter d’une économie (+ rare). C’est vrai dans la forme de la société civile de moyen (avocat + médecin sur un
même pallier qui mette en commun logistique pour faire des économies). Elles se différencient d’autres entreprises
comme les associations (but non lucratif), le groupement d’intérêt économique (GIE).

L’intérêt des sociétés dans la vie est évident. On le voit avec les laboratoires pharmaceutiques pendant la crise
sanitaire. Le rachat de Carrefour a également fait du bruit. Les sociétés comprennent aussi les banques, dont le
soutien est demandé en cette période compliqué. Les sociétés sont celles qui dégagent le plus de profit. Elles payent
également le plus d’impôt. Elles exportent le plus et donc équilibrent la balance des paiements. Elles emploient le
plus (All, PME = 90% tissu économique). C’est indispensable.

Le droit des sociétés visent les structures juridiques d’entreprises qui sont disparates, hétérogènes. Les sociétés ont
en commun la nature juridique de l’entreprise : une société. C’est la même structure juridique d’exploitation. Elles
relèvent, évidemment, pour partie, du même régime juridique. On parle donc d’un droit commun des sociétés. Ce
tronc commun est le Code civil aux articles 1832 jusqu’à l’article 1844-17. C’est un contrat nommé du code civil.
Pour autant cette notion recouvre des situations différentes, plusieurs classifications existent.

II. Typologie des sociétés

Il est possible de distinguer une multitude sociétés qui correspondent à des modèles différents qui comportent des
avantages et des inconvénients.
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A. Distinction entre sociétés commerciales et civiles

Dans les deux cas on a à faire à des sociétés. Les unes sont commerciales et relèvent du corps commun du code civil.
Elles se verront aussi appliquer des dispositions du code de commerce. Les sociétés civiles échappent à ces
dispositions. C’est la distinction traditionnelle, la plus ancienne.

1. Société commerciale

Y’en a qui sont commerciales quelques soit leur activité quand bien même que leur activité soit civile (artisanat,
agriculture, profession libérale. Si ce sont des sociétés commerciales par leur forme, elles seront considérées comme
des sociétés commerciales malgré l’activité civile. La forme confère une nature commerciale à la structure quelques
soit l’objet. Un texte vient nommer ces sociétés, l’article L210-1 du code de commerce.

Ex : Une SARL = société commerciale par la forme (L223-1 et suivants du code de commerce) / SA = société
commerciale par la forme (Article 1832 et suivants du Code civil + L225-1 et suivants du code du commerce)

L210-1 du code de commerce : « Le caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme ou par son objet.
Sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en
commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions. »

2. Société civile

On associe le mot bénéfice au mot commercial, ces sociétés civiles relèvent de l’article 1832. Ce texte prévoit que
ces sociétés ont pour but le partage de bénéfice ou la réalisation d’une économie. Elles répondent à cette
définition. Il ne faut pas associer le terme civil au terme désintéressé.

Elles se définissent par leur objet. Il est civil et ne consiste pas à accomplir des actes de commerce. Contrairement
aux sociétés commerciales. En principe, tant qu’elles n’ont pas pour objet d’accomplir des actes de commerce
(agricole, artisanal) mais il est vrai que l’article L210-1 du code de commerce vient sérieusement réduire la portée
du critère de l’objet. Ce texte vient dire que certaines sociétés sont commerciales à raison de leur forme quand bien
même l’objet est civil.

Certaines sociétés verront leur qualification déterminés par leur objet, ce sont les autres sociétés. Pour celle-ci, il va
falloir examiner l’objet pour savoir si la société est commerciale ou civile.

B. Distinction entre société de personne et de capitaux

A l’intérieur de la distinction entre société commerciale et civile, on peut faire une sous distinction entre les sociétés
dites de personne et les sociétés de capitaux.

1. Société de personne

Les sociétés de personne rassemblent des personnes et des associés. Elles regroupent les dettes sociales, les dettes
de la société. Les associés sont responsables personnelles et de manière illimitée des dettes sociales. Ils supportent
sur leur patrimoine personnel des dettes sociales. Si son patrimoine n’est pas suffisant, les associés sont appelés en
renfort. Dans ces sociétés, la solvabilité des associés entre en considération au moment de la création des structures.
La considération de la personne compte d’où le nom. Le patrimoine personnel est exposé, la considération de la
personne compte pour les créanciers qui peuvent s’adresser aux associés et entre les associés eux-mêmes (intuite
personnae). Ils s’associent les uns, les autres en prenant un risque économique d’entreprise.
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2. Société de capitaux

Dans les sociétés de capitaux la personnalité des associés compte pas ou peu puisque ce sont des sociétés à risque
limité. Le patrimoine des associés ne sera jamais exposé aux risques d’entreprise. Il y aura que la société en tant que
personne morale avec son patrimoine qui répondra à ses dettes. Ce qui compte est le financement des sociétés.
L’apport en société est une notion propre, il faut être apporteur au jour de la création ou pendant la vie de la
société. Dans ces sociétés de capitaux c’est cela qui compte. On accueille largement les personnes puisqu’elles ne
prennent pas de risque. Les actionnaires perdent uniquement leur apport. La société a une personnalité qui fait
écran.

Tout cela se vérifie dans la distinction entre les parts sociales et les actions. Cette distinction se reflète dans la
nature des droits sociaux qui est un terme générique qui visent les parts sociales et les actions. L’originalité de ces
biens c’est que ce sont des biens susceptibles d’appropriation ayant un valeur économique. Ils confèrent
également des droits dans la société d’où le nom droit sociaux :

- Droit politique : droit de vote (ne peuvent voter pour la création, l’ouverture d’une succursale que ceux
détenteurs d’action ou de part sociale
- Droit financier : droit au dividende (ne peuvent percevoir des profits que les associés)
- Droit patrimoniale : droit de vendre ou de céder des actions (appartient aux titulaires)

Il faut distinguer les actions des parts sociales. Cela confère les mêmes droits mais la différence réside dans le
mode de transfert de ces titres. Les parts sociales ne sont pas conçues pour circuler et subissent des restrictions
importantes pour conserver l’intuite personae. On les retrouve dans les sociétés de personne d’où la restriction
des transferts (agrément de la société, publication de la cessation pour rendre opposable à la société et des tiers).

A l’inverse, les actions sont faites pour circuler librement et facilement pour permettre le financement. La
personne compte peu donc on supprime les entraves et le formalisme (ordre du cédant à la société tenant le
régime des transferts d’inscrire le cessionnaire dans les registres et non plus le cédant).
On trouve venant du cédant un ordre de mouvement suivit à la charge de la société d’un transfert du compte du
cédant au compte du cessionnaire.

3. Société hybride

Ce sont des sociétés qui empruntent aux caractéristiques données :

- La SARL : Elle est rangée dans la catégorie des sociétés de capitaux car la responsabilité des associés est
limitée au montant de ce qu’ils ont apportés. Ensuite l’intuite personae compte parce que ce sont des
petites structures. Il est dur de céder des parts sociales puisqu’il faut obtenir l’accorde de la majorité des
associés (article 223-14 code de commerce)
- La SAS (société par actions simplifiée) : Elle a vu le jour le 3 janvier 1974 et plus de 60% des sociétés crées en
sont. Elles sont sous la responsabilité limitée des associés, au montant des apports. Mais elles permettent
de contrôler la personnalité des membres. Le législateur laisse le droit de contrôler étroitement la
circulation des actions. C’est d’autant plus un ovni que les clauses limitent la circulation des actions. On peut
en parler comme une « société de capitaux personnalisée » (Yves Guyon). Elle est très souple, très libérale
qui laisse une très grande possibilité à la liberté statutaire, contractuelle d’où son succès.

C. Les sociétés sans personnalité morale

Il existe des sociétés qui se singularisent par le fait qu’elles n’ont pas de personnalité morale. Comme elles n’ont pas
de personnalité morale, elles n’ont pas de personnalité du tout : elles n’ont pas de patrimoine, pas de capacité
d’agir, pas besoin de représentant… Elles ne sont pas des personnes. Il y en a 2 types :
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1. La société créée de fait

Elle s’ignore, les membres ne savent même pas qu’ils sont en société. Elle est composée d’individus qui se
comportent comme des associés. Elle résulte du seul comportement de ces individus-là. On rencontre ça dans des
cas concret.

Par exemple :
- Un créancier d’une personne peut revendiquer l’existence d’une société créée de fait entre cette personne
et plusieurs autres. Ce créancier considère ces personnes comme des associés lorsque le débiteur est
insolvable. Cela permet de saisir des éléments du patrimoine de l’autre en démontrant que l’autre personne
s’est comportée en fait comme un associé. Ainsi plusieurs patrimoines deviennent des garanties.
- Dans les rapports conjugaux, au moment de la séparation, une des parties cherchent à démontrer une
société créée de fait pour retirer les bénéfices de l’entreprise lors de la division des biens. Il va falloir
démontrer une société créée de fait (renvoi au cours sur les éléments caractéristiques d’une société : apport,
le partage des résultats de l’activité et l’affectio societatis). L’apport en industrie, au sens d’apport d’une
force de travail, pas comme salarié mais comme collaboration, ou encore la partage des résultats sont
souvent démontré. S’agissant de l’intention de s’associer, c’est relativement difficile de le démontrer, il faut
regarder le degré de l’appréciation et cela est laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond.

Lorsque c’est un tiers, il pourra se contenter de se prévaloir de la théorie de l’apparence. C'est à dire qu’il sera
dispensé de la preuve des trois éléments constitutifs. Il va pouvoir se baser sur des éléments de fait. Il doit montrer
que l’apparence l’a poussé à croire à l’existence d’une société (C. cass, Chbre comm 11 juillet 2006 n°05-15736)

2. La société dite en participation

Elle a été voulue par les parties. Elle procède d’un contrat. Ce contrat n’est pas forcément écris. Le contrat, en droit
des sociétés, n’a pas forcément besoin d’être écris. C’est uniquement un moyen de preuve. Ici on a à faire à une
authentique société qui n’est pas immatriculé au RCS, ne possèdent donc pas la personnalité juridique morale.
C’est un simple contrat. C’est la preuve que dans le contrat particulier de société il y a la société simple de contrat et
la société accédant à la personnalité juridique. C’est la société que les parties n’ont pas voulue immatriculé. Elle
coiffe des projets entrepreneuriaux temporaires (dans le BTP, la mise en commun de moyens temporaire…).

L’article 1871-1 du code civil : « Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société
est dite alors " société en participation ". Elle n'est pas une personne morale et n'est pas soumise à publicité. Elle peut
être prouvée par tous moyens.
Les associés conviennent librement de l'objet, du fonctionnement et des conditions de la société en participation,
sous réserve de ne pas déroger aux dispositions impératives des articles 1832,1832-1,1833,1836 (2e alinéa), 1844
(1er alinéa) et 1844-1 (2e alinéa) et de l'article L. 411-1 du code monétaire et financier. »

Elle peut être prouvée par tous moyen puisque c’est un fait juridique et non un acte.

Elle va tout de même accomplir des actes à travers le gérant de la société qui sera personnellement engagé, et
naturellement dans l’ordre interne, selon ce qui est prévu, les associés peuvent avoir une responsabilité. Dans les
structures immatriculées, la loi prévoit les relations. C’est plus institutionnel et moins contractuel.

D. Le cas des sociétés offrant leur titre aux publics

Ces sociétés diffusent ce que l’on appelle des valeurs mobilières. C’est une catégorie de bien dépassant les seules
actions avec les obligations. Elles les diffusent dans un large public. Il y a deux manière de diffuser : un marché
financier / intermédiaire financier (banques). On parle de société donc les titres sont admis aux négociations sur un
marché réglementé, on peut parler avec l’expression impropre « société cotée ».
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C’est une règlementation plus tatillonne à propos de ces sociétés puisqu’il s’agit d’informer au mieux le public. Il
s’agit également de protéger le public sollicité. Cette information, cette transparence est destinée à attirer les
investisseurs. Si l’on ne sait pas qui gère, quels sont les projets, si l’entreprise pollue, on ne va pas forcément miser.
Ces règles facilitent l’attractivité. Des mesures de publicités sont prévues (montant rémunération dirigeant, rapport
de gestion…) sous l’autorité des marchés financiers (AMF). La réglementation est prévue dans le code civil, dans le
code de commerce et les dispositions du code financier puisque ses actions sont cotés. Il y a que quelques types
sociétés commerciales dont les actions peuvent être cotées : SA, la société en commandite par action (Michelin puis
pendant longtemps Peugeot), SCPI (société civile de placement immobilier)

Financement participatif (crwodfunding) : ce sont des sociétés, souvent des start-ups, agissant dans le domaine de
la nouvelle économie qui ont du mal à accéder au financement bancaire. Elles ont recours à des plateformes
spécialisées. On propose l’achat de titre contre l’espoir de bénéfice, l’emprunt en échange d’intérêt, le don. Cela
ressemble à une offre au public. Ce n’est pas considéré comme un financement de société offrant leur titre aux
publics. Par exemple avec les SAS, elles ne peuvent recourir à un financement en bourse. On interdit à ces sociétés
de la collecte de l’épargne publique mais elle est autorisée à recourir au financement participatif. Parce que les start-
ups sont quasiment toutes des SAS parce que ce sont des sociétés libérales.

La division majeure, la summa divisio qui s’affirme dans toutes les lois de réforme procède de la distinction entre les
sociétés cotées et celles qui ne le sont pas. La tendance est à libérer les sociétés non cotées en bourse pour les
rendre plus attractives alors que les sociétés cotées en bourse voit des règles lourdes les régirent pour protéger le
public. D’un côté on réglemente beaucoup et de l’autre non.

E. Société ouverte et société fermée

C’est une nouvelle distinction. Cela correspond à une réalité avec les sociétés ouvertes qui accèdent sans entrave
aux entrées et sorties d’associés. Les droits sociaux sont librement négociables. A l’inverse, les sociétés fermées
dressent des obstacles aux entrées et aux sorties en vertu de la loi. En réalité il n’y a pas de prototype. Pour les SAS,
SARL et SA il faut lire les statuts, cela dépend des clauses.

Le droit des sociétés a longtemps été critiqué pour son ordre public envahissant. On a craint une fuite des
entreprises vers des pays où la législation est moindre. Le législateur a tenté d’assouplir les règles et de prévoir à
côté des statuts, des règles qui correspondent à la volonté des associés. On appelle cela des pactes d’associé ou
d’actionnaire. On parle d’accord extrastatutaire. Cependant, cela n’engagera que ceux qui les auront signés et non
les nouveaux arrivant. Cela s’est consacré en 1994 avec la SAS. C’est la consécration des pactes entre associés.

III. Définition de la notion de société

C’est un contrat régit et définit par la loi. On dispose d’un texte législatif fiable contrairement à la notion entreprise.
Aucun texte de droit des sociétés définis l’entreprise. La notion même de société est définie par le code civil. L’article
1832 du code civil est le texte en la matière.

Article 1832 cc : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à
une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui
pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.
Les associés s'engagent à contribuer aux pertes. »

Elle n’a pas été rédigée comme cela en 1804. C’est le fruit d’une évolution.
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A. Le code civil de 1804

L’article 1832 datant de 1804 prévoit que « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes
conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». En
1804, la notion d’économie n’existait pas à travers la notion de société. Aujourd’hui le champ est plus vaste

B. La loi du 4 janvier 1978

Cette loi provient d’une réforme sur les sociétés civiles. La société est à cette occasion définit comme « un contrat
par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre en commun des biens ou leur industrie en vue de
partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ». On élargit par cette loi de 1978 les finalités
d’une société. Elle peut être la société crée en vue de profiter d’une simple économie. Comme en 1804, c’est un
contrat, elle a substantiellement une nature contractuelle.

C. Loi du 11 juillet 1985

Elle institue l’URL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limité) qui a consacré l’existence d’une société avec un
seul associé. Ce texte ajoute 3 choses importantes en préservant l’aspect contractuel. C’est le texte actuel. Au
résultat de cette évolution il y a 4 notions nouvelles qu’il faut étudier :

1. La société est instituée : notion d’institution

Un débat classique oppose depuis la fin du XIXème siècle la thèse contractuelle classique et la thèse institutionnelle
plus récente qui considère la société comme un organisme. Après sa création, elle échappe à la seule volonté des
parties, des associés de ce qui l’ont fondé parce qu’elle s’inscrit dans la durée. Il n’existe pas de solution pour savoir
si c’est un contrat ou une institution. Ces deux courants de pensées sont critiqués.

₁. Conception contractuelle

Cette conception est dominante au XIXème et au XXème siècle. Elle est fondée sur l’autonomie de la volonté. Selon
cette conception la société est un contrat parce que le consentement individuel des associés est à l’origine. A la
lecture du code civil on ne doute pas que la société est un contrat. C’est un des contrats dit spéciaux régit par le titre
9 du livre 3 du code civil.

Cette rencontre des volontés s’exprime à travers la signature des statuts. Les statuts sont des successions d’articles,
ils renferment les caractéristiques de la société, son nom, le montant de son capital, la définition de son objet. Ces
statuts contiennent des dispositions légales. L’accord des parties s’exprime à travers la signature des statuts. La
société est véritablement la chose des parties.

Cette thèse reflète assez bien la situation de certaine société comme la société dépourvue de personnalité morale.
Comme elles ne deviennent pas des personnes juridiques De même que dans les sociétés de personne, en
contrepartie des risques pris, on va accorder aux associés de la liberté puisque s’ils font des bêtises ils seront
responsables sur leur patrimoine. La dimension contractuelle est donc considérable, ils ont la liberté de rédiger leurs
statuts.

En revanche elle est moins réaliste en présence de société dont le fonctionnement résulte de la loi comme la SA avec
des organes obligatoires (conseil d’administration, directeur général). La SARL est mixte

Une critique de cette approche contractuelle selon laquelle la société procède d’un accord des parties qui est
prédominant pendant la création et la vie de la société. Premièrement la société une fois immatriculé est une
personne, elle a donc un intérêt propre distinct de celui de ces membres. Ce n’est pas la chose des parties. C’est ce
que l’on appelle l’intérêt social. Ce fameux intérêt social a été consacré dans la célèbre loi PACTE du 20 mai 2019.
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Elle fait de l’intérêt social un impératif de gestion. Autrement dit, cet intérêt social confère à la société un caractère
autonome. Si les dirigeants violent l’intérêt social et s’enrichissent c’est de l’abus de biens sociaux.

Deuxièmement, les sociétés sont dirigés par la majorité, on est donc loin de la conception contractuelle fondé sur le
consentement de chaque partie au contrat. De plus avec la conception des sociétés fondées sur la volonté d’une
seule personne cela ne répond pas à la thèse contractuelle.

₂. Conception institutionnelle

On développe l’idée selon laquelle la société est une institution au sens qu’elle échappe aux fondateurs. Au ses
encore ou elle serait gouverné par un corps de règle impérative, légale voir réglementaire. Un corps de règle qui
laisse peu de place à la volonté des parties. Cette conception institutionnelle est née en réaction à la conception
contractuelle. Elle met l’accent sur le facteur organisation de la société avec la règle de la majorité, les statuts…
Toutes ces règles qui régissent la vie d’une société et l’a fait fonctionné de manière autonome.

Dans la vraie vie on rencontre souvent des statuts types. Il faut juste compléter les informations propres à chaque
société. C’est un corpus qui va s’appliquer par la loi. De plus les statuts peuvent être modifiés par chaque partie.
Dans nombre de sociétés, les dirigeants eux-mêmes, considéré comme mandataires de la société sont nombreux.
Alors que la Cour vient de rejeter la dénomination « mandataires sociaux »

Arrêt Cour de cassation, 18 septembre 2019, n°16-26962 : Dans cet arrêt la Cour de cassation est venu dire que «
les dispositions spécifique du code civil régissant les contrats de mandat, n’ont pas de vocation à s’appliquer dans les
rapports entre la société et son dirigeant ».

De plus, la loi PACT est venue ajouter la précision que les dirigeants devaient prendre en considération les enjeux
sociaux et environnementaux d’une société, quelle, qu’elle soit. Le législateur favorise une conception
institutionnelle de la société. Prendre en compte ces enjeux, c’est assigné un but qui dépasse les intérêts
personnelles des membres. De fait les intérêts sociaux ne se définissent pas comme l’intérêt des associé mais au-
delà de l’intérêt des associés ou de la société mais plutôt des enjeux sociétaux. C’est la responsabilité sociétale et
environnementale des sociétés (RSE). Ils sont contenus, précisés et mis à la charge des dirigeants par le code civil.
Cela concerne toutes les structures.

Cette considération de l’intérêt social va également se composer des intérêts des clients, des fournisseurs, des
salariés… Cette consécration de l’intérêt social comme norme de gouvernance fait écho à une doctrine imminente
des années 1960. C’est l’école de Renne qui a publié un nombre d’article sur cette notion (Claude Chanpeau,
Paullisso, Contin). Cela fait écho à des considérations plus contemporaines. On distingue aujourd’hui, l’intérêt des
parties prenantes et l’intérêt des actionnaires. La théorie des parties prenantes ( stakeholder’s theory) qui est opposé
à celle des seuls actionnaires (shareholder’s theory) C’est la consécration de cette école.

En dépit de sa modernité, elle ne convient pas totalement :

- Depuis les années 1990, pour réagir à l’ordre public sociétaire envahissant venant tout réglementer, cela a
conduit à une explosion de la contractualisation du droit des sociétés. Elle s’est développée en marge des
statuts dans des pactes d’associés. C’est devenu prégnant dans la vie des sociétés qu’il y a eu un renouveau
de l’aspect contractuelle. En 1994, le législateur a permis aux associés (la SAS) extrêmement libéral, la
réglementant aux minimums.
- Quelle que soit la forme juridique choisit, la durée de vie d’une société dépend du bon vouloir de ses
associés malgré son autonomie. En vertu de l’article 1844 du code civil, la dissolution de la société peut être
décidée par les associés. Elle peut être décidée à la majorité
- Les sociétés unipersonnelles : Une société n’est pas nécessairement une communauté. Elle peut ne
comporter qu’un seul associé. Il décidera de tout, tout le temps, tout seul.
8 Droit des sociétés

Aucun des deux thèses ne l’emporte. Il y a des critiques. D’où la synthèse qui résulte de l’article 1832 : « instituée…
par un contrat ».

2. « Deux ou plusieurs personnes qui conviennent d’affecter des biens ou une industrie »

Cela montre que la société est avant tout une technique patrimoniale. Les associés sortent de leur patrimoine des
biens qui sont affectés à la société. Ils sont affectés à la société parce que dans la plupart des sociétés pour
constituer son patrimoine initiale (cas ou personnalité juridique), elle aura un patrimoine. Ce dernier sera composé
de ce qui a été apporté initialement. Ils vont donc sortir de leur patrimoine des biens qui vont être affectés à la
constitution du patrimoine social.

Ce sont ces biens qui sont qualifié d’apport. C’est en contrepartie de cet apport, que l’apporteur devient associé. Il
se retrouve alors avec des parts et des actions. Le fait d’apporter confère une qualité. Un apporteur devient un
associé. Si l’on veut développer la notion d’apport, c’est aussi dans son ensemble, tant le bien que l’opération elle-
même. L’apport en société est une opération de financement initial. C’est par ces premiers éléments de richesse
que la société va pouvoir démarrer son activité. En plus d’être une technique d’affectation patrimoniale.

Les sociétés unipersonnelles donnent une illustration de cette réalité. Un boutiquier en nom propre, un
entrepreneur individuel qui n’a pas créé de société, pour limiter le risque qu’il supporte, il va se constituer en société
pour se dissocier. C’est désormais la société avec son patrimoine qui va supporter le risque.

Cette notion d’affectation de bien ou de l’industrie, c’est une technique patrimoniale.

3. La notion d’entreprise « affecter à une entreprise commune »

Pour la première fois, en 1985, il est un texte de droit des sociétés qui se réfèrent à la notion d’entreprise. Jamais ce
mot d’entreprise apparaissant avant. Pour autant elle est présente dans d’autres branches du droit (droit fiscal, droit
de la concurrence)

On peut la définir comme un ensemble de moyen humain et matériel ayant pour objet une activité économique de
production, de commercialisation, de production de service. Mais il ne s’agit pas en droit positif, d’une notion
spécifique qui permet la mise en place d’un régime juridique, contrairement à la notion de société, fondation… C’est
une notion diffuse avant tout économique. Toute entreprise n’est pas forcément constituée en société, par exemple
l’entrepreneur individuel en nom propre. Ou encore les associations qui sont des entreprises associatives.

A l’inverse des sociétés ne sont pas assimilables à une entreprise. Par exemple la société holding qui contrôle les
autres et se contentent de détenir les participations dans les filiales ou les sous-filiales. La Holding n’a pas d’activité
industrielle ou commerciale. Il existe aussi les sociétés écrans comme interposition de personne. Elles sont la
uniquement parce qu’elles ont une personnalité juridique et protègent ce qui sont derrière.

On peut se rapprocher de l’article 1833 qui lui fait référence à la notion d’intérêt commun des associés. L’intérêt
commun n’est pas forcément l’intérêt social. Ces expressions démontrent que la société est considérée comme un
groupement de personne. Dans les cas prévu par la loi, une société peut être un groupement. Si une société perd ce
que l’on appelle son caractère pluripersonnel, il y a un risque de dissolution ( article 1844-5 cc : La réunion de toutes
les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut
demander cette dissolution si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an. Le tribunal peut accorder à la
société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. Il ne peut prononcer la dissolution si, au jour où il
statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu.)

Dans la vie des affaires il y a deux entreprises unipersonnelles majeures : le URL / SASU (sas unipersonnelle).
9 Droit des sociétés

4. Référence à la création d’une société par l’acte de volonté d’une seule personne

C’est un acte unilatéral. Certains auteurs voient la une dérive de la notion de société. Dans la conception classique,
la société est toujours un groupement, un contrat entre plusieurs personnes. Le fait que la société soit plus qu’un
contrat mais une authentique personne. C’est quand même cette reconnaissance de la personnalité morale qui est
une atteinte à la conception contractuelle. De plus les décisions de l’associé unique vont déclencher une série de
décision unilatérale.

La pluralité d’associé est la situation normale et classique. Le minimum est de deux. Parfois la loi va même jusqu’à
exiger un nombre plus élevé. Dans un SA côté en bourse, c’est par exemple, minimum 7.
10 Droit des sociétés

Partie 1 : Le droit commun des sociétés

Le cours de ce semestre est relatif aux règles communes à toutes les sociétés quelles quel soit leur forme.

Titre 1 : Le contrat de société, la gestation

Elles sont assorties au droit commun des contrats. On adaptera ces règles à ce contrat particulier. Puis on analysera
les conditions de validité de ce contrat spécial

1. Chapitre 1 : Les conditions générales à tout contrat

La notion de droit commun doit s’entendre alors que le contrat de société fait partie des contrats spéciaux. Il y a des
règles spécifiques mais il faut comprendre que ce que l’on appelle le droit commun des sociétés visent l’ensemble
des règles communes à toutes les sociétés. Puis il y a le droit spécial, propre à certaines choses. Il y a donc un
empilement de régime avec au sommet le droit commun des contrats. Puis le droit commun des sociétés. Enfin on
retrouve le droit spécial des sociétés.

On va étudier les normes visant les contrats en général dont celui des sociétés. En tant que contrat, il relève du
principe du consensualisme. Les parties doivent manifester un consentement libre et éclairé. En général, il n’y a pas
besoin de forme particulière, un écrit n’est pas forcément requis bien qu’en pratique un écris est toujours rédigé par
nécessité. Ce sont les statuts qui posent les règles de la société. Ce contrat prend le nom de statut.

Il relève de 3 conditions : consentement, capacité et contenu licite et certain.

Section 1. Le consentement

Il convient d’insister sur le fait que le contrat de société est particulier au regard du consentement. Il ne correspond
pas en effet, tout à fait à un contrat classique. Ce dernier se définit avant l’ordonnance de 2016 comme « une
convention par laquelle une ou plusieurs s’oblige envers une ou plusieurs autres ».

Le particularisme se manifeste aussi dans la relation entre les associés eux-mêmes. Les associés ne sont pas reliés
par des relations bilatérales, il s’engage en vue d’un objectif commun. Leurs intérêts ne s’opposent pas, ils
convergent. Autrement dit, cette particularité fait que les associés s’engagent ensemble. On a pu évoquer, plutôt
que la notion de contrat classique, d’acte unilatéral collectif. Le contrat de société va commencer à s’exécuter à
compter de la signature du contrat et la vie commence.

Les parties sont tenues à une chose : l’apport. Une fois l’apport fait, l’engagement des parties a été fait et le contrat
commence alors. Contrairement à un contrat de vente ou le contrat se termine une fois que l’engagement est
réalisé. Au jour de la création du contrat, les parties ne connaissent pas l’étendue de leur obligation puisque
personne ne sait comment va se passer la vie sociale.

On parle alors de contrat d’organisation dans la doctrine, défendu par Paul Didier. C’est un contrat qui réunie des
parties dont les intérêts ne s’opposent pas mais convergent et assemblent des biens ou de l’industrie. C’est le
propre d’un contrat d’organisation de gérer plusieurs associés avec un intérêt supérieur.

I. Le consentement vicié

Dol : Arrêt Villgrain, 1996 sur le dol : obligation de loyauté des dirigeants envers les associés dans une histoire de dol
11 Droit des sociétés

II. Le consentement simulé

Section 2. La capacité

La capacité fait référence à l’aptitude d’une personne à contracter. Est-ce qu’il faut avoir la qualité de commerçant
pour devenir associé ? Qui des étrangers ?

Dans tout ou presque, le fait de devenir associé ne donne pas la qualité de commerçant. Il ne faut donc pas cette
aptitude pour devenir associé. En clair un bébé peut devenir associé de LVMH. A l’exception des sociétés non
collectives (221-1) la particularité est de conférer la qualité de commerçant à ceux qui deviennent membre alors que
c’est la société qui est commerciale par sa forme. Cela va poser en cas de disparition d’un associé avec un héritier
mineurs. Les autres sociétés sont celles en commandites simple (221-2), il faut avoir cette aptitude.

Etrangers : 313-10 code des étrangers « Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant
l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger… Pour l'exercice d'une activité non salariée,
économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur.
Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale »

Section 3. Le contenu licite et certain

Cette formulation résulte de l’ordonnance de réforme du droit des contrats de 2016. Avant on parlait de la cause et
de l’objet de manière séparé. 3 exigences sont contrôlés au regarde de cette notion : la matière de l’engagement
(objet société), la licéité du contrat (but frauduleux)

I. La matière de l’engagement : L’objet social

Il n’est pas une notion définie par la loi. Il faut, au gré de l’observation des arrêts, il peut être défini comme le type
d’activité que la société exerce (commerciale, civile). Il faut dire ce qu’elle va faire. Il ne faut pas confondre l’objet
social avec le but. Le but est le partage des bénéfices ou une économie. L’objet c’est l’activité pour atteindre le but.

Il remplit des fonctions importantes :

 définit le caractère civil ou commercial d’une société sous réserve des sociétés commerciales par leur
forme.
 délimiter l’étendue des pouvoirs des dirigeants. Ils ne peuvent représenter la société et engager des actions
que dans le cadre de la réalisation de l’objet social de la société. Tout dépassement sera constitutif d’une
faute et la question se posera même de la licéité de l’acte. Ce dernier étant accompli en dépassement de
l’objet, cela va engager la société pour protéger les tiers sauf dans les sociétés de personnes. Dans ces
sociétés-là, les associés ont une responsabilité illimité alors on va les protéger contre les dérives des
dirigeants qui agissent au-delà de l’objet.

Il est toujours inscrit dans les statuts. Il est toujours rédigé largement dans des termes extensifs pour pouvoir se
diversifier, ajouter d’autres activités à l’entreprise. Sinon il faut le modifier et donc modifier les statuts avec une
assemblée, des conditions de majorités et de formalisme. La pratique encourage à définir des termes larges. Il y a
une clause de style : « et plus généralement toutes activités financières, commerciales … se rapportant directement
ou indirectement à l’objet social ou susceptible d’ne faciliter l’extension ou le développement ».

Ce faisant la société à une capacité moindre qu’une personne physique. Elle ne peut réaliser d’acte que dans le cadre
de son objet définit plus ou moins largement dans les statuts. Plus la définition est réduite plus les pouvoirs des
dirigeants sont limité.
12 Droit des sociétés

La nullité d’une société est encourue si l’objet social est illicite. L’article 12 de la directive 14 juin 2017 à propos de
la nullité de la société, ne mentionne comme cause de nullité que le caractère illicite ou contraire à l’ordre public de
l’objet de société. Ce texte n’opère pas de distinction entre l’objet statutaire et l’objet réel. Une manigance consiste
à afficher dans les statuts quelque chose et en réalité de faire autre chose. L’arrêt Marleasing, fondamental sur la
question de nullité, du 13 novembre 1990 de la CJCE a retenu une conception restrictive. « Les mots objet de la
société doivent être compris comme se référant à l’objet de la société tel qu’il est décrit dans l’acte de constitution ou
dans les statuts. » Aucune référence n’est faite à l’objet réel contrairement à ce que distingue la Cour de cassation.

Il ne faut pas oublier la loi PACT, en rappelant l’intérêt social. Dans le cadre de l’exploitation et de l’accomplissement
de l’objet il va falloir prendre en considération l’intérêt de la société et les intérêts sociaux et environnementaux.

II. La contrepartie de l’engagement

Cette contrepartie ne doit être ni dérisoire, ni illusoire. Il faut entendre par là, la raison qui motive la création d’une
société. La raison de cette distinction entre la raison de créer et l’objet social est la suivante. L’objet social peut être
licite alors que la cause ne l’est pas. Lorsque la société est constitué dans un but de fraude, comme la fraude
corrompt tout jusqu’à la création d’une société. Par exemple une fraude dans le cas d’un conjoint, de succession,
droit de gage de succession des créanciers. Par exemple en créant une société en faisant apport d’un objet qui est
demandé par un créancier. Ainsi cela permet d’être insolvable.

Les sociétés étant presque tout constitué d’une personnalité morale, c’est tentant pour un débiteur de transférer
des biens de son patrimoine vers celui de sa société. Heureusement, l’action polienne qui permet à un créancier de
neutraliser l’action frauduleuse. Ainsi il peut empêcher la création de la société. La CJUE a largement admis l’action
polienne pour affirmer son autonomie. Elle ne dépend pas d’un droit d’opposition ou de nullité.

La sanction applicable est délicate, dans les sociétés dites de capitaux, il faut pour que la nullité de la société soit
prononcé, il faut que tous les associés qui ont courus à la réalisation de la fraude. Sinon on n’annulera juste l’apport
frauduleux.
13 Droit des sociétés

Chapitre 2 : les conditions spécifiques au contrat de société

Outre le droit commun des sociétés, il existe un droit commun des sociétés qui réglementent toutes les sociétés. Il
requiert 3 éléments caractéristiques. Deux sont objectifs et matériels et l’un est psychologique. Le premier est la
réalisation d’un apport et le second élément matériels est le partage des résultats de manière générique. L’élément
psychologique est un élément intentionnel que l’on appelle l’affectio-societatis.

Section 1. Les apports en société

Le terme apport vise deux réalités, significations :

- Soit il désigne l’opération elle-même c'est-à-dire le fait d’apporter à la société pour devenir membre. C’est
donc ce lien entre chaque associé et la société ;
- Soit il désigne l’objet de la société (ce qu’on a apporté à la société : le bien, l’activité ou la force de travail, la
mise à disposition de l’apporteur en tant qu’associé).

Parce qu’un individu a réalisé un apport en société, il reçoit en contrepartie la qualité d’associé. Tous participent à la
constitution du patrimoine initial.

De tels apports sont réalisés lors de la constitution de la société mais ils peuvent également l’être ultérieurement à
l’occasion d’une augmentation de capital. Dans ce dernier cas, la société va avoir de nouveaux apports. Dès lors, elle
va augmenter son capital et va devoir créer de nouvelles parts sociales ou actions (pour les personnes qui
souscrivent à l’augmentation de capital). Dans les deux cas, ces apports sont réalisés à titre onéreux car ils ont une
contrepartie ; l’attribution à l’apporteur de parts sociales ou d’actions.

L’apport est l’opération qui consiste à apporter de nouveaux biens ou industrie en contrepartie de parts ou
d’actions.

I. Les caractères de l’apport

On va parler ici des caractères communs à tous les apports.

L’apport n’est pas caractéristique du contrat de société. On en rencontre dans d’autres groupements comme dans
les associations ou dans les GIE. Toutefois, s’il est facultatif dans ces autres groupements, il est obligatoire,
nécessaire, pour le contrat de société. L’apport s’effectue alors à titre onéreux car en contrepartie, on remet des
parts ou des actions mais comme cela n’est pas un prix, l’apport n’est pas une vente. Finalement, c’est un contrat
particulier. En outre, les apports sont translatifs de droit. La société va être titulaire de droit (propriété, usufruit).

A. Le caractère obligatoire de l’apport

L’apport en société n’est pas caractéristique du contrat de société. On peut le retrouver dans d’autres groupements
(association, …) mais ils sont facultatifs. Dans les sociétés, ils sont obligatoires, font partie de la définition même du
contrat de société (article 1832 Code civil).

Il est indispensable. Qu’elle est la sanction en son absence ? Elle peut être radicale : la société encourt l’annulation,
en droit français du fait de l’article 1844-10 du Code civil. Cependant, le DUE est dans un sens différent car il n’en
fait pas une cause de nullité. Si on applique le DUE, cette absence d’apports ne va pas jusqu’à compromettre la
validité de la société. Cette nécessité d’apport ne souffre d’aucune exception : dans toutes les sociétés il est
nécessaire de faire des apports, même pour les sociétés sans personnalités morales. Ce n’est donc pas une condition
d’obtention de la personnalité morale. Les apports servent à constituer le patrimoine de la société au départ. Elle
n’a que ce que les associés lui ont apporté.
14 Droit des sociétés

Dans une conception classique, la fourniture, la libération, d’un apport permet d’attribuer la qualité d’associé elle-
même. Cela permet de distinguer l’associé d’autres personnes intervenant dans la vie de la société (salarié,
banquier, bailleur, …) car elles n’effectuent pas d’apport contrairement à l’associé.

La loi est pragmatique et a favorisé l’émergence de conditions compromettant les notions. Ainsi, aujourd'hui,
certains associés n’ont jamais fait d’apport. Il est possible pour une société d’attribuer gratuitement des actions,
sans contrepartie, aux salariés au titre d’un intéressement ou aux dirigeants sociaux eux-mêmes (qui sont des tiers).
Les actions sont un mode de rémunération, notamment en cas de revente. Ainsi, des personnes sont actionnaires
alors même qu’ils n’ont apporté aucun apport en société au sens strict. Cependant, ils peuvent être actionnaire. Ex :
un salarié est lié par un lien de subordination donc ne fait pas d’apport mais peut devenir associé.

Le caractère impératif de l’apport se justifie tout d’abord par sa fonction économique. C’est une source de
financement initial, premier. Il est interne par ceux qui deviennent actionnaires, associés, membres. Cet apport est
malgré tout insuffisant. Le recours à l’emprunt quand l’affaire prospère est nécessaire pour développer l’activité. On
a alors recours à du financement externe. Ce peut être des buisness angel c'est-à-dire des personnes fortunées
investissant dans le développement de société pour devenir actionnaire. Le financement des start-ups est souvent
financé de cette manière. C’est le private equity. Il y a prise de participation dans le capital. On se tourne vers
d’autres personnes que les associés.

Conditions :
- Appartenir à l’apporteur (doit pouvoir en disposer)
- Réaliser au bénéfice de la société
- Apport doit avoir une valeur économique (peut se rencontrer en pratique lorsque l’apport est grevé d’un tel
passif qu’il absorberait totalement la valeur de cet apport au point de savoir s’il n’est pas simplement fictif.)

S’agissant de l’apport fictif, peut-il rejaillir sur la validité de la société ou sur l’apport ? Cela dépend. Si l’apport est
fictif et qu’il est considéré comme le plus important pour la société (ex : apport d’un fonds de commerce, brevet),
alors il va rejaillir sur la validité de la société qui ne pourra rien exploiter. En revanche, si l’apport ne fait pas partie
des plus importants (ex : élément secondaire), seul l’apport sera remis en cause, la société continue. L’apporteur ne
recevra pas la qualité d’associé.

Par ailleurs, seul l’apport initial est impératif. Les apports en cours de vie sociale (augmentation de capitale) ne
s’imposent pas aux associés en place. Jamais aucun associé ne peut être contraint de réaliser des apports
supplémentaires car un principe général du droit des sociétés (article 1832 Code civil) dispose que, en aucun cas, les
engagements d’un associé ne peuvent être augmenté sans son consentement. Derrière cette notion, il y a
l’hypothèse de la réalisation de nouveaux apports. Au jour de la création de la société, on ne peut être associé sans
avoir fait d’apport. En revanche, on ne peut être contraint ultérieurement de faire nouveaux apports. Deux dates
sont donc à prendre en compte : au jour de la création de la société (obligatoire) puis les dates ultérieures
(facultatif). Cela est fait car l’apport est un contrat risqué mais pas piégeux.

B. Caractère onéreux

En contrepartie de l’apport, chaque associé est rémunéré par des actions ou part sociale. L’article 1843-2 du Code
civil dispose que « Les droits de chaque associé dans le capital social sont proportionnels à ses apports lors de la
constitution de la société ou au cours de l'existence de celle-ci. ».

Le transfert des droits correspondants est le droit de propriété, de jouissance, d’usufruit. L’article 1843-2 du Code
civil nous dit que le droit de chaque associé dans le capital social sont proportionnels à ces apports lors de la
constitution de la société ou au cours de l’existence de celle-ci. Ce terme proportionnel est très important. Il existe
un principe de proportionnalité entre valeur de l’apport et les droits octroyés (droits sociaux dans la société → ex :
15 Droit des sociétés

droit de vote (sauf société de personnes) et aux bénéfices). Les droits transmis à la société vont dépendre de la
nature de l’apport fourni à celle-ci.

Les associés ne sont pas sur un pied d’égalité en vertu de cette règle de la proportionnalité mais également selon
que l’apport a lieu en pleine propriété ou en jouissance. Dans un cas, la société devient propriétaire de l’apport, dans
l’autre, elle n’en a que la jouissance. Enfin, cela dépend de la nature de l’apport lui-même. Ex : l’apport en industrie
est particulier.

II. Les différentes catégories d’apports

L’article 1843-3 évoque 3 catégories d’apport : l’apport en numéraire, en nature ou en industrie. Dans la plupart des
cas, l'apport en société est translatif de propriété (contrairement à l'apport en jouissance ou à l'apport en usufruit
qui ne transfèrent pas la propriété du bien apporté).

L’article 1843-3 prévoit que les apports sont réalisés par le transfert des droits correspondants. Ce texte ajoute aussi
que les apports en nature sont assurés par la mise en disposition des biens et renvoi à la notion de délivrance d’un
bien. Comme en droit de la vente. Il y a une notion de délivrance. On transfert, transmet un droit et l’apport va
devoir être délivré, mis à disposition entre les mains de la société.

L’apport entre dans la catégorie plus vaste des contrats qui emportent une mise à disposition. L’obligation de libérer
l’apport est ce que l’on évoque. C’est le mettre à disposition de la société.

A. L’apport en numéraire

C’est une somme d’argent que l’associé s’engage à verse à la société. Il est en pratique de loin le plus fréquent et ne
soulève pas de difficulté juridique notamment d’évaluation. Il vaut ce que vaut la monnaie dans laquelle il est libellé.
10€ = 10€. Il n’est donc pas particulièrement très réglementé sauf au plan des sanctions pour celui qui promet
d’apporter mais qui n’apporte pas.

1. La libération de l’apport en numéraire

En cas de non libération, il y a des sanctions multiples. Cet apport de numéraire pourrait être confondu avec le prêt
d’argent avec participation du prêteur sur l’activité. La différence se fait avec l’affection societatis. On observe si le
prêteur se voit confier des droits dans la gestion, le contrôle de la société. Ex : droit de vote. S’il n’y a aucune
intention de s’associer, si de tels droits de participation à la vie, au fonctionnement de la société, il est difficile de
qualifier le remettant des fonds d’associé.

Dans certains cas, il est difficile de distinguer l’associé du prêteur car l’associé peut lui-même de devenir prêteur. Au
lieu de percevoir les dividendes, ils peuvent prêter les dividendes à la société. C’est les comptes-courants
d’associés. La société ouvre un compte au nom de l’associé en inscrivant la somme prêtée. Elle devra la rembourser.
En attendant, des intérêts couleront. Ainsi l’associé est prêteur et associé.

À côté de la libération de l’apport, il faut distinguer la souscription d’apport. C’est la promesse d’effectuer un
apport. C’est la souscription de parts, d’actions. Cela signifie qu’on a pris l’engagement de libérer l’argent promis. La
société pourra compter dessus. La société en bénéficiera le jour de la libération. Il y a donc deux temps.

S’agissant du versement (libération des apports) du numéraire, dans les sociétés de personnes où le capital social
n’est pas si important car les sociétés sont exposées sur leur patrimoine personnel, il n’y a aucune règle qui ne vient
régir les apports en numéraire. Le versement peut être différé autant que les parties le souhaitent.

Dans les sociétés de capitaux, à risques limités, le patrimoine des associés n’est pas risqué. Les créanciers n’ont
comme garantie que ce qui constitue le patrimoine de la société car seule la société constitue leur débiteur. Les
16 Droit des sociétés

associés sont responsables qu’au montant que ce qu’ils ont apportés. Ils risquent donc de ne perdre que ce qu’ils ont
apporté. Ainsi, les créanciers ont juste comme garantie le patrimoine de la société et donc les apports.

C’est pourquoi, dans les sociétés par action (SA, SAS, SCA) et la SARL, le versement est davantage réglementé. Il
convient de verser immédiatement une partie et le reste dans un laps de temps déterminé.

 SA, SAS et SCA : l’article L 225-3 du Code de commerce permet/oblige de ne libérer au jour de la création
que la moitié au moins de la valeur nominale des titres (apports en numéraire). Ainsi, dans une SA qui doit
contenir un capital minimal de 37000€, il faut verser au minimum un capital de 18500€. Cela oblige les
associés à verser la moitié des apports promis. Le reste, dans les 5 ans. Pendant ces 5 ans, ils sont débiteurs
et les dirigeants se retourneront vers eux pour leur réclamer le reliquat sur appel de fonds ou selon la
procédure définie. C’est la dette du non versé.
 SARL : cela est plus souple. L’article L 223-7 du Code de commerce prévoit de ne libérer que le cinquième
de la souscription. Le reste, dans les 5 ans. Cette libération partielle permet la création de l’entreprise car il
est plus difficile de tout déverser. Cependant, cela est démagogique car cela peut empêcher tout
financement sérieux au moment de la création de l’entreprise.

Les apports sont déposés auprès d’un dépositaire agréé. Ex : notaire, banque, caisse des dépôts et consignation
(Articles L 225-11 (SA et SAS) et R 223-4 (SARL)). Ils seront débloqués sur présentation d’un certificat attestant de
l’immatriculation de la société. Si la société n’est jamais immatriculée, tout souscripteur peut demander en justice la
nomination d’un mandataire chargé de restituer les fonds. Article L 225-11 et R 225-12.

Dans les autres sociétés, aucune obligation d’affectation spéciale des fonds n’a été prévue par la loi. Cela engendre
un risque : celui des fondateurs indélicats qui détournent ces sommes avant l’immatriculation.

2. La sanction de la non-libération

La sanction de la non-libération de l’apport en numéraire. En vertu de l’article 1843-3 al 5 du Code civil, l’associé,
apporteur devient de plein droit débiteur des intérêts de la somme due à compter du jour où elle aurait de l’être
payée. La première sanction est donc les intérêts dont est redevable de plein droit l’associé.

Ce texte apporte deux dérogations au régime du droit commun des dettes de somme d’argent. D’une part, les
intérêts moratoires (droit commun) c'est-à-dire ceux qui sont dus à l’expiration d’un délai légal, ne sont dus par le
débiteur que du jour de la sommation de payer (article 1231 du Code civil). En matière de société, ces intérêts
courent de plein droit, il n’y a pas besoin d’une sommation (Cass. Req. 3 mars 1856). Cela permet d’éviter les
contrariétés d’une poursuite judiciaire de l’apporteur indélicats.

D’autre part, le Tribunal peut accorder des dommages et intérêts. Or, les dommages et intérêts sont destinés à
réparer un préjudice subi par la société à la suite du retard apporté par l’associé. En règle générale, une telle
condamnation suppose la preuve de la MF du débiteur (article 1231-1 du Code civil). Pour les sociétés, le texte
n’exige aucune MF de l’apporteur. Il autorise le Tribunal d’allouer des dommages-intérêts à la société victime,
même dans le cas où le non versement des fonds résulterait d’une négligence sans qu’il y ait une intention de nuire.

Ce texte permet également à tout intéressé de saisir le juge afin d’obtenir, que soit délivré une injonction sous
astreinte délivrée au dirigeant au cas où ceux-ci n’auraient pas procédé aux appels de fonds, aux appels du non
versé. Le juge peut aussi, en vertu de ce texte, désigné un mandataire ad hoc pour procéder à cet appel pour
contrecarrer les inerties du dirigeant.

Dans les sociétés par actions, l’actionnaire s’expose à une procédure de vente forcée de ses titres qui lui ont été
remis alors qu’il n’a pas reversé la totalité de ce qu’il doit. C’est donc une exclusion et donc une atteinte à la
propriété. C’est l’exécution en bourse (titre cotée) ou aux enchères publiques. (Articles L 228-27 et R 228-24 et 25
du Code de commerce.)
17 Droit des sociétés

En outre, dans les sociétés de capitaux (sociétés par action et SARL), tant que le capital n’est pas intégralement
libéré, il n’est pas question de réaliser ultérieurement une augmentation de capital (article L 225-126 du Code de
commerce). Si une procédure collective est ouverte contre la société, le jugement d’ouverture de la procédure
emporte exigibilité immédiate de la fraction non libérée du capital (article 624-20).

B. L’apport en nature

Il concerne des biens autres que l’argent. Ce peut être des biens corporels ou incorporels. Ils recouvrent des réalités
différentes. Les droits accordés varient selon la nature des droits transmis. On peut transmettre en propriété, en
usufruit, en jouissance.

Article 1848-3 al 2, 3 et 4 du Code civil dispose que « Les apports en nature sont réalisés par le transfert des droits
correspondants et par la mise à la disposition effective des biens. (al 1)
Lorsque l'apport est en prt, l'apporteur est garant envers la société comme un vendeur envers son acheteur.(al 2)
Lorsqu'il est en jouissance, l'apporteur est garant envers la société comme un bailleur envers son preneur. Toutefois,
lorsque l'apport en jouissance porte sur des choses de genre ou sur tous autres biens normalement appelés à être
renouvelés pendant la durée de la société, le contrat transfère à celle-ci la propriété des biens apportés, à charge
d'en rendre une pareille quantité, qualité et valeur ; dans ce cas, l'apporteur est garant dans les conditions prévues à
l'alinéa précédent. (al 3) ».

Enfin, le principal problème de ces apports réside dans l’évaluation de ces derniers. En effet, il est difficile d’estimer
la valeur d’un fonds, d’un brevet.

1. Les différents droits apportés

Ils sont plus ou moins complets, le code distingue l’apport en pleine propriété et l’apport en jouissance. L’apport en
propriété se rapproche de la vente. Il en est spécialement ainsi en question du transfert des risques de perte et de la
propriété et aussi en ce qui concerne la garantie des vices cachés.

₁. Droit de propriété

S’agissant de l’apport en propriété, il existe une série de similitude entre ce type d’apport et la vente notamment en
ce qui concerne le transfert de la propriété, le transfert des risques de perte ou détérioration de la chose et en ce
qui concerne la garantie d’éviction et de vice caché. Cet apport opère transfert de propriété. Lorsqu’il est effectué
au profit d’une société dotée de la personnalité juridique, cet apport constitue une aliénation aussi complète que
celle réalisée lors d’une vente.

Cela signifie que l’associé apporteur se dessaisit de ses droits sur la chose car la société en devient propriétaire
pendant toute la durée de la société. L’apporteur perd ainsi tout droit sur le bien. La société bénéficiaire jouit du
droit d’user, d’administrer et de disposer. Elle peut en disposer sans restriction car c’est la propriété même qui est
transféré. Elle jouit du droit de disposer du bien. Elle peut vendre le bien. Cependant, en cas de dissolution de la
société, l’apporteur aura vocation à le reprendre car il a été apporté en nature s’il se retrouve dans le patrimoine
social au jour de la dissolution, sauf stipulation contraire des statuts. C’est une vocation à la restitution, reprise du
bien. Cela n’est pas une certitude car la société aurait pu vendre le bien. L’associé apporteur a simplement une
vocation à la reprise.

Article 1844-9 al 3 du Code civil : « Toutefois, les associés peuvent valablement décider, soit dans les statuts, soit par
une décision ou un acte distinct, que certains biens seront attribués à certains associés. À défaut, tout bien apporté
qui se retrouve en nature dans la masse partagée est attribué, sur sa demande, et à charge de soulte s'il y a lieu, à
l'associé qui en avait fait l'apport. Cette faculté s'exerce avant tout autre droit à une attribution préférentielle ».
18 Droit des sociétés

Le transfert de la propriété d’un bien est concevable que si la société est dotée de la personnalité juridique. Par voie
de conséquence, le transfert de la propriété, s’il intervient au jour de la création de la société, il est retardé jusqu’au
jour de l’immatriculation. Il faut un patrimoine social pour pouvoir accueillir le bien.

L’opération d’apport est donc associée d’un terme suspensif : l’immatriculation au RCS. Tant que le bien n’a pas été
transmis, l’apporteur se trouve dans la même situation que le vendeur lorsque le vendeur ne transfert pas la
propriété immédiatement. Il doit assurer la conservation la chose et s’abstenir de tout acte susceptible d’altérer la
propriété. Si le bien apporté est une entreprise commerciale (ex : fonds de commerce), l’activité promise doit
continuer jusqu’à la date effective de transfert c'est-à-dire l’immatriculation.

En échange du bien apporté, l’associé ne reçoit pas un prix (1582 du Code civil) mais reçoit des droits sociaux. La
valeur de cette contrepartie dépendra de l’évolution de l’activité. La valeur va croitre ou diminué selon les résultats.
Cela fluctue. Ainsi, contrairement à la vente, la contrepartie elle-même est soumise à l’aléa de l’entreprise.

Selon la nature du bien apporté, il faut respecter des formalités de publicité. Ex : fonds de commerce (art L 141-21
du Code commerce), cession de brevet, apport d’une marque (INPI).

Si l’on compare à la vente, il existe une garantie due par l’apporteur. Cette garantie est calquée sur celle due par le
vendeur à son acheteur. L’article 1843-3 al 3 du Code civil est à cet égard clair. Il pose un principe d’assimilation de
l’apporteur au vendeur sur le plan de la garantie. Cet article dispose que « Lorsque l'apport est en propriété,
l'apporteur est garant envers la société comme un vendeur envers son acheteur ». Il faut alors regarder la garantie
due par un vendeur pour connaitre la garantie due sur l’apporteur : garantie des vices cachés (vice indécelable →
article 1641 du Code civil) et la garantie d’éviction (l’apporteur ne doit pas chercher à reprendre le bien). (cf. cours
droit des contrats spéciaux)

Sur le risque de perte et de détérioration, il y a une rime avec le droit de la vente. C’est la société immatriculée qui
supporte les risques de perte de la chose apportée car elle devenue propriétaire (res perit domino). Si le bien est
détérioré postérieurement au moment où la société est devenu propriété, cette perte sera supportée par elle. Cela
signifie que l’apporteur conservera intégralement ses droits obtenus.

En revanche, tant que la société n’est pas immatriculée c'est-à-dire qu’elle n’est pas une personne, qu’elle n’a donc
pas l’aptitude à devenir propriétaire, l’apporteur doit donc supporter seul le risque du bien qu’il a apporté, même si
la disparition du bien intervenait après la signature des statuts. Les autres associés pourraient alors réagir et
envisagé la résolution de l’opération d’apport car l’apporteur n’est pas en mesure d’exécuter son obligation.
L’apport est donc remis en cause, voire au-delà s’il est essentiel au contrat, la société serait remise en cause.

₂. Droit de jouissance

S’agissant de l’apport en jouissance, le bien apporté est seulement mis à disposition de la société sans transfert de
propriété. Par conséquence, l’apporteur octroie la simple jouissance du bien moyennant le versement de part et
d’action. La société est dans une situation proche d’un locataire. Elle doit donc conserver le bien et le restituer. Elle
n’a donc pas le droit de disposition. Elle doit alors restituer et ne doit pas l’aliéner. Elle doit le restituer à l’expiration
de la période de jouissance stipulé dans l’acte d’apport. L’apporteur est donc assuré de récupérer son bien à l’issu de
la période de jouissance et ce, même si les créanciers sociaux sont impayés car le bien n’a jamais appartenu à la
société.

Dans la société à risque illimité, il n’expose pas le risque de son bien mais de son patrimoine personnel. Dans la
société à risque limité, l’apporteur perdra non pas le bien mais perdra car il aura conféré la jouissance sans avoir
perçu le moindre bénéfice, sans avoir monnayé cette mise à disposition de la jouissance d’un bien. C’est comme si
un loueur ne payait pas.
19 Droit des sociétés

L’article 1843-3 al 4 du Code civil renvoie expressément aux règles du bail : « Lorsqu'il est en jouissance, l'apporteur
est garant envers la société comme un bailleur envers son preneur. Toutefois, lorsque l'apport en jouissance porte sur
des choses de genre ou sur tous autres biens normalement appelés à être renouvelés pendant la durée de la société,
le contrat transfère à celle-ci la propriété des biens apportés, à charge d'en rendre une pareille quantité, qualité et
valeur ; dans ce cas, l'apporteur est garant dans les conditions prévues à l'alinéa précédent ».

On rencontre ce type d’apport dans les sociétés en participation, sans personnalité morale.

₃. Droit d’usufruit

Enfin sur l’apport en usufruit, il est constitué par l’associé qui investit la société usufruitière. Elle ne devient pas
propriétaire ou nu-propriétaire. C’est l’associé apporteur qui est nu-propriétaire. La société doit entretenir la chose.
Elle acquiert l’usus, le fructus mais pas l’abus. Cependant lorsque l’usufruit est constitué au profit d’une personne
morale, l’usufruit dure au maximum 30 ans (619 du code civil).

S’agissant de l’apport en usufruit, il représente une situation intermédiaire. Le droit transmis à la société est en effet
un droit réel donc un droit qui s’exerce directement sur une chose. Cependant, ce droit n’est pas un droit de
propriété et est plus qu’un droit de jouissance. Comme dans l’apport en jouissance, il y a le droit de jouir du bien.
L’usufruit est constitué par l’apporteur qui investit la société qui devient usufruitière. L’apporteur est nu-
propriétaire. Un tel apport n’accorde pas à la société un droit de disposer de la chose. La société acquiert l’usus, le
fructus mais pas l’abusus.

Au jour de la restitution, il n’y a pas d’éviction. L’apporteur reste associé.

En pratique, il se pose la question de l’apport d’un fonds de commerce. Il apporte en société. C’est le régime de
l’apport d’un bien en nature.

2. L’évaluation de l’apport de nature

En principe et en pratique, celui qui apporte un bien en apporte la valeur. Les autres associés acceptent en signant
les statuts. Un associé peut être tenté de surestimer la valeur du bien apporté car il recevra un pourcentage de droits
sociaux plus importants. Cela risque de porter préjudice aux autres associés. Cependant, cette surestimation est
importante pour les tiers (créateur sociaux) car ces biens constituent le capital social. Il est à craindre que le capital
social soit artificiellement gonflé. Or, on considère que le capital social est le gage des créanciers, c’est-ce qui est
affecté à leur paiement, à leur désintéressement. C’est la garantie. Si on surestime, on porte atteinte au bien.

Compte tenu de ces dangers, il convient de comprendre que le législateur a mis en place une procédure
d’évaluation des apports en nature qui fait appel à un professionnel indépendant, objectif. C’est le commissaire aux
apports. Il faut cerner le domaine d’intervention de ce commissaire.

Dans les sociétés de personne, avec une responsabilité illimitée, les créanciers sont suffisamment protégés par cette
règle car ils peuvent atteindre le patrimoine personnel de la société si le patrimoine social est insuffisant.

En revanche, dans les sociétés de capitaux, avec une responsabilité limitée aux montants de leurs apports, les
apports et leur valeur sont importants. Les apporteurs sont à l’abri du risque économique. Il y a alors une véritable
nécessité d’évaluer le plus exactement possible la valeur du patrimoine qui servira d’unique garantie au créancier.
Ainsi, c’est dans les sociétés par action et dans la SARL qu’une telle procédure par commissaire est instituée.

Ce commissaire est choisi sur la liste des commissaires aux comptes ou experts. Il est choisi sur une liste établie
(article 223-9 SARL et L 225-14 et R 225-7 société par action).
20 Droit des sociétés

₁. Domaine d’intervention du commissaire

Les apports en nature sont autorisés dans toutes les sociétés. La participation d’un commissaire est simplement
imposée dans les sociétés à risque limitée c'est-à-dire là où le contrôle de la sincérité des apports est requis.

Il est recouru à des dispenses légales. Dans la SARL, afin de réduire les frais de constitution, l’article L 223-9 al 2 du
Code de commerce, admet que les futurs associés puissent écarter le recours à un commissaire lorsque la valeur
n’excède un certain montant de 30.000€ (D 223-6-1) et si la valeur totale de l’ensemble n’ont soumis à l’évaluation
n’excède pas la moitié du montant du capital. C’est donc très réglementé.

Cas de dispense pour les sociétés par action : articles L 225-8-1 (constitution) et L 225-147-1 du Code de commerce
(augmentation de capital)

Cependant, aucune dispense n’est prévue pour les sociétés unipersonnelles avec un unique associé. L’impératif de
sécurité des créanciers fait qu’il y a une nécessité d’intervention du commissaire. Pour la SARL cela est nécessaire.

₂. Procédure d’intervention du commissaire

C’est dès la création de la société qu’il est procédé à l’appréciation des apports en nature et non pas
postérieurement. C’est en effet, dès la rédaction des statuts qu’il est nécessaire de connaitre la valeur des biens
apportés. De cette valeur, il dépend la proportion des droits sociaux remis en contrepartie. Il faut donc connaitre la
valeur du bien car il en dépend la proportion des biens sociaux. (Article 1843-2 du Code civil).

Pour la SARL et les sociétés par actions, la valeur doit être précisée dans les statuts des sociétés. Cette évaluation est
conçue pour être fixée définitivement car elle détermine la mesure des droits sociaux remis à chaque apporteur. Il
est donc procédé, selon un formalisme, à cette évaluation aux vues d’un rapport du commissaire.

Cependant, l’estimation du commissaire n’a pas force contraignante de sorte que les associés ne sont pas liés par
l’estimation proposée et demeurent libres de retenir une autre valeur. Cependant, cela n’est pas sans risque compte
tenu des sanctions qui peuvent être appliquées. Le rôle des associés est donc déterminant car ils décident en dernier
ressort de la valeur apportée du bien en nature. Cette valeur serait alors définitive, même si elle est surestimée.

Par soucis d’objectivité toutefois, dans les sociétés par action (pas SARL), la loi a prévu que l’apporteur ne peut
participer au vote. Au moment de l’appréciation définitive, l’apporteur ne prendra pas part au vote s’agissant de
l’estimation de son bien (articles L 225-10 et L 225-11 du Code de commerce).

La procédure de commissariat aux apports n’aurait aucun sens si elles n’étaient pas soumises à des sanctions civiles
et pénales. Cette responsabilité civile ne se limite pas à l’apporteur mais vise aussi les autres associés car ils
décident lui-même et même jusqu’au commissaire s’il a procédé à une évaluation fautive.

Civilement, une responsabilité spéciale, originale, indépendante de toute idée de faute, existe dans la SARL. Depuis
la Loi Sapin de 2016, elle existe aussi dans SAS (mais pas dans SA) car dans ces sociétés, tous les associés sont
solidairement responsables pendant 5 ans à l’égard des tiers, de la valeur attribuées aux apports à la condition que
ces associés aient choisi de ne pas retenir la proposition du commissaire ou a fortiori lorsque le commissaire n’a pas
été désigné (car dispense). Il faut donc comprendre que les associés sont exonérés de toutes responsabilités s’ils ont
nommé un commissaire et s’ils se conforment à cette estimation.

Pénalement, la loi réprime dans les sociétés par action et la SARL le fait pour toute personne de procéder à une
surestimation frauduleuse des apports en nature. C’est le délit de majoration des apports en nature. (Articles L 241-
3 1° (SARL) et L 241-2 4° (Société par action)).
21 Droit des sociétés

C. L’apport en industrie

Le mot industrie renvoie au sens ancien d’une activité, prestation de service, de travail, d’une mise au service de
l’apporteur. Ce type d’apport se réalise jour après jour, de manière continue et correspond, contrairement aux
deux autres, à une obligation à exécution successive, et non instantanée.

Cette obligation se double d’une obligation négative : l’obligation de non concurrence. On n’est pas tenu d’une
obligation de non concurrence lorsqu’on est associé sauf que pour l’apport en industrie, l’apporteur d’un genre
particulier ne peut faire concurrence à la société.

En outre, ce travail effectué par l’apporteur est nécessairement effectué en toute indépendance. À défaut, si
l’apporteur n’était pas indépendant, l’apport pourra être requalifié en contrat de travail. Cela montre la différence
entre associé et salarié. De plus, il n’a pas d’état de lien de subordination. Il est sur un pied d’égalité.

De par sa nature, l’apport en industrie ne peut concourir à la formation du capital social. Sa valeur n’entre pas dans
la détermination du montant du capital social. Ne doivent figurer dans celui-ci que des biens saisissables car le
capital est une garantie pour les tiers, en théorie. L’apport en industrie étant intimement lié à la personne, il n’est
pas saisissable. Il ne concoure donc pas à la formation du capital. Cet apport en industrie fait obstacle en une
exécution forcée.

L’apport en industrie, parce qu’il ne peut être affecté au gage, il ne peut être admis dans toutes les sociétés. Dans les
sociétés à risque limité, le législateur considère que comme il n’est pas saisissable, il vaut mieux l’interdire. Comme
notre apporteur apporte un apport non saisissable, on avait interdit ce type d’apport.

1. Le domaine de l’apport en industrie

Il est interdit, en principe, dans les sociétés de capitaux. À l’inverse, dans les sociétés de personne, ce type d’apport
n’a jamais rencontré des obstacles.

Toutefois, le législateur a compris que cet apport est très important. Un savoir-faire est très important. Les obstacles
ont ainsi été levé. Ainsi, il a tout d’abord été admis pour la SARL en 2001 (article L 223-7 du Code de commerce)
puis pour la SAS en 2008 (article L 227-1). Cependant, il demeure interdit dans les SA.

Cet apport d’un savoir-faire, s’il n’est pas breveté, il reste un apport en industrie. Cependant, s’il est breveté, il
devient un bien et donc un apport en nature.

2. L’approximation du régime juridique de l’évaluation

Parce qu’il a pour objet l’activité, le travail, l’apport en industrie souffre de difficulté d’évaluation. En effet, la valeur
de cet apport est directement fonction de la personne de l’apporteur. L’apport en industrie revêt donc un caractère
personnel et aléatoire. La mort par exemple peut conduire à l’inexécution de l’apport. En outre, il est insaisissable.
Toutes ces incertitudes ne permettent pas de calculer précisément au jour de la constitution de la société la valeur
de cet apport.

Face à ces difficultés, le législateur a abandonné aux associés le soin de se mettre d’accord sur l’étendue des droits
sociaux qu’il convient d’attribuer à cet apporteur atypique. Il faut déterminer dès les statuts la proportion des droits
sociaux à remettre. La valeur est donc celle que lui reconnaissent les autres associés selon la valeur qu’il lui porte.
Cela est donc subjectif. L’élément de subjectivité fait qu’il est impossible à chiffrer. Un commissaire n’aurait donc pas
de sens.

Il n’y a donc aucune règlementation spécifique tendant à donner une exacte évaluation. Ce n’est que si les associés
ont négligé cet apport que le Code civil intervient et pose un principe supplétif selon lequel « la part de l’associé qui
22 Droit des sociétés

n’a apporté que son industrie est égale à celle de l’associé qui a le moins apporté » (article 1844-1 du Code civil).
C’est une règle d’évaluation par défaut et qui témoigne de la défaveur du législateur. Cette évaluation est
anachronique aujourd'hui car c’est l’apport le plus important.

3. Le statut de l’apporteur

Il est un véritable associé. Il a donc un droit de vote, un droit aux bénéfices, … des droits sociaux. Son apport est
rémunéré par la remise de parts sociales ou d’actions qualifiées par d’industrie (action représentative d’apport en
industrie). Il est soumis aux risques de pertes sociales en travaillant dans l’entreprise moyennant rien. Il ne travaille
pour rien.

Ces droits sont soumis à un régime particulier parce qu’ils sont insaisissables et intransmissible pour cause de mort
car elles sont liées à l’accomplissement d’une tache par une personne déterminée. Ce principe n’est pas mentionné
dans la loi l’article 1843-2 du Code civil ne renvoie pas à cela. Cependant, il est évident que ces règles s’appliquent
au point qu’il ne pourrait y avoir d’assouplissement. Cette règle est mentionnée seulement pour la SARL ( article L
227-1 du Code de commerce).

S’agissant du partage des résultats, la part de l’apporteur en industrie est déterminée dans les statuts. En cas de
silence, c’est par référence aux plus petits statuts, le tout sauf clause contraire. On peut revaloriser cet apport dans
les statuts si cela est écrit. Ce texte ne tente à régler que la répartition des bénéfices et des pertes sans mentionner
le droit de vote, instrument de pouvoir. Les statuts doivent donc régler cette question. Néanmoins, dans les sociétés
de personne, la question ne se pose pas.

III. Les apports et la notion de capital social

Pour la protection des créanciers, le droit des sociétés institue l’exigence d’un capital social. Le capital ne peut être
constitué que de biens saisissables. Cette notion a vu le jour pour protéger les créanciers sociaux pour que la société
personne morale ait une garantie à offrir à tous ceux qui entrent en relation avec elle. Cette notion de capital est
conçue comme un véritable gage, théoriquement. Cependant, ce n’est pas un gage au sens des droits des suretés
mais au sens de garantie, une notion neutre.

Cette notion de capital, entendu comme des biens affectés à la garantie des tiers, explique que les apports en
industrie soient exclus du capital social. Cette catégorie n’est pas susceptible d’être saisie car la personne n’est pas
saisissable. Cette catégorie ne concourt pas à la formation du capital social (article 1843-2 du Code civil).

La notion de capital est une notion juridique. Ce n’est pas une notion comptable. Elle se rencontre dans toutes les
sociétés, qu’elles souhaitent obtenir leur immatriculation ou pas car, en vertu de l’article 1835 du Code civil, les
statuts doivent comprendre le montant du capital. C’est donc un élément du contrat de société qu’il convient
d’indiquer.

Dans les sociétés de personnes, à responsabilité illimitée, la notion de capital n’a pas la même importance que dans
les sociétés de capitaux avec une responsabilité limitée au montant des apports. Les apports d’origines sont à mène
de constituer cette garantie car le patrimoine personnel n’est pas saisissable. Seuls les apports sont saisissables et les
éléments d’actifs futurs en sus.

Cependant, même dans les sociétés à risques illimité, le capital est utile car il sert de clé de répartition des droits
sociaux entre les différents associés (droits de vote, répartition des bénéfices, désignation d’un mandataire chargé
de convoquer une assemblée pour ceux qui ont un certain capital social). Le capital remplit donc une fonction de
répartition des droits sociaux dans l’ordre interne.

Une société peut avoir peu de crédibilité si elle affiche un capital à zéro. Il est difficile d’avoir un crédit. La création
d’une société peut être synonyme de grande méfiance si on ne mentionne pas un montant minimal correct, ne
23 Droit des sociétés

serait-ce que pour inspirer la confiance des tiers (banquier, fournisseurs, …). Il faut donc tenir compte de cette
fonction de garantie.

A. Notion de capital social

Le capital est égal à la somme des apports en numéraire et en nature. Il est donc égal à la somme des apports
saisissables. Le capital social représente les apports que la société a l’obligation de rembourser aux associés après
sa dissolution. En effet, les associés, apporteurs, ont vocation à obtenir la restitution de leurs apports en fin de vie.

Cette période de liquidation vise à accomplir trois séries d’opération :

- Recouvrer les créances que la société a sur les tiers ;


- Payer ses propres créanciers ;
- Restituer aux associés leurs apports initiaux s’il reste de quoi rembourser.

Du côté de la société, c’est un passif de sorte que les associés, en cas de société à risque illimité, ils devront même
contribuer. Le capital est donc un passif interne vis-à-vis de ses membres. C’est une dette à l’égard des associés.

Du côté de la société, ce qui est une dette, vis-à-vis des associés, est, pour eux, une créance. Cette créance est
matérialisée par les titres de capital que sont les parts sociales et les obligations. Les notions de débiteur et
créancier sont mouvantes. Les titulaires de parts ou d’action se voient conférer des droits dans la société voire
contre la société qui est à leur égard débitrice.

Par la suite, une fois créée, la société va contracter d’autres dettes (ex : emprunt). Elle va donc contracter un passif
externe.

Il existe donc deux types de passifs : un externe et un interne. Si la société tombe en redressement voire liquidation
judiciaire, les créanciers externes passent avant les créanciers internes. Les tiers passent avant les associés lesquels
auront peu de chance de recouvrer leurs apports.

Par ailleurs, dès le jour de la création de la société, le capital est amputé des frais de démarrage de la société (ex : 3
mois d’avance pour le bail commercial). Ces dépenses seront supportées, engagées grâces aux apports initiaux. Ce
qu’il y aura dans le patrimoine de la société, l’actif sera amputé, il tombera en dessous du niveau du capital.

L’actif est donc l’ensemble des biens et des droits évaluables en argent et qui constituent les éléments positifs du
patrimoine d’une personne. Ex : les créances ont une valeur économique. Cet actif correspond à la richesse réelle de
la société. Ce qui reflète donc la solvabilité d’une société est donc l’actif. Celui-ci varie constamment, au gré de
l’activité. Au contraire, le capital social ne change pas, il est figé dans les statuts sauf en cas d’augmentation et de
diminution.

Au cours de la vie sociale, la société peut acquérir d’autres biens. Elle peut aussi dégager des bénéfices grâces à son
activité. Dans ce cas, l’actif devient supérieur au montant du capital social qui reste figé. À l’inverse, la société peut
perdre une partie des biens. La société peut fort bien aliéner des biens avec peut-être bien une moins-value. Dans ce
cas, l’actif devient inférieur au capital social.

Ex : le crédit lyonnais. Capital social : plusieurs Md alors qu’en crise.

La société, surtout si elle accède à la personnalité morale, est comme toute personne physique ou morale titulaire
d’un patrimoine. C’est-ce patrimoine qui sert de garantie aux éventuels garanties (article 2284 du Code civil → droit
de gage général d’un créancier sur le patrimoine de son débiteur)

Article 2284 du Code civil : « Quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous
ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ».
24 Droit des sociétés

Ainsi, il ne faut pas s’appuyer sur le capital pour apprécier la solvabilité d’une société. Ce n’est que la somme des
apports en numéraire et en nature au jour de sa création. Il atteste donc qu’au moment de la création de la société,
la société a pu disposer des sommes indiquées dans le capital. Cela n’indique que cela.

Il faut regarder les capitaux propres pour être précis c'est-à-dire toutes les ressources d’une société c'est-à-dire le
capital + bénéfice de l’exercice + part des bénéfices non distribués mais mises en réserve. Cela correspond aux
capitaux propres. C’est l’indice de solvabilité d’une société.

Dans les sociétés par action (article L 225-248) et pour la SARL (L 223-42), si le montant des capitaux propres vient à
tomber à un niveau inférieur à la moitié du capital social, il faut recapitaliser la société. Il faut reconstituer ce qui
correspond à la seule garantie des créanciers. Si les associés ne votent pas une mesure de recapitalisation, il s’ensuit
une dissolution. Les capitaux propres est donc un élément d’appréciation véritable de la solvabilité.

Ainsi, si le capital social est une notion commune à toutes les sociétés, sa fonction varie selon les types de société. Il
remplit toujours une

- fonction de financement de démarrage.


- fonction de répartition des droits sociaux.
- fonction de garantie (avec cette différence que dans les sociétés à risque illimité, la fonction de garantie du
capital a une importance moindre car les associés exposent leur patrimoine propre. On sera alors moins
exigeant quant au régime).

Cass. Com. 10 mars 2015 (n° 12-15.505) : cet arrêt est revenu sur une jurisprudence d’une dizaine d’année en
considérant que l’insuffisance des apports consentis à une société lors de sa création est une faute imputable aux
associés et qu’elle ne constitue pas une faute de gestion (dirigeant).

Toutes les décisions antérieures voyaient dans la sous-capitalisation une faute de gestion c'est-à-dire une faute des
dirigeants. Il était en effet reproché aux dirigeants d’avoir commis une faute de gestion en acceptant de diriger une
société dont les apports étaient notoirement insuffisants au regard de la nature de l’activité de l’entreprise. Ex :
Cass. Com. 19 mars 1996 (n°94-12.004).

Ces solutions étaient sévères car la faute consiste à ne pas apporter suffisamment dès l’origine c'est-à-dire une faute
d’associés. Or, les dirigeants ne sont pas associés. Ainsi, une insuffisance des apports constitue aujourd'hui une faute
imputable aux associés. C’est l’auteur de l’acte d’apport qui est maintenant pris en compte. C’est donc un critère
organique au regard de l’organe des associés. Le revirement de jurisprudence est donc pleinement à saluer.

Cass. Com. 13 octobre 2015 (n° 14-15.755) : une société en perte devait recapitaliser et l’assemblée vote la décision
de recapitaliser mais ne recapitalise pas. Il n’y a donc pas d’exécution de la décision. La Cour considérait jusqu’alors
que le défaut de recapitalisation en cours de vie sociale était une faute des dirigeants qui avaient acceptés de
continuer à diriger une telle société. Cet arrêt effectue un revirement de jurisprudence en affirmant qu’il s’agissait
d’une faute des associés. Les dirigeants sont donc exonérés de leur responsabilité.

B. Régime juridique du capital social

Le capital est théoriquement le gage, la garantie des créanciers sociaux. Cette finalité protectrice détermine le
régime juridique qui se caractérise par deux règles : le principe de fixité et le principe de réalité.

1. Le principe de fixité

Ce principe ne signifie aucunement que les biens qui figurent à l’actif sont bloqués. Au contraire ces apports vont
servir à investir. La société peut en effet disposer de ses biens à sa guise et sans restriction. Le principe de fixité du
25 Droit des sociétés

capital signifie seulement que les associés ne peuvent percevoir aucune somme de la société en l’absence de
réalisation de bénéfice, sinon ce serait des sommes prélevées sur le capital social.

Il y a plusieurs conséquences à cela :

- aucune reprise d’apport en cours de vie sociale n’est possible. Cela est évident pour les biens en nature
mais cela est également vrai pour les sommes numéraires. Pour récupérer quoi que ce soit il faut
préalablement constater la réalisation de bénéfice.
- en outre, aucune distribution de bénéfices ne peut avoir lieu en l’absence de bénéfices distribuables. Cela
signifie qu’un associé ne peut jamais rien percevoir de la société tant que :
 Des bénéfices n’ont pas été officiellement constatés
 Qu’une décision de distribution n’a pas été prise.

Pour pouvoir percevoir des sommes de la société, il faut constater la réalisation effective de bénéfices puis les
distances d’une décision de mise en distribution. On pourrait en prévision d’un avenir les mettre en réserve. Cette
décision appartient aux personnes concernées c'est-à-dire les associés en vertu de l’article 1832 du Code civil. On
peut prétendre aux bénéfices dès l’adoption de la décision. Les associés deviennent alors créanciers du montant qu’il
leur est dû. Ces montants deviennent des dividendes.

Si ce processus de mise en distribution n’est pas respecté (pas de bénéfice ou décision de non distribution), si les
associés perçoivent ne serait-ce qu’une fraction des bénéfices/sommes/ montants alors ils sont coupables au plan
pénal du délit de distribution de dividendes fictifs, et ce, dans les sociétés à risque limité, là où le patrimoine
constitue la garantie réelle, effective des créanciers sociaux. Ce délit vient préserver l’intégration du patrimoine
social (L 242-6 (SA) ; L 241-3 (SARL)). Les associés sont responsables car ce sont les auteurs de l’approbation des
comptes et de la distribution ou non des dividendes.

La fixité du capital ne signifie pas qu’on ne peut pas modifier le capital. On peut en effet augmenter le capital en
cours de vie sociale ne serait-ce que parce que les associés ou des tiers réalisent de nouveaux apports. Les
modifications du capital sont possibles. L’augmentation de capital est bénéfique car la société bénéficie de
nouveaux financements et pour les tiers, cela renforce leur garantie. Il existe cependant un risque pour les associés.
En effet, ces derniers, s’ils ne souscrivent pas personnellement, vont subir l’arrivée de nouveaux venus qui vont
souscrire à l’augmentation de capital. Les associés/actionnaires s’ils ne souscrivent pas vont subir une diminution de
leur participation d’origine. C’est l’effet dilutif. Cet effet résulte d’une augmentation de capital à laquelle ne
souscrivent pas les actionnaires en place.

Le législateur a alors prévu un droit. Dans les sociétés par action, les actionnaires sont protégés en cas
d’augmentation en capital par apports en numéraire par l’apport d’un droit : le DPS . Ce droit leur permet de
souscrire à l’augmentation par préférence pour leur éviter d’être dilué. Ce droit sera proportionnel à la fraction du
capital qu’il détenait auparavant (s’il détenait 51% pour pourra souscrire à hauteur de 51%). Ce droit est très
protecteur. Cela s’apparente à une mesure de sauvegarde. Il remplit une fonction égalitaire. On essaie de maintenir
le même niveau que ceux qui étaient initialement consentis. Cela est énoncé à l’article L 225-132 du Code de
commerce. Ce droit n’est pas reconnu en cas d’augmentation du capital en nature. Ex : brevet car seul le détenteur
de celui-ci dispose de ce brevet.

Article L 225-132 al 1 et 2 du Code de commerce : « Les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux
augmentations de capital. (al 1)
Les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des
actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. (al 2) ».

La réduction du capital n’est pas neutre pour les tiers car on porte atteinte au gage. C’est ainsi que l’opération doit
être précédée d’une information des créanciers qui peuvent alors réagir. Ils exercent alors un droit d’opposition. Ce
26 Droit des sociétés

n’est pas un droit de faire obstacle mais qui leur confère à ces créanciers opposants soit un remboursement de leur
créance soit la constitution de garanties nouvelles (article L 225-205).

Il existe tout de même une exception si la réduction du capital est motivée par des pertes (capitaux propres <
capital par moins de la moitié). Cela permet d’éviter d’induire les tiers en erreur. Dans ce cas, il n’y a pas de droit
d’opposition des créanciers car la réduction est motivée par des pertes, pour révéler la réalité patrimoniale du
capital de la société.

2. Le principe de réalité

Si le montant du capital constitue le gage des créanciers sociaux, cela suppose de n’y faire figurer dans ce montant
que des valeurs réelles et certaines. Il s’agit de ne pas flouer les tiers. Il y a 4 conséquences :

- l’exclusion des apports en industrie insaisissable. (Article 1843-2 du Code civil). Cf. supra
- la procédure d’évaluation des apports en nature (commissaire aux apports). Cette procédure tend à
garantir le principe de réalité du capital. Cf. supra
- la règlementation sur les prises de participation réciproque entre sociétés. 1 détient une participation dans
B qui détient aussi une participation dans A. Ces participations dites croisées vont être un danger car elles
rendent partiellement fictif une partie de leur propre actif car chaque associé est indirectement propriétaire
de ses propres parts ou action. Il y a donc une règlementation. Dans les sociétés par actions, l’article 233-29
précise qu’une société par action A ne peut posséder d’action d’une autre société B si cette dernière B
détient une participation dans le capital de la société A supérieur à 10%.

Par ailleurs, une règlementation similaire existe connue sous le nom d’autocontrôle qui vise à empêcher cela mais
avec plusieurs autres sociétés. A contrôle la société B (+ 50% capital) qui contrôle C qui contrôle A. Cette situation est
critique car la valeur de A (société chef de file) est majorée sans que l’on tienne compte de la part possédée au bout
de la chaine.

- une société ne peut auto-détenir ses propres parts ou actions. Son capital serait alors en partie fictif. Il faut
que les apports correspondent à des apports de personnes autres qu’elle-même. La société ne peut s’auto-
détenir une fraction de son propre capital. Cela signifie qu’une société peut racheter ses propres actions
mais doit s’en débarrasser dans un délai d’un an. Ex : distribuer à ses salariés au titre de l’intéressement. Ce
sont des salariés actionnaires qui sont fidèles. C’est une technique de lutte contre les prises de contrôle
inamical, de société concurrente. En France, il y a une politique de développement de ces salariés
actionnaires.

Section 2. Le partage des résultats sociaux

Le contrat de société est par nature un contrat qui comporte un élément aléatoire. Ce n’est pas un contrat aléatoire
car le seul véritable est celui qui contient un aléa pour l’un et l’autre des parties, de manière réciproque. Ici, rien de
tel. Les intérêts des associés ne s’opposent pas mais convergent. Ils doivent protéger l’intérêt social. Il existe un
parallélisme des intérêts entre les associés et même entre la société et les associés. Cependant ce contrat est
teinté d’un aléa car on ne se sait pas si l’apport sera profitable ou non, s’il causera des pertes.

C’est un contrat commutatif. Article 1108 du Code civil : « le contrat est commutatif lorsque chacune des parties
s'engage à procurer à l'autre un avantage qui est regardé comme l'équivalent de celui qu'elle reçoit ». Dans un
contrat commutatif, la contrepartie attendue par chacune des parties est connue au jour de la signature du contrat.
C’est le cas ici car l’associé sait qu’il recevra en contrepartie des apports des droits sociaux.
27 Droit des sociétés

I. Les notions de bénéfices et d’économie

On ne peut comprendre la notion actuelle d’économie et de bénéfices (article 1832 Code civil) qu’en reprenant
l’évolution historique.

En 1804, la société était constituée dans la vue « de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Cette définition ne
provoquait aucune difficulté jusqu’à l’adoption de la Loi du 1er juillet 1901 relative aux contrats d’association dont
l’article 1er défini l’association comme « la convention par laquelle 2 ou plusieurs personnes mettent en commun de
façon permanente leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices ».
L’association est caractérisée par un but autre que. Elle est définie négativement. La notion de bénéfice est donc un
élément déterminant.

Cependant, on ne retrouve aucune définition de cette notion de bénéfice pourtant utilisée dans la définition de la
société et dans la définition de l’association. C’est donc la Cour de cassation qui a défini cette notion.

Cass. Chambres réunies, 11 mars 1914, caisse rurale de la Commune de Manigod : cet arrêt s’attache à définir ce
que la Cour entend par bénéfice. Le bénéfice est « un gain pécunier ou matériel qui ajoute à la fortune des
associés ». Ils correspondent donc à un enrichissement positif. Ils ne correspondent pas à une simple économie.
C’est un gain qui ajoute. En droit comptable, le bénéfice résulte aussi bien d’une réduction des charges que d’une
augmentation des profits.

Cette définition est restrictive et a été élargie par la Loi du 4 janvier 1978 qui a également modifié l’article 1832 du
Code civil. Cette recherche d’une simple économie rend difficile d’une distinction nette entre les sociétés et les
associations. Les deux groupements peuvent être réalisés dans le but de créer une économie. Les deux groupements
entrent donc en concurrence.

Ce nouveau critère d’économie brouille la situation et complique la distinction entre société GIE et association.

A. Société et association

Une association est toujours constituée à but non lucratif de sorte qu’elle ne peut pas, en principe dégager des
bénéfices. Cependant, l’association peut exercer en complément de cette activité à but non lucratif, exerce des
activités pour parties lucratives. Ex : spectacle. Si ces activités lucratives deviennent majoritaires, on considère que
l’association a dégénéré en association commerçante. C’est la théorie de l’accessoire et du principal. Elle relèvera
alors des règles commerciales. Elle est commerçante de faite mais ne pourra bénéficier du statut des baux
commerciaux.

Si elle se met à partager ces bénéfices, ce ne sera plus une association mais une société. Ainsi, une association qui
partage des bénéfices dérive, dégénère en société donc commerciale de fait. C’est une société qui n’a pas la
personnalité juridique. Ce sont des situations de fait. L’association qui dégage des profits devient association
commerçante mais si en plus elle les partage, elle devient société. La responsabilité de ses membres devient lourde
car elle est illimitée et solidaire. Ainsi, l’association n’a pas le droit de dégager des profits et s’ils existent être
principal. Elle ne peut encore moins partager ces bénéfices.

B. Société et GIE

Définition du GIE : Article L 251-1 du Code de commerce : « Deux ou plusieurs personnes physiques ou morales
peuvent constituer entre elles un groupement d'intérêt économique pour une durée déterminée. (al 1)
Le but du groupement est de faciliter ou de développer l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou
d'accroître les résultats de cette activité. Il n'est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même. (al 2) Son activité doit se
28 Droit des sociétés

rattacher à l'activité économique de ses membres et ne peut avoir qu'un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci. (al
3) ».

Le but d’un GIE est de ne pas réaliser du bénéfice pour lui-même. C’est une structure originale car faite pour
améliorer et accroitre l’activité de ses membres. C’est une structure qui se situe dans le prolongement de l’activité
des membres qui ne peuvent entreprendre une activité complètement différente. C’est donc une structure de
coopération interne entre les entreprises fondatrices. Une société à l’inverse peut être créée à partir de deux
autres. Cette filiale pourra exercer une activité complètement différente des fondatrices. Le but d’un groupement
n’est pas de réaliser des fonds pour lui-même.

Yves Guillon : les bénéfices devenaient immédiatement la propriété des membres. Le GIE ne pouvait conserver les
bénéfices. Cela se différencie de l’association. La jurisprudence a éclairé ce terme du GIE.

Cass. Com. 6 mai 2014 (n° 13-11.427) : selon cette décision, un GIE peut dégager des bénéfices et constituer des
réserves pour servir à la réalisation du groupement. Ce groupement est au service de l’activité de ses membres. Il en
est le prolongement. Les bénéfices sont donc conservés et finalisés.

Cass. Com. 19 janvier 2016 (n° 14-19.796) : cet arrêt prolonge le précédent et précise quelle est la destination des
réserves que le GIE peut constituer. Il s’agissait d’un membre du groupement qui avait cessé de faire partie du
groupement avant la dissolution de celui-ci. Se posait alors la question du sort des réserves dans ce cas-là. La Haute
Cour affirme alors que le membre ne peut obtenir le remboursement de sa part dans les réserves. Les réserves ne
peuvent être distribuées aux membres du groupement. Cependant cette règle de principe n’est que supplétive de
volonté. Il est donc possible, si une clause ou une décision d’assemblée le prévoit, de redistribuer les réserves. Les
réserves ne sont alors que des bénéfices. Il est donc possible de dégager des bénéfices. Le GIE entre donc en
concurrence avec la société.

II. La répartition des résultats

Cette question est de l’essence même du contrat de société depuis 1804. Quelle que soit la forme sociale, chaque
associé a une vocation irréductible à participer au partage des résultats, qu’ils soient positifs ou négatifs. S’agissant
des pertes cela est redit à l’al 3 de l’article 1832 du Code civil.

Cette formulation est laconique car quand a lieu le partage des pertes ? Les sociétés sont peu enclines à se partager
les pertes que celles-ci n’ont en général jamais lieu avant la dissolution de la société car les associés ont toujours
espoirs que des bénéfices ultérieurs ou que les réserves ultérieurement constituées viennent éponger les pertes en
cours. C’est le report à nouveau. On reporte les pertes à plus tard en attendant des jours meilleurs. Ces pertes sont
dans une rubrique comptable : report à revenu négatif.

Elles peuvent aussi s’imputer sur le capital qu’il faudra réduire à concurrence des pertes et sous réserve de
l’obligation de recapitalisation. La société ne pourra plus faire face à son passif exigible à partir de son actif
disponible.

Pour les associés, la conséquence est qu’ils ne prennent pas immédiatement les pertes. La survenance des pertes
entraine une diminution de la valeur des parts sociales ou des actions et ce à un moment donné. Cela est fluctuant.
Si des jours meilleurs arrivent, il y aura compensation entre pertes et bénéfices constatés. Plus rarement, les associés
peuvent décider de prendre personnellement en compte le passif. Il y a deux manières de procéder à cela :

- Clauses statutaires
- Décision assemblée votée en ce sens.

Dans tous les cas, ce sont des décisions qui augmentent les engagements des associés. Cela suppose donc un vote
unanime (article 1836 al 2 du Code civil).
29 Droit des sociétés

Quid des bénéfices ?

La coutume est au contraire de procéder à une distribution annuelle c'est-à-dire bien avant la dissolution de la
société sauf si on envisage des périodes difficiles et qu’on les place en réserve. La loi impose la constitution de
réserve. C’est la réserve légale (article L 232-10). Elle a lieu par affectation de 5% au moins du bénéfice de l’exercice
jusqu’à ce que la réserve atteigne 10% du capital. Il est possible de renforcer cette règle dans les statuts (réserves
statutaires) qui rajoute une exigence en prévoyant l’affectation d’un certain pourcentage.

Même si les statuts ne disent rien, l’assemblée peut décider d’affecter aux réserves les bénéfices de la société. Ce
sont les réserves libres. L’assemblée doit se tenir dans un délai de 6 mois à compter de la clôture de l’exercice. Le
versement des bénéfices à lieu dans les 9 mois (article L 232-13).

Quid des modalités de la répartition ?

Il n’est pas exigé une répartition égale entre chacun. Les associés déterminent librement les modalités de
répartition. Il y a cependant une limite ; celle de ne pas stipuler de clauses léonines c'est-à-dire des clauses
excessives qui attribuait tous les bénéfices à l’un ou qui priverait des bénéfices à l’un (idem pour pertes).

A. Modalité de répartition des résultats

1. Principes

Article 1844-1 du Code civil : « la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se
détermine à proportion de sa part dans le capital social, sauf clause contraire ». Cette règle est donc supplétive de
volonté. Les associés peuvent donc prévoir d’autres modalités. En effet, le capital sert de clé de répartition dans
l’ordre interne des droits (au bénéfice ici) et des pouvoirs. Celui qui a 10% du capital aura 10% des dividendes.

2. Les modes de répartitions proportionnels de la part dans le capital

C’est la faculté de prévoir des clauses de répartitions inégales. Le contrat de société n’est pas accès sur le principe
d’égalité. L’égalité n’est pas l’âme de ce contrat. En fait, le principe d’égalité des associés signifie que tous ont les
même droits et les mêmes obligations mais pas à proportions égales. L’étendue, le nombre, la proportion peuvent
varier d’un associé à un autre. L’égalité est donc relative.

Il revient donc aux statuts d’aménager un partage égal des bénéfices et des pertes malgré des apports inégaux. De
même, une répartition peut être inégale malgré des apports égaux. Ce sont des libertés statutaires entre associés.
Dans tous les cas, on peut traiter différemment la répartition selon le mode d’apport. Dans ce cas, la fonction interne
du capital s’affaiblit.

À cela s’ajoute les actions de préférence dans les sociétés par action prévues à l’article L 228-11 du Code de
commerce. Elles peuvent être assorties de droits particuliers de toutes natures. Ex : dividende majorée pour gratifier
un associé fidèle ; dividende prioritaire avant toute autre affectation ; dividende conditionnelle.

Yves Chartier : tout est permis ou presque mais ce qui compte est-ce « que subsiste pour chacun un espoir de profit
et un risque de perte ». Alors, le partage sera prohibé, inique. La liberté rencontre donc des limites.

B. La prohibition des clauses léonines

Fable de La Génisse, la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion (la Fontaine). La clause léonine fait référence à cette
fable car le roi des animaux s’attribue la part du lion.
30 Droit des sociétés

1. Le principe

Article 1844-1 al 2 du Code civil traite de la question. Il mentionne 4 types d’interdit. Cet article dispose que
« Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la
totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont
réputées non écrites. ».

Dans les 4 situations, il y a une forme d’exclusivité qui est prohibée. Ex : rapport en industrie rémunéré quel que soit
le résultat de l’exercice. Ex : associé dont la rémunération est déterminée en % de chiffre d’affaire car celui-ci ne
correspond pas aux bénéfices distribuables.

2. Le problème des promesses de rachat de part/action à prix tranché

Ce sont des promesses à prix fixe prédéterminé. Cette question des promesses de rachat des parts ou actions d’un
associé à prix fixe, à l’avance pose un problème. On retrouve cela dans deux hypothèses.

 Lors de cession massive de droits sociaux (cession de contrôle). Compte tenu du coût d’une telle acquisition,
il n’est pas rare que l’acquéreur ne puisse acheter au comptant l’intégralité. Le paiement a donc lieu en
plusieurs échéances. Or, comme la cession est étalée dans le temps. Il est usuel de déterminé une promesse
d’achat avec un prix fixe quel que soit la fluctuation des actions. Si le cout chute, est-ce que le cessionnaire
ne bénéficie pas d’une garantie ?
 Private equity = financement des starts up. Il n’est pas rare qu’elles s’adressent à un financeur en lui
proposant d’apporter de l’argent frais. Celui-ci va accepter cela au regard de la perspective de revente avec
plus-value de cette start-up au point de devenir associé. Il va donc faire un apport en numéraire. Le
financeur va donc devenir associé pour acquérir des bénéfices. Pour se prémunir contre un risque excessif,
l’investisseur va chercher à obtenir une promesse de rachat de sa participation à prix minimum, fixe
prédéterminé. Il lèvera l’option ce qui obligera le promettant d’acquérir les titres. C’est donc une garantie
d’échapper aux risques d’entreprise.

Arrêt Bowateur 20 mai 1986 (n° 85-16.716) : « Mais attendu que la Cour d'appel n'avait pas à vérifier si la fixation,
au jour de la promesse, d'un prix minimum, avait pour effet de libérer le cédant de toute contribution aux pertes
sociales dès lors qu'elle constatait que la convention litigieuse constituait une cession ; qu'en effet est prohibée par
l'article 1844-1 du Code civil la seule clause qui porte atteinte au pacte social dans les termes de cette disposition
légale ; qu'il ne pouvait en être ainsi s'agissant d'une convention, même entre associés, dont l'objet n'était autre, sauf
fraude, que d'assurer, moyennant un prix librement convenu, la transmission de droits sociaux, que dès lors, sans
méconnaître le principe de la contradiction et sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation de la société
Bowater, la Cour d'appel par motifs propres et adoptés, et abstraction faite de tous motifs surabondants, a décidé à
bon droit que la convention litigieuse n'avait pas porté atteinte au pacte social ; que le moyen n'est donc fondé en
aucune de ses branches ».

La Haute Cour distingue donc 2 opérations :


- La transmission des droits sociaux : contrat de vente précédé de l’avant contrat de promesse ;
- Le contrat de société : pacte social avec les statuts avec règles répartitions bénéfices et pertes.

Ainsi la promesse n’est rien d’autre qu’un contrat de vente qui ne se confond pas avec le contrat de société.
D’autre part, la transmission des droits sociaux, via la vente, est une convention, qui ne lie pas l’ensemble des
associés, entre un cédant et cessionnaire. La sanction des clauses léonines est qu’elles sont réputées non écrites
c'est-à-dire censée ne jamais avoir existées. Elles disparaissent donc rétroactivement sans rejaillir sur le contrat de
société. Elles sont éradiquées. C’est la sanction de l’éradication.
31 Droit des sociétés

Section 3. L’affectio societatis

L’affectio societatis ne figure pas expressément dans la définition de la société de l’article 1832 du Code civil.
Cependant, la tradition en fait une composante du contrat de société.

L’affectio societatis est « l’élément moral » du contrat de société. Il se traduit comme la « volonté de s’associer » ;
afin de « collaborer » à la réalisation de l’objet social d’un « intérêt commun et sur un pied d’égalité » (Cass. Com.
3 juin 1986, n° 85-12.118). Il a une place centrale puisqu’il ne peut y avoir de société sans affectio societatis (CA
Paris, 11 juillet 1951, S. 19,53, 2, 1).

Cette notion est très critiquée par la doctrine, notamment avec l’apparition de la Corporate governance poussant à
réguler par tous moyens possibles l’activité en entreprise. En outre, l’affectio societatis est de nature à créer un
environnement économique instable juridiquement et donc insécuritaire pour les entrepreneurs. Toutefois, on peut
attribuer au moins deux facultés à la notion :

 La première est de permettre au juge de garder un pouvoir d’appréciation souverain relatif à la volonté des
parties, qu’il n’aurait pu avoir sans la largesse de l’affectio societatis ;
 La seconde, probablement sa fonction la plus importante, permet de distinguer le contrat de société
d’autres contrats, dont notamment le mandat et la location-gérance.

I. Notion

De nombreux auteurs se sont chargés de proposer une définition de l’affectio societatis. Yves Guyon propose la
définition suivante : « la volonté d’établir une collaboration active sur un pied d’égalité en vue de partager des
bénéfices ou de profiter d’une économie ». La collaboration active suppose qu’on ne se désintéresse pas des affaires
sociales. De plus, cela signifie qu’on ne se trouve pas dans un lien subordonné.

Des auteurs ont douté de la pertinence de la notion : Paul Didier qui écrit « le consentement doit se colorer d’une
intention particulière que l’on dénomme affectio societatis. Ce qui ne veut sans doute pas dire grand-chose (d’où
l’emploi d’une expression latine) ». Wahl écrit que cette notion mériterait d’être rayée. La jurisprudence continue
d’appliquer cette notion.

Pourquoi douter ? Car cette notion est floue, diffuse. Ensuite, en pratique, de nombreux associés sont totalement
passifs. Cela est particulièrement vrai dans les sociétés où les décisions sont prises à la majorité (SARL et société par
action). C’est également le cas dans les sociétés côtés où les actionnaires n’aspirent en rien à s’occuper des affaires
de la société. En outre, quid de cette notion dans les sociétés unipersonnelles ? Dès lors qu’on est seul, est-ce qu’on a
l’intention de s’associer ?

La 1re directive européenne du 9 mars 1968, relative à l’harmonisation des pouvoirs du dirigeant et au nullité de
société, ne fait pas de la fictivité ou de l’absence de l’intention de s’associer une cause de nullité. L’article 12 de la
directive de 2017 impose une liste exhaustive.

C’est donc la jurisprudence qui continue d’apporter une grande importance à cette notion notamment lorsqu’il
s’agit de démontrer l’existence d’une société créée de fait c'est-à-dire d’une société qui s’ignore. La jurisprudence
exige la démonstration de ce troisième élément.

Cass. Com. 3 juin 1986, 85-12.118 : la jurisprudence fait œuvre de définition. Cet arrêt a pris position sur la notion
étudiée. Elle correspond à une intention de collaborer de façon effective à l’exploitation d’un fonds de commerce
dans un intérêt commun et sur un pied d’égalité pour participer aux bénéfices comme aux pertes.

Cass. Com. 11 juin 2013, 12-22.296 : la Cour a jugé que l’affection n’est pas une condition requise pour la formation
d’un acte de cession de parts sociales ou d’action. Du côté de l’acheteur, l’affectio societatis peut être une condition
32 Droit des sociétés

mais non. Il s’agissait d’un cédant d’action de SAS qui se prévalait de l’absence de cette notion chez les acquéreurs
pour refuser d’accomplir les actions nécessaires pour mettre en œuvre le transfert de propriété.

Cet arrêt a été très critiqué car l’acquéreur devient partie au contrat de société. La cession de droits sociaux
correspond à la cession d’une position contractuelle au sens où l’acquéreur va devenir partie au contrat de société.

Cass. Civ. 3e, 16 mars 2011, n° 10-15.459 : la perte de l’affectio societatis chez un associé emporte-t-elle la
dissolution de la société ? Non en principe sauf s’il y a une paralysie du fonctionnement de la société du fait de la
perte de l’affectio chez l’un des associés. Cette mésentente doit paralyser le fonctionnement de la société.

La Cour admet la dissolution judiciaire d’une société en cas de juste motif dont l’un est lié à la mésentente de la
société. La perte de l’affection societatis est traité de la même façon que la dissolution de la société pour juste motif
car l’un des motifs est la mésentente conduisant à la paralysie de la société (article 1844-7 5° du Code civil).

II. Rôle

Dans le contrat de vente notamment ou au contrat de prêt, lorsque ces deux contrats sont assortis d’une clause de
rémunération par rapport aux bénéfices dégagés par la chose vendue/prêtée. Cette situation est proche d’un associé
qui après avoir apporté un bien participe aux résultats de la société. L’apporteur doit avoir cet affectio societatis
pour se mettre au service de l’entreprise. C’est-ce qui le distingue du prêteur.
33 Droit des sociétés

Chapitre 3. La sanction des conditions nécessaires au contrat de société

En principe, quand on a affaire à un acte irrégulier, la sanction réside dans l’annulation rétroactive. Cependant, le
contrat de société est différent. Une telle sanction apparaitrait désastreuse pour tous les tiers qui sont entrés en
contact avec elle. La sanction résiderait certes d’une nullité de la société mais qui relèverait d’un régime strict,
réduisant les causes au maximum. De plus, le droit des sociétés durcit les conditions d’exercices de l’action et
adoucit les effets de la nullité, notamment l’absence de rétroactivité.

L’article 1844-15 du Code civil dispose en effet que « Lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met fin, sans
rétroactivité, à l'exécution du contrat ». Elle est suivit d’une phase qui est la liquidation qui permet à la société de
récupérer et donc de recouvrer ses créances et payer ses dettes sociales et s’il est possible de répartir les biens,
apports. C’est le boni de liquidation. Pour ces opérations, il faut que la société demeure en vie. Enfin, la société
morale survit pour les opérations de liquidation.

Cette nullité est une sanction exceptionnelle. Le législateur veut éviter que les associés et les tiers de bonne foi n’en
subissent les conséquences. C’est pourquoi, il a réduit les cas de nullité et enfermé l’action en nullité dans une
réglementation étroite.

Section 1. Les causes de nullité

C’est causes, au nombre de 5, sont énoncés par les articles 1844-10 du code civil et l’article L235-1 du code du
commerce.

- Le non-respect des dispositions générales à tout contrat : la nullité est fondée sur la violation des règles de
l’article 1128 du code civil. C’est le cas pour les sociétés en nom collectif et en commandite simple. En
revanche le régime est plus restrictif pour les SARL et les sociétés par actions dont la nullité ne peut résulter
d’un vice de consentement, ni d’une incapacité, à moins que celle-ci atteigne tous les associés fondateurs
(art L235-1 C. du com). D’autres clauses de nullité de contrat sont plus fréquentes : l’impossibilité, l’illicéité
ou le défaut de contenu.

- Le caractère illicite ou immoral du contenu du contrat de société : Une société qui aurait un contenu illicite
ou immoral ou qui n’aurait pas été constitué dans l’intérêt commun des associés est nulle (article 1833
code civil). Toutefois, la Cour de cassation a évolué sur ce point : pour elle, une SARL ou une société par
actions constitué en vue d’opération de chantage mais ayant un objet statutaire licite ne peut pas être
annulée en justice pour illicéité de son objet réel (Cass commerce, 10 novembre 2015, n°14-18.179)

- Le non-respect des éléments constitutif du contrat de société : le code de commerce ne prévoit aucune
cause expresse pour la SARL ou SA, à l’exception de l’hypothèse exceptionnelle prévue à l’article 225-8.
 L’article 225-8 précise « A défaut d'approbation expresse des apporteurs et des bénéficiaires
d'avantages particuliers, mentionnée au procès-verbal, la société n'est pas constituée. »
 L’article L235-1 ne fait référence qu’à la violation d’une disposition expresse de texte qui lui est
extérieur, en particulier le décret du 23 mars 1967, ne saurait entrainer la nullité, sauf disposition
légale contraire, ou en cas d’indissociation de la loi et du décret.
 L’article 1844-10 frappe de nullité la violation des règles spécifiques au contrat de société telles
qu’elles ressortent de la définition de l’article 1832 de ce Code. Il en est ainsi dans les cas suivant :
absence d’au moins deux associés, sauf s’il s’agit d’une SARL, ou d’une SAS qui deviendrait alors
unipersonnelle ; absence d’apport ou apport fictif ; défaut d’affectio societatis ; défaut d’intérêt
commun des associés.
34 Droit des sociétés

- Le non accomplissement des formalités de publicité : L’article L235-1 sanctionne d’annulation que
l’inaccomplissement des formalités de publicité dans les sociétés en nom collectif et en commandite
simple. Cette nullité demeure quand même exceptionnelle, car au regard de l’article L210-7, une
régularisation est possible : de plus le tribunal a toujours la faculté de ne pas prononcer la nullité encourue si
aucune fraude n’est constatée (article L253-7 et R210-12)

- L’existence d’une fraude : En dépit du silence de la loi en application de l’adage juridique « Fraus omnia
corrumpit », la nullité de la société pourrait être prononce en cas de fraude. C’est ce qu’a fait la Cour de
cassation dans un arrêt du 7 octobre 1998 en jugeant « qu’un contrat peut être annulé pour cause illicite ou
immorale, même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du motif déterminant de la conclusion du
contrat ».
En principe la fraude ne produit d’effet que dans les sociétés en nom collectif et en commandite simple. Elle
ne saurait être retenue pour les SARL et les sociétés par actions, étant donné que la fraude n’est pas visée
par l’article 11 de la directive du 9 mars 1986. La CJUE a interprété ce texte en excluant les mobiles qui ont
incité les fondateurs à créer la société. Cependant la Cour de cassation, dans plusieurs arrêts a érigé la
fraude en cause général de nullité des sociétés.
Dans un arrêt du 13 novembre 1990 (arrêt Marleasing), la CJUE a été conduite à se prononcer sur
l’interprétation à donner de l’article 11 de la directive du 9 mars 1968 qui restreint les causes de nullité des
sociétés. La CJUE a jugé que l’expression « objet social » visé à l’article 11 doit s’entendre comme l’objet
social défini dans les statuts de la société. Dès lors, elle refuse que soit pris en compte, pour apprécier la
licéité de l’objet, l’objet réel de la société. Seul compte l’objet statutaire.
La Cour de cassation retient exactement la même solution que celle adoptée par la CJUE. En dehors des cas
expressément prévus par la directive, une société ne saurait faire l’objet d’une annulation. On peut en
déduire que la haute juridiction entend à l’avenir, n’apprécier la nullité d’une société qu’au regard du seul
texte communautaire. Toutes les causes de nullité qui, jusqu’à présent, étaient admises en droit français et
qui ne sont pas prévues par la directive sont vouées à disparaitre (défaut d’apport, vice de consentement,
sociétés fictives pour défaut de consentement, défaut d’affectio societatis). La chambre commerciale s’est
alignée avec la juridiction européenne lors de l’arrêt du 15 novembre 2010.

Section 2. Le régime restrictif de l’action en nullité d’une société

Quand la nullité tend à protéger un intérêt particulier, seul la personne ou le groupe de personne dont la loi a voulu
assurer la protection peut agir en nullité. C’est une nullité relative.

Lorsque la nullité sanction un vice de portée général, elle est absolue et peut être invoquée, par toute personne
pouvant se prévaloir d’un intérêt légitime au succès de sa prétention (article 31 du code civil), à savoir notamment
les associés, leurs créanciers personnels, les dirigeants de la société et les créanciers sociaux.

I. Prescription

L’action en nullité est prescrite à l’expiration d’un délai de 3ans à compter du jour où la nullité est encourue (article
L235-9). Cependant en cas de nullité pour vice de consentement, la prescription ne commence à courir qu’au jour où
le vice a été découvert ou qu’au jour où la violence a cessé. Par ailleurs, ce délai de 3 ans peut être interrompu ou
suspendu.

Toutefois, à titre d’exemple, ce délai est réduit à 6 mois en cas de fusion ou de scission. De même, dans l’hypothèse
où la nullité est fondée sur un vice de consentement, ou sur une incapacité, tout intéressé peut mettre en demeure
la personne habilitée à régulariser, soit de le faire, soit d’agir en nullité dans un délai de 6 mois à peine de forclusion
(article L235-6 C. Du com, article D252 al 1 C. du Com, Article 1843-1 code civil)
35 Droit des sociétés

II. Faculté de régularisation

Le législateur a étendu le domaine de la régularisation des sociétés entachée de vice ; il a également assoupli le
régime de son action dans la perspective de faciliter la couverture des nullités. L’action en régularisation est ouverte
quand les statuts ne contiennent pas toutes les mentions générales et/ou les mentions propres à chaque type de
société exigées par les lois et règlements, et ou si les formalités de forme prescrites pour la constitution de la
société ont été omis ou irrégulièrement accomplies, notamment dans les SNC et les SCS.

La régularisation ne porte pas, normalement sur l’immatriculation qui n’est pas constitutive de la société mais
attributive de la personnalité juridique. Toutes les nullités peuvent être couvertes en principe, sauf celles fondées sur
l’illicéité de l’objet social (article L235-3 C. du com).

L’action en régularisation peut être intentée par toute personne ayant intérêt à la régularisation de l’acte. Tout
intéressé peut mettre en demeure la société de régulariser dans un délai de 30 jours. A défaut, il peut demander au
président du tribunal de commerce statuant en référé la désignation d’un mandataire chargé d’accomplir la
formalité.

L’action en régularisation est introduite devant le tribunal de commerce pour les sociétés commerciales et devant le
tribunal de grande instance dans les autres cas (L210-7 et R210-12 C. commerce)

Section 3. L’atténuation des effets de la nullité

La nullité entraine l’anéantissement de l’acte irrégulier de société à l’égard de tous les intéressés. Le tribunal doit
obligatoirement prononcer la nullité dès l’instant où les conditions sont remplies et qu’aucune barrières dressées par
la loi pour empêcher cette nullité a été levée. Dans les rapports avec les tiers, ni la société ni les associés ne peuvent
se prévaloir d’une nullité à l’égard des tiers de bonne foi.

Cependant la nullité résultant d’un vice de consentement ou d’une incapacité d’un associé de bonne peut être
opposée aux autres associés ainsi qu’aux tiers même de bonne foi, mais uniquement par l’incapable et ses
représentants légaux ou par l’associé dont le consentement a été donné par erreur ou à la suite d’un dol (article
1844-16) ou d’une violence. Dans les rapports entre associés, lorsque la nullité de la société est prononcée, il est
procédé à sa liquidation. La nullité d’une société ne produit pas d’effet rétroactif.

Article 1844-16 du Code civil : « Ni la société ni les associés ne peuvent se prévaloir d'une nullité à l'égard des tiers de
bonne foi. Cependant la nullité résultant de l'incapacité ou de l'un des vices du consentement est opposable même
aux tiers par l'incapable et ses représentants légaux, ou par l'associé dont le consentement a été surpris par erreur,
dol ou violence ».

La nullité peut entrainer la responsabilité de ceux auxquels l’irrégularité est imputable. Cependant, on n’applique
pas le principe de la rétroactivité pour protéger les tiers.

I. La responsabilité civile

Il existe 3 actions possibles :

- Action pour obtenir l’indemnisation du préjudice causé par l’annulation de la société (article 1844-17 cc &
article L235-13 C. du com)
- Action pour obtenir la réparation du préjudice causé par l’irrégularité : susceptible d’entrainer l’annulation
mais seulement dans le cas o% la nullité a été couverte. Il s’agit de récupérer les frais de justice engendrés
par l’action en nullité notamment intentée par la demandeur avant la régularisation.
- Action pour obtenir la réparation du préjudice engendré par le défaut d’une mention obligatoire dans les
statuts, ainsi que par l’omission ou l’accomplissement irrégulier d’une formalité exigée par la loi.
36 Droit des sociétés

Les clauses statutaires contraires à une disposition impérative des articles 1832 à 1844-9 du code civil, applicable
aux sociétés commerciales et dont la violation n’est pas sanctionnée par la nullité, sont réputées non écrites : par
exemple la clause supprimant ou limitant le droit d’accès d’un associé aux assemblées générales.

II. La responsabilité pénale

Depuis la loi du 15 mars 2001, le législateur a dépénalisé le droit des sociétés en supprimant de nombreuses
infractions. Ainsi, le délit d’omission de déclaration du capital dans les statuts de la SARL a été purement et
simplement abrogé.

Il reste toutefois, quelques délits :

- Article L242-1 du code du commerce : 150 000€ d’amende pour les fondateurs, le président, les
administrateurs ou es directeurs généraux d’une SA qui émettent des actions ou des coupures d’action sans
que les actions de numéraire aient été libérées à la souscription de la moitié au moins ou sans que les
actions d’apport aient été intégralement libérées avant l’immatriculation de la société au RCS. Cette peine
peut être portée au double lorsque les actions ou coupure d’actions ont fait l’objet d’une offre au public.
- Article L242-2 du Code du commerce : punit ceux qui frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en
nature, une valeur supérieure à sa valeur réelle (5 ans d’emprisonnement et 9000 € d’amende). Les
fondateurs, les dirigeants, les associés et les commissaires aux rapports pourraient être concernés par cette
sanction.
- Article L242-3 du Code de commerce punit de 15 000€ d’amende le fait pour les titulaires ou porteurs
d’actions, de négocier des actions de numéraire pour lesquelles le versement de la moitié n’a pas été
effectué.
37 Droit des sociétés

Titre 2 : La création d’une personne juridique, la naissance

On va étudier la période de gestation de l’entreprise. Les sociétés constituent dans l’immense majorité des cas un
être juridique distinct des associés créateurs pour accéder à cette vie juridique autonome, indépendante. Le
processus est parfois long, délicat et nécessaire.

Une fois immatriculée, la société accède à la personnalité juridique, morale et possède tous les attributs de la
personnalité. C’est une personne juridique. Elle a donc un patrimoine, une dénomination, un siège social, des
droits, des obligations, des droits fondamentaux.

Enfin, la société peut, comme toute personne juridique, connaitre la mort qui prend l’aspect de la dissolution. Il
s’ensuit une période de liquidation.

Chapitre 1 : Le processus de création d’une personne juridique

Plus encore que pour les contrats ordinaires, le processus de création d’une société nécessite du temps, des
négociations. Il est donc utile des sociétés en sommeil c'est-à-dire qui existe mais qui n’ont pas d’activité. Il suffira de
mettre l’objet social dans les statuts pour qu’elles démarrent leur activité.

Il faut distinguer deux étapes dans le processus de création : la conclusion du contrat de société qui se matérialise
par la signature des statuts qui font office d’actes juridiques. L’autre étape est l’avènement de la personne c'est-à-
dire l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés où l’on a affaire, plus à une société, à une personne.

En tout état de cause, dans toutes les situations, la constitution d’une personne morale suppose le respect de règles
de fond et l’accomplissement d’un certain nombre de formalités.

Règle de fond : apports, réalisation d’une économie.

Dès la signature des statuts, la société existe en tant que contrat de société. Celui-ci est formé. Les parties endossent
une qualité : celle d’associé. L’apporteur en société devient quelqu'un d’autre. Elle est donc capable de fonctionner
indépendamment des événements qui affectent la vie de ses membres. La société a une existence propre.

Un régime juridique original a vu le jour et a été de toute pièce créée par le législateur. La gestation est un
événement naturel chez les personnes physiques. S’agissant d’une personne morale, cela est différent. Le législateur
a donc créé un régime propre. Il y a trois étapes, trois régimes :

- La période constitutive des règles de droit


- Le régime de la société une fois celle-ci constituée (ex : régime SARL)
- Mort : liquidation.

Section 1. Les actes accomplis au cours de la période constitutive

En pratique, il existe une période de temps entre le moment où les associés songent à créer une société et celui où
celle-ci va accéder à la vie juridique par l’immatriculation. Durant ce laps de temps, la société ne peut contracter
elle-même car elle n’existe pas elle-même, ce n’est pas une personne. Cependant, certains actes sont nécessaires au
démarrage de l’activité future. Des actes doivent être conclus avant l’immatriculation.

Ex : il faut trouver un local, ouvrir un compte en banque.

Cette phase correspond à la période dite de formation c'est-à-dire à une période où la société ne se livre pas encore
à des actes d’exploitation mais à des actes de démarrage, de préparation de l’activité future. Cette période
correspond à un régime juridique propre. On pourrait concevoir aux premiers dirigeants ou associés qu’il soit interdit
38 Droit des sociétés

d’accomplir ce genre d’acte aussi longtemps que la société n’est pas immatriculée. C’est la solution de certains droits
étrangers (ex : droit anglais). Cependant, ce n’est pas la solution de notre droit.

Le régime français est gouverné par deux textes : l’un de droit commun des sociétés ( article 1843 du Code civil) et
l’autre de droit des sociétés commerciales (article L 210-6 al 2 du Code de commerce). Ces textes sont issus de la 1re
directive européenne du 9 mars 1968 d’harmonisation des garanties offertes aux tiers.

Il convient d’analyser deux types de relations :


- Les relations internes entre associés ou entre associés et dirigeants ;
- Les relations externes, vis-à-vis des tiers.

I. Les rapports entre associés

A. Avant la signature des statuts

À ce stade, les parties ne sont pas encore associées. Elles ne sont pas unies par aucune relation contractuelle. Quel
régime juridique s’applique ? Celui de la période précontractuelle (cf. cours droit des obligations L2). Cette période
est marquée par la règle de la rupture brutale des pourparlers. Une certaine bonne foi est requise.

B. Après la signature des statuts

Elle marque l’apparition d’un véritable contrat. Les parties sont signataires d’un contrat de société de sorte qu’elles
sont engagées dans des liens d’associé. Elles endossent une autre qualité.

L’article 1842 nous enseigne que « Les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent
de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. (al 1)
Jusqu'à l'immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les principes
généraux du droit applicable aux contrats et obligations. (al 2) ».

Ce texte est alambiqué. Les règles statutaires ou les principes généraux du droit des contrats ? Il y a une articulation
à opérer selon qu’on a affaire à des relations internes ou extérieures. De même il ne peut y avoir des règles
particulières que si la société est une personne. L’immatriculation est une publicité à l’égard des tiers.

II. Rapport avec les tiers

N’ayant pas encore la personnalité juridique, la société en formation est dépourvue de toute capacité de jouissance
et d’exercice. Elle n’est pas habilitée à exercer ses droits. Elle ne saurait donc agir en tant que tel. Tous ses
engagements sont donc nuls pour absence de personnalité juridique. Cette nullité est absolue, elle ne peut donc
faire l’objet d’aucun acte de confirmation, de ratification émanent de la société ou recevoir une exécution volontaire
(Cass. Civ. 3e, 5 octobre 2011 ou Cass. Civ. 3e, 21 février 2012, 10-27.630). Une société pas encore immatriculée ne
peut encore contracter un contrat. La société ne peut être assignée en justice ni mis en redressement judiciaire.
Ses dirigeants ne peuvent encourir les sanctions des dirigeants de personnes morales. (Ex: topic abus de biens
sociaux).

Pour autant, cette réalité n’interdit pas l’accomplissement d’actes préparatoire. Ces actes, s’ils ne sont pas conclus
par elle, ils sont conclus pour elle, en son nom, au nom de la société en formation. L’unique condition est que celui
qui agit au nom de la société doit préciser au cocontractant qu’il agit au nom de la société en formation (SEF). Les
actes sont donc susceptibles plus tard de lier la société. C’est un système d’anticipation mis en place à travers ce
régime de la société en formation. Une fois la société immatriculée, elle sera juridiquement considérée comme liée
(articles 1843 du Code civil et L 210-3 al 2 du Code du commerce). C’est un principe de responsabilité des
fondateurs (avant l’immatriculation) mais il existe un principe de reprise par la société une fois la personnalité
juridique acquise.
39 Droit des sociétés

Article 1843 du Code civil : « Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation
sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans
solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui
sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci ».

A. Les personnes susceptibles d’agir au nom de la société en formation

Il n’est pas mentionné de qualité particulière dans le texte. Il se contente de préciser que ce sont les personnes qui
ont agis au nom de la société en formation. La formule est large et vise une diversité de personnes : les associés, le.s
dirigeant.s, toutes personnes professionnelles ou non qui intervient au cours de cette phase à laquelle les associés
ont recours pour accomplir ces démarches préparatoires. Attention, cette société n’existant pas, elle ne peut
donner elle-même mandat. Les personnes agissantes ne sont donc pas mandataire de la société car cette dernière
n’existe pas. Dès lors, la société ne sera pas systématiquement tenue par les actes. Les règles ne sont pas
applicables. En revanche, il n’est pas impossible que les personnes reçoivent un mandat mais par les associés (et non
la société).

La notion de fondateur n’est pas déterminante mais c’est celle de personne qui est mentionnée par le législateur.
Toute personne peut participer au risque de demeurer engagée en cas de défaut de reprise par la société.

Le texte parle des personnes ayant agies au nom d’une société en formation. Cela suppose donc l’accomplissement
d’acte générateur. Ce doit être des actes positifs. Ces actes ne doivent pas être tacites. Une société peut donc avoir
plusieurs personnes qui agissent soit séparément. Chacune sera alors tenue qu’à concurrence de cet acte. Si
plusieurs personnes ont agi à l’égard d’un acte déterminé, elles sont tenues solidairement par cet acte. Chacun est
responsable de ce qu’il a accompli seul ou solidairement pour l’acte accompli avec d’autre.

B. La responsabilité des fondateurs

Aussi longtemps que la société n’est pas immatriculée ou qu’elle décide de ne pas reprendre l’acte, les fondateurs
sont personnellement tenus. Pour autant, les personnes agissant au nom d’une société en formation ne peuvent
prétendre à la qualité de représentants sociaux, serait-elle personnellement désignée comme gérant. En effet, il n’y
a pas personne à représenter car la société n’existe pas encore. Ces personnes n’ont ni les titres, ni les pouvoirs, ni
les devoirs d’authentique dirigeant. Elles n’ont d’ailleurs, à l’égard des tiers, pas les pouvoirs les plus étendus. Elles
n’ont de pouvoirs que dans la préparation de l’activité à venir.

Par ailleurs, il est évident qu’un acte passé par un fondateur en son nom propre ne peut être repris par la société. La
solution inverse aboutirait sinon à ce que l’on impose à l’insu du cocontractant c'est-à-dire une substitution de
débiteur. Voilà pourquoi un principe impose que chaque personne qui agit au nom d’une SEF doit le faire
explicitement afin qu’il puisse peut-être y avoir une reprise ultérieure. Cette indication est une condition de la
reprise.

C. La reprise des actes par la société immatriculée

1. Les engagements susceptibles d’être repris

Seuls les actes accomplis expressément au nom de la société en formation peuvent être repris, pas les
engagements personnels.

Par ailleurs, l’article 1843 du Code civil emploi les termes actes et engagements. Tous les actes juridiques peuvent
être repris (contrat, actes unilatéraux, reconnaissance de dettes). En revanche, la reprise d’engagement est plus
incertaine lorsque ceux-ci résultent d’un fait juridique. Ex : un acte de concurrence déloyale, débauchage d’un
salarié.
40 Droit des sociétés

CA Paris : la reprise ne peut concerner des faits de concurrence déloyale puisqu’ils constituent des délits civils.
Infraction pénale → personnalité des peines interdit cela.

Si la société n’est jamais immatriculée, la question de la reprise ne se pose pas car elle ne sera jamais tenue d’un
quelconque acte accompli pendant cette période constitutive. Seule la personne qui agit est alors tenue et ce,
définitivement.

En réalité, la question est toute autre. C’est celle de savoir quel est le sort d’une société qui fonctionne, ne pouvant
plus être considéré comme une société en formation, car elle accomplit des actes d’exploitation ? Elle ne prépare plus
l’activité future mais l’exploite. Elle entreprend le business alors même qu’elle n’a pas été immatriculée. La
jurisprudence a indiqué que la société en cause dégénérait en société créée de fait. Le changement de régime n’est
pas substantiel. Seuls ceux qui ont tenu l’acte est tenu. Cette règle résulte de l’article 1873 du Code civil qui dispose
que « le régime de la société en participation dépourvue de personnalité juridique s’applique à la société de fait ».

Article 1872-1 du Code civil : « Chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers.
(al 1) Toutefois, si les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers, chacun d'eux est tenu à
l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres, avec solidarité, si la
société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. (al 2) Il en est de même de l'associé qui, par son
immixtion, a laissé croire au cocontractant qu'il entendait s'engager à son égard, ou dont il est prouvé que
l'engagement a tourné à son profit. ».

Il existe 3 cas dans lesquels la responsabilité peut s’étendre à d’autres associés au-delà de celui qui a accompli l’acte.
Ce régime est alors plus rigoureux. Ainsi, tout dépend de la nature de l’acte. Est-ce un acte préparatoire ou
d’exploitation ?

2. Les modes de reprise

Il y a des textes multiples :

- Décret du 3 juillet 1978 (article 6) → vise toutes les sociétés


- SARL : article R 210-5 du Code de commerce
- Société par action recourant au public de titre (SA et SCA) : article R 210-6 du Code de commerce
- Sociétés par action qui ne recourent pas à une offre au public de titre : R 210-7 du Code de commerce

Cela ne vaut que si la société est immatriculée. Il existe 3 modes de reprise :

 La reprise consignée dans les statuts c'est-à-dire qu’un état des actes accomplis pendant la période
constitutive avec l’indication pour chacun d’eux de l’engagement qu’il en résulterait de la société est
présentée aux associés avant la signature des statuts. Cet état est annexé au statut et la signature des
statuts par les associés emportera reprise automatique de ces actes par la société lorsque cette dernière
sera immatriculée ;
 Pendant la signature des statuts et l’immatriculation, les fondateurs peuvent accomplir des actes en vertu
d’un mandat délivré par les associés à l’un d’eux ou au gérant. Déjà accepté par les associés, ces actes
seront repris automatiquement lors de l’immatriculation. Le mandat s’entend nécessairement d’un mandat
spécial c'est-à-dire d’accomplir un acte spécial et non un mandat général. Le mandat doit énumérer les actes
à accomplir et leurs modalités dans le but de protéger l’entreprise. Cass. Com. 1er janvier 2008 (07-10.676) :
possibilité que le mandat soit donné par tous les associés postérieurement aux engagements pris par le
fondateur. Ne serait-ce pas plus une ratification mais pas un mandat. La ratification doit intervenir avant
l’immatriculation. Cet arrêt est isolé ;
 La reprise par décision des associés postérieures à l’immatriculation. La société est devenue personne
morale. C’est un mode subsidiaire résiduel de reprise. Il concerne tous les actes qui n’auraient pu être repris
41 Droit des sociétés

automatiquement c'est-à-dire qui ne figure pas dans l’état annexé aux statuts ou non accomplis en vertu
d’un mandat spécial. C’est la reprise balai (Yves Guyon). Cette reprise est volontaire c'est-à-dire au terme
d’une décision spéciale prise par les associés. Cette décision doit être prise à la majorité sauf clause
contraire.
Cette clause peut-elle donner compétence à une personne en particulier ou si elle vise la notion de majorité
voire à une unanimité ? Cass. Com. 12 juillet 2004 : seule une délibération spéciale de la collectivité des
associés prise sauf clause contraire à la majorité d’entre eux, constitue l’accomplissement régulier de la
formalité exigée.

Il n’en existe pas d’autres (article 6 du décret). Ils reposent systématiquement sur un accord des associés. Une fois
l’immatriculation acquise le danger serait que le seul dirigeant puisse reprendre sur leur seule décision des actes
accomplis par eux. Il ne peut y avoir non plus une reprise par l’exécution.

D. Les effets de la reprise

Elle opère la substitution de débiteur. Tout se passe comme si dès le départ, l’acte avait été signé par l’acte. Cela
s’impose au cocontractant qui a été informé. Cela n’est pas nécessairement avantageux pour le cocontractant. Si le
fondateur est seul responsable, le cocontractant devra demander par ex un acte de cautionnement. Le fondateur est
définitivement libéré au jour de la reprise de l’acte par la société. On ne peut même pas considérer qu’il soit
responsable solidaire avec la société. La société est unique débitrice et ce de manière rétroactive.

Le défaut de reprise, à l’égard de la société, peut venir soit d’un défaut d’immatriculation soit d’un refus de reprise.
En tout cas, la société ne reprendra pas le contrat à son compte et ne deviendra pas débitrice ou créancière selon la
nature de la création. Cela produit des effets intéressant en matière de cautionnement. Pour les personnes ayant
agies, le défaut de reprise ne peut opérer substitution de débiteur. Cela produit des conséquences remarquables.

Cass. Soc. 27 mai 2003 : contrat de travail conclu par un fondateur. La société n’a pas repris l’acte alors elle ne peut
être vu comme l’employeur. La Cour de cassation nie ici toute spécificité. Dès lors, le fondateur est l’employeur.

Enfin, lorsqu’un mandat a été prévu, le mandataire est lui aussi tenu. Il n’y a pas que la personne qui a agi, il y a aussi
le mandataire qui a contracté. Il a agi au nom de la société de sorte qu’il sera tenu solidairement avec les mandants
(exception au régime du mandant). En revanche, il ne pourra être solidairement tenu avec les associés qui n’ont pas
donné mandat. Dans la population des associés, il y a une diversité de profils.

Section 2. Les conditions de forme de la création d’une société

I. Antérieurement à la signature de statuts

Il peut y avoir une promesse de société (protocole). C’est un avant contrat relevant du régime de l’avant contrat.

II. La signature de statuts

Elle matérialise le consentement des associés au contrat de société. L’article 1835 du Code civil impose que les
statuts doivent nécessairement être établis par écrit. Pour autant le contrat de société n’est pas un contrat solennel.
L’écrit n’est pas une condition de validité mais une condition ad probationem. Ex : société de fait. Le contrat de
société exige une preuve écrite ce qui relativise l’article 110-3 du Code de commerce (liberté de la preuve en
matière commerciale).
42 Droit des sociétés

III. Les formalités subséquentes à la signature des statuts

Après la signature de statuts, des formalités doivent être réalisées pour que la société soit opposable aux tiers. Les
associées doivent :

- Procéder à l’enregistrement gratis des statuts auprès de la recette des impôts dans le délai d’un mois
suivant leur signature ; cette formalité n’est cependant plus requise depuis le 1er juillet 2015 sauf lorsque les
statuts consignent l’apport d’immeubles ou de fonds de commerce. L’enregistrement (mesure fiscale)
donnant lieu à la perception de droits d’enregistrement et en vertu de l’article 1377 du Code civil a pour
avantage de donner date certaine contre les tiers à tout acte conclu.
- Faire publier un avis de constitution qui reprend les mentions obligatoires de statuts jadis dans un journal
d’annonces légales dans le département du siège social, désormais sur « un support habilité à recevoir des
annonces légales » ce qui permet de réaliser la publicité des statuts.
- Déposer les statuts au greffe du tribunal dans le ressort duquel se trouve le siège social de la société en
formation, ainsi qu’une copie des actes de nomination des dirigeants sociaux, le rapport du commissaire aux
apports s’il existe, le certificat du dépositaire des fonds dans les SA et, dans celles offrant leurs titres au
public…. Il revient au greffier du tribunal de vérifier l’ensemble de ces formalités (C. commerce art L210-7)

Parallèlement, les fondateurs doivent déposer auprès du greffe du tribunal de commerce, une demande
d’immatriculation de la société au RCS. Concrètement, les fondateurs s’adressent au Centre de Formalités des
Entreprises. L’immatriculation doit normalement intervenir dans le délai franc d’un jour ouvrable après réception de
la demande.

A compter de l’immatriculation la société acquiert la personnalité morale et se voit attribuer un numéro unique
d’identification (numéro SIREN). La Loi PACTE du 22 mai 2019 prévoit que d’ici 2023, toutes les entreprises quelle
que soit leur forme juridique pourront réaliser leurs déclarations auprès d’un seul guichet unique électronique qui
substituera à tous ceux qui existent aujourd’hui.
43 Droit des sociétés

Chapitre 2 : L’avènement d’une personne juridique

Section 1. Notion de personne morale

La personne morale s’entend d’une personne qui a une existence juridique. C’est une personne distincte de celles
qui en sont membres. Le droit français se refuse à conférer la personnalité juridique à des groupements de bien. Le
fonds de commerce ne reçoit pas la personnalité juridique, ce n’est pas une personne morale car c’est un
groupement de bien et non de personne. C’est une universalité qui vise des biens. Dès lors, il n’a pas la personnalité
juridique. Toutefois, les fondations (chercher définition) sont des personnes morales qui constituent des
groupements de bien. Ceci est un contre-exemple au principe.

Ces groupements accèdent à la personnalité juridique puisqu’ils jouissent d’une autonomie suffisante pour
caractériser un intérêt global, de groupe, différent de celui de chacun des membres. Il y a un intérêt commun qui ne
se confond pas avec celui des membres. On ne peut pas en dire pareil des biens.

L’immatriculation au RCS marque l’étape ultime de la formation. À ce moment, la personnalité juridique est
conférée. Toutefois, la période constitutive peut prendre fin dès lors que la société est constituée comme en phase
d’activité sans même qu’elle soit immatriculée. La société en formation dégénère alors en société de fait car les
actes ne sont plus des actes de formation mais des actes d’exploitation.

La personnalité juridique vise aussi les personnalités juridiques. La personnalité morale est attribuée à des
groupements de personne. La personnalité morale est l’aptitude à être sujet de droit (et non un objet) conférée à
une entité juridique distincte des éléments qui la compose (dirigeants, associés). Cette dernière est fondamentale
car la personnalité morale entraine l’indépendance, l’autonomie de la société, par rapport à ses membres.

 Ex : la société ne saurait être confondue avec ses associés. On a à faire avec des personnes différentes, qui
ont des patrimoines propres.
 Ex : la société ne se confond pas avec ses dirigeants, représentants. Elle ne peut agir par elle-même mais par
le biais de représentant qui ne sont pas la PM qui ne font que la représenter. Le patrimoine social ne se
confond pas avec le patrimoine du dirigeant. Cela reviendrait à un détournement de biens sociaux, ou un
abus de confiance. Il y a une distinction à faire.
 Ex : dans les groupes de société, malgré le rapport de domination, chaque membre est autonome, chaque
filiale est autonome.

De plus, l’avènement d’une authentique personne juridique, la société acquiert un intérêt propre : l’intérêt social.
L’intérêt de la société se distingue de l’intérêt individuel de chacun des associés et de l’intérêt de la majorité d’entre
eux. La poursuite de l’intérêt social est même devenue, depuis la loi PACTE du 22 mai 2019, un impératif de gestion
à la charge des dirigeants (article 1833 du Code civil). C’est à la lumière de ce concept d’intérêt social que l’on peut
constater l’existence ou non des infractions tel l’abus de biens sociaux.

La personnalité juridique morale justifie le patrimoine propre. Cela est conforme à la théorie du patrimoine. Toute
personne a un patrimoine propre. La société en tant que personnalité morale a un patrimoine propre qu’il faut
préserver contre les éventuelles atteintes de ceux qui ont le pouvoir (dirigeants ou associés). Il faut donc éviter et
s’interdire d’opérer des prélèvements indus, injustifiés sur le patrimoine de la société. Il faut préserver ce patrimoine
social. C’est aussi grâce à cette autonomie patrimoniale que les associés peuvent espérer échapper aux dettes de la
société. La société va répondre de ses engagements sur son patrimoine propre. Ce ne sont pas aux associés de
répondre des dettes de la société. Les associés sont des autres personnes avec un patrimoine propre. Chacun son
patrimoine, chacun ses dettes. Sauf, société à risque illimité, subsidiairement, les associés peuvent être amenés à
prendre en charge les dettes sociales mais c’est parce qu’un texte légal le prévoit (ex : société civile ou SNC).

→ Lire notion de personnalité juridique au travers de la théorie de la fiction et de la réalité


44 Droit des sociétés

La théorie de la fiction comporte dans la matière un élément de séduction certain car force est de constater que la
société avec une personnalité morale existe qu’à compter de l’accomplissement d’un acte. Sans ce dernier, il n’y a
pas de personnalité morale. Ce sont des sociétés mais ce ne sont pas des personnes morales. La personne est
conférée par l’acte. C’est donc la théorie de la fiction. Les sociétés ne sont pas naturellement des personnes
morales, il n’y a pas de réalité. C’est une fiction, une construction.

Autre argument : article L 526-6 du Code de commerce : création d’un patrimoine à l’activité séparé du patrimoine
personne, sans création d’une personne morale (EI et EIRL). Un EI peut constituer même une société à lui tout seul
avec une SASU ou EURL.

Les sociétés peuvent être titulaires de droits fondamentaux. Une personne morale, une fiction peut-elle bénéficier de
droits fondamentaux ? (L. Dumoulin, revue de sociétés, Dalloz, 2016, page 1, les droits de la personnalité des
personnes morales). Les personnes morales ne bénéficient pas de l’intégralité des droits fondamentaux. Mais les
magistrats ne nient pas que les droits fondamentaux puissent profiter à des êtres désincarnés. Les seuls droits
reconnus aux personnes morales sont ceux qui sont nécessaires à l’exercice de leur activité. Les sociétés n’ont pas
de capacité générale car elles ne peuvent agir que dans la limite de leur intérêt social.

Tous les droits liés à la capacité processuelle sont accordés à la personne morale. C’est le droit d’accès au juge, le
droit à un procès équitable. Elles jouissent aussi du droit à la protection du nom, de la dénomination sociale pour ne
pas qu’une personne tente d’user du même nom pour attirer de la clientèle. Elles jouissent aussi de la protection du
domicile (siège sociale), de la protection de la correspondance, pour le droit au secret des affaires, de la protection
du droit à l’image (diffamation, calomnie).

 Ex : action réparation MVMH c. Mongane Stanley (banque US). Il formulait des appréciations biaisées, la
société avait agi au titre du droit à l’image.
 Ex : propos critique publié dans un article de presse. Ces propos relevaient de la diffamation ( Cass. Com. 26
septembre 2018, n° 17-15.502) : « portait atteinte à l’honneur de la société ». Distinction atteinte qualité des
produits (concurrence déloyale) et atteinte à l’honneur.

Enfin, elle a le droit à l’indemnisation d’un préjudice moral.

Cass. Com. 15 mai 2012 (11-10.278) : les personnes morales peuvent subir un tel préjudice moral. Il s’agissait d’une
cession de part sociale entre deux sociétés. La société acheteuse invoquait le non-respect d’une clause de non
concurrence. La société venderesse faisait concurrence. Cette clause liait les parties et donc les vendeurs de faire
concurrence. Elle demandait alors réparation au titre du préjudice moral. La CA de Pau déboute jugeant qu’une
société commerciale ne pouvait pas souffrir d’un tel type de préjudice. L’affaire est portée devant la Cour de
cassation. Les sociétés commerciales ont-elles un moral ? La Cour de cassation devait déterminer si une société PM
pouvait subir un préjudice comme étant une souffrance ou une atteinte à la considération. Le dommage moral est
celui qui ne porte pas atteinte au patrimoine (définition négative très large). C’est une atteinte aux sentiments. Le
préjudice moral serait le préjudice extrapatrimonial résultant de l’atteinte à leur image, à l’image des sociétés.

Pour autant, certains droits fondamentaux sont refusés aux personnes morales. Civ. 17 mars 2016 (15-14.072) : les
propriétaires d’un immeuble avaient installé un appareil de vidéo surveillance qui donnait sur un passage commun
car il desservait l’immeuble mais également le fournil d’un fonds de commerce d’une boulangerie. Or, la société a
saisi le juge des référés pour ordonner le retrait du dispositif de vidéo. La CA retient que cela porte atteinte à la vie
privée de la société qui constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser. Qu’est-ce que la vie
privée d’une société ? la Cour de cassation casse l’arrêt car si les personnes morales disposent d’un droit au respect
de leur nom, …, seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d’une atteinte à la vie privée tel qu’il résulte
du Code civil. Il ne peut y avoir atteinte à la vie privée d’une PM. Les sociétés n’ont qu’une capacité morale limitée.
45 Droit des sociétés

De plus, la société ne peut être qualifiée d’auteur au sens du droit d’auteur car elles n’ont pas de capacités
intellectuelles créatrices. L’arrêt d’appel considérait que la société Tridim est l’auteur dès lors que leur
développement est le fruit des associés. La Cour de cassation casse l’arrêt (Cass. Civ. 1re, 15 janvier 2015, n° 13-
23.566).

La société ne dispose donc que des droits de l’homme de la personne qui sont nécessaires à l’accomplissement de sa
mission.

Section 2. L’identification des sociétés

L’immatriculation va donner naissance à une nouvelle personne morale dotée de la personnalité juridique ( Article
1842 ; L210-6 C. com). Comme les personnes physiques, les sociétés disposent d’éléments d’identification telle
qu’un nom ou un domicile. Cela leur permet d’être autonomes.

I. L’identification au rcs

A. La dénomination sociale

La dénomination sociale est le nom de la société, celui sous lequel elle se présente aux tiers et qui permet de la
distinguer. Toute société dotée de la personnalité morale doit avoir une appellation (Article 1835 code civil) et toute
société commerciale doit mentionner dans ses statuts sa raison ou sa dénomination sociale (C. commerce article
L210-2)

Le choix de cette dénomination est libre et peut être inspiré de l’activité de l’entreprise, du nom de certains
fondateurs ou associés ou encore, être de pure fantaisie, des sigles divers peuvent la composer. Toutefois, la liberté
n’est pas totale, d’une part, servant à renseigner les tiers, elle ne saurait créer chez eux une confusion et, d’autre
part, elle ne saurait utiliser des termes ou des noms contraires à l’ordre public.

Cette dénomination doit être précédée ou suivie, tantôt des sigles désignant la forme juridique de la société (SARL,
GIE…), tantôt du nom complet de sa forme social (Société en commandite, société civile, société par action
simplifiée)

B. Le siège sociale

Le siège social est le domicile des personnes morales, le lieu de leur principe établissement. Les statuts doivent le
mentionner (article 1837 cc ; L210-2 C. com). Ce siège social statutaire peut cependant ne pas correspondre au lieu
où se trouvent les organes de direction et de l’administration de la société. Dans ce cas, les tiers peuvent valoir,
selon leurs intérêts le sièges statutaires ou le siège réel (article 1837 cc)

Du siège social dépend : la nationalité, la loi applicable, le tribunal compétent, le lieu ou doivent être accomplies
les formalités légales de publicité.

La société peut en cours de vie sociale, changer de domicile. La décision doit être prise par l’ensemble des associés
et va entrainer une modification des statuts. A l’exception des SA et des SARL ou seul l’accord du conseil
d’administration suffit. Il existe au sein de l’Union Européenne une grande libéralité pour les déplacements
transfrontaliers des sièges sociaux.

C. La nationalité

En principe, en France, la société a la nationalité du pays dans lequel elle a établi son siège social (1837 cc). Le
cirètre du siège social est toutefois écarté au profit du critère du contrôle lorsque les intérêts vitaux de la France est
46 Droit des sociétés

en jeu, comme c’est le cas en temps de guerre ; dans ce cas-là, au-delà du siège social, la nationalité de la société
découlera de celles des personnes la contrôlant et la dirigeant.

S’il existe une distorsion entre le siège social statutaire et le siège social réel, il revient au juge d’écarter le critère du
siège social statutaire pour retenir celui du siège social réel. Toutefois, il ira de la sorte uniquement s’il n’a aucun
motif légitime pour que les fondateurs aient choisi de localiser leur société dans un pays autre que la France. Cette
solution permet d’appliquer la loi pénale française même pour des faits commis à l’étranger notamment en matière
d’abus de bien sociaux.

D. Caractère civil ou commercial

Même si le législateur tend à rapprocher les sociétés civiles des sociétés commerciales, il convient de connaitre la
distinction entre les deux car de nombreuses conséquences en découlent.

Selon l’article L210-1 du code du commerce, le caractère commercial d’une société se détermine par sa forme et
son objet (SCS, SARL, SA, SCA, SAS), sachant que la forme prédomine sur l’objet. Les autres groupements sociétaires
voient leur caractère déterminé à raison de leur objet : ils seront commerciaux s’ils ont un objet ou une activité
réelle d’ordre commerciale et à l’inverse, un caractère civil si leur objet ou leur activité est d’ordre civil.

Révélons que si une société civile exerce une activité commerciale, elle sera requalifiée en société créée de fait
auquel on appliquera le régime des SNC ce qui entrainera un alourdissement de la responsabilité des associés.

II. L’autonomie de la société

Les sociétés jouissent d’une véritable autonomie, tout d’abord patrimoniale et d’une autonomie d’action, ensuite.

A. L’autonomie patrimoniale

La société dispose d’un patrimoine propre qui est distinct de celui de ses associés. Les créanciers d’un associé ne
peuvent pas saisir les biens de la société. Inversement, les créanciers de la société n’ont aucun droit sur le
patrimoine des associés à l’exception des associés dont la responsabilité est indéfinie. Enfin, un dirigeant qui
utiliserait les biens sociaux à des fins personnelles se rend coupable du délit d’abus de bien sociaux.

Le patrimoine social englobe l’actif (biens et créances de la société) et le passif (dettes et obligations de la société)

Il faut différencier le patrimoine du capital social. Ce dernier est constitué par l’ensemble des apports effectués par
les associés susceptible d’une évaluation monétaire. Alors que le patrimoine social reste une notion abstraite, les
capitaux propres représentent la véritable valeur de la société.

Le capital social a en théorie plusieurs fonctions :


- Gage aux créanciers puisqu’il est égal à une valeur fixe du bilan
- Critère d’estimation financière de la société
- Clé de répartition du pouvoir dans la société

B. L’autonomie d’action : la capacité juridique

1. La capacité de jouissance

Une société est titulaire d’une capacité de jouissance au sens où elle est titulaire de DF propres qui ne se
confondent pas avec ceux des associés. Mais il y a deux limites. La société est tout d’abord soumise au principe de
spécialité légale. À la lecture de l’article 1832 du Code civil, on sait que la société est constituée en vue de réaliser
des bénéfices ou de profiter d’une économie. Sa capacité de jouissance est déjà limitée par ce cadre légal.
47 Droit des sociétés

- Ex : une société qui exerce une activité purement désintéressée sera requalifiée car ce n’est pas une société.
C’est une association.
- Ex : les actes à titre gratuit posent problème, c'est-à-dire sans aucune contrepartie. Le risque est d’exposer la
société à des sanctions pénales.

La deuxième limite réside dans le principe de spécialité statutaire. En clair, la société ne peut agir que dans la limite
de son objet tel que défini par les statuts. Si l’objet est défini largement autorisera la société à accomplir une
diversité d’actes. A contrario, un objet étroitement défini restreindra la société dans sa capacité de jouissance. Elle
devra nécessairement agir via ses représentants dans le cadre de ses activités tels que défini strictement par son
objet. Alors, si l’on veut canaliser au maximum l’action des dirigeants qui vont engager cette société, il faut peut-être
définir un objet étroitement car s’ils agissent au-delà, ils commettent des fautes engageant leur responsabilité.
L’inconvénient est qu’il faudra modifier les statuts si l’on souhaite élargir l’activité. L’objet social a donc une
incidence sur la capacité de jouissance.

2. La capacité d’exercice

Elle s’entend de la faculté d’une personne, ici morale, à exercer personnellement les droits qui lui sont reconnus.
La société n’est pas un être de chair et de sang et ne peut agir que par l’entremise de représentants. Cf. infra cours
sur les dirigeants de la société.

Section 4 : la responsabilité des sociétés

I. La responsabilité civile

Sur le plan civil, toute société peut voir sa responsabilité recherchée tant sur le terrain contractuel, pour inexécution
ou mauvaise d’un contrat dont elle est débitrice, que sur le terrain délictuel à raison des dommages causés
fautivement par son par son représentant légal agissant en qualité ou par les personnes ou les choses dont elle
assume la garde.

La responsabilité d’une société peut aussi être engagée à raison des produits défectueux qu’elle commercialise
(Article 1245 et suivants code civil) ou encore pour le préjudice environnemental.

II. La responsabilité pénale (art 121-2 code pénal)

Jusqu’en 1994, les personnes morales n’étaient pas responsables pénalement faute de pouvoir imputer une
quelconque volonté. Même si les exceptions légales se multipliaient, le principe demeurait. Le principe a été inversé
puisque l’article 121-2 du code pénal disposait que « les personnes morales, à l’exclusion de l’état, sont responsables
pénalement (…), dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises pour leur compte, par leurs
organes ou représentants ».

Autrement dit, lorsque les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis sur la tête du dirigeant, la responsabilité
pénale de la société peut être engagée. L’article 121-2 se poursuit ainsi « la responsabilité de la personne moral
n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits ». Les sociétés peuvent être
déclarées pénalement complices des agissements répréhensibles commis par leurs représentants légaux.

Plusieurs observations :
- La loi Perben II (Loi 9 mars 2004) permet de poursuivre les sociétés pour n’importe quelle infraction
- L’infraction doit être le seul fait des organes ou représentants de la société
- Si le dirigeant et la société sont poursuivis pour les mêmes faits, il faut nommer un mandataire pour
représenter la société
- Les peines d’emprisonnement sont exclus & amende 5 fois supérieur à personne physique + autres sanctions
48 Droit des sociétés

Titre 3 : La vie sociale

On va parler des organes à l’exclusion des salariés car ils sont extérieurs à la société même s’ils sont partie prenante
de l’entreprise. Cela relève du droit du travail. Pour le commissaire ou le comité social économique, leur existence
n’est pas obligatoire.

Les organes sociaux sont ceux qui incarnent la PM. Elles interviennent dans le cadre des organes sociaux (dirigeants,
conseils, …). Selon la forme sociale, il existe un nombre plus ou moins important d’organes.

Ex : SA : nombre important d’organes. Un organe ne peut empiéter sur la compétence d’un autre. Elle est complexe.
Il y a un représentant au moins (DG) qui gère et représente. Par ailleurs, il existe un organe collégial, c’est le conseil
d’administration (qui a un Président) qui prend des décisions stratégiques. Il existe une assemblée générale ordinaire
ou extraordinaire (modification des statuts). Il existe un commissaire aux comptes, …. Tel organe ne peut empiéter
sur les compétences d’un autre (article L 225-56 du Code de commerce). La jurisprudence a reconnu (arrêt Motte,
civ. 4 juin 1946) que la SA est une société aux organes hiérarchisés. L’assemblée est l’organe souverain car elle est
seule compétente pour modifier les statuts et donc le contrat de société et dotés d’attribution exclusive de sorte
qu’un organe hiérarchiquement supérieure ne peut se substituer à un organe inférieur. Il y a une séparation des
pouvoirs.

Cela est conforté par la 1ère directive communautaire (devenue celle du 14 juin 2017) harmonisant les pouvoirs des
dirigeants sociaux pour la protection des tiers dont l’article 9 dispose que « La société est engagée vis-à-vis des tiers
par les actes accomplis par ses organes, même si ces actes ne relèvent pas de l'objet social de cette société, à moins
que lesdits actes n'excèdent les pouvoirs que la loi attribue ou permet d'attribuer à ces organes ». La SA est donc plus
une institution qu’un contrat. Le législateur structure la société et laisse peu de place à la volonté des fondateurs.

Ex : SAS : elle procède d’une toute autre logique d’inspiration contractuelle souple, flexible, libérale. Elle est née en
réaction à l’ordre public sociétaire. Article L 225-7 du Code de commerce : « les statuts déterminent les conditions
dans lesquelles la société est dirigée ».

S’agissant des associés, l’article 227-9 : « Les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement
par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient ». Il y a au moins deux organes : un associé pouvant
être unique (SASU) et le représentant de la personne morale (Président). L’associé peut même être le président. La
SAS constitue aujourd'hui une société plus proche d’un contrat que d’une institution. Ce peut même être une
structure concurrente aux plus petites entreprises.

Mercedes, Volkswagen, Carrefour, Picard, Decathlon, TF1, Chanel, Yahoo, Uber France, edition Dalloz ….

Chapitre 1 : les associés

Ce sont les parties au contrat de société. Leur nombre varie en fonction du type de société. Il faut une autorisation
légale (article 1832 du Code civil) pour l’uni personnalité.

Le contrat de société est très particulier et ne correspond pas à un contrat classique. En obtenant la qualité
d’associé, ces personnes deviennent titulaires de parts ou d’actions conférant des prérogatives. Ces parts et actions
sont acquises de deux manières au moins principales. Le premier moyen est celui d’une souscription par le
versement d’argent ou de biens en contrepartie de l’émission de droits sociaux. Cela se fait au jour de la création
de la société ou en cours de vie sociale (augmentation de capital). La deuxième voie est celle de l’acquisition. C’est
généralement une vente, une cession onéreuse ou à titre gratuit (transmission successorale ou héritier).

Les droits peuvent être tenus par les héritiers en indivision. Cela pose des difficultés d’exercice. Est-ce que chaque
indivisaire détient des parts ? Une action ne peut être divisée. Il faudra trouver des systèmes car 1 action = 1 voie.
49 Droit des sociétés

Une autre difficulté peut résulter d’un démembrement du droit de propriété. L’existence d’un nu propriétaire peut
apparaitre et la problématique est différente : lequel des deux peut agir ? Est-ce un acte qui ressort du droit
d’usufruit ou de nu propriété ?

Ces droits sociaux confèrent également des engagements.

Section 1. Les obligations des associés

De façon générale, les obligations légales des associés demeurent quantitativement assez réduites. Elles ressortent
du droit commun et de l’article 1832 du Code civil qui, en définissant le contrat de société impose certaines
obligations irréductibles, inhérente à la qualité même d’associé : apport et contribution aux pertes.

Le Code de commerce n’est admis qu’à les aménager, il ne peut supprimer ces obligations. Ex : apport différé dans le
temps.

I. Les obligations principales des associés

A. La réalisation d’un apport

Sans apport, il n’est pas d’associé sauf le cas des actions attribuées gratuitement.

B. L’obligation de contribuer aux pertes

Article 1832 in fine du Code civil : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un
contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter
de l'économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.
Les associés s'engagent à contribuer aux pertes. »

Cette participation aux pertes est inscrite dans la définition même du contrat de société, lequel a un élément
aléatoire qui fait courir un risque financier à chaque associé. Le Doyen Hamel considère cela comme l’élément le
plus visible de l’affectio societatis. L’associé est positionné dans une situation risquée. Cet élément ne peut être
supprimé par une loi spéciale. Tout au plus, cette situation est-elle compensée par l’espoir de gain aléatoire et
irréductible. Ce risque distingue l’associé du salarié.

C. le respect des règles de la vie en société

Les associés s’engagent à respecter les règles de la vie sociale. Ce sont les dispositions légales et règlementaires
applicables à la forme juridique choisie. Ensuite, il y a les statuts c'est-à-dire les règles conventionnelles. Ensuite, il y
a les décisions des différents organes (dirigeant, collectivité d’associés).

D. Le devoir général de bonne foi

Ce devoir général ressort de l’article 1104 du Code civil. Les contrats doivent être exécutés de bonne foi et la société
est un contrat. Cela peut résulter aussi de l’entreprise commune de l’article 1832 du Code civil. De plus, l’intérêt
commun de l’article 1833 renvoi aussi à cela. Idem affectio societatis. La portée pratique de ces notions est assez
difficile à délimiter.

1. Un associé est-il obliger de s’intéresser aux affaires sociales, de s’impliquer ?

La jurisprudence n’a jamais considéré que l’associé est obligé de s’intéresser aux décisions. Il n’est même pas tenu
de voter. Cependant, cela est valable sauf clause contraire.
50 Droit des sociétés

Cass. Com. 14 octobre 2020 : question du désintérêt social. Une clause statutaire avait prononcé l’exclusion en cas
de désintérêt (= absence répétée).

Toutefois, si l’absence empêche l’adoption d’une décision essentielle, alors on peut engager sa responsabilité. On
est dans le cas d’un abus de minorité. C’est un acte contraire à l’intérêt de la société. Le fait de s’opposer à une
décision essentielle pour la société à des fins de protection d’un intérêt égoïste des minoritaires peut engager la
responsabilité des associés. Le revers est l’abus de majorité. Le groupe d’associé, parce qu’il est majoritaire, peut
imposer des décisions. Cela peut engager leur responsabilité lorsqu’ils prennent des décisions contraires à l’intérêt
social pour leur intérêt égoïste au détriment des intérêts minoritaires. Ex : mise en réserve systématique.

Par ailleurs, lorsqu’un associé s’intéresse de près de la société, il doit se garder de toute immixtion dans la société
sous peine d’être considéré comme un dirigeant de fait. C’est le fait de s’immiscer de manière habituelle et positive
dans la gestion de la société. Cette notion est dégagée par la jurisprudence. L’associé subira toutes les contraintes
sans avoir les avantages.

Dans l’exercice de leurs prérogatives, les associés sont tenus dans leurs actions.

2. Un associé, en tant que partie au contrat de société est-il soumis à une obligation de non-concurrence ?

Cass. Com. 15 décembre 2011 (10-15.049) : rendu à propos d’une SARL, puis pour SAS (Cass. Com. 10 septembre
2013, n°12-23.888). La jurisprudence affirme que « sauf stipulation contraire, l’associé d’une SARL n’est, en cette
qualité, tenu ni de s’abstenir d’exercer une activité concurrente … ». Un associé n’est pas tenu d’une obligation de
non-concurrence de plein droit. Cependant, une clause contraire peut prévoir une clause de non-concurrence dans
les statuts. Une telle solution ne va pas de soi aux vues des principes du contrat de société.

Pour la Cour, le contrat de société n’implique en lui-même aucune abstention de concurrence à la différence d’un
contrat de travail qui soumet automatiquement le salarié à une telle obligation. La Haute juridiction a voulu
préserver la liberté d’entreprendre en tant que liberté fondamentale. Ces deux arrêts susdits ont pris le soin
d’affirmer qu’il en va différemment en cas de clause statutaire différente.

Sauf le cas : apport en industrie et apport en fonds de commerce et associé qui a une autre qualité (dirigeant et
salarié). C’est en cette autre qualité qu’il existe une obligation. La situation est diamétralement opposée pour le
dirigeant qui lui est, à raison de sa qualité, tenu de plein droit d’une obligation de loyauté lui interdisant de tenir des
actes de concurrence. Il ne peut à la fois gérer l’intérêt social (article 1833 du Code civil) en lui faisant concurrence.
La question est rattachée au devoir de loyauté des dirigeants. Depuis 1996, c’est un devoir en expansion (arrêt
Vilgrain, com. 27 février 1996) notamment envers les associés.

Une clause de non concurrence peut être introduite dans les statuts dès leur origine (lie tous les associés) ou en
cours de vie sociale (tous les associés sont-ils tenus ?). il est prohibé l’augmentation des associé. Arrêt Chazalon, 26
mars 1996 : la Cour de cassation a vu dans l’introduction d’une clause de non concurrence en cours de vie sociale
une augmentation de l’engagement des associés. Or, l’article 1836 al 2 du Code civil dispose qu’il est possible
d’augmenter les engagements de l’associé seulement s’il y a accepté. C’est donc la règle de l’unanimité. Il faut que
tous aient consenti à une telle augmentation.

Une clause de non-concurrence peut également être insérée dans un pacte d’associés extra statutaire. Ce pacte ne
lie que les seuls signataires du pacte à la manière d’une convention (≠ statut qui lie tous les associés).

Enfin, la clause peut être insérée dans un autre document, lorsqu’un associé cède ses parts. L’acquéreur va souvent
demander à l’acheteur de ne pas concurrencer. C’est donc dans un acte de cession. Cela est très fréquent.
51 Droit des sociétés

Ces stipulations de non concurrence doivent être conformes au régime des clauses de non-concurrence de droit
commun. Les tribunaux veillent à ce que la liberté de l’associé ne soit pas trop exagérément limité. Il y a donc des
conditions de validité :

- Limitée dans le temps et dans l’espace ;


- Proportionnelle aux risques concurrentiels c'est-à-dire aux intérêts en jeux : créancier (protection contre
risque de concurrence dans limite stricte et intérêt légitime) et débiteur (liberté d’entreprendre pas trop
exagérément atteinte). Il fait un équilibre des intérêts en présence ;
- Une contrepartie financière est-elle exigée ?

Par trois arrêts fondamentaux du 10 juillet 2002, la chambre sociale de la Cour de cassation a imposé l’exigence
d’une contrepartie financière comme condition de validité d’une clause de non-concurrence engageant un salarié.
La Cour a suivi de nombreuses législations européennes.

En droit des sociétés, la chambre commerciale se refuse d’étendre à l’associé une condition posée à l’endroit du
salarié maintenant ainsi l’autonomie du droit commercial. Ce n’est que si l’associé cumule la qualité de salarié
qu’éventuellement, il pourra prétendre à une contrepartie financière mais au titre de sa qualité de salarié. D’un
point de vue chronologique, il a même été précisé qu’en cas de cumule, l’existence d’une contrepartie financière
lorsque, à la date de l’engagement de non concurrence, l’associé débiteur n’a pas encore cumulé la qualité de salarié
de la société. Si la première qualité est salarié chronologique alors il peut prétendre à une contrepartie (com. 8
octobre 2013, 12-25.984). La contrepartie assure la protection des salariés car leur capacité effective de la
contrepartie est limitée en pratique. Le salarié est présumé dénué de toute capacité de marchander (lien de
subordination). Une telle bienveillance ne se retrouve pas à l’égard d’un associé lequel est présumé mieux amène de
négocier.

3. Le remboursement des comptes courant d’associé (CCA)

C’est le remboursement des sommes déposées sur ces comptes. Un CCA est un compte ouvert par la société, au
nom de l’associé et sur lequel sont inscrites et déposés des sommes. Ces sommes peuvent provenir des dividendes
perçus par un associé. Ce sont des avances. C’est un financement interne intéressant par les membres eux-mêmes.

En général, les avances sont consenties sans indication de durée. C’est libre. Leur restitution est alors exigible à tout
moment (droit commun des contrats à durée indéterminée). Une demande de remboursement fragilise la gestion.
Cela peut même compromettre l’avenir de la société. Une originalité de ce CCA réside dans la particularité du statut
de son titulaire. Celui-ci réunit sur sa tête deux statuts différents, antagonistes. En effet, par l’avance qu’il consent,
l’associé ajoute une autre qualité : celle de prêteur et donc de créancier. Ces deux qualités doivent être distinguées.

Pour autant, la Cour de cassation a posé un principe clair : le principe est celui du remboursement immédiat à tout
moment sur simple demande de l’associé prêteur. Tant pis si la demande est contraire à l’intérêt de la société
(intérêt social). Son statut de prêteur permet cela. C’est un principe d’indépendance des qualités d’associé et de
prêteur. Ce principe devrait alors interdire d’accorder la primauté à l’une ou à l’autre qualité dans la mesure où
chacune tire son existence de rapports juridiques distincts (lien sociétaire ≠ lien lié au prêt).

En pratique, ce droit d’obtenir le remboursement immédiat, on a cherché une façon de bloquer les sommes. Il est
possible de trouver dans des conventions des clauses de blocage. Cependant, par une décision collective de
l’assemblée des associés, est-il possible de voter un blocage ? Cass. Com. 24 juin 1997 Gamm c. M. Gambet : il a
fondé son action sur le principe de l’intangibilité. La Cour y a vu en effet dans cette décision une augmentation des
associés (article 1836). Cette décision suppose alors l’accord unanime des associés. Cette décision est contestable
car ce n’est pas un engagement de d’associé mais de prêteur. La Cour cherche donc à protéger au mieux la situation
des associés qui ouvre des CCA. Cette décision permet de maintenir ce mode de financement. Il faut alors faire des
avances.
52 Droit des sociétés

E. la responsabilité personnelle des associés

En droit des sociétés, il y a la théorie de l’organe social. La responsabilité personnelle des sociétés est difficile à
mettre en œuvre. Ce n’est pas Monsieur Dupont qui prend la décision mais la société. La décision prise par cet
organe est juridiquement considérée comme une décision de la PM. Dès lors, individuellement, l’associé se trouve
protéger par cette théorie. Il est aussi protégé que le dirigeant.

Cependant, l’analyse de la jurisprudence révèle que dans certaines circonstances, un associé peut
exceptionnellement engager sa responsabilité personnelle pour faute. On retrouve ce risque de responsabilité
personnelle dans les deux rapports (ordre interne et ordre externe).

1. Dans l’ordre interne : entre associé ou avec le dirigeant ou vis-à-vis de la société

La jurisprudence montre qu’il peut être recouru au critère habituel de la théorie de l’abus de droit. Un associé peut
alors voir sa responsabilité engagée s’il a commis un abus.

Ex : révocation d’un dirigeant animé par une intention vexatoire et contraire à l’intérêt social. Cass. Com. TD

Ce peut être également en cas d’abus de majorité en cas de décision contraire l’intérêt social dans l’unique dessein
de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité. Cela est la même chose en cas d’abus de
minorité (cas de nécessité où il y a besoin d’un nombre minimal de voix → décision extraordinaire. Ex : modifié les
statuts). S’il bloque une décision essentielle alors cela est constitutif d’un abus de minorité et dans l’unique dessein
de préservé les desseins égoïstes des minoritaires.

En l’absence d’intérêt de nuire, la faute personnelle n’est pas établie.

2. Dans l’ordre externe (vis-à-vis des tiers)

Cass. Com. 18 février 2014, 12-29.752 : la Cour a admis pour un ou plusieurs associés d’engager leur responsabilité
personnelle quoi qu’il y ait une personne morale qui fait écran si l’associé se comporte d’une certaine façon.
Aujourd'hui, seul est de nature à engager la responsabilité personnelle envers un tiers « une faute intentionnelle
d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normale des prérogatives attachées à la qualité d’associé ».
L’appréciation relève des juges du fonds. Aux vues des 3 conditions strictes, les associés bénéficient d’une protection
forte voire d’une relative immunité. Cet arrêt reprend exactement les propos dégagés pour la responsabilité du
dirigeant.

La preuve d’une faute détachable des fonctions de dirigeant/d’un comportement normal d’associé, doit être
démontrée. C’est une condition de mise en œuvre de la responsabilité personnelle. C’est donc que dans des cas
exceptionnels que cela peut être démontré.

Dans l’espèce de cet arrêt de 2014, la Haute juridiction a refusé qu’un associé majoritaire avait commis une faute
(refus de voter la rupture un contrat d’enseigne).

Par ailleurs, des incertitudes demeurent aujourd'hui :

- Cette théorie ne vaut qu’à l’égard des tiers contractants de la société. Qui est-ce tiers contractant ?
- Quid du tiers pas contractuellement lié à la société ? ex : le concurrent
- Quelles sont les prérogatives attachées à la qualité d’associé ? celles qui résultent des statuts ? d’un pacte
d’associé ? c'est-à-dire d’un accord extra statutaire.

C’est donc une jurisprudence en construction.


53 Droit des sociétés

II. Le principe d’intangibilité des engagements des associés

Dans toute société, quelle qu’elle soit, la situation des sociétés est protégée par un principe général du droit des
sociétés. C’est le principe d’intangibilité qui interdit d’augmenter les engagements initiaux sans que chacun y ait
individuellement consenti. Ce principe résulte de l’article 1836 al 2 du Code civil. Il a été spécialement repris dans
les textes de la SARL (article L 223-30 du Code de commerce) pour les sociétés anonymes (article L 225-96).

Ce principe fait échos au principe de la force obligatoire du droit des contrats. Un associé ne peut être engagé au-
delà de ce qu’il a accepté. Dès lors, la vie d’une société est d’une multitude d’aléas. Il est parfaitement
compréhensible que le législateur ait eu la volonté de poser ce principe général.

Ce principe empêche néanmoins d’adapter, en cours de vie sociale, le pacte de société dès lors que la modification
projetée a une telle incidence sur la situation. Il est à craindre que les stipulations statutaires soient irréversibles face
à l’opposition d’un associé.

Ce n’est pas le vote de la mise en œuvre d’une clause statutaire. Ex : il est prévu dans les statuts qu’en cas de
difficultés financières que les associés libèreront des nouveaux apports sur simple appel des dirigeants (clause
d’appel des fonds). Si elle est mise en œuvre, les dirigeants autorisés à accepter cela.

Pour autant, ce principe d’interdiction n’empêche pas les associés qui sont d’accord de souscrire d’autres
engagements mais cela ne pourra se faire via une modification des statuts mais par un pacte d’associés qui ne lient
que les seuls signataires.

Enfin, le principe ne signifie pas que des décisions qui emporteraient augmentation sont interdites. Elles peuvent
être adoptées mais avec consentement unanime.

Quelles décisions ont un tel effet ? La Cour de cassation a longtemps adopté une condition restrictive en considérant
que la notion s’entend d’une aggravation de la dette contractée par les associés envers la société ou les tiers. Une
aggravation de la dette est par ex une mesure imposant à effectuer des apports supplémentaires, ou encore une
augmentation de capital.

En outre, la jurisprudence distinguait l’augmentation des engagements et la diminution des droits. Ex : une clause
d’exclusion d’un associé est un engagement nouveau c'est-à-dire l’obligation de partir ou diminution d’un droit
fondamental, celui de rester.

Depuis Cass. Com. 26 mars 1996 Chazalon, il est allé élargir la notion d’augmentation d’engagement. Il s’agissait de
l’insertion dans les statuts en cours de vie sociale d’une clause de non concurrence qui s’imposerait aux associés au
moment de leur départ. Il ne s’agissait pas d’une aggravation de la notion pécuniaire. Ce n’est pas une dette ou une
obligation d’engagement. C’est plus une atteinte à un droit. La Cour de cassation a considéré qu’il s’agissait d’une
augmentation d’un associé.

De même, Cass. Com. 24 juin 1997 Gamm c. Gonbet porte aussi sur une notion large de la diminution du droit de
réclamer la restitution des fonds. C’est la diminution du droit fondamental d’obtenir le remboursement des
comptes. Face à cela, un auteur est venu proposer un nouveau critère fondé sur l’apparition d’une obligation
nouvelle qui ne résulte pas du contrat de société d’origine, qu’il s’agisse d’une obligation de faire (rester dans la
société), de ne pas faire (concurrence), de donner (apports), dans tous ces cas, dès lors que l’obligation en cause ne
figurait pas dans les statuts, la jurisprudence a pris le choix de les considérer comme une augmentation des
engagements initiaux.

Quelle est la sanction ? Ce peut être l’inopposabilité de l’engagement qui n’a pas consenti. La deuxième est
l’anéantissement de la décision elle-même ?
54 Droit des sociétés

Cass. Com. 13 novembre 2003, n°00-20.646 : cet arrêt a indiqué que « l’article 1836 al 2 du Code civil est une
disposition d’ordre public, sanctionné par une nullité absolue ». Ce texte est très clair. La sanction est radicale pour
peu qu’un seul n’ait pas voté. L’opposition d’un seul, l’absence d’un seul suffit à prononcer la nullité du projet. La
nullité peut être réclamée par tous : l’associé qui a refusé ou même celui qui a accepté. Cet arrêt consent à préserver
les statuts et le consentement des associés.

III. L’exclusion d’un associé

La loi est muette sur ces questions. La jurisprudence est alors venue répondre à la question de savoir s’il est possible
ou non d’exclure un associé.

Principe : impossibilité d’exclusion d’un associé (Cass. Com. 12 mars 1996, Nollet). Cependant, ce principe est
supplétif de volonté. Il signifie seulement que, en l’absence de dispositions légales ou statutaires, ni les associés, ni
le juge ne peuvent prononcer l’exclusion d’un associé.

La jurisprudence actuelle considère que le juge ne peut décider du rachat forcé des droits sociaux d’un associé.
L’atteinte portée au droit de propriété serait trop importante. Arrêt Nollet com. 12 mars 1996 a consacré cette
solution d’autant que l’associé demandait le droit de demander la dissolution de la société pour juste motif (article
1844-7 5°).

Clause d’exclusion :

- Admise explicitement par Cass. Com. 8 mars 2005


- Doit contenir les événements, raisons entrainant l’application d’une telle clause, l’organe compétant, les
modalités d’exclusion et de rachat. Attention, une clause d’exclusion ne doit pas être générale.

Section 2. Les droits des associés

La vocation générale du Code civil confère à l’associé, quel que soit la forme sociale en cause, quelques prérogatives
tenues comme inséparable de cette qualité. Il existe par ex un droit fondamental de rester associé.

Il s’agit d’abord des droits financiers, pécuniers. Ils peuvent être considérés comme les plus importants car ils sont la
raison d’être de la création d’une société. On ne crée pas une société afin d’avoir un droit de vote mais en vue de
retirer un enrichissement collectif et individuel.

Par ailleurs, les associés bénéficient de droit non pécuniers, des droits irréversibles que les statuts ne peuvent
éteindre. Ce sont les droits politiques. Le droit de vote revêt une valeur particulière car il est l’instrument privilégié
de l’expression de l’opinion des associés. Il est le moyen de mise en œuvre d’une politique. Malgré son importance, il
ne saurait éclipser d’autres prérogatives, en amont (droit d’information) et en aval (droit de critique) du droit de
vote, exerçant un contrôle. Ces droits extra pécuniers sont destinés à contrebalancer l’obligation de participer aux
pertes.

Enfin, les associés bénéficient de droits patrimoniaux en tant que propriétaires des parts sociales ou actions. Ils
peuvent alors songer à réaliser des opérations sur ces biens. Ce peut être un apport en société, une cession, une
donation, ….

I. Le droit aux bénéfices

Cf. supra partage des résultats, des réserves, du boni de liquidation. Ce droit n’est pas absolu. Il n’existe qu’en cas de
bénéfices constatés et aux termes d’une décision de mise en distribution des bénéfices. C’est à ce moment que
nait la créance des associés. Interdiction des clauses léonines.
55 Droit des sociétés

II. Le droit de participer aux décisions collectives

C’est une prérogative importante qui bénéficie d’une protection stricte de la Cour de cassation.

Article 1844 du Code civil : « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.
Les copropriétaires d'une part sociale indivise sont représentés par un mandataire unique, choisi parmi les
indivisaires ou en dehors d'eux. En cas de désaccord, le mandataire sera désigné en justice à la demande du plus
diligent.
Si une part est grevée d'un usufruit, le nu-propriétaire et l'usufruitier ont le droit de participer aux décisions
collectives. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l'affectation des
bénéfices, où il est réservé à l'usufruitier. Toutefois, pour les autres décisions, le nu-propriétaire et l'usufruitier
peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l'usufruitier.
Les statuts peuvent déroger aux dispositions du deuxième alinéa et de la seconde phrase du troisième alinéa. ».

Le sens exact de cette expression prête à la discussion. Englobe-t-il celui de voter ? Quel que soit l’analyse ce droit
laisse entendre que tout associé est par principe doté d’un droit d’ingérence dans les affaires sociales, dans
l’entreprise commune. C’est le droit d’intervention dans les affaires sociales (Alain Bouvier). Les associés sont des
participants actifs engageant la société. Les statuts ne sauraient déroger à cette règle d’ordre public.

Le droit de participer constitue-t-il un droit autonome distinct du droit de vote ? Des arrêts ont lié ces droits pour en
faire un même aspect d’un droit politique.

Cass. Com. 9 février 1999 Château d’Yquem : la Cour de cassation a énoncé un principe selon lequel « tout associé a
le droit de participé, de voter, et les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions ». Les deux droits ne se
différencient pas.

Ce lien indissociable a été conforté par Com. 23 octobre 2007, Art et entreprises : cet arrêt remet en cause la liberté
caractérisant une SAS. Il s’agissait d’une clause d’exclusion d’un associé. Pour la mettre en œuvre avait stipulé que
l’intéressé ne prendra pas part au vote. Il affirme que « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives
et de voter et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi ; que si, aux
termes du second, les statuts d'une société par actions simplifiée peuvent, dans les conditions qu'ils déterminent,
prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions, ce texte n'autorise pas les statuts, lorsqu'ils subordonnent
cette mesure à une décision collective des associés, à priver l'associé dont l'exclusion est proposée de son droit de
participer à cette décision et de voter sur la proposition ». Un associé ne peut être privé de l’exercice de son droit
de vote.

Dans le même temps, au rebours de ces positions de principe, d’autres arrêts ont établi une dissociation et ont
séparé ces prérogatives accréditant ainsi l’idée qu’elles n’ont pas un contenu identique, qu’elles ne sont pas les
mêmes facettes d’un droit, qu’elles n’ont pas les mêmes titulaires. Cette distinction s’est affirmée dans un contexte
spécifique en ce que l’exercice des droits politiques est confrontée à l’usufruit et à l’indivision. Cela perturbe le
schéma classique où celui qui participe est celui qui vote.

Dans le cas d’un usufruit portant sur des parts ou des actions, le nu propriétaire et l’usufruitier se voient
reconnaitre par les al 3 et 4 le droit de participer aux décisions collectives (depuis L Soilihi, 19 juillet 2019) mais
l’un d’eux aura le droit de vote car on a affaire à un démembrement de droit sociaux. Le droit de vote appartient au
nu propriétaire sauf pour l’affectation du partage des bénéfices, relevant du bénéfice. Cependant, le nu propriétaire
peut confier l’exercice de son droit à son usufruitier par un accord. Il faut donc distinguer le droit de participer du
droit de vote.

Quant à l’indivision, la solution est peu différente. Tous les indivisaires ont la qualité d’associé car ils sont titulaires
de parts ou d’actions. Ils tiennent de cette qualité d’associé le droit de participer mais tous ne pourront pas voter.
56 Droit des sociétés

Le droit de vote est donc distinct. Les indivisaires devront s’entendre sur la désignation d’un mandataire chargé
d’exprimer leur volonté commune. Ce peut être un mandataire choisi parmi les indivisaires ou un tiers. En cas de
non entente, ce sera le juge qui le désignera.

Le droit de vote est donc distinct du droit de participer et c’est-ce dernier qui apparait comme fondamental.

En pratique, on rencontre beaucoup de répartition radicale en confiant tout le droit de vote à l’usufruitier alors
même qu’il n’est pas associé. Le droit de participer a donc un contenu différent. Le législateur s’est abstenu d’en
affirmer les contours. C’est le droit de poser des questions, le droit de poser des points à l’ordre du jour, ….

Lorsqu’il n’y a pas démembrement alors le droit de vote est fondamental au même titre que le droit de participer.

III. Le droit de vote

Parmi les prérogatives les plus importantes figure le droit de vote. Il permet de définir une politique à mettre en
œuvre dans la société et donc de concourir au gouvernement de la société. C’est parce qu’il constitue une
prérogative que la jurisprudence en a consacré le caractère essentiel.

A. Principes

Tout d’abord, le principe premier est que tout actionnaire jouit du droit de participer aux décisions collectives et
donc de voter (Cass. Com. 9 février 1999, Château d’Yquem). Les statuts ne peuvent y déroger que dans les cas
prévus par la loi (Cass. Com. 23 octobre 2007, Art et entreprises). Cette dernière décision portait alors même sur
une clause d’exclusion dans une SAS c'est-à-dire une entreprise fondée sur la liberté statutaire. Il y a une volonté de
la Haute juridiction d’ériger en une limite la liberté statutaire et de privilégier une conception classique du droit de
vote. Notre arrêt participe à l’affirmation du caractère individuel et irréductible. Tout associé a le droit de vote et il
ne peut être supprimé que par la loi.

Le droit de vote est un attribue essentiel de l’actionnaire (SA en l’espèce). Cass. Com. 7 avril 1932, Kopr : la Cour
affirme que « le droit de vote aux assemblées générales, étant un attribue essentiel de l’action, ne saurait en aucun
cas être supprimé et est nul comme entrainant suppression du droit de vote ». L’arrêt art et entreprise fait écho à cet
arrêt.

Il faut établir un lien entre le droit de vote et le droit aux bénéfices et l’obligation de contribuer aux pertes. On ne
saurait priver un associé de participer aux résultats, on ne saurait dépouiller un associé de tout droit de vote. « C’est
en effet parce qu’il supporte les conséquences pécuniaires de la gestion que l’associé doit être en mesure de
participer à sa définition en votant. C’est-ce qui fait dire que le droit de vote s’apparente à un droit-fonction c'est-à-
dire exercé dans l’intérêt de la société ».

Dans ces conditions, seul le législateur est habilité à prévoir des dérogations à ce droit de participer et de voter.
Cette analyse est l’application de l’article 1844 al 4 du Code civil.

La question est alors d’identifier les cas dans lesquels il existe une suppression légale. Il en existe 3 séries :

- Ponctuellement : pour éviter par exemple des conflits d’intérêt sur une question qui l’intéresse. Ex :
évaluation de l’apport en nature.
- Suspension : Ex : dans les sociétés côtés, l’objectif fondamental est la transparence et donc de savoir
combien chaque actionnaire détient de titre. Chaque actionnaire doit dire combien il détient. S’il tombe sous
les seuils légaux ou au-dessus, il faut le signaler. Un associé qui ne déclare pas le franchissement de certains
seuils, il voit le droit de vote attaché, supprimé. On ne lui autorise pas le droit de vote dépassant cette
fraction(233-14 al 3). Ex : actions non libérées aux échéances exigibles (229-28)/ augmentation de capital si
violation des règles.
57 Droit des sociétés

- Nature du titre : c’est la nature des actions. Cela ne vise que les sociétés par action. Il est possible, depuis
Ordonnance 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières, de prévoir d’émettre des
actions de préférence avec ou sans droit de vote. Le droit de vote peut être suspendu ou supprimé. Elles
confèrent une préférence que les autres titres n’ont pas. Les préférences peuvent être multiples. ( L 228-11)
La préférence peut être d’ordre financière (plus de dividendes). On peut détenir des titres sans droit de vote,
sans pouvoir.

Avec ce régime, le droit de vote n’est plus un attribue essentiel de l’action car il existe des actions sans droit de vote.
La notion d’actionnaire est élargie. Le droit de vote n’est pas le droit essentiel mais c’est celui d’intervenir dans les
affaires sociales par d’autres moyens (désignation administrateur provisoire, responsabilité, dissolution, …). En
outre, il est consacré une évolution libérale, contractuelle, y compris dans la société la plus rigide, à savoir la SA. On
peut être assorti de droits particuliers de toute nature. Il y a une diversification des actionnaires. Cela permet de
lutter contre le succès de la SAS et de permettre à la SA de bénéficier d’une flexibilité.

B. Forme et condition de droit de vote

1. Sociétés par actions et SARL

Les sociétés par actions et la SARL se distinguent des sociétés de personnes. Dans les premières, le droit de vote est
attaché aux parts et aux actions. Il en résulte qu’un associé de SARL dispose d’autant de voix que de titre. C’est-ce
que l’on nomme le principe de proportionnalité du droit de vote, à la quotité, à la fraction de capital détenu (L 225-
122 SA et L 223-28 SARL).

Cependant, des dérogations existent à ce principe. Dans les sociétés non cotées, un mécanisme de récompense des
actionnaires fidèles existe dans les sociétés anonymes non cotées. Une action peut valoir 2 voix (L 225-123). Dans les
sociétés non cotées avec SAS, il également possible depuis la loi PACTE d’émettre des actions de préférences
assorties d’un droit de vote multiple. Ex : une action = 10 voix.

En revanche, dans les sociétés cotées il demeure impossible de créer des actions à droit de vote multiple. En effet,
l’article 228-11 vient poser une limite. Il prévoit que « Lors de la constitution de la société ou au cours de son
existence, il peut être créé des actions de préférence, avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de
toute nature, à titre temporaire ou permanent. Ces droits sont définis par les statuts et, pour les sociétés dont les
actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, dans
le respect des articles L. 225-122 à L. 225-125. ».

Art L 225-122 : principe de proportionnalité


Principe 1 action = 1 voix au moins
Principe attribution éventuelle droit de vote double : art L 125-123
Principe plafonnement éventuel par les statuts du nombre de voix que chaque actionnaire dispose
→ clause de plafonnement pour éviter les renversements de majorité.

Dans le respect de ces principes, il est possible de créer des actions de préférence. C’est une limite à la liberté
d’aménager des droits particuliers de toute nature.

Pour les droits de vote double (1 action = 2 voix). Il est désormais de droit, dans les sociétés cotées, une telle faculté
de droit de vote double depuis une loi du 29 mars 2014 (L Florange). Il est donc automatique. C’est une manière de
favoriser la stabilité de l’actionnariat des sociétés cotées et d’inviter les investisseurs à la fidélité. Article 225-123 du
Code de commerce. Les statuts peuvent toutefois en disposer autrement.

Cette loi n’est pas banale car elle a renversé le principe selon lequel le droit de vote double n’est pas automatique
mais qu’aux actions inscrites depuis deux ans dans les registres de transferts de titre, mais que dans les sociétés
58 Droit des sociétés

cotées. Cependant, les statuts peuvent écarter cette perspective d’un droit de vote double. Aujourd'hui, c’est
l’inverse car le droit de vote double est automatique même si les titres ne sont pas inscrits depuis deux ans.

Cette réforme a été critiquée. Certains auteurs ont critiqué cette réforme car à l’origine le dispositif était volontaire,
il fallait que l’assemblée décide de l’attribution d’un droit de vote double. Aujourd'hui, il a disparu car ce droit est
attribué de plein droit. La réforme supprime l’aspect volontaire du dispositif.

2. Société à risque illimité

La situation risquée rejaillie-t-elle sur les dispositions du droit de vote ? Le principe est ici le suivant : quel que soit le
pourcentage des actions, le principe est celui d’un vote par tête. Ce n’est pas une part sociale = 1 voix, c’est 1
associé = 1 voix. C’est un principe d’égalité politique, sous réserve de stipulation contraire. Dans ces sociétés, il est
malgré tout possible de prévoir des majorités calculées autrement.

Article 221-6 du Code de commerce (SNC) : responsabilité illimitée et solidaire (possibilité paiement dette pour 1
seule personne puis peut se retourner vers les autres). Toutes les décisions se prennent à l’unanimité. Cependant,
les statuts peuvent prévoir que les décisions sont prises à une majorité qu’ils fixent. Certains pensent que ce soit
calculé en majorité de parts sociales.

Quid des sociétés civiles ? C’est pareil, c’est le principe d’unanimité. Ce principe est strict car si une seule personne
refuse alors la décision ne serait pas adoptée. Chaque associé possède en fait une sorte de droit de véto. Le tout est
valable sauf clause contraire des statuts (article 1852 du Code civil).

C. Les modalités du droit de vote

Les décisions d’associés sont généralement prises de deux manières :

- Les décisions prises par voie d’assemblée générale, et ce quel que soit la société en cause. Dans les sociétés
par actions, les assemblées peuvent se tenir par voies de technologies si les statuts le prévoient (article L
225-107 SA). Il n’y a pas d’autres possibilités dans les SA. Pour la SAS, ce sera selon les prévisions statutaires.
On parle alors de collectivité d’associés qui vise la communauté des associés ;
- Par voie de consultation écrite si les statuts le prévoient. Cette modalité ne vaut que dans les sociétés autres
que la SA. Cela est prévu dans les textes relatifs à la SARL ( article L 223-27), SNC (article L 221-6), sociétés
civiles (article 1853 du Code civil).

Pour les sociétés unipersonnelles, il est prévu pour l’EURL, la SASU, un registre des décisions sur lequel l’associé
unique mentionnera les décisions qu’il a pris. Il respecte alors l’autonomie de la personne morale. Un formalisme est
donc à respecter.

S’agissant des règles de convocations pour une assemblée générale, il y a plein de règles :

- SA : articles L 225-103 à L 225-108 du Code de commerce qui détaillent cela


- SARL : L 223-27 du Code de commerce
- SAS : liberté

Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives (article 1844 du Code civil). Deux points intéressent
toutes les sociétés :

1. Le problème du défaut de convocation d’un associé

La nullité des décisions sociales est-elle encourue ? Afin de maintenir une certaine sécurité juridique, et d’éviter la
nullité de l’assemblée et donc de toutes les décisions prises par elle, certains juges du fond ont défendu la théorie du
vote utile. Lorsqu’un associé détient un nombre de voix peu significatif, il ne pèse que peu politiquement. Si ce
59 Droit des sociétés

dernier n’est pas convoqué, l’atteinte portée à son droit de vote et de participer ne doit pas entrainer l’annulation
des délibérations votées dès lors que la majorité et le corum étaient respectés.

C’est une approche mathématique qui consiste à observer la délibération et à voir si, déduction faite des voix de
l’associé, la décision aurait quand même été adoptée.

CA Paris, 27 mars 2001, SA éditions du témoignage chrétien, Bulletin Joli des sociétés, 2002, le Nabasque,
Lextenso, p. 89 : contexte de succession. L’un des héritiers devenus associé n’a pas été régulièrement convoqué et
avait poursuivi l’annulation de l’assemblée mais sans succès car le nombre d’action détenu par l’indivision
successorale était insuffisant pour que cet associé indivisaire puisse bloquer l’adoption des décisions. Cette idée est
fermement rejetée par la Cour de cassation. La Haute juridiction écarte en effet avec vigueur la théorie du vote
utile.

Cass. Civ. 3e, 21 octobre 1998, n° 96-16.737, arrêt Angeli : Il s’agissait en l’occurrence d’un autre contexte. Arrêt
rendu à propos d’une société civile au visa de l’article 1844, texte de droit commun. « Attendu que, pour rejeter la
demande d'annulation des décisions prises par l'assemblée générale consécutive à l'annulation des cessions de parts,
l'arrêt retient que les associés, régulièrement convoqués aux assemblées générales, ne peuvent se prévaloir de
l'absence de convocation d'autres associés dans la mesure où les décisions prises leur feraient grief et que le non-
respect du formalisme prévu par les statuts pour la convocation des associés aux assemblées générales ne peut
entraîner la nullité des décisions de celles-ci que si l'absence des associés a eu une incidence sur les décisions prises.
Qu'en statuant ainsi, alors que tout associé peut se prévaloir de l'absence de convocation d'un associé à l'assemblée
générale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Dans cet arrêt la 3e chambre civile affirme le principe selon lequel le défaut de convocation est une cause de nullité
des décisions prises. Visa articles 1844 (participation) et 1844-10 (nullité) du Code civil. Article 1844-10 al 3 du
Code civil dispose que « La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la
violation d'une disposition impérative du présent titre, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833, ou de l'une
des causes de nullité des contrats en général ».

Cette décision vaut même si l’absence d’un associé n’aurait eu aucune incidence sur la décision prise. La solution
n’est plus critiquée aujourd'hui en raison du caractère délibérant de l’assemblée, l’associé absent aurait néanmoins
pu intervenir aux débats et qui sait, convaincre les autres associés.

Par ailleurs, dans les sociétés anonymes, la sanction pénale de l’article L 242-6 4° du Code de commerce vient punir
« l’usage abusif des pouvoirs du Président du Conseil d’administration, d’un administrateur ou d’un DG ». C’est le
Président du conseil qui convoque les associés. S’il s’abstient de convoquer, il engage sa responsabilité pénale.

2. L’assemblée peut être annulée s’il siège des personnes qui ne sont pas associés ?

Cass. 3e, civ. 8 juillet 2015, 13-27.248, arrêt SCI du musée c. Monsieur Henry : cet arrêt affirme que l’assemblée
générale d’une société civile est nulle parce qu’elle a eu lieu en présence d’héritier d’un associé décédé qui ont pris
part aux décisions collectives sans avoir au préalablement été agréé en qualité d’associé dans les dispositions
prévues par les statuts. Visa : article 1844 du Code civil donc la solution vaut à l’égard de toutes les formes de
sociétés.

En cas de décès, ces héritiers ne deviennent pas automatiquement associés. Parfois, l’intuitu personae d’une société
est si fort qu’une procédure d’agrément vient filtrer les héritiers pour continuer avec tous, ne continuer qu’avec
aucun ou quelques-uns. La qualité d’héritier ne confère pas de plein droit la qualité d’associé. Cet agrément ne
saurait non plus être tacite, implicite.
60 Droit des sociétés

Il se trouve alors établi un lien indéfectible entre le droit de participer et la qualité d’associé. Les suites de cette
corrélation sont considérables car on savait de longue date que tout associé a le droit de participer aux décisions
mais depuis cet arrêt, on sait que seul un associé est admis à participer et voter aux associés.

Ces deux arrêts sont remarquables car ils permettent à la Cour de cassation de poursuivre son œuvre
d’interprétation de l’article 1844 du Code civil qui est, en soi, très confus. La non-participation d’associé comme la
participation de non associés sont traités de la même manière à savoir par la possibilité d’une annulation de
l’assemblée et donc des délibérations prises par elle. C’est donc une conception rigoureuse de la Cour de cassation.
L’idée est que quand les personnes sont présentes ils peuvent influencer et quand ils sont absents, ils ne peuvent
pas.

Pour autant, il ressort que la solution consacrée par cette arrêt SCI du musée n’est pas exemptes de certaines
ambiguïtés, est-il si sûr que seuls les associés ont le droit de participer aux décisions collectives ? En effet, toute sorte
de personnes qui n’ont pas cette qualité peuvent assister voire prendre part aux débats. Par exemple, les dirigeants
peuvent prendre part aux décisions. C’est également le cas de l’usufruitier (Loi Souhalii). C’est également le cas des
indivisaires qui doivent élire un représentant (article 1844 al 2 ou 3 du Code civil), celui-ci peut être extérieur. Si la
loi a émis des obligations à certaines personnes, les représentants de la masse des obligataires peuvent participer
aux décisions sans voter. Ce peut être également les commissaires aux comptes, les membres du CSE. L’arrêt de
2014 souffre donc de nombreuses exceptions. Toutefois, il faut de nouveau distinguer le droit de participer et le
droit de vote.

IV. Le droit de céder les parts sociales ou actions

Droits sociaux = parts sociales ou actions.

A. La cession des actions

Il vient à l’idée que ce terme peut renvoyer à la vente. La vente qui porte sur un bien incorporel est souvent qualifié
de cession (ex : cession de fonds de commerce). Ce peut également renvoyer à tout transfert de propriété (apport en
société, donation). Le terme cession est synonyme de vente dans le propos à venir.

La cession des parts ou actions est un droit fondamental au sens inhérent à la qualité d’associé. Il intègre la
panoplie des droits sociaux. Il est également lié à la propriété des parts ou des actions. À cet égard, les parts ou
actions font partie du patrimoine de l’associé et non pas de la société émettrice. De ce fait, elles peuvent faire l’objet
d’une cession par l’associé lui-même.

Une telle cession est évidemment plus ou moins facile au sens de la réalisation concrète de l’opération (formalisme)
mais également au sens plus ou moins libre. Même si ce sont des biens dont chaque associé est propriétaire, ce ne
sont pas des biens communs car ils ont été émis, créé par la société et qui confère des prérogatives exercées dans la
société. Ces biens sont associés à des prérogatives ou des obligations qui vont s’exercer dans la société, dans une
tierce personne morale. C’est pourquoi les cessions ne sont pas toujours libres car elles intéressent la société et
l’intuitu personae.

On pressent alors que dans les sociétés de personnes, les cessions ne sont pas libres alors que dans les sociétés de
capitaux les cessions d’actions seront plus faciles et connaitront moins d’entrave sous réserve de clause tendant à
contrôler la circulation des actions, admises dans les sociétés non cotées (pas dans les sociétés cotées).

Il existe en effet des sociétés ouvertes et des sociétés fermées. Les sociétés ouvertes admettent librement la cession
des titres et les sociétés fermées sont celles qui ne l’admettent pas.
61 Droit des sociétés

B. Les clauses limitatives de la cession des parts sociales ou actions

Toute société peut avoir un intérêt à contrôler les entrées et les sorties d’associés au nom de l’intuitu personae. En
effet, ces cessions ne se ramènent pas à un simple flux financier. Ce sont là au contraire des opérations
déterminantes pour assurer la cohésion de l’actionnariat, la stabilité d’une politique sociétaire. Le législateur a
alors établi des procédures de contrôle des cessions de droits sociaux (parts sociales et actions). Cela est surprenant
s’agissant des actions car ce sont des biens entrant dans la catégorie des biens à valeurs mobilières donc qui sont
faites pour circuler librement et rapidement, sans formalisme. Ce sont des biens plus que cessibles (Thaller).

1. Cession des droits sociaux

₁. Les cessions de parts sociales

Les parts sociales, à l’inverse des actions, ne sont pas conçues pour circuler librement, sans formalisme de sorte que
la prévision légales ou statutaire de clauses, notamment d’agrément, sont parfaitement licites. SNC, sociétés civiles,
SARL.

Dans la société en nom collectif (SNC), le principe qui régit les cessions de parts sociales est le principe de
l’unanimité. Ce principe est sans dérogation possible. L’article L 221-13 al 2 et 3 Code de commerce dispose que
« Les parts sociales ne peuvent être cédées qu'avec le consentement de tous les associés. (al 1) Toute clause contraire
aux dispositions du présent article est réputée non écrite. ». le principe est donc l’unanimité. La clause est alors
réputée non écrite. C’est l’éradication appelant à une analyse.

Dans les sociétés civiles, l’article 1861 al 1 et 2 du Code civil dispose que « Les parts sociales ne peuvent être cédées
qu'avec l'agrément de tous les associés. (al 1) Les statuts peuvent toutefois convenir que cet agrément sera obtenu à
une majorité qu'ils déterminent, ou qu'il peut être accordé par les gérants. Ils peuvent aussi dispenser d'agrément les
cessions consenties à des associés ou au conjoint de l'un d'eux. Sauf dispositions contraires des statuts, ne sont pas
soumises à agrément les cessions consenties à des ascendants ou descendants du cédant. (al 2) ». Le principe est
donc l’unanimité. Toutefois, les statuts ou les gérants peuvent alors déroger à ce principe. Des dérogations sont
donc possibles.

Pour la SARL, l’article L 223-13 al 2 et 3 du Code de commerce dispose que « Les parts sociales sont librement
transmissibles par voie de succession ou en cas de liquidation de communauté de biens entre époux et librement
cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants. (al 1)
Toutefois, les statuts peuvent stipuler que le conjoint, un héritier, un ascendant ou un descendant ne peut devenir
associé qu'après avoir été agréé dans les conditions prévues à l'article L. 223-14. À peine de nullité de la clause, les
délais accordés à la société pour statuer sur l'agrément ne peuvent être plus longs que ceux prévus à l'article L. 223-
14, et la majorité exigée ne peut être plus forte que celle prévue audit article. En cas de refus d'agrément, il est fait
application des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 223-14. Si aucune des solutions prévues
à ces alinéas n'intervient dans les délais impartis, l'agrément est réputé acquis. (al 2) ».

Cet article traite des cessions par voie successorale, de nature familiale. Le principe est donc ici celui de la liberté.
Cependant, les statuts peuvent stipuler que le conjoint, un héritier, un ascendant qu’après avoir été agréé dans les
conditions de l’article L 223-14. Ainsi, le principe est la liberté sauf si.

L’article L 223-14 al 1 du Code de commerce traite des cessions à des tiers étrangers. Il dispose que « Les parts
sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés
représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte ». Le
principe est donc celui de la majorité des associés à la moitié des parts sociales et des associés. La majorité est donc
double (associés et parts sociales). Les statuts peuvent alors prévoir une majorité plus forte (pas moins).
62 Droit des sociétés

Soit l’agrément n’est pas donné dans le délai de trois mois, le silence vaut acceptation. Soit l’agrément est délivré, le
cessionnaire tiers étranger devient associé. Soit il y a un refus d’agrément. Dans ce cas, il existe une obligation de
rachat des parts du cédant dans les trois mois à compter du refus pour que le cédant ne demeure pas prisonnier de
la société. Le droit cherche un équilibre entre le droit de vente de ses parts et la renonciation à la qualité d’associé
et le droit d’écarter l’arrivée d’un indésirable.

Cette obligation de rachat fait que les associés doivent racheter les parts du cédant ou un autre tiers qui aurait été
agréé ou la société personne morale. Si la société acquiert les parts, elle doit les annuler car elle ne peut auto détenir
des parts.

Enfin, l’article 223-16 du Code de commerce vise les cessions entre associés. Ce texte dispose que « Les parts sont
librement cessibles entre les associés. (al 1) Si les statuts contiennent une clause limitant la cessibilité, les dispositions
de l'article L. 223-14 sont applicables. Toutefois, les statuts peuvent, dans ce cas, réduire la majorité ou abréger les
délais prévus audit article. (al 2) ». Le principe est la liberté mais si les statuts contiennent une clause, les
dispositions de l’article L 223-14 du Code de commerce sont applicables. Toutefois, les clauses peuvent réduire la
majorité double et la durée. Le contrôle est donc possible et peut être plus souple.

₂. La procédure de contrôle de la circulation des actions

Ils peuvent pourtant circuler sans entrave. Pourtant, ils sont négociables selon des modalités simplifiées, à partir
d’un ordre de mouvements émanent du cédant, suivi d’une inscription en compte du cessionnaire. Le formalisme est
alors simple. C’est un transfert de compte à compte : du compte du cédant vers le cessionnaire. Si le cessionnaire
n’est pas encore actionnaire, on lui ouvre un compte à son nom.

On vise les sociétés par actions (SA, SAS, SCA).

Pour la SAS, cette société est régie par le principe de liberté. Ce principe s’exprime dès l’article 227-14 du Code de
commerce qui traite des cessions. Ce texte est très libéral. Ce texte dispose que « les statuts peuvent soumettre
toute cession d'actions à l'agrément préalable de la société. ». Ce texte est très général. C’est donc une possibilité
seulement de soumettre à agrément de l’organe déterminé dans la clause toute cession. Ce texte indique également
la sanction en cas de transgression de la procédure d’agrément (article L 227-15). La sanction est la nullité de la
cession. Ces procédures d’agrément ne sont pas prévues ni régies par la loi. Celle-ci se contente de les autoriser. Les
statuts doivent alors les concevoir.

Pour la SA (et SCA), l’article L 228-23 du Code de commerce dispose que « Dans une société dont les actions ne sont
pas admises aux négociations sur un marché réglementé, la cession d'actions ou de valeurs mobilières donnant accès
au capital, à quelque titre que ce soit, peut être soumise à l'agrément de la société par une clause des statuts. (al 1)
Une clause d'agrément ne peut être stipulée que si les titres sont nominatifs en vertu de la loi ou des statuts. (al 2)
Cette clause est écartée en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession, soit à un conjoint,
soit à un ascendant ou à un descendant (al 3) ». Cette article traite de la clause.

En outre, l’article L 228-24 du Code du commerce précise que « Si une clause d'agrément est stipulée, la demande
d'agrément indiquant les nom, prénoms et adresse du cessionnaire, le nombre des titres de capital ou valeurs
mobilières donnant accès au capital dont la cession est envisagée et le prix offert, est notifiée à la société. L'agrément
résulte, soit d'une notification, soit du défaut de réponse dans un délai de trois mois à compter de la demande. […] ».

Dans une SA, des clauses statutaires restreignant la libre négociabilité des actions peuvent être introduites dans
les statuts. La disposition n’impose pas mais admet le principe de rédiger des clauses d’agrément. Si les statuts en
comporte, le législateur prend la main. C’est donc une faculté qu’ont les associés mais la procédure légale et le
champ d’application légal est incontournable. C’est donc moins libre que pour les SAS. Ces clauses constituent des
exceptions au principe de la libre cessibilité et donc doivent être interprétée strictement.
63 Droit des sociétés

Ce peut être des clauses d’agrément, de préemptions mais ces dernières ne sont pas réglementées (commencer par
proposer en au bénéficiaire de la préemption d’acquérir par priorité les parts). Cette deuxième clause est une clause
de rachat par priorité. Enfin, il peut y avoir une clause d’inaliénabilité. Cette clause porte une atteinte frontale au
principe de la libre négociabilité. Elle interdit de vendre et ce, pendant plusieurs années éventuellement.

L’objet de ces clauses est d’empêcher qu’un actionnaire vende tout à fait librement ses titres soit à un tiers soit à
un actionnaire déjà en place. Seul le principe de négociabilité n’est pas d’ordre public. En revanche, le principe de
cessibilité est d’ordre public.

Dans les sociétés cotées (pas SAS), la situation est différente car il s’agit d’assurer la fluidité du marché financier, du
marché boursier afin d’assurer la liquidité des titres. La circulation sur le marché doit se faire sans entrave. C’est
pourquoi l’AMF considéra vite lors d’une recommandation de 1971 que ces clauses sont incompatibles avec les
caractéristiques du marché boursier. Elle a alors interdit le maintien de ces clauses restrictives dans les statuts de
sociétés qui accèdent au marché boursier. Lors de l’introduction en bourse, les statuts des sociétés visées doivent
être vidés de toutes ces clauses restrictives. Cette recommandation figure à l’article 228-23 du Code de commerce
qui dispose que « Dans une société dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé
[…] ». La situation est donc opposée pour les statuts dont les titres sont admis aux négociations sur un marché
financier.

De plus, l’article 231-6 du règlement général de l’AMF dispose que « Sauf exceptions mentionnées à l'article 233-1,
l'offre doit viser la totalité des titres de capital et donnant accès au capital ou aux droits de vote de la société visée. ».
Aucune clause ne peut être opposée.

2. Clause d’agrément dans la SA

Elle a été admise par la loi 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales qui accepte d’introduire dans les statuts des
SA une clause d’agrément. La cession est alors soumise à l’accord préalable d’un organe de la société (Assemblée
générale, Conseil d’administration). C’est un moyen efficace d’empêcher l’entrée dans la société d’un tiers. Cela
empêche aussi un changement de contrôle en interne par un actionnaire qui viendrait à acquérir les parts et
dépasser la majorité ou une minorité de blocage. Cela permet un contrôle de la répartition des répartitions.

Ces clauses n’ont pas fait l’objet d’une interdiction du titre malgré le principe de libre négociation des titres.

Ces clauses sont aujourd'hui soumises aux textes 228-23 et -24. Ce régime se veut équilibré. Il concilie à la fois la
possibilité pour le cédant de céder et donc de ne pas demeurer prisonnier dans la société mais avec la possibilité
pour ceux qui demeurent dans la société d’empêcher ce que l’on craint (indésirable ou renversement dans la
répartition du capital).

₁. Le domaine d’application de la clause d’agrément dans al SA non cotée

Article 228-23 du Code civil : « Dans une société dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un
marché réglementé, la cession d'actions ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque titre que ce
soit, peut être soumise à l'agrément de la société par une clause des statuts. (al 1) Une clause d'agrément ne peut
être stipulée que si les titres sont nominatifs en vertu de la loi ou des statuts. (al 2) Cette clause est écartée en cas de
succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un
descendant (al 3) »

La procédure d’agrément n’est applicable que si elle prévue par une clause des statuts. Ce n’est pas la loi qui impose
mais les associés. Elle est opposable à tous et aux futurs associés du fait de sa présence dans les statuts. C’est donc
une manière de rendre opposable erga omnes l’existence d’une clause d’agrément. La clause peut figurer dans les
statuts d’origine.
64 Droit des sociétés

La question est alors si elle est introduite en cours de vie sociale. Est-ce une obligation des engagements des
associés ? Cass. 1937 : la Cour de cassation a considéré qu’il ne s’agit pas d’une augmentation d’engagement mais
de la diminution d’un droit. On distingue donc l’augmentation d’un droit à la diminution du droit.

En outre, une telle clause ne peut être stipulée que si les actions revêtent une forme nominative. Les actions sont
donc inscrites sur un compte tenu par la société émettrice elle-même. À tout moment, la société peut connaitre
l’identité des actionnaires. Cette précision concerne au premier chef les sociétés non cotées. La clause d’agrément
ne peut viser que les actions revêtant la forme nominative donc les actions non cotées.

De plus, l’article 228-23 exclu la possibilité de soumettre à un agrément préalable certains types de cessions ou de
transmission. Cette liste est d’interprétation stricte et limitative. Le point commun à ces opérations attrait à la
personnalité du cessionnaire (proche parent). En pareil circonstance, le législateur considère que le cessionnaire
continue la personne du cédant et qu’il n’y a pas de vraie atteinte à l’intuitu personae. Tous sont des personnes
physiques. La transmission à des personnes morales n’entre pas dans le champ de la restriction. Cependant, le fait
que ces cessions ne puissent pas être contrôlées constitue un véritable inconvénient auxquels échappent tant la
SARL que la SAS. Seul la SA est soumise à de telle réglementation.

La SA est donc peu attractive.

En outre, l’article 621-58 du code de commerce in fine dispose : Les créanciers bénéficiaires de ces cautionnements
peuvent prendre des mesures conservatoires.

Enfin, la clause d’agrément n’est plus interdite dans l’hypothèse de la cession entre actionnaire. L’article 228-23
supprime, depuis l’ordonnance du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières, en effet, la
mention qui existait dans l’ancien texte selon laquelle « à un tiers ».

Cass. Com. 10 mars 1976 est venu préciser le sens du mot tiers. Il s’agit de toute personne qui n’est pas déjà
actionnaire. Il n’y avait d’autre possibilité que de conclure que cette clause ne puisse s’appliquer aux autres
actionnaires. Cela pouvait conduire à des renversements de majorité.

En outre, le terme cession de l’article 228-23 doit être largement compris. Il s’entend d’une vente, d’un échange,
d’un apport en société, d’une donation. La cession peut être volontaire ou involontaire. Ce peut être aussi pour le
nantissement (cf. cours L2 droit commercial).

Une difficulté particulière apparait en présence d’un actionnaire


personne morale. La SA comporte parmi ses actionnaire une société.
La personne morale peut-elle librement céder ses parts sociales ? la
clause d’agrément peut-elle contrôler la cession des titres de la SA ?
NON, elle ne peut contrôler que la circulation des actions de la SA et
non les parts sociales de la SARL. C’est le principe de l’autonomie des
personnes morales.

Cass. Civ. 13 décembre 1994 Midi libre : cet arrêt a indiqué que la clause d’agrément figurant dans les statuts d’une
société A n’avait pas lieu de s’appliquer en cas de cession d’action ou de parts sociales d’une société B (B actionnaire
de A) avec une société C. « Attendu que loi du 24 juillet 1966, tout comme les statuts de la société du Journal, ne
prévoit la procédure d'agrément que pour la cession des propres actions d'une société, et non pas pour la cession des
parts ou actions composant le capital de ses actionnaires ».
65 Droit des sociétés

La clause d’agrément est inefficace en cas de cession des titres des sociétés actionnaires ce qui alors ne permet pas
de lutter contre les prises de contrôle indirecte. C’est donc un risque contre des prises de participation ou de
majorité. La solution eut été pour la société A d’introduire une clause d’exclusion dans les statuts susceptible d’être
mise en œuvre pour passer la société B actionnaire pour qu’elle ne contrôle pas la société A. Cet arrêt admet alors
les clauses d’exclusion.

₂. La procédure d’agrément

228-23 et 228-14 du Code de commerce : obligation de notifier à la société le projet de cession. Qui est la société ?
C’est le représentant légal, l’organe habilité à l’incarner. C’est le DG de la société. La notification doit mentionner un
tas d’élément. Il faut indiquer l’identité de la personne qui serait potentiellement associé. Il faut également indiquer
le nombre et la nature des actions (avec ou sans droit de vote). Enfin, il faut mentionner le prix.

L’agrément est ensuite donné ou refusé par la société, c'est-à-dire l’organe investi du pouvoir de représenter la
société ou un autre organe mais il faut qu’il soit déterminé par les statuts. C’est donc soit le DG (représentant légal)
ou l’organe investi par les statuts.

Il existe au moins 3 issues :

- Le silence : l’organe habilité à délivrer l’agrément ne répond pas. Si aucune réponse n’est donnée dans les
trois mois, le silence vaut agrément ;
- L’organe compétent pour agréer peut notifier expressément son acceptation dans le délai de trois mois. Le
cédant, peut prendre part au vote sur l’agrément de la cession s’il est membre de l’organe compétant.
Aucune disposition textuelle ne vient interdire au cédant de prendre part au vote. La décision ne peut être
contestée par les minoritaires. C’est en effet une décision arbitraire, discrétionnaire aux vœux que la
cession se fasse ou non sauf fraude ou irrégularité de la décision ;
- Enfin, l’organe peut refuser d’agréer. Cette issue pose un certain nombre de subtilités. Si le silence vaut
acceptation, pour refuser, il faut réagir dans les trois mois. Refus d’agrément doit être notifié dans le délai
des trois mois. Le cessionnaire pressenti ne peut contester la décision de refus car si le cédant a le droit de
quitter le groupement pour ne pas être prisonnier dans celui-ci, le cessionnaire ne dispose quant à lui
d’aucun droit d’augmenter sa participation ou d’entrer dans le groupement. Le cessionnaire doit donc
accepter la décision. Le refus n’a pas besoin d’être motivé. Le refus risquerait de rendre le cédant prisonnier
de la société. Dans la SA, le législateur a prévu une obligation de rachat des titres. Il est en effet
indispensable de permettre au cédant de quitter la société. En aucun cas celui-ci ne peut demeurer
prisonnier de ces titres. Dès lors qu’il dispose d’un cessionnaire candidat susceptible d’acquérir ces fameux
titres. Sans cessionnaire, ce serait un droit de retrait et non une cession. C’est la protection reine des
minoritaires. Il est donc difficile de quitter une société quand on est minoritaire. Il appartient ici au conseil
d’administration, au Président, d’organiser le rachat des titres dans les trois mois à compter du refus (al 2
article 228-24 Code de commerce).

Cependant, puisqu’il vient d’essuyer un refus, le cédant peut préférer renoncer à son projet de cession. C’est le droit
de repentir consacré par la jurisprudence puis dans l’ordonnance du 24 juin 2004 portant réforme du régime des
valeurs mobilières. Le risque, sans ce droit, serait que la procédure d’agrément se transforme en procédure
d’exclusion. La société quant à elle ne peut revenir sur son refus d’agrément. Par exemple, elle se doit d’acquérir les
titres du cédant si ce dernier n’a pas renoncé. En général, les statuts établissent un ordre de rachat. Ils sont
soucieux d’organiser cette procédure de rachat en déterminant les personnes susceptibles de rachat.

Généralement, les statuts prévoient un rachat par les actionnaires eux-mêmes à proportion de leur part, pour
maintenir les équilibres. Ensuite, le rachat peut être par un tiers qui aura été agréé. Enfin, on peut prévoir un rachat
par la PM elle-même, par la société. Les actionnaires n’ont peut-être par l’argent ou le tiers n’est pas agréé.
Cependant, la PM va alors devenir auto-détentrice des parts ce qui est impossible. Elle devra alors les rétrocéder ou,
66 Droit des sociétés

les annuler si elle n’y arrive pas en déduisant cela du capital. Si la société rachète, il faut un double accord : celui de
l’assemblée générale extraordinaire et du cédant. Le cédant doit être d’accord pour des raisons fiscales comme cela
est traité comme une distribution de revenue. C’est donc taxé fiscalement.

Il reste enfin la question du prix des actions. Une manœuvre est à craindre. Elle consisterait pour le vendeur et le
cessionnaire à fixer un prix très élevé, pour dissuader de refuser l’agrément. À défaut d’accord entre les parties, le
prix est déterminé dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1843-4 du Code civil.

l’article 1843-4 du Code civil : «I. – Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une
cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de
contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal
judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par
les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
II. – Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans
que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les
conditions du premier alinéa.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par
toute convention liant les parties.».

Il est possible d’établir un tiers estimateur chargé de déterminer la valeur des tiers dans le délai de trois mois sinon
l’agrément est réputé acquis.

Le prix proposé par l’expert peu cependant ne pas convenir au cédant de sorte que le cédant peut renoncer à la
cession. C’est de nouveau la reconnaissance d’un droit de repentir. C’est préféré garder les titres plutôt que de les
céder à un prix qui ne lui convient pas.

Il est précédé que le cédant peut « à tout moment renoncer à la cession » (228-24), y compris après l’évaluation des
titres.

En cas d’irrespect d’une étape de cette procédure réglementée, la sanction est efficace. L’article 228-23 dernier
alinéa précise en effet « une cession effectuée en violation d’une clause d’agrément situé dans les statuts est nulle ».
La sanction est donc la nullité. Cette sanction incite au respecte de la procédure.

La jurisprudence, depuis Cass. Com. 18 mai 2010 Larzul (09-14.855, commentaire Paul Le Canu revue des sociétés
2010) qui refuse de considérer la violation des statuts comme une clause de nullité. Seule la loi peut emporter la
nullité des stipulations statutaires. Ce n’est donc pas aux statuts de consacrer cette règle de la nullité des décisions
qui porteraient atteinte à ses stipulations mêmes. Cet arrêt est fondamental !

Il s’est posé la question de savoir si les procédures statutaires d’agrément pourraient entrainer la nullité. En
application de cet arrêt, ce n’est pas possible. Cela fragilise la procédure d’agrément. C’est pourquoi le législateur
est venu prévoir une nullité d’une cession violant la procédure d’agrément.

3. Clause d’inaliénabilité

Le propre des actions est de pouvoir circuler facilement selon une procédure simplifiée. Serait-il possible alors de
stipuler une clause d’inaliénabilité ?

Il est salutaire d’imposer à certaines personnes de conserver leurs actions, donc leur qualité d’actionnaire. Ex :
entreprise familiale car c’est une structure de coopération entre deux personnes. De même, ce peut être le cas pour
les opérations de capital risques (business angel pour les starts up) qui va investir contre une garantie que les
associés demeurent. Dans les sociétés cibles (attirant les investisseurs qui veulent en prendre le contrôle en
67 Droit des sociétés

acquérant la majorité des titres), il n’est pas rare de constituer un noyau dur dt les titres sont déclarés inaliénables.
Le pouvoir ne pourra donc jamais basculer.

₁. Validité

Parce qu’elle est indispensable à la réalisation de certains montages, projets, l’inaliénabilité des actions n’est pas
interdite en soi, en principe. Il n’y a pas de texte.

L’article 900-1 du Code civil dispose que « Les clauses d'inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont
valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. Même dans ce cas, le donataire
ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou
s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige. Les dispositions du présent article ne préjudicient pas aux libéralités
consenties à des personnes morales ou mêmes à des personnes physiques à charge de constituer des personnes
morales.». Cependant, son champ est limité aux biens donnés ou légués qui peut faire l’objet d’une inaliénabilité.

Les clauses ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. Ce texte ne
peut-il pas être transposé en droit des sociétés ? La question est discutée car certains auteurs considèrent qu’une
inaliénabilité frappant les actions dénature la SA (Yves Guyon). Les actions en effet sont conçues pour circuler
facilement ce qui dénature la SA.

Cass. Com. 31 octobre 2007, Galienne (05-14.238) : la Cour de cassation a admis cette clause d’inaliénabilité. Dès
lors qu’elle est limitée dans le temps et justifié par un intérêt sérieux et légitime, une clause peut être stipulée dans
un acte à titre onéreux. La décision semble pouvoir s’adapter aux cessions de droits sociaux qui est par nature un
acte à titre onéreux. Même si cet arrêt ne vise pas spécialement les titres, il est transposable. L’article 900-1 traite
des actes à titre gratuits et cet arrêt vise les actes à titres onéreux.

Qu’est-ce que l’intérêt sérieux et légitime (appréciation souveraine des juges du fonds) ? Cela pourrait être l’intérêt
social. Il faut probablement que la clause d’inaliénabilité soit conforme à l’intérêt social.

La loi sur la SAS valide une telle atteinte (article 227-13 du Code de commerce). Les statuts peuvent prévoir
l’inaliénabilité des actions pour une durée n’excédant pas 10 ans. Il n’est même pas fait référence à un intérêt social.

₂. Sanction

Lorsque la clause figure dans les statuts, la cession est-elle inopposable à la société ou nulle ? Or le cas de la SAS, la
nullité n’est pas expressément donnée par un texte. Cependant, si la clause est statutaire, elle figure dans mes
statuts et est publiée en même temps que les statuts eux-mêmes. Cependant, seul le législateur peut déterminer si
la cession est nul (arrêt Larzul). La sanction n’est donc probablement pas la nullité. Dans la SAS l’article 227-15 du
Code de commerce prévoit la nullité.

4. Le régime du transfert de propriété des actions

Si on achète des actions, on a une qualité nouvelle. Le transfert de propriété entraine le transfert de droits.

Conformément au droit commun de la vente (cf. droit des contrats spéciaux), le transfert de propriété s’opère dès
qu’il y a accord sur la chose (titre et quantité) et sur le prix. C’est le principe du transfert solo consensu (article 1583
du Code civil) c'est-à-dire avant même que les actions soient inscrites en compte ouvert au nom de l’acheteur.

Cependant, depuis l’ordonnance du 24 juin 2004, le transfert de propriété des actions s’opère à la date de
l’inscription au compte. Le transfert est donc différé jusqu’à l’inscription des valeurs mobilières au compte de
l’acheteur (L 228-1 in fine). Il y a donc en la matière, pour la vente des actions, une exception à la règle traditionnelle
de droit civil. C’est donc une référence plus objective. C’est à compter de l’inscription aux comptes que les créanciers
68 Droit des sociétés

du cédant ne peuvent plus saisir les actions car le cédant n’est plus propriétaire. Enfin, cette inscription renforce la
protection de l’acquéreur (L 211-16 CMF). L’inscription aux comptes purge les vices (article 2276 du Code civil). En
fait d’action possession vaut titre de propriété.

Article L 211-16 CMF : « Nul ne peut revendiquer pour quelque cause que ce soit un titre financier dont la propriété a
été acquise de bonne foi par le titulaire du compte-titres dans lequel ces titres sont inscrits ou par la personne
identifiée par le dispositif d'enregistrement électronique partagé mentionné à l'article L. 211-3. »
69 Droit des sociétés

Chapitre 2. Les dirigeants

La société ne peut agir que par l’intermédiaire de ses organes. C’est la théorie de l’organe, de la personnalité
morale. Parce qu’elle doit intervenir par l’intermédiaire d’organe, est-ce un mandat ? Peut-on considérer que les
représentants sociaux sont les mandataires de la personne morale, des associés ? Les organes sont-ils donc des
mandataires de la société ?

Cass. Com. 18 septembre 2019 (16-26.962) : alors même que dans la SA on parle de mandataire sociaux,
l’expression est impropre. Attendu que « le dirigeant social d'une société détient un pouvoir de représentation de la
société, d'origine légale, l'arrêt retient, à bon droit, que les dispositions spécifiques du code civil régissant le mandat
n'ont pas vocation à s'appliquer dans les rapports entre la société et son dirigeant ». Il est donc impossible
d’attribuer à la société la dette de responsabilité du dirigeant.

Les dirigeants sociaux ne peuvent donc pas être vus comme les mandataires des associés car ils agissent au nom et
pour le compte de la société, qui sera, à l’arrivée, seule tenue d’exécuter les engagements pris en son nom. Ce ne
sont pas les associés.

Les dirigeants sociaux ne sont pas également les mandataires de la société car celle-ci n’a pas de volonté car c’est un
être fictif, créé intellectuellement. De plus, les pouvoirs des dirigeants sont plus ou moins déterminés par la loi de
sorte qu’il est difficile que les pouvoirs de ces dirigeants émanent d’un contrat de mandat, ils émanent de la loi.

Les dirigeants ne sont donc pas des mandataires sociaux. Il est préférable de considérer qu’ils sont dans une
situation particulière, originale, propre. Ils sont des organes sociaux institués par la loi et dont les pouvoirs sont
majoritairement établis par la loi. Ce sont des organes conçus pour incarner cette personne morale.

Seuls certains organes déterminés par la loi ont qualité à agir au nom de la société c'est-à-dire ont qualité pour la
représenter. Ce ne sont pas les associés qui engagent la société, qui la représentent, sous réserve du cas précis de la
SNC, car l’article L 221-3 du Code de commerce énonce explicitement que « tous les associés sont gérants ».

 Dans une SA : DG
 SAS : Président

Cependant, à titre exceptionnel, les associés peuvent agir à la place des représentants sociaux. Ce peut être par
exemple afin d’engager la responsabilité civile ou pénale des dirigeants ayant causé un préjudice à la société
personne morale car un dirigeant ne va pas agir contre eux-mêmes. Cette action sociale, exercée ut singulier par les
associés, va protéger l’intérêt social. Cette action sociale est prévue par tous les textes. Dans le droit commun, il
s’agit de l’article 1843-5 du Code civil. Pour les sociétés par action, c’est l’article 225-52 du Code de commerce. Pour
la SARL : L 223-22 al 3 du Code de commerce.

Les associés peuvent aussi s’emparer de la défense de l’intérêt social en sollicitant auprès du juge l’intervention
d’un mandataire ad hoc. C’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de vaincre l’inertie, la passivité ou la mauvaise volonté
des dirigeants. Les associés, ici n’agissent pas eux-mêmes mais vient un mandataire judiciaire. Cet exemple est
exceptionnel car il faut que la société soit menacée d’un péril imminent menaçant la survie de la société. Dans un
tel cas, il est possible à un associé de demander la désignation d’un administrateur provisoire c'est-à-dire d’un
administrateur qui va dessaisir les dirigeants en place et exercer leur fonction.

La véritable exception est l’action sociale ut singulier.

L’administration d’une société suppose concrètement la mise en œuvre de deux pouvoirs différents. Ces pouvoirs
sont en premier lieu le pouvoir de décision et le pouvoir de gestion qui concernent l’élaboration des décisions de
gestions. Le deuxième type est le pouvoir de représentation. Il concerne l’exécution des décisions dans les rapports
70 Droit des sociétés

avec les tiers. C’est-ce second pouvoir qui fait que certains dirigeants vont être habilités à représenter la société.
Dans les dirigeants, il y a donc deux types de dirigeants. Tous les dirigeants ne représentent pas nécessairement la
société, certains ont les deux types de pouvoirs. À l’inverse, dans une SA comportant un directoire (5 personnes),
c’est-ce collège qui gère la société. Cependant, un seul seulement détient le pouvoir de représentant. C’est le
Président du directoire qui est le représentant de la société. Le directoire vise les 5 membres, le Président est celui
qui représente.

Section liminaire : la désignation des dirigeants sociaux

En principe, ce sont les associés qui désignent les représentants de la société. Cela est une manifestation du pouvoir
des associés, d’un droit politique. Le pouvoir de nomination appartient à la base, aux associés parties au contrat,
sous réserve du cas particulier de la SAS (société libérale où la désignation relève de la liberté statutaire : article 227-
5).

De même, ce sont les associés qui en principe révoquent les dirigeants, les représentants. Dans les petites sociétés,
le dirigeant, qu’il soit gestionnaire ou représentant, est souvent en même temps l’associé majoritaire. La situation
est différente dans les grosses structures, surtout si elles sont cotées en bourses. Dans ce cas, les dirigeants sont
d’authentiques dirigeants professionnels. S’ils ne détiennent pas de titres, on parle de dissociation du capital et du
pouvoir. Les dirigeants ne sont pas nécessairement des actionnaires. On a affaire à deux catégories de personnes.

Cette question de la nomination des dirigeants intéresse aussi les tiers, et particulièrement s’agissant des
représentants, de ceux qui peuvent agir au nom de la société. Ceux-ci doivent être informés des changements
affectant la direction et la représentation de la société. Le nom et la qualité des dirigeants doivent être publiés. Il
peut être publié dans un JAL (article R 210-4 8° et 9° du Code de commerce) ou une inscription au registre du
commerce et des sociétés, suivis d’une mention sur l’extrait Kbis 1 (article R 123-54) ou une insertion au BODAC
(article R 123-157 6°).

Cette publicité est originale parce qu’elle a pour effet de purger, d’effacer, les vices de désignation. Dès lors que le
dirigeant est mentionné à travers l’accomplissement de ces trois formalités de publicité, les tiers sont fondés à
imaginer que celui-ci qui est désigné a été nommé de façon régulière et a les pouvoirs de la société.

L’article 1846-2 du Code civil énonce que « ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs
engagements, se prévaloir d’une irrégularité dans la désignation des personnes chargées d’administrer… ».

De même, l’article L 210-9 du Code de commerce dispose que « Ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se
soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination des personnes chargées de gérer,
d'administrer ou de diriger la société, lorsque cette nomination a été régulièrement publiée.
La société ne peut se prévaloir, à l'égard des tiers, des nominations et cessations de fonction des personnes visées ci-
dessus, tant qu'elles n'ont pas été régulièrement publiées. ».

Il faut donc protéger les tiers. Une fois que la nomination ou la cessation des fonctions de direction a été
régulièrement publiée, la société peut s’en prévaloir à l’égard des tiers. La théorie du mandat apparent n’a même
pas à jouer en pratique. Il faut, mais il suffit, que le tiers consulte le registre du commerce ou l’extrait kbis pour
vérifier que la personne dirigée est le dirigeant sans se soucier du respect des conditions de nomination.

Section 1. Les pouvoirs des dirigeants sociaux

Ils sont largement déterminés par la loi à tel point que les clauses des statuts restreignant les pouvoirs, qui les
limitent, sont inopposables aux tiers, quand bien même sont-elles publiées. Le tiers n’a pas à consulter les statuts.
C’est le système du pouvoir légal. Les dirigeants ont les pouvoirs les plus étendus pour pouvoir agir en toute

1
C’est la carte d’identité de la société.
71 Droit des sociétés

circonstance pour la société, pour protéger les tiers. Ce système est issu du DUE (dans les sociétés à risque limité,
1re directive du 9 mars 1968 devenue du 14 juin 2017).

Quel qu’ils soient, les dirigeants ont l’obligation d’agir dans l’intérêt de la société. C’est l’intérêt social. La violation
de cet intérêt social est un critère de repérage des éventuelles fautes commises par eux. La responsabilité des
dirigeants est alors susceptible d’être engagée. Cela protège les associés.

Il n’en demeure pas moins que l’étendue des pouvoirs des dirigeants ne s’apprécie pas de la même façon selon que
l’on envisage les rapports internes (au sein de la personne morale) ou les rapports externes. De plus, il y a des
distinctions selon que les sociétés sont à risques limités ou illimités.

I. Les pouvoirs des dirigeants dans l’ordre interne

Les solutions sont ici communes à toutes les sociétés quel que soit leur forme. Les dirigeants doivent agir en toute
circonstance dans l’intérêt de la société.

Article 1848 du Code civil : « Dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que
demande l'intérêt de la société. S'il y a plusieurs gérants, ils exercent séparément ces pouvoirs, sauf le droit qui
appartient à chacun de s'opposer à une opération avant qu'elle ne soit conclue. Le tout, à défaut de dispositions des
statuts sur le mode d'administration.».

Article L. 221-4 du Code de commerce : « Dans les rapports entre associés, et en l'absence de la détermination de
ses pouvoirs par les statuts, le gérant peut faire tous actes de gestion dans l'intérêt de la société. En cas de pluralité
de gérants, ceux-ci détiennent séparément les pouvoirs prévus à l'alinéa précédent, sauf le droit pour chacun de
s'opposer à toute opération avant qu'elle soit conclue.».

Cependant, la loi ne définit pas la notion d’acte de gestion. Le législateur attribue souvent une compétence
exclusive à un autre organe même investit de la gestion. L’acte en question qui est étranger à la compétence des
autres organes (assemblée) est un acte de gestion par défaut. Les actes réservés exclusivement à tel ou tel autre
organe (assemblée, Conseil d’administration, le commissaire aux comptes, …) ne peuvent assurément pas être
considérés comme des actes de gestion car ils ne sont pas réservés aux dirigeants.

Par ailleurs, il est parfaitement possible de modifier l’étendue des pouvoirs confiés, conféré au dirigeant par les
statuts. Il existe donc un peu de liberté statutaire dans ce domaine. Toutefois, il est absolument impossible, interdit
d’étendre ses pouvoirs en attribuant au dirigeant des pouvoirs que la loi réserve à un autre organe. C’est le principe
de spécialisation des organes sociaux.

Cette idée fait référence à l’arrêt Motte (Cass. Civ. 4 juin 1946) selon lequel la SA est une société aux organes
hiérarchisés aux compétences exclusives. Cette solution est confortée par la 1re directive communautaire (article
9). Cet article dispose que « la société est engagée vis-à-vis des tiers par les actes accomplis par ses organes, mêmes
s’ils ne relèvent pas l’objet social de la société à moins que lesdits actes n’excèdent les pouvoirs que la loi attribue u
permet d’attribuer à ces organes ». On ne peut pas étendre élargir les pouvoirs de la loi. Il est donc possible de
restreindre, au contraire, les pouvoirs des dirigeants. Les stipulations spéciales, même non prévues par la loi,
peuvent en effet poser des limites, canaliser, réduire les pouvoirs reconnus au dirigeant. Ex : l’autorisation de
l’accord préalable avant l’accomplissement de tel acte.

Afin de protéger les tiers, ces clauses limitatives de pouvoirs des dirigeants n’ont d’effet que dans l’ordre interne.
Dans l’ordre externe, elles sont inopposables au tiers. Leur violation ne remet pas en cause la validité de l’acte
accompli. L’acte est valide dans l’ordre externe mais est susceptible d’engager la responsabilité du dirigeant.
72 Droit des sociétés

II. Les pouvoirs des dirigeants dans l’ordre externe

Une distinction s’impose entre les sociétés à risque limité et illimités s’imposent. Compte tenu de la dangerosité des
unes par rapports aux autres, les choses changent.

A. Société à risque illimité

Dans cette société, tout acte accompli par les dirigeants (les gérants) engage la société à la condition que cet acte
entre dans les limites de l’objet social, s’inscrive bien dans cet objet social. En revanche, si l’acte dépasse l’objet, la
société n’est pas engagée. L’acte est indélicat.

Si le dirigeant ne respecte pas l’objet, la société n’est pas engagée, et par voie de conséquence les associés non plus.
Seul le gérant devra en répondre sur son patrimoine personnel. Cette règle est source d’insécurité pour les tiers qui
peuvent craindre que le gérant dépasse ses pouvoirs. Toutefois, cet objet social est publié dans les statuts. Le tiers
ne peut même pas invoquer l’erreur, la croyance légitime, l’apparence de pouvoir car elle n’est pas légitime. C’est la
loi qui définit cela. Tout cela est un équilibre.

Toutes les clauses qui viendraient réduire les pouvoirs des dirigeants sont inopposables au tiers car ce sont des
clauses statutaires (article 221-49 al 3).

B. Dans les sociétés à risque limité

Ces sociétés sont visées par la directive de 1968. C’est l’inverse de la règle des sociétés à risque illimités. La société
est engagée envers les tiers pour tous les actes accomplis par leur représentant même s’ils dépassent l’objet
social. La société est donc toujours engagée par les actes du dirigeant, l’objet social n’est pas une limite car les
associés sont d’ores et déjà protégés.

Article 223-18 al 6 du Code de commerce (SARL) : « Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants qui
résultent du présent article sont inopposables aux tiers. »

Article 225-56 al 2 (SA) : « Il représente la société dans ses rapports avec les tiers. La société est engagée même par les actes
du directeur général qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet
objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à
constituer cette preuve. »

Article 227-6 du Code de commerce (SAS) : « La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les
conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom
de la société dans la limite de l'objet social.
Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social, à
moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des
circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.
Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de
directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article . »

Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers.

Il y a deux exceptions :

- La société peut échapper à un engagement si le tiers avait connaissance du dépassement de pouvoir c'est-à-
dire s’il était mauvaise foi
- La société peut échapper à un engagement si le tiers ne pouvait en raison des circonstances prétendre
ignorer le dépassement de pouvoir.
73 Droit des sociétés

Toutes les clauses limitatives de pouvoir sont inopposables aux tiers qui n’ont pas à lire les statuts pour cela.

Section 2. La délégation de pouvoirs

Dans les sociétés d’une certaine importance, les représentants (souvent seul) ne peuvent pas faire tout seul. En
pratique, il est donc souvent recouru aux délégations de pouvoir. Ex : le directeur juridique peut traiter des affaires
juridiques. Le DRH reçoit compétence de procéder au recrutement. Le directeur financier peut engager la société à
l’égard des banques ou vendre certains biens.

Il faut cependant distinguer la délégation de pouvoir et la délégation de signature.

I. La délégation de pouvoir stricto sensu

On la nomme encore délégation de compétences. Elle emporte mission de représenter la société. Le DRH va
représenter la société. Cette délégation est effectuée au nom et pour le compte de la société personne morale et
non pas pour le compte du représentant légal. Ces délégations emportent donc représentation de la personne
morale.

A. Condition de fond

La délégation doit émaner d’une personne habilitée à délégué c'est-à-dire qui a reçu les compétences objets de la
délégation. Le délégant doit être titulaire des pouvoirs qu’il délègue (nemo plus iuris…). En outre, elle porte sur une
attribution précise. On ne peut déléguer l’ensemble des pouvoirs qu’à prévu le législateur. Il ne s’agit pas non plus
de la délégation de la titularité du pouvoir mais seulement l’exercice de celui-ci.

B. Condition de forme

Il n’y en a pas. Elle peut être verbale, tacite, résulter des fonctions même du délégataire. Cass. Ch. Mixte 19
novembre 2010 (SAS) (10-10.095)

II. La délégation de signature

Dans ce cas, c’est le dirigeant qui confie le soin de signer un acte. La délégation n’entraine pas pouvoir de délégation
de la représentation de la société mais du dirigeant. L’opération vise donc à relayer la personne du délégant. C’est
ainsi un simple mandat émanant du dirigeant mandant. La société n’est pas ainsi représentée. Cette différence se
répercute sur la question de la fin de fonction. Elle devient caduque en cas de démission, révocation, décès du
dirigeant car c’est lui qui a donné pouvoir et non la personne morale.

Section 3. La question du devoir de loyauté du dirigeant

Commet une faute le dirigeant qui manque à son obligation générale de loyauté à l’égard de la société et de ses
associés soit en tirant profit de sa position au sein de la société pour obtenir des profits de manière déloyale ( Arrêt
Vilgrain, 27 février 1996 : acquisition de droit sociaux auprès d’associé mal informé), soit en faisant concurrence à la
société qu’il dirige (Cass, 15 novembre 2011, n°10-15.049) ou, plus exceptionnellement, qu’il a dirigée. Cette
obligation de loyauté des dirigeants, révélée par la jurisprudence, se fonde sur les dispositions de l’ancien article
1134 du Code civil devenu l’article 1104. Relevons que les associés, qui ne sont pas des tiers, n’ont pas à rapporter
la preuve que la faute commise par le dirigeant est détachable de ses fonctions.
74 Droit des sociétés

Section 4. La responsabilité des dirigeants sociaux

C’est l’obligation de répondre de son comportement. C’est une préoccupation majeure de tout dirigeant.

I. Le domaine de la responsabilité civile

Il y a plusieurs dispositions spéciales en fonction de la forme de la société.

Pour les sociétés civiles, c’est l’article 1848-5 du Code civil. SARL : L. 223-22 du Code de commerce. SA, SCA : 225-
251 du Code de commerce. SAS : 227-7 et -8.

Elle est inefficace car elle vise à obtenir réparation auprès de dirigeants auteur de faute, souvent insolvable alors que
les dommages peuvent être considérables. Il y a un écart entre le montant du dommage et la fortune du dirigeant.

Le régime est inspiré du droit commun de la responsabilité. Il faut une faute, un dommage et un LC. En la matière,
pour la faute, il y a trois séries de faute (textes suscités) :

- Infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés en cause


- La violation des statuts ;
- La faute de gestion (cette notion est très subjective). Ce sont souvent des mesures déraisonnables au regard
des capacités financières de la société.

Le point le plus important concerne ici la responsabilité à l’égard des tiers c'est-à-dire lorsque l’action en
responsabilité est engagée par un tiers, donc dans l’ordre externe. Il cherche à engager la responsabilité personnelle
d’un dirigeant. Dans ce cas, la responsabilité personnelle des dirigeants suppose que ce tiers démontre l’existence
d’une faute détachable des fonctions de direction. Cette notion est issue du droit administratif et est dérivée de la
faut d’un agent public détachable de son service. Cette exigence d’une faute détachable résulte alors d’une
évolution jurisprudentielle.

La condition de la faute détachable complique l’action des tiers. Cette théorie protège alors efficacement les
dirigeants. Le recours à cette notion n’est possible qu’à l’égard des tiers, que lorsque c’est un tiers qui exerce
l’action. En effet, normalement, la faute d’un dirigeant à l’égard des tiers est la faute de la personne morale, le
dirigeant n’est qu’un organe de sorte qu’il est protégé par l’écran de la personne morale. C’est pour cela que la
responsabilité du dirigeant ne peut être engagée qu’en cas de faute détachable sinon le tiers doit se retourner
contre la société. En revanche, cela n’est pas le cas dans l’ordre interne. Il n’y a plus à établir le caractère détachable
des fonctions car l’écran de la personne morale ne s’impose plus entre l’auteur du dommage (dirigeant) et la victime
(associé ou société). La théorie consacre donc une sorte d’immunité mais seulement à l’égard des tiers.

La théorie de la société écran ne fait effet que si elle est dotée de la personne morale, c'est-à-dire si elle est
immatriculée Cass. Com. 6 mai 2008 (note Didier Poracchia, revue des sociétés).

Pour le droit de la faillite, cette notion de la faute détachable se rencontre. Il est tentant pour un créancier impayé
(tiers) d’agir contre les dirigeants personnellement (Com. 7 mars 2006, 04-16.536). Le créancier, pour obtenir auprès
du dirigeant un dédommagement doit démontrer un préjudice personnel (au créancier en question) distinct du
préjudice collectif. De plus, ce préjudice doit provenir d’une faute du dirigeant détachable de ses fonctions.

De façon générale, sont considérée comme séparables les fautes considérables, lié à une activité étrangère à celle de
l’objet sociale. Ce sont des cas extrêmes.

Ex : corruption de fonctionnaire ; transformer d’un local d’habitation en un local commercial ; gérant de SARL
mandaté pour vendre une voiture de sport qui prête cette voiture ; gérant d’une station-service qui masque les
couleurs, logo de la société pétrolière pour les remplacer tant sur la station que sur le tracé de l’autoroute ; gérant
75 Droit des sociétés

d’une société de stage de parapente qui omet de souscrire une assurance ; gérant d’une société de construction de
piscine qui a omis de souscrire une assurance couvrant la garantie décennale des constructeurs.

Un dirigeant engage-t-il sa responsabilité pénale s’il commet une faute détachable de ses fonctions ? La Chambre
criminelle refuse d’appliquer la notion de faute séparable des fonctions. En conséquence, la Cour retient
systématiquement la responsabilité du dirigeant lorsqu’il est l’auteur d’une infraction pénale intentionnelle sans
rechercher le caractère séparable ou non des fonctions de cette faute pénale. La faute est systématiquement
réprimée sans faire application de ce critère (Crim. 5 avril 2018, 16-83.984). La chambre criminelle rejette donc la
théorie de la faute séparable.

Pour la 3e chambre civile et la chambre commerciale, elles considèrent que quand la faute est intentionnelle alors la
faute est détachable des fonctions normales du dirigeant.

Pour Michel Germain, Traité de droit des affaires, quand la faute du dirigeant constitue une faute pénale, la
responsabilité civile de l’auteur de l’infraction pénale, fut-il aussi dirigeant social, lui parait aller de soi.

Cass. 2003. Soc. C. Sati

II. L’exercice de l’action en responsabilité

Il existe 3 types d’action :

- Individuelle
- Ut universi
- Ut singuli

A. L’action individuelle

C’est l’action mise en œuvre par un associé qui demande réparation d’un dommage propre c'est-à-dire qui ne
découle pas de celui causé à la société par le dirigeant de la société. C’est un dommage individuel. L’exercice de
l’action appartient aux associés actuels mais aussi à ceux qui ont quitté la société mais qui demande réparation d’un
préjudice antérieur à leur départ.

Le dirigeant alloue alors l’indemnité alloué aux associés. Les dommages et intérêts ne vont pas dans les poches de la
société mais dans le portemonnaie de l’associé.

La réparation de ce préjudice individuel est devenue exceptionnel. Selon une jurisprudence constante, la réparation
n’est admise que si l’associé a subi un préjudice direct et personnel. Le préjudice ne doit pas être dans le
prolongement de celui subi par la société. Ce n’est pas un préjudice par ricochet. De plus, il est distinct du préjudice
subi par la société. Il se peut même que la société ne souffre d’aucun préjudice. Ce préjudice de l’associé n’est pas
distinct du préjudice social, dans la vraie vie. Ainsi, un associé ne peut se plaindre de la dépréciation de ses parts ou
actions car ce n’est que le corollaire du préjudice social. La réparation de l’un exclut la réparation de l’autre car ce
serait une double réparation pour un même préjudice. Seule la réparation du préjudice social est admise.

Cass. Com. 17 janvier 2018, 16-10.266 (Revue des sociétés, Dalloz, 2018, p. 588, Tap) : SARL, l’action individuelle de
l’associé contre le gérant rejeté au motif que cet associé n’explicite pas quel serait le préjudice distinct de celui de la
société, qui pourrait résulter des fautes du gérant. La solution vaut même en présence d’une société unipersonnelle.

Les cas admis (jurisprudence ancienne) concernent des atteintes aux droits fondamentaux des associés. C’est parce
que ces droits sont fondamentaux, inhérent à leur qualité d’associé, on peut considérer que lorsqu’ils ne sont pas
respecté, l’associé souffre personnellement d’un préjudice.
76 Droit des sociétés

Ex : atteinte au droit de vote (ø convocation) ; atteinte au droit d’information (ø convocation d’une information
avant la tenue d’une assemblée) ; atteinte au droit aux bénéfices (détournement d’une partie du montant du
dividende).

C’est une attitude discriminatoire à l’encontre de tel ou tel associé. Il en est ainsi notamment dans les sociétés
cotées (maison de verre). Il faut garantir la transparence de ces sociétés. La Cour a tendance à considérer que le
préjudice se situe au sein du patrimoine de l’associé (arrêt Gaudriot, Com. 9 mars 2010, 08-21.547, revue des
sociétés, 2010, 230, Hervé Lenabasque).

Lorsque des dirigeants présentent des comptes inexacts, diffusent des informations fausses, mensongères, les
dirigeants commentent un préjudice aux actionnaires qui conservent leurs actions au regard des informations
trompeuses, des perspectives prometteuses (même arrêt).

Cet arrêt ajoute que le préjudice personnel consiste dans la perte d’une chance d’investir ses capitaux dans un
autre placement ou de renoncer dans celui réalisé. Elle s’entend dans la perte du pouvoir d’arbitrer entre 3
possibilités : achats de titre supplémentaire, vente des titres ou conservation.

S’agissant de l’abus de biens sociaux (enrichissement personnel au détriment du patrimoine de la société), l’action
exercée par un actionnaire, au titre de l’abus de biens sociaux, est jugée irrecevable, car en s’enrichissant
personnellement, le patrimoine social subi un préjudice (Crim. 9 mars 2005, Bulletin Joly des sociétés, Lextenso,
2005, p. 959). La dépréciation des titres et la disparition de certains actifs constituent non pas un dommage propre à
l’un des associés, fut-il majoritaire, mais un préjudice subi par la société elle-même.

Crim. Leonarduzzi, 13 décembre 2000, Bulletin Joly, 2001, p. 497

B. L’action sociale ut universi

On ne rencontre jamais cette action. C’est l’action exercée par les représentants sociaux au nom de la société en
raison de la société.

Représentants sociaux :
- SARL : gérant
- Société civile : gérant
- SA : directeur général
- SAS : Président

Elle permet d’obtenir la réparation du dommage subi par l’action du dirigeant. C’est donc une action conçue
comme un mode de protection du patrimoine social. C’est en principe au représentant social d’exercer cette action
au nom de la société. Cette perspective est très hypothétique lorsque ce représentant est l’auteur même du
préjudice, de la faute. Cette action est donc illusoire. C’est envisageable dans une circonstance, en cas de
changement de dirigeant.

C. L’action sociale ut singuli

Cette action est intentée au nom de la société en réparation du dommage causé pour cette dernière. L’action est
exercée, non plus par les représentants mais par les associés eux-mêmes contre les dirigeants fautifs qui risqueraient
de ne jamais agir contre eux-mêmes. Cela emportera réparation du préjudice subi par les associés eux-mêmes,
indirectement.

Cet objectif de restauration du patrimoine social, permet de comprendre aisément que la loi ait ouvert à tout
associé cette action, même s’il ne détient qu’une part sociale ou action. Cette action est à titre subsidiaire c'est-à-
dire à la place des représentants.
77 Droit des sociétés

Cette action est donc exceptionnelle en ce qu’elle permet aux associés d’exercer à titre dérogatoire le pouvoir de
représenter la société. Ils deviennent représentant sociaux d’une certaine manière, pour l’exercice de cette seule
action.

Cette action est subsidiaire dans le sens où elle ne peut être exercée par un associé qu’en cas de passivité du
représentant social. De plus, elle est attachée aux parts ou actions. Elle se transmet donc avec les parts et les
actions. L’associé qui cède ses parts ou actions perd ainsi son droit d’agir. L’action peut être engagée par un associé
agissant seul.

En cas d’indivision, un indivisaire peut-il agir seul ? Oui, si l’indivisaire a la qualité d’associé. Crim. 4 novembre 2009,
Millemann (09-80.818) : Monsieur Gilles X a nécessairement, en sa qualité de coindivisaire, celle d’associé recevable
à agir au nom de la société. Il défend la défense de l’intérêt social. Il défend donc l’intérêt des indivisaires et la valeur
des titres indivis. Ne serait-ce pas une action conservatoire ? (Revue des sociétés, Dalloz, 2010, p. 379, Godon).

Toutefois, l’inconvénient de cette action tient en ce que les frais de procédure sont à la charge du demandeur. Les
DI, en cas de succès de l’action sociale, sont attribuées à la société et non au demandeur. Ainsi, avec une perspective
d’exercice plus fréquente, la loi autorise les actionnaires à se grouper. L’action peut être engagée collectivement,
jusqu’à atteindre un minimum, au moins le 20e du capital (article L 225-252 pour les sociétés par action + R 277-
69?). Dans les sociétés cotées, l’action peut être engagée par une association d’actionnaire selon l’article L 22-10-44.
Ce texte est issu d’une ordonnance qui a localisé dans une rubrique l’ensemble des dispositions des sociétés cotées.
Le droit des sociétés cotées s’autonomise.

Par ailleurs. Crim, 12 décembre 2000 (Bulletin Jolly des sociétés, p. 508, Barbièri). Cet arrêt a affirmé que
l’intervention du représentant légal de la société ne pouvait priver le demandeur du droit propre (de présenter des
demandes au profit de la société et de relever appel en son nom) appartenant à l’actionnaire. En l’espèce, il
s’agissait de représentant sociaux qui avait exercé l’action ut universi mais avait renoncé à interjeter appel et ce au
risque que l’action sociale soit éteinte. Revendiquant leur droit d’agir ut singuli, les associés se sont substitué
représentants.

Ainsi, cette action est une prérogative de contrôle de la gestion qui autorise l’associé à déclencher l’action au nom
de la société mais encore à exercer toutes les voies de recours.

Cette notion de droit propre de l’actionnaire distingue l’action sociale ut singuli de la notion de mandat. Ce n’est pas
la société qui porte mandat mais la loi. La notion de mandat est donc pas à sa place, ne convient pas dans le droit
des sociétés. Cf. supra Com. 18 septembre 2019 (16-26.962).

Est-ce que cette action pourrait se confondre avec la notion d’action de groupe visant à réparer un dommage collectif
? Ici, on répare le préjudice de la société et non le préjudice collectif des associés. Donc ce n’est pas une action de
groupe. Le préjudice propre d’un actionnaire ne peut être réparé que par la voie de l’action individuelle.

Peut-on confondre cette action avec l’action oblique ? Les associés agiraient pour obtenir une réparation indirecte de
leur préjudice. Les associés n’agissent pas en vue d’obtenir une réparation. Ils ne sont pas des créanciers comme les
autres.

C’est donc bien un droit propre. La charge financière est assumée par l’associé qui l’initie (ou le groupe d’associés).
Cela est un frein à l’exercice de l’action. Pour inciter les associés à l’exercer plus fréquemment, il convient de prévoir
que le cout de l’action soit supporté par la société si elle repose sur un fondement sérieux.

D. La prescription

Pour l’action en responsabilité, en matière de SARL et de sociétés par actions, l’exercice de l’action en responsabilité
78 Droit des sociétés

est enfermé dans un délai spécifique de 3 ans à compter du fait dommageable ou de sa connaissance en cas de
dissimulation (225-254 pour les sociétés par actions).

En l’absence de dispositions particulières, le délai est celui de droit commun, à compter du jour où la victime a connu
ou aurait dû connaitre les faits.

Pour les dirigeants de fait, l’action sociale ut singuli est impossible en l’état actuel de la jurisprudence. Cependant, la
jurisprudence a ouvert une novelle en autorisant un actionnaire à solliciter en justice la nomination d’un mandataire
ad hoc qui a pour mission d’agir contre un dirigeant de fait au nom et pour le compte de la société (Com. 29 mars
2017, 16-10.016).

E. L’inneficacité des clauses ou des décisions de l’assemblée restrictive de l’exercice des actions en
responsabilité

Ce sont par ex les clauses d’autorisation, d’avis, de renonciation. Ces clauses sont réputées non écrites.
L’assemblée ne peut voter une décision empêchant l’action en responsabilité. Cette décision est abusive.

Article L 223-22 (SARL) : « Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou
envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité
limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Si plusieurs gérants ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du
dommage.
Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant
dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les
demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les
dommages-intérêts sont alloués.
Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou
à l'autorisation de l'assemblée, ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action.
Aucune décision de l'assemblée ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour faute
commise dans l'accomplissement de leur mandat».

Article L 225-253 (sociétés par action) : « Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner
l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée générale, ou qui comporterait par avance
renonciation à l'exercice de cette action.
Aucune décision de l'assemblée générale ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les
administrateurs ou contre le directeur général pour faute commise dans l'accomplissement de leur mandat.».

Cass. Com. 18 mars 2020 (18-17.010) : il s’agissait d’un dirigeant qui avait constitué une autre société directement
concurrente de la première. Il n’a pas été considéré comme l’auteur d’une concurrence interdite. Il n’avait violé
aucune obligation car il avait obtenu l’autorisation unanime des associés
79 Droit des sociétés

Titre 4 : Les mesures de protections de la société face aux incidents de la relation interne

Chapitre 1 : L’expertise de gestion

Elle correspond à un mécanisme d’information et de contrôle d’opération de gestion a priori suspecte. Les associés
soupçonnent des irrégularités ou des atteintes à l’intérêt de la société mais ils n’en ont pas la preuve. C’est un
moyen d’obtenir par voie judiciaire des éléments d’informations dans le but d’exercer un contrôle de certaines
opérations suspectes. Ce contrôle peut déboucher sur des actions complémentaires. Cette action est propre, elle se
suffit à elle-même. C’est une action destinée à obtenir une information. Sa finalité est informative. C’est un mode de
protection imminent des minoritaires, souvent employés. C’est un moyen préventif. Cette action prépare, facilite,
l’exercice de ces actions complémentaire (révocation, nullité, responsabilité).

Initialement, cette institution a été conçue au bénéfice des seules actionnaires minoritaires de SA (1966). Le
législateur a été amené à l’étendre. Une double extension est intervenue : au niveau des sociétés et des requérants.
En 1984, le législateur a ouvert le dispositif aux SARL. En 1994, avec l’apparition de la SAS, elle comprend ce dispositif
(L 227-1 du Code de commerce). Le législateur déclare que les dispositions relatives aux SA sont transposables aux
SAS dans la mesure de leur compatibilité. Or, cela est compatible. Cela vaut aussi pour la SCA. Aujourd'hui, une
panoplie de sociétés on accès à ce dispositif. Pour les autres, cela n’est pas possible.

Initialement, seuls les actionnaires minoritaires pouvaient saisir le juge pour qu’il désigne un expert. Aujourd'hui, le
Ministère public, le CSE (salariés), AMF (pour les sociétés cotées) et les associations de défense des actionnaires. Il
y a donc une extension à des institutions, aux salariés.

Le visage de l’expertise de gestion s’en est trouvé changé. La mesure ne vise plus seulement à protéger l’information
des minoritaires mais à protéger l’intérêt social et l’intérêt général (AMF et Ministère public).

L’actionnaire d’une société A peut demander une expertise dans une société B si B est une filiale de A. cela consacre
l’intérêt du groupe.

Section 1 : Conditions de recevabilité de la demande

I. Conditions tenant aux personnes

L’action en nomination est une action réservée au sens de la procédure civile ou attitrée. Elle est en effet ouverte à
tout actionnaire dès qu’il détient 5% du capital (article L 225-231). Les minoritaires peuvent se regrouper pour
atteindre ce minimum. Pour la SARL, le minimum est de 10% (article L 223-37).

Cass. Com. 2005 : ce seuil s’apprécie au moment de l’acte introductif d’instance. S’il diminue par la suite, seul le
moment de l’introduction de l’acte d’instance compte.

Après le lancement de l’action, le demandeur peut perdre sa qualité d’actionnaire (exclusion ou cession), l’action
peut prospérer car il était actionnaire au jour de l’action. Cela protège l’intérêt social.

Ordonnance 16 décembre 2020 : elle a portée création d’un chapitre spécial aux société cotées. Désormais, c’est
l’article L 22-10-68 du Code de commerce qui traite de cette possibilité pour l’AMF.

II. Opérations susceptibles d’être expertisées

« Obtenir des informations sur une ou plusieurs opérations de gestion ». Qu’est-ce qu’une opération de gestion ? Le
législateur ne donne ø définition légale.
80 Droit des sociétés

La jurisprudence est alors intervenue. La Cour de cassation retient une définition organique. Il faut que ce soit un
organe habilité à prendre des décisions de gestion. Certains organes fondamentaux, souverains, ne sont pas
habilités à prendre des décisions de gestion donc ne peuvent pas être expertisées (ex : Assemblée des associés ou
actionnaires). Toutes les décisions prises par l’assemblée ne peuvent être expertisées. Or, ce sont souvent les
décisions les plus lourdes. Ex : modification du capital, changement d’objet, augmentation du capital. Un texte vient
consacrer un principe de non immixtion du commissaire aux comptes dans la gestion. Cela est même une faute.

Ce sont donc les décisions prises par le gérant au sens large du terme (Président, gérant, conseil d’administration,
…). Par ailleurs, une autre limite s’évince du texte. Il faut définir les opérations de gestion. Il ne s’agit pas de chercher
sans soupçons sur des opérations identifiées. Il faut désigner telle ou telle opération pour maintenir la stabilité de la
société. Une mission trop générale est déclarée irrecevable.

Depuis une Loi de 2001 (NRE) sur les nouvelles régulations économiques, dans les sociétés par actions (pas SARL),
l’expertise peut s’étendre à des opérations de gestion accomplies par une filiale (expertise de groupe). Cela marque
un abandon de la jurisprudence Cie de navigation mixte (14 décembre 1993).

Com. 10 décembre 2013 : ce peut venir que d’une société dominante. La demande dirigée contre la holding est
irrecevable même si elle est impliquée dans l’opération. C’est le lien de domination qui est pris en considération.
Parce que la société du demandeur avait le pouvoir d’imposée aux filiales contrôlées certaines opérations que celles-
ci méritent d’être expertisées. Cela doit s’apprécier au regard de l’intérêt du groupe.

Section 2 : La procédure de désignation de l’expert

Elle a été remaniée par la loi NRE de 2001.

Pour les sociétés par action, désormais, la procédure de demande se dédouble. Il existe deux phases dans le
processus de désignation. Une phase préalable et une phase judiciaire.

La phase préalable vise à imposer un dialogue entre le demandeur et les dirigeants. Cette phase est une phase de
questions écrites posées au Président/gérant. Ce n’est que dans un second temps, à défaut de réponse ou en cas de
réponse insatisfaisante dans un délai de 1 mois à compter de la réception des questions, les actionnaires
demandeurs peuvent demander en référé la désignation d’un expert chargé de présenter un rapport sur les
opérations au Président du tribunal de commerce.

Cette phase est celle d’un dialogue imposé pour éviter le juge. Cela instaure un mode d’échange entre les
actionnaires et les dirigeants. La loi NRE a institutionnalisé la pratique. L’expertise présente donc un caractère
subsidiaire. Cette condition d’un dialogue préalable ne se retrouve pas lorsque la demande provient du ministère
public, du CSE ou de l’AMF. Ces institutions n’ont-elles pas plus de droit que les actionnaires eux-mêmes ?

La demande doit être présentée en référé. Le législateur n’a pas différencié le référé avec la forme des référés. Or,
pour le référé, il faut une urgence alors pourquoi mettre une phase préalable de 1 mois ?

Dans la SARL, la procédure ne se dédouble pas. Il n’y a pas cette phase de question préalable. L’expertise de groupe
n’existe pas dans la SARL. On ne peut donc enquêter sur des actes des filiales de la SARL.

Section 3. Résultat de l’expertise

Elle n’est qu’une mesure d’informations. Elle aboutit donc à la rédaction d’un rapport écrit présenté aux associés
lors de la prochaine assemblée. La mesure ne produit donc aucun autre effet. Si le rapport est accablant, il faut
engager une nouvelle action contre le dirigeant. Le rapport est déposé aux greffes. Il est donc accessible à toutes
personnes. Le rapport agit donc l’objet d’une publicité. L’image de la société est donc en jeu.

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